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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 22 - Témoignages du 16 juin 2005


CHARLOTTETOWN, le jeudi 16 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 2, pour traiter de la maladie et de la santé mentales.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je vous remercie toutes et tous de votre présence. Mes collègues et moi sommes heureux de pouvoir débattre avec vous de la santé mentale ici à l'Île-du-Prince-Édouard.

Nous avons aujourd'hui avec nous le Dr Ian Reid, qui témoignera à titre personnel, la Dre Tina Pranger, conseillère en santé mentale de la province, Wendy McCourt, directrice du Service à la clientèle de la région sanitaire de West Prince et Jim Campbell, coordonnateur de la lutte contre les dépendances, au Service de santé mentale de West Prince. Je commencerai par ma droite, et je vous demanderai à toutes et à tous de faire une brève déclaration préliminaire, avant de vous laisser répondre aux questions des membres du comité. Merci encore d'être venus.

M. Jim Campbell, coordonnateur, Santé mentale et toximanies, West Prince Health Region : Bonjour. Je vous demanderais d'excuser ma nervosité; je croyais que j'étais venu ici seulement pour seconder Wendy.

Le président : Vous aimeriez peut-être que l'on commence par la gauche, alors?

M. Campbell : Oui, s'il vous plaît.

Le président : Nous ne voudrions pas ajouter davantage au stress mental de Jim, alors si vous le voulez bien, nous commencerons par vous, Ian.

Le docteur Ian Reid, à titre personnel : Volontiers. Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis chirurgien ici, à l'Île-du-Prince-Édouard. Mon voyage jusqu'à vous a été relativement rapide. Il y a environ 10 jours, indigné, j'ai participé à une réunion publique contre l'annulation de la ligne d'aide en santé mentale; de là, j'ai consulté ensuite votre site Web, je lis l'article de Catherine Callbeck, il y a environ 48 heures, j'en parle avec M. Mercer le même jour, et 36 heures après, me voici devant vous. Je n'ai couché mes pensées sur papier que la nuit dernière, à une heure du matin, en sortant de la salle d'opération, mais je les ai à l'esprit depuis longtemps, et si vous le désirez, je vous les soumettrai par écrit plus tard.

J'ai terminé mes études de médecine en 1981. J'ai 48 ans. J'ai suivi la formation standard en psychiatrie, de huit semaines, à Queen's, et je pensais savoir tout ce qu'il fallait sur la maladie mentale pour pratiquer la médecine. Je ne pouvais pas penser autrement, puisque j'avais été un étudiant émérite et que l'on m'avait autorisé à pratiquer la médicine. Pendant les 24 années qui ont suivi, mes patients, mes amis et ma famille m'ont appris ce que l'école de médicine n'a pas fait et ce que de nombreux collègues et de nombreux Canadiens ne savent et ne comprennent toujours pas.

Jusqu'à ma résidence en chirurgie, je n'ai jamais connu quelqu'un qui ait librement admis souffrir de maladie mentale. Je n'ai jamais pensé non plus qu'un de mes collègues ou de mes mentors, quelqu'un à la stature d'un chef de file, puisse souffrir un jour d'un tel handicap. J'étais impatient de devenir chirurgien, impatient de traiter des maladies graves, de guérir des cancers, de sauver des vies. La maladie mentale était pour moi un phénomène marginal.

Pendant ma formation, un de mes professeurs a été hospitalisé pendant plusieurs mois à la suite d'une grave dépression. La plupart d'entre nous sommes restés à l'écart, incertains de ce que nous devions dire ou faire. Il était considéré comme le faible du service.

J'ai été rappelé pour la première fois à la réalité lorsque mon épouse, également médecin, a fait une grave dépression post-partum à la suite de la naissance de notre troisième enfant. Elle était soudainement incapable de travailler intensément, incapable d'assurer des gardes de nuit sans s'endormir, et sa dépression n'a disparu qu'après une longue période de temps. Mes collègues médecins en étaient très peu informés, et plusieurs d'entre eux lui en ont voulu et l'ont critiquée ou condamnée de ne pas avoir été à la hauteur de ses obligations professionnelles, d'avoir levé le pied. Elle était tellement malade qu'elle n'a pas pu reprendre son difficile travail de pédiatre. Notre estime de soi en a souffert, mais nous avons maintenu sous couvert le secret en découvrant que les médecins ne toléraient ni de tels handicaps ni de telles faiblesses de caractère dans leur propre profession. C'est du moins ce qu'il nous en semblait ou ce que nous en pensions en 1990. Même son psychiatre, qui la voyait régulièrement, s'est abstenu de nous présenter une facture, de peur de dévoiler le secret.

Cinq ans après, en 1995, mon oncle, un homme respecté et en bonne santé qui consacrait 70 heures par semaine de travail productif à l'Atlantic School of Theology, dont il était à l'époque recteur, est allé voir son médecin pour lui demander de le référer à un psychiatre. Son médecin lui a dit : « Ed, si vous avez besoin de consulter un psychiatre, je devrais en consulter un moi aussi ». Ed n'a jamais redemandé à consulter un psychiatre. Il s'est promené avec un pistolet dans sa serviette pendant six mois, pour finalement mettre un terme à sa souffrance avec le pistolet dans son bureau. Personne ne l'a su. L'Université en a été choquée, affligée et embarrassée.

Pendant la maladie de Joan, même mes parents, tous deux universitaires pourtant, l'un ministre du culte de l'Église Unie, l'autre enseignant, ont eu de la difficulté à comprendre ce qui arrivait à cette belle-fille autrefois si formidable. Vue de l'extérieur, la personne déprimée semble fainéante, ingrate, égoïste et absorbée en soi. Comment pouvait-elle rester à ne rien faire devant tant de travail? Que pouvait-elle donc bien avoir, se demandaient-ils?

Depuis ces deux épreuves, ma compréhension de la maladie mentale a changé du tout au tout. Bien que je ne sois que chirurgien, maintenant, je vois et je diagnostique souvent pour la première fois les maladies mentales graves chez mes patients. Je suis beaucoup plus conscient des effets émotionnels des diagnostics que je pose dans les cas graves, et je suis conscient des risques de mon échec à ne pas reconnaître et traiter avec respect et compassion mes compagnons de route. Le problème, c'est qu'il m'a fallu passer par deux dures épreuves pour comprendre la réalité de la maladie mentale, comprendre la souffrance et le fardeau supplémentaire des stigmates d'un diagnostic. J'ai appris cela beaucoup trop tard. Mon ignorance, mon ego et ma honte m'ont conduit à occulter, rationaliser et travestir la réalité. J'ai indubitablement et inconsciemment ajouté à la souffrance des autres.

Ce n'est que récemment que j'ai appris que personne n'échappait à la maladie mentale, personne. Mon épouse et moi ne cachons plus notre douleur; nous la partageons et nous avons rencontré de nombreuses autres personnes qui comme nous souffraient en silence. La peur et l'ignorance ont empêché mon oncle de demander de l'aide, comme elles ont isolé ma propre famille des soins de nos amis et collègues. L'ignorance de ma propre profession et le manque de ressources adéquates ont conduit plusieurs collègues directement au carnet d'ordonnances, et elle conduit encore à la persécution des plus faibles.

Nous avons besoins d'une stratégie nationale sur la santé mentale qui s'attaque aux problèmes de savoir et d'attitude. Nous devons éduquer et encourager le public, et sans cesse lui répéter cette nouvelle réalité pour qu'il accepte que la santé mentale est aussi importante que la santé physique. Nous devons considérer la maladie mentale, et possiblement pour cela toute dépendance, comme une maladie acceptable, au même titre que le diabète ou l'arthrite, et nous devons accepter que les personnes qui souffrent de maladie mentale méritent notre respect, notre compassion et notre aide. Nous devons lutter pour changer les attitudes, pour amener les gens à demander de l'aide plus tôt, sans honte et sans perte d'estime de soi, pour qu'une visite à une clinique de santé mentale ne soit pas différente d'une visite à une clinique de médecine sportive.

Nous devons éduquer les Canadiens sur les moyens de préserver leur santé mentale. Si l'école accorde trois heures par semaine à l'éducation physique, pourquoi ne pourrait-elle pas accorder au moins une heure par semaine à l'étude des mécanismes sociaux? Nous devons éduquer les gens aux menaces des maladies et aux facteurs de risque afin qu'ils sachent se faire rapidement secourir.

Pour conclure, Mesdames et Messieurs, nous avons besoin d'un changement radical. Une grande partie de la souffrance actuelle n'est pas justifiée. Des vies, des carrières et des familles pourraient être sauvées, si nous faisions tomber les barrières que j'ai évoquées. Merci.

Le président : Merci à vous, Dr Reid.

La docteure Tina Pranger, consultante en santé mentale, ministère des Services sanitaires et sociaux, province de l'Île-du-Prince-Édouard : Merci. Mon exposé sera quelque peu plus sec que celui du Dr Reid. Je suis ici à titre de conseillère en santé mentale du ministère des Services sanitaires et sociaux de l'Île-du-Prince-Édouard et je parle au nom du Comité des gestionnaires de la santé mentale dont certains membres sont assis derrière moi.

Le président : Ils sont là pour s'assurer que vous les représentez bien, est-ce bien cela?

Dre Pranger : C'est bien cela, mais ils sont là également pour répondre aux questions auxquelles je ne pourrais pas répondre. Je suis la bureaucrate; ils sont les hommes de terrain.

J'aimerais d'abord saluer les membres du comité et vous remercier de l'occasion que vous me donnez de vous parler et de répondre à votre rapport provisoire.

En novembre, lorsque vous avez fait paraître votre rapport provisoire, nous étions très excités. Nous étions excités, parce qu'il nous semblait que le gouvernement fédéral allait enfin se préoccuper de la maladie et de la santé mentales, des dépendances et des personnes qui les soignent ou qui en souffrent. Nous sommes très heureux que le rapport ait été déposé, qu'il ne s'agisse que d'un rapport provisoire et que vous consultiez les intervenants et les malades.

J'aimerais brièvement vous décrire le système de santé mentale de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous disposons de trois centres médicaux pour malades hospitalisés, de cinq centres communautaires de santé mentale, d'un réseau de santé mentale pour enfants, d'un programme de santé mentale pour aînés, d'un système d'intervention d'urgence, de services d'extension pour les personnes souffrant de maladie mentale grave et durable et d'une liaison permanente avec nos partenaires clés. Bien que nous soyons la plus petite province du Canada, nous disposons des mêmes infrastructures et services que les provinces plus grandes, sauf peut-être pour ce qui est des ressources humaines.

Nous recevons environ 1 200 patients par an en hôpital, 2 000 patients dans les centres de crise — essentiellement des salles d'urgence aménagées dans des hôpitaux et des infrastructures communautaires de santé mentale — et environ 5 000 clients par an dans les centres communautaires de santé mentale, dont 1 100 enfants et parents.

J'ai déjà mentionné que le Comité des gestionnaires de la santé mentale était représentatif de la province et des services hospitaliers et communautaires de santé mentale.

Le mémoire que nous avons présenté détaille notre réponse au rapport provisoire. Je soulignerai ici verbalement les quelques points qui nous semblent importants.

Commençons par celui qui s'intitule « Services et soutien : Coordination et intégration du système ». Nous aimons vanter les nombreuses collaborations fructueuses de l'Île-du-Prince-Édouard, peut-être à cause de la petite taille de nos services, de notre obligation de réussir, de la petite taille de nos ressources, mais il est vrai que nous savons être de bons partenaires. La réussite dans le partenariat repose beaucoup sur la bonne volonté et l'intérêt des partenaires — et il semblerait que nous en avons —, sur l'engagement des principaux partenaires — s'assurer de bien inclure tous ceux qui veulent jouer un rôle — et sur un leadership déterminé. De la direction à la base, nous devons nous assurer que nous partageons tous la même volonté et le même désir de collaborer et que nous reconnaissons tous à nos partenaires le droit de décider. Nos partenaires doivent être plus que de simples conseillers : ils doivent, pour le moins, pouvoir prendre des décisions opérationnelles.

Nos partenaires devraient nous apporter un soutien structurel, un soutien administratif, par exemple.

Le rapport provisoire soulève aussi la question d'un financement qui encouragerait cette collaboration. Nous souhaiterions que les budgets des partenariats soient communs, des financements par enveloppe, et qu'ils soient protégés. Je dis cela aujourd'hui, parce que je suis récemment passée aux Anciens combattants et que je peux parler des affaires provinciales sans me faire taper sur les doigts. Trop souvent, les subventions du gouvernement fédéral aux provinces, même lorsqu'elles sont ciblées, ne vont pas nécessairement aux bénéficiaires prévus. Elles finissent souvent dans les coffres généraux. Par conséquent, je crois qu'il est primordial de protéger les subventions, ce que vous évoquez dans votre rapport lorsque vous parlez de faire le tour des dossiers de répartition des fonds.

J'aimerais également répondre à la question de l'amélioration de l'accès. Vous avez posé des questions sur les normes nationales des temps d'attente. Nous sommes très favorables à l'établissement de normes nationales. Nous avons de la chance, ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, d'avoir nos propres normes et nos temps d'attente sont relativement courts pour la plupart des services, sauf peut-être pour les services psychiatriques. Mais il est vrai que des normes nationales nous permettraient de comparer nos temps d'attente et nous fixeraient des objectifs à atteindre.

Vous avez également mentionné le besoin d'un comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé mentale et la lutte contre les dépendances. Comme vous le savez, il existe actuellement au moins deux comités FPT, l'un sur la santé mentale, l'autre sur la lutte contre les dépendances. Nous sommes très favorables à l'établissement d'un comité conjoint. Si nous devons mettre sur pied des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances coopératifs, intégrés et communautaires, nous aurons besoin de comités consultatifs tout le long de la chaîne pour nous guider.

Un comité conjoint FPT pourrait promouvoir l'intégration nécessaire des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances autour d'une politique commune et des normes d'éducation communes. Nous avons déjà commencé cela au niveau FPT. Lors des réunions FPT de printemps du comité sur la lutte contre les dépendances et du comité FPT sur la santé mentale, nous y avons consacré une demie journée. Nous sommes déjà engagés dans cette voie. Mais ces comités ne disposent ni d'un grand pouvoir de décision, ni de mécanismes de reddition de comptes, pas plus qu'ils ne savent exactement qui conseiller.

Parfois, en raison du changement de gouvernement fédéral, la fonction et le processus de reddition de compte des comités consultatifs deviennent moins clairs et nous ne savons plus vraiment qui conseiller. Pour influer sur le changement et la politique, il faudrait une chaîne de responsabilités plus claire.

J'aimerais également répondre à la question des ressources humaines, à savoir la dotation en personnel des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances personnelles et le rôle du gouvernement fédéral dans la dotation suffisante de professionnels. C'est là une question importante. Nous devons souvent nous battre pour maintenir un personnel suffisant dans les services de santé mentale. Nous souhaiterions que le gouvernement fédéral nous aide à mettre en place un plan des ressources humaines, qu'il établisse des normes de subventions par employé, qu'il garantisse une distribution équitable des ressources humaines, résolve le déséquilibre entre la ville et la campagne, élabore et finance des stratégies de recrutement et de maintien en place du personnel, élabore des normes de formation pour les futurs médecins, infirmiers(ères), ergothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues, et cetera., des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances. Le gouvernement fédéral pourrait établir des normes qui garantiraient la qualité de la formation, comme Ian l'a mentionné, de tous ces professionnels.

Il faudrait augmenter le nombre d'étudiants dans les filières de la santé mentale et de la lutte contre les dépendances par plus de financement et de meilleures mesures incitatives. Il semble en effet très difficile d'attirer des individus, les jeunes gens, à la santé mentale et la lutte contre les dépendances. Il ne s'agit pas tant d'augmenter le nombre de professionnels en santé mentale et dans la lutte contre les dépendances que d'augmenter le nombre de demandes d'emploi dans ces services.

De même, il faudrait aider les professionnels en place à se perfectionner et à encourager chez eux la formation réciproque — permettre, par exemple, aux praticiens de la lutte contre les dépendances de former des praticiens de la santé mentale, et vice versa.

L'autre question de ressources humaines à laquelle nous aimerions répondre concerne l'encouragement de la collaboration entre les fournisseurs de soins de santé primaires et les fournisseurs de soins de santé mentale. Nous considérons cette collaboration comme essentielle. Vous êtes certainement au courant des deux Fonds pour l'adaptation des soins de santé primaires qui proposent de nous aider à mieux faire dans ce domaine. Nous avons trouvé que certaines choses fonctionnaient bien, comme par exemple la mise en place de processus de consultation formels entre les services de soins primaires et les services de santé mentale et de lutte contre les dépendances, la mise en place de processus de référence formels et la nécessité d'une formation commune sur des questions d'intérêt commun. Ian a parlé de dépression post-partum. Rien n'empêche les professionnels de la santé mentale et ceux des soins de santé primaires de suivre une formation commune sur ce type de dépression. Comme je l'ai mentionné, il faudrait s'assurer de la qualité des programmes de formation des professionnels, mettre en place des cours fondamentaux sur les soins de santé mentale et sur la lutte contre les dépendances pour les professionnels des soins de santé primaires qui n'auraient pas eu la chance de suivre ces cours pendant leur formation professionnelle, planifier et gérer conjointement les services et programmes — un groupe de gestion de l'anxiété, par exemple — et encourager la participation de tous, le cas échéant.

Le dernier point que j'aimerais préciser, et je reprendrai ici le Dr Reid, concerne notre soutien à l'établissement d'un plan d'action national. Nous avons besoin d'une orientation fédérale. Les provinces ont toutes plus ou moins contribué à l'élaboration et à la structuration de nos plans de santé mentale, mais l'orientation doit venir du gouvernement fédéral. Il est urgent que le gouvernement fédéral élabore un plan national qui circonscrive les paramètres, les lignes directrices et les exigences de responsabilité en matière de santé mentale et de lutte contre les dépendances. Un tel plan permettrait aux provinces et aux territoires d'élaborer, de corriger ou de soutenir leurs propres plans de santé mentale en toute connaissance de cause.

Nous sommes d'avis que ce plan national devrait inclure des normes nationales sur la fourniture des services, qu'il devrait mettre l'accent non seulement sur la santé mentale, mais également sur la promotion de la santé mentale, la prévention de la maladie et le développement communautaire. De trop nombreuses ressources vont dans la guérison et non dans la prévention, pour être crue. Nous devons nous assurer que le plan national focalisera sur la prévention. Vous savez toutes et tous, bien sûr, que l'ACMMSM a proposé un avant-projet de plan national et que nous soutenons ce plan. Nous espérons, une fois encore, qu'il comprendra une clause sur la protection des subventions, la protection de ces fonds alloués à des besoins ciblés et selon des normes établies, afin que ces subventions servent réellement les clients qu'elles étaient destinées servir.

Je crois que c'est tout ce que j'avais à dire pour l'instant.

Le président : Merci.

Alors, Jim, vous sentez-vous prêt maintenant?

M. Campbell : Vous voulez une réponse honnête, monsieur le président?

Le président : Allez-y.

M. Campbell : Deux petits points, avant que je ne commence, alors. Le premier, c'est que mon superviseur et moi avons été avertis en retard de cette réunion à cause de notre emploi du temps. Nous sommes tous deux nouveaux à nos postes et votre invitation nous a quelque peu surpris.

Nous avons essayé dans notre exposé de nous confiner au cadre spécifique de notre petite région sanitaire rurale, et comme je n'ai pas participé au travail d'équipe sur l'exposé de la Dre Pranger, je savais qu'il l'écourterait.

Le président : Non, ce sera utile, parce que nous avons assez d'informations sur la grande ville. C'est très bien ainsi.

Mme Pranger : Nous sommes flattés que vous considériez Charlottetown comme une grande ville.

Le président : Tout est relatif.

M. Campbell : La région sanitaire de West Prince fournit des services à une population de 12 000 à 15 000 personnes et couvre la région de Ellerslie jusqu'à North Cape. Nous nous situons, comme je l'ai mentionné au sénateur Kirby plus tôt, entre le club de golf de Mill River et le club de golf de St. Felix.

Nos services vont du soutien du revenu aux services plus spécialisés de nutrition, de physiothérapie, d'orthophonie et d'ergothérapie en passant par les services de protection de l'enfance, de santé mentale, de lutte contre les dépendances, de soins actifs, de soins à domicile, de soins de longue durée et de santé publique.

Les services de santé mentale et de lutte contre les dépendances couvrent environ 110, voire 150 personnes, si l'on compte les services de lutte contre les dépendances propres. Si vous faites le calcul, vous verrez qu'il s'agit d'un pourcentage relativement élevé de personnes en une fois.

La région de West Prince est avant tout un bassin d'emplois saisonniers dans l'agriculture, la pêche et les services connexes. Les périodes de chômage y sont par conséquent longues, tout comme son économie est l'une des plus déprimées de l'Île. Cette situation est habituellement génératrice de stress, lequel conduit à une aggravation des difficultés sociales qui, à leur tour, contribuent à l'augmentation des besoins en services de santé mentale.

Les services de santé mentale et de lutte contre les dépendances sont combinés et gérés par un gestionnaire, moi en l'occurrence, responsable d'une petite équipe et d'une petite charge de travail. L'équipe comprend trois conseillers dans la lutte contre les dépendances et trios cliniciens en santé mentale. Nos clients sont des familles, des individus et des jeunes. L'un des membres de l'équipe s'occupe spécialement de la santé mentale des enfants, avec pour cadre le développement communautaire. L'équipe peut également compter sur trois infirmiers(ères) à temps partiel qui administrent les médicaments psychiatriques.

Elle peut également compter sur un programme de désintoxication externe conjointement géré avec East Prince Health.

L'accès aux services psychiatriques a longtemps été limité à West Prince. Actuellement, il n'existe pas de service psychiatrique comme tel dans la région de West Prince. Les clients de la région sont suivis à Summerside, où ils sont reçus un jour par deux semaines.

Cette situation est compliquée pour les clients, qui n'ont souvent pas de moyen de transport. Parfois, ils n'ont ni voiture ni argent pour payer leur titre de transport, quand ils n'ont pas épuisé leur réseau de soutien naturel. La solution pourrait venir d'un système de vidéoconférence ou de télémédecine, lequel pourrait faciliter l'accès aux services psychiatriques à partir de West Prince (service direct aux clients et/ou consultation aux fournisseurs de services, par exemple).

Nous avons eu de la difficulté parfois à stabiliser le personnel et fait face également à des départs d'employés. Leur remplacement n'a pas été évident, car il n'est pas facile de convaincre des cliniciens compétents de venir s'établir dans une région rurale. Cette situation ajoute au lot des préoccupations des clients, qui doivent s'habituer à de nouveaux visages et recommencer à zéro leur relation thérapeutique.

L'équipe de santé mentale n'est pas une équipe d'intervention d'urgence. Par exemple, elle n'intervient pas auprès de clients ayant des idées suicidaires ou souffrant d'épisodes psychotiques graves associées à une maladie mentale grave et permanente. Mais elle assure le suivi des clients avec leur médecin de famille et aide à les diriger vers les centres et services de soins appropriés.

Parfois, l'équipe de santé mentale aide certains professionnels à offrir des services de consultation à ses clients. Elle participe également souvent aux travaux de nombreux comités régionaux, comme le comité de l'équipe jeunesse inter-organismes ou le comité de l'ACQ — une initiative sur la qualité —, pour partager son expertise et aider à la mise en place d'un service complet de qualité.

L'équipe utilise elle-même certains services, comme ceux du coordonnateur de la violence familiale, de l'insertion communautaire — qui s'occupe des personnes ayant des troubles intellectuels — et des « Parents Anonymes ». Le cas échéant, elle participe à des conférences de cas interdisciplinaires et s'associe avec d'autres organismes pour élaborer des plans d'intervention en faveur du bien-être général des clients. La Dre Pranger a évoqué l'un des problèmes des régions rurales : la difficulté de recruter du personnel. Comme nous fournissons à notre population tous les services, ou du moins tous ceux que nous pouvons fournir, et comme nous sommes peu nombreux, nous nous retrouvons dès le départ avec un personnel surchargé. La même personne gère souvent les conférences de cas, l'interaction avec les clients et le soutien aux autres organisations. Cette situation a ses bons côtés, mais aussi ses problèmes.

Le président : Merci, Jim.

Ian, je vous remercie beaucoup pour votre récit. Nous avons entendu bon nombre de récits tragiques du genre dans le pays. Il est tout simplement incroyable. Il se trouve que j'ai connu votre oncle, parce que mon père a été professeur à l'Atlantic School of Theology pendant plusieurs années. Merci d'être venu nous raconter cet événement.

Tina, puis-je vous poser deux ou trois questions sur des domaines qui touchent à l'objet de votre exposé? Comme vous l'avez dit, il existe deux comités FPT, l'un sur la santé mentale, l'autre sur la lutte contre les dépendances. On nous a fait croire que le comité sur la santé mentale était effectivement moribond; à proprement parler, qu'il ne faisait rien. Est-ce exact, que pensez-vous de cette allégation?

