Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 8 - Témoignages du 3 février 2005 (séance de l'après-midi)
REGINA, le jeudi 3 février 2005
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 12 h 50 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergents au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Maintenant que nous sommes tous installés, la séance de cet après-midi à Regina sur l'état actuel des industries de médias canadiennes et des tendances et des développements émergents au sein de ces industries est ouverte.
J'accueille Sharon Butala et Mary Thomson devant le comité. S'il vous plaît, veuillez nous dire un mot sur vous- mêmes, étant donné que vous êtes ici à titre personnel, et ensuite, faites votre exposé.
En discutant avec Sharon et j'ai découvert qu'elle et moi avons grandi tous les deux le long de l'autoroute 55, entre Prince Albert et Nipawin. Pour ceux d'entre vous qui l'ignorez, c'est dans le nord de la Saskatchewan. Alors que je vivais à l'extérieur de la ligne des arbres, Sharon vivait à l'intérieur.
Mme Sharon Butala, à titre personnel : Je vis sur un ranch près d'Eastend, en Saskatchewan, depuis 30 ans sur la ferme familiale de mon mari, Peter Butala. J'écris des livres. Mon 15e sera publié en mars. J'écris surtout sur les agriculteurs et les gens des régions rurales de la Saskatchewan, à la fois des œuvres fictives et non fictives. Mon fils est acteur et vit à Saskatoon avec son épouse et mes petits-enfants.
Mme Mary Thomson, à titre personnel : Je viens tout juste de déménager en Saskatchewan et c'est la cinquième province dans laquelle j'ai habité. Je suis constamment à la recherche d'un espace plus vaste et il semble que ce soit le meilleur endroit pour cela. J'adore cela.
Je m'inquiète du déclin des populations, de la fermeture des petites villes et des défaillances de la communauté, et c'est ce qui m'amène ici aujourd'hui.
Le vice-président : Il s'agira alors d'une perspective très intéressante.
Mme Butala : Premièrement, Mme Thomson et moi aimerions vous remercier de nous avoir invitées à comparaître ici aujourd'hui.
Nous venons d'une région à proximité d'Eastend, située à environ 50 milles de la frontière de l'Alberta et à 30 milles de la frontière du Montana. La ville elle-même compte une population d'environ 600 habitants. Mary vit tout juste à l'extérieur d'Eastend et, moi, j'ai toujours vécu à la campagne.
Le Sud-Ouest de la Saskatchewan est une entité que nous décrivons comme étant délimitée au nord par la rivière Saskatchewan Sud, à l'ouest par l'Alberta, au sud par le Montana et, si vous tracez une ligne le long de la frontière de la municipalité régionale juste à côté de Swift Current jusqu'à la frontière américaine, vous avez une superficie d'environ 38 000 kilomètres carrés. Il y a tout juste un peu moins de 12 000 personnes qui vivent strictement en région rurale, 10 000 personnes et un peu plus dans les villes et villages et 15 000 personnes à Swift Current, pour un total de 37 000 habitants, ce qui correspond grossièrement à un habitant par kilomètre carré.
Il s'agit d'une très grande région comptant une très petite population clairsemée. Il ne s'agit pas d'une de ces régions riches, bien que l'industrie du pétrole y fasse de très bonnes affaires à l'heure actuelle.
Nous sommes représentés au fédéral et au provincial par des députés du nouveau Parti conservateur du Canada, ce qui signifie que toute la région penche vers la droite dans l'échiquier politique.
Nous sommes ici pour parler des journaux, en particulier, parce que c'est ce qui nous trouble, Mary et moi. Notre journal local est publié à Shaunavon, à 25 milles du lieu où nous habitons. Il s'agit d'un hebdomadaire et de l'un des seuls journaux privés qui restent au pays. Il ne traite que des affaires locales et, dans ses reportages, il est sérieusement limité par les mœurs locales; c'est-à-dire que si quelqu'un est coupable d'une infraction, son infraction pourra être décrite dans le journal, mais aucun nom ne sera jamais publié. Tout ce que nous trouvons, c'est « un homme de 26 ans », et cetera. Si nous voulons savoir, nous devons nous fier aux potins, alors c'est inutile; c'est une question plus sociale par nature.
Nous pouvons acheter le Leader-Post de Regina à Eastend; on le reçoit tous les jours, le jour même de sa parution. Je vis à 11 milles de la ville et je ne trouve pas que cela vaut la peine de me rendre en voiture jusqu'en ville. Je ne franchirais pas cette distance pour acheter le Leader-Post. Ce journal est la propriété de CanWest Global, comme vous le savez certainement, tout comme le StarPhoenix de Saskatoon.
Nous pouvons également acheter, à Eastend, le jour même de sa parution, le National Post, également propriété de CanWest Global et journal de droite, ce qui signifie que je ne lis pas de quotidiens.
Nous ne pouvons acheter le seul autre journal national, le Globe and Mail, nulle part au sud de la Transcanadienne. Vous pouvez l'acheter à Swift Current. Mary me dit que vous pouvez l'acheter à Maple Creek, situé sur l'autoroute. Nous avions l'habitude de pouvoir l'acheter; mais cela a cessé d'être possible il y a trois ans. Cela nous semble extrêmement mystérieux, étant donné les diverses raisons que l'on nous a données pour nous expliquer pourquoi nous ne pouvions plus l'obtenir.
Avant le National Post et son blitz rural, qui a commencé à l'époque où il s'agissait d'un journal de la chaîne Hollinger, nous pouvions acheter le Globe and Mail, le lendemain de sa parution, à Shaunavon. Seul un petit nombre d'entre nous désiraient lire ce journal et nous étions prêts à nous rendre là-bas. Soudainement, il y a environ trois ans, nous ne pouvions plus obtenir le Globe and Mail. Nous nous sommes informés de la raison et on nous a dit que la Saskatchewan Transportation Company avait tellement augmenté ses tarifs et qu'il y avait si peu de gens intéressés à acheter ce journal que les coûts pour offrir ce journal étaient devenus prohibitifs pour les commerçants. Toutefois, ils ont continué à livrer le Leader-Post ainsi que le National Post le jour de leur parution.
On nous a dit que s'ils étaient en mesure de livrer le Globe and Mail, il serait en retard de deux jours, même si le National Post arrive le jour même de sa parution. Le National Post et le Leader-Post sont la propriété de la même entreprise et ils sont lus par un plus grand nombre de personnes; peut-être que c'est la raison pour laquelle ils peuvent s'offrir ce qu'on nous a dit être des tarifs prohibitifs dans le cas du Globe and Mail.
