Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie:
Aperçu des politiques et des programmes au Canada
Rapport 1
La prestation de services et la politique gouvernementale dans le domaine de la maladie mentale et de la toxicomanie
CHAPITRE 7:
SERVICE DE SANTÉ MENTALE ET TRAITEMENT DE LA TOXICOMANIE AU Canada : pERSPECTIVE ET HISTORIQUE
L’histoire des services de santé mentale et du traitement de la toxicomanie au Canada est parallèle à celle de l’Europe et des États-Unis. Les services de santé mentale ont très souvent évolué différemment du traitement de la toxicomanie au cours du dernier siècle. Il en a résulté deux systèmes distincts de soins et de soutien, soit l’un pour les personnes atteintes de maladies mentales et un autre pour les personnes souffrant de toxicomanie. Ce n’est qu’au cours de la dernière décennie que l’on a cherché à favoriser une meilleure intégration des deux systèmes.
Le système de services de santé mentale et celui du traitement de la toxicomanie se sont efforcés d’offrir le traitement le plus compatissant et le mieux adapté possible, mais ils ont tous deux été affligés par la stigmatisation, qui a nui à leur développement. À cause de malentendus généralisés et d’idées fausses répandues, les gens atteints d’une maladie mentale étaient souvent qualifiées d’« idiots », d’« imbéciles » et d’« aliénés », tandis que les problèmes de toxicomanie étaient perçus comme un signe de faiblesse personnelle. Dans certains cas, une attitude punitive, illustrée par le désir d’isoler de la société les personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie, a nui à la prestation de services appropriés. Malgré les nombreux progrès des modèles de soins, des politiques et des lois, les impressions négatives et la stigmatisation persistent encore de nos jours.
Même si des améliorations spectaculaires ont été apportées ces vingt dernières années dans la prestation des services de santé mentale et le traitement de la toxicomanie, le Comité convient avec de nombreux témoins qu’aucun de ces deux domaines n’a réussi à obtenir un appui public ou du financement gouvernemental suffisants pour que les services offerts soient de qualité égale à ceux que reçoivent les Canadiens dans le traitement de maladies physiques comme le cancer ou les maladies cardiaques.
Le présent chapitre donne un aperçu chronologique de l’évolution des services de santé mentale et du traitement de la toxicomanie au Canada. La section 7.1 résume l’évolution des points de vue sur la maladie mentale qui, au fil des siècles, ont influé sur l’approche adoptée au Canada. La section 7.2 présente un aperçu historique du développement du système de services de santé mentale au Canada. La section 7.3 analyse brièvement l’évolution du système de traitement de la toxicomanie.
7.1 ÉVOLUTION DES POINTS DE VUE SUR LA MALADIE MENTALE AU FIL DES SIÈCLES[320]
Les soins dispensés aux personnes atteintes de troubles mentaux et du comportement ont toujours reflété les valeurs sociales qui influent sur la perception de la maladie mentale dans la société.
[OMS, 2001, p. 49]
Pendant des siècles, les convictions religieuses, spirituelles ou culturelles ont dominé la façon dont les personnes atteintes d’une maladie mentale ont été traitées et considérées par la société. La psychiatrie est une science « jeune » par rapport à d’autres disciplines scientifiques.
Stein et Santos (1998) qu’on a trouvé des crânes de 5 000 ans, perforés de trous pouvant mesurer jusqu’à deux centimètres de diamètre, des pays de l’est de la Méditerranée et de l’Afrique du Nord. On croit que ces trous ont été percés avec des instruments acérés et que cette trépanation a été pratiquée pour des raisons thérapeutiques. Certains sujets étaient probablement atteints d’une maladie mentale et comme on croyait à l’époque qu’ils étaient possédés par de mauvais esprits, la trépanation avait pour but de libérer les mauvais esprits.[321]
Dans la Grèce antique, on croyait que les personnes atteintes d’une maladie mentale grave étaient sous l’influence des dieux en colère. Elles ont certainement subi de mauvais traitements. Celles dont la maladie était moins grave restaient libres, mais elles étaient méprisées et humiliées.[322] D’après Prince (2003), les valeurs culturelles de la Grèce antique annoncent la stigmatisation moderne à l’égard de la maladie mentale.[323]
Dans l’Europe du Moyen-Âge (du Ve au XVIe siècle), on croyait que la maladie mentale avait des causes surnaturelles et on l’associait à la possession diabolique ou divine. Les personnes touchées étaient torturées, condamnées au bûcher, pendues ou décapitées afin de libérer l’âme de la possession diabolique.[324]
Au XVIIe et au début du XVIIIe siècles, le point de vue dominant était que la maladie mentale constituait une déficience physique que l’on s’infligeait soi-même par excès de passion. Ce point de vue n’encourageait pas la compassion ni la tolérance; il servait plutôt à justifier des conditions de vie misérables et le recours à des entraves physiques dans des lieux de confinement. Certaines personnes étaient enchaînées aux murs et parfois même mises en cage.[325]
À la fin du XVIIe siècle, Philippe Pinel, médecin français, et William Tuke, quaker anglais, ont été les premiers à exprimer la conviction que ceux qui ont des comportements étranges et inexplicables souffrent d’une maladie mentale. Pinel réformera les hôpitaux de Bicêtre et de La Salpêtrière en France; il libèrera les aliénés de leurs chaînes et les considèrera comme des êtres raisonnables. Il leur offrira des conditions de vie convenables et les traitera avec respect. De son côté, guidé par des idéaux humanistes, Tuke fonde en Angleterre l’institut York Retreat où les personnes atteintes de maladie mentale jouissent de conditions de vie convenables, sont traitées avec respect et travaillent, dans la mesure où elles le peuvent.[326]
La démarche élaborée par Pinel et Tuke est devenue ce qu’on a appelé le « traitement moral ». Son succès, qui repose sur le fait qu’on considère les personnes atteintes d’une maladie mentale comme des patients médicaux, a mené à la construction de nombreuses institutions psychiatriques, autrefois appelées « asiles d’aliénés » dans les pays européens et aux États-Unis. C’est à cette époque que naît la psychiatrie, en tant que discipline médicale.[327]
Au XIXe et au XXe siècles, on adopte une approche « plus scientifique » du traitement de la maladie mentale. On tente d’expliquer la maladie mentale comme une conséquence d’une maladie du cerveau ou de dommages au cerveau, ou comme la séquelle d’anomalies congénitales ou héréditaires. Parce que les tissus cervicaux endommagés et dévitalisés ne peuvent se régénérer et qu’on ne peut pas faire grand-chose pour corriger un défaut héréditaire, cette nouvelle démarche « scientifique » mène à une ère de pessimisme dans le traitement.[328]
L’idée qu’un traitement psychologique rationnel, voire scientifique, de la maladie mentale est possible ne vient que lorsque des milliers de victimes de traumatisme dû à un bombardement pendant la Première Guerre mondiale démontrent d’une manière émouvante que tout le monde est vulnérable à un stress psychologique, social et physique et peut atteindre un point de rupture.[329] Cette découverte a mené au développement de la psychiatrie et de la psychologie clinique modernes.
7.2 SERVICES DE SANTÉ MENTALE AU CANADA[330]
Comme dans d’autres pays développés, l’évolution de la prestation de services de santé mentale au Canada a été marquée par trois processus distincts : d’abord l’approche morale ou humanitaire à l’égard du traitement de la maladie mentale, suivie de l’institutionnalisation et enfin de la désinstitutionnalisation.
7.2.1 L’approche morale ou humanitaire à l’égard de la maladie mentale (avant les années 1900)
Avant la Confédération, bon nombre de personnes atteintes de maladie mentale sont soit emprisonnées, soit prises en charge par la famille ou des organisations religieuses.[331] À l’époque, peu de médecins pratiquent la psychiatrie dans le Haut ou le Bas-Canada. Certains sont encore convaincus que toute forme de traitement, qu’il soit médical ou psychologique, des personnes atteintes de maladie mentale constitue une perte de temps, puisque ces personnes sont considérées comme des membres de la société incurables et non fonctionnels.[332] Le traitement des personnes souffrant de maladie mentale est donc essentiellement une fonction de garde.
À la fin du XIXe siècle, le Haut et le Bas-Canada s’inspirent de l’expérience européenne et créent quelques petites institutions qui prennent exemple sur les approches de Tuke et de Pinel pour offrir aux patients un traitement moral ou humanitaire. Au départ cependant, il n’y a pas assez d’hôpitaux moraux pour tous ceux qui en ont besoin. De nombreuses personnes atteintes d’une maladie mentale restent confinées dans une chambre à la maison ou sont incarcérées avec des criminels de droit commun.
Le succès du traitement moral finit par entraîner la construction de nombreux grands asiles dans toutes les régions du pays. C’est ainsi que débute le processus d’institutionnalisation des personnes souffrant de maladie mentale. Au début, le coefficient patients-personnel est assez élevé pour offrir un traitement moral et des conditions de vie convenables, mais pour des raisons que nous expliquerons ci-dessous, la plupart de ces institutions ne sont pas en mesure de maintenir le taux de réussite des pionniers dévoués du traitement moral.
7.2.2 L’institutionalisation (de 1900 à 1960)
S’inspirant de l’expérience européenne et américaine, les asiles d’aliénés prolifèrent au Canada[333] Ces grandes institutions habituellement indépendantes se trouvent souvent dans des lieux très isolés. Une fois qu’elles y sont admises, de nombreuses personnes souffrant de maladie mentale y passent le reste de leur vie. Certains patients sont admis contre leur gré, à l’issue d’un processus juridique, et sont confinés dans des services dont les portes sont fermées à clé. Le traitement tente d’intégrer le travail grâce à l’ergothérapie ou à la réadaptation professionnelle (qui rémunère faiblement les patients), ainsi que par des activités récréatives et sociales. Les liens entre le personnel et les patients sont paternalistes. La plupart des patients restent isolés de leur famille et de leur collectivité.[334]De nombreux traitements psychiatriques courants à cette époque – hydrothérapie, coma insulinique, psychochirurgie (en l’occurrence, la lobotomie) – ne sont plus en vogue ou ont été abandonnés pour des raisons scientifiques ou déontologiques.[335] La thérapie électroconvulsive (ou TEC), dispensée au départ sans anesthésie ni relaxants musculaires, est alors un traitement courant mais controversé.[336] Les convulsions qui accompagnent les électrochocs provoquent souvent de graves complications – des crises qui durent plus longtemps que prévu, une hausse de la tension artérielle, une modification du rythme cardiaque, et des fractures par tassement de la colonne vertébrale. Depuis, bien qu’elle continue de faire l’objet de controverse dans certains milieux, la TEC a été largement reconnue et sanctionnée par la psychiatrie et la médecine en général comme étant un traitement sûr et efficace de la schizophrénie, de la dépression grave et de la manie extrême.[337] On reconnaît généralement que l’absence de traitements efficaces pour les patients souffrant de maladie mentale a grandement contribué à l’opinion généralement peu favorable à l’égard de la psychiatrie durant toute cette période.[338]
Il convient de souligner qu’on s’est efforcé, durant la période de l’institutionnalisation, de promouvoir la santé mentale et de déstigmatiser la maladie mentale. Par exemple, en 1948, le gouvernement fédéral établit des subventions nationales à la santé mentale afin d’améliorer la formation et les services. Les fonds de cette source ont également mené à des campagnes de sensibilisation visant à promouvoir la santé mentale des bébés et des enfants. La « Semaine de la santé mentale » est désignée au Canada pour la première fois en 1951. Durant cette période également, l’Association canadienne pour la santé mentale lutte pour modifier la terminologie employée dans les lois, et parfois dans la publicité, qui qualifie les personnes souffrant de maladie mentale d’« idiots », d’« imbéciles » et d’« aliénés ».[339]
Après la Seconde Guerre mondiale, les institutions psychiatriques au Canada deviennent surpeuplées. En 1950, on dénombre quelque 66 000 patients dans les hôpitaux psychiatriques du Canada; ils sont plus nombreux que les patients dans les hôpitaux non psychiatriques.[340] La plupart des institutions psychiatriques fonctionnent à plus de 100 p. 100 de leur capacité. Le manque de personnel, le surpeuplement et l’absence de traitements efficaces font en sorte qu’on attache plus d’importance au confinement qu’à la thérapie. Contrairement à l’intention initiale de dispenser un traitement moral, les soins institutionnels deviennent primitifs et restrictifs; ils font appel à des méthodes comme le confinement ou la contention chimique et physique.[341] Toutes ces conséquences négatives ont contribué à la désinstitutionnalisation décrite dans la section suivante.
7.2.3 La désinstitutionalisation (de 1960 à nos jours)
… la désinstitutionnalisation n’est pas simplement un congé donné aux patients. Il s’agit d’un processus complexe dans lequel la déshospitalisation devrait mener à la création d’un réseau de services hors des hôpitaux psychiatriques. Malheureusement, dans de nombreux pays développés, la désinstitutionnalisation n’a pas été accompagnée par le développement de services communautaires pertinents. […] Il est devenu de plus en plus clair que si du financement et des ressources humaines suffisantes pour l’établissement de services communautaires n’accompagnent pas la désinstitutionnalisation, les personnes atteintes de troubles mentaux pourraient avoir accès à moins de services de santé mentale et les services existants pourraient être utilisés au-delà de leurs capacités. (OMS, 2003, p. 18)
Quelques facteurs ont encouragé la tendance à la désinstitutionnalisation. Premièrement, à cause du surpeuplement et des pénuries d’effectifs, de nombreux établissements psychiatriques étaient considérés comme des environnements non thérapeutiques où les gens qui y séjournaient étaient tout simplement confinés et traités de manière inhumaine. Deuxièmement, de nombreuses études au Canada, en Europe et aux États-Unis ont fait ressortir les conséquences négatives de l’institutionnalisation à long terme sur le bien-être des personnes souffrant de maladie mentale : indifférence, apathie, obéissance passive, négligence de soi et, parfois, comportement agressif, importante perte d’habiletés sociales, dépendance accrue, et maladies physiques chroniques accrues découlant de l’isolement et des relations autoritaires entre le personnel et les patients.[342] Troisièmement, l’arrivée de la chlorpromazine –médicament efficace pour contrôler les psychoses et les troubles du comportement graves – et d’autres médicaments neuroleptiques a fait naître l’espoir que des « cures » seraient bientôt découvertes pour des maladies mentales graves et persistantes comme la schizophrénie (il est intéressant de souligner que ces premiers résultats de recherches ont stimulé un intérêt considérable pour la recherche en psychopharmacologie et en neurosciences au Canada). Tout au moins, on espérait que, grâce à ces nouveaux médicaments, les personnes souffrant de maladie mentale pourraient mener une vie confortable hors des hôpitaux, ce qui leur permettrait de reprendre les fonctions de la vie quotidienne, sans faire l’objet d’une supervision et de soins constants. Quatrièmement, il s’est avéré difficile de résister aux encouragements financiers présentés aux gouvernements provinciaux par les ententes fédérales-provinciales de partage des coûts visant à financer des unités de psychiatrie dans les hôpitaux généraux.[343]
Deux rapports nationaux importants ainsi que ceux de plusieurs commissions provinciales[344] ont fait ressortir ces observations et encouragé la transition vers la désinstitutionnalisation. En 1963, le Conseil national de planification scientifique de l’Association canadienne pour la santé mentale publiait Au service de l’esprit, qui affirmait que la maladie mentale devrait être abordée dans le même cadre organisationnel, administratif et professionnel que la maladie physique. Il recommandait que les services psychiatriques soient intégrés aux ressources physiques et professionnelles des autres soins de santé.[345]
Par ailleurs, en 1964, la Commission royale sur les services de santé, présidée par Emmett Hall déclarait que toute distinction dans les soins aux personnes atteintes de maladies physiques ou mentales devrait être évitée à tout jamais, parce qu’elle ne repose sur aucun fondement scientifique. La Commission recommandait que les patients capables de recevoir des soins dans des unités de psychiatrie des hôpitaux généraux reçoivent leur congé des hôpitaux psychiatriques le plus rapidement possible. Il était prévu que les patients occuperaient des lits dans les unités de psychiatrie d’hôpitaux généraux pour de brèves périodes durant les épisodes de maladie, mais qu’autrement, ils mèneraient une vie réussie et satisfaisante dans leur collectivité.[346]
La désinstitutionnalisation a donc commencé dans les années 60. La route fut longue. D’ailleurs, la désinstitutionnalisation proprement dite a comporté trois phases distinctes, commençant au début des années 60 et se poursuivant jusqu’à aujourd’hui. La première phase (7.2.3.1) a consisté à transférer les soins des établissements psychiatriques vers les unités de psychiatrie des hôpitaux généraux. La deuxième phase (7.2.3.2) a porté l’élargissement des soins de santé mentale dans la collectivité et les moyens de soutien communautaires dont avaient besoin les personnes souffrant de maladie mentale et leurs familles. Dans la troisième phase (7.2.3.3), qui se poursuit encore, on cherche à intégrer les divers services et moyens de soutien de santé mentale disponibles dans les collectivités et à accroître leur efficacité.[347]
7.2.3.1 Les unités de psychiatrie dans les hôpitaux généraux (années 60)
La désinstitutionnalisation [...] a évolué en partie comme un phénomène naturel à la suite de l’arrivée de nouveaux traitements pharmacologiques, à l’ère des premiers médicaments anti-psychotiques. Des patients ayant passé des années en institution peuvent maintenant être traités grâce à des médicaments efficaces, leur état s’améliorant souvent à un point tel qu’ils peuvent réintégrer la collectivité. Au cours des années subséquentes, la désinstitutionnalisation est devenue un but souhaitable. Au début de la psychiatrie communautaire, on a pensé que les problèmes comportementaux de nombreux patients souffrant de maladie chronique étaient consécutifs à une quelconque forme de « névrose institutionnelle ». En prenant des mesures pour retirer ces patients d’un milieu pathogène et en les réhabilitant dans la société, on espérait que la réinsertion sociale réussirait pour un grand nombre d’entre eux.
[Dr Dominique Bourget, psychiatre légiste, Hôpital Royal d’Ottawa, mémoire au Comité, juin 2003, p. 2.]
La première phase de la désinstitutionnalisation a consisté à transférer un grand nombre de patients en soins de longue durée des hôpitaux psychiatriques vers les unités de psychiatrie des hôpitaux généraux et à les envoyer directement dans les collectivités relativement peu préparées. Tout au long des années 60, on a ainsi fermé plusieurs des plus gros établissements canadiens isolés. Les hospitalisations de longue durée ont petit à petit été remplacées par des séjours intermittents et plus courts. De 1960 à 1970, le nombre de journées d’hospitalisation par patient dans les institutions psychiatriques a diminué de moitié. Le nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques est passé d’environ quatre par 1 000 habitants en 1964 à moins d’un en 1979.[348]
On espérait que cette transition des institutions psychiatriques vers les unités de psychiatrie des hôpitaux généraux aurait une grande incidence en atténuant la stigmatisation associée à la maladie mentale et à la psychiatrie, à mesure que ces maladies et les spécialistes qui les traitaient seraient plus étroitement intégrés au reste de la médecine.[349]
Au début, les hôpitaux généraux et les institutions psychiatriques ont résisté au placement des patients psychiatriques dans les hôpitaux généraux, certains de ces établissements ne voulant pas de patients psychiatriques, tandis que des institutions psychiatriques s’inquiétaient de la réduction spectaculaire de leurs ressources.[350] Mais il y avait des avantages au transfert des soins vers les hôpitaux généraux dont les unités de soins avaient l’avantage et la possibilité de dépister rapidement la maladie, de donner des soins psychiatriques préventifs et de traiter un vaste éventail de troubles psychiatriques moins graves.[351]
Malheureusement, les unités de psychiatrie des hôpitaux généraux n’ont pas bien servi les patients qui ont quitté les anciennes institutions psychiatriques. D’une part, les ressources humaines et financières n’ont pas été réaffectées aux hôpitaux généraux quand les patients ont obtenu leur congé des institutions psychiatriques. D’ailleurs, des études menées à la fin des années 70 ont montré que les personnes souffrant de maladies mentales graves et persistantes étaient traitées dans les unités de psychiatrie d’hôpitaux généraux qui avaient beaucoup moins de ressources que n’en avaient les institutions psychiatriques où ils se trouvaient auparavant.[352]
D’autre part, les unités de psychiatrie des hôpitaux généraux étaient plutôt utilisées sur une base volontaire par des personnes à revenu moyen ou élevé qui y étaient dirigées par des psychiatres privés, tandis que les institutions psychiatriques offraient généralement des services à des personnes moins nanties et à celles qui y étaient admises contre leur gré. Cette situation a créé un système de soins de santé mentale à deux vitesses : les hôpitaux généraux et les institutions psychiatriques servaient des groupes de patients qui se chevauchaient rarement.
Fait plus important, la fermeture ou la réduction de la taille des institutions psychiatriques a été réalisée sans un financement suffisant au niveau communautaire pour que la collectivité puisse offrir un soutien psychologique et des services de réadaptation hors de l’hôpital. Les collectivités se sont donc retrouvées mal préparées pour offrir un soutien adéquat aux patients ayant reçu leur congé des institutions psychiatriques. De nombreuses personnes, handicapées par des maladies psychiatriques persistantes, arrivaient à peine à subsister dans la collectivité. Même si elles vivaient désormais dans un environnement moins restrictif, elles recevaient beaucoup moins de services et de soins, voire pas du tout. D’après de nombreux témoins, il s’agit d’une leçon cruciale qui ne devrait jamais être oubliée dans quelque réforme que ce soit du système de santé mentale.
L’absence de services et de moyens de soutien convenables dans la collectivité pour ceux qui souffraient de maladies mentales a eu les conséquences suivantes :
· fréquence élevée de rechutes (retour à l’état psychotique) et, par conséquent, hausse du taux de réadmission dans les hôpitaux;
· « Syndrome de la porte tournante », qui fait qu’après avoir été admis à nouveau et traités dans un hôpital, les patients retournaient vers des soins insuffisants dans la collectivité, redevenaient malades et recommençaient le cycle une fois de plus;
· itinérance accrue;
· hausse des comportements criminels et des incarcérations (parfois pour des délits mineurs).
Cette situation a été tragique pour les personnes souffrant de maladie mentale et leurs familles. Quelques experts en sont venus à croire que la politique de désinstitutionnalisation était une grave erreur. Ils sont arrivés à la conclusion que les patients feraient mieux de vivre dans des institutions. Mais en règle générale, la plupart des experts et les personnes souffrant de maladie mentale n’étaient pas d’accord. Ils ont refusé de se joindre à ceux qui demandaient une réinstitutionnalisation massive et ils ont préconisé la prestation de services et moyens de soutien à long terme pour les besoins quotidiens afin qu’on puisse mener une vie stable dans la société.
7.2.3.2 Les services et moyens de soutien communautaires de santé mentale (années 70 et 80)
Dans cette deuxième phase de la désinstitutionnalisation, le passage des soins institutionnels aux soins communautaires s’est poursuivi avec une insistance non seulement sur les soins communautaires de santé mentale proprement dits, mais aussi sur les moyens de soutien communautaires en santé mentale.
Dans cette phase, les gouvernements provinciaux ont commencé à financer les services de santé mentale hors du milieu hospitalier, principalement pour combler des lacunes dans les unités de psychiatrie des hôpitaux généraux. Ces services étaient fournis par des cliniques communautaires de santé mentale. En outre, durant cette phase, on a insisté sur la nécessité de disposer d’un vaste éventail de moyens de soutien et de services communautaires (comme des services de logement, des programmes de réadaptation professionnelle, et un soutien du revenu) afin de maintenir les personnes souffrant de maladie mentale dans la société, en particulier celles qui souffraient de maladies graves et persistantes. On croyait qu’il fallait une approche plus équilibrée pour affecter le financement des services de santé mentale entre les soins coûteux axés sur le traitement dispensés dans des institutions et les soins et moyens de soutien communautaires de santé mentale. Il fallait gérer les cas afin d’assurer la coordination des services dans un système de prestation de services communautaires.
Durant cette phase, les défenseurs des soins communautaires se sont opposés aux défenseurs des soins en institutions, et les hôpitaux ont été considérés comme une cause du problème plutôt que comme un élément de solution. De plus, les intérêts des professionnels ont parfois paru diverger de ceux des personnes souffrant de maladie mentale et de leurs familles. Les gouvernements ont de moins en moins tendu l’oreille aux conseils des professionnels et ont écouté davantage les personnes souffrant d’une maladie mentale et les membres de leurs familles. Les organisations non gouvernementales, en particulier, sont devenues fortes et efficaces durant cette phase; les pressions exercées sur les gouvernements pour qu’ils offrent un soutien du revenu et des possibilités de socialisation étaient aussi fortes que les pressions exercées par les professionnels en faveur d’un traitement.[353]
Les années 70 et 80 ont également été marquées par les progrès de la psychiatrie biologique, qui ont démontré que des systèmes de neurotransmetteurs anormaux peuvent sous-tendre la maladie mentale. La recherche dans ce domaine de la psychiatrie a également été essentielle pour expliquer l’efficacité des médicaments psychotropes. Durant cette période, la recherche au Canada a grandement contribué, à l’échelle nationale et internationale, non seulement à élargir les connaissances sur les fonctions du cerveau, mais aussi à trouver des médicaments modernes et à améliorer la gestion thérapeutique des troubles mentaux. Ces années ont également été marquées par des contributions importantes de scientifiques canadiens dans le domaine de la génétique et des troubles mentaux, comme la schizophrénie et le trouble bipolaire.
À la fin des années 80, même s’ils existaient dans la plupart des provinces, les services et moyens de soutien en santé mentale n’étaient pas bien intégrés. On a d’ailleurs parlé de « trois solitudes » pour décrire les hôpitaux psychiatriques, les unités de psychiatrie dans les hôpitaux généraux et les cliniques, les moyens de soutien et les services communautaires en santé mentale.
7.2.3.3 L’amélioration de l’efficacité et l’intégration des services et moyens de soutien en santé mentale (des années 90 à nos jours)
Tout comme dans la phase précédente, il était reconnu qu’il fallait davantage d’interventions des services communautaires de santé mentale comprenant des visites à domicile, des services d’information, des équipes mobiles d’intervention en cas de crise, des partenariats importants avec des groupes d’entraide, des équipes de suivi communautaire intensif, etc. Mais dans cette troisième phase de la désinstitutionnalisation, les personnes souffrant de maladie mentale et leurs familles, par l’entremise de diverses organisations non gouvernementales, ont continué d’exercer des pressions sur les gouvernements pour qu’ils offrent des moyens de soutien communautaires plus nombreux et de meilleure qualité dans divers domaines comme le logement, le soutien du revenu, les possibilités d’emploi, etc.
Contrairement à la phase précédente, cependant, la troisième phase a été marquée par l’importance accordée à la recherche empirique. De fait, il y a une importante tendance vers l’adoption du cadre de « pratiques exemplaires » par les décideurs, les professionnels, les personnes atteintes de maladie mentale et les membres de leurs familles. L’approche fondée sur des preuves devrait permettre une coopération et une collaboration beaucoup plus grande, ce qui facilitera la réforme de la santé mentale. Les hôpitaux (hôpitaux généraux et institutions psychiatriques) ne sont plus considérés comme des éléments qui évoluent hors des systèmes de soins complets, mais plutôt comme des éléments essentiels qui doivent repenser leurs fonctions et leurs mécanismes clés afin de mieux relier les soins en établissement et les soins communautaires. Par conséquent, la troisième phase, qui se poursuit encore, se caractérise par une plus grande inclusion dans la planification et la mise en œuvre ainsi que par un consensus beaucoup plus clair sur les réformes nécessaires.[354]
Dans de nombreuses provinces, le modèle préféré de prestation de services de santé mentale comprend actuellement un vaste éventail de services communautaires coordonnés fonctionnant de pair avec les unités de psychiatrie des hôpitaux généraux et les centres régionaux connexes de soins de santé mentale.
Il reste cependant d’importants défis à relever. La maladie mentale est un phénomène social; elle ne se cantonne pas seulement au domaine des soins de santé. Comme le savent bien les citoyens des grandes villes, le nombre de sans-abri augmente. Les programmes de psychiatrie médico-légale ont de plus en plus besoin d’espace. De plus, le Canada est une société multiculturelle et il faut donc offrir des services de services de santé mentale et des moyens de soutien d’une manière qui tient compte des différences culturelles.[355] Mais peut-être avant tout, les nombreux besoins changeants des enfants, des adolescents et des jeunes adultes souffrant de maladies mentales – secteur le plus négligé de tous – nécessitent une importante intervention concertée entre tous les secteurs de la part des systèmes encore mal coordonnés de santé mentale, de soins de santé, de services sociaux, d’éducation, de services correctionnels, de services récréatifs, de programmes professionnels et de traitement de la toxicomanie.
7.3 TRAITEMENT DE LA TOXICOMANIE AU CANADA[356]
L’évolution du traitement de la toxicomanie au Canada se caractérise par cinq phases distinctes. La première, qui s’est terminée à la fin des années 40, est dominée par des attitudes moralistes et un manque général d’attention au traitement. Des asiles privés offrent alors certains traitements de la toxicomanie et certains services de counselling sont mis en place dans des prisons. Toutefois, la plupart des personnes ayant des problèmes de toxicomanie (liés à l’alcool ou à d’autres drogues) n’ont qu’un accès limité aux services de traitement. Le point de vue dominant est que ces problèmes découlent d’un « manque de volonté » ou de « troubles de la personnalité ».