Mme Pranger : Au cours des dernières années, le comité sur la santé est devenu plus un comité de partage d'information et d'éducation. Nous ne savons plus au juste les uns les autres ce que nous devrions faire de notre statut de conseillers, qui nous devrions en fait conseiller. Nous avions effectivement un rôle de conseillers à un moment donné, mais nous ne l'avons plus. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il est moribond ou défunt, parce nous nous réunissons encore deux fois par année. Mais, nous y partageons nos informations et nous nous y éduquons les uns les autres surtout, ce qui n'est pas sans utilité. En ce qui concerne la politique d'influence, voilà où nous en sommes.

Le président : C'est ce que je voulais dire. Il est peut-être utile pour ses membres, mais il ne va pas nécessairement au-delà.

Mme Pranger : Non, et c'est là une grande inquiétude, parce que si nous souhaitons réellement mettre la santé mentale à l'ordre du jour, ou, du moins, lui donner plus de visibilité sur la scène, il est clair que nous devrions nous doter d'un autre mécanisme.

Le président : Qui préside le comité de santé mentale actuellement? Le savez-vous?

Mme Pranger : C'est moi qui le présidais.

Le président : Vous en étiez présidente jusqu'à votre mutation?

Mme Pranger : C'est cela même.

Le président : Il y a une section dans votre exposé sur l'information, la recherche et la technologie sur laquelle vous n'avez pas développé, mais si j'ai bien compris, l'Île-du-Prince-Édouard est en avance sur plusieurs provinces en matière de dossier médical électronique. Vous avez la taille parfaite pour un projet pilote. Les renseignements sur la santé mentale sont-ils également concernés? Je demande cela parce qu'il est intéressant de noter que beaucoup de patients, si l'on se rappelle les propos de Ian, semblent accepter la valeur du dossier médical électronique quand il s'agit de tests sanguins, et cetera., mais réclament plus de confidentialité dès qu'il s'agit de renseignements sur l'état psychiatrique. Je ne connais aucune administration dans le pays qui ait réussi à faire figurer les renseignements sur la santé mentale dans le dossier médical électronique des patients. Êtes-vous en train de faire cela?

Mme Pranger : Nous avons ce que nous appelons un système de gestion intégrée des services, qui permet de constituer un dossier médical électronique des services de santé communautaire. Les services de santé mentale et de lutte contre les dépendances entrent dans ces services de santé communautaire. N'y entrent pas les services de santé mentale en hôpital. C'est totalement différent, car nous parlons alors de dossiers de patients hospitalisés. Actuellement, il existe deux systèmes distincts. Le point que vous soulevez, sénateur Kirby — la confidentialité des renseignements —, nous occupe toujours. Nous fonctionnons avec les dossiers médicaux électroniques depuis un an maintenant, mais notre équipe de mise en oeuvre continue de se battre sur la question de confidentialité. Comme vous le savez, la maladie mentale porte la marque d'un stigmate et la confiance entre le thérapeute et son client y est essentielle. La confidentialité fait en quelque sorte partie de cette relation de confiance. Nous essayons de trouver un équilibre entre la confidentialité et le partage de l'information.

Le président : Pourriez-vous me donner quelques exemples? Quels types de renseignements autres que les renseignements démographiques classiques contiennent vos dossiers de santé communautaire?

Mme Pranger : Oh ! de tout : les renseignements sur l'accueil, les lettres de référence, les réponses aux questionnaires, les évaluations, les notes du client, tout ce que vous auriez dans un dossier traditionnel.

Le président : Les ordonnances?

Mme Pranger : Également.

Le président : Puisque la grande majorité des services de santé mentale sont des services non hospitaliers, vous êtes en train de recueillir les renseignements sur la santé mentale de la plupart des habitants de la province?

Mme Pranger : Des services communautaires seulement.

Le président : Mais les services communautaires ne doivent-ils pas être un peu plus que les services hospitaliers, ne serait-ce qu'en termes de volume?

Mme Pranger : Les services communautaires ne sont pas des services hospitaliers.

Le président : Non, vous m'avez mal compris. Si vous comparez le nombre de personnes soignées à l'hôpital à celui des personnes soignées hors hôpital, vous verrez que le second est de loin supérieur au premier.

Mme Pranger : Il comprend les soins d'orthophonie, les soins à domicile, les soins de santé publique, le soutien du revenu, la protection de l'enfance, les services de nutrition, donc tout type de soin ou de service social offert au niveau communautaire se trouve dans le dossier médical électronique. Seuls les services hospitaliers n'y figurent pas.

Le président : J'ai une dernière question, puisque vous ne travaillez plus pour le gouvernement.

Mme Pranger : Je suis détachée. Je l'ai dit, non?

Le président : Le sénateur Callbeck et moi avons pris notre petit-déjeuner avec le ministre ce matin. Je suis toujours frappé de voir qu'il existe dans les petites provinces des relations étroites entre les services communautaires et le ministère de la Santé. Vous êtes actuellement en train de restructurer le ninistère et de diviser les affaires sociales et les affaires sanitaires sous deux ministères différents, n'est-ce pas?

Mme Pranger : C'est exact.

Le président : Quel sera l'effet de cette division sur la coopération dont vous parliez? En d'autres mots, comment pourrez-vous continuer à fournir vos services alors qu'ils seront en fait dans deux ministères différents?

Mme Pranger : Je devrais peut-être vous faire revenir à quelques années en arrière. Nous avons connu de nombreuses réformes et de nombreuses restructurations dans les 12 dernières années.

Le président : Comme tout le monde. C'est le lot de tous les ministères de la santé du pays.

Mme Pranger : Nous avons commencé en 1993, lorsque nous avons créé cinq autorités sanitaires pour chapeauter tous les services de leur région, qu'ils soient hospitaliers, non hospitaliers ou communautaires. Ce fut une bonne décision, parce qu'elle a favorisé la continuité des soins aux clients. Le premier changement fractionnel, à défaut d'un meilleur terme, survint avec la création des Services sanitaires de la province, lesquels sont alors devenus responsables des services de soins actifs et des quatre principaux centres de soins secondaires : l'hôpital du comté de Prince, l'hôpital Queen Elizabeth, l'hôpital Hillsborough et le centre de traitement des dépendances provincial. Les services communautaires de santé mentale et de lutte contre les dépendances restaient quant à eux sous la compétence des autorités sanitaires régionales. Voilà l'origine du premier schisme administratif. La division qui est actuellement proposée — et qui sera mise en place à la fin de l'année — pourrait avoir un important impact, mais le contraire est également possible, parce que les services communautaires de santé mentale et de lutte contre les dépendances dépendront du ministère de la Santé, tout comme les services hospitaliers de santé mentale. Pour ce qui est de la santé mentale, c'est un autre problème.

Il est certain que notre lien avec le soutien du revenu, très important pour nos clients, ou les soins à domicile, pose problème.

Le président : Le logement.

Mme Pranger : Le logement. Il est devenu un problème. Cela dit, même si nous dépendrons tous du ministère de la Santé, les soins hospitaliers dépendront eux d'une structure administrative différente des services communautaires de santé mentale. Actuellement, nous continuons à dépendre de bonnes relations historiques, de personnes qui se connaissent et qui ont l'habitude les uns des autres, mais plusieurs d'entre nous sommes des enfants de l'après-guerre à l'aube de leur retraite et cette bonne volonté et ces bonnes relations ne dureront peut-être pas. Le continuum entre les soins actifs et les soins communautaires ne durera peut-être pas non plus. Ai-je raison de parler ainsi? Je m'excite.

Le président : Ils ne sont pas encore sortis de leurs gonds. Jim, j'ai une toute petite question.

Vous avez parlé de trios cliniciens en santé mentale. D'abord, que font-ils? Avant toute chose, quelle est leur formation? Qu'est-ce qu'un clinicien en santé mentale?

M. Campbell : À l'Île-du-Prince-Édouard, pour devenir clinicien en santé mentale, il faut détenir une maîtrise en travail social et avoir suivi une formation en thérapie clinique. L'un de ces cliniciens est une ex-infirmière psychiatrique; elle s'occupe principalement de l'accueil, mais elle s'occupe également d'un certain nombre de cas.

Le président : Par « un certain nombre de cas », vous voulez dire qu'elle fait de la consultation?

M. Campbell : Elle fait en effet de la consultation, souvent avec les personnes qui ont des problèmes de médicaments ou de santé mentale. Une autre clinicienne est spécialiste des enfants et de la famille, et elle se consacre essentiellement à ce travail. Mais dans un petit système comme le nôtre, elle doit bien évidemment faire autre chose également, et elle s'occupe de quelques services communautaires.

Le président : Donc, outre vous-même, votre équipe comprend six conseillers : trois en santé mentale et trois dans la lutte contre les dépendances, c'est exact?

M. Campbell : C'est exact.

Le président : Cela pourra vous surprendre, mais en termes de pourcentage de la population, je crois que vous êtes l'une des équipes les mieux pourvues au pays. C'est juste une observation intéressante sur la rareté des ressources ailleurs. Elle ne résout rien, mais elle devrait faire prendre conscience des problèmes de certains. Il est intéressant de voir que vous soignez environ 150 personnes sur un bassin de population que vous avez dit se situer entre 12 000 et 15 000 personnes.

Nous avons parcouru des régions qui n'avaient que six conseillers pour un bassin de population deux fois ou trois fois plus important que le vôtre. Merci de votre réponse.

Le sénateur Callbeck : Docteur Reid, merci d'avoir partagé ce pan de votre vie avec nous. J'ai moi aussi connu votre oncle. Nous étions à Mount Allison à la même époque, et il était, à n'en pas croire, une personne exceptionnelle. Je vous comprends quand vous dites que ce sont de tels événements qui nous aident à comprendre.

Vous avez mentionné que la santé mentale était aussi importante que la santé physique et je suis d'accord avec cela également. Vous avez conclu en disant : « Les barrières doivent tomber ». Vous aimeriez peut-être nous dire comment selon vous nous pourrions commencer à faire tomber ces barrières?

Dr Reid : Je pense que le changement radical dont j'ai parlé doit commencer dès l'enfance, avec l'enseignement du sens de la justice. On apprend aux enfants à soigner leur santé physique. On leur donne aussi certaines leçons essentielles au maintien de leur santé mentale : gestion des relations, résolution des conflits, connaissances de base en finances personnelles, et j'en passe; tout ce qu'aucun d'entre nous ne comprend vraiment bien en quittant l'école secondaire, ces choses fondamentales qui causent ce stress énorme à l'origine de la maladie mentale. Nous devons également faire comprendre aux jeunes que nous sommes tous susceptibles de souffrir d'une maladie mentale. Il n'y aucune honte à la détection précoce, ni aux soins. La maladie mentale se soigne. Les résultats pourraient être bien meilleurs. Il convient de développer très tôt une attitude saine vis-à-vis de la santé mentale et faire connaître les mesures préventives à prendre. Il existe certes des facteurs de risque, comme les antécédents familiaux, les antécédents de dépendances, des éléments qui mettent visiblement une personne en danger. Il faut éliminer les stigmates et la honte qui entachent la recherche de secours.

Ensuite, il faut traiter ceux d'entre nous qui ont la dent dure. Ceux dont les attitudes sont profondément enracinées et qu'il est difficile de changer. Ceux de notre génération qui n'ont connu aucun bouleversement dramatique dans leur vie sont plus nombreux qu'on le croit. Ils sont très nombreux dans ma profession, et je suis sûr qu'ils sont très nombreux dans de nombreux domaines d'activités, notamment ceux dans lesquels la réussite, le travail, les longues heures, et cetera. sont l'insigne du respect, l'insigne du courage. Il s'agit d'un groupe beaucoup plus difficile à approcher. Nous devrions peut-être envisager des stratégies d'éducation publique pour ces personnes. Pour ce qui est de la formation même des médecins, je suis mieux placé pour parler d'elle que de celle des infirmiers(ères) ou des responsables des soins primaires. Nous devons réellement apprécier l'importance de la santé mentale, aller jusqu'à lutter contre cette condescendance vis-à-vis des médecins qui choisissent la psychiatrie comme spécialité, d'en faire au contraire une spécialité aussi digne que les autres et de ne plus considérer les psychiatres comme les faibles du système.

Le président : À propos de votre commentaire, je dois vous dire qu'un médecin m'a dit une fois que les psychiatres n'étaient pas de vrais médecins.

Dr Reid : Absolument. Je le constate dans les couloirs et les salles de repos de mon hôpital. Je connais au moins 10 personnes de mon hôpital qui souffrent de maladie mentale. Pour certains, ce n'est pas sûr, mais j'entends des commentaires, et ils sont mordants, sinistres, assassins; ils n'en ont aucune idée. Voilà au vol quelques pensées.

Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup. Tina, j'ai lu le document « La fourniture des services de santé mentale à l'Île-du-Prince-Édouard » que vous avez compilé et je sais que vous travaillez sur plusieurs aspects de ce document. Le président vous a posé quelques questions sur les comités provinciaux-fédéraux. Le document parle d'un réseau de conseillers en santé mentale des Maritimes, n'est-ce pas? Est-il actif?

Mme Pranger : C'est une bonne question. C'est l'un de mes collègues, Cecil Villard, absent des débats d'aujourd'hui et directeur des services hospitaliers de santé mentale et de lutte contre les dépendances, qui a eu l'idée de réunir un comité d'experts en santé mentale des Maritimes. Cecil s'inquiétait de notre absence sur la scène fédérale et souhaitait que l'on crée un pôle de concertation et d'échange sur nos programmes respectifs. Le comité se réunissait deux fois par an il y a quelques années encore. Il ne s'est pas réuni depuis l'an dernier, pour la simple raison que nous n'arrivons pas à nous entendre sur la date et l'heure d'une réunion. Cela mis à part, sa fonction est la même que celle du RCSM, le comité FPT : partage d'information, éducation réciproque et travaux en commun, sauf qu'il n'a pas de fonction consultative formelle.

Le sénateur provisoire : Mais il vous semble productif, il vous semble que le partage d'information est important?

Mme Pranger : Il l'est. Nous essayons de trouver un objectif au comité et nous essayons de voir si nous pourrions influencer d'une quelconque manière la politique publique et réaliser davantage de travaux en commun.

Le sénateur provisoire : Dans votre exposé, sur lequel vous semblez avoir passé beaucoup de temps, vous faites référence à plusieurs questions du document intitulé Options. Je voudrais vous poser une question sur la télésanté mentale. Jim y a également fait référence. Vous parlez du besoin de financement additionnel. Est-ce quelque chose de courant ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, le besoin de financement additionnel? Par exemple, Jim a mentionné la difficulté pour les régions rurales — et je peux certainement m'imaginer la situation, puisque je suis de Baddeck — de répondre à la demande en services. Pensez-vous qu'à l'avenir, si les fonds étaient disponibles, vous en feriez un usage plus grand, qu'ils pourraient vous aider à fournir les services demandés?

Mme Pranger : Absolument. Si nous ne pouvons trouver le moyen pour Mohammed de déplacer la montagne, nous devons lui trouver le moyen, au moins électronique, de desservir l'Île. Ce sera certainement plus utile encore pour les régions les plus rurales d'Eastern Kings et de West Prince, lorsque leurs habitants auront besoin de consulter un psychiatre. C'est également un bon moyen de tenir des conférences de cas sur des clients particuliers, ou encore d'échanger des points de vue. Ce serait une technologie utile à posséder.

Actuellement, nous avons un seul site pour le système de santé mentale. Les sites ont été créés à l'hôpital Queen Elizabeth et à l'hôpital comté de Prince, mais pas dans les communautés plus petites, et ce serait un investissement important.

Le sénateur provisoire : Où se trouve ce site?

Dre Pranger : Au centre Richmond, un centre communautaire de santé mentale, ici à Charlottetown.

Dr Reid : Si je peux me permettre une question, pensez-vous honnêtement qu'un nombre limité de psychiatres surchargés de travail pourrait effectivement consulter par télémédecine? J'imagine les différents autres usages que vous décrivez, mais il m'est difficile d'imaginer un psychiatre donnant une consultation par télémédecine, étant donné la virtualité de la relation psychiatrique et de l'interaction.

Le président : Je vous comprends, Ian. Je faisais simplement une remarque. Nous avons rencontré au moins deux psychiatres qui nous ont suggéré que la télémédecine pourrait en effet probablement mieux fonctionner en psychiatrie que dans n'importe quelle autre branche médicale, parce qu'elle n'exige aucun contact physique du patient. Il s'agit juste d'une discussion assistée. Apparemment, ils nous ont dit que cela fonctionnait bien.

Le sénateur Cochrane : Ian, je suis un ancien éducateur et je vois le chemin parcouru. Je crois personnellement qu'une consultation en face-à-face est plus efficace.

Le président : Sans aucun doute. Rien ne vaut le face-à-face, et personne ne remet cela en question. Ce qui est intéressant, c'est qu'ils ont trouvé l'idée pas aussi mauvaise — et ce n'est peut-être pas la meilleure façon de le dire — que je ne le pensais.

Le sénateur Cochrane : Oui, mais je me demande s'il y a eu une évaluation des programmes de ce type. C'est ce que j'aimerais savoir.

Le président : Je crois que quelqu'un a dit qu'une évaluation avait été faite, mais ce n'est pas sûr.

Dr Reid : Il est important de développer une relation de confiance en effet, et j'imagine difficilement qu'on puisse le faire devant une caméra de télévision, mais cela est possible.

Mme Pranger : L'un de mes collègues, le coordonnateur de notre réseau de santé mentale pour enfants vient de me rappeler que nous avons utilisé cette technologie avec beaucoup d'efficacité pour nous entretenir régulièrement avec le Dr Stokes, de l'hôpital IWK de Halifax. Cette technologie est possible, et elle est mieux que rien. Vous avez parlé de psychiatres surchargés de travail et je m'interroge là-dessus. Ils préféreraient sans doute faire 15 minutes de télémédecine plutôt que de conduire pendant deux heures jusqu'à O'Leary pour y consulter quelqu'un. En fait, cela leur permettrait de mieux utiliser leur temps.

Le sénateur Cook : Hier, à Terre-Neuve, nous avons entendu la Dre Kellie LeDrew, la psychiatre responsable du programme d'intervention précoce en psychose. Elle a dit que le client voyait un gestionnaire de cas, un clinicien et un psychiatre au point d'entrée. Il serait peut-être possible, au fur et à mesure du processus et du traitement, que l'un des membres de l'équipe reste en contact par le biais de la télémédecine. Je vous soumets cela comme une simple observation.

Mme Pranger : Nous avons beaucoup débattu là-dessus. Il s'agit de l'approche de gestion de cas, dans laquelle on désigne une personne comme gestionnaire de cas. L'Accord des premiers ministres sur les soins de santé prévoit le financement des soins actifs dispensés par les services communautaires de santé mentale. Les gestionnaires de cas, comme l'a signalé un groupe de travail fédéral-provincial — et nous avons appuyé cette démarche, ici, à l'Île — sont notamment importants dans le cas de maladies mentales de longue durée comme la psychose, mais nous attendons toujours les fonds.

Le sénateur Cook : Il s'agit de construire un climat de confiance. Si vous avez déjà l'équipe, peu importe qu'ils soient tous là après la réunion, je crois que cela profitable.

Le sénateur provisoire : Jim, vous avez parlé des régions rurales, de la partie occidentale de l'Île, et de la difficulté à y obtenir des services. C'est pour cela que je m'intéresse tant à la télésanté. Vous avez mentionné la santé mentale des enfants, et nous savons tous que beaucoup d'enfants ont des problèmes de santé mentale qui ne sont jamais diagnostiqués. Je crois que 70 p. 100 des adultes ayant souffert de troubles mentaux dans leur jeune âge sont passés à travers les mailles du système. Que sommes-nous en train de faire dans notre système scolaire là-dessus? N'a-t-on pas mis en place les programmes de l'Association canadienne pour la santé mentale pour les classes de 3e et de 9e années? Puisque vous avez parlé de la santé mentale des enfants, j'aimerais faire un commentaire sur ce que nous faisons actuellement et, si les fonds étaient disponibles, vous demander ce que vous aimeriez que l'on en fasse.

M. Campbell : Eh bien, je ne crois pas nécessairement que l'argent soit la solution au problème, mais il faut ce qu'il faut pour le régler. La remarque du sénateur Kirby m'a fait penser, avec mon esprit tordu, que si j'étais en train de me noyer, cela me réconforterait peu de savoir que quelqu'un d'autre est en train de se noyer dans des eaux plus profondes.

Le président : En effet.

M. Campbell : Pour ce qui est de la santé mentale des enfants, j'aimerais avoir plus de personnel que pas assez. En ce qui concerne les écoles, à titre d'ancien éducateur et de directeur d'une école élémentaire, je connais au moins un programme sur les problèmes de santé mentale appelé « Tendre la main », qui est administré par des bénévoles communautaires formés et qui donne de très bons résultats au niveau de la 3e année. Il y a avait aussi des programmes sur la vie et sur la santé mentale. On les appelait programmes d'orientation, et les étudiants y participaient activement; je pense qu'ils avaient leur utilité. Ce n'est pas exactement ce que je fais maintenant.

Je crois que nous faisons un bon travail en santé mentale pour enfants. J'ai vraiment l'impression que l'étendue du travail à faire nous dépasse actuellement et que la collaboration avec les écoles, les éducateurs, et cetera., ne pourra être que profitable.

Mme Pranger : L'Association canadienne pour la santé mentale a effectivement mis sur pied deux programmes, l'un pour les classes de 3e année, déjà évoqué — « Tendre la main » —, qui est un programme sur l'estime de soi, l'autre pour les classes de 9e année, intitulé « SOS suicide », destiné à les sensibiliser aux signaux avertisseurs du suicide chez leurs pairs. Notre système de santé mentale offre par le biais du Réseau de santé mentale des enfants plusieurs programmes également. Sans oublier les équipes de santé interdisciplinaires scolaires qui sensibilisent les enfants scolarisés sur les questions de santé mentale. Nous avons par ailleurs des thérapeutes en santé mentale pour enfants dans toute la province, et des programmes de prévention, malheureusement jamais trop préventifs. L'un d'eux — « Parents Anonymes » — enseigne aux parents les compétences parentales qui devraient les aider à mieux assumer leur rôle.

Comme Ian l'a mentionné, il faudrait identifier les risques tôt, intervenir tôt et améliorer les facteurs de protection.

Le sénateur Cordy : Dr Reid, j'aimerais revenir sur la question des stigmates, parce que nous en avons déjà entendu parler dans tout le pays. À Terre-Neuve, il y a quelques jours, une jeune fille assise devant le microphone a éclaté en larmes et à dit souhaiter avoir un cancer du sein, parce qu'elle aurait alors le soutien de sa famille et de ses amis. Lorsqu'il s'agit de maladie mentale, malheureusement, vous n'avez pas le soutien de votre famille et de vos amis. Une mère de Toronto nous a parlé de son fils, étudiant émérite et étoile sportive de son école secondaire, qui a sombré corps et âme à cause d'une maladie mentale. Elle nous a avoué que s'il avait souffert d'une maladie physique, ses camarades de classe, ses amis, ses coéquipiers seraient allés le voir à la maison ou à l'hôpital, lui auraient envoyé des cartes de prompt rétablissement et que l'école l'aurait appelé à la maison. Il n'y a eu ni carte, ni appel téléphonique de l'école. Ce que vous nous dites, nous l'avons entendu à maintes reprises. Comment résoudre ce dilemme? Vous avez mentionné les programmes scolaires. Nous avons également entendu qu'il faudrait peut-être alerter les écoles de journalisme et les médias. Nous avons entendu, et vous nous l'avez confirmé, qu'il y avait comme une stigmatisation de la maladie mentale, des préjugés, et que les gens qui souffraient de maladie mentale n'étaient pas nécessairement traités avec respect et dignité quand ils devaient être hospitalisés. Pour nous, il s'agit de savoir où commencer? Il s'agit d'une question très importante, et tant qu'elle restera en suspens, les gens qui soufrent ne recevront pas les soins qu'ils méritent.

DrReid : Historiquement, de nombreuses personnes ont été stigmatisées au cours des années, mais il y a de l'espoir. Si nous analysons nos attitudes actuelles envers les orientations sexuelles, par exemple — je prends ce qui me vient à l'esprit — nous nous apercevrons qu'il y a eu un changement de paradigme. Je crois que nous avons tous senti cela. Je ne sais pas comment cela s'est produit. Il serait intéressant d'étudier cette mutation. Mais c'est un changement de paradigme identique qu'il faudra à la santé mentale. Il ne se fera pas sur une seule stratégie, mais sur des combats répétés. Il lui faudra de nombreuses dimensions et étapes dans l'éducation, le développement et la prise de conscience des individus. Il faudra renforcer le changement par les médias, parce que ce sont les médias qui nous donnent notre information, pour la plupart. Il s'agit d'un processus permanent d'éducation, de changement d'attitude qui ne se fera pas du jour au lendemain. Je crois fermement que la maladie mentale finira par gagner nos esprits, que sa mauvaise image et ses conséquences finiront par disparaître, et que de nombreuses personnes en souffrent en silence, parce qu'elles ont refusé de se faire examiner et qu'elles ont eu peur du diagnostic. Les gens ne comprennent pas la maladie mentale, ne veulent pas être aidés et la seule fois où nous entendons parler d'eux, c'est lorsqu'ils en arrivent au suicide ou à un geste aussi désespéré. C'est souvent beaucoup trop tard.