Dans cette question, ce à quoi je m'oppose, c'est le résultat, quelle que soit l'explication qu'on puisse donner pour justifier notre incapacité à pouvoir nous procurer un quotidien qui n'est pas de droite, que les gens du Sud-Ouest de la Saskatchewan ne peuvent lire des nouvelles dans un quotidien que par l'intermédiaire de CanWest Global. Par conséquent, CanWest Global non seulement alimente les opinions de la majorité, mais également il a tendance à les renforcer et à les renouveler. Nous n'avons accès à aucune autre voix digne de foi. Lorsque j'aurai terminé, Mme Thomson vous dira tout le mal qu'elle a eu lorsqu'elle est partie en quête d'information.
Si nous abandonnons les médias imprimés comme source d'information immédiate et digne de foi, comme la plupart d'entre nous l'ont fait, nous devons nous fier à des hebdomadaires ou à des mensuels auxquels nous sommes abonnés. Dans le cas de notre famille, il s'agit du magazine Maclean's, qui nous parvient par courrier et qui nous recevons beaucoup plus tard que les kiosques à journaux en ville le reçoivent. La couverture immédiate des nouvelles par les médias imprimés est tout simplement impossible; cela n'existe tout simplement pas.
La radio est une autre solution; cependant, nous ne captons presque aucune station FM dans le Sud-Ouest de la Saskatchewan. Nous pouvons capter CBC Radio One, qui est un poste AM, et une station commerciale de Swift Current qui est centrée sur la vie agricole et rurale; elle a aussi une tribune libre et vend des objets sur les ondes.
De nos jours, nous obtenons nos bulletins météorologiques principalement à la télévision, parce qu'il s'agit d'une question primordiale dans une collectivité agricole que de connaître les prévisions de la météo. Nous avions l'habitude d'obtenir nos bulletins du Montana, parce que tout ce qu'on obtenait en Saskatchewan n'était pas fiable.
Il nous faut payer pour avoir la télévision : nous devons acheter une antenne parabolique et acheter notre programmation. Chez nous, nous captons les stations de Radio-Canada de Halifax, de Montréal, de Toronto, d'Edmonton, de Calgary, de Vancouver et l'autre soir, j'ai regardé la télévision de Thunder Bay et de Prince George. Nous ne captons pas la station de Radio-Canada de Regina ni celle de Saskatoon, c'est-à-dire les postes locaux de Radio-Canada. Nous pouvons avoir la station locale de CTV, c'est-à-dire de Regina. Si nous voulons des nouvelles, nous regardons d'abord la BBC, puis Newsworld et, enfin, CNN. Dans le cas du tsunami, par exemple, c'est la BBC pour nous a donné la meilleure couverture.
Il s'avère qu'il est également possible d'obtenir la radio d'un peu partout au pays à partir de l'antenne satellite en mettant notre téléviseur en marche et en syntonisant les stations de radio. Cependant, il n'y a pas de stations locales non plus, et nous n'avons jamais utilisé cette possibilité. On peut obtenir Edmonton, Toronto, et cetera.
La troisième solution qui reste, c'est l'Internet. Je vis à la campagne et il m'est impossible d'avoir Internet à haute vitesse. Le service d'Internet par accès commuté est beaucoup trop lent pour que l'on puisse lire un journal de cette façon, et les articles ne sont pas les mêmes que ce que vous pouvez lire si vous achetez le journal dans un kiosque. De plus, la plupart d'entre nous n'ont pas les moyens d'avoir une deuxième ligne téléphonique de manière à ne pas bloquer la ligne de téléphone régulière chaque fois que nous mettons nos ordinateurs en marche. De plus, évidemment, la majorité d'entre nous ne choisiraient jamais de lire un journal sur Internet étant donné que ce n'est pas de cette façon que nous le faisons habituellement. Par ailleurs, lire un journal sur Internet coûte beaucoup plus cher que de lire le quotidien acheté dans un kiosque comme vous le feriez dans une ville.
Par dessus tout, les gens de la campagne sont très débrouillards et nous parvenons à nous garder raisonnablement au courant des nouvelles immédiates en écoutant CBC Radio One, et en complétant avec les nouvelles télévisées. Cependant, nous déplorons beaucoup le fait que nous ne pouvons pas nous procurer un quotidien qui est national, digne de foi, bien écrit, intéressant, complet et immédiat et qui en même temps n'est pas de droite.
Nous pensons qu'il s'agit d'une question plus grande que le seul mécontentement d'une poignée de personnes qui ne sont pas sur la même longueur d'onde politiquement que les gens de leur propre région. Les opinions ne peuvent être modifiées ou éclairées par d'autres vues si les seules informations quotidiennes imprimées disponibles viennent d'une seule source qui insiste sur un seul point de vue concernant les événements. L'accès libre et égal à une diversité d'opinions est sûrement un des principes et des droits fondamentaux dans une société démocratique.
Mme Thomson : Depuis que je suis déménagée en Saskatchewan il y a près de deux ans, j'ai été tellement bouleversée en voyant fondre les petites collectivités, en voyant qu'elles constituent une ressource incroyablement précieuse que nous allons perdre. Je pense que le fait d'accroître l'accès aux médias est une façon d'attirer des gens dans ces collectivités, et il s'agit également d'un droit. Par conséquent, je vais traiter de votre troisième question : Les collectivités, les minorités et les centres éloignés sont-ils bien desservis?
Je crois que les collectivités rurales ne sont pas desservies de manière appropriée. Il nous faut plus qu'un service adéquat; nous méritons un accès égal à celui de n'importe quel autre segment de la société canadienne. Votre expression « centres éloignés » laisse supposer plus que l'isolement géographique. Des moyens technologiques et d'autres moyens de diffusion existent maintenant partout au pays. Là où les coûts sont plus élevés, ils devraient être subventionnés de manière que tous les Canadiens soient sur un pied d'égalité.
Les collectivités rurales ont désespérément besoin de revitalisation; les populations vieillissent et diminuent. Les jeunes partent ou déménagement dans les petites collectivités. Je crois que la disparition de ces collectivités aura des conséquences beaucoup plus graves pour la société canadienne que tout ce que nous pouvons imaginer à l'heure actuelle. La revitalisation de ces petites villes aidera à mettre un plus grand segment de la société en contact avec l'agriculture et la nature, deux éléments vitaux pour l'avenir de notre pays.