La deuxième phase, qui a pris fin au milieu des années 60, se caractérise par un changement d’attitude face à l’alcoolisme et, dans une moindre mesure, à l’égard des problèmes liés aux autres drogues. L’un des facteurs déterminants de cette transformation est la place grandissante que se taille le mouvement des Alcooliques Anonymes (AA). Les AA répandent l’idée que l’alcoolisme, quoique incurable, peut être contré, à condition que le sevrage s’accompagne d’un traitement et que l’alcoolique suive un programme de guérison en 12 étapes. Avec l’aide de figures de proue de la collectivité, les membres des AA, à force de pressions, réussissent à obtenir du secteur public qu’il finance les programmes de traitement et de sensibilisation. Ils appuient leurs démarches sur l’opinion que l’alcoolisme n’est pas un symptôme ou une séquelle de faiblesse morale, mais plutôt une « maladie » qu’on peut prévenir et traiter.
Durant cette phase, la plupart des provinces créent des ministères, des commissions ou des fondations chargés d’offrir ou de coordonner les services de traitement de la toxicomanie. De nombreux nouveaux services sont établis. Au départ, ces organismes devaient se concentrer sur les problèmes liés à l’alcool, mais par la suite, à mesure que les problèmes liés aux autres drogues se sont intensifiés, leur mandat a été élargi pour englober ce genre de problèmes. Il convient de noter toutefois que le traitement administré aux utilisateurs de drogues illicites était offert dans une optique fortement punitive.
La troisième phase a commencé au milieu des années 60. Elle débute au moment où la consommation de drogues augmente fortement et se caractérise par l’expansion rapide des services liés à la toxicomanie. La croissance la plus rapide a été enregistrée entre 1970 et 1976. Sur les quelque 340 organismes spécialisés actifs en 1976, les deux tiers avaient vu le jour après 1970; les dépenses pour les services de traitement sont passées de 14 millions de dollars à 70 millions de dollars pendant la même période. Parmi la gamme des services mis sur pied durant cette période, mentionnons les centres de désintoxication, les programmes de traitement ambulatoire, les établissements pour séjours courts et prolongés et les services de suivi. On offre alors des services destinés aux alcooliques à des personnes aux prises avec des problèmes liés à des drogues autres que l’alcool, mais on crée également certains services spécialisés de traitement des problèmes liés aux « drogues », y compris un certain nombre de communautés thérapeutiques. C’est durant cette période qu’on constate que les personnes qui suivent un traitement de lutte contre l’alcoolisme sont de plus en plus nombreuses à consommer aussi d’autres drogues.
La quatrième phase a commencé dans les années 80. Elle se caractérise par l’autonomie relative des fondations et commissions provinciales dans le cadre de leurs systèmes de santé et de services sociaux respectifs. Dans bien des cas, les recherches sur la toxicomanie, la sensibilisation et le traitement évoluent en parallèle, mais sont loin de s’harmoniser avec les systèmes généraux de santé et de services sociaux communautaires. Malgré cela, le rôle de ces derniers dans le repérage et l’appui des services spécialisés de traitement de la toxicomanie devient de plus en plus apprécié.
Cette phase est en outre marquée par la diversification et la spécialisation des services de traitement et par la croissance du nombre de services spécialisés, notamment pour les femmes, les adolescents et les Autochtones. Cette tendance est appuyée par des recherches démontrant que les personnes réagissent différemment à différents types de traitement et par la conviction de plus en plus répandue que la thérapie devrait être adaptée aux besoins et aux problèmes particuliers des clients. S’il est vrai qu’on se contente généralement d’adopter diverses variantes du modèle de traitement médical à l’échelle du pays, des thérapies fondées sur des théories et des études cognitives, comportementales et sociales voient néanmoins le jour durant la même période. C’est ce qu’on a appelé le modèle cognitivo-comportemental. La Stratégie canadienne antidrogue, fruit d’un partenariat multisectoriel, est lancée en 1987 et sert à stimuler un éventail d’activités pancanadiennes à l’appui, notamment, de services de traitement et de réadaptation novateurs.
La cinquième phase, qui a commencé au début des années 90 et se poursuit actuellement, a découlé de changements spectaculaires dans la structure des services de santé canadiens. Dans une conjoncture générale favorable à la réforme des soins de santé, la plupart des services de traitement offerts par l’État ont été intégrés aux mécanismes communautaires de prestation de santé et de services sociaux. Dans cette phase, on est plus conscient de la nécessité d’étendre l’intégration des services de lutte contre l’alcoolisme et les autres toxicomanies, non seulement au système de soins de santé mentale, mais aussi à plus grande échelle, c’est-à-dire aux politiques de sécurité sociale et aux systèmes de soutien social. Cette intégration des services est le fruit de l’adoption d’un modèle de santé de la population par tous les gouvernements provinciaux et territoriaux. Le modèle global de la santé de la population insiste sur un ensemble complexes de déterminants de la santé – des facteurs sociaux, économiques, culturels et environnementaux, y compris des choix comportementaux – qui influent sur l’état psychologique et sur l’état biologique.
Durant cette phase, de nouveaux types de drogues plus puissantes sont apparus. Les jeunes enfants et les adolescents risquent de tomber dans la toxicomanie plus tôt que jamais. De plus, avec la récente prolifération au Canada des possibilités de s’adonner au jeu, un grand nombre de provinces et de territoires sont confrontés à une nouvelle dépendance, le jeu compulsif. En outre, à mesure que les entreprises s’intéressent de plus en plus à la toxicomanie, les entreprises et l’industrie dirigent de plus en plus de leurs employés vers les services canadiens de traitement de la toxicomanie.
e siècle sera marqué par une amélioration importante des soins et des traitements offerts aux personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie et peut-être également de la prévention des maladies de ce genre.
La désinstitutionnalisation des années 60 aux années 80 nous a enseigné quelques leçons importantes ayant des implications sur la façon d’offrir des services et des moyens de soutien aux personnes qui souffrent de troubles mentaux. Ainsi, il faut effectuer une importante réforme des systèmes afin d’assurer une prestation intégrée de toute la gamme des services et des moyens de soutien dont ont besoin les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie. Cette réforme devra forcément passer par l’intégration des trois solitudes – les institutions, les services communautaires et les moyens de soutien communautaires – et par l’intégration des systèmes actuellement séparés – l’un pour la maladie mentale et l’autre pour la toxicomanie. Il faut commencer par considérer les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie comme des êtres humains et non comme des diagnostics ou des étiquettes psychiatriques. Elles doivent participer, avec leurs familles, à la détermination de la voie vers le rétablissement. Il faut pour cela la collaboration des intervenants de tous les niveaux et des partenariats entre eux. Les gouvernements doivent jouer un rôle de leadership dans cette entreprise très importante.
La participation des personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie ainsi que de leurs familles à la vie communautaire est essentielle à toutes les étapes de la réforme et du renouveau. Les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie et leurs familles possèdent des connaissances importantes sur la façon dont le système fonctionne (et sur ce qui ne fonctionne pas). Le Comité convient avec de nombreux témoins qu’en tenant compte des points de vue des personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie et de leurs familles dans la planification, l’élaboration des politiques, la conception et la prestation des services, on évitera de nombreux faux-pas.
CHAPITRE 8:
politique et législation en matière de santé mentale et de toxicomanie au Canada :
analyse de quelques cadres provinciaux
Les politiques, les programmes et la législation dans les domaines de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie incombent aux gouvernements provinciaux et territoriaux et au gouvernement fédéral, et font donc intervenir de nombreux ministères et organismes. Ce sont, toutefois, les gouvernements provinciaux et territoriaux qui s’occupent au premier chef de l’organisation, de la gouvernance, du financement et de la prestation des services de santé mentale ainsi que des moyens de soutien et des traitements des toxicomanies au Canada. Les provinces et les territoires régissent également les lois sur la santé mentale qui les concernent.
Le gouvernement fédéral est directement responsable de la prestation des services de santé mentale et des traitements de la toxicomanie dans le cas des Indiens inscrits et des Inuits, des militaires, des anciens combattants, du personnel de l’Aviation civile, de la GRC, des détenus des pénitenciers fédéraux, des nouveaux immigrants et des fonctionnaires fédéraux. Le gouvernement fédéral assume, par ailleurs, différentes responsabilités : promotion de la santé et prévention de la maladie; surveillance de la maladie; recherche en santé; droits de la personne; approbation des médicaments et drogues; prestations d’emploi et d’invalidité, etc. Toutes ces dimensions ont des répercussions directes ou indirectes sur la prestation des services de santé mentale, sur les moyens de soutien et sur les traitements des toxicomanies dans les provinces et dans les territoires.
Le présent chapitre a pour objet de donner un aperçu général du rôle et des responsabilités des gouvernements provinciaux et territoriaux en ce qui a trait à la santé mentale, à la maladie mentale et à la toxicomanie. Le rôle du gouvernement fédéral sur ces différents plans est analysé en détail dans un chapitre subséquent.
La section 8.1 décrit brièvement, avant de les comparer entre eux, la structure organisationnelle et le degré d’intégration des services de santé mentale et du système de traitement des toxicomanies dans certaines provinces (Alberta, Colombie-Britannique, Nouvelle-Écosse, Ontario et Québec). Il donne aussi des renseignements sur les réformes que ces provinces ont récemment entreprises. La section 8.2 dégage un certain nombre de problèmes propres aux systèmes provinciaux et territoriaux d’après les témoignages recueillis par le Comité. La section 8.3, quant à elle, examine les lois sur la santé mentale dans tous les ressorts au Canada et met en exergue les principaux aspects qui les diffèrent. La section 8.4, enfin, présente les observations du Comité.
8.1 SYSTÈMES PROVINCIAUX DE SERVICES DE SANTÉ MENTALE ET DE TRAITEMENT DES TOXICOMANIES
8.1.1 L’Alberta[357]Le ministère de la Santé et du Mieux-être (Ministry of Health and Wellness) s’occupe de l’élaboration et de la mise en œuvre de l’ensemble des politiques, du financement, de la planification des services et de l’évaluation dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie. Les régies régionales de la santé et l’Alberta Mental Health Board se partagent la responsabilité des services communautaires et institutionnels de santé mentale. Le traitement de la toxicomanie relève de l’Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission (AADAC).
Depuis le 1er avril 2003, les services de santé mentale et l’administration des quatre établissements psychiatriques de la province sont assurés par les neuf régies régionales de la santé. La prestation des services dans la province englobe la santé mentale des Autochtones et traduit une forte préférence pour la gestion intégrée des soins et des cas. Autrement dit, la plupart des services cliniques dispensés en première ligne relèvent des régies régionales de la santé et sont intégrés aux services concernant la santé physique.
L’autorité provinciale en matière de santé mentale, l’Alberta Mental Health Board, qui relève du ministre responsable de la Santé et du Mieux-être, administre et dispense des services et des programmes provinciaux en matière de psychiatrie légale et de prévention du suicide. Il organise des vidéoconférences sur la santé mentale et diverses activités de sensibilisation. L’Alberta Mental Health Board conseille également le ministre de la Santé et du Mieux-être sur les questions liées à l’intégration et au rendement du réseau de services de santé mentale de la province.
L’AADAC est une commission mandataire de l’État qui relève également du ministre de la Santé et du Mieux-être. Elle est chargée de financer et de fournir des services en vue du traitement des problèmes liés à l’alcool, aux drogues ou au jeu (services de désintoxication, de traitement en établissement, de prévention, de sensibilisation et de consultation), et d’effectuer de la recherche dans ces domaines. L’AADAC offre des services de traitement des toxicomanies en milieu hospitalier dans toutes les régions desservies par les régies régionales de la santé et coordonne la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre le tabac de l’Alberta (Alberta Tobacco Reduction Strategy).
Les régies régionales de la santé, l’Alberta Mental Health Board et l’AADAC collaborent avec le ministère de la Santé et du Mieux-être ainsi qu’avec d’autres ministères et organismes à la mise en œuvre d’une initiative provinciale concernant la santé mentale des enfants, la Children’s Mental Health Initiative (juillet 2001). Celle-ci vise principalement à prévenir les problèmes de santé mentale et de toxicomanie chez les enfants et les jeunes, et à leur fournir des traitements, ainsi qu’à leurs familles.
8.1.2 La Colombie-Britannique[358]
En Colombie-Britannique, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, le financement, la planification des services, la surveillance et l’évaluation dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie relèvent essentiellement du ministère de la Santé (Ministry of Health Services) et du ministère d’État chargé des services de santé mentale et de toxicomanie (Ministry of State for Mental Health and Addiction Services). La santé mentale des enfants et des adolescents incombe au ministère du Développement des enfants et de la famille (Ministry for Children and Family Development), qui travaille en collaboration avec le ministère de la Santé et le ministère d’État chargé des services de santé mentale et de toxicomanie.
Les cinq régies régionales de la santé administrent et fournissent les services de santé mentale et de toxicomanie dans leur zone géographique respective. Elles assurent, avec l’assistance du ministère de la Santé, les services essentiels suivants : intervention en cas d’urgence et intervention à court terme; gestion des cas graves; services extérieurs; services cliniques (évaluation, diagnostic, traitement et consultation); traitement de la toxicomanie (depuis 2002); prévention (recherche, sensibilisation et dépistage et intervention précoces); réadaptation psychosociale; gestion des cas et soutien social, y compris les soins de relève à l’intention des aidants naturels, l’hébergement et, si nécessaire, de l’aide en vue de faciliter l’accès au logement, de l’aide au revenu ainsi que des services et des prestations de réadaptation.
La Colombie‑Britannique compte un hôpital de grande taille voué aux soins psychiatriques de longue durée, le Riverview Hospital, six cliniques communautaires de psychiatrie légale et une commission de psychiatrie légale, la Forensic Psychiatric Services Commission. Les cliniques communautaires de psychiatrie légale relèvent des régies régionales de la santé. La régie provinciale de la santé (Provincial Health Services Authority) la sixième régie de la santé de la Colombie‑Britannique, administre les services offerts dans toute la province par le Riverview Hospital et la Forensic Psychiatric Services Commission.
La Forensic Psychiatric Services Commission est un organisme de services spécialisés réparti en plusieurs emplacements. Elle effectue des évaluations, fournit des traitements et gère les cas cliniques en milieu hospitalier et en milieu communautaire. Ses services s’adressent à des adultes souffrant de troubles mentaux ou de toxicomanie qui ont des démêlés avec la justice. Ce service à guichet unique, le seul dans son genre, assure à tous les résidents de la Colombie‑Britannique dont le cas relève de la psychiatrie légale un accès équitable aux services de santé mentale et de toxicomanie.
L’existence, en Colombie‑Britannique, d’un ministère d’État provincial chargé des services de santé mentale et de toxicomanie constitue un phénomène unique au Canada et montre que le gouvernement de cette province accorde une place importante à la santé mentale et à la toxicomanie dans ses politiques publiques, comme en témoigne l’extrait suivant d’un rapport de Santé Canada :
La Colombie-Britannique a récemment adopté une approche unique en son genre en nommant un ministre d’État à la santé mentale. Ce geste témoigne d’une reconnaissance directe de l’importance de la santé mentale dans la société et donne à ce secteur une autorité, renforcée par un siège au Cabinet, dont le rôle est d’assurer la gouvernance et l’administration du système provincial de santé mentale.[359]
La Colombie‑Britannique a institué des pratiques exemplaires en matière de soins de santé mentale, ce qui s’est traduit par la mise sur pied d’un réseau intégré dans lequel les services de santé mentale sont offerts à l’échelle régionale et les soins tertiaires, dans des établissements communautaires de petite taille.
Ces dernières années, la Colombie-Britannique a instauré un cadre de planification en toxicomanie (mai 2004), un plan de santé mentale pour les enfants et les adolescents (mai 2003), une stratégie de lutte contre la dépression (octobre 2002) et une stratégie de lutte contre les troubles anxieux (avril 2002). Ces initiatives appliquées à l’échelle de la province sont destinées à améliorer la qualité et l’efficacité de la prévention, de l’intervention et de la détection précoce, des traitements et des moyens de soutien dans le cas des personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie.
Le ministère de la Santé (Department of Health), principalement par l’entremise de ses sections des Services de santé mentale et de la toxicomanie, est responsable de la planification, de l’organisation, du financement, de la gestion, de la surveillance et de l’évaluation des services de santé mentale et de toxicomanie. Les neufs régies régionales de la santé (District Health Authorities) assurent les services de santé mentale et le traitement des dépendances (alcool, tabac, drogues, jeu) dans leur zone géographique respective.
Le Provincial Forensic Psychiatric Service, service de psychiatrie légale également administré par le ministère de la Santé, évalue et traite les patients hospitalisés et gère quelques programmes de soutien communautaire. Tous les services de psychiatrie légale en milieu hospitalier sont regroupés en un seul établissement, le Nova Scotia Hospital.
L’IWK Grace Health Centre est un centre universitaire des sciences de la santé affilié à l’Université Dalhousie. Il gère l’unité provinciale de psychiatrie pour enfants et adolescents, de même que des cliniques externes et des services de télémédecine.
En 2003, la Nouvelle‑Écosse est devenue la première province canadienne à instaurer des normes officielles pour régir la prestation des services de santé mentale. Ces normes ont été élaborées en collaboration avec des prestataires de services, des familles, des groupes communautaires et la Section des services de santé mentale du ministère de la Santé.[361]
La planification, l’organisation, le financement, la gestion, la surveillance et la prestation des services de santé mentale et de toxicomanie incombent au ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD). Contrairement aux autres provinces, l’Ontario n’a pas de régie régionale de la santé. Elle est toutefois dotée de 16 conseils régionaux de santé, dont le rôle se limite à conseiller le ministre responsable de la Santé et des Soins de longue durée sur des questions liées à la santé et sur les besoins observés dans la région qu’ils représentent. En conséquence, les divers organismes prestataires de services de santé mentale, de toxicomanie et de soutien œuvrent en grande partie indépendamment les uns des autres.
Le MSSLD coordonne par ailleurs la stratégie provinciale en matière de psychiatrie légale, avec l’appui du ministère des Services à la collectivité, à la famille et à l'enfance, du ministère du Procureur général et du ministère de la Sûreté et de la Sécurité publique.
Le réseau des services de santé mentale et de toxicomanie de l’Ontario est en période de transition. En décembre 2002, neuf groupes d'étude chargés d’étudier la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale ont publié leur rapport. Ils y proposent une démarche en vue de réformer et de renouveler l’organisation et les modes de prestation des services de santé mentale et de toxicomanie dans toute la province. La principale recommandation formulée dans ces rapports concerne la mise sur pied de régies régionales de la santé mentale, dont le mandat serait de financer et de dispenser les services de santé mentale et de toxicomanie dans leur zone géographique respective. Ces organismes régionaux offriraient une série de services et de moyens de soutien communautaire de base dont les citoyens pourraient se prévaloir en cas de besoin. Le gouvernement de l’Ontario n’a pas encore donné suite aux recommandations des groupes d’étude.
Le ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) est responsable de la planification, de l’organisation, de la gestion, du financement, de la surveillance et de l’évaluation des services de santé mentale et de toxicomanie. Le Ministre est appuyé dans ses fonctions par deux organismes consultatifs indépendants : le Comité de la santé mentale du Québec et le Comité permanent de lutte à la toxicomanie. Dix-huit régies régionales de la santé fournissent, dans leur zone géographique respective, des services de santé mentale, de toxicomanie et de soutien aussi bien en milieu hospitalier qu’en clinique externe et en milieu communautaire.
Le MSSS met en œuvre et coordonne le plan d’action provincial de lutte contre la toxicomanie, qui vise la promotion, la prévention, le dépistage et l’intervention précoces, la désintoxication et la réadaptation et la réintégration sociales. Le MSSS coordonne aussi la Stratégie québécoise d'action face au suicide, dont l’objet est de consolider et de coordonner les divers efforts de prévention du suicide, afin de garantir un accès équitable aux services essentiels partout dans la province. Ces services sont : l’assistance téléphonique 24 heures sur 24, sept jours sur sept, l’intervention d’urgence (évaluation, surveillance, services d’orientation et de soutien) et la postvention (services d’intervention post-traumatique individuels et de groupe à l’intention des amis, des proches et des intervenants dans les 48 heures suivant l’événement). La Stratégie fait intervenir non seulement des ministères, mais aussi les régies régionales de la santé, les CLSC, les hôpitaux, les centres de prévention du suicide, les services de police, les écoles, les centres jeunesse, les organismes communautaires, etc.
8.1.6 Une brève analyse comparative
Sur deux plans très importants, la Colombie-Britannique se singularise dans la façon dont elle a envisagé ses politiques de santé mentale et de toxicomanie. C’est la seule province où l’on trouve un ministre d’État responsable de la santé mentale et de la toxicomanie, qui est donc en mesure de faire passer les questions de santé mentale à l’avant-plan des discussions au Cabinet. En outre, seule la Colombie-Britannique a intégré le cadre de politique, la gouvernance et la prestation des services pour la santé mentale et la toxicomanie.
En Alberta, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et au Québec, la responsabilité en matière de formulation de politiques et de planification des services revient aux ministères provinciaux de la Santé. Toutefois, comme le mentionnent plusieurs rapports provinciaux, l’élaboration de politiques concernant les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie n’a pas bien été coordonnée entre les différents ministères chargés de la politique sociale. Cette situation a atténué l’effet positif qu’aurait pu donner une planification plus complète, davantage ouverte et inclusive, faisant appel à plusieurs ministères qui sont incontournables dans la prestation des services aux personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie.
Dans toutes les provinces, sauf en Ontario (qui n’a pas encore de régie régionale), l’organisation et la prestation des services destinés aux personnes de tous âges souffrant de troubles mentaux ou de toxicomanie relèvent des régies régionales de la santé. Ce transfert de responsabilités par la régionalisation permet aux provinces d’adapter leurs services et leurs mesures de soutien aux besoins de chaque région, et facilite la collaboration entre les divers intervenants.
La plupart des provinces ont entrepris des réformes de leurs réseaux de services de santé mentale et de toxicomanie. À ce chapitre, elles reconnaissent grosso modo les mêmes pratiques exemplaires :
1. encourager la prestation de services de santé mentale et de toxicomanie en milieu communautaire plutôt qu’en milieu hospitalier, en gage d’une démarche équilibrée;
2. assurer le financement spécifique et protégé d’un réseau intégré de services de santé mentale et de toxicomanie, qui englobe les soins tertiaires dispensés en milieu communautaire et en milieu hospitalier;
3. prévoir un centre unique de responsabilité pour la gestion d’un réseau local intégré;
4. prévoir des mécanismes qui permettent aux prestataires de services et à la collectivité de participer véritablement aux décisions.
Lors des audiences, aucun des témoins, comme ceux souffrant d’une maladie mentale ou de toxicomanie, n’a proposé de province, de région ni de régie régionale de la santé en modèle à suivre pour la formulation de politiques, la structure organisationnelle, la gouvernance ou la prestation des services. De sérieuses questions demeurent. Ainsi, l’autorité centrale en matière de maladie mentale et de toxicomanie devrait-elle être provinciale plutôt que régionale? Une province ou une région est-elle parvenue à intégrer les hôpitaux, les services communautaires et les moyens de soutien? Comment parvenir au mieux à intégrer les services de santé mentale et les services de soutien avec les services de traitement des toxicomanies? Y a-t-il une seule région ou une seule province qui soit parvenue à coordonner les services de santé mentale et de toxicologie dans le cadre de leur système social en général (enseignement, logement, justice, soutien au revenu, etc.)?
8.2 PROBLÈMES COMMUNS CONSTATÉS DANS LES CADRES PROVINCIAUX/TERRITORIAUX RELATIFS À LA MALADIE MENTALE ET À LA TOXICOMANIE
8.2.1 La fragmentation et le manque d’intégration
Le Comité a régulièrement entendu dire que les systèmes de santé mentale et de toxicomanie ne sont pas de véritables systèmes mais qu’ils correspondent davantage à un faisceau inextricable de services offerts par les provinces, les municipalités et le fédéral de même que par des fournisseurs privés. Ces faisceaux comprennent également les initiatives entreprises par des particuliers qui souffrent eux-mêmes de maladie mentale ou de toxicomanie. Ces systèmes correspondent à une palette de services de soins actifs offerts dans les hôpitaux généraux, de services spécialisés destinés à traiter des populations ou des troubles bien précis, des cliniques externes communautaires, de services communautaires offrant un soutien psychologique (logement, emploi, enseignement et intervention en cas de crise), et de conseils privés, tous de capacité et de qualité variables fonctionnant souvent en vase clos et étant trop fréquemment déconnectés du réseau général de soins de santé. Dans la plupart des ressorts concernés, il n’existe que peu de lien entre le système de santé mentale et de toxicomanie « officiel » et les initiatives visant à stimuler l’autonomie (qui ont éclos à l’échelon communautaire un peu partout au Canada). Résultat : dans la plupart des provinces et des territoires, on trouve un système fortement fragmenté, ou l’absence de systèmes, dans lequel les personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie et les fournisseurs de services ont de plus en plus de mal à naviguer.
Ce problème de la fragmentation est compliqué par le fait que, même si les services et les moyens de soutien en santé mentale et de traitement des toxicomanie sont offerts par différents organismes, il n’existe pas de connexion satisfaisante entre les systèmes des différents secteurs concernés (ex., la santé, le logement, l’enseignement, les allocations familiales, le milieu de travail, etc.). Cela étant, il est quasiment impossible de contrôler les services de santé mentale et de traitement des toxicomanies quand ils ne sont pas offerts par des hôpitaux ou des fournisseurs de soins primaires qui tiennent des dossiers auxquels on peut accéder quand il faut..
Le Comité a appris qu’il est fondamental de garantir un accès coordonné à un ensemble homogène de services et de moyens de soutien pour parvenir à une stratégie efficace en matière de maladie mentale et de toxicomanie. Cela revient à dire que les gouvernements doivent investir dans le secteur communautaire, de même que dans les hôpitaux et les autres institutions. De nombreux témoins ont tenu à rappeler qu’il est essentiel d’offrir un ensemble homogène de services et de moyens de soutien, incluant des logements avec service de soutien et un soutien du revenu, pour répondre à la gamme des besoins des patients, aux différentes étapes de leur maladie et de leur rétablissement. Cet ensemble est également nécessaire pour disposer d’un système de santé mentale et de toxicomanie adapté, pouvant éviter les épisodes aigues de la maladie ou permettant d’en réduire l’intensité ou la durée. Qui plus est, il est impératif que la toxicomanie fasse partie des initiatives de réforme en santé mentale.
À l’analyse de certains documents émanant de plusieurs provinces, nous en sommes venus à la conclusion que la plupart d’entre elles sont confrontées à des problèmes et à des défis semblables pour ce qui est de la prestation des services de santé mentale et des services de traitement des toxicomanies. Voici, résumés ci-dessous, quels sont ces problèmes et ces défis :[364]
· Tout d’abord, comme nous l’avons vu, les actuels services et moyens de soutien mis à la disposition des personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie sont répartis entre plusieurs organismes et plusieurs points d’accès. Il conviendrait en outre de mieux intégrer le système de santé mentale au système de soins de santé et au système de traitement des toxicomanies.
· Deuxièmement, l’actuel système des services de santé mentale représente encore, dans une large mesure, une philosophie des soins qui repose sur le recours aux institutions; les services et les moyens de soutien devraient être axés sur le patient et sur la communauté.
· Troisièmement, l’actuel système de santé mentale n’est pas complet; il n’offre pas le continuum des services et des soutiens qui s’imposent. Ce faisant, il n’est pas rare que les personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie ne bénéficient pas des services ni des moyens de soutien dont elles ont besoin, là et quand elles en ont besoin.
· Quatrièmement, les services de santé mentale ont toujours été sous-financés, ce qui a été préjudiciable à ceux et celles atteints de troubles mentaux graves et persistants, surtout pour les tranches de population les plus difficiles à servir, soit les personnes de communautés ethnoculturelles différentes, les sans-abri et les personnes atteintes de troubles concurrents.
· Cinquièmement, le secteur de la santé mentale connaît une très importante pénurie de personnel.
· Sixièmement, les mesures de responsabilisation au sein du système des services de santé mentale font gravement défaut. Le rôle et les responsabilités des fournisseurs de services sont mal énoncés et il faudrait pouvoir disposer d’un système d’information à l’appui de la planification et du fonctionnement d’un système qui soit plus efficace et plus complet et pour contrôler l’efficacité des services qu’il offre.
· Septièmement, la stigmatisation persiste à l’échelle de la société, malgré les efforts entrepris pour renseigner le grand public et les intervenants du système de soins de santé en général. D’aucuns affirment que ces sept stigmatisations constituent le principal obstacle au changement à tous les échelons du système.
Nombre de témoins sont venus nous rappeler que les troubles de santé mentale exigent beaucoup plus que ce que l’on considère comme des services traditionnels de santé mentale. Pour certains, le rétablissement peut exiger – en plus d’une thérapie, de médicaments et d’une gestion de cas – l’accès à un logement, aux transports, à un emploi et au soutien des pairs. De nombreux rapports provinciaux font état des services de santé mentale « et de soutien » pour illustrer leur importance déterminante en tant qu’instruments de rétablissement pour les personnes souffrant de maladie mentale, plus précisément pour les sortir de leur isolement et pour les aider à acquérir ou à retrouver leur autonomie financière.