Il s'agit d'un travail colossal. L'approche multidimensionnelle à la maladie mentale est beaucoup plus compliquée. Elle demande une volonté et un effort beaucoup plus importants et beaucoup mieux coordonnés qu'un tomodensitogramme, l'érection d'un immeuble ou le financement forfaitaire d'un programme, qu'accompagnerait cette phrase classique : « Voilà, c'est fait. Nous avons réglé le problème ». Il s'agit d'une tâche beaucoup plus difficile et beaucoup plus fondamentale, comme vous l'avez dit.

Le sénateur Cordy : Svend Robinson a témoigné devant notre comité à Vancouver. Il nous a avoué deux choses : la première, c'est qu'il était homosexuel; la seconde, qu'il avait une maladie mentale. Il nous a dit que la seconde était de loin la plus difficile à avouer.

Lorsque nous avons discuté du volet des soins de santé que nous allions examiner plus tard, le sénateur Kirby a fait le tour de la table. La plupart d'entre nous, y compris moi, avons un membre de notre famille qui souffre d'une maladie mentale. Nous avons passé en revue beaucoup de ce que vous nous dites.

Que fait l'administration policière face à tout cela, la GRC? Malheureusement, ils sont souvent les premiers à intervenir en situation de crise. Lorsqu'il y a violence, ou lorsque l'individu qui a un problème de santé mentale est désemparé, les membres de sa famille et autres voisins appellent souvent la police.

Mme Pranger : Je ne crois pas qu'il y ait eu beaucoup de ces cas. Je sais qu'il y a une fois l'an une sorte de formation en intervention suicidaire pour les cadets de la police, et je crois savoir que le personnel ambulancier n'est pas contacté. Ce n'est pas très professionnel, car les ambulanciers ont besoin d'être formés plus que tout autre groupe, parce que, comme vous l'avez dit, ils se retrouvent parfois en première ligne, notamment dans le cas de personnes désemparées.

Dr Reid : J'aimerais juste ajouter que je ne peux pas m'imaginer que la formation et la sensibilisation soit meilleure en dehors du système de soins actifs qu'en dedans. J'ai consulté des patients désemparés dans les postes de contrôle des services de soins psychiatriques aigus, et il est difficile d'imaginer la douleur que vivent ces personnes et ce qu'elles ressentent. Cela frise la folie parfois. On n'imagine pas leur souffrance. On ne voit que la folie. Je serais donc très surpris de savoir que beaucoup des policiers appelés à gérer les crises ont effectivement plus de sensibilité que ceux d'entre nous qui travaillent en milieu hospitalier.

Mme Pranger : Il y a toutefois de nombreux policiers qui savent très bien interagir avec les personnes qui souffrent d'épisodes psychotiques ou qui ont besoin d'être transportées aux urgences. Ces policiers ont souvent suivi une sorte de formation psychosociale, qu'ils ont adapté à leur travail quotidien. Les policiers ne sont pas tous mauvais.

Le sénateur Cordy : Non, bien sûr que non, et je ne voulais pas inférer qu'ils étaient mauvais. Mais nous avons entendu des policiers dire qu'ils aimeraient avoir une formation psychosociale, et notre réaction face à une personne malade mentalement exige généralement plus de calme que les autres situations. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a des gens extraordinaires dans la police.

J'aimerais maintenant entendre M. Campbell. Pourriez-vous m'expliquer ce qu'est une équipe jeunesse inter-organismes et ce qu'elle fait?

M. Campbell : C'est une équipe de personnes, les uns professionnels, les autres non, qui travaillent auprès des jeunes dans différents domaines, groupes de jeunes, organisations d'éducation alternative, et cetera. Cette équipe se réunit et discute des moyens d'entraide, des problèmes communs.

Le sénateur Cordy : Ce sont différents organismes de différents domaines qui se réunissent, pas juste ceux du domaine de la santé?

M. Campbell : C'est exact.

Le sénateur Cordy : Y a-t-il d'autres organismes que ceux de la santé?

M. Campbell : Oui.

Le sénateur Cordy : Et Parents Anonymes?

M. Campbell : Parents Anonymes est un organisme protégé par la loi sur les droits d'auteur des États-Unis établi au Canada, et comme la Dre Pranger l'a dit, cet organisme aide les parents à acquérir les compétences parentales nécessaires à l'éducation de leurs enfants en difficulté. Il s'agit d'un groupe de discussion où les parents s'éduquent mutuellement sur la manière de gérer les enfants en difficulté.

Le sénateur Cordy : Y a-t-il du soutien et des services pour les familles? J'ai été maître d'école élémentaire pendant 30 ans, et je sais que lorsque de jeunes enfants ont des problèmes, c'est toute la famille qui est souvent en crise. Je veux juste savoir s'il existe des services pour les familles dont les enfants souffrent de maladie mentale.

M. Campbell : Oui, habituellement le conseiller travaille avec l'enfant par le biais de la famille et avec la famille, dans des réunions de famille, et cetera.

Le sénateur Cordy : Est-ce vrai aussi pour les enfants dont un des parents souffre de maladie mentale? Offrez-vous des séances de consultation?

M. Campbell : Je dois dire qu'il y a là une lacune.

Mme Pranger : J'aimerais répondre à cela. L'Association canadienne pour la santé mentale qui, comme vous le savez, est notre principal partenaire, offre un programme appelé « Le chemin de l'espoir », un programme d'éducation et d'aide aux familles touchées par la maladie mentale. Ce programme s'applique aux enfants dont les parents sont malades mentalement.

Le sénateur Cordy : Partout dans le pays, nous avons entendu combien il était difficile d'accéder au système, de savoir quelle porte ouvrir en premier. Il existe une myriade de services dans les provinces, mais leur accès n'est pas nécessairement homogène et les gens ne savent pas nécessairement quelle porte ouvrir en premier, ni où appeler en premier. Est-ce un problème propre aux petites provinces?

Mme Pranger : Je crois que c'est encore un problème des petites provinces, parce que nous avons pour la plupart autant de services — peut-être pas pour les services spécialisés — que n'importe quelle autre administration et les gens ne sont pas nécessairement mieux informés des services disponibles. Je parle du public comme des fournisseurs de services humains. Le médecin de famille moyen, par exemple, ne sait peut-être pas — en fait, ne doit probablement pas savoir — dans de nombreux cas, à qui s'adresser. L'éducation du public, comme celle des fournisseurs de services, sur les services existants et sur les portes à ouvrir est aussi importante ici qu'ailleurs.

Le sénateur Cordy : De magnifiques choses ont été accomplies dans le domaine des services, mais si quelqu'un devait m'appeler à mon bureau et demander : « Où devrais-je aller pour tel ou tel service? », je ne suis pas sûr de lui répondre, même pour la Nouvelle-Écosse. S'il s'agit d'un enfant, je répondrai probablement : « Appelez IWK ». Comment pourrions-nous faire pour avoir un guichet unique, pour qu'une personne soit dirigée à la bonne porte après un simple appel téléphonique? C'est frustrant, même pour celui qui ne souffre pas de maladie mentale, d'appeler et de se faire dire d'appuyer sur 1 pour ceci, sur 2 pour cela, et cetera. Si vous essayez de surmonter votre problème d'auto-stigmatisation, vous reprenez votre souffle et vous essayez de passer votre appel téléphonique, mais si la réponse à l'autre bout de la ligne ne change pas, vous raccrochez vite.

Mme Pranger : Vous soulevez un bon point. Un guichet unique, un point d'entrée unique, un organisme d'accueil unique. C'est la solution idéale. Mais ce n'est pas ainsi que notre système est structuré actuellement.

J'ai oublié de dire que l'Association canadienne pour la santé mentale est également en train de distribuer à grande échelle un répertoire auto-assistance de tous les services fournis dans la province. Les fournisseurs de soins de santé pourront y trouver les services offerts, mais il est vrai que ce serait une bonne chose d'avoir un seul point d'entrée.

Le président : J'aimerais vous dire que de belles choses sont en train de se passer dans les postes isolés de ce pays, et nous savons cela uniquement parce que nous y sommes allés. En fait, Brandon, au Manitoba, a un seul point d'entrée. Lorsque vous contactez le système, par téléphone ou en personne, vous êtes reçu par un(e) infirmier(ère) psychiatrique ou un(e) infirmier(ère) praticien(ne). Puis vient le triage. Vous ne passez pas par une standardiste. Après le triage, vous êtes dirigé vers le service approprié. C'est fou ce que la nécessité peut faire. L'hôpital psychiatrique a été fermé. Il n'y avait plus qu'un seul psychiatre, pas seulement pour Brandon, mais pour toute la région autour. Alors les gens se sont réunis et ont dit : « Nous ferions mieux de trouver une solution au problème ». Ce type de coopération est possible. C'est simplement incroyable ce qui se fait dans certains postes isolés.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'apprécie beaucoup chacun des exposés. Merci d'être venus. Votre témoignage est important, et bien sûr, Dr Reid, vous nous avez beaucoup émus. Je suis moi-même médecin et je m'inquiète également de la formation de nos collègues.

Je parcours ce pays et je milite, chaque fois que je le peux, pour les centres de santé communautaires. Mais la question que j'aimerais poser porte sur la stigmatisation. J'ai grandi dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, et Moncton était pour nous la ville où il nous fallait aller pour voir les belles choses de la vie; c'est toujours un peu comme cela. Je suis une fille de la campagne. Au 100, rue Arden, il y a une centaine de cabinets médicaux et différentes cliniques médicales. Bien plus loin, après avoir remonté boulevard Wheeler jusqu'au boulevard Saint George, on aperçoit une clinique de santé mentale. Je n'aime pas beaucoup cela. Si j'étais une grosse légume, ce que je ne serais jamais, je ferais en sorte qu'il y ait des centres de santé communautaires qui regrouperaient tout sous un même toit. Je crois que le simple fait de vous rendre dans un centre de santé mentale stigmatise. Je sais que si vous allez dans un centre médical moderne, vous y trouverez une clinique de dermatologie, une clinique de diabète — toutes sortes de cliniques. C'est différent. Elles y sont par souci de regroupement. Mais il n'est pas facile de savoir ce qu'il y dans l'autre rue, comment y aller, comment stationner. De toute façon, je n'ai jamais eu à y aller. Je suis bénie. Que pensez-vous de cet isolement des cliniques de santé mentale? C'est la norme actuellement. C'est la tradition.

Dr Reid : Le développement cloisonné et l'isolement reflètent nos attitudes sociétales vis-à-vis de la maladie. Nous l'avons sortie de notre champ de vision. Il existe un grand déni de la réalité, et ce déni représente physiquement l'attitude de la société. Je crois que vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Trenholme Counsell : Devrais-je continuer à prêcher?

Dr Reid : S'il vous plaît.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je vais certainement écouter pour l'instant. Eh bien, qu'en pensez-vous que, Dre Pranger?

Mme Pranger : Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est un élément du stigmate. Nous avons de nombreux exemples ici à l'Île-du-Prince-Édouard où nous avons essayé de l'atténuer. Le centre de santé mentale communautaire et les programmes de lutte contre les dépendances de East Prince, par exemple, sont maintenant regroupés dans l'hôpital du comté de Prince, tout sous un même toit. L'entrée se fait par la porte arrière par mesure d'anonymat. Nous avons également intégré les services de santé mentale dans plusieurs centres d'hygiène familiale. Nous essayons d'aller dans cette direction. Je soutiens de tout coeur votre lutte permanente. Elle est essentielle.

Le sénateur Trenholme Counsell : Eh bien, merci. Je savais qu'il me faudrait venir à l'Île-du-Prince-Édouard pour y trouver de fervents partisans.

En ce qui concerne nos collègues médecins, Dr Reid, est-ce que l'amélioration est sensible, légèrement sensible, ou, que Dieu nous vienne en aide, pire?

Dr Reid : J'ai honnêtement beaucoup d'espoir dans l'avenir, et je crois que c'est en partie à cause de l'attitude, de l'approche à la vie et du professionnalisme de la nouvelle génération de médecins. D'abord, je crois qu'ils sont plus conscients des problèmes d'équilibre et d'auto-gestion de la santé, et cela les conduit à accepter la promotion d'approches identiques à la vie et à l'équilibre de leurs patients. Je crois que c'est cela qui se passe. Je crois qu'il y a un changement d'attitude, mais c'est toujours le même paradigme pour nous médecins, incapables de bien prendre soin de nous-mêmes. Nous ne voulons même pas savoir à quoi l'auto-gestion devrait ressembler. Comment pouvons-nous la reconnaître et la promouvoir chez nos patients si nous ne l'adoptons pas pour nous-mêmes? Je crois que les jeunes médecins ferons mieux là-dessus, mais pour un grand nombre de collègues de mon âge, et je serai encore médecin dans 15 ans, je doute fort que leurs attitudes changent, à moins d'éducation supplémentaire ou d'événements marquants personnels. L'exacerbation vient aussi, bien sûr, de la réalité des soins primaires, où vous disposez de 7,8 minutes par patient, de trois à quatre minutes de discussion avec lui et de deux minutes pour remplir l'ordonnance. Toutes ces forces continuent d'agir fortement. Il faudra une génération pour que les choses changent vraiment.

Le sénateur Trenholme Counsell : Eh bien, au moins quelque chose de positif.

J'aimerais vous poser une question sur les jeunes, et quiconque le désire pourra y répondre. Je sais que George Chuvalo a traversé le pays et visité toutes les écoles secondaires, parlant des drogues, de leurs effets et de leurs incidences sur sa famille — ses enfants, sa femme, et cetera. Nous avons mis sur pied des pièces de théâtre et des drames sur la grossesse chez les adolescentes. Les étudiants écrivent des pièces et les jouent pendant leurs réunions. Nous avons fait beaucoup sur la violence dans les fréquentations. Mais, je ne pense pas que l'on ait fait encore quelque chose de sérieux pour faire parler les jeunes et les moins jeunes de la maladie mentale dans nos écoles intermédiaires et secondaires. Je sais que cela s'est fait dans les rares écoles où il y a eu plus d'un suicide, mais, d'une manière générale, nous n'avons rien fait de sérieux encore, à titre de fournisseurs de soins de santé publique, d'éducateurs, et cetera. Est-ce différent à l'Île-du-Prince-Édouard? Auriez-vous quelque chose à dire là-dessus?

Mme Pranger : Il n'y a pas de stratégie globale. Comme vous l'avez dit, il se peut qu'il y ait des cas individuels, dans lesquels on donne un peu d'informations s'il y a eu un suicide ou un incident dans une école particulière. Il n'existe pas de stratégie spécifique, hormis le programme SOS suicide que l'ACSM offre aux classes de 9e année.

Le sénateur Trenholme Counsell : Eh bien, monsieur le président, je crois que nous devrions parler de ce point, parce que je sais l'impact que peut avoir une personne qui se lève dans une réunion et parle de drogues, d'adolescentes enceintes, et cetera. Nous avons entendu les jeunes là-dessus, et il est grand temps que ces jeunes, ou tout autre groupe de personnes, en parle à d'autres jeunes dans les réunions des étudiants des écoles secondaires.

Le président : Oui, dans notre prochain groupe de témoins, nous aurons Pat Doyle, vice-présidente du Comité provincial sur la prévention du suicide.

Le sénateur Trenholme Counsell : Bien sûr, il ne s'agit pas juste de suicide.

Le président : Non, je comprends cela.

Le sénateur Trenholme Counsell : Parfois, nous nous limitons au suicide, et je crois que c'est peut-être un problème également dans le système éducatif, parce que les gens réagissent seulement lorsqu'il y a un suicide. La plupart de ceux qui souffrent de maladie mentale ne se suicident pas. C'est peut-être la faute que nous commettons.

Le sénateur Cochrane : J'aimerais ajouter une question à celles du sénateur Trenholme Counsell. Je crois que nous avons besoin de modèles de rôle. Ce serait magnifique de faire donner dans les écoles, et je ne veux pas juste dire les classes de 9e année, des conférences par des modèles de rôle. Nous savons ce que les modèles de rôle ont fait pour les anciens combattants. Nous avons fait entrer les anciens combattants dans les salles de classes, et ils y ont fait un excellent travail d'apprentissage sur les guerres. Aujourd'hui, les enfants en savent beaucoup plus sur le sujet. Ils en parlent entre eux, tout cela grâce aux modèles de rôle que nous avons fait entrer dans les salles de classe. J'aimerais même voir des jeunes enfants faire la même chose, à la suite de leur traitement contre une maladie mentale, une dépendance, et cetera. Ce sont à ces jeunes survivants que les jeunes écoliers pourraient s'accrocher.

Les programmes mis en place pour les classes de 3e et de 9e années m'intéressent. Je sais qu'ils font partie du curriculum, mais j'aimerais savoir s'ils sont dispensés comme les cours classiques? Quelle est leur fréquence hebdomadaire, quelle est leur durée?

Mme Pranger : Je me demande si nous sommes les mieux placés pour répondre à cette question. Je sais que l'Association canadienne pour la santé mentale sera bientôt appelée à témoigner, et il s'agit de leurs programmes.

Le sénateur Cochrane : Ce serait bien. Nous allons attendre alors. C'est bien. Je suis impatiente de les entendre.

Ian, j'aimerais vous dire que ma fille a également fait une dépression post-partum quand elle a eu son premier enfant. Je me souviens qu'elle pleurait, son petit bébé dans les bras, quand j'allais la voir. Elle a réussi à la vaincre avec l'aide de la famille. La famille est importante en tout, je crois. Pensez-vous que les attitudes ont changé depuis les années 1990 vis-à-vis de toutes ces barrières de toujours?

Dr Reid : Lentement, mais pas suffisamment. Notre expérience s'est construite sur notre volonté de partager. C'est cette volonté qui a permis à d'autres de partager leurs expériences personnelles. Je viens de me rendre compte tout à coup que si je m'asseyais pour parler à chacun de vous ici présent, par exemple, vous auriez tous une histoire à raconter.

Le sénateur Cochrane : Plus d'une.

Dr Reid : Vous avez besoin d'une forme de permission pour commencer à en parler, et si nous pouvions gérer la peur qui se cache derrière le stigmate — parce que la plupart du temps, le motif principal est la peur de l'inconnu — et nous concentrer sur l'élimination de la peur et l'ouverture sur les autres, nous pourrions en parler de manière acceptable. C'est alors que les choses changent réellement, parce que la plupart des maladies mentales ne se guérissent pas par des médicaments. C'est 80 pour cent bio-psycho-socio-spirituel et c'est pour cela que notre capacité à nous ouvrir aux autres, à partager nos expériences et à discuter démystifie et déstigmatise la maladie mentale, et nous nous rendons compte alors que nous sommes tous logés à la même enseigne.

Le sénateur Cochrane : C'est ce que je voulais dire à propos des modèles de rôle aussi. Ils en parleraient.

Dr Reid : Nous avons eu l'exemple d'une jeune fille qui a terminé son baccalauréat avec les honneurs et qui a passé six mois à Homewood pour une anorexie mentale.

Le président : Vous avez dit Homewood?

Dr Reid : Le centre de santé Homewood, à Guelph, un exemple de ce que pourrait et devrait être un centre de santé mentale. Elle y est revenue, et elle a par la suite fait le tour des écoles secondaires de son propre chef. Cela l'a beaucoup aidée dans sa guérison. L'impact a été considérable : une étudiante émérite s'attaque à son stigmate, le met de côté, s'accepte comme elle est et le présente aux autres. Vous avez tout à fait raison. L'impact a été sans aucun doute manifeste.

Le sénateur Cochrane : Oui, sans aucun doute. Je crois fermement en cela. Les modèles de rôle sont extraordinaires, quel que soit le domaine dans lequel ils interviennent.

Tina, je ferai juste une autre remarque. Je crois que vous faites un travail exceptionnel, mais je crois aussi qu'il est important de reconnaître votre personnel, parce qu'il est celui qui fait le travail en coulisse. Il est surchargé de travail, comme vous-même, mais il est parfois ignoré. Nous avons constaté cela partout où nous sommes allés, la lourde charge de travail dans les centres de santé mentale et de lutte contre les dépendances. Je félicite votre ministère, je félicite votre personnel et je prie Dieu qu'il les aide.

Mme Pranger : Eh bien, merci beaucoup. Il est vrai que si mes collègues sont derrière moi, c'est que nous formons une équipe. Je ne dirais pas que nous parlons d'une voix commune, parce que nous serions ennuyeux, et qu'il y a parfois des mésententes entre nous. Mais ce sont eux les gestionnaires des services de première ligne, et c'est comme cela que notre comité justifie son existence. Ils gèrent ce qui est fait et dit en première ligne et font rapport aux niveaux du Ministère et du système. Oui, c'est à qu'il faut...

Le sénateur Cochrane : Dire merci.

Mme Pranger : Un grand merci.

Le sénateur Cochrane : Je sais. Merci beaucoup. Je crois que nous sommes tous en train d'écrire l'histoire, et que certains ont des défis plus importants que d'autres. Oui, la force est dans l'histoire, parce que j'ai plusieurs questions liées au plan d'action national, certains de ses principaux éléments. J'aimerais que vous réfléchissiez à la manière dont il est mis en oeuvre. Dans mon histoire, il y a le décès de mon mari après une lutte de trois ans et demie contre le cancer et l'anorexie de ma fille adolescente. J'ai pensé : « À quand la fin de cette histoire? ». Elle refusait la réalité. Nous avons finalement accédé au système. Je raconte cette histoire parce que j'aimerais que l'on se concentre sur la carte médicale électronique, sur la confidentialité. On nous a dit qu'elle avait plus besoin d'un psychologue que d'un psychiatre. Nous n'avons pas de psychiatre. Nous n'avons pas beaucoup de services sur Terre-Neuve. De toute façon, elle a été soignée. Un jour que j'ai probablement trop prié, comme toute mère, elle m'a dit : « Maman, je ne suis pas obligée de te dire quoi que ce soit ». J'ai répondu : « Oh, que si, tu l'es. Nous sommes dans la même galère. J'ai besoin de savoir ce qui se passe ». « Non, maman, mon psychologue dit que je ne suis pas obligée de t'en parler ». Je lui ai dit : « Je crois que tu devrais demander à ton psychologue de demander à ta mère de participer aux séances » et la première réponse du psychologue a été : « Arrête de faire de ta mère une prisonnière ». Ce fut le premier conseil.

J'aimerais que nous parlions des droits d'accès à l'information des soignants et autres intervenants. Je crois que certains éléments d'information médicale doivent rester confidentiels. Je n'avais pas besoin de tout savoir, mais il y avait des choses que je voulais que l'on partage, et comme Ian l'a dit, des choses que j'avais besoin de savoir. Nous devons considérer cela. Pour moi, la question de confidentialité était à la confiance. Nous avons progressé à partir de là, et le chemin a été long. Jane a vu ses deux petits garçons hier, c'est donc une histoire qui finit bien.

Pour ce qui est de la place à faire à l'éducation, j'ai entendu Ian parler de huit semaines de formation en psychiatrie. Nous ne devons pas avoir peur de remettre en question la qualité et le contenu de la formation donnée à nos professionnels. Il s'agit d'une affaire d'esprit ou de cœur, d'une partie de nous-mêmes. Devons-nous oser réveiller le volcan et revoir comment sont formés nos médecins, nos autres professionnels de la santé, nos travailleurs sociaux? Cela revient à une seule personne : celle qui a besoin de soins.

Je pense aux infirmiers(ères) qui passaient trois mois en psychiatrie, trois mois en obstétrique et trois mois en gynécologie. Nos écoles ne font plus cela aujourd'hui. Sommes-nous devenus trop cliniques dans notre approche et avons-nous perdu notre humanité?

L'approche collaborative est essentielle. Lorsque nous avons besoin de soins, ma foi, nous ne dépendons pas d'une seule personne. Il faut qu'il y ait une approche collaborative, parce que les éléments qu'il faut gérer sont nombreux, que ce soit un logement supervisé ou un emploi dans un atelier abrité, en attendant des jours meilleurs.

Il y a des soignants et des gens dans ces services qui ont besoin de notre aide, de notre compréhension. Je me souviens lui avoir dit un jour : « Pourquoi me fais-tu cela? ». Elle m'a répondu : « Maman, c'est important de dire aux gens ce que tu ressens ». Il se peut que la première étape soit pour nous tous d'avoir un dialogue franc et honnête; je ne sais pas comment l'on peut s'éduquer en chemin. Nous devons nous ouvrir les uns aux autres et nous dire que nous faisons bien. Moi, je peux dire que c'est bien. Je ne sais pas. C'est vous les experts. Comme l'a dit le président, nous essayons de mettre en place une stratégie nationale sur la santé mentale dans ce pays. C'est une tâche énorme, mais nous la réaliserons parce que nous serons à l'écoute, que cette écoute nous aidera à comprendre et à faire les meilleures recommandations possibles. Notre réussite dépendra de vous.

Est-il possible d'appliquer un plan d'action national dans cette région? Ce pays est varié. Le Canada des provinces atlantiques n'est pas le Canada de l'Ontario ni celui de l'Ouest. Les éléments sont différents. Est-il possible de rassembler tous les éléments essentiels sous un plan d'action national et de les appliquer au niveau régional?

Mme Pranger : Je refuse de dire que nous sommes les experts ici. Dans les cinq dernières minutes, vous avez abordé plusieurs questions importantes, et j'aimerais vous répondre sur deux ou trois points.