L'accès égal aux nouvelles et à l'information est un outil vital pour attirer les jeunes familles ici. Les gens seraient davantage intéressés à déménager si on pouvait remplacer l'idée d'être éloignés et coupés du reste du monde par l'idée qu'ils ont accès aux nouvelles et à l'information auxquelles ils sont habitués dans les grands centres.
Nos collectivités ont beaucoup à offrir. Les enfants peuvent grandir dans un environnement sûr et sain. Dans les sociétés rurales, les générations se fusionnent de manière invisible. Les adolescents sont à l'aise avec les personnes âgées et les enfants et ne sont pas dans un état de dépendance à l'égard de leurs pairs. Ils grandissent à l'abri de la consommation effrénée qui est une caractéristique tellement visible de la vie en ville. Les enfants qui grandissent ici sont débrouillards, résistants, confiants et indépendants, véritablement le genre de citoyens qui valent un investissement considérable.
Le sénateur Munson : Pendant que j'écoutais votre description de l'accès aux médias, je me suis revu dans les années 50 dans le nord du Nouveau-Brunswick, mon coin de pays d'origine.
Premièrement, à combien de personnes refuse-t-on l'accès à d'autres formes de médias, à part le National Post et le Leader-Post de Regina et qui les reçoivent un jour en retard?
Mme Butala : Si vous prenez le total de 37 000 habitants et que vous soustrayez les populations de Swift Current et de Maple Creek, on parle d'au moins 20 000 personnes.
Le sénateur Munson : Normalement, les gens n'aiment pas entendre le mot « réglementation ». Avez-vous des suggestions à formuler au présent comité sur la façon de mettre en œuvre une forme quelconque de règlement, par le biais du CRTC, de sorte que vous puissiez avoir accès au moins à la station de Radio-Canada de Regina? Je suis tout simplement estomaqué de voir que vous ne pouvez pas mettre la main sur le Globe and Mail.
Je me souviens d'avoir parlé à un de mes amis de Terre-Neuve. Il a vécu à l'extérieur de Gander pendant longtemps et ensuite, il est déménagé à Ottawa. Il est revenu dans sa collectivité locale et a cherché le Globe and Mail. Il est entré chez le commerçant et a dit vouloir acheter un Globe and Mail et on lui a répondu que tous les exemplaires étaient vendus.
Il a alors demandé : « Eh bien, combien d'exemplaires recevez-vous par jour? ».
« Un », lui a-t-on répondu. Des cas semblables surviennent partout au pays.
Premièrement, veuillez parler de la question du CRTC et des règlements permettant de s'assurer que les gens de votre région ont accès, au strict minimum, à la station de Radio-Canada de Regina.
Mme Thomson : Je ne sais pas si je connais la réponse à cette question. Peut-être n'avons-nous pas fait nos devoirs autant que nous aurions dû le faire. Dans le cas du Globe and Mail, je ne sais pas qui est responsable. Est-ce le distributeur? Est-ce un distributeur partisan? Est-ce le distributeur du National Post? Je croyais que le distributeur apportait tous les magazines au kiosque, mais je l'ignore et j'aurais dû essayer de trouver cette réponse.
Le vice-président : Avez-vous communiqué avec le Globe and Mail?
Mme Thomson : Oui, je l'ai fait. Évidemment, vous parlez à une dame quelconque au téléphone. Elle m'a dit qu'il n'y avait pas de problème et que si quelqu'un qui avait les autorisations d'agent voulaient avoir un exemplaire par semaine ou par jour, l'exemplaire serait livré. Je n'ai pas pensé à lui demander si la livraison aurait lieu la bonne journée parce que j'ai supposé, comme les autres le font, que ce serait le cas. Cependant, nous avons appris depuis que ce n'est pas le cas.
Le sénateur Munson : Pour ce qui est de la télévision, une partie de notre mandat est de faire des recommandations sur le rôle du CRTC. Je suis simplement curieux de savoir si vous pensez vraiment que nous devrions avoir une recommandation précisant que chacune des collectivités du pays a le droit d'être desservies par un télédiffuseur national. Il s'agit d'un droit fondamental, il me semble, que vous soyez à gauche, à droite ou au centre.
Mme Butala : Je pense que nous serions certainement d'accord avec vous à ce sujet. Je n'ai pas appelé le gestionnaire régional de Radio-Canada pour lui demander pourquoi nous ne recevons pas ce poste sur notre antenne parabolique. Je sais que nous pouvons capter la station de CTV de Regina, mais je préfère de beaucoup Radio-Canada. Je ne sais pas si les gens peuvent recevoir cette station par câble en ville. Est-ce le cas?
Mme Thomson : Je l'ignore.
Mme Butala : Nous n'avons pas le câble, ni l'une ni l'autre.
Le vice-président : Est-ce qu'il y a une station de télévision à Swift Current?
Mme Butala : Il y en a une et il s'agissait d'une station affiliée à Radio-Canada; cependant, la station a fermé ses portes il y a quelques années. Lorsque je suis déménagée à cet endroit il y a 30 ans, nous avions dans notre cour une antenne aussi haute que vous pouviez en avoir une. Nous devions sortir et la tourner pour pouvoir capter la station de Radio-Canada de Swift Current et une station de CTV de je ne sais où.
Le vice-président : Je pense que le signal venait de Regina. À Swift Current, ils ne faisaient que le relayer.
Le sénateur Munson : Quel temps fait-il à Halifax, puisque vous captez Halifax?
Mme Butala : Oh, je ne m'inquièterais pas trop à ce sujet.
Le sénateur Munson : Je ne faisais que me poser la question, je pense que c'est vraiment étrange.
Mme Butala : Premièrement, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour faire des recherches afin de savoir vraiment pourquoi nous ne pouvons recevoir le Globe and Mail.
Le vice-président : Nous allons le savoir.
Mme Butala : Nous ne pouvons que vous faire savoir quel est notre problème et vous demander de chercher à savoir pourquoi, quelle est la vraie raison, parce que nous ne sommes pas certaines qu'on nous l'a donnée. Si effectivement il s'agit du fait qu'il y a trop peu de gens intéressés à acheter le journal et que les frais de transport sont trop élevés, alors nous pensons que cette question pourrait être subventionnée de sorte que les commerçants puissent commander ce journal. Mary s'est rendue partout et a trouvé un commerçant à Eastend qui s'est dit prêt à vendre le journal si on pouvait s'arranger pour qu'il lui soit livré.