Le manque de coordination entre les divers secteurs, l’absence de pouvoirs clairement définis à l’échelon régional et le soutien communautaire limité ont eu des conséquences tragiques pour les malades et pour la société. Comme nous l’avons vu chapitre 5, un grand nombre de personnes atteintes de maladie mentale sont sans domicile et elles sont contraintes de vivre dans la rue ou dans des refuges publics. De plus, un pourcentage élevé de personnes incarcérées souffrent de troubles mentaux. Plusieurs se retrouvent en prison pour des délits non violents, d’autres pour avoir commis des « crimes de survie », comme le fait de voler de la nourriture, de vagabonder ou d’entrer sans autorisation sur une propriété; c’est souvent parce que leurs besoins de services en santé mentale ou de traitement de toxicomanie et leurs besoins de logement n’ont pas été comblés que ces gens-là se retrouvent en prison.
De nombreux témoins ont parlé des besoins particuliers des enfants et des adolescents. D’ailleurs, certains témoins ont qualifié les services et les moyens de soutien en santé mentale « de parents les plus pauvres du système de soins de santé », dans le cas des enfants et des adolescents. Ces services de santé mentale, à l’échelon des provinces et des territoires, font souvent intervenir plusieurs ministères et organismes (ex., santé mentale, bien-être de l’enfance, jeunes délinquants, services de toxicomanie et services d’éducation spécialisée). Dans la plupart des provinces et des territoires, on constate que les services actuels offerts aux enfants et aux adolescents sont source de mécontentement. Voici ce qui ressort des renseignements que nous avons recueillis :
· L’actuel système est fortement fragmenté; les services offerts par les multiples fournisseurs ne sont pas coordonnés. Les problèmes des enfants et des adolescents ne donnent pas lieu à une répartition évidente des responsabilités entre les divers ministères concernés.
· La prévalence de la maladie mentale chez les enfants et les adolescents dépasse de loin la capacité des actuels systèmes de prestation de service. On constate des défauts d’accès aux services existants et de longues listes d’attente pour accéder aux services limités actuellement offerts.
· Les politiques et les programmes en santé mentale sont essentiellement axés sur le traitement de la population adulte. Ce faisant, les services aux enfants et aux adolescents n’ont évolué que lentement et uniquement en complément des programmes destinés aux adultes.
· Les services de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescents ne sont pas suffisamment financés.
· Il existe un urgent besoin d’améliorer les services d’intervention préventive et d’intervention précoce.
· À l’heure actuelle, beaucoup d’interventions pourtant efficaces ne sont pas largement mises à la disposition des enfants et des adolescents et de nombreuses interventions non efficaces continuent d’être appliquées bien qu’elles soient plus coûteuses et plus restrictives que les autres solutions existantes. Ainsi, il conviendrait de mieux tenir compte des résultats de la recherche sur les pratiques efficaces à tous les niveaux, même au niveau clinique.
· Aucun objectif, ni à long terme ni intermédiaire, n’a été fixé et il n’est que rarement fait état d’indicateurs de résultat dans le cas des enfants et des adolescents, indicateurs qui permettraient d’évaluer le rendement et l’efficacité du système des services de santé mentale.
· Personne ne semble être responsable, autrement dit il n’existe pas de branche exécutive ayant le pouvoir d’amener le système de soins tout entier à décider d’une action cohérente et à la mettre en œuvre.
· Il n’existe aucune mesure d’incitation externe pour favoriser l’efficacité – les budgets supplémentaires doivent souvent être reversés dans les caisses du gouvernement plutôt que d’être réinvestis localement.[365]
Les témoins ont également parlé des besoins particuliers des personnes souffrant de troubles concourants (maladie mentale et toxicomanie), parce que cette situation les inquiétait. Les personnes concernées doivent pouvoir accéder à des services et à des moyens de soutien, en différents points d’entrée, que ce soit dans le cadre du système de santé mentale ou dans celui du traitement des toxicomanies. Malheureusement, nombre d’obstacles les empêchent d’accéder au traitement approprié :
· Les systèmes de santé mentale et de toxicomanie fonctionnent souvent en parallèle, ce qui empêche de traiter simultanément des personnes ayant besoin des deux types de traitement. Les services actuels offerts à cette population sont mal coordonnés, tout autant au sein des systèmes de santé mentale et de toxicomanie qu’entre ces deux systèmes.
· Il n’existe pas d’approche systématique ni d’instrument d’évaluation efficace permettant de mieux recenser cette population.
· À cause d’un mauvais diagnostic au départ, les personnes ne bénéficient pas de soins appropriés ou ne sont soignées que pour un seul des troubles dont elles souffrent (soit pour la consommation de substances psychoactives, soit pour maladie mentale, mais pas les deux).
· Nombre de programmes de santé mentale excluent les personnes souffrant de troubles liés à une substance psychoactive, tout comme de nombreux programmes de traitement des toxicomanies n’acceptent pas les personnes présentant des problèmes de santé mentale.
· Le personnel qui travaille dans le domaine de la santé mentale et celui qui oeuvre dans le domaine du traitement des toxicomanies devraient suivre une formation commune afin de mieux repérer cette population de clients et donc de mieux la traiter en fonction de ses besoins.
· La peur ou la stigmatisation associée à la maladie mentale et à la toxicomanie empêche très souvent les personnes souffrant de troubles concourants de réclamer des traitements et à opter éventuellement pour une automédication.
· Les personnes souffrant de troubles concourants et leurs familles ne sont pas suffisamment informées sur les services existants ni sur la façon d’y accéder.
Des préoccupations très semblables – comme la fragmentation, le cloisonnement, la stigmatisation, le manque de ressources humaines spécialisées, la nécessité de conduire des interventions précoces et de prendre des mesures préventives – ont été exprimées au sujet des besoins de santé mentale des personnes âgées ainsi que des clients des services de psychiatrie médicolégale.
8.2.2 Les services et les moyens de soutien communautaires
Si une partie de plus en plus importante de personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie se rétablit complètement ou en grande partie de ce qui les afflige, la maladie continue de marquer la vie de ces personnes pendant très longtemps, voire pour toujours. Une fois les premiers symptômes diagnostiqués et correctement contrôlés, les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie ont besoin de trois grands types de service : la prévention de la rechute, les services cliniques et les services de réadaptation. Ces trois éléments exigent un certain degré de gestion et, dans le cas d’une personne atteinte de maladie mentale ou de toxicomanie, on parle alors de « gestion de cas ».
Comme nous l’avons expliqué au chapitre 4, la gestion de cas décrit le genre de soutien continu et régulier qu’il faut apporter aux personnes souffrant de maladie mentale ou de trouble associé à la consommation de substance psychoactive pour leur permettre d’obtenir les services voulus. Quand la gravité de la maladie ou la complexité du système empêche les personnes concernées d’accéder aux services dont elles ont besoin, la gestion de cas peut être assurée par du personnel clinique et par du personnel de service de soutien. En présence de besoins multiples, il est essentiel d’offrir une gestion intensive des cas. La gestion des cas est considérée comme une fonction de base du système, mais différentes approches ont été appliquées pour assurer la gestion de cas.
La prévention des rechutes consiste à aider les personnes à demeurer dans un état de rétablissement. Le Comité a appris que le plus important pour prévenir les rechutes consiste à faire en sorte que la personne concernée continue de prendre ses médicaments. Il arrive souvent que les patients arrêtent leur médication parce qu’ils ne se sentent pas bien ou qu’ils n’ont plus la motivation nécessaire pour continuer et ils peuvent aussi ressentir ce qu’ils considèrent comme des effets secondaires intolérables et donc arrêter leurs médicaments. Dans un cas comme dans l’autre, ils perdent de vue les avantages qu’ils auraient à suivre leur traitement et rechutent. L’application d’une posologie correspondant à une prise quotidienne et la réduction de la toxicité médicamenteuse ou des effets secondaires peuvent permettre d’inciter le patient à observer son traitement. Cependant, l’information du patient, les conseils qui lui sont prodigués et un contrôle régulier sont tout aussi fondamentaux pour améliorer l’observance thérapeutique. Des témoins ont déclaré au Comité qu’il fallait à tout prix élaborer des normes et des lignes directrices portant sur des mesures de prévention de la rechute, en consultation avec les responsables de la santé et de l’éducation.
Les services cliniques sont un élément de base des services et des moyens de soutien généraux parce que de nombreuses personnes rechutent. Même quand ils se conforment à leur régime de traitement, nombreux sont ceux qui peuvent tomber gravement malades et exiger des soins actifs. Pour certains dont la vie peut être en danger ou dont la maladie est particulièrement grave, l’admission en milieu hospitalier s’impose. Les services cliniques englobent les services aux hospitalisés, les cliniques hospitalières, les groupes de soutien, les séances d’information, les cliniques de soins externes, les centres de santé mentale, les équipes cliniques itinérantes, les équipes d’urgence et tout un éventail de services cliniques en milieu communautaire. Tous ces services cliniques sont nécessaires afin de répondre aux divers besoins des personnes souffrant de maladie mentale. De tels services, au même titre que les ONG, sont aussi nécessaires pour offrir tout l’éventail des soins dont les personnes touchées et leurs familles ont besoin. Or, il est essentiel de coordonner un système aussi complexe. À ce sujet également des témoins ont déclaré au Comité qu’il est essentiel de formuler des lignes directrices ou des normes cliniques pour promouvoir l’efficacité et l’efficience.
Il convient d’offrir des services de soutien permanents et de réadaptation afin d’optimiser la qualité de vie des patients et de les aider à récupérer leurs capacités dans toute la mesure du possible. Voici ce que comprennent ces services : logement allant des foyers collectifs où travaille un personnel professionnel à des appartements autonomes où l’on donne des consultations régulières, en passant par un service d’intervention de crise de 24 heures sur 24, sept jours sur sept; des services de formation professionnelle comprenant la recherche d’emploi, un cadre d’appui et la formation professionnelle; des services sociaux et récréatifs y compris l’aide prodiguée à des personnes afin de leur permettre de prendre part à des activités communautaires normales et la mise à disposition de centres d’accueil; un soutien du revenu, parce que nombreux sont ceux qui ont de la difficulté à trouver un emploi et à le conserver. Tous ces services, et d’autres, devraient permettre de garantir le continuum des soins dans un système homogène.
8.2.3 L’inégalité dans la répartition régionale et la qualité des services
Le Comité a appris que, tout comme d’autres services de santé, les services de santé mentale et de traitement des toxicomanies manquent de spécialistes dans les régions rurales et éloignées du pays, notamment dans la plupart des communautés autochtones. Nombre de ces régions n’ont en effet pas de psychiatre résident. Résultat : les personnes souffrant de troubles mentaux, qui vivent dans les régions rurales ou éloignées et dans des communautés autochtones sont contraintes de parcourir de grandes distances pour bénéficier des services nécessaires. Ce genre de difficulté attribuée à ce que l’on a ironiquement appelé la « thérapie-navette » est doublement stressante pour les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie.
Quand des personnes doivent parcourir de longues distances depuis leur lieu de résidence pour recevoir des services de santé mentale ou de désintoxication, elles sont coupées de leur réseau de soutien naturel et de soins informels qui leur apportent le genre de soutien financier, émotionnel et social dont elles ont besoin pour se rétablir. Ce sont des réseaux qu’elles ne trouvent pas dans le système officiel. Bien que, pour certains, l’anonymat de la ville soit synonyme d’éloignement par rapport à l’opprobre et à la stigmatisation – dont les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie font souvent l’objet au sein des petites agglomérations – le fait d’être loin de chez soi peut aussi compromettre le traitement et les résultats du traitement.
L’Association canadienne pour la santé mentale a souligné que les agglomérations rurales et éloignées sont aux prises avec des problèmes particuliers dans le domaine de la santé mentale, comme dans le sillage d’une sécheresse, d’une inondation ou d’autres catastrophes écologiques. On constate également dans ces petites collectivités, la présence de facteurs aggravants comme des niveaux d’instruction et de revenus faibles, des taux de natalité élevés chez les adolescentes, une plus grande proportion de mères seules et des taux de chômage plus élevés, facteurs qui peuvent aussi contribuer à l’apparition et à même à l’aggravation de maladies et de troubles mentaux. Selon l’Association, le fait de transférer des professionnels en santé mentale de la ville à la campagne, même si ces derniers se prêtent volontiers à cet exercice, ne veut pas forcément dire qu’ils seront qualifiés ou équipés pour faire face aux problèmes culturels particuliers de leurs nouveaux clients.[366]
8.2.4 Le secteur des soins de santé primaires
Le secteur des soins de santé primaires est généralement le premier point de contact avec le système des soins de santé pour les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie. Pourtant, le Comité a souvent entendu dire que de nombreux médecins de famille n’ont pas les connaissances, les compétences ni la motivation voulues pour s’occuper de patients souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie, pour diagnostiquer correctement des troubles mentaux ou pour naviguer dans les dédales du système afin de pouvoir diriger les patients vers des spécialistes en santé mentale ou en toxicomanie. À ce sujet, le Dr Sunil V. Patel, président de l’Association médicale canadienne (AMC) devait indiquer au Comité :
Les médecins de famille sont en mesure de prendre en charge plusieurs maladies mentales, mais pour la plupart, ils et elles ne possèdent pas la formation nécessaire pour assurer le traitement médical complexe des maladies mentales graves. La plupart des cabinets de médecin ne sont pas bien équipés non plus pour faire du counselling familial ou s’occuper des problèmes de logement, d’éducation et de travail souvent associés à la maladie mentale.[367]
D’autres témoins nous ont appris que de nombreux régimes d’assurance-maladie provinciaux plafonnent les montants que les médecins de famille peuvent facturer au titre des services de santé mentale. Par exemple, Patrick Storey, président du Conseil consultatif du ministre sur la santé mentale (Colombie-Britannique) nous a déclaré ce qui suit :
Les modalités et les barèmes de facturation des services médicaux, les prestations d'assurance- maladie complémentaire, les régimes de pension, et cetera, ne reconnaissent pas les caractéristiques et les défis particuliers de la santé mentale et dressent des obstacles inutiles à la guérison et à la santé. En Colombie-Britannique, par exemple, un médecin de famille ne peut facturer que quatre consultations par an par patient; cependant, la plupart des gens souffrant d'une dépression vont voir leur médecin de famille. Même si les médicaments anti-dépressifs constituent un complément utile, seuls ils ne suffisent pas pour aider les gens à surmonter efficacement cet état parfois débilitant. Les médecins ne sont pas en mesure d'offrir l'aide nécessaire à une personne déprimée.[368]
Le Dr James Millar, directeur exécutif, Services de santé mentale et aux médecins, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, a exprimé un point de vue semblable :
Même les services offerts par les médecins font l’objet de restrictions. Les services offerts par les psychiatres sont entièrement financés, lorsqu’ils sont accessibles. Il existe actuellement une pénurie de psychiatres dans l’ensemble du pays. Environ 80 p. 100 des services de santé mentale sont offerts dans des centres de soins primaires qui ne font pas partie du système officiel de santé mentale. Plusieurs régimes provinciaux de soins médicaux imposent des restrictions quant au nombre et aux types de services de santé mentale pouvant être offerts par les omnipraticiens. Dans plusieurs cas, les médecins de famille ne sont pas préparés à bien traiter les patients atteints de troubles mentaux sérieux qui se présentent à leur cabinet. Il n’existe que très peu de soutien pour l’éducation ou pour les consultations sur place.[369]
On nous a, par ailleurs, signalé que la réforme des soins de santé primaires, récemment entreprise, se fait en marge de la réforme du système de santé mentale et de toxicomanie dans toutes les localités du pays. Pourtant, de nombreux témoins estiment que ces deux réformes systémiques devraient obéir au même objectif, soit améliorer la prestation de services accessibles, complets, intégrés, opportuns et de qualité à tous ceux et à toutes celles qui en ont besoin, sans égard à leur maladie première.
Des témoins ont indiqué au Comité qu’il serait toutefois possible de réaliser des progrès, moyennant un appui pour les initiatives « de soins de santé mentale partagés » lancées un peu partout au pays. Ces initiatives, qui découlent d’un partenariat entre le Collège des médecins de famille du Canada et l’Association des psychiatres du Canada semblent donner d’excellents résultats. Elles visent les activités de collaboration entre les fournisseurs de soins de santé primaires et les psychiatres. Certaines initiatives de soins de santé mentale partagés ont une dimension clinique très importante et elles consistent à intégrer les services de santé mentale dans les établissements de soins de santé primaires.[370]
Irene Clarkson, directrice exécutive, Santé mentale et toxicomanie, ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique, a indiqué au Comité que le partage entre les établissements de soins de santé mentale et les établissements de soins de santé primaires permettraient d’améliorer la détection et l’intervention précoces :
À l’heure actuelle, 60 p. 100 des personnes souffrant de troubles mentaux et de troubles liés à une substance psychoactive reçoivent leurs services, en Colombie-Britannique, par le truchement des soins de santé primaires, d’où la priorité que nous avons décidé d’accorder à l’amélioration des soins primaires. […] La documentation médicale prêche en faveur de ce genre d’intervention par des équipes multidisciplinaires. […] Dans bien des cas, les médecins sont la seule source de services en santé mentale et en toxicomanie pour les gens à risque ou pour les personnes souffrant de troubles mentaux et de troubles associés à la consommation de substances psychoactives; ce faisant, si l’on faisait davantage attention aux soins primaires, nous parviendrions : à favoriser une détection et une intervention précoce dans le cas des troubles de santé mentale et de toxicomanie, ce qui donnerait lieu à une amélioration des pronostics à long terme; à enseigner aux clients la façon de gérer eux-mêmes leurs problèmes de santé; à garantir des évaluations régulières et périodiques de même que des traitements pour promouvoir la stabilité de même que des séjours en milieu communautaire.[371]
De nombreux témoins estimaient que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de premier plan pour garantir la pérennité du financement des initiatives de soins partagées qui donnent des résultats et faire en sorte que les modèles de pratiques exemplaires soient mis en œuvre et donnent lieu à des politiques et à des programmes permanents dans toutes les provinces et dans tous les territoires.
8.2.5 Les ressources humaines
Comme les autres secteurs du système de soins de santé, les services de santé mentale et de traitement des toxicomanies souffrent d’un manque de planification coordonnée des ressources humaines. Il n’existe pas de mécanisme de planification centralisé permettant de coordonner l’embauche ou la répartition d’un personnel dûment qualifié et expérimenté entre les différentes localités. La concentration de plus en plus importante du professionnel de la santé mentale et du traitement des toxicomanies dans les grands centres urbains est un autre sujet de grande préoccupation.
Les témoins ont fait part au Comité des pénuries chroniques de fournisseurs, notamment d’infirmières en psychiatrie, de psychiatres, de travailleurs sociaux, de gestionnaires de cas et d’ergothérapeutes connaissant les problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
La nécessité croissante de disposer de services experts est exacerbée par une pénurie de psychiatres et par un accès limité aux psychologues. Selon l’Association des psychiatres du Canada, nous sommes très loin du ratio idéal de psychiatres par nombre d’habitants (1 pour 8 400), surtout à l’extérieur des centres urbains. Le fait que de plus en plus des 3 600 psychiatres actuellement inscrits au Canada ne travaillent pas à temps plein – surtout parce qu’il s’agit de femmes et de jeunes diplômés qui arrivent tout juste sur le marché et qui ont décidé d’effectuer moins d’heures de travail – n’arrange pas les choses. Le manque de spécialistes est criant dans certaines spécialités, par exemple en pédopsychiatrie, en gérontopsychiatrie et en psychiatrie médico-légale. Les personnes souffrant de troubles concourants (maladie mentale et toxicomanie) ou faisant l’objet de diagnostics mixtes (trouble mental et de déficience développementale) éprouvent particulièrement des difficultés à accéder à des soins psychiatriques adaptés.[372] En outre, certains groupes comme les immigrants et les réfugiés ne bénéficient pas d’un niveau de services adapté à leurs besoins.
Dans le cas des services psychologiques, c’est légalité d’accès qui pose le plus problème. Les services financés par l’État, dispensés par des hôpitaux ou des cliniques de santé mentale, sont rares et d’accès limité. Comme ils sont aux prises avec des contraintes budgétaires, il n’est pas rare que les hôpitaux généraux réduisent la taille de leurs services de psychologie ou les éliminent carrément. En outre, un grand nombre de personnes à revenu faible ou moyen, ainsi que les chômeurs ou ceux qui ne bénéficient pas d’assurance-maladie privée, ne peuvent se permettre de payer pour des services psychologiques privés qui ne sont pas couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie.
L’allongement des listes d’attente et les retards très importants mis dans l’établissement des diagnostiques, dans la prestation des traitements et des services de soutien sont les conséquences directes d’un système de santé mentale qui ne dispose pas des ressources humaines nécessaires pour offrir efficacement les soins voulus. S’il n’existe actuellement aucune source normalisée de données susceptibles de se faire une idée des listes d’attente à l’échelle nationale, les évaluations provinciales, elles, nous présentent un tableau plutôt sinistre. Voici ce nous avons pu lire dans le mémoire de l’Association canadienne pour la santé mentale :
[…] environ la moitié de la population adulte ayant besoin de services doit attendre huit semaines ou plus – une éternité dans la vie d’une personne, d’une famille ou d’une collectivité aux prises avec des maladies mentales ou des cas de toxicomanie grave. Pour certains, l’attente de services est une question de vie ou de mort. Si ce sont les listes d’attente pour les chirurgies qui font la une des journaux, force est de constater que notre société ignore à peu près tout de la souffrance et de l’isolement de ceux et de celles qui traversent une crise de santé mentale, qui souffrent et qui attendent en silence de recevoir l’aide médicale nécessaire, voire critique dont ils ont besoin. Il est tragique que, lorsqu’une personne trouve enfin la force et le courage de réclamer de l’aide, la première chose qu’on lui dise quand elle prend contact avec le système de santé mentale, c’est combien de temps elle devra patienter.[373]
La Dre Cornelia Wieman, psychiatre des Six Nations Mental Health Services (Ohsweken, Ontario) a indiqué au Comité que l’on ne compte actuellement que quatre psychiatres autochtones au Canada. Selon elle, il est important voire crucial de former davantage de professionnels de la santé autochtones. Cela permettrait de nous assurer que les services offerts sont plus appropriés sur le plan culturel et de retirer des obstacles auxquels se heurtent ceux et celles qui désirent obtenir des services de santé mentale au sein de communautés qui, de l’avis de tous, ont des besoins particuliers pour ces gens-là.
Le Comité a reçu plusieurs recommandations relativement à la planification des ressources humaines en santé mentale, maladie mentale et toxicomanie. Ainsi, on nous a recommandé que les provinces et les territoires, en partenariat avec le gouvernement fédéral, élaborent un plan à long terme prévoyant que des fournisseurs de services de haut niveau, correctement formés – c’est-à-dire des professionnels et des para-professionnels – répondent aux besoins des Canadiennes et des Canadiens en santé mentale. Le plan en question devrait comporter les éléments suivants :
· un plan de ressources humaines national précis en ce qui a trait au personnel des services de santé mentale et de toxicomanie, plan qui serait fondé sur les tendances et les besoins prévus;
· des données regroupées sur les listes d’attente; des normes et des lignes directrices nationales devant régir le temps d’attente maximum pour le continuum des services de soins de santé mentale et de traitement de la toxicomanie;
· un examen de l’efficacité de recours à d’autres personnels que des professionnels, hors du domaine médical, comme les travailleurs de soutien à domicile, les travailleurs sociaux, les travailleurs de l’entraide et les réseaux sociaux informels en vue de réduire la demande de psychiatres;
· la création d’un groupe de travail chargé d’examiner la façon d’améliorer les connaissances en matière d’intervention en santé mentale, de formuler des recommandations dans ce sens et de préparer une formation, et la promotion de stratégies dans le cadre des programmes de formation de tous les professionnels de la santé et des étudiants de premier et deuxième cycle dans les disciplines de la santé, dans l’enseignement, du travail social et d’autres programmes connexes offerts dans les universités et les collèges;
· une analyse de la mesure dans laquelle il serait possible de faire participer les médecins et les psychologues, les infirmières, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes et les intervenants en toxicomanie à des possibilités de formation interdisciplinaire (premier cycle, deuxième cycle et éducation continue);
· l’adoption de mesures incitatives axées sur le recrutement et le maintien en poste des professionnels de la santé et des étudiants dans ces disciplines;
· une étude des divers modèles de prestation des services de santé mentale en région rurale, dont la télémédecine.
8.2.6 Les besoins non comblés
Le problème de l’accès se pose dans tout le continuum des services, des soins primaires pour des troubles courants aux services d’urgence et de crise pour les troubles les plus graves et les plus persistants.
[Dr Donald Addington, professeur et chef du département de psychiatrie, Université de Calgary, mémoire au Comité, 29 mai 2003, p. 3.]
Malgré les efforts déployés par les provinces et les territoires afin d’améliorer les moyens de soutien et les services de santé mentale de même que les services de traitement des toxicomanies, une majorité de Canadiennes et de Canadiens souffrant de maladie mentale de toxicomanie ne réclament ou ne reçoivent toujours pas d’aide professionnelle. L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), cycle 1.2 sur la santé mentale et le bien-être, de Statistique Canada, a révélé que 32 p. 100 seulement des personnes atteintes de maladie mentale ou de troubles liés à la consommation de substance psychoactive ont consulté un professionnel de la santé dans les 12 mois ayant précédé la tenue de l’enquête.[374] La consultation peut se faire auprès d’un psychiatre, d’un médecin de famille, d’un spécialiste, d’un psychologue ou d’une infirmière.
Dans le cas des personnes ayant consulté un professionnel de la santé pour une maladie mentale liée à la consommation simple ou abusive d’alcool ou de drogue, il s’agissait le plus souvent d’un médecin de famille. Près de 26 p. 100 des personnes interrogées ont consulté un médecin de famille, 12 p. 100 environ un psychiatre et 8 p. 100 un psychologue. Quelque 10 p. 100 d’entre elles se sont entretenues, en personne ou autrement, avec un travailleur social.
Il ressort également de l’ESCC que les adolescents et les jeunes adultes (15 à 24 ans) étaient les moins susceptibles de tous les groupes d’âge d’avoir recours aux ressources disponibles pour le traitement des maladies mentales et de la toxicomanie, bien que leur taux de prévalence de troubles mentaux soient le plus élevé. Seulement 25 p. 100 des adolescents et des jeunes adultes touchés ont déclaré avoir consulté un professionnel ou avoir bénéficié d’une autre forme d’assistance dans les 12 mois ayant précédé l’enquête.
Dans son mémoire au Comité, Phil Upshall, président de l’Alliance canadienne des maladies mentales et de la santé mentale, énumère les différents facteurs qui font que les besoins en services de santé mentale/moyens de soutien et traitement des toxicomanies ne sont pas comblés :
Pour quelle raison les gens ne reçoivent-ils aucun traitement et, fort probablement, les autres services dont ils ont besoin?
· Ce phénomène est attribuable en partie au fait que la population canadienne en général est peu sensible à la maladie mentale ou à l’incompréhension des gens face aux symptômes de la maladie mentale.
· La stigmatisation constitue un obstacle – la crainte de souffrir d’un trouble mental continue de nous hanter.
· Les services sont rares. Quand ils investissent dans la santé, les gouvernements mettent la priorité sur les services biomédicaux spécialisés à l’intention des personnes aux prises avec la maladie mentale et de celles présentant des complications psychologiques sous forme de maladie physique et d’invalidité.
· Les services ne sont pas tous offerts aux Canadiens, puisqu’il faut gagner un revenu supérieur à la moyenne pour se permettre les services d’une pratique privée et les malades mentaux sont souvent loin de gagner un revenu qui le leur permette. Ces derniers représentent un pourcentage disproportionné des populations marginalisées – ces gens sans revenu, logement ou réseau de soutien adéquat qui puisse répondre à leurs besoins élémentaires.
· Dans le milieu médical, on est peu sensibilisé aux symptômes de la maladie mentale et on les comprend peu, sans compter le manque de disponibilité qui joue également un rôle.[375]
Le Dr Donald Addington, professeur et chef du département de psychiatrie à l’Université de Calgary, a recommandé l’adoption d’une charte du patient. Celle-ci fixerait les normes d’accès aux services de santé mentale dans le réseau des soins primaires, aux services de santé mentale spécialisés et aux soins actifs.[376] En Ontario, le groupe d’étude sur la mise en œuvre de la santé mentale dans le district de Champlain a également recommandé, en 2002, de créer une « charte des droits provinciale pour les patients en santé mentale ». Le préambule de cette charte des droits du patient se lirait ainsi :
Les personnes atteintes de maladie mentale peuvent prétendre à bénéficier de l’ensemble des droits et des privilèges accordés à tous les citoyens du Canada, notamment aux droits aux soins de santé, au maintien du revenu, à l’éducation, à l’emploi, à un logement sûr et abordable, au transport, aux services juridiques ainsi qu’à une santé équitable et à d’autres garanties qui ne sauraient être toutes énumérées dans la présente charte.[377]
Cette charte ne se limiterait pas aux services de santé mentale, puisqu’elle engloberait également un vaste éventail de moyens de soutien sociaux. Voici, plus précisément, ce sur quoi elle porterait :
· services de santé mentale sûrs, garantis, fondés sur l’expérience clinique, opportuns, culturellement adaptés et pertinents aux besoins du patient;
· services et moyens de soutien incitant les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie à se prendre en main et qui soient fondés sur les principes du rétablissement, de l’effort autonome ainsi que de la vie et du fonctionnement en autonomie;
· traitement respectueux des lois existantes (Loi sur la santé mentale, Charte canadienne des droits et libertés, etc.);
· respect de la vie privée et des choix informés.