Le plan national nous donnerait des paramètres et des lignes directrices. Comme vous le savez, la fourniture des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances relève des provinces et des territoires, donc je ne pense pas que cela soit du ressort d'un plan national de descendre au niveau régional ou provincial. Le plan fédéral peut fixer les lignes directrices, ensuite les provinces et les territoires pourront prendre celles qui les intéressent et les adapter à leur propre réalité. Vous l'avez dit, la réalité de Terre-Neuve diffère de celle de l'Ontario ou de celle de la Saskatchewan. Le plan national permettra surtout d'établir des normes fondamentales.

Le sénateur Cook : Je vous arrête là, Tina. Et si les provinces font une sélection minutieuse, vu l'importance financière du projet? Comment nous protéger de cela? C'est une question importante.

Mme Pranger : Ce qui est important, c'est d'encourager la collaboration. Si vous débloquez un budget pour les lignes directrices et les normes, et si vous les responsabilisez, vous savez toutes et tous que les provinces joueront le jeu. Ce qui ne sera peut-être pas le cas autrement.

J'aimerais juste ajouter quelque chose sur la formation psychiatrique. Je crois que l'on fait fausse route ici, et Ian pourra peut-être élaborer là-dessus, quand on parle de former un médecin de famille à la psychiatrie en huit semaines. Les psychiatres doivent satisfaire autant d'exigences durant leur internat et leur résidence que n'importe quel autre spécialiste. Ils reçoivent une formation aussi complète que celle des neurologues ou des cardiologues.

Dr Reid : Je parle des 95 pour cent des médecins qui ne sont pas psychiatres, et c'est pour cela que je dis que notre formation est limitée. J'ai surtout exercé à l'hôpital psychiatrique de Kingston, où la plupart de mes patients étaient psychotiques, ce qui n'est, bien sûr, qu'un tout petit pourcentage du réel fardeau de la maladie mentale.

Je suis d'accord avec presque tout ce que vous avez dit, mais j'aimerais faire remarquer que si nous faisons attention à cela, c'est précisément grâce à la reconnaissance de l'ampleur du problème, à la morbidité qui en résulte, à la prévalence de cette maladie. La seule lecture des statistiques du bref article du sénateur Callbeck donne à réfléchir. Ce n'est que lorsque nous soulevons le couvercle que nous exposons la réalité de cette maladie et son impact et que nous pouvons justement exiger qu'une partie suffisante du financement des soins de santé soit dédiée à la gestion efficace du problème. Peu de gens savent cela. Si vous enquêtiez dans la rue, vous verriez que la plupart des gens n'ont aucune idée de l'ampleur du problème, de son impact sur les vies. Lorsque vous lui demandez le soutien du public, il vous donne son argent et vous autorise à prélever un budget pour lutter contre elle. Il s'agit d'une initiative d'éducation publique essentielle.

Le sénateur Cook : Mon problème, et mon inquiétude, c'est que lorsque je me casse le poignet, je peux le faire réparer; c'est physique. Comment rendre la maladie mentale, voire la santé mentale, visible? Il ne s'agit pas de stigmate, il s'agit de discrimination. Devons-nous recommander un programme de communications exhaustif pour ce pays? Le gouvernement le fait-il? Comme il a été dit hier, devrions-nous faire appel à une société de marketing? Nous avons accompli de belles choses dans la lutte contre la conduite en état d'ébriété, les cancers, et cetera. Je me souviens qu'il y a 20 ans, le mot « cancer » était tabou. Il est très bien accepté aujourd'hui. Nous y faisons face. Nous avons peur de ce que nous ne connaissons pas. Comment enlever cette barrière?

Mme Pranger : Je propose que nous travaillions avec les organisations qui ont réussi dans le domaine, et encore une fois, l'Association canadienne pour la maladie mentale a fait un travail colossal, comme l'Alliance canadienne pour la santé mentale et la santé mentale. Ces gens sont au courant des campagnes de marketing social et de sensibilisation du public. Ils ont déjà mis en place des stratégies pour aider les gens à comprendre. Même s'il n'est pas visible, le problème est persistent et très destructeur.

Le sénateur Cook : Il y a donc des experts dans le domaine. Ils sont probablement fragmentés, c'est ce que vous nous dites?

Mme Pranger : Je ne dirais pas qu'ils sont fragmentés, parce que l'Association canadienne pour la santé mentale est un organisme national, comme l'ACMMSM. Elles font un grand travail de sensibilisation du public. Il serait stratégique de travailler avec elles.

Le sénateur Cook : L'approche collaborative qui inclut tout le monde.

Finalement, Jim, j'adore votre approche de santé communautaire. Je crois que c'est la voie à suivre, au moins au Canada atlantique. J'appelle cela une approche à guichet unique. Merci.

Le président : Permettez-moi de vous remercier toutes et tous d'être venus. Nous avons pris de votre temps beaucoup plus que nous le voulions, mais cela semble nous arriver tout le temps.

Sénateurs, notre prochain groupe de témoins sera composé de Tarry Hewitt, coordonnatrice de projet de l'association Aboriginal Survivors for Healing, de Tom Macleod, du Centre Fitzroy, de Bonnie Arnold, de la section Île-du-Prince-Édouard de l'Association canadienne pour la santé mentale et de Pat Doyle, vice-présidente du Comité provincial sur la prévention du suicide de l'Île-du-Prince-Édouard.

Tarry, nous commencerons avec vous.

Mme Tarry Hewitt, coordonnatrice de projet, Aboriginal Survivors for Healing : Bonjour. Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de témoigner devant vous ce matin, et j'espère, en partagent avec vous l'expérience de notre projet, vous aider à améliorer la fourniture des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances au Canada.

J'ai intégré la description de notre organisation aux réponses aux commentaires et aux questions posées dans le rapport 3, et j'ai confiné l'exposé aux Autochtones en raison de la nature du travail que nous effectuons dans notre association.

ASH, ou Aboriginal Survivors for Healing, a été créée en décembre 2000, grâce au financement de la Fondation autochtone de guérison, afin de fournir des services et du soutien aux survivants du pensionnat de Shubenacadie et à leurs familles résidentes de l'Île-du-Prince-Édouard. L'association est dirigée par un conseil composé de survivants et de descendants.

Dès sa création, l'association a mis en place un programme de stages pour les conseillers d'orientation autochtones — pour étoffer ses ressources humaines — dans le cadre d'un partenariat avec les fournisseurs de services de santé mentale conventionnels. Ce partenariat vise à développer des services adaptés à la culture à l'intérieur du système de prestation en place et à évaluer les besoins en services, dans le but de déterminer les méthodes de guérison les plus appropriées pour les survivants des pensionnats vivant encore dans la province.

Depuis quatre ans et demi, le programme a évolué, et l'association fournit maintenant des services de soins adaptés à la culture traditionnelle, préférence exprimée par la majorité des répondants au questionnaire de l'évaluation des besoins. Notre projet présente des défis à plusieurs niveaux. Nous nous sommes battus pour recruter et tenir en poste les conseillers d'orientation autochtones stagiaires pendant les trois ans et demi du programme, mais nous avons dû abandonner la lutte faute de candidats compétents.

Au cours du temps, il est apparu qu'il n'était peut-être pas possible, ni désirable, de promouvoir la sensibilisation aux réalités culturelles chez les fournisseurs de services de santé mentale conventionnels, avec ce but espéré de les voir prendre eux-mêmes la responsabilité de fournir ce type de guérison alternative. Les cercles de guérison, lorsqu'ils sont adaptés à la culture et dirigés par un Autochtone expérimenté, et dans notre cas, diplômé, sont plus que des « séances de groupe » à saveur indienne. Ils ont leurs racines dans les cérémonies et les traditions, et seuls les sages sont capables de les diriger. Notre conseiller traditionnel actuel utilise All My Relations, un livre de travail réalisé par Corrections Canada et l'Institut Nechi pour étudier et analyser en six semaines de modules la gestion de la colère, la toxicomanie, le deuil et la disparition, le rôle des parents et de la famille, la violence sexuelle et la communication.

Au départ, il y avait un cercle de guérison hebdomadaire pour les femmes, un autre pour les hommes et un troisième pour les descendants, mais ce dernier a été intégré à celui des hommes. Les participants sont nombreux et assidus. Les cercles ont, outre leur côté familial et sécurisant, l'avantage d'être culturellement imprégnés. Les participants y retrouvent des traditions et des savoirs traditionnels qui renforcent leur confiance en soi et leur confiance de retrouver leur bien-être grâce à des pratiques, cérémonies et croyances ancestrales.

Depuis le début du programme, qui a pour l'heure de quoi vivre jusqu'en mars 2007, certains clients s'en sont tenus aux seuls services conventionnels — ASH aide alors à les diriger vers les services appropriés —, d'autres encore utilisent des fournisseurs établis en même temps que les cercles de guérison, mais la majorité des clients ont choisi les cercles de guérison comme méthode de guérison.

Mon rôle de coordonnatrice à ASH, depuis sa création, est essentiellement administratif. Je suis une ex-membre du barreau de l'Ontario spécialisée dans le Droit des Autochtones. J'avais un cabinet dans le nord-ouest de l'Ontario, j'ai accepté mon poste actuel parfaitement consciente des défis et des objectifs de l'association. Forte de mon expérience et soucieuse d'en savoir davantage sur les méthodes de guérison traditionnelles, je me considère avant tout comme une passerelle entre la collectivité Mi'kmaq et la hiérarchie majoritairement non autochtone qui détermine l'allocation des ressources matérielles et humaines par la reconnaissance des compétences et des forces qui ont toujours permis aux collectivités Mi'kmaq de répondre à leurs besoins de guérison.

Cela peut sembler contradictoire. Les collectivités autochtones font face à des taux disproportionnés de toxicomanie, de suicide, d'incarcération et autres points noirs qui ont un impact négatif sur leur réalisation de soi, l'art d'être parent et leur santé physique et mentale. Mais il est essentiel de comprendre le contexte historique. En revisitant l'impact de la colonisation et, en particulier, le legs du système de pensionnats, il semble que nous revisitions un passé que d'autres rapports produits devant ce comité ont déjà traité. Mais il me semble important de relier les points pour comprendre le chemin parcouru, le chemin qui reste à faire et ce qu'il faut restaurer et utiliser du passé — ces pratiques de guérison traditionnelles qui ont été forcées à la clandestinité après avoir été mises hors la loi, mais qui n'ont jamais réellement disparu.

Le président : Merci, Tarry. Je suppose que vous alliez marquer un arrêt, n'est-ce pas?

Mme Hewitt : Si j'en ai le temps, j'aimerais répondre aux questions point par point.

Le président : Ne pourriez-vous pas juste faire ressortir les points saillants des réponses, alors?

Mme Hewitt : En ce qui concerne la fragmentation du système, non seulement elle pose un cauchemar bureaucratique à l'accès aux services et aux financements des services aux Autochtones, mais elle va à l'encontre de leur approche holistique à la guérison, bien plus adaptée à la culture.

Je saute certains faits pour parler des points saillants, comme vous l'avez demandé.

La fragmentation crée un dédoublement des services, alors que certains besoins ne sont même pas satisfaits, et tout cela se traduit par une utilisation inefficace des ressources financières et un manque de cohérence dans la fourniture des services.

Il faudrait déléguer plus de pouvoir aux collectivités autochtones pour qu'elles adaptent leurs services et favorisent des solutions mieux adaptées à la culture. L'imposition de solutions non autochtones à des problèmes autochtones devrait soulever quelques questions. Celles et ceux qui travaillent dans le domaine ont tous compris que cette pratique n'a pas réussi, et qu'il vaudrait mieux aider les Autochtones à gérer la santé mentale et la lutte contre les dépendances d'une manière qui reconnaisse et respecte les compétences traditionnelles. Cela implique, paradoxalement, de vaincre le préjugé non autochtone en faveur des traitements et des méthodes conventionnels, mais également le préjugé autochtone — conséquence de décennies d'intervention paternaliste — selon lequel les pratiques non autochtones seraient supérieures.

Il y a une grave pénurie d'Autochtones et de travailleurs en santé mentale qualifiés. Depuis la deuxième moitié du siècle dernier, le gouvernement fédéral se décharge de la responsabilité financière, des dollars et des services que gérait le ministère des Affaires indiennes dans le passé. Cette initiative et la volonté de laisser aux Autochtones la liberté de gérer les services de leurs collectivités ont entraîné un énorme besoin de candidats autochtones formés, éduqués et expérimentés en services de tous genres : santé, éducation, services sociaux, et cetera.

Outre la pénurie des secteurs susmentionnés et autres en personnel qualifié, l'incapacité de fournir aux collectivités autochtones des professionnels en santé mentale et dans la lutte contre les dépendances compétents a des incidences très importantes sur les Autochtones qui ne peuvent avoir accès à ces services dans leur collectivité. Sans ressources pour lutter contre la maladie mentale et ses problèmes, les collectivités autochtones continueront à crouler sous le poids de la violence familiale, des incarcérations et autres fléaux sociaux. Ce sont là autant de barrières posées à la productivité, aux collectivités en bonne santé et à la pleine participation des Autochtones à la société canadienne.

En ce qui concerne l'intégration des questions autochtones dans les stratégies provinciales sur la santé mentale, je suggère de considérer avec le plus grand soin l'harmonisation des programmes fédéraux sur la santé mentale des Autochtones vivant dans les réserves et hors des réserves des provinces qui y ont adhéré, afin de ne pas diluer les responsabilités fédérales dans ces domaines. La première étape de cette initiative devrait être la consultation de l'Assemblée des Premières nations et des conseils représentatifs des Premières nations de la province.

Pour ce qui est des changements prioritaires que le gouvernement fédéral devrait effectuer dans la fourniture des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances aux Autochtones, il est clair que les ressources humaines viennent au premier plan. La question des ressources humaines a d'ailleurs sa réponse dans les mesures incitatives financières que le gouvernement fédéral devrait mettre en place pour amener les Canadiens autochtones à s'orienter dans les métiers de la santé mentale.

Je reviens à notre projet. Lorsque nous avons été incapables de recruter suffisamment de candidats qualifiés pour le programme de stages de conseillers en éducation autochtones, il nous a semblé important de réexaminer notre objectif en ressources humaines. Pour beaucoup, le nombre de diplômés postsecondaires autochtones devrait expliquer cette pénurie. La lecture de certaines données de l'AINC allait nous enseigner de surprenantes nouvelles. En examinant les années 1995-1996 à 1998-1999, les dernières pour lesquelles on disposait à l'époque de statistiques complètes, nous avons comparé le nombre de diplômés postsecondaires sur l'ensemble du Canada, par rapport au nombre total de candidats inscrits, avec celui des Autochtones, puis nous avons refait la même comparaison pour le Canada atlantique. Les pourcentages des candidats inscrits dans tout le Canada pendant les années de référence sont restés stationnaires à 3, pour des pourcentages semblables de diplômés. Les pourcentages des candidats autochtones par rapport à la population variaient entre 2,3 et 1,9, tandis que ceux des diplômés se situaient entre 0,63 et 0,53, respectivement. Au Canada atlantique, les pourcentages de candidats inscrits étaient plus élevés, mais les pourcentages de diplômés étaient bien inférieurs à ceux de l'ensemble du Canada. Il est clair que ces taux de persévérance scolaire des étudiants postsecondaires autochtones se situent loin des moyennes canadiennes.

Sur la question des pénuries, il est primordial de rompre avec les sentiers battus. Plutôt que de proposer des mesures incitatives financières aux Canadiens autochtones pour se former en santé mentale, il faudrait considérer une approche encore plus novatrice — importer les universités et les collèges communautaires dans les collectivités autochtones. Ci-joint un article du 11 juin 2005 du Globe and Mail sur la collation des diplômes de 10 étudiants du Nunavut, à l'école de droit de leur collectivité, Akitsiraq, conséquence d'un partenariat entre l'École de droit de l'Université de Victoria, l'Université d'Ottawa, du gouvernement canadien et du gouvernement du Nunavut. Cette noble expérience a donné l'élan à des projets plus petits, également sur la voie de la réussite. L'Université du Cap-Breton, anciennement l'UCCB et les collectivités des Premières nations de la Nouvelle-Écosse ont introduit des cours universitaires dans les collectivités. Les avantages sont évidents : les étudiants peuvent poursuivre leurs études postsecondaires sans avoir à quitter leur famille ou à abandonner leurs responsabilités familiales, dans un environnement familier et moins intimidant. De telles expériences conduisent à une augmentation du taux de persévérance scolaire. Les établissements d'enseignement profitent de ces partenariats pour donner l'occasion aux professeurs invités de mieux connaître les collectivités et les coutumes des Premières nations. Cet échange de savoirs entre les membres des collectivités et les personnels enseignants des universités conduit à son tour à une meilleure relation collaborative entre les établissements d'enseignement et les Autochtones.

La promotion des pratiques de guérison traditionnelle passe par la reconnaissance de leur efficacité et la mise en valeur des ressources humaines afin de surmonter les habitudes de dépendance et de restaurer l'estime de soi des Autochtones et la confiance dans leur culture. Le choix entre les méthodes de guérison conventionnelles et les méthodes traditionnelles autochtones, qui s'inscrivent dans une approche holistique de restauration du bien-être, serait laissé aux collectivités. Actuellement, il existe encore un fort dirigisme paternaliste dans le choix des services et des traitements et l'exemple donné ici est particulièrement ironique.

La Résolution des questions des pensionnats indiens Canada finance Santé Canada dans de nombreux projets de santé mentale destinés aux survivants des pensionnats qui demandent réparation devant les tribunaux ou autrement pour les sévices subis pendant leurs années de pensionnat. Dans le cadre du mandat octroyé par IRSCR, Santé Canada rémunère les psychologues agréés et les travailleurs sociaux qui fournissent des services de consultation aux survivants admissibles et paie les frais de transport des survivants chez leurs guérisseurs traditionnels et/ou les frais d'accompagnement des guérisseurs, à titre de personnes de confiance, aux audiences. ASH et plusieurs autres organisations autochtones du Canada négocient avec Santé Canada pour qu'elle rétribue également les services des guérisseurs traditionnels.

Les collectivités autochtones disposent d'hommes et de femmes capables de continuer à guérir traditionnellement et toujours prêts à s'inspirer des anciens et des guérisseurs et guérisseuses. Ces hommes et ces femmes pourraient devenir d'excellents facilitateurs des cercles de guérison et autres méthodes de guérison traditionnelles. Les collectivités autochtones disposent déjà des structures qui permettraient d'étudier en détail la capacité reconnue de ces guérisseurs aux services incommensurables.

La réponse à la deuxième question — sur les structures qui permettraient le mieux de s'informer des services nécessaires — est partiellement contenue dans la réponse à la première question. ASH est une association autonome, sans affiliation politique, même si les Premières nations et autres organisations autochtones représentatives de la province en sont informées en permanence et collaborent avec elle de temps à autre. Notre expérience nous a enseignés que les représentants des prestataires de services, comme les centres de ressources pour les familles, les organismes autochtones de services à l'enfance et à la famille, les travailleurs de la NAADP, et cetera. fournissent une approche à la résolution des problèmes sociaux plus axée sur le client que les organisations politiques, lesquelles ont déjà leur lot de problèmes, loin de nos travailleurs de première ligne. Comme les services varient d'une région à l'autre, les services adaptés à la culture pourraient être fournis et encadrés par un comité de personnes nommées à même les conseils des Premières nations ou des tribus pour mieux répondre aux besoins locaux.

Je répète que ma réponse à la troisième question est en partie contenue dans ma deuxième réponse. Actuellement, le gouvernement fédéral utilise un modèle de prestation de services à guichet unique. Au Canada atlantique, et probablement ailleurs dans le pays, cela se traduit par un délestage des subventions à une organisation régionale politiquement contrôlée qui reverse à son tour ces subventions à ses membres, quand elle ne fournit pas elle-même les services directement. Il s'agit d'un modèle pratique certes, mais cette approche à guichet unique serait plus efficace si les fonds étaient alloués aux services de santé mentale et à la lutte contre les dépendances étaient distribués aux collectivités des Premières nations ou aux conseils tribaux proportionnellement au nombre d'habitants.

Il semblerait que ma réponse à la troisième question soit amalgamée à la première question.

La dernière réponse — sur la responsabilité d'un état des lieux des services existants — repose la question des dédoublements et les lacunes des programmes et suggère essentiellement la conservation du système en place, avec quelques aménagements. Cette réponse est incompatible avec les réponses précédentes que l'organisation a données dans cet exposé. L'état des lieux sera inévitable, toutefois, que l'on envisage de conserver le système en place ou de redistribuer et de rationaliser les ressources. Cet exercice pourrait profiter au coût des programmes en cours, sous réserve d'une base de référence qui détermine le financement à allouer s'il était décidé de restructurer et de délester les services partiellement ou totalement, comme nous l'avons laissé entendre ici. Santé Canada, l'Organisation nationale de la santé autochtones (l'ONSA) et l'Assemblée des Premières nations pourraient certainement mettre leur expertise en commun pour faire cet état des lieux.

Le président : Merci, Tarry.

M. Tom Macleod, du Centre Fitzroy : Honorables sénateurs, je me réjouis d'être venu présenter à votre comité un système de fourniture de soins en santé mentale qui fonctionne. Pour moi, ce système fonctionne si bien que je dis souvent qu'il a transformé ma tentative de suicide en réussite absolue.

Il y a neuf ans, je me suis retrouvé au chômage. Mes trois ans sans travail ont eu vite raison de mes économies, mais j'étais trop fier pour demander de l'aide. Miné par l'anxiété et par une dépression, je broyais du noir et je n'attendais plus rien de la vie. Ma famille m'a emmené au service psychiatrique de l'hôpital qui a recommandé que je sois suivi pendant deux semaines. Je suis passé par les séances de groupe, puis un travailleur social m'a informé de mon droit à recevoir une aide sociale, puisque j'avais contribué pendant mes 25 ans de dur travail dans les assurances générales.

Pendant cette période, j'ai décidé d'être brutalement honnête avec moi-même. Je n'avais pas juste besoin d'un peu plus de temps pour reprendre mes esprits. J'avais besoin d'aide et je la souhaitais. On me suggéra de faire une demande de pension d'invalidité, en vertu du Régime de pensions du Canada. Mais ce n'est pas ce que je voulais faire. Je voulais retourner travailler et gagner ma vie. Je ne pouvais arriver à mon but que par un travail moins stressant et de meilleures techniques de gestion du stress que celles qui m'avaient jeté dans la situation dans laquelle je me trouvais. C'était une très bonne décision de la part de quelqu'un qui ne pouvait comprendre un paragraphe d'une histoire drôle du Reader's Digest sans le relire deux ou trois fois.

À ma sortie d'hôpital, j'ai été dirigé vers une clinique de santé mentale de la province. Les deux séances de consultation mensuelles que l'on m'y a données m'ont vraiment aidé, au point que je n'en avais plus besoin après trois mois environ. J'ai alors été dirigé vers le Centre Fitzroy, où j'ai réellement entrepris mon lent retour vers mon bien-être mental.

Le Centre Fitzroy fait partie d'un programme de la section de l'Île-du-Prince-Édouard de l'Association canadienne pour la santé mentale. Là, les membres développent des relations avec le personnel et les comembres du centre. Mes comembres étaient également mes pairs et mes collègues de travail d'un jour, pendant lequel nous étions chargé du fonctionnement du pavillon. C'est à ce titre de membre du pavillon du Centre Fitzroy que je vous présente aujourd'hui cet exposé.

Le premier pavillon, Fountain House, a ouvert ses portes à New York en 1948, et pendant environ 30 ans, il était le seul dans son genre. Il était pour l'époque naïf, voire radical, de penser que l'on pouvait soigner des malades mentaux par la réhabilitation, les relations communautaires et les relations personnelles avec le personnel soignant.

En février 1988, le directeur des Services de santé mentale de l'Île-du-Prince-Édouard s'est rendu à Fountain House avec des représentants de l'ACSM. Ils ont examiné le concept et conclu que nous pouvions l'adopter ici pour fournir des services plus complets. Les programmes en cours furent intégrés au nouveau concept et, en juillet 1989, le pavillon du Centre Fitzroy ouvrait ses portes. Nous ne sommes pas arrêtés là cependant. Le modèle du pavillon a été adopté à Summerside, avec le pavillon Notre Dame, et à Alberton, avec le pavillon West Prince. Une récente étude dans Kings Country vient de recommander la construction d'un pavillon dans la région.

En mars 1994, était créé l'International Centre for Clubhouse Development — l'ICCD — pour servir et représenter la dynamique et croissante communauté pavillonnaire. Aujourd'hui, il y a plus de 300 pavillons répartis dans 24 pays.

Les pavillons sont des centres qui offrent soutien et encouragement à leurs membres, des personnes souffrant de maladie mentale. Au cours des années, les pavillons ont fait la preuve que les membres peuvent vivre et travailler dans la collectivité. Les pavillons ont réussi grâce à leur environnement de soutien, leur reconnaissance des potentialités de chaque individu et leur engagement envers ces potentialités nonobstant la gravité de la maladie. Les pavillons sont des endroits où les membres vivent comme des adultes actifs plutôt que des patients à soigner.

Les pavillons offrent également de nombreux services dans lesquels les membres puisent en fonction de leurs besoins et de leurs objectifs. Les membres ont le choix entre les programmes du jour, la réadaptation professionnelle, la recherche d'emploi, le soutien au logement, la gestion de cas, les programmes sociaux et récréatifs, le soutien à l'éducation, la défense d'intérêts et les interventions d'urgence.