Mme Thomson : J'ai dû réunir cinq personnes déterminées pendant un mois juste pour obtenir le numéro du samedi, juste pour avoir un pied dans la porte. Lorsqu'il s'est avéré que nous n'obtiendrions pas le numéro du samedi, j'ai perdu intérêt parce que j'ai pensé que je pouvais probablement m'abonner par courrier et peut-être même que je pourrais le recevoir le lundi. C'est à ce moment-là que j'ai baissé les bras.
Le sénateur Carney : Les témoins et moi avons parlé de cette question avant l'audience. J'ai signalé que ma collectivité insulaire de 300 habitants, qui est assez inaccessible, reçoit cinq journaux par jour sauf le samedi, parce que la livraison se fait par navire postal et que le navire postal fait relâche le samedi. Le point que je veux faire valoir, c'est qu'on pourrait dire que certaines collectivités rurales sont trop bien desservies et d'autres pas assez, et qu'il ne semble pas y avoir d'égalité en matière de politique d'accès.
Je veux comprendre clairement. Les deux services de média que vous aimeriez obtenir et que vous ne pouvez pas obtenir sont le Globe and Mail, votre autre voix, et la station locale de Radio-Canada de Regina. Vous n'avez pas les nouvelles locales de Radio-Canada et un journal d'une autre tendance — une diversité d'opinions?
Mme Butala : Oui. De plus, nous ne pouvons pas capter de radio FM, sauf un poste religieux du Montana.
Le sénateur Carney : Par nature, la radio FM a très peu de rayonnement; par conséquent, cela n'est pas inhabituel que vous ne puissiez capter de radio FM. Dans de nombreux endroits au Canada, vous ne pouvez capter de radio FM en dehors des centres urbains à cause de la nature même de ce média.
Au niveau national, nous sommes en présence d'une absence de Radio-Canada locale et d'une diversité d'opinions. En fait, lorsque vous parlez de coûts, tout le monde paie soit des frais de câbles en ville soit des frais de service par satellite dans les zones rurales; je paie les deux et les frais sont à peu près identiques. En termes d'accès, il y a égalité des coûts dans le fait que vous recevez soit le câble pour 44 $ par mois ou vous obtenez une liaison satellite pour 44 $ par mois — ou quelque chose comme cela. En fait, le câble en ville coûte un peu plus cher dans l'Ouest canadien.
Il doit certainement y avoir une façon que vous puissiez obtenir la station locale de Radio-Canada.
Le vice-président : Je pense, Mary, que vous avez parlé du câble. J'allais vous poser la question : avez-vous accès au câble?
Mme Butala : Pas à l'extérieur de la ville.
Le vice-président : Mais en ville, vous avez le câble et vous pouvez obtenir Radio-Canada sur le câble?
Mme Butala : Nous ne le savons pas parce que ni l'une ni l'autre n'avons le câble.
Le vice-président : Du moins, la partie sud de la province capte la station de Radio-Canada de Regina et dans la partie nord de la province, nous avons Radio-Canada en provenance de Saskatoon.
Le sénateur Carney : Il devrait y avoir un moyen. Il s'agit probablement d'un problème technique qui fait que le signal de Radio-Canada de Regina ne peux être transmis par satellite, parce qu'ils ont tout le reste.
Le vice-président : Ce que vous n'avez pas dans le sud, c'est Global sur le câble.
Le sénateur Carney : Soyons très clairs ici. Dans les régions rurales vous n'aurez pas le câble.
Le vice-président : Je viens juste de poser la question au sujet de la ville d'Eastend. En ville, il y a le câble. Dans la région rurale, il n'y en a pas, mais ils peuvent obtenir une liaison par satellite. Je voulais juste m'assurer que nous sachions tous que vous parlez de la région en dehors des limites de la ville d'Eastend.
Le sénateur Carney : La question est la diversité de services et l'accès aux nouvelles locales. Nous parlons de la station de Radio-Canada de Regina et nous parlons de l'absence d'un journal national d'une autre tendance.
J'ignore pourquoi vous ne recevez pas la station de Radio-Canada de Regina. Il pourrait simplement s'agir d'une question technique touchant le satellite et nous pouvons certainement trouver la réponse à cette question.
Quant à la question du Globe and Mail, vous avez parlé d'une subvention. Pourriez-vous m'en dire un peu plus sur ce que vous croyez qui devrait être subventionné, parce qu'il existe beaucoup de journaux sur le marché et je peux très bien m'imaginer que beaucoup de gens diront : « Nous devrions avoir le Winnipeg Free Press », ou « Nous devrions avoir un journal de la chaîne Thomson », ou « Nous devrions avoir un éventail d'opinions diverses ». Pourriez-vous en dire davantage sur ce qui devrait être subventionné?
Je comprends très bien votre problème au sujet de la diversité des opinions. Qu'est-ce qui devrait être subventionné d'après vous?
Mme Thomson : Il me semble que le problème, c'est le transport et c'est ce qui devrait être subventionné. Nous devons avoir accès au journal.
Je pense la même chose dans le cas de l'Internet. Vous me dites, et c'est vrai, qu'il en coûte 44 $ par mois, comme c'est le cas pour nous, mais je pense que les petites collectivités comme celle-ci méritent qu'on leur donne une chance. Il n'y a pas d'emplois, c'est pourquoi les gens partent, mais s'il y a des gens qui peuvent vivre en utilisant leur ordinateur à la maison et qui veulent déménager à cet endroit, je pense qu'ils méritent d'obtenir l'accès à un coût moindre.
Le sénateur Carney : Cela me fait penser à quelque chose de très important concernant le point que vous soulevez. Le gouvernement du Canada a fait des efforts pour étendre l'Internet sans fil aux petites collectivités. La Colombie- Britannique a le même problème. Parfois, juste pour des raisons techniques, vous ne pouvez obtenir un accès commuté. Les services de télécommunications sont extrêmement médiocres. Il pourrait être utile que notre comité explore la possibilité d'accélérer l'accès des petites collectivités au service sans fil.