D’autres témoins ont recommandé l’adoption d’une sorte de « loi sur l’équité en santé mentale » afin de combler le fossé entre les maladies physiques et les troubles mentaux en matière de couverture publique et de services offerts. D’autres, cependant, étaient davantage favorables à la nomination d’un « défenseur » en matière de santé mentale auquel pourraient d’adresser les personnes ayant de la difficulté à accéder à des services et à des moyens de soutien en santé mentale. En Colombie-Britannique, il y a eu un défenseur en santé publique, mais le poste a été aboli après la création du ministère d’État pour la santé mentale et la toxicomanie.
8.2.7 La détection et l’intervention précoces
La détection et l’intervention précoces sont d’autant plus nécessaires qu’énormément de besoins en maladie mentale et en toxicomanie ne sont pas comblés. D’ailleurs, de nombreux témoins nous ont déclaré que l’intervention précoce – qui englobe la détection, l’évaluation, le traitement et le soutien – peut interrompre le déroulement négatif des événements pour plusieurs troubles mentaux et atténuer l’incapacité à long terme. Les récentes découvertes sur le cerveau indiquent qu’une détection et une intervention précoces peuvent très nettement améliorer les résultats des traitements et que les pensées et les comportements anormaux sur de longues périodes peuvent avoir des effets cumulatifs risquant de limiter la capacité de rétablissement du patient. Voici d’ailleurs ce que nous a appris la Société canadienne de schizophrénie :
Pour la plupart des maladies, plus le diagnostic et le traitement interviennent tôt et meilleur sera le pronostic. […] Malheureusement, comme le grand public et les professionnels ne connaissent pas assez les symptômes, le problème de stigmatisation et de déni de la maladie, nombreux sont ceux et celles qui reçoivent des traitements tardifs. On estime que la moitié des schizophrènes doivent attendre environ deux ans avant d’être diagnostiqués et traités après l’apparition des premiers symptômes.
[…]
La recherche indique que, plus on tarde à traiter les symptômes psychotiques et plus le pronostic à long terme est pessimiste. On constate davantage de dommages au cerveau chez ceux et celles qui ont subi des épisodes psychotiques de longue durée, non traités, que chez les personnes ayant eu des épisodes plus courts et mieux traités. Outre que les dommages au cerveau sont directement proportionnels à la durée passée sans traitement, le patient risque de perdre son emploi ou son niveau de scolarisation, de perdre des amis et son entregent et il court beaucoup plus de risque d’avoir des démêlés avec la justice à cause des symptômes de sa maladie.[378]
Les avantages d’une intervention précoce se constatent dans le cas de nombreuses maladies et pour tous les groupes d’âge. Sans une intervention et un traitement précoces, il est fréquent que les troubles constatés chez les enfants et les adolescents se poursuivent à l’âge adulte. Si le système ne les détecte et ne les traite pas comme il se doit, ces troubles de l’enfance risquent de persister et de déboucher sur une spirale descendante caractérisée par l’échec scolaire, de piètres perspectives d’emploi et la pauvreté à l’âge adulte. Il n’existe pas une autre famille de maladie qui porte aussi gravement atteinte à un si grand nombre d’enfants.
Pour l’instant, aucun organisme ni aucun système n’est clairement responsable envers les enfants et les adolescents souffrant de troubles mentaux. Ces derniers n’ont d’autres choix que de faire affaire avec plus d’un service spécialisé, c’est-à-dire avec des services de santé mentale, des services d’éducation spéciale, de bien-être de l’enfance, de justice pour les jeunes, de traitement des toxicomanies et des soins de santé.
C’est à l’école que les enfants passent le plus clair de leurs journées. Si les écoles se préoccupent surtout d’éducation, il demeure que la bonne santé mentale des élèves est essentielle à l’apprentissage tout comme au développement social et émotionnel. À cause de cette interaction importante entre la santé mentale et la réussite scolaire, les écoles devraient être des partenaires dans les soins de santé mentale des enfants.
De plus, chaque intervention est essentielle pour atténuer la douleur et les souffrances des enfants, des adolescents et des adultes présentant des troubles concourants (maladie mentale et toxicomanie). Il arrive trop souvent que l’on traite ces gens-là pour un seul de leur problème, quand on les traite effectivement. Dès qu’un trouble n’est pas traité, ce sont les deux qui empirent et l’on constate souvent l’apparition d’autres complications, notamment les risques suivants : autres problèmes médicaux, chômage, séparation des familles et des amis, itinérance, incarcération et suicide. Le Comité a appris que trop peu de fournisseurs ou de systèmes de traitement des maladies mentales ou des toxicomanies s’attaquent efficacement au problème que posent les troubles concourants.
L’intervention précoce devrait prendre place dans des lieux facilement accessibles comme les cabinets et les cliniques de soins primaires de même que les écoles et partout où le risque de maladie mentale est présent comme dans les services de justice pour jeunes et de bien-être de l’enfance. Outre qu’il faut adopter une approche coordonnée, il est important : d’assurer la formation du personnel scolaire pour qu’il sache détecter et reconnaître les premiers signes de la maladie mentale; de former les fournisseurs de soins primaires; et d’éliminer les obstacles à l’assurance-santé publique, surtout pour les services psychologiques.
Toutes les lois provinciales et territoriales en matière de santé mentale définissent les critères d’admission non consentie dans les hôpitaux à des fins de traitement psychiatrique, les conditions d’autorisation et de refus de traitement, ainsi que les critères applicables aux congés conditionnels et aux procédures de révision et d’appel. Dans les cas où l’admission en hôpital et les traitements psychiatriques ne sont pas imposés, ceux et celles qui refusent de leur plein gré d’entreprendre un traitement volontaire se retrouvent seuls face aux conséquences de leur maladie non traitée. Les personnes souffrant de troubles mentaux non traités présentent un taux de mortalité et d’incapacité sur une vie plus élevé que la plupart des personnes atteintes d’une maladie physique.
Les lois sur la santé mentale sont également destinées à réaliser un équilibre entre les droits et la dignité de l’individu, la protection de la société et le souci de la société d’aider ceux et celles qui ne sont pas en mesure de s’aider eux-mêmes. D’ailleurs, Toutes les lois provinciales et fédérales doivent se conformer aux dispositions de la Charte qui constitue la loi suprême au Canada. Dans le contexte des questions de santé mentale, les articles pertinents de la Charte sont les articles 7, 9, 12 et 15 ainsi que l'article premier. En vertu de l'article 7, il ne peut être porté atteinte au droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. En vertu de l'article 9, chacun a droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires. En vertu de l'article 12, chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Enfin, en vertu de l'article 15, la loi s'applique également à tous, en tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur les déficiences mentales. Bien que la Charte garantisse certains droits aux termes des articles précités, la réserve établie à l'article premier limite le caractère absolu de ces garanties. En effet, selon l'article 1, les droits reconnus par la Charte ne le sont qu'en deçà des limites raisonnables et justifiables. Un tribunal peut donc décider que la violation d'un droit, même s'il est garanti par la Charte, est raisonnable et justifiée dans la société d'aujourd'hui.[379]
En 1984, craignant que les actuelles lois sur la santé mentale fassent l’objet de contestation au titre de la Charte, un groupe établi en vertu de la Conférence sur la loi uniforme a proposé une « loi uniforme sur la santé mentale » en tant que modèle de loi provinciale dans ce domaine. Ce groupe d’études était composé d’un avocat et d’un haut fonctionnaire en santé mentale pour chaque province et territoire participant. La loi uniforme sur la santé mentale a été adoptée par les représentants à la Conférence sur la loi uniforme en 1987. Les principes qui suivent constituent les fondements de la Loi uniforme sur la santé mentale proposée :
· Un régime qui privilégie l'admission et la détention en cure volontaire et le traitement avec le consentement éclairé du malade est préférable à des services obligatoires.
· Lorsqu'il n'y a pas d'autre choix que de recourir aux services obligatoires qui portent atteinte à la liberté d'une personne et à son droit de prendre des décisions, il faut respecter les dispositions de la Charte.
· On doit proposer au malade plusieurs types de traitements, y compris ceux qui sont les moins contraignants et les moins perturbateurs, en lui donnant les explications nécessaires.
· L'obligation de respecter la confidentialité des renseignements contenus dans le dossier médical d'un malade mental est d'autant plus importante que cette personne est vulnérable et que tout manquement à cet égard risque d'avoir de graves conséquences.
· Le malade a le droit d'examiner les documents réunis pour les besoins de son traitement médical, pour vérifier l'exactitude des renseignements qu'ils contiennent.
· Lorsqu'une décision prise en vertu de dispositions législatives porte atteinte aux droits et libertés d'une personne, un organisme indépendant ou un tribunal peut examiner une telle décision pour décider si elle est équitable ou non.[380]
La loi uniforme sur la santé mentale n’a jamais été mise en œuvre en tant que telle dans les provinces et les territoires, mais de nombreux ressorts ont adopté des lois qui en reprennent les principes fondamentaux. Il demeure, cependant, d’importantes différences d’un ressort à l’autre dans les dispositions des lois pertinentes sur la santé mentale. Les différences pourraient avoir d’importantes répercussions sur les personnes atteintes d’une maladie mentale grave, parce que beaucoup ne peuvent recevoir à temps le traitement dont elles ont besoin. Ces différences peuvent aussi être la cause d’importants dilemmes pour les psychiatres. C’est ainsi que Gray et O’Reilly (2001) ont relevé les principales anomalies suivantes :
· Dans certains ressorts, les critères régissant l’admission contre le gré du patient précisent que la personne doit être susceptible de se blesser elle-même ou de causer des blessures physiques à d’autres (Alberta, Nouvelle-Écosse, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut). Ailleurs, les critères en la matière comportent aussi la notion de blessure non physique (mentale). Les mesures qui limitent l’admission et le traitement involontaire à des seuls critères de blessure physique posent un problème d’ordre éthique aux psychiatres qui peuvent estimer qu’un patient est en détresse profonde à cause d’une maladie psychotique sans pour autant risquer de se blesser ni de blesser quelqu’un d’autre. Le cas échéant, même s’ils sont convaincus qu’un traitement permettrait d’alléger rapidement et efficacement cette détresse, ils ne peuvent ni hospitaliser le patient ni le traiter. Ce faisant, certaines personnes atteintes d’une maladie mentale grave et ayant besoin de traitements psychiatriques ne reçoivent pas de soins dans des délais raisonnables. Selon Gray, Shone et Liddle (2000) : « L’augmentation du nombre de personnes souffrant de maladie mentale qui se retrouvent en prison ou sans abri est en partie attribuable aux lois qui limitent l’admission involontaire au seul danger physique.[381] »
· À la suite de l’admission involontaire d’une personne, certaines provinces la contraignent à suivre un traitement (Colombie‑Britannique, Nouveau‑ Brunswick, Terre‑Neuve, Québec et Saskatchewan);[382] ces provinces ont recours à un agent de l’État pour autoriser le traitement (médecin traitant, directeur d’une unité psychiatrique ou tribunal). Les autres ressorts permettent au patient de refuser le traitement, mais un autre décideur peut renverser cette règle s’il en va de l’intérêt de la personne (soit un gardien, un parent, un curateur public, un Comité d’examen ou un tribunal). En revanche, l’Ontario, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut respectent tout vœu antérieur exprimé par la personne de ne pas recevoir de traitement, même si cela doit prolonger sa détention et ses souffrances. Toutes les provinces et tous les territoires prévoient qu’un conseil ou une commission de révision examine la validité d’une hospitalisation non consentie. Quand, pour obtenir l’autorisation de traitement, il faut avoir recours à un tribunal ou à une autre personne chargée de prendre la décision, les délais peuvent aller de quelques jours à quelques années avant que le traitement ne commence.
· Tous les ressorts reconnaissent que le traitement obligatoire au sein de la communauté est moins restrictif que l’admission non consentie suivie d’un traitement en milieu hospitalier. Ce faisant, les lois provinciales et territoriales sur la santé mentale renferment des dispositions qui autorisent un congé conditionnel d’un hôpital ou l’émission d’ordonnance de traitement communautaire (OTC). Les dispositions permettant un congé conditionnel autorisent un patient réfractaire à se retrouver au sein de la communauté; le patient demeure toutefois sous l’autorité de l’hôpital, mais il peut poursuivre son traitement au sein de la communauté. En Saskatchewan et en Ontario, il n’est pas question de régler le cas de patients non consentants, mais de prévoir un traitement obligatoire pendant que la personne réside au sein de la communauté. Les OTC sont destinées à réduire le syndrome des va-et-vient, à réserver ainsi les lits d’hôpitaux aux autres malades et à aider ceux qui ont besoin de soins en santé mentale à intégrer la communauté. Toutefois, pour que les OTC soient efficaces, les services et les moyens de soutien doivent permettre de réaliser les conditions nécessaires. La principale critique adressée aux OTC concerne le fait que les services nécessaires ne sont pas offerts à l’extérieur des hôpitaux et que les patients ne réussiront pas au sein de la communauté et qu’ils devront être hospitalisés. Dans le même ordre d’idées, on reproche le fait que les hôpitaux vont faire sortir prématurément la personne et la « relâcher » dans la communauté. Seules quatre lois provinciales sur la santé (en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et en Saskatchewan) interdisent qu’une personne soit visée par une OTC à moins qu’il existe des moyens de soutien appropriés dans la communauté.
Il est évident que la gestion psychiatrique des patients ayant vécu des épisodes graves de maladie mentale variera grandement selon le lieu de résidence de ces personnes au Canada. Dans certaines provinces ou territoires, là où l’admission et le traitement sont rapides, les personnes souffrant de troubles mentaux graves ont une bonne chance de reprendre un jour des activités quotidiennes « normales ». Ailleurs, plusieurs mois voire plusieurs années peuvent s’écouler avant que la santé mentale du patient se détériore au point qu’on juge qu’il risque de s’infliger des blessures corporelles graves ou d’en infliger à d’autres et que cet état mérite une hospitalisation contre son gré. Même après leur hospitalisation, ces personnes peuvent ne pas recevoir de traitement pendant plusieurs mois ou plusieurs années dans les ressorts où l’amorce des traitements est empêchée en attendant que l’appel soit tranché ou quand les personnes concernées ont émis, avant leur hospitalisation, le vœu de ne pas être traitées et que ce vœu doit être respecté en vertu de la loi.
Voici ce que Gray et O’Reilly (2001) disent à ce sujet dans leur examen des lois provinciales et territoriales sur la santé mentale :
Il est particulièrement inquiétant de constater de tels écarts de pratique entre les provinces et les territoires. Il est de plus en plus établi que la durée d’une psychose non traitée débouche sur un piètre pronostic mais qu’une intervention précoce peut permettre d’éviter la progression de maladie sous-jacente. Qui plus est, il est évident que les psychoses qui apparaissent à un jeune âge peuvent entraver la réalisation de tâches développementales importantes comme les études, la formation professionnelle et les traitements psychosociaux. […] La recherche indique que les taux d’itinérance, de violence, de victimisation et de criminalisation sont supérieurs dans le cas des personnes qui souffrent d’une maladie mentale n’ayant pas été traitée que dans celui de personnes dont la maladie a été traitée. Les congés conditionnels et les ordonnances de traitement communautaire sont maintenant utilisés un peu partout au Canada et à l’étranger. Ces mesures ont fait leur preuve dans la réduction des hospitalisations et dans la promotion de l’observance thérapeutique.[383]
Devrait-on insister pour que les lois provinciales et territoriales en matière de santé soient davantage uniformisées? Les écarts constatés dans les lois sur la santé mentale traduisent-ils des points de vue divergents comme un équilibre à réaliser entre la protection des personnes vulnérables, les droits et libertés de la personne et la sécurité publique? Comme l’ont si bien fait remarquer Gray, Shone et Liddle (2000), en fin de compte, les lois sur la santé mentale sont affaire de valeurs sociétales :
La société doit se demander si, au nom de la liberté, il faut laisser la personne qui est atteinte d’une maladie cérébrale traitable et qui connaît les affres des délires en souffrance et sans abri parce qu’elle n’est pas physiquement dangereuse. La société est-elle favorable au « droit d’être psychotique » au point qu’il faudrait permettre à quiconque de refuser un traitement et donc de demeurer détenue pendant de longues périodes, aux frais de l’État, quitte à ce qu’elle court le risque de se blesser grièvement elle-même ou de blesser quelqu’un d’autre? Ou alors, la société doit-elle maintenir cette personne dans les hôpitaux quand, moyennant une loi adaptée, celle-ci pourrait être chez elle, au sein de leur communauté? La société préfère-t-elle que les gens fonctionnent au sein de leur communauté parce qu’ils sont légalement tenus de suivre leur traitement ou veut-elle les amener à connaître de nouveaux épisodes psychotiques et de nouvelles hospitalisations non consenties? Une société juste et compatissante doit sous-peser ces différentes options en tenant compte, notamment, du souci de réduire l’intrusion de l’État dans la vie des gens.[384]
Nous convenons aussi avec les témoins que les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie et les organisations non gouvernementales doivent prendre part à la réforme du système. Il ne sera possible de mettre sur pied un système homogène que si nous faisons appel à leur vécu et à leur savoir.
Pour instaurer un tel système homogène de services et de moyens de soutien en santé mentale et en traitement des toxicomanie – système axé sur la personne –il faudra aussi relever de nombreux défis sur les plans de la planification des ressources humaines et de la réforme des soins de santé primaires. De plus, il faudra mettre davantage l’accent sur la détection et l’intervention précoces. Il faudra, tout particulièrement, répondre dans des délais raisonnables aux besoins des enfants et des adolescents.
Le Comité reconnaît aussi que les personnes souffrant de troubles mentaux graves sont particulièrement vulnérables et que les services de santé mentale et de traitement des toxicomanies doivent donc refléter un équilibre approprié entre les droits de ces personnes et le rôle de la société à s’en occuper de façon compatissante. Il importe de décider si les contradictions actuelles constatées dans les différentes lois provinciales et territoriales sur la santé mentale nécessitent un examen formel.
CHAPITRE 9:
POLITIQUES ET PROGRAMMES VISANT
LA SANTÉ MENTALE ET LA TOXICOMANIE:
LE CADRE FÉDÉRAL
Compte tenu des niveaux de fardeau qu’imposent les problèmes de santé mentale et la maladie mentale à la société, les gouvernements du Canada ne peuvent plus ignorer la réalité. Le temps est venu de corriger les déséquilibres du passé. Le Canada ne peut atteindre la vision holistique de la santé mentale […] que s’il s’attaque de façon coordonnée aux questions complexes interreliées. Il faut désormais un leadership national coopératif dans une stratégie d’action nationale. Nous espérons que le gouvernement fédéral relèvera ce défi. En tant que citoyens, nous en profiterons tous.
[Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Comité, juin 2003, p. 31.]
Le présent chapitre porte sur le rôle et la responsabilité du gouvernement fédéral en ce qui concerne l’élaboration de politiques et de programmes dans le domaine de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie. Il présente aussi diverses mesures fédérales qui aident à former un cadre général dans ce domaine. Une distinction est faite cependant entre les projets fédéraux visant les populations relevant directement de sa compétence et les autres projets de portée plus nationale qui touchent des questions plurigouvermentales, notamment celles qui intéressent principalement les provinces et les territoires.
La section 9.1 donne un aperçu du rôle direct et du rôle indirect que joue le gouvernement fédéral en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie. La section 9.2 décrit et évalue le rôle direct du gouvernement fédéral à l’égard des populations relevant spécifiquement de sa compétence, soit : les Premières nations et les Inuits; les détenus des pénitenciers fédéraux; les anciens combattants et les membres des Forces canadiennes; la Gendarmerie royale du Canada; les fonctionnaires fédéraux. La section 9.3 examine la coordination interministérielle en ce qui a trait au rôle direct du gouvernement fédéral. La section 9.4 aborde le rôle et les responsabilités du gouvernement fédéral sur le plan national (rôle indirect); il étudie aussi les leviers juridiques et financiers dont dispose le gouvernement pour influer sur la politique dans le domaine. La section 9.5 donne une évaluation générale des politiques et des programmes fédéraux ayant une incidence sur la prestation de services de santé mentale, de services de traitement de la toxicomanie et de moyens de soutien sociaux. La section 9.6 traite d’un plan d’action national envisageable. La section 9.7 examine la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie du point de vue de la santé de la population et la section 9.8 présente les observations du Comité.
9.1 RÔLE DIRECT ET RÔLE INDIRECT DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL
Pour pouvoir brosser un tableau de l’étendue du rôle du gouvernement fédéral en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie, les attachés de recherche du Comité ont cherché dans les lois et règlements codifiés du Canada des expressions comme « toxicomanie », « invalidité », « troubles mentaux », « santé mentale », « maladie mentale » et « abus de substance ». Le tableau 9.1 dresse la liste des lois fédérales qui contiennent ces termes.
Le rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine comporte manifestement deux volets. Il est, d’abord, directement responsable de certains groupes de Canadiens. D’après le rapport au Parlement sur le rendement du Canada en 2003 : « le gouvernement fédéral fournit des services de santé primaires et complémentaires à environ un million de personnes admissibles – ce qui en fait le cinquième plus important prestataire de soins de santé au Canada. Parmi ces personnes figurent notamment les anciens combattants, les militaires, les détenus des pénitenciers fédéraux, certains immigrants reçus et demandeurs du statut de réfugié, les membres en service actif des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que les membres des Premières nations vivant dans les réserves et les Inuits.[385] » De plus, le gouvernement fédéral est un important employeur dont le vaste effectif a ses propres préoccupations en matière de santé.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral est censé donner une perspective nationale à la politique sociale, laquelle vise notamment la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Il joue ainsi un rôle indirect de surveillance générale de l’intérêt public de tous les Canadiens à l’échelle nationale. Il s’acquitte de cette responsabilité de plusieurs façons : transferts de fonds aux provinces, surveillance d’activités et collecte de données, financement et exécution d’activités de recherche et de développement, homologation de médicaments, soutien du revenu et prestations d’invalidité pour les Canadiens visés, programmes sociaux comme des initiatives de logement, financement du système de justice pénale et réalisation d’un certain nombre de programmes visant à promouvoir de façon générale la santé et le mieux-être de la population.
TABLEAU 9.1
LOIS FÉDÉRALES CONCERNANT LA SANTÉ MENTALE,
LA MALADIE MENTALE OU LA TOXICOMANIE
Code criminel Loi canadienne sur la santé Loi canadienne sur les droits de la personne Loi de l’impôt sur le revenu Loi électorale du Canada Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants Loi fédérale sur les prêts aux étudiants Loi réglementant certaines drogues et autres substances Loi sur la pension de la fonction publique Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes Loi sur la protection des renseignements personnels Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques Loi sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées Loi sur la taxe d’accise Loi sur le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies Loi sur le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail Loi sur le ministère de la Santé Loi sur l’emploi dans la fonction publique Loi sur le Parlement du Canada Loi sur les aliments et drogues Loi sur les allocations aux anciens combattants Loi sur les allocations de retraite des parlementaires Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada Loi sur les mesures d’urgence Loi sur les normes de prestation de pension Loi sur les pensions Loi sur les prestations de retraite supplémentaires Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents Loi sur l’extradition Régime de pensions du Canada |
Source : Division du droit et du gouvernement, Service d’information et de recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement.
Dans un rôle comme dans l’autre, le cadre envisagé en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie ne saurait supplanter la responsabilité première des provinces et des territoires en matière de conception et de réalisation des programmes. Il reste toutefois une nécessité absolue d’établir un cadre applicable à tous les Canadiens, qu’ils relèvent de la compétence fédérale ou provinciale.
Tom Lips, conseiller principal en santé mentale à la Division de la santé des collectivités, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique à Santé Canada, a clairement établi la distinction entre les responsabilités fédérales et les responsabilités provinciales/territoriales lorsqu’il est question de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie :
D’abord, les rôles et responsabilités des administrations fédérales/provinciales/territoriales sont différents dès lors qu’il s’agit de santé mentale et de maladie mentale […] C’est aux gouvernements provinciaux et territoriaux que revient la principale responsabilité d’assurer la planification et la prestation des services de santé destinés à l’ensemble de la population. Comme vous le savez, les transferts fédéraux permettent de financer en partie la prestation des services de santé. Le gouvernement fédéral a aussi un mandat particulier en matière de prestations de soins de santé à l’égard de certaines populations, notamment les membres des Premières nations vivant dans la réserve et les Inuits. Il est également chargé de la promotion de la santé à l’échelle nationale. Les deux paliers de gouvernement mènent des activités de promotion de la santé, de recherche et de surveillance, et ont conjugué leurs efforts pour régler certaines difficultés en matière de prestation de services – par exemple, en définissant des pratiques exemplaires.[386]
En fait, l’éventail des programmes et des services fédéraux visant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie est très vaste. Il comprend des dispositions visant des groupes particuliers qui relèvent directement de la compétence d’Ottawa ainsi que de nombreuses mesures en réponse aux préoccupations de la population en général. Les sections qui suivent portent sur les aspects propres au gouvernement fédéral et sur les éléments généraux de portée nationale et, là où c’est possible, elles fournissent des éléments d’information afin de pouvoir évaluer ces programmes et services.
9.2 RÔLE DIRECT DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL[387]
Les sections qui suivent décrivent et évaluent les programmes et les projets existants à l’intention des groupes particuliers qui relèvent directement de la responsabilité fédérale.
9.2.1 Les Premières nations et les Inuits
La Loi constitutionnelle de 1982 (article 35) définit les peuples autochtones comme étant « des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada ». Malgré cette définition constitutionnelle assez générale, le gouvernement fédéral n’est actuellement responsable que des Indiens vivant dans les réserves et de certains Inuits. Santé Canada estime servir quelque 735 000 membres des Premières nations et Inuits admissibles.
Ce sont les gouvernements provinciaux et territoriaux qui assument la responsabilité générale des Autochtones vivant hors réserve, y compris les Métis et les Indiens non inscrits. Ces groupes ont accès à des programmes et à des services au même titre que les autres résidants. Ces domaines de compétence distincts, conjugués à la diversité de notre population autochtone, ont sérieusement nui à l’établissement d’un plan exhaustif pour l’élaboration d’un véritable système en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie.
Au fil des ans, le gouvernement fédéral a tenté à plusieurs reprises de régler les problèmes de maladie mentale et de toxicomanie dans les collectivités autochtones. Au début des années 90, le ministère fédéral de la Santé a produit, avec l’aide d’un comité directeur multilatéral, un Programme de santé mentale destiné aux Premières nations et aux Inuits. Il a aussi ciblé les peuples autochtones dans le cadre de stratégies générales comme la Stratégie anti-drogue, le Programme de la prévention de la violence familiale et le Programme pour des collectivités en bonne santé. En 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones a attiré l’attention sur les problèmes de santé mentale associés à la pauvreté, à la maladie et à la désorganisation sociale dans de nombreuses collectivités.
En janvier 1998, le gouvernement fédéral a publié sa réponse au rapport de la Commission royale dans un document intitulé Rassembler nos forces : le plan d’action du Canada pour les questions autochtones;[388] celui-ci proposait une stratégie pour amorcer le processus de réconciliation et de renouvellement de sa relation avec les peuples autochtones. Deux importantes initiatives visaient à donner aux peuples autochtones plus d’autonomie face à certaines de leurs préoccupations liées à la santé physique et mentale. Tout d’abord, en 1998, le gouvernement fédéral a financé la Fondation autochtone de guérison, un organisme sans but lucratif administré par des Autochtones, afin d’appuyer les mesures de santé communautaire prises par des Métis, des Inuits et des membres des Premières nations dans les réserves et hors réserve. Ces mesures s’adressaient aux victimes de mauvais traitements et de violence sexuelle dans les pensionnats et aux personnes touchées indirectement par des répercussions intergénérationnelles. Deuxièmement, en 1999, Santé Canada a travaillé en collaboration avec plusieurs organismes autochtones afin de mettre sur pied l’Organisation nationale de la santé autochtone. Ce nouvel organisme, dont le nom officiel est Organisation pour la promotion de la santé des peuples autochtones, s’intéresse en priorité aux domaines de l’information et de la recherche en santé, aux méthodes traditionnelles employées pour rester en santé et guérir, à la politique de santé, au renforcement des capacités et à l’éducation publique.
En 2003, le gouvernement a décidé de consacrer 1,3 milliard de dollars sur cinq ans à l’élaboration d’un système de soins de santé efficace et viable pour les Premières nations et les Inuits.[389] Dans le discours du Trône de février 2004, Ottawa s’est en outre engagé à adopter une approche plus cohérente à l’égard des nombreuses questions touchant les collectivités autochtones. Le gouvernement fédéral a promis d’établir un centre indépendant sur le gouvernement des Premières nations, de renouveler la stratégie de développement des ressources humaines autochtones, de donner plus d’ampleur à la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain et de créer un comité du Cabinet chargé des affaires autochtones.[390]
9.2.2 L’évaluation de la situation des Premières nations et des Inuits
À l’heure actuelle, Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord canadien sont les deux principaux ministères fédéraux chargés des soins de santé, des services de santé mentale, du traitement de la toxicomanie et des services sociaux dispensés aux membres des Premières nations et aux Inuits.
Santé Canada, par le biais de sa Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, s’occupe des programmes suivants qui concernent la maladie mentale et la toxicomanie :
· Programme national de lutte contre l’abus d’alcool et de drogue chez les Autochtones (PNLAADA) : ce programme est en grande partie pris en charge par les communautés et les organismes des Premières nations; il comprend un réseau de 48 centres de traitement et programmes de prévention communautaires.
· Programme national de lutte contre l’abus de solvants chez les jeunes : grâce à son réseau de dix centres de traitement, ce programme offre des services d’évaluation, de traitement des malades hospitalisés et de counselling à l’intention des adolescents des Premières nations et inuits ayant des problèmes d’abus de solvants.