Au cours des 15 dernières années, le nombre des membres du Centre Fitzroy a quadruplé, et il est maintenant d'environ 400. Nous avons agrandi le pavillon et les services logement et emploi ont augmenté leurs offres à plusieurs occasions. Nous avons consolidé notre pavillon sur la base des normes de l'ICCD et nous sommes devenus en 2001 le premier pavillon agréé par l'ICCD au Canada atlantique.

Pendant mon premier jour au Centre Fitzroy, en avril 1996, j'ai été incapable de faire quoi que ce soit et observé timidement ce qu'il s'y faisait. Mais je me suis vite retrouvé à faire mille choses. Au bout de ma première année, mon estime de moi s'était améliorée et j'ai compris que j'étais prêt à reprendre le travail.

En mai 1997, notre service emploi a demandé une subvention salariale dans le cadre du Fonds pour la création de possibilités économiques et j'ai commencé à travailler dans un club de golf local. Aujourd'hui, Ressources humaines et Développement des compétences Canada administre encore le Fonds pour la création de possibilités économiques, mais nous ne pouvons plus utiliser les subventions comme il était possible de le faire au début du programme, et les demandes de subventions exigent un travail administratif colossal.

Le service emploi de notre pavillon propose plusieurs ateliers sur la défense des droits des travailleurs, l'aide à la détermination des objectifs et à la planification, la préparation du curriculum vitae, la recherche d'emploi et les techniques d'entrevue. Il place également les membres dans les organismes de formation et de développement de compétences, les aide dans leurs demandes d'allocations et leur offre un soutien post-emploi.

Une partie de notre service emploi fournit un service d'aide à l'éducation. Ce service est vital pour les membres qui ne sont pas allés loin dans leur scolarité. Plusieurs membres et employés donnent des cours d'alphabétisation Laubach individualisés. Nous donnons également des cours de base en informatique. Avec le collège communautaire local, nous avons organisé un cours pour adultes en formation générale (FG). Nous aidons également ceux qui veulent poursuivre leurs études à obtenir des prêts et des bourses d'études.

Cette année, nous avons négocié le contrat des services d'aide à l'emploi — SAE — avec RHDCC. Nous offrons des services d'aide à l'emploi depuis presque 20 ans, mais à cause des modifications apportées aux SAE, nous avons encore dû batailler dur pour obtenir les subventions. L'aide à l'emploi est maintenant automatiquement suspendue dès que le membre commence à travailler. Le soutien post-emploi est accordé dans le cadre des SAEPH, les Services d'aide à l'emploi pour personnes handicapées. Les nouveaux règlements du programme sont peut-être appropriés aux groupes cibles comme les jeunes ou aux économiquement faibles, mais il semble que l'on ait oublié que la maladie mentale est un handicap. Le soutien post-emploi est souvent une nécessité, et plus vite il est accordé, meilleures sont les chances de maintenir le placement professionnel.

Nous nous battons aussi contre les barrières à l'emploi suivantes : les menaces contre les pensions d'invalidité de RPC pour dépassement du plafond de revenus, l'inadmissibilité dans la plupart des polices d'invalidité des assureurs privés — totale signifie totale — et les déductions sur les prestations sociale au-delà d'un plafond de revenus mensuels pourtant bien modestes.

Au-delà de nos programmes d'emploi et des relations que développent nos membres au fur et à mesure de leur participation au service emploi du pavillon et de leur réhabilitation psychosociale, il y a la troisième composante de notre pavillon, le service logement. Les normes en matière de logement de l'ICCD se lisent en partie ainsi :

Le pavillon s'engage à fournir à ses membres un choix de logements variés, sécuritaires, décents et abordables. Le pavillon s'engage à rechercher tout type de logements qui respectent ces critères, mais il pourra, dans le cas de leur indisponibilité, établir son propre programme de logement.

Parce que plusieurs membres des pavillons vivent de revenus limités, en raison de leur faible instruction ou de leur incapacité à travailler dans un environnement ultra stressant et ultra contraignant, le mot clé est ici « abordable ».

Dès les premières années du Centre Fitzroy, nous avons commencé à trouver à nos membres des logements subventionnés. Mais cela s'est arrêté au début des années 1990 lorsque les programmes de la SCHL ont éliminé les ressources que nous utilisions si efficacement pour mettre en place notre programme de logement. Aujourd'hui, nous avons au moins trois fois plus de demandeurs, pour un nombre de logements subventionnés qui n'a pas changé depuis que je suis devenu membre du Centre, en 1996.

J'ai eu de la chance. Après deux ans d'attente, j'ai obtenu l'un de nos 15 appartements communautaires, des logements subventionnés. Nous apprécions cette aide comme il se doit, surtout pendant l'hiver, quand je ne touche que l'assurance-emploi. Sans cette subvention, mon épouse et moi serions à court tous les mois. Sur l'année, elle doit représenter environ un mois de revenus moyens.

De plus, le Centre Fitzroy Centre exploite deux immeubles, pour un total de 25 appartements subventionnés et un foyer de 10 lits. Comme notre pavillon n'est pas trop éloigné, les résidents des appartements et du foyer peuvent compter sur lui pour éventuellement les dépanner. Aujourd'hui, 50 membres attendent toujours d'être logés par le Centre Fitzroy.

Notre plus grand obstacle, ce n'est pas la construction d'un immeuble de logements, mais le coût de son exploitation. Les logements subventionnés ne génèrent pas suffisamment de revenus pour compenser leur coût d'exploitation et le salaire du personnel de soutien. Dans un récent projet immobilier, l'ACSM a été incapable d'obtenir un prêt hypothécaire, malgré un apport qui représentait environ 70 pour cent du coût total du projet. Les banques ne veulent tout simplement plus prendre de risque avec ce type d'opération. Les garanties existaient lorsque le logement était en plein développement à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Ce n'est plus le cas, hélas.

Pour conclure, le pavillon est un endroit où les personnes qui souffrent de maladie mentale viennent reconstruire leur vie. Elles y sont appelées « membres », non « patients ». Nous nous concentrons sur les forces, non sur la maladie. Le travail dans le pavillon, qu'il s'agisse de tâches administratives, de saisie de données, de préparation de repas ou de soutien aux comembres, représente l'essentiel du processus de guérison. Chaque opportunité est le résultat des efforts des membres et des employés du Centre, qui avancent côte à côte dans la même direction. Le pas décisif que font les membres vers leur indépendance, c'est le pas vers l'emploi. Ils sont aidés dans leur recherche d'un véritable emploi, dans leur collectivité. Le pavillon les aide également à se loger, à s'éduquer, à recevoir des soins psychiatriques et médicaux et à maintenir leurs prestations sociales. L'adhésion est à vie, et les membres pourront y trouver l'aide qui leur permettra de consolider leur vie dans leur collectivité.

Nous qui souffrons de maladie mentale, nous aimerions que l'on nous reconnaisse un handicap, comme on reconnaît un handicap physique à d'autres. Le pavillon fait cela, et il nous défend et nous soutient sur cette base. Si nous sommes un groupe cible, nous avons été ignorés, et le gouvernement devrait alors préciser ses besoins.

La première amélioration devrait venir de RHDCC et du Fonds pour la création de possibilités économiques. Nous aimerions que soit facilité l'accès à ce qui est permis. Nous aimerions également que nos contrats SAE permettent le soutien post-emploi. Dans la situation actuelle, on vous donne une chaise roulante, mais on vous interdit de l'utiliser dès que vous pouvez marcher.

La dernière amélioration devrait venir de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. L'insuffisance et le coût élevé des logements sont des problèmes qui contribuent à notre condition. Redonnez-nous l'ancienne SCHL, ses ressources et son dévoué personnel pour qu'ensemble nous construisions l'avenir du logement social pour nous et nos collectivités.

Le président : Merci, Tom.

Mme Pat Doyle, vice-présidente, Comité provincial sur la prévention du suicide : Bonjour.

L'Île-du-Prince-Édouard connaît en moyenne 16 cas de suicides par an. Nous n'avons pas un taux de suicide anormalement élevé par rapport au reste du pays, mais si vous regardez les effets en cascade de chacun de ces suicides dans nos communautés insulaires compactes, l'impact tragique et douloureux du suicide à l'Île-du-Prince-Édouard est lourd de conséquences. Les études montrent que chaque suicide réussi cache en fait de nombreuses tentatives. En fait, les estimations prudentes font état de 40 tentatives de suicide pour chaque suicide réussi. Par conséquent, le suicide est un problème de santé publique grave, qui demande toute notre attention.

Le Comité provincial sur la prévention du suicide a été créé en 2002, à la suite d'un partenariat entre le ministère de la santé provincial et la section de l'Île-du-Prince-Édouard de l'Association canadienne pour la santé mentale. Il s'agit d'un groupe de travail inter-organismes dont les membres représentent différents intervenants et différentes régions de la province, dont l'ACSM, le ministère de la Santé — Santé mentale et lutte contre les dépendances —, les Survivants du suicide, les services de police, les groupes autochtones, le ministère de l'Éducation, les aînés, le clergé, Corrections Canada et Service jeunesse Canada. En examinant les données actuelles sur la prévention du suicide, les recherches et les pratiques exemplaires dans le domaine, nous avons développé des stratégies qui réduisent le taux de suicide et l'impact du suicide à l'Île-du-Prince-Édouard. Je me présente aujourd'hui devant nous au nom de ce comité.

Je répondrai pour commencer au rapport provisoire du sénateur Kirby et aux questions sur le suicide, et je vous parlerai ensuite un peu de ce que nous faisons ici, à l'Île-du-Prince-Édouard.

Comme plus de 4 000 Canadiens se suicident chaque année, notre Comité provincial sur la prévention du suicide croit qu'une stratégie de prévention du suicide est une composante essentielle de la stratégie nationale du Canada en matière de santé mentale et de toxicomanie.

De nombreux groupes devraient participer à l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention du suicide au Canada. Comme vous le savez, l'Association canadienne sur la prévention du suicide, l'ACPS, a mis de l'avant un plan directeur pour une stratégie nationale de prévention du suicide. Notre comité provincial appuie le plan directeur de l'ACPS, ainsi que les buts et objectifs définis pour ce plan. Je suppose que vous avez des exemplaires du plan directeur de l'ACPS.

L'ACPS, avec son plan directeur, et le gouvernement fédéral, Santé Canada plus précisément, ainsi que d'autres groupes de recherche pertinents, devraient assumer un rôle de direction dans l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention du suicide. Des représentants de tous les ministères de la Santé provinciaux/territoriaux, des groupes/ comités provinciaux de prévention du suicide, des groupes d'intérêt spéciaux comme les Survivors of Suicide et les groupes autochtones, des ONG comme l'Association canadienne pour la santé mentale et des groupes intersectoriels comme l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale devraient de plus être invités à apporter leur contribution.

À l'aide du plan directeur de l'ACPS comme cadre de travail, une stratégie nationale de prévention du suicide devrait inclure des programmes et des activités visant tous les aspects de la problématique du suicide, et porter sur des stratégies de prévention, d'intervention et de « postvention ». Le Canada devrait avoir une seule stratégie nationale de prévention du suicide dont le financement serait transféré aux provinces et aux territoires pour les programmes et les activités de prévention du suicide dans ces régions. La stratégie devrait fournir des lignes directrices et des paramètres dans le cadre desquels les provinces/territoires travailleraient, et offrir la flexibilité requise pour que les régions et/ou les divers groupes culturels répondent à leurs besoins et leurs problèmes propres, en matière de suicide et de prévention du suicide.

Une stratégie nationale de prévention du suicide devrait être financée par des fonds fédéraux au moyen de ce que Dr Pranger a appelé un « budget étanche », c'est-à-dire une enveloppe privée protégée. Les fonds devraient être transférés aux provinces/territoires de telle façon que ceux-ci aient à répondre des buts et objectifs définis par la stratégie nationale de prévention du suicide du Canada.

Du point de vue de la prévention du suicide et de ce sur quoi nous avons travaillé au cours des cinq dernières années, notre programme Signals of suicide est probablement la pierre d'angle et même le catalyseur d'un certain nombre d'initiatives lancées à l'Î.-P.-É. Le suicide est la deuxième plus importante cause de mortalité chez les jeunes au Canada, 10 pour 100 de tous les suicides étant commis par les jeunes de 14 à 19 ans. Des études ont également démontré que les programmes de prévention du suicide dispensés en classe sont un des éléments clés de la réduction des comportements suicidaires chez les jeunes. Ces programmes donnent aux jeunes la permission de parler du suicide d'une façon sûre et respectueuse, ils donnent la possibilité de dissiper certains des mythes qui entourent le suicide, et ils apprennent aux élèves à reconnaître les signes avertisseurs et à chercher de l'aide pour eux-mêmes et pour leurs camarades lorsqu'ils sont en détresse. Cette dernière année, comme au cours des cinq, et maintenant presque six, dernières années, j'ai visité toutes les classes de 9e année de la province, faisant profiter de ce très important programme plus de 2 000 élèves chaque année. La réponse au programme continue à être positive tant de la part des élèves que des enseignants et des administrateurs, qui assistent également aux séances. Je collabore très étroitement avec les conseillers pédagogiques du réseau scolaire, dans la prestation du programme. Nous tenons également des séances d'information à l'intention des parents. Les réactions continuent à être très positives et le ministère de l'Éducation considère maintenant le programme comme une ressource recommandée pour parler du suicide en classe.

Ce programme, qui s'appelait à l'origine « Choices » et était produit par le Centre de crise de Vancouver, doit être mis à jour en fonction des résultats des travaux de recherche. Le programme doit également être bien reçu du groupe d'âge visé, c'est-à-dire les jeunes. Comme vous le savez, les jeunes sont très influencés par la mode et les dernières tendances. La bande vidéo pour ce programme a été réalisée lorsque les 14 ans, qui sont le groupe cible du programme, avaient trois ans. La mode a changé considérablement depuis. Elle ne modifie pas le message que le programme véhicule, mais elle change certainement leur capacité à l'absorber.

Par rapport à la Journée mondiale de la prévention du suicide, nous travaillons sur un certain nombre d'activités de prévention additionnelles.

Le président : En raison des contraintes de temps, vous devriez peut-être mentionner quelques-uns des points les plus importants et nous vous poserons ensuite des questions détaillées.

Mme Doyle : Eh bien, je suppose que le point le plus important est le financement. Comme vous pouvez le constater, nous en arrivons toujours à la question du financement. Vous connaissez certains des problèmes liés à notre programme Island Helpline. Nous avons maintenant des équipes de crise dans les hôpitaux, mais l'accès est certainement limité pour ce qui est du moment de la journée et du nombre d'heures où les équipes sont disponibles, et ces conditions ne peuvent pas être changées. Nous dispensons de la formation sur les techniques d'intervention en cas de suicide aux aidants communautaires, mais cette formation n'est pas obligatoire pour les groupes qui auraient un rôle à jouer en matière d'intervention, comme les services de police et les intervenants en santé mentale et en toxicomanie. Ils ne sont pas obligés de suivre ce type de formation. Je ne veux pas suggérer qu'ils devraient suivre la formation ASIST, un modèle créé par Living Works, mais une forme quelconque de formation aux techniques d'intervention. Les séances de sensibilisation au suicide, d'évaluation des signes avertisseurs, sont le genre de formation qui est souvent dispensée aux policiers. Ces séances de formation n'enseignent pas les techniques d'intervention, qui sont des techniques nécessaires pour aider une personne en détresse ou en crise psychiatrique aiguë.

Je voulais mentionner notre « arbre d'aide » — parce que quelqu'un a posé une question plus tôt aujourd'hui sur la sensibilisation des groupes communautaires ou des professionnels à ces services. Il est inclus dans la documentation qui vous a été remise. Il s'agit d'un outil convivial qui est distribué à tous les professionnels des soins de santé et médecins. Chaque médecin et policier de la province en possède un. Les « arbres d'aide » sont disponibles dans les centres d'information sur la santé ainsi qu'à nos bureaux de l'ACSM pour le grand public.

Encore une fois, nous n'avons aucune source stable de financement. Notre programme de prévention du suicide est financé par Centraide, le gouvernement provincial et notre tournoi de golf annuel, qui se déroule en ce moment même. Les participants prendront le départ dans 20 minutes. Pour qu'un programme aussi important doive compter sur des activités de levée de fonds — je pense qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

En matière de « postvention », l'expérience nous enseigne que les personnes suicidaires vont continuer à exister et que les suicides vont continuer à se produire malgré les efforts de prévention que nous avons mis en place, c'est pourquoi la « postvention » ou les soins a posteriori sont si importants. L'aide apportée aux survivants peut dans de nombreux cas réduire l'incidence sur ces derniers. Dans un sens, le soutien a posteriori est de la prévention parce qu'il peut éviter les crises et la détresse futures.

Un des projets auxquels notre Comité provincial sur la prévention du suicide participe, et en fait un de nos principaux projets actuellement, est l'élaboration d'une brochure sur le deuil qui sera disponible dans les salons funéraires, les urgences des hôpitaux, les lieux où les survivants peuvent se renseigner sur les endroits où ils peuvent obtenir de l'aide et du soutien dans les premiers temps après un événement aussi tragique. Nous avons également une trousse d'auto-assistance à l'intention des survivants d'un suicide. Encore une fois, nous devons faire preuve de frugalité dans l'utilisation des ressources que nous avons. Il est beaucoup plus économique de faire distribuer cette brochure à grande échelle que de dire où obtenir l'information et de remettre cette trousse. Il en coûte 20 cents pour la première option et 6 $ pour la seconde. Nous essayons donc d'utiliser les ressources que nous avons de la façon la plus économique et efficace qui soit.

Nous avons un groupe d'auto-assistance pour les survivants adultes. Comme tous les soutiens de « postvention », ce groupe dépend de dons privés. Aucune allocation de fonds n'est consentie pour des ressources de ce type, à l'exception de la bibliothèque de ressources de l'ACSM, qui est financée par l'intermédiaire de notre programme de soutien aux familles et aux consommateurs. En outre, il n'existe pas de réponse concertée pour les familles et les communautés, à la suite d'un suicide. Il y a un certain nombre de modèles d'extension des services aux survivants que nous aimerions explorer mais, encore une fois, le problème est le manque de fonds.

Je vais sauter directement aux points principaux. Encore maintenant, la recherche d'aide est vue comme quelque chose de honteux. Nous pouvons tous travailler ensemble à vaincre ces obstacles. En tant que société, nous devons accroître la sensibilisation à la question du suicide. Cette question est encore un objet de honte, comme de nombreuses autres questions touchant la santé mentale. Les aidants et les professionnels doivent se former aux méthodes d'intervention efficaces en cas de crise suicidaire et encourager la réaction concertée des agences communautaires. Je suppose que vous êtes familiers avec le rapport du Nouveau-Brunswick qui a souligné certains de ces points clés du point de vue du lien entre les toxicomanies et la santé mentale. Les gouvernements doivent faire de la maladie mentale une priorité.

Je vous remercie de votre visite. Je pense que votre visite à l'Île-du-Prince-Édouard et dans toutes les régions du pays est une indication que vous prenez cette question au sérieux et que vous en faites une priorité.

Enfin, les décideurs peuvent soutenir une stratégie nationale en matière de maladie mentale et de toxicomanie qui inclut une stratégie nationale de prévention du suicide.

Le président : Merci.

Mme Bonnie Arnold, Association canadienne pour la santé mentale, section Île-du-Prince-Édouard : Bonjour, Le sénateurs et membres du personnel. Je suis la mère d'un jeune homme qui souffre de schizophrénie désorganisée et de troubles de l'humeur.

Notre fils, qui était un élève et un athlète exceptionnels pendant ses études secondaires, a soudainement été frappé par cette maladie quelques mois après avoir commencé ses études à l'Université Mount Allison, au Nouveau-Brunswick. Il avait 18 ans à l'époque.

Pendant les neuf dernières années, sa maladie a fait vivre à mon fils et à notre famille un très difficile et éprouvant parcours parsemé de nombreuses hospitalisations. Comme la plupart des familles, nous refusions totalement de voir la vérité et pensions qu'il vivait une « crise de croissance ». Notre première réaction a été de nous demander ce que nous avions fait pour causer ceci à notre garçon. Nous étions en état de choc. « Vers qui allons-nous nous tourner? »

Je me suis tournée vers la fondatrice de la Société de schizophrénie de l'Î.-P.-É., Mary Sage. Elle a été ma bouée de sauvetage et ma source d'information. À partir de ce point, j'ai assisté à des réunions pour m'informer et informer ma famille, et pour obtenir le soutien dont j'avais le plus grand besoin.

Au cours des années, j'ai collaboré à un certain nombre d'organisations et de comités, et j'ai aidé à la préparation d'une brochure d'éducation familiale à l'intention du public. Le Groupe de travail sur les besoins de soutien (Support Needs Working Group), au nom duquel je m'adresse à vous aujourd'hui, est une des initiatives récentes auxquelles j'ai collaboré.

Je m'estime privilégiée d'avoir pu travailler avec nombre d'excellents professionnels des soins de santé qui veulent voir les choses changer pour le mieux, pour les personnes qui souffrent de maladie mentale. J'apprécie également l'occasion qui m'est offerte de m'adresser au comité du Sénat, et de partager l'expérience vécue à l'Île-du-Prince-Édouard avec le projet Support Needs et comment ce projet répond aux besoins des personnes atteintes de maladie mentale. L'art de parler en public n'est pas un de mes points forts, mais je sentais le besoin d'être ici aujourd'hui.

Si mon exposé est surtout axé sur les besoins des personnes atteintes de maladie mentale, je crois qu'il est également important de souligner que la santé mentale et le mieux-être mental sont des questions qui intéressent tous les Canadiens. Nous ne devrions plus séparer les personnes en deux camps, certaines personnes étant considérées comme normales et celles qui sont atteintes de maladie mentale étant considérées comme anormales. Aujourd'hui, nous savons que le mieux-être mental doit être vu comme un continuum. Une personne atteinte de maladie mentale qui bénéficie des appuis appropriés en matière de logement, de médication et de counselling, et qui a une famille et des amis aimants, peut être un membre à part entière de la société et être bien. D'autre part, quelqu'un qui n'a jamais eu de maladie mentale, mais qui a vécu un événement traumatisant au cours de sa vie peut être en très mauvaise santé mentale. Quelle que soit notre prédisposition, il est important que chacun vise un degré positif de mieux-être mental et d'équilibre dans sa vie. Tout un chacun, y compris les personnes atteintes de maladie mentale, a la capacité de gérer sa santé mentale.

Comme je l'ai mentionné, je collabore actuellement aux travaux du Groupe de travail sur les besoins de soutien de l'Î.-P.-É. Ce groupe de travail a été formé à la suite d'une étude menée à la grandeur de la province par l'Association canadienne pour la santé mentale, division de l'Île-du-Prince-Édouard, à la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le rapport final de l'étude, intitulé Pain, Perseverance & Passion, a été remis au ministère en mars 2004. Le rapport était fondé sur la conviction que les personnes atteintes de maladie mentale grave ont des besoins de soutien uniques qui n'étaient pas comblés par les programmes existants.

Dès le début, la recherche et les méthodes de collecte de l'information pour le rapport ont fait appel aux consommateurs, aux familles, aux fournisseurs de service et aux décideurs de l'ensemble de l'Île-du-Prince-Édouard. Un comité consultatif a aidé à guider les chercheurs dans la collecte de l'information. Les données ont été recueillies au moyen de questionnaires, de groupes de discussion et de mémoires. Plus de 400 questionnaires ont été envoyés à des travailleurs de première ligne, des gestionnaires et des organismes non gouvernementaux en santé mentale, des médecins de famille et des psychiatres de toutes les régions de la province. Dix groupes de discussions ont également été tenus dans les diverses régions, cinq étant entièrement composés de consommateurs et cinq étant composés de familles. Mon mari et moi-même avons participé au groupe familial tenu à Charlottetown.

Les groupes de discussion se sont révélés être beaucoup plus qu'une façon d'obtenir une réponse à un certain nombre de questions. Ils ont été des événements très révélateurs, tant pour les chercheurs que pour les participants. Par exemple, la déclaration d'un consommateur, « Je voulais être qui j'avais l'habitude d'être... », capturait l'essence du besoin de base qui était exprimé dans toute la province. Les personnes atteintes de maladie mentale veulent être des citoyens à part entière. Elles veulent être estimées et respectées. Les consommateurs veulent avoir une qualité de vie satisfaisante, participer au traitement de leur maladie et la comprendre. Ils veulent récupérer leur vie, c'est-à-dire être qui ils étaient.

Pour y parvenir, des soutiens efficaces et appropriés doivent être disponibles et accessibles. Lorsqu'un soutien clé est laissé de côté ou ne répond pas aux besoins d'une personne, une réaction en chaîne peut s'ensuivre et mener à la maladie, à l'hospitalisation et à des reculs majeurs. Je connais trop bien le processus. Ces reculs n'affectent pas seulement la personne atteinte, mais nous affectent en tant que familles et en tant que communautés, sans mentionner l'incidence sur l'économie résultant de la perte de rémunération de la personne malade, le coût accru pour les entreprises et l'augmentation du coût des soins de santé en général.