Il s'agit d'une politique existante et cela signifie probablement uniquement le fait de consacrer plus d'argent pour nous assurer que vous obtenez le service sans fil, que vous obtenez l'accès, par Internet, au Globe and Mail et à d'autres services, y compris beaucoup plus que des journaux.
Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le fait d'étendre le service sans fil d'Internet aux petites collectivités serait utile pour ce qui est d'accroître l'accessibilité?
Mme Thomson : Nous avons l'Internet à haute vitesse en ville.
Mme Butala : Je ne peux y avoir accès.
Mme Thomson : Il y a des possibilités de liaison par satellite pour les gens qui vivent en dehors des limites de la ville, mais les coûts sont horriblement élevés.
Le sénateur Carney : Le gouvernement essaie d'étendre le service sans fil. Est-ce que ce serait quelque chose qui vous serait utile?
Mme Thomson : Absolument.
Le sénateur Carney : C'est mon premier tour de questions. Nous avons au moins établi clairement ce qui, à votre avis, vous serait utile.
Le vice-président : En Saskatchewan, cela ne fait que 20 ans qu'il y a un service individualisé.
Le sénateur Carney : Il veut dire des lignes partagées. J'avais une ligne partagée sur l'île Saturna et le pêcheur qui partageait la même ligne que moi m'a dit, alors que je parlais un jour de semaine : « Pat, laisse le téléphone. Vous, les gens de la fin de semaine », ce que j'étais à l'époque, « avez le droit d'utiliser le téléphone les fins de semaine et nous, les résidents de l'île, en avons l'usage pendant la semaine ». C'était la norme de communication à l'île Saturna.
Le sénateur Merchant : Je n'ai pas grand-chose à demander qui n'a pas déjà été demandé. Lorsque je voyage en Saskatchewan pour me rendre dans des centres de plus grande taille comme Weyburn, Estevan, Prince Albert et North Battleford, je trouve intéressant, lorsque je me présente à la réception de l'hôtel, que seul le National Post soit offert. Je ne sais pas ce qui se passe. Maintenant que j'ai fait beaucoup d'allers-retours depuis Ottawa et que je me rends dans d'autres régions, c'est toujours le Globe and Mail que je trouve derrière la porte de ma chambre. Peut-être que la situation existe ici aussi; je ne suis pas certain du journal que vous avez eu ce matin. Dans tous les autres endroits, ici en Saskatchewan, le National Post semble être omniprésent.
Mme Butala : C'est notre impression également.
Le sénateur Merchant : Je ne sais pas pourquoi les commerçant ont décidé que c'était le journal qu'ils vendraient. Il ne semble pas y avoir le même intérêt pour le Globe and Mail. J'aime lire les deux.
Mme Thomson : C'est un mystère. Lundi, je me suis rendue d'Edmonton à Eastend en automobile. J'avais oublié d'acheter le Globe and Mail, alors j'ai décidé de l'acheter. Je me suis arrêtée dans cinq petites villes en Alberta. On y offre le Globe and Mail à la clientèle, mais tous les exemplaires étaient vendus. Je ne pense pas que ces collectivités soient très différentes de la mienne du point de vue des tendances politiques. Il y a un hiatus ici, quelque chose qui cloche.
Le sénateur Merchant : Je sais que votre situation est très unique, mais à un autre égard, c'est quelque chose qui arrive. Je ne sais pas si c'est la demande, parce que les commerçants n'offriront pas un journal si les gens ne l'achètent pas.
Mme Butala : Exactement.
Mme Thomson : Pourquoi ne font-ils pas un essai pour voir s'il y a une demande pour le journal?
Mme Butala : Lorsque Mme le sénateur Carney parlait de la situation des îles Gulf, je pensais que nous savons que la population de ces îles gonflent durant l'été. Ce sont des personnes plus fortunées, mieux éduquées qui, habituellement, viennent de milieux urbains. Ces gens ont une diversité d'opinions parce qu'ils l'exigent. C'est pourquoi je vous ai dit dès le départ qui étaient nos représentants au fédéral et au provincial, parce que nous vivons dans un petit coin de pays très conservateur et que nous ne sommes desservis que par des journaux qui épousent la pensée conservatrice.
Le vice-président : Est-ce que le Globe and Mail était vendu avant 1997?
Mme Butala : Je pouvais l'obtenir.
Le vice-président : Avant le National Post il n'y avait pas de journal à tendance conservatrice? Il n'y avait que le Globe and Mail?
Mme Butala : C'est exact. Nous pouvions nous le procurer à Shaunavon, qui est à 25 milles de distance par rapport aux lieux où nous vivons.
Le sénateur Merchant : Je ne suis pas certain des faits que j'avance, mais je pense que le National Post est imprimé à Winnipeg et qu'il est transporté à Regina. Chez moi, je reçois les trois journaux : le Leader-Post et les deux autres. La livraison du Globe and Mail n'est pas aussi fiable; certains jours je ne le reçois pas. Je ne sais pas ce qui arrive; peut-être que les avions ne volent pas ce jour-là. Je pense que peut-être la proximité de Winnipeg signifie que les marchandises peuvent être transportées par la route, plutôt que par la voie des airs. Cela n'explique pas pourquoi vous ne pouvez obtenir Radio-Canada.
Mme Butala : Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi le National Post est livré dans notre région le jour de sa parution alors que ce n'est pas le cas du Globe and Mail.
Le sénateur Merchant : Il est transporté par camion.
Mme Butala : Le pharmacien à qui j'ai parlé, la personne qui a cessé de l'avoir lorsque les frais de transport ont augmenté, a dit à ce moment-là qu'il y avait une édition pour l'Ouest. Il a dit qu'elle était imprimée à Brandon, au sud de Winnipeg.
Le sénateur Merchant : Je pense que vous avez raison.
Mme Butala : Je parle du Globe and Mail. Et lorsque ce journal arrivait à Shaunavon, il était un jour en retard.
Le sénateur Merchant : Dans le cas de Radio-Canada, je pense qu'étant donné qu'il s'agit d'un télédiffuseur public, ses services devraient être accessibles partout.
Mme Butala : Oui. C'est très étrange. Je n'ai jamais su pourquoi c'était comme cela.
Le sénateur Merchant : Parce que nous subventionnons ces gens.
Mme Butala : La chose étrange dans cette situation, c'est que je ne savais pas à quoi ressemblaient nos politiciens provinciaux. J'allais à des événements et je n'avais pas la moindre idée de qui ils étaient, parce que je ne les avais jamais vus.