· Programme de soutien en santé mentale des pensionnats indiens : ce programme offre un soutien en santé mentale et un soutien affectif aux demandeurs admissibles qui ont entamé une poursuite pour les mauvais traitements subis dans des pensionnats indiens et dont les recours contre le gouvernement du Canada sont en cours de règlement. Il est réalisé par Santé Canada en collaboration avec Affaires indiennes et du Nord canadien.
· Syndrome d’alcoolisation fœtale/effets de l’alcool sur le fœtus (SAF/EAF) : ce projet, qui fait partie du Programme canadien de nutrition prénatale, a pour objectif de mieux faire connaître le SAF/EAF et d’offrir des services de santé mentale aux personnes à risque ainsi que des services de désintoxication aux femmes enceintes à risque, à leurs partenaires et à leurs familles.
· Programme des Services de santé non assurés (SSNA) : ce programme offre aux Indiens inscrits et aux Inuits et Innus des biens et des services médicalement nécessaires non couverts par les régimes d’assurance-maladie provinciaux/territoriaux ou privés. Les avantages en question apportent un complément aux services de santé couverts par les provinces et les territoires et portent notamment sur les médicaments, le transport à des fins médicales, les soins dentaires, les soins de la vue, les fournitures et l’équipement médicaux ainsi que le counselling en santé mentale et en situation de crise.
· Programme d’aide scolaire aux Autochtones dans les réserves : ce programme vise à répondre aux besoins affectifs, sociaux, sanitaires, nutritionnels et psychologiques des jeunes autochtones en vue de les préparer à l’école. Il est réalisé en collaboration avec les programmes Grandir ensemble et Pour des collectivités en bonne santé de Santé Canada. Il est mené en outre de concert avec l’Initiative visant la garde d’enfants de Développement des ressources humaines Canada et le Programme de maternelle du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, tous les deux menés à l’échelon national et local, afin de faire en sorte que le Programme d’aide scolaire aux Autochtones dans les réserves comble les lacunes et complète les programmes existants.[391]
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien offre, dans le cadre de ses politiques et programmes sociaux, le Programme des services à l’enfance et à la famille, l’Aide sociale, le Programme de soins aux adultes, la Prestation nationale pour les enfants et d’autres services sociaux visant le mieux-être de l’individu et de la famille. Tous comportent des éléments concernant la santé mentale. Certains programmes visent plus particulièrement la maladie mentale et la toxicomanie, par exemple :
· Programme de prévention du suicide chez les Autochtones : ce programme, réalisé en collaboration avec la GRC, enseigne aux jeunes adultes et aux intervenants communautaires comment aider à prévenir le suicide. Les participants sont choisis par les dirigeants et les sages des collectivités autochtones.
· Programme du Bouclier autochtone : ce programme, réalisé en collaboration avec la GRC, fournit aux collectivités de l’information sur la toxicomanie. Il offre un soutien aux policiers autochtones et non autochtones, ainsi qu’aux dirigeants communautaires, aux travailleurs de la santé, aux enseignants et aux intervenants auprès des jeunes.
· Programme pour la prévention de la violence familiale : ce programme fournit des fonds d’exploitation aux refuges des collectivités des Premières nations. Il sert aussi à encourager les programmes communautaires qui ont pour objectif de prévenir la violence familiale dans les réserves.[392]
Des témoins ont informé le Comité que les programmes fédéraux visant la maladie mentale et la toxicomanie chez les Premières nations et les Inuits ne répondent pas adéquatement aux besoins des peuples autochtones. Ainsi, Dre Cornelia Wieman, psychiatre aux Six Nations Mental Health Services, à Ohsweken (Ontario), a parlé des séances de counselling psychiatrique offertes en vertu des Services de santé non assurés :
[Dans le cadre des SSNA,] la limite est fixée à 15 séances avec une possibilité d’un renouvellement de 12 autres séances. Un total de 27 séances ne suffit pas à bien aider un grand nombre de patients à surmonter leurs problèmes de santé mentale. La vocation du programme SSNA est de fournir un soutien aux clients en crise ou à ceux qui n’ont aucune autre possibilité de recevoir du counselling. Ce counselling pourrait être assuré par une clinique psychiatrique ou un service de santé externes financés par le système de soins de santé provincial qui pourrait aussi assumer les frais de counselling individuel.
Le revenu de la majorité de mes patients est limité et ils ne peuvent pas payer les frais de counselling individuel. À cause de problèmes de transport et d’accès, beaucoup d’entre eux peuvent aussi ne pas avoir accès aux services de counselling dans les petites collectivités avoisinantes ou dans les grandes agglomérations telles que Brantford ou Hamilton. Ces personnes sont, en fait, des laissés-pour-compte.[393]
Mais surtout, des témoins ont souligné que la façon dont les programmes à l’intention des Premières nations et des Inuits sont compartimentés en « silos » nuit beaucoup à l’accès aux services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie. En effet, les divers ministères, directions ou divisions offrent les services et les moyens de soutien sans chercher à collaborer les uns avec les autres. De plus, on a tendance à isoler les problèmes en fonction de leurs symptômes – toxicomanie, suicide, SAF/EAF, logement insalubre, manque d’emploi, etc. – et à concevoir des programmes indépendants pour s’attaquer à chaque problème. Or, cette approche à la pièce connaît peu de succès. D’après les témoins qui ont comparu devant le Comité, il faudra repenser en profondeur les façons de faire et déroger à la pratique établie afin de rétablir le mieux-être des collectivités des Premières nations et des Inuits d’un bout à l’autre du pays.
Le Comité a aussi été informé que le morcellement des services servant à régler des questions interreliées constitue un réel problème. Ainsi, les membres des Premières nations et les Inuits sont mal servis par des modèles de prestation de programmes gouvernementaux qui mettent l’accent sur les services offerts aux individus par opposition aux services holistiques à l’intention des collectivités, plus adaptés à la culture autochtone. Comme l’a déclaré le Dr Laurence Kirmayer, directeur de la Division de psychiatrie sociale et transculturelle, Département de psychiatrie, Université McGill :
[L]es perspectives en matière de santé mentale ont tendance à viser l’individu et la vulnérabilité et l’affliction individuelles. Ce genre de données reflète vraiment l’incidence des forces sociales, des facteurs influant sur des générations entières et c’est ainsi que nous devons les considérer. Dans ce modèle, il y a une vulnérabilité individuelle; les gens ne réagissent pas tous de la même manière face à la même adversité. Toutefois, le taux élevé global laisse à penser que beaucoup de gens sont concernés et que des éléments extérieurs à l’individu sont en jeu. Il nous importe de définir les forces sociales et de réfléchir aux moyens d’aider les gens à s’en charger.[394]
Les témoins ont aussi souligné que le fait d’offrir à tous des programmes et des services identiques ne répond pas efficacement aux besoins des peuples autochtones. En général, ces derniers connaissent leurs problèmes et sont mieux placés pour trouver des solutions adaptées et pour savoir quelles ressources doivent être utilisées en fonction des priorités de la collectivité. Sur le plan pratique, cela signifie qu’il serait de loin préférable que les ministères délèguent aux communautés autochtones le pouvoir d’adapter les services et de réagir avec souplesse aux circonstances locales. Parallèlement, il faudrait appuyer les peuples autochtones qui élaborent leurs propres solutions, plutôt que de leur imposer des solutions provenant de « l’extérieur ».
Pour que les initiatives communautaires réussissent, il faut, en parallèle, développer la capacité de la collectivité de réaliser les programmes efficacement. Or, les témoins ont signalé la grave pénurie, voire l’absence, de professionnels qualifiés en matière de santé mentale et de toxicomanie. À cet égard, Dre Wieman a déclaré:
[L]a formation d’un plus grand nombre de professionnels de la santé chez les Autochtones […] est une des meilleures façons d’améliorer l’accès aux services de santé et les résultats dans le domaine de la santé, y compris la santé mentale. Les obstacles à l’accès aux divers services de santé mentale pourraient être éliminés et des soins plus adaptés culturellement seraient offerts. En 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé la formation en médecine de 10 000 Autochtones au cours des 10 prochaines années. Il ne reste que deux ans pour arriver à 2006 et je crois que nous sommes encore très loin de cet objectif. Le nombre de médecins autochtones au Canada est d’environ 150, la plupart sont des médecins de famille. Je n’ai pas le chiffre exact sous la main, mais je crois que le nombre de spécialistes autochtones est probablement inférieur à 25. À ma connaissance, il y a deux autres psychiatres autochtones au Canada, un quatrième finit le programme de résidence au Manitoba en juin.[395]
Le Comité a aussi été saisi du fait que les besoins des peuples autochtones sont complexes, et que les solutions à court terme échouent souvent. À dire vrai, un financement de courte durée risque d’empêcher les gouvernements autochtones d’élaborer les stratégies à long terme nécessaires pour répondre aux besoins de leurs collectivités. Il faut parfois des années pour élaborer des programmes efficaces et, souvent, plus le délai accordé à un projet est court, moins il y a de chances que ce dernier soit efficace.
De plus, les témoins se sont en général entendus pour dire que les niveaux de financement actuels des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie chez les Premières nations et les Inuits sont insuffisants. Brenda Restoule, psychologue et représentante du conseil de l’Ontario, Native Mental Health Association of Canada, l’a expliqué ainsi :
Le financement actuel est déjà inadéquat et ne répond pas aux besoins de la collectivité et des membres. Étant donné que le financement est fonction de la population, de nombreuses collectivités en reçoivent un petit montant, ce qui rend difficile ou, dans un bon nombre de cas, impossible les services de counselling et d’intervention en santé mentale. La plupart des collectivités doivent utiliser leur financement pour promouvoir la santé mentale et élaborer des programmes de prévention des maladies mentales. Bien que ce type de programmes soit nécessaire, le financement ne permet par un continuum de soins dont ont désespérément besoin les collectivités des Premières nations.
[…]
Le financement est si peu élevé pour les salaires des travailleurs de santé mentale que des professionnels comme les travailleurs sociaux, les psychologues et les psychiatres ne sont pas intéressés à travailler dans les collectivités des Premières nations.[396]
Le Comité a été informé que certaines provinces ont intégré les aspects autochtones dans leurs stratégies de santé mentale. Les stratégies fédérales destinées aux Autochtones vivant dans les réserves ou à l’extérieur devront, pour réussir, s’harmoniser avec les plans provinciaux sur la santé mentale et les stratégies connexes de mise en œuvre.[397]
Pour résumer, les programmes fédéraux et provinciaux de santé mentale autochtone, qui se concentrent sur des individus ou sur des aspects particuliers d’une question, ont été critiqués parce que leur compartimentation empêche une coordination aisée avec d’autres programmes. Le résultat est un ramassis de programmes semblables, une multiplicité de niveaux de services et un éventail complexe de mécanismes de financement déconcertants pour les personnes auxquelles ils sont destinés ainsi que leurs familles et les collectivités. Idéalement, dans une approche holistique ou globale, les ministères mettraient leurs ressources en commun afin de pouvoir répondre, du moins partiellement et de façon structurée et intégrée, à tous les besoins connexes touchant par exemple la santé, l’éducation, le logement et l’emploi pour les particuliers, les familles et les collectivités. Des initiatives gouvernementales à l’horizontale auraient pour avantage d’aider les collectivités à mieux planifier et coordonner leurs services.
Sur le plan financier, le manque de coordination donne souvent lieu à un dédoublement inutile et coûteux des programmes. Il faut une analyse de l’environnement afin de déterminer les programmes qui existent, les cas de chevauchement entre ministères et organismes, les lacunes importantes en matière de programmation et la meilleure façon d’utiliser les ressources.
9.2.3 Les délinquants relevant du système correctionnel fédéral
Les délinquants dans les établissements correctionnels fédéraux et les autres relevant du système correctionnel fédéral, soit les détenus purgeant une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus, constituent un autre groupe important de Canadiens dont la santé est une responsabilité fédérale. À l’heure actuelle, le Service correctionnel du Canada (SCC) gère quelque 12 600 détenus et 8 500 délinquants en liberté sous condition sous la surveillance d’un agent de libération conditionnelle.[398] Le SCC se préoccupe de la qualité des services de santé mentale et du traitement de la toxicomanie des délinquants sous responsabilité fédérale, mais cette préoccupation cède le pas à l’objectif principal des services correctionnels, soit les besoins « criminogènes ».
Les délinquants sous responsabilité fédérale relèvent entièrement du gouvernement fédéral et ne sont pas considérés comme des bénéficiaires des régimes d’assurance-maladie provinciaux. Françoise Bouchard, directrice générale des Services de santé du SCC, souligne que le mandat législatif de ce dernier est établi dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition :
Le Service veille à ce que chaque détenu reçoive les soins de santé essentiels et qu’il ait accès, dans la mesure du possible, aux soins qui peuvent faciliter son adaptation et sa réinsertion sociales.[399]
De plus, dans le domaine de la santé mentale, l’objectif du SCC est de fournir « aux détenus qui ont des troubles mentaux, caractériels et comportementaux (…) un continuum de soins essentiels selon les normes professionnelles et communautaires établies.[400] »
Chaque individu est évalué au moment de son admission dans le système correctionnel et des questions de base lui sont posées sur sa santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Après l’évaluation, un plan correctionnel est établi pour chaque détenu et celui‑ci est orienté vers un établissement ordinaire ou un établissement qui offre des traitements.
Au cours des 10 dernières années, le SCC a publié des directives précises sur les services de santé mentale et le traitement de la toxicomanie fournis aux détenus sous responsabilité fédérale. En 1994, des directives du commissaire ont été mises en œuvre touchant les services psychologiques, qui comprennent notamment : l’évaluation; l’intervention thérapeutique; l’intervention en situation d’urgence; l’élaboration, l’application et l’évaluation de programmes.[401] En 2002, des directives en santé mentale ont établi des normes touchant l’évaluation, le diagnostic et le traitement qui influent sur l’accès à des professionnels de la santé mentale, les soins d’urgence et dans la collectivité ainsi que les transfèrements vers des centres de soins psychiatriques et de traitement de la toxicomanie.[402] La même année, le commissaire du SCC a publié des directives touchant le traitement à la méthadone (diagnostic et traitement).[403] En 2003, des directives ont été publiées concernant les détenus ayant des tendances suicidaires ou à l’automutilation; elles comprennent des lignes directrices sur la prévention, l’évaluation et le traitement.[404] En 2003, une directive sur les services de santé a été adoptée qui précise que le coût de prestation des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie incombe au SCC.[405]
En plus d’adopter ces directives, le SCC a travaillé à l’élaboration d’une stratégie exhaustive sur les soins de santé visant les besoins tant physiques que mentaux des délinquants, y compris les questions de réintégration liées à l’alcool et aux drogues. La politique de santé mentale a été façonnée par divers projets, dont le Rapport du Groupe de travail sur la santé mentale de 1991 qui visait tous les délinquants, la Stratégie sur les services correctionnels pour Autochtones de 1997 et la Stratégie en matière de santé mentale pour les délinquantes de 2002.
Au SCC, la Direction des initiatives pour les Autochtones est chargée de créer des partenariats et des stratégies pour favoriser la réinsertion sociale, au bon moment et en toute sécurité, des délinquants autochtones. Les Autochtones représentent moins de 3 p. 100 de la totalité de la population canadienne mais constituent 18 p. 100 de la population carcérale sous responsabilité fédérale. Les programmes et les services adaptés aux besoins et à la culture des délinquants autochtones comprennent notamment les éléments suivants : des pavillons de ressourcement (9 au Canada); des établissements résidentiels communautaires (23 au Canada); le Programme de réinsertion sociale des Autochtones; des aînés travaillant en établissement et dans la collectivité; le transfert des services correctionnels aux collectivités autochtones (5 ententes signées).[406] Le SCC est aussi responsable de la Stratégie nationale sur les services correctionnels pour Autochtones (en cours de révision) qui met l’accent sur les programmes adaptés, les activités communautaires, le recrutement et l’emploi des, le recrutement et l’emploi et les partenariats sur les questions autochtones.[407]
Les femmes ayant des besoins particuliers en santé mentale peuvent, quel que soit leur niveau de sécurité, être traitées dans une unité spécialisée distincte de 12 lits réservés aux femmes au Centre psychiatrique régional des Prairies. Cette unité sert également de ressource nationale en santé mentale pour les femmes anglophones. Les femmes francophones peuvent obtenir des traitements à l’Institut Philippe Pinel à Montréal (Québec), où le SCC a passé des contrats pour obtenir des services de traitement de patientes hospitalisées. En outre, la Stratégie en matière de santé mentale pour les délinquantes de 2002 fournit un cadre pour l’élaboration de services de santé mentale couvrant tout un continuum de soins. L’objectif est d’appliquer les éléments de la stratégie à toutes les délinquantes et d’inclure l’intervention en situation d’urgence, les programmes de soins aigus, les programmes de soins chroniques, les unités pour besoins spéciaux, le traitement des malades externes, les services de consultation, la planification de la mise en liberté et des transfèrements, les suivis de même que les liens avec les autres programmes et services.[408]
Le SCC réalise aussi le Programme de prévention de la toxicomanie, composé d’un éventail de programmes institutionnels et communautaires, choisis en fonction de la gravité de la toxicomanie du délinquant. Le programme, à orientation comportementale et cognitive, est axé sur des techniques structurées de prévention des rechutes. Il comprend aussi le traitement d’entretien à la méthadone.[409]
9.2.4 L’évaluation de la situation des délinquants relevant du système correctionnel fédéral
Des représentants du SCC ont expliqué au Comité que les soins de santé mentale et le traitement de la toxicomanie sont nécessaires pour : réduire les effets invalidants des troubles mentaux afin d’optimiser la capacité de chaque détenu de participer de plein gré aux programmes correctionnels, notamment pour se préparer à réintégrer la collectivité; contribuer au maintien d’un milieu carcéral sûr pour le personnel, les détenus, les bénévoles et les visiteurs; atténuer l’extrême souffrance humaine que causent inutilement les troubles mentaux.[410]
Cependant, le Comité s’est fait dire que pour assurer l’accès aux services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie, le SCC doit accroître ses capacités. Il compte cinq centres de traitement spécialisés[411] répartis d’un bout à l’autre du pays, mais il ne dispose pas des mêmes ressources que les établissements médico-légaux provinciaux. Le SCC compte de nombreux psychologues, mais ceux‑ci se consacrent principalement à l’évaluation des risques en vue de la prise de décisions touchant la mise en liberté sous condition. De plus, le personnel correctionnel ne suit aucune formation particulière en santé mentale et toxicomanie.[412] En ce qui concerne la Stratégie en matière de santé mentale pour les délinquantes, cette nouvelle approche présente une difficulté, puisque les femmes nécessitant une intervention en santé mentale doivent se rendre ailleurs au pays pour obtenir les services nécessaires.
Les témoins ont aussi parlé de la nécessité d’améliorer les liens entre le gouvernement fédéral et les provinces, et entre l’appareil judiciaire et les systèmes provinciaux de services de santé mentale. Comme l’a expliqué Mme Bouchard, du SCC :
Il faut établir une stratégie [complète et intégrée] des besoins pour fins d’identification et de traitement des délinquants présentant des problèmes de santé mentale. Même si nous essayons de procéder à un examen lors de l’admission des délinquants, il reste beaucoup à faire en matière d’identification des délinquants atteints de problèmes de santé mentale, dès leur incarcération. C’est ce qui doit se produire dans les systèmes provinciaux également.
Il faut établir un lien entre le système de justice et les soins de santé au sein des provinces. La recherche des solutions doit débuter avant l’incarcération, pour les délinquants présentant des problèmes de santé mentale. Dans le système correctionnel fédéral, il faut améliorer la capacité de diagnostic et de traitement. Cependant, on ne nous garantit pas des ressources supplémentaires pour cela. Actuellement, nous faisons un examen de notre utilisation des lits dans nos centres de traitement, pour optimiser les ressources et les affecter à ceux qui en ont le plus besoin. Parfois, cela nécessite un changement de culture, entre la culture correctionnelle et la culture du traitement, ce qui veut dire qu’il reste beaucoup de travail à faire.
Notre dernière observation porte sur l’importance d’aplanir les conflits de compétences pour assurer la continuité des soins lors de la libération dans la communauté. Cela exige de meilleurs liens entre nous, le système correctionnel fédéral et nos homologues provinciaux ainsi que les professionnels des soins de santé mentale. Les partenariats sont la clé pour combler les lacunes de ce genre, mais qu’est-ce qui nous incitera à établir de tels partenariats?[413]
Le Comité a aussi été saisi de certains aspects discriminatoires de l’appareil judiciaire. Ainsi, Patrick Storey, président du Conseil consultatif du ministre sur la santé mentale (Colombie-Britannique), a déclaré :
Pour les délinquants fédéraux, il est difficile d’avoir accès à des services de santé mentale financés par la province dans la collectivité, en raison de dispositions spécifiques de la Loi sur la santé mentale de la Colombie-Britannique. Cette loi est, par elle-même, discriminatoire à l’égard de cette population. Elle ordonne aux directeurs des établissements provinciaux de ne pas offrir de soins aux personnes qui viennent d’institutions fédérales. C’est une responsabilité financière du gouvernement fédéral, si bien que les malades mentaux détenus dans une prison fédérale, qui essaient d’obtenir une libération dans la collectivité, n’obtiendront pas de services du centre local de santé mentale ou d’autres services, ce qui est intolérable. […] Les autorités correctionnelles fédérales et provinciales et les autorités sanitaires doivent collaborer pour s’attaquer à ces anomalies et réduire la discrimination à laquelle font face les personnes en conflit avec la loi.[414]
De plus, le Comité a été informé qu’il faut mieux harmoniser le Code criminel et les lois provinciales touchant la santé mentale. Les représentants de la Société canadienne de schizophrénie ont expliqué qu’en vertu du Code criminel, un juge peut ordonner à une personne jugée inapte à subir son procès de suivre des traitements qui la rendront apte. Cependant, ni un juge, ni la commission d’examen ne peuvent ordonner le traitement d’une personne déclarée non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux, en vue qu’elle se rétablisse assez pour être mise en liberté. En théorie, les lois provinciales en santé mentale permettent ce genre d’ordonnance, mais dans certaines provinces, aucune mesure n’est prise. Les représentants de la Société canadienne de schizophrénie recommandent que le gouvernement fédéral modifie le Code criminel afin que la commission d’examen puisse ordonner les traitements nécessaires pour favoriser la mise en liberté d’une personne atteinte d’une maladie mentale qui se soigne. Selon ces représentants, il vaut mieux prendre une telle mesure que d’obliger l’intéressé à rester incarcéré pendant une période déraisonnable parce que la maladie non traitée en fait une menace importante pour la sécurité du public.[415]
Mme Bouchard, du SCC, a souligné la nécessité de meilleurs soutiens communautaires :
En s’occupant des besoins des délinquants qui nécessitent des soins spécialisés de santé mentale, on peut réduire le phénomène de la « porte tournante ». Il existe ce que l’on appelle une porte tournante entre les services correctionnels, à la fois fédéraux et provinciaux, mais également dans les communautés, où les gens atteints de troubles de santé mentale se retrouvent dans le système de justice criminelle. Alors que les délinquants ayant des troubles mentaux sont moins susceptibles de récidiver — notamment de manière violente —, ils sont plus susceptibles de retourner en prison à cause d’une violation de leur liberté conditionnelle, qui est souvent le résultat d’un soutien inadéquat lorsqu’ils réintègrent la société.[416]
9.2.5 Les anciens combattants et les membres actifs des Forces canadiennes
Anciens Combattants Canada est chargé d’offrir des services de santé et de pensions et de fournir un soutien social et économique à plus de 150 000 anciens combattants canadiens et membres des Forces canadiennes (FC). Les principaux bénéficiaires sont les anciens combattants et les civils auxquels une pension ou une allocation a été accordée.[417]
La Loi canadienne sur la santé exclut expressément les membres des Forces armées de la définition d’« assuré ». Par conséquent, les militaires ne sont pas admissibles aux soins hospitaliers et aux soins médicaux assurés en vertu des régimes d’assurance-maladie provinciaux.[418] Les Services de santé des Forces canadiennes constituent le fournisseur de soins de santé désigné pour 83 000 membres de la Force régulière et de la Réserve au Canada et lors de déploiements, et ils offrent accès à plus de 85 000 fournisseurs au pays. Le Service Croix Bleue de l’Atlantique se charge de l’administration du programme et des paiements.
Anciens Combattants Canada administre l’hôpital Sainte‑Anne, situé à Sainte‑Anne‑de‑Bellevue, au Québec. L’hôpital offre des services médicaux et paramédicaux aux anciens combattants en résidence, ainsi qu’un large éventail d’activités récréatives et sociales. Le Centre Sainte‑Anne, qui fait partie de l’hôpital, fournit des services de santé mentale aux membres des Forces canadiennes et aux anciens combattants; il a développé une expertise spécialisée dans les domaines du syndrome de stress post-traumatique et de la démence.[419] Des soins aux patients hospitalisés et externes sont aussi fournis par le biais d’hôpitaux liés par contrat, de foyers pour anciens combattants et d’autres hôpitaux choisis par les intéressés.
Anciens Combattants Canada verse aussi à divers groupes des prestations d’invalidité ou de décès ainsi que du soutien économique. Parmi ces groupes figurent : les membres des Forces canadiennes et les anciens combattants de la marine marchande qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale ou la guerre de Corée; certains civils admissibles à des prestations en raison de leur service en temps de guerre; des anciens membres des Forces canadiennes (y compris ceux qui ont servi dans des zones de service spécial) et de la Gendarmerie royale du Canada; les survivants et les personnes à charge de militaires et de civils.[420]
Le ministère de la Défense nationale réalise Énergiser les Forces, une initiative de promotion de la santé conçue pour aider les membres de la Force régulière et de la Première réserve à prendre en main leur santé et leur bien‑être. La prévention du suicide et la lutte contre l’abus de tabac et d’alcool sont deux importants éléments de cette initiative. La santé mentale y occupe aussi une place importante. En plus de mettre l’accent sur la vie active, la prévention des blessures et le mieux-être en nutrition, l’initiative comprend les mesures suivantes : Absence de dépendance (abus d’alcool et de drogue, tabagisme, jeu compulsif) et Mieux‑être social (gestion du stress et de la colère, prévention de la violence familiale, familles en santé, prévention du suicide et spiritualité).[421]
Santé Canada s’occupe de la santé et de la sécurité professionnelle des membres des FC. Le Programme d’aide aux militaires des Forces canadiennes est organisé par le Programme de santé au travail et de sécurité du public de Santé Canada; il s’agit d’un service téléphonique sans frais offert 24 heures par jour, 7 jours sur 7, qui fournit des services de counselling confidentiels aux militaires et à leurs familles lorsqu’ils ont des préoccupations personnelles qui influent sur leur mieux‑être ou sur leur rendement au travail.[422]
9.2.6 L’évaluation de la situation des anciens combattants et des Forces canadiennes
Plusieurs rapports ont souligné des lacunes dans les soins et les traitements que reçoivent les membres des FC de la part du ministère de la Défense nationale en particulier et, par extension, d’Anciens Combattants Canada, soit : les rapports McLellan et Stow en avril 1998, le rapport Goss Gilroy en juin 1998 et le rapport produit en octobre 1998 par le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes.[423]
Ces ministères ont réagi en adoptant un train de mesures visant la santé mentale. En avril 1999, le Centre du MDN‑AAC pour le soutien des militaires blessés ou retraités et de leurs familles a ouvert ses portes à Ottawa, afin de fournir de l’information, des services d’orientation et du soutien aux anciens membres et aux membres actuels des Forces canadiennes et à leurs familles. Par la suite, des réformes législatives et réglementaires ont rendu l’accès aux services et aux avantages plus équitable pour tous les membres des FC, que les blessures soient survenues au Canada ou au cours d’un déploiement à l’étranger. En avril 2001, Anciens Combattants Canada a lancé le Service d’aide pour les anciens membres des FC et leurs familles ayant besoin de counselling professionnel.[424]
Récemment, Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale ont mis l’accent sur les membres des FC et les anciens combattants qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique et d’autres traumatismes liés au stress opérationnel. En février 2004, ils ont annoncé conjointement la Stratégie en matière de santé mentale pour les militaires canadiens. Cette stratégie repose sur un réseau d’établissements d’évaluation et de traitement, des forums éducatifs, un programme de formation continue et des activités de recherche sur le syndrome de stress post-traumatique et les autres traumatismes liés au stress opérationnel.[425]
9.2.7 La Gendarmerie royale du Canada
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) est un organisme du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada. En plus de fournir des services de police fédérale à tous les Canadiens, elle fournit des services de police à contrat à trois territoires, à huit provinces (toutes sauf l’Ontario et le Québec), à quelque 198 municipalités et, conformément à 172 accords particuliers, à 192 collectivités des Premières nations. Au 1er janvier 2004, l’effectif de la Gendarmerie s’élevait à 22 239 membres.[426]
La définition des personnes assurées en vertu de la Loi canadienne sur la santé exclut les membres de la GRC. L’administration de l’assurance des soins de santé pour les membres de la GRC relève d’Anciens Combattants Canada depuis 2003. Ce ministère s’occupe également de verser directement des prestations d’invalidité à environ 3 800 retraités de la GRC, ainsi que de fournir des soins de santé à quelque 800 pensionnés civils et à la retraite.[427]
9.2.8 L’évaluation de la situation de la Gendarmerie royale du Canada
9.2.9 Les fonctionnaires fédéraux
Le gouvernement fédéral est un employeur important. Son effectif a diminué entre mars 1995 et mars 2001, passant de 225 619 à 155 360 employés, mais il est réputé avoir augmenté de nouveau au cours des dernières années.