Le rapport sur les besoins de soutien a identifié 29 questions différentes, qui ont été divisées dans les dix catégories suivantes, énumérées par ordre décroissant d'importance : services, comme counselling, psychiatre, hospitalisations, et cetera.; éducation sur la santé mentale pour les consommateurs et les familles; soutien du revenu; médication; transport; emploi; logement; soins à domicile; soutien aux études pour les consommateurs qui veulent poursuivre leurs études secondaires et universitaires; et soins dentaires.

Si le but du rapport était de déterminer les lacunes dans le soutien prodigué, il a également souligné la réussite d'un certain nombre de programmes et d'activités en place à l'Î.-P.-É., qui font du très bon travail en matière de soutien aux personnes atteintes de maladie mentale. Citons à titre d'exemple les programmes de club de l'Association canadienne pour la santé mentale, les équipes régionales d'extension des services — dont notre fils a bénéficié et qui ont été une bénédiction — le programme Journey of Hope. Incidemment, j'ai suivi le programme Journey of Hope. Du point de vue éducation et ressources, c'est un merveilleux outil pour les familles. Les autres exemples incluent les équipes de crise et l'aide mutuelle que s'apportent les personnes aux prises avec la maladie mentale. Ces soutiens peuvent servir de base en vue de l'amélioration des services existants. Je tiens en particulier à souligner la merveilleuse qualité du personnel qui travaille en santé mentale à l'Î.-P.-É., en particulier le personnel de l'unité 9 de l'Hôpital Hillsborough, et le personnel de l'Hôpital Queen Elizabeth, y compris les médecins et le personnel infirmier jusqu'au personnel d'entretien et au personnel de la cuisine. Ils jouent tous un rôle tellement important pour le patient qui est à l'hôpital. C'est ce type de soutien extraordinaire qui fait beaucoup pour aider les patients à prendre du mieux.

Nous avons été très heureux que le ministère de la Santé et des Services sociaux ait décidé de rendre le rapport public. Le rapport a reçu le soutien du ministre de la Santé, et le Groupe de travail sur les besoins de soutien a été établi en octobre 2004 avec le mandat d'examiner les points soulevés dans le rapport et de faire des recommandations en vue de solutions possibles. J'ai avec moi un certain nombre d'exemplaires du rapport, que j'aimerais mettre à la disposition de votre comité.

Une des premières tâches du groupe de travail était d'établir l'ordre de priorité des différents problèmes soulevés, de chercher des options et d'en discuter, et d'élaborer des recommandations. Notre groupe de travail était divisé en cinq sous-groupes pour mieux s'attaquer à chacune des catégories identifiées. Les questions par lesquelles nous avons commencé incluaient le logement, l'accès à des psychiatres, une participation accrue des consommateurs et des familles, le coût des médicaments et la réduction du stigmate.

Il me fait plaisir de faire partie du sous-comité du logement et du sous-comité des consommateurs et des familles. Une des questions qui me tient personnellement à coeur est le manque de logements appropriés à l'âge des patients — un point qui préoccupe particulièrement notre famille. Par exemple, placer un jeune homme comme mon fils dans une maison de groupe avec 13 patients ou plus âgés de 20 à plus de 70 ans sans programmes de préparation et sans personnel formé est totalement non approprié. Je crois que la meilleure façon pour notre fils de parvenir au mieux-être est d'habiter dans une maison abritant un groupe plus petit où une supervision est assurée 24 heures sur 24 par du personnel formé et où des programmes sont offerts pour construire la confiance, l'estime de soi et un sens de mieux-être, dans le but de rendre les patients autonomes. Ce genre de maison n'est actuellement pas disponible à l'Î.-P-É.

Sur le sujet du logement, un autre point qui a été porté à l'attention du groupe de travail est le fait que les programmes de logements subventionnés qui étaient autrefois soutenus par le gouvernement fédéral n'existent plus. Il est vrai que de nouveaux fonds ont été débloqués pour aider à la construction de logements, mais il est impossible pour les agences de rendre les loyers abordables pour les locataires, qui sont souvent des célibataires à faible revenu, et d'offrir en même temps des programmes appropriés.

La formulation des recommandations par le groupe de travail n'est pas encore terminée, et le groupe prévoit soumettre ses recommandations finales en octobre de cette année. Par la suite, le groupe s'attellera aux cinq points clés restants.

Une réalité importante à laquelle fait face le groupe de travail est le fait que les recommandations sur les besoins de soutien seront faites à un moment où la limitation des dépenses est à l'ordre du jour pour le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. Un autre point est qu'au niveau fédéral, le rapport Romanow a lié le financement pour la santé mentale à la question des soins à domicile. Le terme « soins à domicile » a un sens très différent d'une province à une autre. Nous croyons qu'il est essentiel que le financement transféré par le gouvernement fédéral offre suffisamment de souplesse pour que l'Î.-P.-É. puisse l'utiliser de la façon la plus créative et la plus efficace possible pour se doter des services requis en santé mentale, et qu'il ne soit pas lié à un type de service en particulier.

Si un certain nombre de recommandations du Groupe de travail sur les besoins de soutien peuvent être mises en oeuvre sans financement neuf ou très peu, un engagement renouvelé et renforcé des gouvernements tant fédéral que provincial de travailler en partenariat avec les entités de la communauté à augmenter les fonds disponibles nécessitera que l'on s'engage dans une direction qui améliorera les services d'une façon significative. Nous croyons fermement que nous devons continuer à penser différemment et à travailler différemment pour améliorer de façon efficace les soutiens à la disposition des personnes atteintes de maladie mentale et leur procurer la possibilité « d'être qui elles étaient ».

Je voudrais faire un court commentaire additionnel pour conclure l'exposé du Groupe de travail sur les besoins de soutien. Lorsque j'ai discuté avec mon fils John de l'exposé que je présente aujourd'hui, il m'a demandé de vous poser une question — et je cite mon fils. Il voulait que je pose la question suivante en son nom. Il a seulement dit, « les médecins et le personnel font un travail extrêmement exigeant et difficile, ce qui peut être très dangereux pour eux. » Il veut dire dangereux pour leur vie. Il estime qu'ils ne reçoivent pas le respect et la reconnaissance qu'ils méritent et travaillent dans un bâtiment négligé et oublié — je parle ici de l'hôpital Hillsborough. Cet hôpital est le principal hôpital pour les personnes atteintes de maladie mentale, à l'Î-P.-É. Je cite à nouveau mon fils, et ce qu'il m'a dit m'a émue aux larmes parce qu'il voit quelque chose de positif dans ce qui lui est arrivé. « L'aspect positif et la beauté de tout ça, c'est que lorsque les personnes sont atteintes de maladie mentale, elles peuvent trouver un équilibre dans leur vie et maintenir cet équilibre grâce aux amitiés qu'elles nouent en thérapie avec d'autres personnes souffrant de problèmes similaires. La médication, la famille, la persévérance, notre vie est meilleure parce qu'elle nous rend suffisamment fort pour faire face à l'existence et lui donner un sens. » Il m'a alors regardée dans les yeux et m'a dit « Maman, penses-tu que ces gens peuvent faire une différence? »

Alors, en mon nom et au nom du Groupe de travail sur les besoins de soutien, je vous remercie d'avoir écouté mes commentaires. Avec votre engagement, nous anticipons un intérêt et un soutien renouvelés pour ce problème de santé très négligé. Nous, en tant qu'habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, soutiendrons certainement ce comité du Sénat dans ses efforts pour établir une stratégie nationale pour la santé mentale. Merci.

Le président : Merci, Bonnie, et remerciez votre fils de ses commentaires.

Mme Arnold : Je le ferai.

Le président : Dites-lui ce que nous avons répété partout au pays, dans des discours, et cetera, que nous sommes absolument déterminés à faire une différence, une des raisons étant que la vaste majorité d'entre nous, sur ce comité, sommes dans la même position que vous dans le sens qu'un membre raisonnablement proche de notre famille a aussi été atteint d'une maladie mentale grave — pas nécessairement un enfant, mais une belle-soeur, une soeur, et cetera. Nous comprenons une grande part de votre douleur et pour plusieurs d'entre nous, comme nous l'avons dit, cette étude est devenue davantage une mission qu'une étude gouvernementale classique. Merci à tous pour cela.

Si je peux me permettre, je dirai que c'est la première fois qu'un tableau complet de l'ensemble des services de soutien est présenté en un seul lieu. Nous avons entendu parler de fragments de programmes ici et là, mais vous avez simplifié notre travail considérablement en résumant le tout.

Le sénateur Callbeck : Merci à tous de vos exposés très instructifs. J'ai des questions pour chacun d'entre vous, alors, Tarry, je commencerai par vous.

Merci d'avoir préparé des réponses aux questions du document de travail sur les options. Pour les cercles de guérison, vous avez obtenu des fonds du gouvernement fédéral en 2000 et ce financement prendra fin en 2007. Était-ce un programme de sept ans ou avez-vous dû présenter une demande de financement chaque année?

Mme Hewitt : Initialement, la demande était pour un an. Nous avons dû présenter une demande pour la deuxième année. Nous avons alors reçu des fonds pour deux ans et en sommes maintenant aux deux dernières années. Chaque fois, nous avons dû remplir un long formulaire de demande et être considérés pour des fonds additionnels.

Le sénateur Callbeck : Allez-vous essayer de prolonger le programme ou estimez-vous que d'ici la fin de 2007, le programme sera terminé, que vous serez satisfaits du programme?

Mme Hewitt : Il est difficile de le dire maintenant, et il est important de voir comment les choses évoluent, mais je penserais que nous allons probablement chercher à obtenir des fonds additionnels. Le régime des pensionnats a fait sentir ses effets sur une période de 50 à 60 ans et nous estimons qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Il nous a fallu plus de temps que nous l'avions initialement prévu pour trouver les bonnes personnes, le bon guérisseur, la bonne approche. Maintenant que nous avons tous ces éléments et que ça fonctionne, je dirais que le prolongement du programme serait bénéfique, non seulement pour les survivants, mais, évidemment, pour les descendants, les descendants tant de la première que de la seconde génération, qui pourraient également bénéficier du programme.

Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné des cours dans six domaines différents, je pense, sur une période de six semaines. Le programme s'étend-il sur un an ou sur 36 semaines? Comment fonctionne-t-il?

Mme Hewitt : Les modules de six semaines?

Le sénateur Callbeck : Oui.

Mme Hewitt : Habituellement, le programme prend sept semaines, selon les conditions météorologiques. En hiver ou en été, nous manquerions peut-être une semaine, mais normalement, ça prend sept semaines pour terminer le module de six semaines. Le module se termine par une cérémonie de la suerie, puis les cercles passent au domaine que les participants aimeraient aborder ensuite. Je vous dirai que fois après fois, il semble qu'on revienne à la maîtrise de la colère. La maîtrise de la colère et ensuite le deuil et la perte, ou la maîtrise de la colère et ensuite le rôle des parents.

Le sénateur Callbeck : Oui.

Mme Hewitt : C'est là la préférence qui est exprimée, mais ça peut changer avec les participants.

Le sénateur Callbeck : Combien de personnes participent au programme?

Mme Hewitt : Vous parlez des participants ou du personnel?

Le sénateur Callbeck : Oui, des participants.

Mme Hewitt : Chaque semaine, il y a probablement environ de six à douze participants. La population autochtone sur l'Île-du-Prince-Édouard est d'environ 900 personnes. Environ 600 ont un statut légal, de sorte que nous traitons principalement avec des gens qui ont un statut légal parce que ce sont ces gens qui ont fréquenté les pensionnats, qui sont les descendants, mais nous sommes ouverts également aux Autochtones sans statut.

Le sénateur Callbeck : Tom, je vous remercie d'avoir partagé votre expérience avec nous. Je veux vous poser des questions sur les programmes fédéraux qui, dites-vous, ont changé. Manifestement, ces changements ont eu des conséquences très négatives, pour vous. Parlez-moi des possibilités.

M. Macleod : En 1996, le Centre Fitzroy a reçu un montant forfaitaire de 17 000 $. Les bénéficiaires devaient satisfaire à certains critères. Vous deviez être en chômage, ne pas être admissible à l'assurance-emploi, et cetera. Le centre pouvait pas mal dépenser l'argent comme il voulait, pour de la formation ou pour une subvention salariale, et cetera. Aujourd'hui, ça prend un formulaire de demande en plusieurs pages. J'ai entendu parler de personnes qui voulaient suivre un simple cours d'alphabétisation et qui ont dû apprendre par elles-mêmes.

Le président : Je ne devrais par rire, mais c'est tellement absurde.

M. Macleod : Bien, évidemment, nous avons du personnel qui les aidera à faire ça, mais vous devez remplir la paperasse, qui est renvoyée à HRDCC et quelqu'un finit par recevoir de l'argent, nous l'espérons, avant que les fonds soient épuisés.

Le sénateur Callbeck : Alors, quand le changement s'est-il produit?

M. Macleod : Ce serait autour de 2000. Ça s'est produit avec les futilités à RHDCC.

Le sénateur Callbeck : En ce qui a trait à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, dites-moi comment les choses ont changé.

M. Macleod : Je suppose que c'est à la suite des coupures de fonds. De façon générale, ils ont éliminé des programmes que nous utilisions d'une manière efficace.

Le sénateur Callbeck : Comment utilisiez-vous les programmes? Dites-moi comment vous les utilisiez alors et comment vous ne pouvez plus les utiliser. Quels sont les changements?

M. Macleod : Le gros changement est que les hypothèques garanties fournies par la SCHL ont tout simplement disparu. Ça se serait produit vers 1992, je crois. La seconde partie, autour de 1992 ou un peu plus tard, peut-être, était liée aux subventions aux loyers. L'organisation loue d'un propriétaire. Je sous-loue mon appartement de la SCHL. Le propriétaire réel est Bevan Enterprises, ici à Charlottetown.

Le sénateur Callbeck : Des mémoires ont été présentés au gouvernement fédéral à ce sujet, non?

M. Macleod : Des mémoires ont certainement été présentés au niveau de la SCHL. S'ils ont été transmis directement au Conseil national —

Le sénateur Callbeck : J'aimerais avoir un exemplaire de ces mémoires, si c'est possible.

M. Macleod : Je pense que nous pourrions probablement vous les fournir.

Le sénateur Callbeck : Merci. Maintenant, Pat, je vous remercie de votre aperçu de différentes questions. Vous avez manifestement mis beaucoup d'efforts dans votre présentation. Quelle est la durée du programme que vous avez pour la 9e année. Est-ce que vous vous présentez et faites un exposé de trois heures?

Mme Doyle : J'ai une heure.

Le sénateur Callbeck : Une heure?

Mme Doyle : J'ai une heure dans chaque classe de 9e année de la province.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que ça suffit?

Mme Doyle : Les discussions sur la dépression et le suicide sont introduites dans le programme scolaire en 9e année. Les commentaires des élèves, des enseignants, des parents suggèrent que, dans certains cas, il serait plus approprié d'introduire le sujet plus tôt, mais c'est en 9e année que le temps est alloué. Chaque école est sollicitée par différentes personnes qui veulent faire des exposés sur des sujets divers, comme les drogues et l'alcool, un mode de vie sain, les relations, tous des sujets très importants, alors les écoles doivent vraiment faire des choix. Nous avons décidé d'opter pour un programme d'une heure vraiment bien conçu, très bien pensé et qui soit une stratégie éprouvée de réduction des suicides. C'est pourquoi nous avons opté pour le programme Choix. La durée du programme coïncide avec la durée d'une période de cours, ce qui me permet de présenter l'exposé pendant une des périodes de cours et facilite la tâche de l'école. Il y a donc plusieurs raisons pour lesquelles les choses sont comme elles sont.

Pour ce qui est des raisons pour lesquelles nous estimons que le programme est important, il arrive qu'on nous dise que le sujet fait partie du programme de cours, mais si l'horaire ne le permettait pas, le sujet serait laissé de côté. Dans certains cas, les gens ne sont pas vraiment à l'aise pour parler du suicide, alors ils apprécient vraiment que quelqu'un avec ce genre de savoir-faire vienne parler aux élèves. Nous parlons également des questions de santé mentale. Nous le faisons parce qu'il est important de faire le lien entre les problèmes de santé mentale et le suicide.

Je collabore très étroitement avec les conseillers. Je suis dans certaines grandes écoles pendant trois ou quatre jours. Le travail des conseillers pédagogiques n'est pas facile. Certains conseillers doivent partager leur temps entre trois et quatre écoles, de sorte qu'un élève risque de ne pas recevoir l'aide dont il a besoin s'il fait une crise un jour où le conseiller se trouve dans une autre école.

Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné que les enseignants vous disent que cet exposé devrait être présenté à des groupes plus jeunes. Ce programme a été produit à Vancouver. Se donne-t-il à un plus jeune âge à Vancouver?

Mme Doyle : Le programme est axé sur les 14 à 19 ans. En 9e année, les élèves ont généralement 13 ou 14 ans. Les élèves, en particulier, nous disent « J'aurais aimé avoir l'information deux ans avant, quand je faisais face à un problème de cet ordre. »

Le sénateur Callbeck : A-t-on tenté d'introduire le programme dans les écoles plus tôt?

Mme Doyle : Le ministère de l'Éducation a des problèmes avec son programme de cours en santé depuis un certain temps, maintenant. Ils utilisent des ressources des années 1980, à l'heure où on se parle. Le programme continue à être révisé, en ce qui touche les sujets couverts par le programme de 9e année. Nous avons certainement recommandé que le programme soit introduit plus tôt, cependant. Je présente un rapport au ministère à la fin de chaque année scolaire. Le rapport contient des recommandations à cet effet ainsi que des commentaires sur la question.

Le sénateur Callbeck : Comment les gens entendent-ils parler de la formation aux techniques d'intervention en cas de suicide? Vous avez mentionné une brochure. L'information est dans la brochure ou ils entendent parler des cours autrement?

Mme Doyle : La brochure est davantage destinée aux survivants, après coup. La formation est un programme qui vient d'Alberta, intitulé Living Works, et l'ACSM tient des ateliers régulièrement. C'est un peu du bouche à oreille. À l'origine, nous avons utilisé nos contacts informels par l'entremise de l'Association pour la santé mentale. Nous avons informé les organisations et les agences qui travaillent ou interviennent auprès des personnes suicidaires que de la formation est disponible. Nous avons certainement encouragé notre propre personnel à suivre le cours, et pratiquement tout le monde à l'ACSM l'a maintenant suivi. Souvent, cependant, c'est du bouche à oreille. Je sais qu'au cours d'un des derniers ateliers, un certain nombre de personnes du domaine de la santé mentale sont venues suivre le programme juste pour voir s'il est utile que leur personnel le suive et ils ont été très heureux de la préparation reçue. La formation prépare les participants à intervenir, c'est un genre de trousse de premiers soins pour le suicide.

Le sénateur Callbeck : Combien de personnes suivraient ce cours, environ?

Mme Doyle : Le nombre de personnes est basé sur la demande. Je suis un des rares formateurs existants, à l'Î.-P.-É. Lorsque nous avons commencé à tenir les ateliers, je faisais venir des gens du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse pour m'aider à donner la formation. Les formateurs doivent suivre une longue formation pour être en mesure de donner ces cours. Ça dépend des besoins. Je tiens une liste de noms. Si nous dépassons 30 personnes, je fais des téléphones et je dis « Pouvez-vous venir donner un atelier? » Nous pouvons alors prendre 15 participants de plus. C'est une question de ratio.

Depuis que nous avons commencé à donner le programme il y a trois ans, nous avons formé plus de 200 personnes, 200 aidants, et la formation est ouverte au grand public. L'année dernière, nous avons été à l'école de police. Le Service correctionnel du Canada a un programme de formation aux techniques d'intervention en cas de suicide, mais elle n'est pas obligatoire pour les policiers. J'ai donné le cours pour le Service correctionnel du Canada. Également, nous commençons maintenant à donner ce type de formation parce que nous avons un autre formateur à l'Î.-P.-É. Nous pouvons donc être un peu plus souples.

Le sénateur Callbeck : C'est très bien.

Bonnie, je vous remercie beaucoup d'avoir partagé avec nous votre expérience avec votre fils. Vous avez dit que vous avez été beaucoup aidée par l'équipe régionale d'extension des services. Voudriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Mme Arnold : L'équipe relève du centre McGill, ici, à Charlottetown. Elle a été mise sur pied il y a maintenant un an et demi à l'intention des personnes très malades qui ont vécu une crise. Le personnel travaille sur le terrain, littéralement. Environ quatre membres de l'équipe ont beaucoup d'expérience auprès des personnes atteintes de maladie mentale. Ils soutiennent les patients qui ont quitté l'hôpital et essayent de se débrouiller de leur mieux dans la communauté. Notre fils a bénéficié de leurs services et en bénéficie encore, mais dans une moindre mesure qu'auparavant. Ils prenaient de ses nouvelles chaque jour. Le soutien est offert sept jours sur sept, mais pas 24 heures par jour. C'était de 8 h à 20 h sur semaine, et de 8 h à 16 h pendant les week-ends. Ce n'est pas un service 24 heures, malheureusement, pour des raisons de financement. Le programme a toutefois été une bénédiction pour nous. Nous avons dû leur téléphoner à de nombreuses reprises, lorsque John était en crise. Ils venaient à la maison, que ce soit à Charlottetown ou même à Cavendish, où nous avons une maison de campagne. Ils étaient là dans les cinq ou les trente minutes qui suivaient, selon les besoins. Autrement, la nuit, nous devions appeler le 911 ou l'amener à l'hôpital. Le soutien est vital, pour les personnes en crise.

Je peux me tromper, mais aux dernières nouvelles, environ 40 à 50 personnes bénéficiaient du programme. Ils en prendraient beaucoup plus, mais les fonds ne sont pas là.

Le sénateur Callbeck : Ce programme est-il particulier à l'Î.-P.-É. ou existe-t-il dans d'autres provinces?

Mme Arnold : Je crois que le programme vient d'Ontario. De la région de Guelph peut-être, ou d'ailleurs, mais le programme vient d'Ontario.

Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné le groupe auquel vous collaborez, qui comprend cinq sous-groupes. D'autres personnes ont parlé de la réduction du stigmate, ce matin. Je pense que vous avez tous assisté à la totalité de la discussion. Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose à ce que vous avez entendu ce matin sur cette question, qui profiterait à tous?

Mme Arnold : Nous n'avons pas réellement eu le temps, malheureusement, de faire beaucoup pour réduire le stigmate jusqu'à maintenant, dans ce comité, mais je pense que les familles en arrivent à un type d'épuisement. Ce n'est pas vraiment un stigmate, mais ça l'est d'une façon parce que je me décris moi-même comme un chien après un os, en quelque sorte. Lorsque John est tombé malade, je ne pouvais pas croire ce qui arrivait et j'ai décidé d'en apprendre autant que je pouvais sur sa maladie. Lorsque John a été hospitalisé, nous avons remarqué que beaucoup de patients n'étaient pas entourés de leur famille. Je pense que la chose s'explique par l'épuisement et le stigmate, qui en est une bonne partie. Se rendre à l'Hôpital Hillsborough est en soi intimidant. Il n'y a même pas d'éclairage adéquat — du moins, il n'y en avait pas lorsque John a été hospitalisé la première fois. Si vous vous rendiez à l'hôpital à 8 heure du soir, il faisait noir et c'était très inquiétant.

Le stigmate se présente sous de nombreux aspects. Vous savez, lorsque John était à l'école et qu'il avait reçu un coup à la tête, tous ses amis sont venus le voir et ont demandé de ses nouvelles. Lorsque John s'est retrouvé avec une maladie mentale — il avait des amis très proches, mais ceux qui ont appelé et ont continué à appeler ont été très peu nombreux.

Le sénateur Callbeck : Nous avons entendu la même remarque à plusieurs reprises.

Mme Arnold : Oui. Alors, si les membres de mon comité veulent faire quelque chose à propos du stigmate — parce que notre comité a l'intention de s'attaquer à cette question.

M. Reid Burke, directeur exécutif, Association canadienne pour la santé mentale, division de l'Île-du-Prince-Édouard : Je pourrais peut-être faire un commentaire. On a demandé ce que nous pouvions faire à propos du stigmate. Notre organisation a contribué à amener l'organisation nationale à penser différemment à propos de la maladie mentale et à comprendre que la maladie mentale est quelque chose que tout le monde doit gérer et que nous devons la regarder différemment, en tant que société.

Pour combattre le stigmate, nous devons faire de la maladie mentale et de la santé mentale l'affaire de tout le monde. Si vous regardez ce qui arrive dans le monde du travail, et je suis certain que vous êtes au courant de ces statistiques, la santé mentale sera la première cause d'invalidité. Il ne s'agit pas de quelque chose avec laquelle seules les personnes atteintes de maladies diagnostiquées se débattent. Pour combattre le stigmate, nous devons normaliser les questions de santé mentale. Nous devons amener les gens à comprendre — et je pense que la population comprend déjà. Les gens savent, mais nous ne voulons pas en parler. Je pense que le moment est venu pour le travail que vous faites, le travail que Romanow a fait.