Le vice-président : Je pense que vous êtes chanceuse.
Mme Butala : Il est parfois utile de savoir qui est qui.
Le sénateur Merchant : Le fait que vous ne puissiez pas recevoir Radio-Canada ne peut pas être une conspiration de l'aile droite.
Mme Butala : Ça ne peut pas être cela. J'ignore pourquoi c'est comme cela.
Le sénateur Chaput : Ce n'est pas vraiment une question, je veux juste ajouter à ce que vous avez dit toutes les deux.
Je viens du Manitoba et je vis dans ce que nous appelons une municipalité régionale, à l'extérieur d'une ville, semblable à ce que l'on retrouve en Saskatchewan. Pour la télévision, c'est la même situation : le câble est offert dans les villes; dans les municipalités régionales, nous avons les antennes paraboliques, et ensuite, nous devons acheter des programmes et choisir ce que nous voulons. Avec cette antenne parabolique, vous recevez également ce que j'appelle les canaux de télévision réguliers. Quelques-uns de ces canaux viennent avec n'importe quel forfait que vous achetez.
Il y avait une époque où certaines de nos municipalités ne pouvaient recevoir la station locale de Radio-Canada, comme c'est le cas pour vous en ce moment, mais elles pouvaient recevoir la station de Montréal ou des stations plus à l'est. Les municipalités régionales ont fait des plaintes et maintenant elles reçoivent la station qu'elles voulaient. Je ne sais pas ce qu'elles ont fait, mais elles ont fait des plaintes et en ont parlé et, maintenant, la plupart d'entres elles obtiennent la station locale de Radio-Canada. Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais je pourrais m'informer.
Concernant l'Internet à haute vitesse, je ne l'ai pas à la maison moi non plus. C'est très lent. Je suis dans la municipalité régionale et lorsque je suis allée en ville pour m'en plaindre, on m'a dit que cela coûtait trop cher pour les petites municipalités.
Je pense que le point que je veux faire valoir est le suivant : lorsque nous parlons d'égalité des services aux Canadiens, nous ne recevons pas l'égalité des services dans les régions, dans les municipalités régionales. Je pense que c'est une question qui devrait être examinée très sérieusement par le comité, parce que la technologie, c'est l'avenir et si nous voulons que tous les Canadiens aient le même accès, alors, je pense que nous devons examiner ce que la technologie peut faire. Elle pourrait être un moyen par lequel nous pouvons vraiment obtenir de meilleurs services, même si nous choisissons de vivre dans une collectivité éloignée. C'est tout ce que j'ai à dire.
Le sénateur Carney : Je veux juste explorer cette question parce que, comme je l'ai dit plus tôt, il y a une politique du gouvernement visant à étendre le service. Brian Tobin avait raison lorsqu'il était ministre de l'Industrie et il a mis sur pied un programme d'un milliard de dollars visant à offrir des services sans fil à toutes les petites collectivités. Cela va beaucoup plus loin que la seule lecture des journaux; cela s'applique également aux services météorologiques.
Le météorologiste en chef du Canada a dit au comité du Sénat que le ministère responsable de la météorologie, Environnement Canada, diffuse l'information météorologique sur Internet. Le problème, c'est qu'une petite collectivité qui n'a pas accès à Internet ne reçoit pas l'information météorologique dont elle a tellement besoin, parce qu'elles n'ont pas d'autres sources. Si vous vivez en ville, vous pouvez obtenir toutes sortes de bulletins météorologiques de toutes les stations de radio, et cetera, mais si vous vivez dans une petite collectivité comme la vôtre, ou d'autres petites collectivités, et que la seule source d'information météorologique est l'Internet, vous devez alors avoir accès à l'Internet.
Je pense que l'idée d'appuyer le service sans fil pour toutes les petites collectivités est quelque chose de très important pour nous.
Ma deuxième question est la suivante : que font les jeunes gens dans votre région? Que font les écoles? Comment donnent-elles accès à l'information à leurs élèves? Que font vos bibliothèques? Quelles sont vos autres sources d'information à Eastend?
Mme Thomson : En ce qui concerne les bibliothèques, d'après mon expérience, après avoir vécu dans une petite collectivité de l'Alberta avant de déménager ici, il n'y a pas de comparaison possible. Le système de prêt interbibliothèques ici est beaucoup plus laborieux et limité que dans le système albertain. Il est difficile de ne pas faire de comparaison, parce que chaque petite collectivité de l'Alberta a facilement accès à des tonnes de livres.
Le sénateur Carney : Que font les écoles d'Eastend et de votre région pour donner accès à l'information aux élèves? Le savez-vous? Je connais vos oeuvres, alors j'ai pensé que vous pourriez le savoir.
Mme Butala : Cela fait très longtemps que j'ai travaillé dans les écoles. J'ai des amis dans l'enseignement. Je sais que l'un d'entre eux est un spécialiste de l'éducation à distance — il a une maîtrise dans ce domaine, c'est-à-dire l'éducation des enfants par Internet.
Il n'y a pas beaucoup d'argent là-bas, alors il est certain qu'il n'y a pas un ordinateur par enfant dans l'école. On compte moins de 200 enfants dans cette école, de la maternelle jusqu'à la 12e année.
À part cela, que je sache, ils n'ont rien de plus que la collectivité elle-même. Je ne devrais pas vraiment me prononcer, parce que je ne parle pas en connaissance de cause.
Le sénateur Carney : Si j'étais l'éditeur du Globe and Mail, après toute la publicité que vous faites à ce journal, je vous remettrais personnellement, en main propre, avec des rubans dorés, un exemplaire du Globe and Mail tous les jours.
Mme Butala : Ou le lancer depuis un hélicoptère.
Le vice-président : Y a-t-il d'autres questions? La prochaine personne que j'aimerais inviter à prendre la parole est M. Donald Johnson.
M. Donald Johnson, à titre personnel : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vais me présenter rapidement. J'ai travaillé comme journaliste, réviseur et producteur de segments chez Thames Television, à Londres; au Bureau de la presse canadienne, à Montréal; au Montreal Star, à la Gazette de Montréal; au Vancouver Sun; au Leader-Post; et quelques stations de radio ici et là en Ontario.