Dans son rôle de gestionnaire général et d’employeur de la fonction publique fédérale, le Conseil du Trésor s’occupe des avantages offerts aux fonctionnaires comme le Régime de soins de santé de la fonction publique qui couvre les prestations médicales et le Régime d’assurance-invalidité qui assure un niveau de revenu raisonnable pendant les longues périodes d’invalidité physique ou mentale. Il a chargé Santé Canada de fournir des services de santé et de sécurité au travail, comme les programmes d’aide aux employés, au nom des employeurs de la fonction publique mentionnés à la partie I de l’annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.[428]
Le Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP) est un régime privé de soins de santé à l’intention des employés de la fonction publique fédérale, des membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada, des députés, des membres de la magistrature fédérale, des employés de certains organismes désignés ainsi que des personnes qui reçoivent des prestations de retraite en fonction de leurs services dans la fonction publique. Le Régime est financé grâce aux cotisations du Conseil du Trésor du Canada, des employeurs participants et des membres du Régime. L’administrateur, Sun Life du Canada, est chargé de statuer sur les demandes admissibles et de les régler.[429]
Le RSSFP rembourse à ses souscripteurs la totalité ou une partie des frais qu’ils ont engagés pour des services et des produits admissibles, seulement après qu’ils se soient prévalus des garanties offertes par leur régime d’assurance-santé provinciale/territoriale ou par des tiers assureurs des soins de santé. Les services et les produits admissibles doivent être prescrits par un médecin ou un dentiste titulaire d’un permis de pratique dans la compétence où ils sont prescrits. Le Régime rembourse les frais admissibles jugés « habituels et raisonnables », de façon à ce que les remboursements versés soient raisonnables dans le secteur géographique où les frais ont été engagés.[430]
Le Régime couvre les frais de visite chez un psychologue jusqu’à concurrence d’une limite précise de dépenses admissibles. Une prescription visant des services psychologiques est valable pendant un an. Le Régime prévoit actuellement un taux de remboursement de 80 p. 100 de 1 000 $ par année civile, ce qui correspond à 5 ou 6 sessions par client.
En vertu de l’Assurance-invalidité de longue durée, l’employé atteint d’une invalidité totale physique ou mentale médicalement vérifiable, qui soit entraîne le retrait de toute licence obligatoire requise par l’employeur pour l’exercice de ses fonctions ou de son emploi, soit rend l’employé entièrement incapable de remplir essentiellement toutes les tâches de son poste ou de son emploi, a droit à des prestations pendant une période d’au plus 24 mois.[431]
Les programmes d’aide aux employés offrent des services de counselling à court terme aux personnes qui ont besoin d’aide pour concilier les exigences de la vie personnelle et du travail. Des conseillers bilingues qualifiés et expérimentés offrent un service téléphonique sans frais (1‑800) à l’échelle nationale, 24 heures sur 24; plus de 600 psychologues et travailleurs sociaux qualifiés (ou l’équivalent) offrent aussi leurs services. Les employés ayant des problèmes liés à leur vie personnelle ou au travail peuvent aussi être orientés vers des ressources au sein de la fonction publique ou dans la collectivité, s’il y a lieu, et un suivi est assuré. Les organismes fédéraux suivants sont des clients de la Employee Assistance Society of North America : le ministère de la Défense nationale, le ministère des Anciens Combattants, le ministère de la Justice, le Bureau du vérificateur général du Canada, Santé Canada, Parcs Canada, Environnement Canada, Citoyenneté et Immigration, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Pêches et Océans et le Bureau de la sécurité des transports.[432]
Les services décrits ci‑dessus ne remplacent pas ceux fournis dans le cadre du Programme de santé des fonctionnaires fédéraux. Le Conseil du Trésor a chargé le Programme de santé au travail et de sécurité du public (anciennement connu sous le nom d’Agence d’hygiène et de sécurité au travail), qui relève de la Direction générale de la sécurité environnementale et de la sécurité des consommateurs, de fournir des services en matière de santé et de sécurité au travail (ainsi que des services psychologiques) aux employeurs de la fonction publique mentionnés à la partie I de l’annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.[433]
De plus, des Services de gestion du stress traumatique sont offerts pour aider les employés qui ont vécu un incident traumatique, comme le décès ou la blessure grave d’un collègue de travail, un incident impliquant un grand nombre de blessés, des menaces, une agression personnelle ou d’autres formes de violence en milieu de travail. Les employés de certains groupes professionnels appelés « travailleurs des services d’urgence » (p. ex. les agents d’application de la loi, les pompiers, les infirmières et les autres travailleurs de la santé, les équipes de recherche et de sauvetage) courent un plus grand risque de vivre des incidents traumatiques. Les services englobent la sensibilisation ou la prévention, l’intervention et l’évaluation.[434]
9.2.10 L’évaluation de la situation des fonctionnaires fédéraux
De récentes études ont porté sur le stress et la nécessité, pour le gouvernement fédéral en tant qu’employeur, de faire davantage pour aider ses employés à concilier travail et vie personnelle et à adopter des modes de vie sains. Mme Linda Duxbury et M. Christopher Higgins ont présenté en janvier 2003 une étude menée pour Santé Canada intitulée Établir l’équilibre entre le travail, la famille et le style de vie : Une étude nationale. Cette étude a confirmé que les Canadiens souhaitent des horaires de travail souples, des limites quant aux heures supplémentaires, la possibilité de travailler à temps partiel ou en télétravail et des dispositions en matière de soins à la famille pour les aider à mieux concilier tous les aspects de leur vie. L’étude, qui a porté sur des employés tant du secteur public (soit huit ministères fédéraux) que du secteur privé, a permis de constater que les fonctionnaires prennent un nombre important de congés de maladie « pour cause de santé mentale » et dépensent plus en médicaments d’ordonnance que les employés du secteur privé.[435]
Une autre étude, réalisée en 2002 par l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada (APEX) a permis de constater une augmentation sensible de l’incidence des maladies coronariennes et cardiovasculaires, en particulier l’hypertension, chez les cadres de la fonction publique. Elle a aussi révélé une détérioration graduelle d’autres indicateurs importants de la santé. Parmi les répondants, 95 p. 100 éprouvaient des troubles du sommeil et ne dormaient en moyenne que 6,6 heures par nuit; 15 p. 100 souffraient de tendances dépressives; 53 p. 100 signalaient de hauts niveaux de stress, presque deux fois le niveau des Canadiens moyens, de même sexe et du même âge; 19 p. 100 avaient des troubles musculo-squelettiques liés à la tension. Les données de l’étude montrent que les cadres, en tant que groupe, sont soumis à des niveaux de stress élevés, voire même extrêmes.[436]
Bill Wilkerson, cofondateur de la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, a déclaré que le secteur public doit faire un examen de conscience approfondi, car les gouvernements doivent donner l’exemple, en tant qu’employeurs, en matière de promotion de la santé mentale et de prévention de la maladie mentale. Se reportant à l’étude de l’APEX, il a souligné que plus de 15 p. 100 des cadres supérieurs de la fonction publique souffrent de dépression, soit 50 p. 100 de plus que la moyenne nationale et que pour les hauts fonctionnaires, les médicaments psychotropes sont une absolue nécessité et correspondent à 17,5 p. 100 de tous les médicaments absorbés.[437]
9.2.11 Les immigrants reçus et les réfugiés
Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) est chargé de l’évaluation des immigrants reçus et des réfugiés. Au cours des 10 dernières années, le Canada a accueilli en moyenne chaque année quelque 220 000 immigrants et réfugiés. Un immigrant est reçu quand les autorités lui octroient le droit de vivre au Canada en permanence. Les réfugiés acceptés au Canada sont aussi des immigrants reçus. Les demandeurs d’asile ne sont pas des immigrants reçus; ils arrivent au Canada et demandent d’être acceptés comme réfugiés.[438]
Les demandeurs d’asile nécessiteux ou vivant dans une province qui exige une période d’attente de trois mois pour l’admissibilité au régime d’assurance-maladie provincial peuvent obtenir des services de santé essentiels ou d’urgence par le biais du Programme fédéral de santé intérimaire offert par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Les immigrants reçus prennent des dispositions pour leurs propres soins de santé, notamment en souscrivant à une assurance privée pour couvrir le délai de carence de trois mois imposé dans quatre provinces (Colombie-Britannique, Ontario, Québec et Nouveau-Brunswick).[439]
Tous ceux qui demandent la résidence permanente au Canada subissent un examen médical de leur état physique et mental. Il peut arriver, à la suite d’un examen, qu’un demandeur se fasse refuser l’entrée au Canada s’il présente un problème de santé susceptible d’en faire un danger pour la santé ou la sécurité publique ou un fardeau pour les services sanitaires ou sociaux. Le ministère ne fournit pas de renseignements très précis sur les réactions possibles aux demandeurs qui présentent des troubles mentaux graves.[440]
Conscient que les nouveaux venus au Canada font face à d’importantes difficultés, Citoyenneté et Immigration Canada offre plusieurs programmes visant à atténuer le stress de l’intégration dans la société canadienne. Le ministère travaille en collaboration avec les gouvernements provinciaux/territoriaux et des organismes non gouvernementaux afin de réaliser plusieurs projets pouvant favoriser la bonne santé mentale des immigrants, ainsi :
· le Programme d’établissement et d’adaptation des immigrants verse des fonds à des organismes pour que ceux‑ci offrent par exemple des services d’accueil, d’orientation, d’interprétation, de counselling et de recherche d’emploi;[441]
· le Programme d’accueil associe les nouveaux arrivants à des bénévoles qui les reçoivent amicalement et leur font connaître les services qu’offre la collectivité;[442]
· les Cours de langues pour les immigrants au Canada sont des cours de langue de base offerts aux immigrants adultes pour faciliter leur intégration.[443]
Les demandeurs d’asile peuvent avoir recours au Programme fédéral de santé intérimaire pour couvrir certains frais de soins de santé. Ce programme, administré par Citoyenneté et Immigration Canada, fournit des services de santé d’urgence et essentiels aux demandeurs d’asile nécessiteux et aux personnes protégées au Canada qui ne sont pas encore couvertes par les régimes d’assurance-maladie provinciaux. Le Rapport ministériel sur le rendement 2002‑2003 fait était d’une injection supplémentaire de 7,6 millions de dollars pour ce programme, mais ne précise pas son coût de départ.[444] Il est question dans le Rapport sur les plans et les priorités de 2003‑2004 d’un « programme fédéral de 50 millions de dollars visant les soins de santé essentiels et d’urgence à l’intention des demandeurs d’asile[445] ». Aucune ventilation n’est donnée des dépenses pouvant se rapporter à la maladie mentale ou à la toxicomanie. Cependant, ces frais risquent d’être élevés, étant donné que bon nombre des demandeurs d’asile ont été victimes de torture et d’autres incidents préjudiciables à leur santé mentale.
9.2.12 L’évaluation de la situation des immigrants reçus et des réfugiés
Le Comité ne disposait pas de renseignements lui permettant d’évaluer les politiques et les programmes fédéraux de santé mentale visant les immigrants reçus et les réfugiés.
9.3 COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE EN CE QUI A TRAIT AU RÔLE DIRECT DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL
L’examen des activités du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux groupes précis sous sa responsabilité ne permet guère de conclure à l’existence de stratégies ciblées sur des groupes précis, encore moins d’une vaste stratégie fédérale de portée universelle. Aucun effort apparent n’est actuellement déployé pour élaborer un cadre fédéral global et coordonné avec la collaboration de l’ensemble des ministères ou organismes concernés. Dans la plupart des cas, il existe peu d’indices de l’existence d’une stratégie réfléchie et inclusive visant à répondre aux besoins de l’un ou l’autre des groupes relevant de la responsabilité fédérale en matière de santé mentale. La prestation de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie de même que les efforts déployés en vue de promouvoir la santé mentale et de prévenir la maladie mentale demeurent très fragmentés et relèvent de plusieurs ministères et services ministériels distincts.
Deux initiatives interministérielles fédérales visant à coordonner les activités liées aux soins de santé et à l’abus de substances psychyoactives pourraient toutefois figurer au nombre des exemples à suivre pour élaborer une stratégie d’intervention dans le domaine précis de la santé mentale et de la toxicomanie. Il s’agit du Partenariat fédéral pour les soins de santé et de la Stratégie canadienne antidrogue.
9.3.1 Le Partenariat fédéral pour les soins de santé[446]
Créé en 1994, le Partenariat fédéral pour les soins de santé, autrefois désigné Initiative de coordination des soins de santé, regroupe différents ministères fédéraux qui offrent tous individuellement des produits et des services de santé à des groupes précis de Canadiens. Ces ministères ont cru qu’en conjuguant leurs efforts, ils pourraient réduire leurs coûts et améliorer les services offerts. À l’heure actuelle, Anciens combattants y occupe une place prépondérante, aux côtés d’autres ministères participant comme le ministère de la Défense nationale, la GRC, l’Agence canadienne de développement international, les Services correctionnels, Citoyenneté et Immigration, le Secrétariat du Conseil du Trésor, Travaux publics et Services gouvernementaux et le Bureau du Conseil privé.
Les objectifs principaux consistent à négocier des ententes mixtes avec des associations professionnelles, des fournisseurs et des détaillants; à coordonner l’achat de fournitures médicales et de services de santé précis; à stimuler la concurrence par la recherche d’autres modes de prestation des services; d’améliorer l’échange d’information et la prise de décisions collectives; à faciliter l’analyse et l’élaboration conjointes de politiques; à soutenir l’élaboration concertée d’un mécanisme de gestion de l’information sur la santé à l’échelle fédérale et à organiser conjointement des activités de promotion de la santé.
En 2002‑2003, les partenaires ont négocié conjointement des droits, des achats en vrac et des politiques communes qui, collectivement, ont contribué à améliorer la qualité des services offerts aux clients et ont procuré des économies de 11,6 millions de dollars. Des économies de 17,6 millions de dollars sont prévues pour 2003‑2004. Jusqu’ici, malgré les immenses possibilités offertes par l’action concertée, rien de semblable n’a encore été fait dans le domaine de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie.
9.3.2 La stratégie canadienne antidrogue
L’adoption de la première stratégie nationale antidrogue en 1987 découlait de l’inquiétude suscitée par la consommation de drogues illicites au Canada. En 1988, une organisation nationale non gouvernementale, le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, a été créée par voie législative afin de cibler les efforts pour réduire les méfaits pour la santé, la société et l’économie, attribuables à l’abus de substances psychoactives.
En 1992, la Stratégie canadienne antidrogue a été renouvelée et jumelée à la Stratégie de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies. Elle avait cependant toujours pour objectif d’atténuer les conséquences nocives de la consommation de drogues pour les particuliers, les familles et les collectivités en agissant tant sur l’offre que sur la demande. Coordonnée par le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, cette stratégie faisait intervenir plusieurs autres ministères qui cherchaient à améliorer les programmes existants et à en financer de nouveaux. Des 210 millions de dollars affectés à ce programme, 70 p. cent ont servi à financer les efforts de réduction de la demande de drogues grâce à des mesures de prévention, de traitement et de réadaptation, et 30 p. cent ont été alloués à l’application de la loi et au contrôle.
En 1998, le gouvernement fédéral a réitéré son engagement à l’égard des principes de la Stratégie canadienne antidrogue. Santé Canada a continué d’occuper un rôle de premier plan et de présider le Comité directeur des sous-ministres adjoints sur l’alcool et les autres drogues et certains comités interministériels, notamment le Groupe de travail interministériel sur l’alcool et les autres drogues. Les ministères fédéraux qui sont parties prenantes à la Stratégie ne se limitent pas à ceux qui ont une responsabilité directe à l’égard de la santé des Canadiens; certains ont une envergure nationale et internationale plus grande : Solliciteur général, Affaires étrangères et Commerce international, Finances, Patrimoine canadien, Justice, Douanes et Revenu Canada, Transports, Développement des ressources humaines, Condition féminine, Affaires indienne et du Nord, Société canadienne d’hypothèques et de logement, Conseil du Trésor et Bureau du Conseil privé.
Dans son rapport de 2001, le Bureau de la vérificatrice générale déplorait l’approche fragmentée de la Stratégie canadienne antidrogue et demandait que la culture organisationnelle de l’ensemble de l’appareil fédéral soit modifié de manière à privilégier l’adoption de structures et de méthodes qui permettent de tirer pleinement parti des avantages du travail horizontal. Lors du renouvellement de la Stratégie canadienne antidrogue, en mai 2003, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 245 millions de dollars et à obtenir l’appui de 14 ministères fédéraux partenaires. Un rapport sur l’orientation et l’évolution de la Stratégie sera présenté au Parlement dans deux ans.
9.4 RÔLE FÉDÉRAL INDIRECT
Outre sa responsabilité fédérale directe, le gouvernement fédéral a aussi un rôle indirect et important à jouer dans l’élaboration d’un plan national multipartite à long terme en matière de santé mentale. Même si certains témoins soutiennent que la santé mentale n’a jamais été une priorité pour quelque ordre de gouvernement que ce soit, ils n’en demeurent pas moins convaincus que la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie sont des problèmes qui affligent l’ensemble de la population canadienne. Par conséquent, les rôles du gouvernement fédéral, des dix gouvernements provinciaux et des trois gouvernements territoriaux sont interreliés lorsque vient le temps d’intervenir pour répondre aux besoins en soins de santé des Canadiens atteints de maladie mentale et de toxicomanie.
Il n’existe toutefois aucune capacité ministérielle centralisée, que ce soit à Santé Canada ou dans un autre ministère fédéral, ni aucune forme de structure nationale qui permette de coordonner à l’échelle nationale toute la gamme des enjeux relatifs à la santé mentale, à la maladie mentale et à la toxicomanie ou d’y réagir. De plus, peu de ressources sont consacrées aux aspects intergouvernementaux d’un cadre national dans ce domaine. À l’heure actuelle, le travail accompli par les intervenants fédéraux, provinciaux et territoriaux se limite à explorer différentes possibilités de projets conjoints de réforme des soins de santé primaires, ainsi que les propositions relatives aux soins à domicile et à la télésanté. Le gouvernement fédéral est sensible à la nécessité d’adopter à cet égard une approche qui tienne compte du partage des responsabilités entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et du fait que la prestation de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie relèvent d’abord des provinces et des territoires.
Une structure officielle, en l’occurrence le Réseau de consultation FPT sur la santé mentale, a été créée le 17 avril 1986 afin de conseiller la Conférence des sous-ministres de la Santé sur les moyens à prendre pour favoriser la collaboration fédérale, provinciale et territoriale sur les questions de santé mentale. Son mandat consistait à :
· examiner les questions transmises par la Conférence des sous-ministres de la Santé, ou pour lesquelles un nombre important de provinces désirent obtenir un consensus basé sur des avis éclairés, et formuler des recommandations au besoin;
· fournir des conseils en ce qui concerne l’élaboration et l’application de politiques et de programmes pour les services de traitement en santé mentale, dans le but d’assurer le maintien de services dont la qualité et l’efficacité soient uniformes partout au Canada;
· fournir une tribune pour aider les provinces et les territoires à mettre sur pied, à organiser et à évaluer les services de santé mentale sur leur territoire;
· permettre aux gouvernements fédéral et provinciaux, aux universités et aux centres de traitement d’échanger de l’information, des données pertinentes, des résultats de recherche récentes et des avis d’experts touchant les problèmes de compétence, d’organisation, d’ordre législatif, de prestation de services, d’évaluation et d’autres questions pertinentes;
· proposer des stratégies fédérales, fédérales-provinciales et provinciales pour la promotion de la santé mentale en vue d’améliorer l’état de santé mentale de l’ensemble de la population et en particulier des enfants et des jeunes;
· recevoir des rapports sur les activités et programmes de santé mentale en cours à l’échelle nationale et fournir au besoin des conseils, une orientation et un soutien aux responsables de ces activités et programmes.[447]
Le travail du Réseau de consultation FPT sur la santé mentale était à l’époque soutenu par la Division de la santé mentale de Santé et Bien-être social Canada, qui faisait alors partie de la Direction générale des programmes et des services de santé du ministère.[448] À la fin des années 90, la Conférence des sous-ministres de la santé a toutefois retiré son appui au Réseau de consultation FPT. En conséquence, il est maintenant difficile de trouver des fonds, ne serait‑ce que pour réunir des décideurs de tout le pays œuvrant dans le domaine de la santé mentale, de façon qu’ils puissent échanger de l’information et élaborer des politiques et des plans cohérents. Un certain nombre de provinces continuent malgré tout de participer au Réseau de consultation FPT, mais la portée de leur travail est limitée par le financement qu’elles sont elles-mêmes en mesure de fournir. Selon le Dr James Millar, directeur exécutif, Santé mentale et Services médicaux, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, le démantèlement du Réseau de consultation FPT sur la santé mentale :
(…) a tari une source importante de partage et de planification conjointe. Certaines instances continuent de se réunir, mais elles doivent se battre afin de trouver du financement. Le nombre de réunions et d’instances participantes a diminué au fil des ans. Certains projets spéciaux sont financés selon une formule où l’Ontario paie la majorité des coûts, avec le soutien de Santé Canada. Le Québec ne participe pas à cette initiative.[449]
Que peut faire alors le gouvernement fédéral pour faciliter la coordination, la collaboration et les partenariats nationaux dans le domaine de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie? Deux différents types de leviers peuvent être utilisés à cette fin : les leviers juridiques (ou stratégiques) et les leviers financiers (ou fiscaux). Si le gouvernement fédéral a l’autorité juridique voulue grâce au pouvoir conféré par le droit pénal, c’est plutôt de sa capacité fiscale dont il se sert pour influencer la politique sociale. Ni l’un ni l’autre de ces leviers n’est toutefois suffisamment efficace pour assurer une plus grande uniformité, pour établir et appliquer des normes, pour faciliter l’harmonisation ou pour initier des projets d’envergure nationale, car cela exige énormément de communication intergouvernementale et une grande volonté de collaborer.
9.4.1 Les leviers juridiques
Le Code criminel prévoit des dispositions particulières concernant les troubles mentaux. Par exemple, on peut exonérer une personne de toute responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Le tribunal peut ordonner que la première partie d’une peine d’emprisonnement soit purgée dans un centre de traitement, lorsqu’il juge qu’un contrevenant « souffre de troubles mentaux en phase aiguë » et a effectivement besoin de soins immédiats.
En ce qui a trait à la toxicomanie, le Parlement s’est servi à maintes reprises du pouvoir conféré par le droit pénal. Ainsi, il a adopté des lois pour réglementer la vente, la distribution et la possession de substances psychoactives par le biais de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La Loi sur le tabac comporte pour sa part un vaste éventail de restrictions concernant la composition et l’étiquetage des produits du tabac, l’accès des adolescents à ces produits et la commandite d’événements par des compagnies de tabac. Dans le cas de l’alcool, le Code criminel pénalise la conduite avec facultés affaiblies, tandis que la Loi sur la radiodiffusion et le Code de la publicité radiodiffusée en faveur des boissons alcoolisées régissent la publicité.
Comme il est mentionné dans le chapitre précédent, la Charte canadienne des droits et libertés offre certaines garanties juridiques qui s’appliquent en matière de santé mentale et de toxicomanie. Les articles pertinents traitent de questions comme le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. La Charte est aussi à l’origine de la création de normes nationales auxquelles les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent devoir se conformer, si tel est le vœu des Canadiens.
La Loi canadienne sur les droits de la personne promulguée en 1977 met en place un processus de règlement des cas de discrimination dans les domaines de compétence fédérale. Elle crée un système de recours spécialisé qui mise sur la persuasion et l’éducation pour décourager quiconque d’agir et de se comporter de façon discriminatoire, et oblige les contrevenants à assumer les frais d’indemnisation de leurs victimes. La loi s’applique à tous les ministères et organismes fédéraux et aux sociétés d’État, ainsi qu’aux entreprises et aux secteurs d’activités assujettis à la réglementation fédérale (p.ex., banques, transports, et communications).
9.4.2 Les leviers financiers
De façon générale, l’intervention fédérale demeure toutefois essentiellement de nature fiscale. Dans la mesure où il ne légifère pas directement sur des questions relevant de la compétence des provinces et des territoires, le gouvernement fédéral utilise son pouvoir de taxation et de dépenser pour mettre en place divers programmes sociaux de portée nationale. Les restrictions imposées à l’égard des paiements de transfert aux provinces dans les années 90 ont toutefois incité bon nombre de provinces à demander que les mesures prises unilatéralement par le gouvernement fédéral relativement aux transferts soient remplacées par des mécanismes laissant place à une plus grande participation des provinces et des territoires.
Le pouvoir fédéral de dépenser constitue le fondement de la Loi canadienne sur la santé de même que des actuels Transfert canadien en matière de santé (TCS) et Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS). C’est ce qui explique la participation/ingérence fédérale dans d’autres sphères sociales, comme le logement et la sécurité du revenu. Le Régime de pensions du Canada (RPC), créé par voie législative en 1965, est un autre secteur où il y a une participation fédérale/provinciale. Il existe d’autres exemples semblables de mesures sociales, par exemple, la sécurité du revenu pour les handicapés, qui peuvent améliorer l’état de santé mentale de tous les Canadiens et, en particulier, la qualité de vie des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
La santé mentale est toutefois un exemple de domaine d’intervention où le pouvoir de dépenser conféré au gouvernement fédéral par la Constitution s’est appliqué au cours des 55 dernières années pour ensuite être retiré. Entre la création des Subventions nationales à la santé en 1948 et la conclusion de l’Accord des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé en 2003, les ententes de financement du gouvernement fédéral ont eu, implicitement ou explicitement, une grande incidence sur la situation nationale au chapitre de la santé mentale et de la toxicomanie.
L’ambivalence au sujet de la place occupée par les services de santé mentale dans le système national de soins de santé ne date pas d’hier. Le Programme de subventions nationales à la santé de 1948, qui est décrit comme une première étape vers la création d’un vaste régime d’assurance-maladie pour l’ensemble du Canada, prônait l’élargissement des services de santé, notamment de ceux offerts pour traiter la maladie mentale.[450] L’un des éléments du programme, en l’occurrence la subvention à la santé mentale, a servi à mettre en œuvre et à étendre les services de santé mentale, à renforcer les établissements de formation professionnelle et technique et à améliorer la qualité et la quantité de personnel. En 1960‑1961, dernière année d’existence de la subvention, quelque 53 p. cent des fonds ont été octroyés aux établissements, tandis que 23 p. cent allaient aux cliniques et aux services psychiatriques, 13 p. cent à la formation et 8 p. cent à la recherche.[451]
En 1957, la Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques adoptée par le gouvernement fédéral a toutefois explicitement exclu les hôpitaux psychiatriques, même si sa portée englobait les services psychiatriques des hôpitaux généraux. Cette exclusion se fondait à l’époque sur l’argument selon lequel les hôpitaux psychiatriques offraient des soins en milieu surveillé et qu’à ce titre, ils n’étaient pas admissibles au programme fédéral de partage des frais, au même titre que les hôpitaux pour tuberculeux, les maisons de repos et les autres établissements de soins longue durée. En 1966, avec la promulgation de la Loi sur les soins médicaux, les services médicaux, y compris ceux offerts par des psychiatres, sans égard au lieu, ont toutefois été inclus au nombre des services financés par l’État.[452]
La Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis accorde à chaque province un « financement de base », c’est‑à-dire un paiement de transfert fédéral proportionnel à la taille de sa population et versé en partie en espèces et en partie en points d’impôt. Dans sa définition de « services complémentaires de santé », cette loi inclut les hôpitaux psychiatriques, au même titre que les soins intermédiaires en maison de repos, les soins en établissement pour adultes, les soins à domicile et les soins ambulatoires.[453]
En 1984, la Loi canadienne sur la Santé a été adoptée afin « de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre »[454]. La plupart des dispositions des deux lois antérieures sur l’assurance-hospitalisation ont été regroupées dans la nouvelle loi; mais l’une des différences majeures réside dans la nouvelle définition des services complémentaires de santé, où tous les passages faisant mention des hôpitaux psychiatriques ont été supprimés.
Dans les années 90, le rôle du gouvernement fédéral dans les soins de santé offerts à l’échelle nationale et, par extension, son rôle au chapitre de la santé mentale s’est de nouveau restreint en raison de la réduction de ses paiements de transfert aux provinces et aux territoires. En 1996, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) a été créé, à la suite de la fusion du Financement des programmes établis (FPE) et du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC). Ainsi, il allait dorénavant incomber aux provinces de décider elles-mêmes de la façon de répartir leur financement de base entre les soins de santé, l’enseignement postsecondaire et les programmes sociaux.[455]
La loi portant création de Santé Canada adoptée en 1996 donnait au ministre de la Santé une orientation générale concernant les questions touchant la santé nationale. De façon plus précise, la Loi sur le ministère de la Santé confiait au ministre de la Santé « la promotion et le maintien du bien-être physique, mental et social de la population ».[456] L’interprétation de cette disposition limitait l’intervention du ministre aux vastes programmes visant à promouvoir et à préserver le bien-être mental et social; à la surveillance des pathologies ou des programmes de santé mentale; à la conduite d’études ou d’enquêtes sur la santé mentale entre autres questions de santé publique et à la collecte de même qu’à la publication de statistiques sur la santé mentale.