Nous devons consacrer des fonds à des campagnes de marketing social, amener les gens à comprendre ce qu'ils savent déjà et à en parler, à savoir, que gérer sa santé mentale est un défi pour tous, et présenter certains messages clés. Le principal message est le suivant : que nous souffrions ou non d'une maladie mentale, nous avons tous la capacité de gérer notre santé mentale. Je pense que le vrai stigmate est que si on vous trouve une maladie, certains croient que vous êtes maintenant moins capable, moins intelligent ou moins en mesure d'apporter une contribution. Dans notre pays, nombre de leaders de différents horizons qui ont apporté une contribution immense souffrent d'une maladie mentale.

Je pense, en réponse à votre question, que c'est le marketing social. Notre organisation nationale avait lancé il y a quinze ans l'idée que la santé mentale était l'affaire de tous, mais l'idée a été combattue avec véhémence par des opposants qui disaient que non, nous devons nous inquiéter et séparer les gens dans des groupes. Tant que nous traçons des lignes et que nous plaçons les malades mentaux d'un côté et les gens supposément sains d'esprit de l'autre, nous ne combattrons jamais le stigmate. Dans le contexte de campagnes de marketing social, lorsque nous avons introduit le concept, nous avons parlé de ParticipAction, et nous avons présenté le concept de la bonne forme mentale. On a dit « les gens ne comprendront pas ». Aujourd'hui, on dit encore que les gens ne comprennent pas, mais je pense que les gens comprennent. Le marketing social est la réponse au problème, avec des messages clés que les gens peuvent comprendre. Et c'est la normalisation. Si vous faites l'analogie avec le cancer, les campagnes sur le cancer donnent de l'espoir et transmettent le message que le cancer peut être vaincu. Tout le monde comprend bien que le cancer est une maladie très dévastatrice qui a plusieurs aspects négatifs, mais ce n'est pas là leur message. Avec la santé mentale, nous devons avoir un message qui est très simple, que tout le monde a la capacité de gérer sa santé mentale et que tout le monde peut être mentalement sain, qu'il ait une maladie ou non. Nous devons en faire l'affaire de tous, mais je ne serais pas surpris que les gens le sachent déjà.

La solution, c'est le marketing social et le changement des attitudes. Ça ne se fera pas avec une seule campagne. ParticipAction a pris de dix à quinze ans, et tout le monde a maintenant une bonne compréhension de l'importance de la bonne forme physique. Si nous voulons appeler cela la « bonne forme mentale » ou le « mieux-être mental », il faudra un effort concerté dans ce pays pour consacrer des fonds au marketing social qui normalise la santé mentale. Je ne pense pas que cela éliminera les effets dévastateurs de la maladie, mais nous devons semer l'espoir, tout autant que favoriser la guérison et la résilience.

Le sénateur Gill : Merci de vos exposés de ce matin. Je pense que vous avez tous quelque chose en commun. Vous parlez tous d'un groupe qui est stigmatisé et d'un groupe qui est marginalisé par la société, y compris les Autochtones.

Tarry, j'aimerais parler un peu des Autochtones. Je viens de ce monde. Je viens d'une réserve. Je suis né dans une réserve et je vis encore dans une réserve. J'ai suivi le système, alors je deviens émotif lorsque je parle de ce sujet, mais je vais en parler. Je pense que votre description de la situation des Autochtones est exacte. Je pense que les principales difficultés sont les mêmes partout au pays. Nous parlons de suicide, de maladie mentale, d'incarcération, et c'est la même chose. Vous avez de bonnes statistiques, de bonnes données. Vous êtes une championne de ces questions.

Nous devons admettre que les gens ont essayé de bien faire et essaient encore de bien faire aujourd'hui. Tous les groupes dont nous avons parlé essaient d'aider ceux qui ont des problèmes de toute sorte. La société en général a essayé de faire quelque chose pour les groupes marginalisés, et je pense que ça a été fait de bonne foi, mais en dépit de la bonne foi et des bonnes intentions, il reste encore beaucoup à faire.

Lorsque je suis arrivé à Ottawa, j'ai entendu beaucoup parler des deux peuples fondateurs de ce pays. Deux peuples fondateurs, vous imaginez? Je pense qu'il y avait beaucoup d'exclus. Aujourd'hui, les choses ont changé. Le langage a beaucoup changé. Je n'entends plus parler des « deux peuples fondateurs », ça veut donc dire que nous avons fait des progrès.

Si j'ai bien entendu, les personnes atteintes de maladie mentale grave aimeraient redevenir qui elles étaient auparavant. Elles disent « je veux être la personne que j'étais ».

Le président : Bonnie a dit ça.

Mme Doyle : Oui.

Le sénateur Gill : Ça signifie que ces personnes, comme tout le monde, aimeraient participer à la construction du pays, faire quelque chose pour leur pays. Nous ne leur demandons rien — et nous le faisons de bonne foi. Nous essayons seulement de faire quelque chose de bien pour ces personnes. Elles voudraient participer à un certain mode de vie, avoir un emploi rémunérateur et faire quelque chose d'utile. Ce n'est pas vraiment ce que nous faisons. Ces groupes sont identifiés et écartés, et ils deviennent encore plus marginalisés et nous n'acceptons pas qu'ils soient capables de participer parce que la société a établi des normes que tous doivent suivre. Ce faisant, nous créons des problèmes à ces personnes au lieu de leur permettre de développer leur propre personnalité.

Ma question s'adresse à vous, Tarry. Je pense que nous devrons faire notre travail et que vous devriez nous aider. Quelle serait votre principale recommandation pour les Autochtones, dans notre rapport? Quels sont les principaux points que vous mettriez de l'avant, sur la base de votre expérience? Encore une fois, j'accepte votre description de la situation. Je pense qu'elle est exacte.

Mme Hewitt : Ma principale recommandation est contenue dans les réponses aux problèmes et aux questions, à savoir, qu'il est temps de laisser les Autochtones prendre le contrôle et être responsables de leurs propres services de santé mentale et de traitement des toxicomanies. La capacité est là, mais je pense qu'il y a de la réticence. Je ne pense pas que le système a confiance que les communautés autochtones seront capables d'utiliser leurs connaissances traditionnelles pour parvenir au mieux-être.

Puis-je me référer à l'article que j'ai joint à mon exposé, qui résume, je crois, les résistances.

Le président : Il s'agit de l'article du Globe et Mail?

Mme Hewitt : C'est exact. À peu près au milieu du texte, à votre page deux, je crois, on fait mention de Qujaq Robinson :

Assise dans la bibliothèque exiguë du tribunal, son visage s'est chargé de colère. « Il arrive si souvent que ce qui est non conventionnel soit vu comme inférieur », dit-elle, « aussi progressif que soit le Canada, je pense qu'il existe encore un sentiment que tout ce qui est autochtone est inférieur, que tout ce qui est fourni pour les Autochtones est symbolique et n'est pas légitime. »

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais ma principale recommandation est de permettre aux communautés autochtones et aux populations hors réserve de prendre le contrôle de leur propre destinée pour ce qui est de la contribution aux services de santé mentale, de la conception de ces programmes, de leur prestation, de leur adéquation culturelle et que les solutions puissent varier. Les solutions ne seront pas les mêmes partout au Canada. Voilà ce que serait ma recommandation.

Le sénateur Gill : Oui. Lorsque nous étions à Winnipeg, des Autochtones on insisté sur ce point, représenter les Premières nations du Manitoba. Ils ont insisté sur ce point. Le message que j'ai eu d'autres endroits est que les gens aimeraient prendre leurs responsabilités et pouvoir établir leurs propres priorités, établir des programmes, et cetera. Ils aimeraient participer aux autres programmes, à la condition que ce ne soit pas le gouvernement qui décide à leur place. Les gens veulent décider eux-mêmes et participer à la vie de leur communauté à l'extérieur de leur réserve. Ils aimeraient aller à l'extérieur des réserves. C'est plus que ça — je pense que les Autochtones aimeraient participer parce qu'ils n'ont pas pu participer au développement de ce pays. Maintenant, ils voudraient participer. Je suis d'accord avec vous et je pense que nous devrions aller plus loin que ça, mais au moins les gens devraient décider eux-mêmes.

J'aimerais vous poser une question sur le suicide parce que, évidemment, nous avons un haut taux de suicide chez les Autochtones, peut-être plus élevé que chez tout autre groupe. Ici dans cette province, avez-vous des données? Avez-vous des chiffres?

Mme Doyle : Spécifiques au taux de suicide?

Le sénateur Gill : À propos des Autochtones, oui.

Mme Doyle : Non, nous n'avons pas de données spécifiques. Les données que nous utilisons pour élaborer ou concevoir nos programmes sont basées sur les rapports des coronaires. Pour de simples raisons de protection de l'anonymat, comme il s'agit d'une petite province, ils ne ventilent pas les données en catégories de ce type. Nous savons toutefois, selon les données statistiques canadiennes, que les estimations sont autour de trois à six fois le taux national, alors il est manifestement beaucoup plus élevé. Quelques représentants des groupes autochtones font partie de notre comité de prévention du suicide et ils disent que les comportements suicidaires, les problèmes de toxicomanie et les problèmes similaires semblent être davantage la problématique que le suicide. Lorsque nous avons posé la question — que pourrions-nous faire pour vos communautés, en matière de prévention du suicide? — c'est ce qu'on nous a répondu. Nous recevons souvent des appels après un suicide — et je sais que les réserves sur l'Î.-P.-É. sont touchées par le suicide. Il serait difficile de trouver à l'Î.-P.-É. une famille qui n'a pas été touchée d'une façon ou d'une autre par le suicide.

Le sénateur Gill : La plupart des membres du comité ont des parents qui sont atteints de maladie mentale. Je suis d'accord avec ceux qui ont mentionné ce matin que nous devons en apprendre davantage. Nous avons besoin de plus d'éducation et de prévention, si c'est possible. Nous avons besoin de traitement, de spécialistes, et cetera. Il semble toutefois que plus nous en faisons, plus il y a de gens qui aboutissent à l'hôpital. Nous devons construire plus d'hôpitaux et plus de prisons. C'est une escalade.

Nous vivons dans une merveilleuse société, mais nous avons encore des problèmes; par exemple, nous avons plus de chômage et plus de suicides. Compte tenu de votre expérience, que voyez vous comme remède à la situation? Ne devrait-on pas intervenir au début, plutôt qu'après coup, plutôt qu'appliquer des solutions qui ne fonctionnent pas? Que devrait-on faire dans notre société? Je suis d'accord que nous devons continuer à faire ce que nous avons fait, mais à long terme, que devrions-nous faire pour rendre une société meilleure? Nous vivons dans le meilleur pays au monde, nous devons donc continuer à réfléchir à la question.

Mme Doyle : Je ferais probablement écho à certains des commentaires faits par Dr Ian Reid ce matin sur la création du meilleur milieu de vie possible pour nos enfants, une éducation précoce à la résolution de problèmes, à la prise de décision, à la façon de composer avec les crises, aux stratégies de résolution des conflits, des connaissances de base très importantes qui peuvent nous éviter ces problèmes plus tard dans la vie. Nous devons prévoir des moyens permettant aux parents de faire cela.

Mme Arnold : Dans le cas de notre garçon, il avait 18 ans. Nous n'avons rien vu venir. Quand j'y repense, nous n'avons vraiment rien vu venir. Je ne sais pas s'il y aurait eu moyen de prévenir. Sa maladie peut avoir été génétique, ou héréditaire, quoi qu'il en soit. Aurions-nous fait les choses différemment? En y repensant, oui, probablement. Il était à l'université depuis deux mois et nous sommes allés le voir une fois à une partie de football, pensant qu'il jouait au football, et il était sous les gradins et pleurait. C'était comme si quelqu'un nous avait frappés au visage. Puis il a été hospitalisé et ça a été un combat pour lui depuis neuf ans.

De nombreux facteurs sont vraiment importants, mais d'après mon expérience personnelle des neuf dernières années, les soins psychiatriques qu'il a reçus ont été très bons, mais le logement est un point vital pour un jeune, et ce doit être un logement approprié à une jeune personne. Dans le cas de John, il avait besoin de soins 24 heures sur 24. Il était assez malade, très psychotique. Il n'était pas capable de revenir vivre avec nous. Il devait être dans un environnement où il aurait des soins 24 heures sur 24.

Il existe une quarantaine d'installations de ce type à l'Î.-P.-É., dont une vingtaine pour les personnes atteintes de maladie mentale. Une grande majorité des personnes dans ces communautés ont des problèmes de maladie mentale. John a été dans une de ces maisons sans soutien véritable au début, et je crois vraiment que sa maladie a empiré parce qu'il a plus ou moins été laissé à lui-même, tandis que nous essayions de le pousser à aller ici et là, à aller au centre Fitzroy, à aller à ses rendez-vous. C'est à cet âge que la schizophrénie frappe. S'ils peuvent être dans un environnement où ils bénéficient du soutien et du personnel requis, je pense que la maladie peut être stoppée avant qu'elle devienne vraiment grave. C'est mon avis sur la question.

Le sénateur Gill : Tom, qu'en est-il de la tension et de la compétition?

M. Macleod : Je gère la tension en travaillant dans un emploi physiquement exigeant. Vous ne pourriez pas me payer pour faire ce que je fais. Je le fais pour l'amour du centre Fitzroy. Je me suis imposé de la tension. J'ai travaillé à temps plein pour préparer ce document préliminaire. Je peux composer avec une certaine quantité de tension, mais je sais maintenant quand prendre du recul. Je ne le savais pas quand j'étais dans l'industrie de l'assurance.

Le sénateur Cordy : Tarry, vous avez parlé de la pénurie de travailleurs autochtones bien formés, en santé mentale. Il existe certainement une pénurie de travailleurs en santé mentale en général, mais la pénurie se fait particulièrement sentir chez les Autochtones. Lorsque nous étions à Edmonton, une des recommandations que nous avons entendue était que des bourses devraient être créées. La question que je leur ai posée et que je vous pose est la suivante : est assez de créer des bourses pour permettre à des étudiants autochtones de s'inscrire en médecine? J'ai seulement eu la chance de parcourir rapidement l'article, mais il parle beaucoup de modèles pour les enfants autochtones. On cite l'exemple de l'enseignante qui, ayant demandé aux enfants ce qu'ils voulaient faire dans la vie, s'est vu répondre camionneurs. Il n'y a rien de mal à vouloir être camionneur, mais l'enseignante a dit qu'aucun des enfants n'avait répondu qu'il voulait être un avocat, un médecin ou un professionnel.

Mme Hewitt : Certainement, à mon avis, des bourses ne sont pas suffisantes pour encourager les étudiants autochtones à poursuivre une formation de travailleurs en santé mentale, dans le cas qui nous occupe. Nous avons des contacts étroits avec le Programme atlantique de recherche en santé autochtone, qui est rattaché à l'Université Dalhousie. Ils fournissent des bourses pour les étudiants autochtones qui poursuivent, je crois, des études supérieures dans le domaine.

Les incitatifs financiers ou la disponibilité de bourses ne vont toutefois pas régler le problème des faibles taux de persévérance dans les universités. Dans le cadre de notre projet, nous avons examiné un certain nombre d'études parce que, évidemment, nous avions de la difficulté à trouver des candidats qualifiés pour notre programme de stagiaires en counselling. Il existe donc des facteurs non financiers qui ont une incidence sur ces taux et, dans mon exposé, j'ai parlé d'amener l'université dans la communauté. Je sais que l'idée semble saugrenue, mais elle peut fonctionner. J'espère que la même chose se produit ailleurs au Canada, outre en Nouvelle-Écosse. Une expérience ponctuelle très dispendieuse s'est tenue au Nunavut. Lorsque vous envisagez un partenariat avec une université, que vous obtenez des fonds de différentes sources et que vous réussissez à recruter et à retenir les étudiants, et ensuite que ces gens sont capables de dispenser des services, quel est le coût véritable, vraiment? Le système actuel ne fonctionne pas bien pour les Autochtones. Non, je pense que de jeter de l'argent dans cette direction peut ne pas être aussi efficace que d'envisager réellement de nouvelles solutions.

Le sénateur Cordy : Je serais d'accord avec vous, au fait. Je pense que ça prend plus. Le University College of Cape Breton, qui porte maintenant un nouveau nom, a accompli des choses extraordinaires dans le domaine de l'éducation autochtone, et je le sais. J'ai été enseignante au niveau élémentaire en Nouvelle-Écosse pendant trente ans. Nous avons suivi, avec un professeur autochtone du University College of Cape Breton, un cours de perfectionnement psycho-social et sur les choses extraordinaires qu'ils font. Je vous remercie.

Tom, nous avons entendu parler plus d'une fois de la quantité astronomique de paperasse que quelqu'un doit remplir, et ce n'est pas le seul problème. Bonnie, vous y avez fait référence, et Tarry et Tom, vous y avez fait référence également. Ce n'est pas seulement une facette. Nous ne parlons pas seulement de Santé Canada. Nous parlons de logement, d'emploi, d'éducation, d'une myriade non seulement de ministères, mais également de paliers de gouvernement. Ce qui arrive à Ottawa avec le scandale des commandites et ce qui est arrivé avant, je crois, au Québec, risque de rendre la paperasse encore plus imposante. Comment en arriver à un équilibre entre le processus de reddition de comptes — parce que je pense que personne ne peut nier la nécessité d'un processus de reddition de comptes — et le sens commun?

M. Macleod : Je crois que les gens avec lesquels nous traitons lorsque nous demandons des fonds devraient avoir un peu plus de formation dans le domaine de la santé mentale pour connaître nos besoins, notre mode de fonctionnement, l'importance de ces fonds, afin que nous puissions y avoir accès, les utiliser sagement, en répondre, et en même temps les utiliser à bon escient.

Le fond d'intégration à partir duquel provenait ma subvention salariale en 1997 se serait élevé à 3 000 $. Depuis ce temps, je touche environ 4 000 $ en prestations d'assurance-eemploi par année, mais vous savez, à part ça, je subviens à nouveau à mes besoins et j'en suis fier.

Le sénateur Cordy : Et 3 000 $ ou 4 000 $ par année, ce n'est pas tellement dans l'ordre général des choses, n'est-ce pas?

M. Macleod : Non.

Le sénateur Cordy : Bonnie, vous avez parlé de défendre la cause de votre fils. Il y a certainement de nombreuses personnes qui n'ont personne pour défendre leur cause, malheureusement, des personnes atteintes d'une maladie mentale, et elles sont vraiment laissées à se débattre, essayant de trouver de l'aide et de se faufiler au travers de ce qui peut être un système très compliqué. Vous avez certainement beaucoup de mérite. Vous pouvez penser que nous avons entendu tellement de choses que nous ne pouvons plus être touchés, mais nous le sommes. Chaque fois que nous entendons le récit de personnes qui sont dans le système — ça touche une corde sensible lorsque nous avons des enfants de cet âge qui ont fréquenté l'université Mount Allison — nous nous disons toujours « ça aurait pu être moi... ». Nous avons tous des parents qui sont atteints d'une maladie mentale.

Vous et votre mari avez été de tels défenseurs pour votre fils. J'aimerais savoir, en tant que membre de la famille, dans quelle mesure vous étiez incluse dans ce qui arrivait, parce que nous avons entendu parler de la question de la protection de la vie privée. Votre fils avait 18 ans, c'était un adulte, mais il n'est pas un adulte. Nous réconfortons tous nos enfants de 18 ans. Parfois, cependant, vous êtes légalement excluse de ce qui se passe.

Mme Arnold : Oui.

Le sénateur Cordy : Est-ce que ça vous est arrivé?

Mme Arnold : Au début, oui, parce qu'aucun de nous, John et la famille, ne savions réellement comment composer avec ce qui se passait. John a vu son médecin et a été hospitalisé. Pendant qu'il était à l'hôpital, je posais continuellement des questions et ce point revenait constamment, de sorte que je retournais voir le médecin. Je devais passer par John pour obtenir sa permission, mais il n'appréciait parfois vraiment pas. À l'époque, il n'avait pas...

Le sénateur Cordy : « N'appréciait pas », vous voulez dire...

Mme Arnold : N'appréciait pas que je veuille m'en mêler. Il ne pensait pas qu'il était aussi malade qu'il l'était. Il n'avait pas encore accepté le fait qu'il était atteint d'une grave maladie, alors c'était une bataille, mais j'ai persisté et, finalement, je pense, autant avec John pour obtenir sa permission. C'était vital, parce que si je n'avais pas réussi à obtenir sa permission, je ne me serais pas rendue au point A, avec les règles de confidentialité, parce qu'elles font beaucoup partie du système et pour une bonne raison. Il doit cependant y avoir un équilibre parce que si la famille n'est pas incluse et que le patient ne veut pas qu'elle le soit, à ce moment-là, les choses peuvent mal tourner, je dirais, en particulier au moment du congé. Il pourrait y avoir un peu plus d'ouverture afin d'inclure davantage les familles, en particulier au début, parce que vous êtes aveuglé par tout ce qui arrive. Vous ne savez pas comment réagir.

Le sénateur Cordy : Si les familles ne font pas partie du processus de guérison, alors, comme le disent tant de personnes, à quoi ça sert?

Mme Arnold : Exactement, oui. Le sentiment de culpabilité est beaucoup une réaction initiale de la famille que j'ai dû surmonter, et il y a certainement un processus d'apprentissage sur la façon de composer avec la maladie, comme avec toute maladie.

Le président : En ce qui a trait à votre commentaire sur la culpabilité, je n'ai pas vécu pareille expérience, mais je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de culpabilité. Nous avons entendu un psychiatre nous dire, au tout début des présents travaux, qu'il y a à peine une vingtaine d'années, il y avait un type de maladie mentale, j'oublie lequel, où on apprenait aux psychiatres que la maladie était causée par la façon dont la mère avait traité l'enfant. Était-ce l'autisme? Au lieu de compatir avec les parents sur le fait que leur enfant était autistique, il se retrouvait dans la position de devoir aller dire à la mère que c'était sa faute. Je ne parle pas du Moyen Âge, je parle de la formation en psychiatrie dispensée il y a seulement deux décennies.

Le sénateur Cook : Il est assez difficile, dans tous ces documents que vous avez préparés avec tant d'effort, d'essayer de trouver les points principaux. Je vais faire un tour de table et vous pourrez répondre ensuite.

Je veux aborder la question des cercles de guérison d'un point de vue différent. C'est une méthode thérapeutique tellement merveilleuse. Je me demande seulement, lorsque nous parlons d'intégration et de collaboration entre les programmes, s'il y a une place pour les pratiques de guérison, le cercle de guérison, dans le traitement des non-Autochtones. J'aimerais que vous réfléchissiez à ma question. Je vais poursuivre le tour de table pour vous permettre d'y penser un peu.

Tom, dans la mesure où j'ai pu passer au travers de votre mémoire, j'ai examiné les problèmes de financement, le financement reçu de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le soutien en aide à l'emploi, les prestations d'invalidité du RPC, tous ces changements dans les programmes fédéraux qui doivent nécessairement avoir une incidence sur vous et le point où vous en êtes dans votre vie. Comment pourrions-nous amoindrir ces difficultés d'un point de vue fédéral?

Si je vous ai bien compris, Pat, il n'existe pas d'équipes de crise 24 heures par jour, sept jours sur sept dans votre région. Qu'arrive-t-il en dehors des heures de disponibilité des services? Comment les gens obtiennent-ils l'aide dont ils ont besoin?

Bonnie, j'ai un peu vécu ce que vous vivez avec votre garçon, quoique à un niveau d'intensité différent. Vous avez raison — un protocole est nécessaire. Il n'est pas nécessaire que les aidants ou les parents, quel que soit le nom que nous nous donnions, soient au courant de tout, mais certaines choses doivent être rendues obligatoires, pour aider. Nous devons savoir certaines choses. Vous pouvez dire à John que nous ferons une différence. Je ne connais pas personnellement la forme que le changement prendra, mais nous ferons une différence.

Je reviendrai donc à Tarry pour la réponse à ma question.

Mme Hewitt : Bien, il est difficile de donner une réponse tranchée. Je retournerais à une partie du mémoire. Souvent, les gens pensent qu'un cercle de discussion, un cercle de partage, un cercle de guérison consiste simplement à asseoir des gens en cercle et à les faire parler à tour de rôle. Les cercles de guérison que nous tenons à l'ASH sont beaucoup plus axés sur les traditions et les cérémonies culturelles. Ils commencent par une cérémonie de purification — je ne sais pas si vous savez ce que c'est.

Le sénateur Cook : Oui.

Mme Hewitt : Vous savez ce qu'est une cérémonie de purification. La méthode que le facilitateur utilise pour aider les participants à guérir a tout à voir avec la médecine ancestrale, les cérémonies traditionnelles, de sorte que dans cette mesure, je ne pense pas que vous puissiez seulement prendre ce modèle et le plaquer sur une autre culture.

Ceci étant dit, la plupart des personnes avec lesquelles j'ai travaillé seraient heureuses d'inviter des gens à participer. Rien n'empêche culturellement d'autres groupes d'utiliser le modèle du cercle, mais ce ne serait pas la même chose. Il y plus qu'il y paraît.

Le sénateur Cook : Qu'en est-il de ce financement fragmenté à la merci duquel nous nous trouvons?