Essentiellement, j'ai adopté la position que lorsque vous faites du journalisme, vous n'êtes pas dans une entreprise comme telle; vous êtes dans un service public et quiconque s'oriente dans le journalisme pour diriger un journal, par exemple, assume une responsabilité fiduciaire. Sénateurs, vous parliez ce matin de responsabilité.
Le Vancouver Sun et le Province n'ont pas parlé de vos travaux à Vancouver. Je considère cela comme une négligence face à leur responsabilité fiduciaire qui consiste à garder le public informé. On peut dire, en gros, que les médias d'information ne font pas une très bonne couverture des médias d'information.
Une des raisons, c'est ce que j'appelle la « hantise du propriétaire ». Je présume que vous connaissez tous le sens de l'expression « hantise de la poursuite en diffamation »; c'est-à-dire, l'effet modérateur des poursuites en diffamation qui fait en sorte que les éditeurs de journaux ont tendance à se retenir, à ne pas être trop agressifs, de peur de faire l'objet d'une poursuite en diffamation. Je pense qu'il en coûte environ 3 000 $ uniquement pour faire face à une poursuite en diffamation, et non pas pour se défendre.
La hantise du propriétaire n'est connue, de façon générale, que dans les salles de nouvelles; des gens comme moi qui sont des journalistes à la retraite peuvent en parler. Ce que cela signifie, c'est que je ne serai plus jamais publié dans le Leader-Post ou probablement dans le Globe and Mail.
J'avais l'habitude de rédiger la page en regard de l'éditorial du Globe and Mail, et celle du Leader-Post, lorsqu'ils avaient un budget pour cela, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le type du Globe and Mail ne répond plus au téléphone.
La façon de déclencher la hantise du propriétaire, c'est de proposer une histoire que l'éditeur perçoit comme susceptible de mécontenter le propriétaire. Je vais vous donner un exemple. Nous sommes aux prises avec un véritable fléau de télémarketing au Canada : l'invasion de l'heure du souper. Comme la plupart des Canadiens, je reçois deux ou trois appels par semaine. Si vous travaillez au Globe and Mail et que vous voulez être connu comme un trouble-fête, vous proposez l'histoire suivante : « Je veux rédiger un article sur la façon dont les entreprises téléphoniques ignorent ou dénaturent le fléau du télémarketing ».
Évidemment, le Globe and Mail appartient à Bell Téléphone, alors le responsable des nouvelles vous répondra : « Johnson, allez vous faire voir ailleurs. »
Lorsque je travaillais à la Gazette de Montréal, j'avais une source policière qui m'avait confié que les grands magasins à rayons — Eaton, Simpsons, Ogilvies, Morgans —, qui étaient des annonceurs importants, ignoraient le vol à l'étalage et se contentaient de refiler la facture aux consommateurs.
Naïf — c'était dans les années 60 et j'étais très jeune —, j'ai proposé ce sujet au bureau des informations locales comme un article sur la consommation. Immédiatement, Al Palmer, qui était le reporter principal en matière d'affaires policières, a reçu des instructions pour m'amener à la taverne d'en face pour m'expliquer les réalités de la vie. Une des choses que vous ne voulez pas faire, c'est mécontenter les annonceurs. Alors, j'ai très rapidement abandonné cette idée.
J'essayais de voir comment j'allais vous illustrer la question de la hantise du propriétaire. Je vous invite à poursuivre cette affaire. Ceci vient du site Web de la Banque Royale. Dans la partie consacrée aux fonds mutuels, on parle, en très très petit caractère, là où j'ai la flèche, d'une chose qu'on appelle les commissions.
De nos jours, les banques offrent gratuitement à la plupart des journaux une chronique de conseils financiers rédigée par leurs conseillers financiers. Elles donnent ces chroniques aux journaux. Je crois que les journaux devraient indiquer que cette information est fournie gratuitement. Ce n'est pas du journalisme; c'est un conseil fourni par un organisme qui a des intérêts directs dans cette question.
Je vous recommande la lecture de l'article paru dans le Toronto Star du 15 février 2004 intitulé « Why the ETF message isn't getting out. » L'article traite des commissions. Il s'avère que ces conseillers financiers reçoivent des commissions pour donner un mauvais conseil à leurs clients. Il me semble que lorsque le Leader-Post ou un quelconque autre journal publie une chronique où l'entreprise ou le type qui rédige la chronique reçoit une commission pour vous donner un conseil qui va à l'encontre de vos intérêts, ce journal devrait au moins l'indiquer au bas de la chronique.
Je vous invite à donner suite à cette question. J'ai donné des copies de cette information à votre greffier.
Ce matin, je crois que le sénateur Fraser a demandé quoi faire. Appelez le responsable de la page en regard de l'éditorial du Globe and Mail et dites-lui que vous voulez parler de votre rapport ou que vous voulez écrire au sujet de votre rapport et voyez où cela vous mènera. Communiquez également avec d'autres médias. Ils ne vont pas couvrir vos travaux ni faire de vagues.
Le sénateur Merchant : Lorsque nous étions en Colombie-Britannique, on nous a remis les résultats de l'étude du Consortium canadien de recherche sur les médias, qui est une forme de bulletin sur le travail de la presse, et le résultat est un échec. On parle de partialité des journalistes et de nombreuses autres choses dont je ne me souviens pas maintenant, si le public était intéressé à lire les journaux et ce n'était pas le cas. Il s'agissait vraiment d'un très mauvais bulletin pour le média.
La chose intéressante qu'on nous a dite en Colombie-Britannique, c'était qu'il n'a jamais été fait mention de cette étude, qui a été réalisée, je pense, par l'Université York, l'Université de la Colombie-Britannique et l'Université Laval. Je pense que c'est Ipsos-Reid qui a effectué le sondage, alors il s'agissait d'un rapport très bien fait. Il n'en a jamais été question nulle part dans les médias.
Si n'importe qui d'autre ou n'importe quelle autre entreprise avait fait l'objet d'une étude et avait reçu un mauvais bulletin, vous pouvez être certain que cela aurait été repris dans tous les journaux. Cependant, quelque chose qui a pu être un peu critique à l'égard des médias n'a jamais été publié.
M. Johnson : C'est exact. Dans les médias, les gens qui sont promus éditeurs ou rédacteurs en chef, et cetera, comprennent les règles du jeu et comprennent la tension qui existe entre les nouvelles, les médias d'information et les propriétaires. Vous n'avez pas de promotion si vous faites des vagues.