Un tournant décisif s’est produit en 1999 avec la conclusion de l’Entente cadre sur l’union sociale et de l’Accord connexe sur la santé dans lesquels le gouvernement fédéral s’engageait à accroître le financement des soins de santé par le biais du TCSPS, à garantir la prévisibilité du financement et à collaborer avec l’ensemble des gouvernements provinciaux et territoriaux afin d’établir des priorités et des objectifs pancanadiens.[457] Dès l’an 2000, le Communiqué sur la santé pour la réunion des Premiers ministres renfermait un engagement à favoriser « les services publics, les programmes et les politiques qui, au‑delà des soins et des traitements, contribuent de manière essentielle à la santé et au mieux-être de leurs citoyens ».[458] Dans l’Accord sur la santé de 2003, les premiers ministres ont convenu d’offrir une couverture intégrale et transférable pour un ensemble de services à domicile, des services communautaires de santé mentale devant être accessibles au besoin. Le plan est de pouvoir offrir d’ici 2006 un éventail de services comme la gestion de cas, des services professionnels et des médicaments sur ordonnance.[459]
En plus de soutenir financièrement les services liés à la santé, le gouvernement fédéral a mis en place d’autres programmes pour venir en aide aux personnes atteintes de maladie mentale. Par exemple, en 1961, il a accepté de partager le coût du Programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées pour qu’il profite aux handicapés mentaux en âge de travailler. En 1965, le Régime de pensions du Canada (RPC) a commencé à verser des prestations d’invalidité aux personnes atteintes d’un handicap mental grave ou prolongé. En 1966, le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) a offert de verser aux provinces la moitié du coût des services d’aide et de bien-être social à frais partagés destinés aux personnes handicapées, notamment aux handicapés mentaux.[460] Le partage des coûts en vertu du RAPC était considéré comme déterminant pour établir localement des services sociaux qui feraient partie intégrante des moyens de soutien offerts dans le domaine de la santé mentale.
À l’heure actuelle, grâce à son Bureau de la condition des personnes handicapées, Développement social Canada est le centre de liaison au gouvernement fédéral pour les partenaires qui travaillent à promouvoir la pleine participation des Canadiens handicapés aux activités d’apprentissage, au marché du travail et à la vie communautaire. Ses principaux objectifs consistent à favoriser la cohérence entre les politiques et les programmes, à renforcer la capacité du secteur bénévole; à créer des réseaux intégrés et orientés vers l’action, à fournir des connaissances et à faire un travail de sensibilisation. L’Agence du revenu du Canada est au nombre des autres partenaires. En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, toute personne qui présente un handicap mental ou physique grave et prolongé ou toute personne qui en prend en soin, peut demander un crédit d’impôt pour personnes handicapées.
L’itinérance est un autre domaine où le gouvernement fédéral utilise son pouvoir de dépenser pour faciliter l’élaboration d’un cadre national. Ainsi, le gouvernement fédéral a lancé en 1999 l’Initiative nationale pour les sans-abri (INSA), qui préconise l’adoption d’une approche communautaire pour réduire et prévenir l’itinérance. L’initiative repose sur l’établissement de partenariats avec tous les ordres de gouvernement, le secteur privé et le secteur bénévole. Son approche multidisciplinaire découle de la conviction que l’itinérance n’a pas une cause unique et que le problème exige une intervention à de multiples niveaux, notamment au chapitre du logement, des perspectives d’emploi, des soins de santé mentale, des programmes de lutte contre la toxicomanie et des services de bien-être social. Elle reconnaît la diversité des besoins des itinérants et la nécessité d’offrir des solutions « adaptées » en fonction de chaque collectivité.[461]
Même si le gouvernement fédéral verse aux provinces et aux territoires un financement à l’appui des services de santé mentale, des programmes sociaux, du soutien du revenu et du logement, le financement des services de santé mentale, les versements journaliers aux fournisseurs de logement de transition et supervisés et l’aide au revenu sont tous de compétence provinciale, territoriale et municipale.
9.5 ÉVALUATION DU RÔLE DU FÉDÉRAL DANS L’ACTUEL CADRE NATIONAL
9.5.1 La Loi canadienne sur la santé
(…) lorsque la Loi canadienne sur la santé a été élaborée, les services de santé mentale offerts par les hôpitaux psychiatriques ont été exclus. Il y est stipulé que seuls les services de santé mentale, nécessaires d’un point de vue médical et offerts par les services des centres hospitaliers et les médecins, seront régis par la loi. Cette omission importante a sévèrement désavantagé ceux qui essaient de fournir des services de santé mentale dans le cadre de services communautaires.
[Dr James Millar, directeur exécutif, Santé mentale et Services médicaux, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse (mémoire au Comité, 28 avril 2004, p. 5.]
Comme il est mentionné ci‑dessus et précédemment, la Loi canadienne sur la santé exclut expressément de sa définition d’intégralité les services offerts par les établissements psychiatriques. De nombreux témoins ont affirmé que cette omission renforce l’établissement d’une distinction artificielle entre la santé physique et la santé mentale et contribue à alimenter la stigmatisation et la discrimination associées aux troubles mentaux. Voici, par exemple, ce qu’a dit à ce sujet le Dr Sunil V. Patel, président de l’AMC :
(…) il importe aussi de reconnaître l’effet nocif de l’exclusion de la Loi canadienne sur la santé des hôpitaux ou établissements destinés principalement aux personnes atteintes de troubles mentaux. Autrement dit, comment arriverons-nous à surmonter le stigmate et la discrimination si nous les validons dans la législation fédérale?[462]Le Dr Patel a recommandé de modifier la Loi canadienne sur la santé pour inclure les hôpitaux psychiatriques et de rajuster le Transfert canadien en matière de santé pour tenir compte de ces autres services assurés.
Le Comité s’est aussi fait dire que l’exclusion des hôpitaux psychiatriques de la Loi canadienne sur la santé complique l’application du principe de transférabilité. Ainsi, parce que les hôpitaux psychiatriques sont explicitement exclus, ils ne sont pas assujettis aux ententes de facturation réciproque entre les provinces. Voici ce qu’a souligné à ce sujet Ray Block, directeur général de l’Alberta Mental Health Board :
En outre, la gestion des cas doit être examinée du point de vue des compétences pangouvernementales dans les cas où les patients d’un territoire en particulier ont besoin de soins lorsqu’ils se trouvent dans un autre territoire. Des ententes de réciprocité concernant l’accès et le paiement devraient faciliter l’accès à des soins ainsi que l’uniformité et la continuité de ces derniers entre les territoires. Ce point devrait être débattu lors d’une prochaine conférence fédérale/provinciale/territoriale des ministres de la Santé.[463]
De plus, de nombreux témoins ont fait valoir que bon nombre de services de santé mentale sont offerts dans les collectivités par des fournisseurs autres que des médecins et ne sont donc pas visés par la Loi canadienne sur la santé. C’est le cas particulièrement des services offerts par des psychologues. Voici ce qu’a dit à ce sujet la Dre Diane Sacks, présidente de la Société canadienne de pédiatrie :
(…) à l’heure actuelle, les professionnels qui offrent cette thérapie [thérapie cognitive du comportement] ne sont généralement pas couverts par la plupart des régimes d’assurance-maladie provinciaux. Ce sont des professionnels qualifiés et réglementés qui pourraient, si la société le voulait vraiment, traiter beaucoup de nos enfants et de nos adolescents. (…) Cela dit, il y a des professionnels qui peuvent aider à poser un diagnostic et à traiter ces maladies, mais seulement si vous avez de l’argent – beaucoup d’argent. La liste d’attente pour obtenir un diagnostic de THDA dans le système scolaire public ou dans un centre communautaire de santé mentale, à Toronto, est actuellement de 18 mois, soit l’équivalent de deux années scolaires complètes. Voilà ce qui se passe si vous n’avez pas d’argent. Mais si vous avez 2 000 $, je peux vous trouver un psychologue qui va vous faire un diagnostic dans une semaine ou deux et qui va, au besoin, établir pour l’école un programme complet afin d’aider votre enfant à réussir. La plupart des régimes d’assurance des employeurs ne couvrent en moyenne que 300 $ pour les consultations auprès de psychologues. Et la plupart des programmes publics ne couvrent absolument rien.[464]
Dans son mémoire, le Centre de toxicomanie et de santé mentale (Toronto) affirme que la Loi canadienne sur la santé devrait s’appliquer non seulement aux hôpitaux généraux et aux omnipraticiens, mais aussi aux soins à domicile et aux médicaments prescrits en dehors des hôpitaux. De l’avis du Centre, le financement public du coût des médicaments améliorerait de beaucoup la vie de bon nombre de personnes souffrant de maladie mentale, qui ont besoin d’une pharmacothérapie à long terme. Dans leur cas, l’accès aux médicaments est essentiel pour leur permettre de conserver leur emploi, leur logement et leurs autres liens avec la collectivité qui contribuent à leur traitement et à leur guérison.[465]
Bon nombre de témoins appuient le travail déjà entrepris par les premiers ministres afin d’étendre l’accès aux soins à domicile aux personnes atteintes de maladies mentales. Ils soutiennent que tout programme national de soins à domicile devrait s’appliquer aux personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie.
9.5.2 Le financement fédéral
Les transferts fédéraux aux provinces et territoires pour financer les soins de santé sont versés au titre du Transfert canadien en matière de santé (TCS). Il n’y a jamais eu et il n’y a pas non plus à l’heure actuelle de transfert expressément versé à une province ou à un territoire pour financer les soins de santé mentale et le traitement de la toxicomanie. À l’heure actuelle, aux termes de l’Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, le TCS sert à financer les soins de santé mentale actifs offerts dans la collectivité,[466] mais aucune proportion précise du transfert n’est expressément réservée à cette fin.
La Société pour les troubles de l’humeur du Canada recommande qu’une partie des paiements de transfert fédéraux au titre des soins de santé serve expressément à financer la prestation de soins de santé mentale. La Société soutient que deux conditions devraient se poser à l’obtention de ce financement : 1) les provinces et les territoires ne devraient pas être autorisés à réduire leurs dépenses au titre des soins de santé mentale; 2) les programmes provinciaux de soins de santé mentale devraient faire l’objet d’évaluations constantes afin de garantir l’optimisation des ressources[467]
D’autres témoins ont proposé au Comité une solution qui consisterait à hausser les recettes perçues pour financer le traitement et la prévention de la toxicomanie. Selon le modèle dit « de garantie comportementale », une partie des fonds prélevés grâce aux activités qui s’appuient sur les comportements associés à une dépendance (tabac, alcool, jeu) pourrait servir à financer les programmes de prévention et de traitement de la toxicomanie.
La Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario a signalé au Comité que le gouvernement de l’Ontario a adopté un modèle de garantie comportementale en 1999 pour financer un ensemble de services intégrés de lutte contre la dépendance au jeu. Conformément à ce modèle, 2 p. cent des recettes brutes des machines à sous des casinos provinciaux à vocation caritative et des hippodromes sont investis dans le traitement, la prévention et la recherche. En 2002‑2003, cette formule a généré environ 36 millions de dollars de recettes, soit un montant suffisant pour financer la mise en œuvre d’une solution globale à cet épineux problème.
Voici ce qu’affirme M. Wayne Skinner, directeur clinique, Programme des troubles concomitants, Centre de toxicomanie et de santé mentale (Toronto), dans son mémoire :
(…) il importe de reconnaître que plusieurs comportements à caractère toxicomagène sont réglementés par l’État qui en tire des revenus considérables. On pensera au tabac, à l’alcool et, plus récemment, au jeu. On estime que près de la moitié des recettes provenant de la vente d’alcool et des jeux de hasard sont attribuables à 10 p. cent des consommateurs qui dépensent le plus dans ces activités. Ce groupe, qui compose les 10 p. cent en question, est celui qui présente le plus de risques de développer une dépendance. Comme plus de la moitié des recettes perçues provient de ce segment plus vulnérable de la population, le gouvernement devrait envisager d’adopter des stratégies anticipatoires de prévention, de traitement et de recherche en matière de comportement toxicomanogène et de problèmes de comorbidité en santé mentale. De plus il ne fait aucune doute que l’argent investi dans les dépenses sociales visant à prévenir et à traiter les problèmes de toxicomanie et de santé mentale procure un excellent rendement. Il ne serait pas déraisonnable de s’attendre à ce qu’une plus grande part des revenus fiscaux générés par les comportements potentiellement toxicomanogènes soit réinvestie pour venir en aide aux personnes qui en subissent les méfaits.[468]
9.5.3 L’initiative nationale pour les sans-abri (INSA)
Dans son mémoire au Comité, Bill Cameron, directeur général du Secrétariat national pour les sans-abri, souligne que l’intervention de l’INSA en matière de santé mentale est de deux ordres : 1) financement de projets communautaires et 2) programme de partenariat en recherche.[469]
L’organisation « Horizon Housing Society » est un exemple de projet communautaire financé grâce à l’INSA. Elle a fait l’acquisition d’un immeuble à appartements à Calgary afin d’offrir des logements provisoires aux personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie, qui sont déjà itinérants ou risquent de le devenir. Le programme de recherche porte sur des questions comme la disponibilité et l’accessibilité des services de santé mentale pour les sans-abri, l’incidence de la maladie mentale chez les sans-abri et le lien de cause à effet entre la désinstitutionalisation et l’itinérance. La recherche financée grâce à l’INSA est aussi menée en partenariat avec les IRSC.[470]
Selon Bill Cameron, bon nombre de services de santé mentale offerts aux itinérants finissent par être dispensés par les salles d’urgence. De plus, les sans-abri sont confrontés à de nombreux obstacles qui rendent difficile l’accès aux soins de santé dont ils ont besoin. Par exemple, un grand nombre d’entre eux n’arrivent pas à obtenir un rendez-vous chez un médecin, et il leur est difficile de recevoir des soins coordonnés parce qu’ils n’ont pas d’adresse, ni d’endroit où il est possible de les joindre. Par ailleurs, de nombreuses femmes itinérantes atteintes de graves maladies mentales ne reçoivent pas les soins nécessaires, apparemment parce que leurs problèmes de santé mentale ne sont pas dépistés et aussi parce que les services destinés à répondre aux besoins particuliers des femmes sans abri se font rares.[471]
M. Cameron a également fait mention d’autres lacunes importantes dans les services communautaires et l’aide aux sans-abri, notamment en ce qui concerne les logements d’urgence, les logements supervisés et les services de santé mentale offerts dans les collectivités.[472] Aux dires de M. Cameron, l’accès à un logement supervisé sûr et abordable est de façon générale un élément important de l’aide à offrir aux sans-abri, mais ce soutien n’est peut-être pas suffisant pour les personnes atteintes de maladies mentales ou de toxicomanies graves. Il faut avoir accès à des infrastructures de soutien à long terme, comme des logements et des services d’aide d’urgence ainsi que des logements de transition, pour venir en aide aux sans-abri chroniques. Des mesures préventives sont également nécessaires, par exemple, des logements abordables à l’intention des personnes qui viennent de terminer un séjour dans un établissement psychiatrique et des services de suivi intensifs à court terme pour celles qui viennent de sortir de l’hôpital, d’un refuge ou de prison.[473]
9.6 BESOIN D’UN PLAN D’ACTION NATIONAL SUR LA SANTÉ MENTALE, LA MALADIE MENTALE ET LA TOXICOMANIE
Les témoins ont maintes fois insisté auprès du Comité sur la nécessité pour le Canada de se doter d’un plan d’action national sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie, comme bien d’autres pays l’ont déjà fait. Par exemple, en 1992, l’Australie a adopté une stratégie nationale en matière de santé mentale afin d’améliorer la vie des personnes atteintes de maladies mentales; la même année, le Royaume-Uni a élaboré un plan d’action dans cinq domaines clés de la santé, dont celui des maladies mentales, où sont énoncés les objectifs à atteindre au chapitre de l’amélioration de la santé des personnes atteintes de maladie mentale et de la réduction du taux de suicide; en 1999, le directeur des services de santé publique américains s’est engagé à améliorer la situation des personnes atteintes de maladie mentale aux États-Unis.[474]
Le Canada souffre actuellement d’un cruel manque de leadership au chapitre de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie et, de l’avis de bien des témoins et du Comité, cette lacune a créé un immense vide : les tentatives de réforme des soins de santé ne mettent aucunement l’accent sur la maladie mentale et la toxicomanie; il n’y a aucune délimitation claire des rôles et des responsabilités des différents intervenants. Selon Phil Upshall, président de l’Alliance canadienne de la maladie mentale et de la santé mentale (ACMMSM) :
Le tableau actuel de la maladie mentale et de la santé mentale au Canada est très sombre, à commencer par le vide flagrant observé sur le plan du leadership. (…) Il n’existe aucune politique et très peu de mécanismes pour s’attaquer aux problèmes de maladie mentale et de santé mentale à l’échelle nationale au Canada. Les rôles et les responsabilités des intervenants gouvernementaux concernés restent vagues. Un des principaux obstacles à l’élaboration d’un plan d’action national semble résider dans la répartition des pouvoirs entre les provinces/territoires et le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et des services sociaux. Or, cela ne devrait pas nuire à l’adoption d’une approche cohérente qui permette de répondre de façon équitable aux besoins des Canadiens.[475]
Beaucoup de témoins ont recommandé que le gouvernement fédéral joue un rôle de premier plan dans l’élaboration d’un plan d’action national. L’actuel manque de leadership a, bien sûr, contribué de façon importante à la fragmentation de l’approche adoptée à l’égard de la maladie mentale et de la toxicomanie et à la mise en place de modèles différents d’un territoire de compétence à l’autre, d’où le double emploi et le gaspillage de ressources. Ainsi, le Dr James Millar, directeur exécutif, Santé mentale et Services médicaux, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, a tenu les propos suivants :
Au pays, nous n’avons pas une aussi bonne feuille de route. Individuellement, les provinces doivent lutter pour offrir des services appropriés et élaborer différents modèles qui vont de la Commission de la santé mentale du Nouveau-Brunswick à l’Alberta Mental Health Board. Le gouvernement fédéral n’a pas pris les devants pour élaborer une stratégie nationale.[476]
De même, le Dr Sunil V. Patel, président de l’Association médicale canadienne, a affirmé ce qui suit au Comité:
Le Canada est le seul pays du G8 à ne pas avoir de stratégie nationale. Cette lacune a considérablement contribué à la fragmentation des services de santé mentale et au développement de problèmes chroniques, comme les longues listes d’attente pour obtenir des services de santé mentale pour enfants (…)[477]
Il est grand temps de mettre fin à l’absence de leadership national en matière de santé mentale et de toxicomanie. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important dans la collecte de données nationales, dans le soutien de la recherche et dans la diffusion des connaissances de même que dans la sensibilisation des Canadiens aux problèmes de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie. Bon nombre de témoins ont mentionné que le gouvernement fédéral avait un rôle crucial à jouer pour subvenir aux besoins de logements, de revenus et d’emplois des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie. Il a de plus un rôle direct à jouer dans la prestation de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie à l’intention des Autochtones, des détenus sous responsabilité fédérale, des anciens combattants et des membres des Forces canadiennes, du personnel de la GRC et des fonctionnaires fédéraux.
Même si de nombreux témoins sont favorables à l’exercice d’un leadership national, certains soutiennent que la situation ne pourra progresser que si le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec les provinces et les territoires. Ainsi, le Dr Pierre Beauséjour, conseiller médical principal, Alberta Mental Health Board, a exprimé l’avis suivant :
Même si nous reconnaissons que l’élaboration d’un plan d’action national sur la santé mentale et la maladie mentale exige un leadership national de la part du gouvernement fédéral, nous sommes d’avis qu’il est absolument essentiel d’en arriver à un consensus sur les objectifs, les normes et les responsabilités applicables à l’échelle nationale en matière de santé mentale et que le leadership exercé par les provinces et par les territoires à en matière de santé mentale est aussi nécessaire que celui du gouvernement fédéral.
Nous croyons fermement qu’un partenariat axé sur les résultats, une nouvelle définition claire des rôles et des responsabilités et une synergie des efforts entre le gouvernement fédéral ainsi que les provinces et territoires sont nécessaires pour élaborer et mettre en place un cadre stratégique national multipartite en matière de santé mentale.[478]
Des témoins ont soutenu que le cadre national doit comprendre des normes relatives à la prestation des services pour tous les aspects de la santé mentale, depuis la prévention, la promotion et la défense de la santé mentale en passant par les services offerts dans la collectivité ainsi que les services aux malades hospitalisés et les services spécialisés. Ce cadre doit couvrir toutes les périodes de la vie et doit veiller à ce que les rôles et les responsabilités soient clairement définis tout au long du continuum des soins. De plus, parce que la plupart des maladies mentales ont des racines dans l’enfance et l’adolescence, il faut accorder une attention particulière à la santé mentale des enfants et des jeunes. C’est là un aspect qui est depuis trop longtemps négligé. Nous devons nous attaquer au problème à la racine avant qu’il n’entraîne de graves séquelles. Outre les enfants et les adolescents, d’autres groupes ont aussi été mentionnés parmi ceux dont la situation exige une intervention immédiate, notamment les Autochtones, les aînés, les détenus sous responsabilité fédérale, les femmes et les immigrants reçus.
La prévention du suicide est un autre aspect prioritaire d’un éventuel plan d’action. Le fait est que le Canada, contrairement à l’Australie, à la Finlande, à la France, aux Pays-Bas, à la Nouvelle-Zélande, à la Norvège, à la Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis, n’a pas de stratégie nationale de prévention du suicide. Bon nombre de témoins qui ont comparu devant le Comité ont demandé instamment que le gouvernement fédéral travaille de concert avec les provinces/territoires et les intervenants pour élaborer une telle stratégie. Selon le Dr Paul Links, titulaire de la chaire Arthur Sommer Rotenberg d’études sur le suicide, dans les pays où il existe une stratégie nationale sur la prévention du suicide, le taux de suicide a baissé de 10 à 20 p. cent.[479] Par ailleurs, le Centre de prévention du suicide a indiqué au Comité que seulement deux provinces, soit le Nouveau-Brunswick et le Québec, ont adopté une stratégie expressément axée sur la prévention du suicide. Des témoins ont exhorté le gouvernement fédéral à travailler de concert avec les provinces/territoires et les intervenants pour élaborer une stratégie nationale de prévention du suicide.
Un certain nombre de témoins ont évoqué la possibilité de coordonner la stratégie nationale en matière de santé mentale et la Stratégie nationale antidrogue. Étant donné le taux élevé de troubles concomitants (maladie mentale et toxicomanie), il est crucial d’établir des liens entre les deux. Par exemple, une surveillance nationale de la prévalence des troubles liés à la consommation d’alcool ou de drogues dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue serait extrêmement utile aux efforts déployés pour planifier les services destinés aux personnes atteintes de troubles concomitants.
Par l’intermédiaire de la Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale (ACMMSM), une vingtaine d’ONG représentant les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie, leurs familles et les organismes fournisseurs de services sont arrivés à un consensus sur la nécessité d’un plan d’action national sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie.[480] Ce plan d’action national comporte quatre grands volets : éducation et sensibilisation du public; cadre stratégique national; recherche et surveillance :
· Des campagnes de sensibilisation du public et de la formation professionnelle dans un vaste éventail de sujets touchant le travail social et la médecine peuvent aider à réduire les stigmatisation et la discrimination associées à la maladie mentale, à la toxicomanie et au comportement suicidaire.
· Un cadre stratégique national est nécessaire pour déterminer et mettre en œuvre des pratiques exemplaires (de traitement, de prévention et de promotion) et planifier les ressources humaines (psychiatres, psychologues, infirmières et infirmiers en psychiatrie, spécialistes en toxicomanie, travailleurs sociaux, etc.). Un leadership national est également nécessaire pour élaborer un vaste cadre stratégique et multipartite permettant de garantir un accès équitable à une aide communautaire et professionnelle d’un bout à l’autre du pays.
· Le gouvernement fédéral est le mieux placé pour établir et soutenir un programme national de recherche en santé mentale, en maladie mentale et en toxicomanie. Les priorités de la recherche doivent être définies, le financement de la recherche doit être accru et la collecte de fonds par le secteur bénévole doit être renforcée.
· Un système national de surveillance doit être mis en œuvre pour surveiller de près et évaluer l’incidence et la prévalence de la maladie mentale et de la toxicomanie (ainsi que du comportement suicidaire). Les données recueillies à l’échelle nationale pourraient aussi servir à rendre compte de l’efficacité avec laquelle le système répond aux besoins des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie.[481]
Beaucoup de témoins ont insisté sur le fait qu’un plan d’action national sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie ne peut être élaboré qu’avec la collaboration du gouvernement fédéral, des provinces et territoires, des ONG et des autres intervenants, notamment les malades eux-mêmes. Dans ce contexte, voici la position exprimée par la Société canadienne de schizophrénie :
Tous les niveaux de gouvernement devront participer, de concert avec les organismes non gouvernementaux, pour créer un plan d’action national et en faciliter la mise en œuvre (…). Les autorités en place, comme les hôpitaux, les associations professionnelles et les organismes bénévoles qui ont servi de solution de fortune dans le système actuel, sont prêtes à être parties prenantes aux solutions retenues par le Canada en matière de soins de santé mentale. Le plus gros défi des gouvernements réside dans la coordination d’un système gouvernemental à niveaux multiples, qui au départ n’a pas été créé pour travailler de concert et intégrer des organismes non gouvernementaux comme partenaires à part entière. Seul un effort concerté dans ces secteurs permettra au Canada d’effectuer un virage dans le domaine des soins de santé mentale, qui permettra de traiter et de soutenir efficacement les personnes atteintes de maladie mentale et leurs familles et de réduire le fardeau imposé aux particuliers, aux familles et à la société [en raison des troubles mentaux].[482]
Comme l’a souligné Phil Upshall, président de l’ACMMSM, il faut prendre des mesures dès maintenant :
L’heure est à l’action (…) Quinze ans se sont écoulés maintenant depuis la publication du document de discussion du gouvernement fédéral intitulé La santé mentale des Canadiens : Vers un juste équilibre, dans lequel la vision nationale de promotion de la santé axée sur « la santé pour tous » est liée à la santé mentale. D’autres rapports importants de même que de nombreux documents de discussion et documents sur les politiques provinciales et régionales ont recommandé des changements importants pour améliorer les services et les programmes à l’intention des personnes atteintes de maladie mentale grave, et proposé des mesures concernant les services de santé mentale pour enfants, la prévention du suicide, les peuples autochtones, les contrevenants et la population carcérale. La poussière continue de s’accumuler sur ces rapports et les Canadiens continuent d’attendre, puisque peu des recommandations et des idées énoncées dans ces documents ont été mises en œuvre.[483]
Dans l’ensemble, les témoins ont réclamé un engagement de la part de tous les ordres de gouvernement à agir et à travailler de concert à l’élaboration d’objectifs communs et à la création d’un cadre national intégré et cohérent sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. L’un des aspects qui semble avoir échappé au gouvernement fédéral à cet égard, c’est qu’il a la responsabilité directe de plus d’un million de Canadiens, dont certains sont aux prises avec de graves problèmes de santé mentale.
9.7 UNE APPROCHE BASÉE SUR LA SANTÉ DE LA POPULATION
Le réseau de soins de santé doit non seulement traiter la maladie mentale (…) mais le Canada doit prendre des mesures proactives reposant sur les grand déterminants de la santé afin de protéger et de préserver la santé mentale de toute sa population, y compris des personnes qui vivent avec la maladie mentale. Améliorer les conditions sociales qui, nous le savons, sont nécessaires au maintien d’un bon état général de santé mentale (p.ex., environnement social et matériel sain, solides capacités d’adaptation et services de santé), est un élément essentiel pour influer positivement sur la santé mentale des malades et contribuer à leur rétablissement.
[Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Comité, juin 2003, p. 3]
La santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie sont fortement influencées par une grande variété de facteurs, notamment la biologie et la génétique, le revenu et la réussite scolaire, l’emploi, l’environnement social, etc. Cette réalité fait clairement ressortir la nécessité d’adopter à l’égard de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie une approche axée sur la santé de la population, dont la portée dépasse les soins de santé proprement dits.
Le Comité s’est fait dire à maintes reprises qu’il est difficile de traiter et de guérir un malade, lorsque les besoins fondamentaux au chapitre du logement, du revenu et de l’emploi ne sont pas satisfaits. Bien des témoins ont souligné qu’il serait sage que le gouvernement prenne des mesures pour répondre à ces besoins, puisqu’il a été démontré que l’accès à un logement, à un revenu et à un emploi améliore l’état clinique, réduit le nombre d’hospitalisations et permet aux personnes atteintes de maladie mentale de rester dans leur foyer et dans leur collectivité. C’est aussi une condition primordiale pour pouvoir participer à la société et jouir de ses droits de citoyen sans être victime de stigmatisation et de discrimination.
Le logement a été largement reconnu comme étant un aspect prioritaire de toute politique sur la santé mentale, tant au niveau fédéral que provincial. Ce qu’il faut maintenant, c’est une intervention de la part des deux ordres de gouvernement pour mettre en œuvre de nouveaux programmes de logements et de logements supervisés, puisque la politique et les études actuelles ont clairement démontré qu’il est possible à divers groupes de personnes souffrant de troubles mentaux de tenir un logement si elles disposent d’un soutien suffisant. L’accès à un logement et à un soutien convenables peut remplacer le recours à une hospitalisation à long terme et ainsi réduire la dépendance de la société et des principaux intéressés à l’égard des coûteuses places à l’hôpital et en établissement.