M. Macleod : Eh bien, le centre Fitzroy est certainement à la merci du gouvernement provincial pour son financement de base. La majeure partie des fonds pour notre centre d'emploi vient de RHDCC et doit faire l'objet d'un rapport à RHDCC. Le centre d'emploi est presque un mini RHDCC, mais il est très convivial pour nos membres, qui ont accès au tableau d'affichage ou aux banques informatiques, qui peuvent faire faire un curriculum vitae, faire leur recherche d'emploi, parler à quelqu'un, « Pensez-vous que je pourrais obtenir des fonds pour de la formation? ». Ces activités n'utilisent certainement pas la totalité des fonds. Il y a probablement un autre poste et demi, mais nous devons prendre les fonds à même le financement provincial de base, qui doit maintenant être appliqué au soutien post-emploi parce que le contrat avec les SEA ne s'applique plus à ça. Les fonds pour le logement, la maison de dix lits sont largement financés par des sources provinciales. Les 25 appartements subventionnés que nous possédons par l'entremise de la SCHL, font l'objet de droits acquis, comme les 15 appartements communautaires subventionnés. Nous nous débattons. Nous nous arrangeons pour que tout soit conforme à leur programme et nous y réussissons largement. Cependant, comme je l'ai dit dans mon mémoire, et comme le directeur exécutif du centre Fitzroy vient de le chuchoter à mon oreille, « ramenez le programme de logements ».

Le sénateur Cook : Vivre est le plus important, n'est-ce pas?

M. Macleod : Ces logements sont extrêmement précieux. Lorsque je touchais de l'aide sociale, de 1996 à 1997, mon loyer était de 395 $ par mois, mon chèque d'aide sociale était d'environ 658 $, à quelques dollars en plus ou en moins. Je sais que c'était moins de 660 $, mais plus que 655 $.

Le sénateur Cook : Oui. Les mêmes frustrations sont vécues ailleurs. Hier, nous étions à Terre-Neuve, où un grand complexe de logements subventionnés est supervisé par une dame très zélée, je dirais. Elle a dit qu'il existe actuellement un programme de financement et qu'ils ont examiné le formulaire de demande. Le formulaire est tellement compliqué que la dame a dit « nous ne pouvons pas satisfaire à ces normes. Jetez le formulaire. » Les programmes fédéraux offerts sont tellement complexes, mais si quelqu'un pouvait se qualifier, d'après ce qu'elle nous a dit, ça aurait dû être elle.

Mme Doyle : Les équipes de crise font partie du réseau formel de santé mentale, à l'Île-du-Prince-Édouard. Elles se trouvent dans nos deux grands hôpitaux, le Prince Country Hospital et l'hôpital Queen Elizabeth, et sont disponibles, je crois de 8 h à 20 h en semaine seulement. En cas de crise en dehors des heures, les patients doivent se rendre à l'urgence — et ils ne sont pas vus par l'infirmière de l'équipe de crise. Ils sont...

Le sénateur Cook : Ils attendent leur tour?

Mme Doyle : Oui, ils sont triés. Ce qu'il y a de bien avec l'équipe de crise, c'est que si quelqu'un est en crise psychiatrique aiguë, il peut aller à l'urgence, où il sera vu immédiatement par un membre de l'équipe de crise, tandis qu'avant que nous ayons ces équipes, les patients devaient attendre leur tour comme tout le monde.

Le président : Il s'agit d'une question de pure forme et je trouve la chose étonnante, mais c'est la première fois que j'entends dire que vous devez planifier votre crise.

Le sénateur Cook : Oui, lorsque vous aller avoir une crise.

Le président : Et en plus, la vaste majorité des crises se produisent —

Mme Doyle : Oui, après 20 h.

Le président : Oui, et pendant les week-ends.

Mme Doyle : Oui, exactement.

Le président : C'est la réalité statistique.

Mme Doyle : Oui.

Le président : Ce n'est pas votre faute. Vous comprenez pourquoi nous sommes assez étonnés.

Mme Doyle : Oui. Vous pouvez comprendre pourquoi notre ligne de crise, notre ligne secours, était si importante pour nous, parce que c'est notre service de dépannage, en particulier pour les gens en crise qui habitent dans les régions rurales. Lorsqu'ils appellent l'urgence, ils tombent sur un répondeur, un message vocal. Ils ne peuvent pas parler à quelqu'un directement, je suppose, pour des questions de responsabilité civile. Alors, encore une fois, on les encourage à se rendre à l'urgence pour une évaluation, mais si la crise se produit après l'heure magique, ils vont devoir attendre en ligne avec tous les autres patients.

Mme Arnold : La question que vous m'avez posée était reliée, je crois, à une plus grande participation de la famille et à la façon d'y parvenir, n'est-ce pas?

Le sénateur Cook : Oui, un protocole afin que certains des éléments de l'état de l'enfant —

Mme Arnold : Oui.

Le sénateur Cook : Vous êtes un parent. Vous avez un fils; j'ai une fille. Nous ne voulons pas tout savoir, mais il doit y avoir un protocole si nous allons aider la personne. Qu'en pensez-vous? Vous ne voulez pas tout savoir, mais vous voulez savoir ce qu'il est nécessaire de savoir.

Mme Arnold : C'est exact, oui. Je ne sais vraiment pas si un protocole est en place.

Le sénateur Cook : Voici un point que nous pouvons viser à atteindre.

Mme Arnold : Oui, quelque chose à viser.

Le sénateur Cook : Seriez-vous confortable avec ça?

Mme Arnold : Oui.

Le sénateur Cook : Votre première réaction serait de vouloir tout savoir, mais je pense que ce serait probablement plus facile pour votre fils s'il comprenait que vous avez seulement besoin de connaître certains éléments.

Mme Arnold : C'est exact.

Le sénateur Cook : Il n'aurait peut-être pas offert de résistance.

Mme Arnold : Oui, c'est vrai. C'est vraiment une question de communication. C'est pourquoi de nombreuses personnes, comme je l'ai dit, finissent par souffrir d'épuisement. Les familles souffrent d'épuisement ou sont découragées d'aider parce que l'individu ne veut pas que sa famille sache. La question du stigmate fait également partie du problème. Il y a tant de facteurs en cause.

Le président : Je me permets de vous remercier tous de votre présence. Je sais que nous avons grandement abusé de votre patience, mais je vous remercie vivement d'être venus. Nous l'apprécions.

Chers collègues, nous avons deux participants non annoncés. Nous commencerons par Gail et entendrons ensuite Gregg.

Mme Gail MacLean, présidente, Société de schizophrénie de l'Île-du-Prince-Édouard : Merci, monsieur le président, de m'allouer ce temps. Je suis présidente de la Société de schizophrénie de l'Île-du-Prince-Édouard, et j'ai commencé à m'engager lorsque mon fils est tombé malade.

Je reviens tout juste de la réunion annuelle de la Société canadienne de schizophrénie qui s'est tenue à Montréal. Nous avons entendu beaucoup d'excellents conférenciers sur, principalement, le diagnostic et le traitement de la schizophrénie. La Société canadienne de schizophrénie, ainsi que les sociétés provinciales, ont adopté un nouvel énoncé de mission, qui est le suivant « Une raison d'espérer. Les moyens de s'en sortir ». Je crois donc que des progrès sont accomplis dans le traitement de la maladie mentale; mais des aspects peuvent encore être améliorés.

Je veux aborder la question de l'accès à la médication appropriée pour le traitement de la schizophrénie et d'autres maladies mentales graves. La médication est un très important facteur d'amélioration de la vie d'une personne atteinte de maladie mentale. Actuellement, chaque province détermine quels médicaments seront inscrits sur le formulaire provincial, ce qui détermine ensuite quelle médication un médecin peut prescrire à son patient. Notre société croit que chaque personne a droit à la meilleure médication possible pour le traitement de ses symptômes et pour l'amélioration de sa qualité de vie.

Par exemple, un nouvel antipsychotique a récemment été mis au point. Le médicament est disponible sous forme injectable, ce qui signifie que la personne reçoit la médication aux deux semaines, ce qui procure plus de liberté par rapport à la prise quotidienne de médicaments. Le nouveau médicament normalise également la vie des malades. Il n'y a pas ce constant rappel « As-tu pris tes médicaments? As-tu pris tes médicaments aujourd'hui? » Le médicament vient d'être inscrit sur le formulaire de l'Ontario et du Québec.

La Société de schizophrénie aimerait qu'une stratégie nationale soit adoptée touchant la disponibilité des médicaments pour tous les Canadiens, quelle que soit la région où ils vivent. Je ne crois pas que si vous ne demeurez pas dans une certaine province, on doive vous refuser un médicament qui est meilleur pour le traitement de vos symptômes. Je commence en parlant des médicaments, mais notre fils s'est récemment vu prescrire ce médicament. J'avais lu sur le sujet et estimé que c'était quelque chose qu'il accepterait mieux. Je lui ai même demandé. J'ai dit, « si tu avais le choix de prendre des pilules chaque jour ou une injection aux deux semaines, que préférerais-tu? » Il m'a dit « j'aimerais mieux avoir l'injection aux deux semaines ».

J'ai demandé à son médecin s'il pouvait avoir ce médicament. Son médecin m'a dit « il n'est pas inscrit sur le formulaire de l'Île-du-Prince-Édouard, et ne le sera probablement pas avant un certain temps. » J'ai dit que nous allions le payer et le médecin m'a demandé si j'avais une assurance. « Non, pas pour Stephen », lui ai-je répondu. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que nous pouvons nous permettre de donner à notre fils la meilleure médication, mais de nombreuses personnes ne le peuvent pas. Cela a donc une incidence sur leur vie parce qu'elles ne peuvent pas avoir la meilleure médication disponible et qu'il s'agit d'une médication assez dispendieuse.

Notre Société a récemment rencontré les députés provinciaux de l'Île-du-Prince-Édouard et nous avons invité Bill MacPhee à leur adresser la parole — je crois que le comité du Sénat a entendu parler de Bill MacPhee — comment la médication et le programme auquel il s'est inscrit ont changé sa vie de façon assez saisissante. Il est maintenant un conférencier connu tant internationalement, qu'au Canada et aux États-Unis. Nous espérons que notre influence aidera à mettre les meilleurs médicaments à la disposition de tous les patients.

Si quelqu'un souffre de cancer ou d'une maladie cardiaque, il semble n'y avoir aucun problème à exiger les meilleurs médicaments. Lorsqu'il s'agit de maladie mentale, toutefois, il en va tout autrement.

Notre Société provinciale aide les gens à composer avec le diagnostic de la schizophrénie grâce à notre nouveau programme éducatif, « Renforcer les liens familiaux ». Les participants qui ont pris part à ce programme ont exprimé nombre des inquiétudes déjà mentionnées ici, sur le logement, les médicaments et l'emploi. J'aimerais apporter mon appui à la question du logement approprié et à celle du soutien financier des personnes atteintes de schizophrénie.

Mon fils a récemment déménagé à la Abe Zakem House, et je sais que la Le sénateur Callbeck est familière avec cette maison. La maison a été construite par le club Kiwanis de Charlottetown avec des fonds de différentes sources, et elle est considérée comme une habitation à loyer modique. Il y a des critères à satisfaire. Il s'agit d'un exemple de la façon dont les gens sont supposés vivre. Mon fils ne peut pas travailler pour le moment. Il reçoit 710 $ par mois en soutien du revenu. Son loyer est de 470 $, et il doit ensuite payer l'électricité, la nourriture et le téléphone. C'est réellement un défi d'arriver à vivre avec ce qui reste — ce qui est une autre question. Je voulais seulement répéter ce que Bonnie avait mentionné à propos des logements appropriés et des coûts connexes. Merci beaucoup.

Le président : Merci.

M. Gregg Reddin, à titre individuel : Mon nom est Gregg Reddin, et j'ai deux frères schizophrènes. Je m'intéresse beaucoup aux travaux de ce comité. J'ai hâte de lire le rapport final. Je m'inquiète aussi de ce qui arrivera après la publication du rapport du comité. Continuera-t-il à y avoir un intérêt dans la population ou, comme c'est souvent le cas en politique, la question disparaîtra-t-elle de l'écran radar?

Je pense que nous avons besoin d'une structure qui permette aux gens de faire entendre leur voix. Nous devons penser à ce qui arrive à divers groupes privés de leurs droits, qu'il s'agisse des homosexuels ou de personnes qui sont marginalisées pour d'autres raisons. Ils n'ont pas gagné leur bataille tout d'un coup sans y consacrer beaucoup de travail et de réflexion.

Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Le rapport du comité porte sur le domaine des soins de santé. Nous savons que le domaine des soins de santé est administré par les provinces et les territoires, mais des parties du rapport préliminaire qui a été déposé traitent des domaines d'intérêt du gouvernement fédéral, les établissements carcéraux, les Autochtones et les employés du gouvernement fédéral. Je pense que nous devons soutenir des modèles, des champions — je crois que c'est la Le sénateur Cochrane qui a mentionné ce point plus tôt. Je pense que les modèles sont importants. Je pense que les champions sont importants. Je pense qu'il doit exister un cadre, une structure à l'intérieur desquels ils peuvent agir. Des lignes directrices doivent être fournies aux agences et aux ministères fédéraux pour leur permettre de former leurs employés à ce qu'est la maladie mentale, pour garder la maladie mentale à l'ordre du jour. Les Autochtones doivent recevoir de la formation — ce point a été abordé précédemment. Les Autochtones doivent être formés aux différents secteurs des soins de santé et au traitement de la maladie mentale. Les établissements carcéraux doivent également se préoccuper de ces problèmes.

Les aidants ont besoin de services de relève et j'aime ce que la Le sénateur Cook avait à dire à propos des protocoles. Mon frère aîné est schizophrène. Je l'ai accompagné régulièrement à ses rendez-vous chez le médecin. Il me dit comment il se sent, ce qui l'inquiète. Lorsque je l'accompagne à ses rendez-vous, je m'assieds dans la salle d'attente et j'attends d'être invité à assister à ses rendez-vous. Les psychiatres lui demandent s'il consent à ce que j'assiste au rendez-vous, et mon frère répond « D'accord. Gregg peut assister. »

Nous revenons tout juste d'une conférence à Montréal où des psychiatres locaux ont été honorés. Ils disent la même chose, que ces types de protocole sont acceptables, mais je pense que nous avons besoin de formation sur la façon dont les psychiatres abordent cette question particulièrement délicate. C'est une question juridique. Je n'ai pas à éduquer les membres du comité sur les questions juridiques, mais ce n'est pas une question insurmontable. Je pense qu'il y a des réponses et j'ai hâte de lire votre rapport. Je vous remercie d'avoir écouté ce que j'avais à dire.

Le président : Gregg, je vous remercie de vos commentaires. Je sais que le sénateur Cochrane veut faire un commentaire. Laissez-moi dire deux choses, parce que vous avez soulevé deux points. Tout d'abord, ce comité n'a jamais hésité à faire des recommandations sur des questions qui sont indirectement de compétence provinciale. Nous ne nous embarrassons généralement pas de considérations constitutionnelles. Notre rapport précédent sur le système de soins de santé, le rapport d'octobre 2002, portait largement sur des questions de compétence provinciale, et pas un seul ministre ou premier ministre provincial ne s'en est plaint. En fait, de nombreuses provinces et maintenant la Cour suprême ont fondamentalement dit que la direction que nous indiquons est la bonne. Alors, je ne m'inquiéterais pas de ce point.

Votre second point est celui qui m'inquiète. Vous avez absolument raison. Le plus gros problème auquel nous risquons de faire face, lorsque nous publions un rapport — et parce qu'il s'agit du premier rapport national — est qu'il meurt soudainement — comme vous dites, si l'ordre du jour politique passe à d'autres priorités et qu'il n'y a pas de discussion.

Le sénateur Callbeck et moi-même avons déjeuné ce matin avec le ministre de la Santé de l'Î.-P.-É. Nous avons déjeuné avec les ministres de la Santé de toutes les provinces que nous avons visitées parce qu'il est crucial que nous mettions en place un mécanisme qui fasse en sorte qu'il soit impossible que la population continue à ignorer la question de la santé mentale. Je ne sais pas encore quoi, mais nous devrons clairement faire quelque chose pour éviter que la question tombe dans l'oubli à nouveau et la garder à l'ordre du jour public. Une des raisons pour lesquelles nous parlons aux provinces, c'est pour voir si nous pouvons obtenir quelque chose qu'elles pourraient, sinon adopter avec enthousiasme, au moins accepter. Je suis très encouragé par les réactions provinciales que nous avons eues jusqu'à maintenant — la reconnaissance du fait que cette question doit être maintenue à l'ordre du jour. Il existe des nuances mineures dans l'aspect que devrait prendre l'organisation et comment elle devrait être financée, mais une de nos principales recommandations consistera à voir à ce que notre rapport final soit le début du processus, et non la fin.

Le sénateur Cochrane : Gail, avez-vous dit que votre fils est maintenant un conférencier?

Mme MacLean : Non, pas mon fils, mais Bill MacPhee, qui est venu à l'Île-du-Prince-Édouard en qualité de conférencier invité de la Société de la schizophrénie de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Cochrane : Le nombre d'enfants qui prennent du Ritalin est incroyable. Il est tellement prévalent dans ma province, dans les écoles. Il y a un certain temps que je n'ai pas visité le réseau scolaire, mais des enfants font la queue devant le bureau du directeur pour leur Ritalin. C'est épouvantable parce que ces enfants croient qu'ils ne peuvent pas absorber les matières qui sont enseignées, et cetera. Ils ne peuvent pas composer avec le type de discipline dans les écoles, alors les médecins recommandent du Ritalin. Pensez-vous que les médecins prescrivent trop de médicaments?

Mme MacLean : Je ne peux vraiment pas parler du Ritalin. Je ne sais vraiment pas grand chose à ce propos, pour dire vrai. Je lis beaucoup sur les antipsychotiques, qui sont les meilleurs médicaments pour les schizophrènes, parce que la schizophrénie est un type de psychose. Je ne pense pas qu'ils prescrivent trop de médicaments. Ils ont parfois les mains liées, quant aux médicaments qu'ils peuvent prescrire. On s'est inquiété l'an dernier, en Nouvelle-Écosse, du fait que le gouvernement voulait retirer du formulaire un des meilleurs médicaments existants, le meilleur, même, en raison du coût. Encore une fois, la Société s'est engagée à fond sur la question, a rencontré le ministre et a fait renverser la décision.

Je ne peux toutefois pas parler de la question du Ritalin. Je ne peux vraiment pas.

Le sénateur Cochrane : Qu'en est-il des professionnels de la santé? Sont-ils bien informés au sujet des plus récents médicaments?

Mme MacLean : J'espère qu'ils le sont. Je sais que dans certains cas, toutefois, ce sont les familles qui fournissent l'information au médecin.

Le sénateur Cochrane : Oui.

Mme MacLean : Les familles sont les personnes qui ont le plus d'intérêt à ce que le patient aille bien. En outre, en participant à ces rencontres annuelles et en parlant avec nos homologues des autres régions du pays, nous avons accès à ce qui se fait de plus récent. Je sais que lorsque j'ai approché le médecin de mon fils au sujet de cette médication, en septembre dernier, il m'a dit « Il n'est pas encore approuvé à l'Île-du-Prince-Édouard ». Je me suis renseignée et j'ai appris que le médicament venait d'être approuvé cette même semaine. Alors, évidemment, j'ai rappelé à l'hôpital, parce que le médecin était à l'hôpital à ce moment-là, à l'hôpital que Bonnie a mentionné, et j'ai dit « Il a été approuvé ». Nous avons franchi cet obstacle.

L'obstacle suivant était que le médecin ne considérait pas qu'il s'agissait de la meilleure médication pour mon fils. Je ne peux pas prescrire de médicaments. L'hiver a passé. Mon fils n'a pas bien traversé l'hiver. Il a abouti à l'hôpital à nouveau en février et encore une fois en avril. En avril, ils ont finalement consenti à essayer le médicament, mais ils ont accepté seulement parce que nous payons pour le médicament. Autrement dit, si nous n'étions pas capables de payer, il ne l'aurait pas. Qui peut payer 270 $ aux deux semaines s'il touche seulement 710 $ par mois? Ce sont là les difficultés que rencontrent les patients.

Le sénateur Cordy : Vous avez parlé de la nécessité d'un formulaire national afin que tout le monde dans toutes les provinces soit traité également, mais je m'inquiète de la conformité ou la non-conformité des médicaments. Comme un membre de ma famille est schizophrène, lorsqu'elle se sent bien, elle dit parfois « Je ne suis pas malade et je n'ai pas besoin de médicaments ». Nous avons entendu parler Bill MacPhee, et il a dit que la médication est une nécessité. Il a dit « Personne ne vous dirait d'arrêter de prendre vos médicaments pour une maladie physique, que vous devriez les prendre ». Mais nous avons entendu d'autres personnes dire que vous devriez pouvoir décider vous-même si vous voulez prendre votre médication ou non, et que si vous voulez l'arrêter, alors, soit. Je me demande seulement quels sont vos sentiments en tant que parent? Je connais les miens.

Mme MacLean : Ils arrêtent la médication une ou deux fois et ils deviennent malades. Je pense que nous avons atteint le point dans notre vie — notre fils a 29 ans; il est malade depuis l'âge de 21 ans — où notre fils a finalement compris que pour rester en santé, il doit prendre sa médication. Je pense qu'il estime que les injections sont la façon la plus facile pour lui.

L'autre chose qui a aidé dans notre situation, c'est d'éduquer les gens. Nous éduquons les gens. Mon mari souffre de diabète. Il a participé à un programme de huit semaines sur la façon de s'occuper de son diabète. Existe-t-il des programmes de huit semaines sur la façon de s'occuper de personnes atteintes de maladie mentale? C'est sur ce point que la Société de la schizophrénie aide, et nous faisons une différence, je crois, avec nos différents programmes. Ça revient à une question d'acceptation, au niveau national et partout; si vous êtes schizophrène, si vous souffrez de désordre bipolaire, c'est la médication que vous devez prendre pour être bien. Les gens commencent à comprendre que les maladies mentales ne sont pas différentes des autres maladies.

Le président : Ça n'a rien de catastrophique.

Mme MacLean : Exactement, mais nous n'avons pas encore atteint ce point.

Le président : Non, non.

Mme MacLean : Pour répondre à votre question, Le sénateur Cordy, dans notre cas, il a fallu de nombreuses années pendant lesquelles notre garçon a été malade, bien, malade, bien, pour finalement en arriver à la conclusion qu'il devait prendre sa médication. Comme l'infirmière lui a dit à l'hôpital lorsqu'il a reçu son congé il y a une semaine et demie, « Stephen, si tu ne prends pas ta médication, tu vas nous voir beaucoup plus souvent et je ne pense pas vraiment que tu veux être ici parce que la place est vraiment ennuyante ».

Le sénateur Cordy : Les injections sont également merveilleuses.

Mme MacLean : C'est ce qu'elle lui a dit.

Le sénateur Cordy : Oui. Les injections sont également merveilleuses — ainsi, la personne ne garde pas la médication sous sa langue jusqu'à ce que vous quittiez la pièce.

Mme MacLean : Oui. Ce qu'il y a de bien, c'est qu'il doit aller à la clinique pour avoir son injection. Je ne la lui donne pas. Chaque deux semaines, il voit son infirmière et s'il ne se rend pas à la clinique pour sa médication, ils m'appellent. Nous avons pris cette entente; je suis informée lorsqu'il ne se présente pas pour son injection.

Le président : Et vous pouvez insister.

Mme MacLean : Je peux insister à ce moment.

Le président : Magnifique.

Le sénateur Callbeck : Gregg, vous nous avez fait part de votre inquiétude que cette question ne reste pas à l'ordre du jour. Vous avez entendu ce que le président a dit — et nous travaillons à cette étude depuis 2003. Beaucoup de temps et d'effort ont été consacrés à cette étude, et nous ne voulons pas produire un rapport qui va rester sur les tablettes, alors nous allons faire tout ce que nous pouvons.

Le sénateur Cook : Lorsque nous aurons acquis l'adhésion de la population, le rapport ne demeurera pas sur une tablette.

Le sénateur Callbeck : Pas si nous avons notre mot à dire.

Gail, en ce qui touche la médication appropriée, je sais l'importance que ça peut avoir, et je comprends certainement ce que vous dites. Je prends un médicament très dispendieux pour l'arthrite rhumatoïde. Si je ne prenais pas ce médicament, je ne marcherais pas. J'ai la chance d'avoir une assurance-maladie, mais beaucoup de personnes n'ont pas ma chance.

Mme MacLean : Exact — et en particulier comme la schizophrénie touche principalement les jeunes. L'apparition de la maladie se produit habituellement entre 15 et 25 ans. De nombreux malades n'avaient pas même obtenu leur diplôme secondaire, d'autres n'ont pas pu terminer des études post-secondaires. Ils n'ont pas la scolarité requise pour trouver un bon emploi. Ils travaillent dans des emplois qui paient 6 $ ou, s'ils sont chanceux, 7 $ de l'heure et ils se retrouvent ensuite sur l'aide sociale. Évidemment, s'ils trouvent un emploi, ils déduisent leur salaire de l'aide sociale, ce qui ne les incite pas à mieux faire.

Le président : Il est difficile d'imaginer que nous ayons réussi à concevoir un système aussi mal fichu, à bien y penser. Nous trouverons une façon d'améliorer les choses.

Mme MacLean : Très bien. Merci.

Le président : Nous sommes tellement tenaces, et, contrairement aux députés, nous ne partons pas.

Mme MacLean : C'est une bonne chose.

Le président : Vous savez qu'il est difficile de nous ignorer. Merci à vous deux d'être venus.

La séance est levée.


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