L’accès à un revenu suffisant et à un emploi est un autre déterminant clé de la santé qui doit être prioritaire dans toute stratégie sur la santé mentale. Bien des personnes atteintes de maladie mentale doivent, à un moment ou à un autre, dépendre des programmes gouvernementaux de soutien du revenu, qui sont leur seule source de revenu et grâce auxquels elles peuvent se procurer leurs médicaments sans frais. Malheureusement, bon nombre de ces programmes offrent de trop maigres prestations, ne sont pas réalistes dans leur évaluation du coût de la vie, créent des obstacles à l’emploi et ne sont pas suffisamment souples pour répondre à la nature épisodique de la maladie mentale. De plus, l’incapacité est souvent définie de façon trop restrictive, d’où l’impossibilité pour bien des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie de se prévaloir de ces programmes. En Ontario, par exemple, les programmes provinciaux de soutien du revenu excluent purement et simplement les personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie de la définition d’incapacité. Ces obstacles systémiques dans les programmes gouvernementaux de soutien du revenu doivent être levés de façon que les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie puissent avoir accès à un soutien de base qui les aidera à recouvrer la santé et à rester en santé.
Le soutien à l’emploi est aussi un domaine clé où les gouvernements peuvent faire davantage. Les personnes aux prises avec divers problèmes de santé mentale sont capables d’occuper un emploi, si elles ont accès à des moyens de soutien adaptés qui tiennent compte de l’évolution de leurs besoins tout au long de leur traitement et de leur processus de guérison. Il y a aussi lieu de mettre davantage l’accent sur l’adoption de mesures pour vraiment adapter le milieu de travail aux besoins des personnes atteintes de maladie mentale. Il convient par ailleurs d’inciter les établissements d’enseignement et les autres milieux d’apprentissage à être mieux à l’écoute des besoins des personnes atteintes de maladie mentale de façon à leur faciliter l’accès aux programmes d’acquisition de compétences, de formation et d’études.
Tant du point de vue fédéral que national, il est évident que le rôle du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la santé mentale, à la maladie mentale et à la toxicomanie ne se limite pas aux activités de Santé Canada. Les politiques, programmes et services connexes relèvent davantage de la sphère sociale et de la justice, plutôt que du secteur traditionnel des soins de santé. D’autres ministères fédéraux, comme Développement des ressources humaines Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada, Anciens combattants Canada, Services correctionnels Canada et Justice Canada, sont au nombre de ceux qui participent activement aux initiatives fédérales et nationales. En ce qui concerne le milieu de travail, le Conseil du Trésor, en sa qualité d’employeur des fonctionnaires, a un rôle important à jouer pour aider ses employés atteints de maladie mentale ou de toxicomanie.
L’examen des activités du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux groupes précis sous sa responsabilité ne permet guère de conclure à l’existence de stratégies ciblées sur des groupes précis, encore moins d’une vaste stratégie fédérale de portée universelle. Aucun effort apparent n’est actuellement déployé pour élaborer un cadre fédéral global et coordonné avec la collaboration de l’ensemble des ministères ou organismes concernés. Dans la plupart des cas, il existe peu d’indices de l’existence d’une stratégie réfléchie et inclusive visant à répondre aux besoins de l’un ou l’autre des groupes relevant de la responsabilité fédérale en matière de santé mentale. Les services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie de même que les efforts déployés en vue de promouvoir la santé mentale et de prévenir la maladie mentale demeurent très fragmentés et relèvent de plusieurs ministères et services ministériels distincts. Une plus grande collaboration permettrait d’en arriver à une approche mieux intégrée à l’égard de la santé mentale. Ce serait là un pas important vers l’adoption d’une politique axée sur la santé de la population.
Le Comité partage aussi l’avis de certains témoins selon lesquels il y a lieu de resserrer les liens entre les gouvernements fédéral et provinciaux de même qu’entre les différents systèmes qui se chevauchent – soins de santé, santé mentale, toxicomanie, justice, soutien social, etc.
Enfin, il serait également important que le gouvernement fédéral prêche par l’exemple. S’il doit jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration d’un véritable plan d’action national sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie, il doit aussi démontrer qu’il a la volonté et la capacité d’offrir des services de santé mentale aux groupes dont il a la responsabilité directe. De façon claire, il est temps de remédier à l’ambivalence démontrée au fil des ans par le gouvernement fédéral au sujet de l’importance accordée à la santé mentale dans ses politiques et ses programmes.
[320] L’information contenue dans cette section se fonde sur les cinq documents suivants : 1) Leonard I. Stein et Alberto B. Santos, Assertive Community Treatment of Persons with Severe Mental Illness, New York, 1998; 2) Organisation mondiale de la santé, “Historical Perspective”, section 3, in The Mental Health Context, Mental Health Policy and Service Guidance Package, Genève, 2003; 3) Organisation mondiale de la santé, « Résolution des problèmes de santé mentale », chapitre 3, dans La santé mentale : Nouvelle conception, nouveaux espoirs, Genève, 2001; 4) Pamela N. Prince, “A Historical Context for Modern Psychiatric Stigma”, dans Mental Health and Patients’ Rights in Ontario: Yesterday, Today and Tomorrow, publié par le Bureau de l’intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques, Ontario, 2003, p. 58-60; 5) Association canadienne pour la santé mentale, Au service de l’esprit – Une étude des services psychiatriques au Canada, Toronto, 1963.
[321] Stein et Santos (1998), p. 6.
[322] Stein et Santos (1998), p. 6.
[323] Prince (2003), p. 58.
[324] OMS (2003), p. 17-19, OMS (2001), p. 49, et Stein et Santos (1998), p. 6-7.
[325] Stein et Santos (1998), pp. 6-7.
[326] Stein et Santos (1998), p. 8.
[327] Stein et Santos, (1998), p. 6-8, et OMS (2001), p. 49.
[328] Association canadienne pour la santé mentale (1963), p. 2.
[329] Ibid.
[330] L’information contenue dans cette section se fonde sur les neuf documents suivants : 1) Santé et Bien-être social Canada, Services de santé mentale au Canada, Ottawa, 1990; 2) V. E. Appleton, « Psychiatry in Canada A Century Ago », Canadian Psychiatric Association Journal, vol. 12, n° 4, août 1967, p. 344-361; 3) Elliot M. Goldner, De la connaissance à la pratique – Le Fonds pour l’adaptation des services de santé : La santé mentale, Série de rapports de synthèse, Santé Canada, 2002; 4) Cyril Greenland, Jack D. Griffin et Brian F. Hoffman, « Psychiatry in Canada from 1951 to 2001 », dans Psychiatry in Canada: 50 Years, Association des psychiatres du Canada, 2001, p. 1-16; 5) Quentin Rae-Grant, « Introduction », dans Psychiatry in Canada: 50 Years, Association des psychiatres du Canada, 2001, p. ix-xiii; 6) Henri Dorvil et Herta Guttman, 35 ans de désintitutionalisation au Québec, 1961-1996, Annexe 1 du rapport du Comité de la santé mentale du Québec intitulé Défis de la reconfiguration des services de santé mentale, 1998; 7) Julio Arboleda-Florez, Mental Health and Mental Illness in Canada : The Tragedy and the Promise, mémoire au Comité, 19 mars 2003; 8) Paula Goering, Don Wasylenki et Janet Durbin, « Canada’s Mental Health System », dans International Journal of Law and Psychiatry, vol. 23, n°s 3-4, mai-août 2000, p. 345-359; 9) Donald Wasylenki, « The Paradigm Shift From Institution to Community », chapitre 7, dans Psychiatry in Canada: 50 Years, Association des psychiatres du Canada, 2001, p. 95-110.
[331] Santé et Bien-être social Canada (1990), p. 15.
[332] V.E. Appleton (1967), p. 344-361.
[333] Elliot Goldner (2002), p. 1.
[334] Greenland, Griffin et Hoffman (2001), p. 2.
[335] L’hydrothérapie consiste à traiter des maladies par l’utilisation interne et externe, copieuse et fréquente d’eau pure. Le coma insulinique était un traitement rarement utilisé de la maladie mentale consistant à provoquer un coma hypoglycémique à l’aide d’insuline.
[336] La TEC est une procédure qui consiste à faire passer un faible courant électrique dans une région du cerveau pendant une à trois secondes afin de provoquer des changements neurochimiques associés au soulagement de symptômes psychiatriques; la stimulation électrique provoque également une brève crise, dont l’apparence est modifiée par des relaxants musculaires. Elle dure généralement de 20 à 30 secondes et se termine ensuite spontanément. Le patient est anesthésié et endormi pendant le traitement et la crise.
[337] Santé et Bien-être social Canada (1990), p. 15.
[338] Quentin Rae-Grant (2001), p. x.
[339] Greenland, Griffin et Hoffman (2001), p. 3.
[340] Greenland, Griffin et Hoffman (2001), p. 2.
[341] Santé et Bien-être social Canada (1990), p. 15.
[342] Dorvil et Guttman (1998), p. 116.
[343] Donald Wasylenki (2001), p. 95-110.
[344] Comme la Commission Bédard au Québec (1961-1962) et la Commission Blair en Alberta (1967-1969).
[345] Association canadienne pour la santé mentale, Au service de l’esprit – Une étude des services psychiatriques au Canada, Toronto, 1963.
[346] Tel que cité et signalé dans Donald Wasylenki (2001), p. 96.
[347] Donald Wasylenki (2001), p. 95-110.
[348] Santé et Bien-être social Canada (1990), p. 17.
[349] Donald Wasylenki (2001), p. 107-109.
[350] Greenland,
[351] Greenland, Griffin et Hoffman (2001), p. 7.
[352] Don Wasylenki (2001), p. 97.
[353] Wasylenki (2001), p. 107-109.
[354] Don Wasylenki (2001), p. 107-109.
[355] Quentin Rae-Grant (2001), p. xi.
[356] Cette section se fonde sur des renseignements fournis dans les deux documents suivants : 1) Santé Canada, « Évolution du traitement de l’alcoolisme et des autres toxicomanies au Canada », dans Profil – Alcoolisme et toxicomanie – Traitement et réadaptation au Canada, Ottawa, 1999, p. 3-5 http://www.hc-sc.gc.ca/hecs-sesc/sca/pdf/profil.pdf; 2) Colleen Hood, Colin McGuire et Gillian Leigh, Explorer les liens entre la santé mentale et l’usage de substances – Document de travail, commandé par Santé Canada, 1996.
[357] À moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans la présente section proviennent des documents suivants : Provincial Mental Health Planning Project, Advancing the Mental Health Agenda – A Provincial Mental Health Plan for Alberta, avril 2004; Alberta Children and Youth Initiative, Children’s Mental Health Initiative, fiche d’information, février 2004; Alberta Mental Health Board, Brief to the Committee, 2003; Alberta Alliance on Mental Illness and Mental Health, Partnership, Participation, Innovation – A Blueprint for Reform, mars 2003; Alberta Health and Wellness, « Transition Underway to Fewer Health Regions, Integrated Mental Health », Communiqué de presse, 23 janvier 2003; Alberta Mental Health Board, Business Plan, 2002-2005, 2002; renseignements obtenus sur le site Internet de la Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission (www.aadac.com).
[358] À moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans la présente section proviennent des documents suivants : Mental Health and Addictions, Ministry of Health Services, Colombie-Britannique, mémoire au Cabinet, 9 septembre 2003; Mental Health and Addictions, Ministry of Health Services, Colombie-Britannique, Development of a Mental Health and Addictions Information Plan for Mental Health Literacy, 2003-2005, 4 février 2003; gouvernement de la Colombie-Britannique, Child and Youth Mental Health Plan for British Columbia, février 2003; Addictions Task Group, Kaiser Youth Foundation, Colombie-Britannique, Weaving Threads Together – A New Approach to Address Addictions in BC, mars 2001; Minister’s Advisory Council on Mental Health, Moving Forward, Rapport annuel 2001; Ministry of Health Services, Colombie-Britannique, Revitalizing and Rebalancing British Columbia’s Mental Health System – The 1998 Mental Health Plan, 1998; renseignements recueillis sur le site Internet de la Régie provinciale des services de santé (www.phsa.ca) ainsi que sur le site de la Mental Health Society ou de l’Hôpital Riverview (www.bcmhs.bc.ca).
[359] Elliot M. Goldner, De la connaissance à la pratique – Le Fonds pour l’adaptation de services de santé – Série de rapports de synthèse : la santé mentale, Santé Canada, 2002, p. 11.
[360] À moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans la présente section proviennent des documents suivants : Association canadienne pour la santé mentale (chapitre de la Nouvelle-Écosse), 2004 Report Card on Mental Health Services Core Standards, 8 mars 2003; Department of Health, Nouvelle-Écosse, Strategic Directions for Nova Scotia’s Mental Health System, 20 février 2003; Department of Health, Nouvelle-Écosse, Standards for Mental Health Services in Nova Scotia, 20 février 2003; Roger Bland et Brian Dufton, Mental Health: A Time for Action, document soumis au ministre adjoint de la Santé, Nouvelle-Écosse, 31 mai 2000; site Internet du Centre de santé IWK (http://www.iwk.nshealth.ca/).
[361] Association canadienne pour la santé mentale (chapitre de la Nouvelle-Écosse), www.cmhans.org.
[362] À moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans la présente section proviennent des documents suivants : Forum provincial des groupes de travail chargés d’étudier la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale, The Time Is Now : Themes And Recommendations For Mental Health Reform In Ontario, rapport final, décembre 2002; Groupe consultatif expert sur les services de psychiatrie légale, Assessment, Treatment and Community Reintegration of the Mentally Disordered Offender, rapport final, décembre 2002; ministère de la Santé et des soins de longue durée, Make it Happen – Operational Framework for the Delivery of Mental Health Services and Supports, gouvernement de l’Ontario, 1999.
[363] À moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans le présent document proviennent des documents suivants : Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Agir Ensemble – Plan d’action gouvernemental sur le jeu pathologique, 2002-2005, gouvernement du Québec, 2002; Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Plan d’action en toxicomanie, 1999-2001, gouvernement du Québec, 1998; Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Québec’s Strategy for Preventing Suicide, gouvernement du Québec, 1998; Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Plan d’action pour la transformation des services de santé mentale, gouvernement du Québec, 1998, Comité de la santé mentale du Québec, Défis de la reconfiguration des services de santé mentale, gouvernement du Québec, 1997.
[364] Les renseignements présentés ici proviennent des documents suivants : Department of Health, Strategic Directions for Nova Scotia’s Mental Health System, gouvernement de la Nouvelle-Écosse, février 2003; Elliot M. Goldner, Série de rapports de synthèse – La santé mentale, De la connaissance à la pratique – Le fonds pour l’adaptation de services de santé, gouvernement du Canada, 2002; gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, Valuing Mental Health – A Framework to Support the Development of a Provincial Mental Health Policy for Newfoundland and Labrador, septembre 2001; Minister’s Advisory Council on Mental Health, Moving Forward, Rapport annuel, gouvernement de la Colombie-Britannique, 2001; ministère de la Santé, Franchir les étapes : Cadre de prestation des services de santé mentale et des services de soutien connexes, gouvernement de l’Ontario, 1999; Comité de la santé mentale du Québec, Défis – De la Reconfiguration des Services de Santé Mentale, gouvernement du Québec, octobre 1997; Unité de recherche de systèmes de santé, Clarke Institute of Psychiatry, Best Practices in Mental Health Reform, document de travail préparé pour le Réseau consultatif fédéral/provincial/territorial sur la santé mentale, 1997; Alberta Mental Health Board, Building A Better Future – A Community Approach to Mental Health, gouvernement de l’Alberta, mars 1995.
[365] Groupe de travail fédéral/provincial/territorial sur la santé mentale et le bien-être des enfants et de adolescents, Celebrating Success: A Self-Regulating Service Delivery System for Children and Youth, document de travail, Santé Canada, 2000, p. 8-10; External Advisory Committee for Child and Youth Mental Health, Child and Youth Mental Health Plan for British Columbia, février 2003 (révisé en juillet 2004), p. 4-9; Charlotte Waddell et. al. (avril 2002).
[366] Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Cabinet, juin 2003, p. 8-9.
[367] Dr Sunil V. Patel, président de l’Association médicale canadienne, mémoire au Cabinet, 31 mars 2004, p. 1‑2.
[368] Patrick Storey, président du Conseil consultatif du ministre sur la santé mentale, Colombie-Britannique (15:8).
[369] Dr James Millar, directeur exécutif, Services de santé mentale et aux médecins, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, mémoire au Cabinet, 28 avril 2004, p. 5-6.
[370] Association canadienne des psychiatres et Collège des médecins de famille du Canada, Shared Mental Health Care in Canada – Current Status, Commentary and Recommendations, rapport du Collaborative Working Group on Shared Mental Health Care, décembre 2000.
[371] Irene Clarkson, directrice exécutive, Santé mentale et toxicomanie, ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique, mémoire au Cabinet, 9 septembre 2003, p. 5-6.
[372] Association des psychiatres du Canada, Human Resource Planning for Psychiatry in Canada – A Background Paper, document non publié.
[373] Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Comité, juin 2003, p. 8.
[374] Statistique Canada, « Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes : Santé mentale et bien-être », Le Quotidien, 3 septembre 2003.
[375] Phil Upshall, président, ACMMSM, mémoire au Comité, 18 juillet 2003, p. 8.
[376] Dr Donald Addington, professeur et chef du département de psychiatrie, Université de Calgary, mémoire au Comité, 29 mai 2003, p. 3.
[377] Champlain District Mental Health Implementation Task Force, « Consumer Charter of Rights for Mental Health Services”, in Foundations for Reform, section 3.1.4, Ontario, décembre 2002.
[378] Société de schizophrénie du Canada, mémoire au Cabinet, 2004, p. 5.
[379] Maureen Anne Gaudet, Division de la santé mentale, Direction des services de santé, Direction générale des programmes et des services de santé, Santé Canada, Vue d'ensemble de la législation sur la santé mentale au Canada, 1994, p. 4.
[380] Maureen Anne Gaudet (1994), p. 17-18.
[381] John E. Gray, Margaret A. Shone et Peter F. Liddle, Canadian Mental Health Law and Policy, 2000, p. 5.
[382] Dans certains cas, toutefois, le patient peut demander au tribunal d’ordonner à l’hôpital de suspendre son traitement.
[383] John E. Gray et Richard L. O’Reilly, « Clinically Significant Differences Among Canadian Mental Health Acts », Canadian Journal of Psychiatry, vol. 46, no 4, mai 2001, p. 320.
[384] John E. Gray, Margaret A. Shone et Peter F. Liddle, Canadian Mental Health Law and Policy, octobre 2000, p. 358.
[385] Conseil du Trésor du Canada, Le rendement du Canada 2003 – Rapport annuel au Parlement, Ottawa, 2004, p. 30.
[386] Tom Lips, conseiller principal, Santé mentale, Division de la santé des collectivités, Direction de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada (11:6).
[387] L’information contenue dans cette section est tirée d’un document de Nancy Miller‑Chenier, Federal Responsibility for the Health Care of Specific Groups, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, à venir.
[388] Affaires indiennes et du Nord canadien, Rassembler nos forces : le plan d’action du Canada pour les questions autochtones, Ottawa, 1997.
[389] Ministère des Finances du Canada, Le plan budgétaire 2003, p. 17.
[390] Le gouvernement du Canada, Discours du Trône, 2004, p. 11‑13.
[391] Santé Canada, Budget des dépenses de 2003‑2004: Rapport sur les plans et les priorités.
[392] D’après les renseignements fournis sur le site Web du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (http://www.ainc-inac.gc.ca/sg/sg4_f.html).
[393] Dre Cornelia Wieman (9:55).
[394] Dr Laurence Kirmayer (9:42).
[395] Dre Cornelia Wieman (9:55-56).
[396] Brenda Restoule (9:49).
[397] D’après Ray Block, directeur général exécutif, Alberta Mental Health Board, mémoire au Comité, 28 avril 2004, p. 10.
[398] Service correctionnel du Canada, Rapport sur les plans et les priorités, 2003-2004, p. 5.
[399] Françoise Bouchard (7:50).
[400] Ibid. (7:51).
[401] John Edwards, commissaire, Directive du commissaire ‑ Services de psychologie, Service correctionnel du Canada, 30 décembre 1994.
[402] Lucie McClung, commissaire, Directive du commissaire – Services de santé mentale, Service correctionnel du Canada, 2 mai 2002.
[403] Irving Kulik, commissaire adjoint, Lignes directrices sur le traitement à la méthadone, Service correctionnel du Canada, 2 mai 2002.
[404] Lucie McClung, commissaire, Directives du commissaire – Prévention, gestion et intervention en matière de suicide et d’automutilation, Service correctionnel du Canada, 3 septembre 2003.
[405] Lucie McClung, commissaire, Directive du commissaire – Services de santé, Service correctionnel du Canada, 17 mars 2003.
[406] Direction des initiatives pour les Autochtones, Délinquants autochtones – Aperçu, Service correctionnel du Canada.
[407] Service correctionnel du Canada, Stratégie nationale sur les services correctionnels pour Autochtones.
[408] Jane Laishes, Santé mentale, Services de santé, Service correctionnel du Canada, Stratégie en matière de santé mentale pour les délinquantes de 2002, 2002.
[409] Service correctionnel du Canada, Programme de prévention de la toxicomanie.
[410] Service correctionnel du Canada, mémoire au Comité, avril 2004.
[411] Le Centre de rétablissement Shepody (région de l’Atlantique), qui compte 40 lits; l’unité Archambault (région du Québec), 120 lits; le Centre régional de traitement de Kingston (Ontario), 149 lits; le Centre psychiatrique régional (région des Prairies), un établissement de 194 lits liés à l’Université de la Saskatchewan, par le biais d’une entente spéciale; le Centre régional de traitement d’Abbotsford (région du Pacifique), 192 lits.
[412] Service correctionnel du Canada, mémoire au Comité, avril 2004.
[413] Françoise Bouchard (7:54-55).
[414] Patrick Storey (15:8-9).
[415] Société canadienne de schizophrénie, mémoire au Comité, 2004.
[416] Françoise Bouchard (7:54).
[417] Anciens Combattants Canada, Programme de soins de santé.
[418] Défense nationale, Services de santé des Forces canadiennes, feuillets de documentation.
[419] Anciens Combattants Canada, L’hôpital Sainte‑Anne.
[420] Anciens Combattants Canada, Pensions d’invalidité.
[421] Défense nationale, Énergiser les Forces.
[422] Ibid.
[423] Anciens Combattants Canada, Réponse du Gouvernement du Canada au rapport du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants sur la qualité de vie dans les Forces canadiennes, 2001.
[424] Ibid.
[425] Anciens Combattants Canada, Stratégie en matière de santé mentale, Article documentaire, 27 février 2004.
[426] Gendarmerie royale du Canada, Renseignements sur la GRC.
[427] Anciens Combattants Canada et la Gendarmerie royale du Canada unissent leurs efforts pour offrir de meilleurs services, communiqué de presse de la GRC, 17 février 2003.
[428] Conseil du Trésor du Canada, Information pour les employés du gouvernement fédéral.
[429] Conseil du Trésor du Canada, Régime de soins de santé de la fonction publique – Protections et dispositions du Régime, juillet 2001.
[430] Ibid.
[431] Conseil du Trésor du Canada, Régime d’assurance-invalidité, novembre 1993.
[432] Conseil du Trésor du Canada, Le programme d’aide aux employés.
[433] Santé Canada, Programme de santé au travail et de sécurité du public.
[434] Santé Canada, Ibid., Gestion du stress traumatique.
[435] Linda Duxbury, Christopher Higgins et Donna Coghill, Témoignages canadiens : À la recherche de la conciliation travail-vie personnelle, Santé Canada, janvier 2003.
[436] APEX, Étude sur l’état de santé des cadres dans la fonction publique du Canada, 27 novembre 2002.
[437] Bill Wilkerson, Texte d’un discours prononcé à un déjeuner d’affaires de l’Hôpital Royal d’Ottawa, 6 mai 2004.
[438] Citoyenneté et Immigration Canada, Rapport sur les plans et les priorités de 2003-2004.
[439] Ibid.
[440] Ibid.
[441] Citoyenneté et Immigration Canada, Programme d’établissement et d’adaptation des immigrants.
[442] Citoyenneté et Immigration Canada, Programme d’accueil.
[443] Citoyenneté et Immigration Canada, Cours de langues.
[444] Citoyenneté et Immigration Canada, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2003.
[445] Citoyenneté et Immigration Canada, Rapport sur les plans et les priorités, 2003‑2004, p. 42.
[446] Conseil du Trésor du Canada, Partenariat fédéral pour les soins de santé.
[447] Santé et Bien-être social Canada, Services de santé mentale au Canada, 1990, gouvernement du Canada, 1990, p. 26.
[448] Ibid.
[449] Dr James Millar, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, mémoire au Comité, 28 avril 2004, p. 4.
[450] Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, Rapport annuel pour l’exercice se terminant le 31 mars 1948, Ottawa, Imprimeur du Roi, 1948, page 77.
[451] Santé et Bien-être social Canada, Les services de santé mentale au Canada, 1990, Gouvernement du Canada, 1990, p. 15.
[452] Ibid., p. 16.
[453] Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis, chapitre 10, 1977, article 27, paragraphe 8.
[454] Loi canadienne sur la santé, 1984 (Loi concernant les contributions pécuniaires du Canada ainsi que les principes et conditions applicables aux services de santé assurés et aux services complémentaires de santé), chapitre C‑6, 1984, article 3.
[455] Le TCSPS a été créé par deux projets de loi budgétaires distincts respectivement déposés en février 1995 et en mars 1996. Son fonctionnement est régi par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.
[456] Loi sur le ministère de la Santé, 1996, chapitre 8.
[457] Un cadre visant à améliorer l’union sociale pour les Canadiens, Entente entre le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux, 4 février 1999; et l’Entente fédérale-provinciale-territoriale en matière de santé, 4 février 1999.
[458] Communiqué sur la santé pour la réunion des Premiers ministres, 11 septembre 2000.
[459] Communiqué, Accord des Premiers ministres pour le renouvellement et la viabilité à long terme des soins de santé pour les Canadiens, 23 janvier 2003.
[460] Pour de plus amples détails sur ces programmes fédéraux, voir le document de William Young, Les personnes handicapées, profil socio-économique et changements proposés, Bulletin d’actualité 95‑4F, Ottawa, Direction de la recherche parlementaire, 1997.
[461] Gouvernement du Canada, Initiative nationale pour les sans-abri.
[462] Dr Sunil V. Patel, président, Association médicale canadienne, mémoire au Comité, 31 mars 2004, p. 3.
[463] Ray Block, directeur général, Alberta Mental Health Board, mémoire au Comité, 28 avril 2004, p. 7.
[464] Dre Diane Sacks, présidente, Société canadienne de pédiatrie (13:53‑54).
[465] Centre de toxicomanie et de santé mentale (Toronto), mémoire au Comité, 27 juin 2003, p. 3.
[466] L’expression « soins de santé mentale actifs offerts dans la collectivité » renvoie aux soins actifs offerts dans la collectivité à des personnes atteintes de maladie mentale qui ont à l’occasion des épisodes de comportement perturbateur en phase aiguë; l’objectif est de prévenir ou de réduire les placements récurrents en établissement.
[467] Société pour les troubles de l’humeur du Canada, mémoire au Comité, 12 mai 2004, p. 7.
[468] M. Wayne Skinner, directeur clinique, Programme des troubles concomitants, Centre de toxicomanie et de santé mentale (Toronto), mémoire au Comité, 2004, p. 6.
[469] Bill Cameron, directeur général du Secrétariat national pour les sans-abri, mémoire au Comité, 29 avril 2004, p. 1.
[470] Ibid., p. 1-2.
[471] Bill Cameron (2004), p. 2.
[472] Bill Cameron (2004), p. 3.
[473] Bill Cameron (2004), p. 4.
[474] Voir le deuxième rapport du Comité : Politiques et programmes de certains pays en matière de santé mentale, pour une description complète des stratégies nationales en matière de santé mentale en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Angleterre et aux Etats-Unis.
[475] Phil Upshall, président, ACMMSM, mémoire au Comité, 18 juillet 2003, p. 7.
[476] Dr James Millar, directeur exécutif, Santé mentale et Services médicaux, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, mémoire au Comité, 28 avril 2004, p. 3.
[477] Dr Sunil V. Patel, président, Association médicale canadienne, mémoire au Comité, 31 mars 2004, p. 2.
[478] Dr Pierre Beauséjour, conseiller médical principal, Alberta Mental Health Board, mémoire au Comité, 2003, p. 1
[479] Dr Paul Links (11:20).
[480] Les organismes suivants se sont regroupés pour former l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale : la Société canadienne de l’autisme, la Société pour les troubles de l’humeur du Canada, l’Association médicale canadienne, l’Association canadienne des soins de santé, le Réseau national pour la santé mentale, le Conseil canadien des programmes de psychologie professionnelle, la Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées, le Collège des médecins de famille du Canada, la Fondation canadienne de recherche en psychiatrie, l’Association canadienne pour la prévention du suicide, l’Association canadienne des ergothérapeutes, la Société canadienne de schizophrénie, l’Association canadienne pour la santé mentale, la Société canadienne de pédiatrie, l’Association canadienne des travailleurs sociaux, l’Association des psychiatres du Canada, la Société canadienne de psychologie et la Native Mental Health Association of Canada.
[481] Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, A Call for Action: Building Consensus for a National Action Plan on Mental Illness and Mental Health, document de travail, septembre 2000.
[482] Société canadienne de schizophrénie, mémoire au Comité, 2004, p. 3.
[483] Phil Upshall, président, Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, mémoire au Comité, 18 juillet 2003, p. 7.
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