Le problème, c'est qu'il n'y pas de conséquences au fait de ne pas publier une histoire parce que personne ne le sais. Vous le savez, je le sais, mais le public, lui, ne le sait pas.
Par conséquent, ce que j'ai proposé, c'est soit un conseil de presse soit, comme en Angleterre, une commission de presse. La commission de presse achèterait une demi-page ou quelque chose du genre et ferait publier le rapport. C'est quelque chose que vous devriez envisager, à mon avis. Vous avez accès à des médias d'information et, par exemple, dans le Leader-Post, vous pourriez acheter un quart de page et demander à l'école de journalisme d'écrire un reportage expliquant pourquoi cette question n'a pas eu de couverture. Cependant, l'école de journalisme perdrait probablement une partie de ses places de stagiaires.
J'avais l'habitude de parler à Jim Mackenzie et il se sentait menacé par l'idée de perdre certaines places de stagiaires s'il faisait trop de vague.
Le sénateur Carney : Je vous demande pardon. Je parlais aux autres témoins lorsque vous vous êtes assis à la table. Avez-vous expliqué ce qu'est Briar Patch, le magazine auquel vous êtes affilié? S'agit-il d'un journal sur Internet ou d'un imprimé?
M. Johnson : Je viens juste de leur donner l'histoire. Vous pouvez y avoir accès sur Internet. Il s'agit d'un magazine qui traite de questions politiques qui ont tendance à être assez à gauche.
Le sénateur Carney : Ce n'est pas votre journal?
M. Johnson : Non.
Le sénateur Carney : Lorsque vous parlez d'un conseil national de presse, pourquoi proposez-vous un conseil national, plutôt que des conseils de presse dans toutes les provinces? On nous a dit, je crois, que trois provinces, dont la Saskatchewan, n'ont pas de conseil de presse provincial. Seriez-vous tout aussi heureux avec des conseils de presse provinciaux plutôt qu'un conseil de presse national?
M. Johnson : J'ai parlé au responsable du Conseil de presse de l'Ontario et le problème ici, c'est qu'il est payé par les propriétaires de média; par conséquent, il y a un peu de tension ici.
Je crois qu'un organisme national quelconque, financé à l'aide d'un mécanisme quelconque qui ferait en sorte qu'il n'y a pas de lien entre l'argent et les propriétaires de média, pourrait être efficace.
Le sénateur Carney : Comme le gouvernement?
M. Johnson : Peut-être. Ou peut-être un organisme indépendant, mais il faut couper le lien entre l'argent et les propriétaires. Ce que cet organisme pourrait faire, par exemple, serait de promouvoir la valeur du bon journalisme dans la société. Je crois que les gens dans le cabinet du premier ministre et les gens dans le bureau de Lorne Calbert ici croient qu'ils peuvent vivre avec une salle de presse mal financée, parce que cela ne leur fait pas trop mal. Ils peuvent gérer le message public beaucoup plus facilement.
Nixon a découvert après Watergate ce que c'était qu'une salle de nouvelles bien équipée, dotée d'un bon personnel, expérimenté et intelligent à Washington. À mon avis, si Watergate était survenu à Régina, vous auriez eu une colonne d'environ deux pouces au sujet d'une enquête policière sur une entrée par effraction et on n'en aurait plus jamais entendu parler.
Le sénateur Carney : Ma question, c'est qu'en fin de compte, il n'est pas si important que cela de savoir si le conseil des médias doit être provincial ou national, tant et aussi longtemps que le financement est indépendant des propriétaires?
M. Johnson : Je préférerais un organisme national, mais j'accepterais un organisme provincial.
Je voudrais également signaler que Roy Romanow a offert aux journalistes de la Saskatchewan un collège, un peu comme le Collège des médecins et chirurgiens, et le Barreau pour les avocats, et ils ont refusé. J'aurais accepté pour que les journalistes aient le contrôle des salles de nouvelles dans la province. Je ne crois pas que nous soyons jamais en danger d'assister à une réunion de la société Mensa dans une salle de nouvelles moyenne.
Le sénateur Carney : Je ne vais pas faire de commentaire là-dessus.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ma question concernait le conseil national de presse; mais, on vient de donner toute la réponse, sauf pour ceci : voyez-vous le conseil comme une sorte d'ombudsman?
M. Johnson : Oui. Les plaintes au sujet de la couverture médiatique proviennent maintenant habituellement du public. Les politiciens ne se plaignent jamais et les journalistes ne se plaignent jamais, à moins qu'ils veuillent perdre leur emploi.
Par exemple, à mon avis, un conseil national de presse devrait avoir la capacité d'entendre à huis clos les plaintes formulées par des journalistes actifs. Il devrait avoir la capacité d'exiger un témoignage au sujet, par exemple, des marges bénéficiaires.
Je talonne le gestionnaire de CK Television ici au sujet du budget de ses salles de nouvelles. Il a en fait le front de me dire que son budget a été augmenté. Vous voyez les gens ici avec des caméras de télévision ce matin. Ils font le reportage, l'édition, le son — tout. À l'époque où j'ai commencé en journalisme, il y aurait eu une équipe de trois ou quatre personnes. Et ce type a le front de me dire qu'il a augmenté le budget.
Il me semble que cet organisme devrait avoir la capacité de demander quel est le budget et il devrait y avoir certaines sanctions pour avoir menti.
Le sénateur Munson : La hantise, comme vous l'appelez — se fait-elle sentir à tous les niveaux? Partout au pays? Localement?
M. Johnson : Cela varie selon la salle de nouvelles et la stature du rédacteur de nouvelles. À Londres, lorsque je travaillais à une émission appelée le Today Show à l'Aldwych, le chef de production avait des contacts haut placés au gouvernement, alors il était moins attentif aux desiderata des propriétaires que quelqu'un qui est relativement nouveau et qui est dans un marché plus petit.
Par exemple, Janice Dockham ici n'a jamais travaillé, je pense, que pour le Leader-Post, et elle portera beaucoup plus d'attention aux désirs des Aspers à Winnipeg qu'un rédacteur de gros calibre qui a une certaine réputation.
Le sénateur Munson : Nous avons un commissaire à l'éthique à la Chambre des communes et nous pourrions avoir quelqu'un au Sénat un jour. Peut-être que votre idée d'un ombudsman qui a des dents et du poids serait bonne.
M. Johnson : Vous allez constater au fur et à mesure que vous voyagerez au pays que vos travaux n'auront pas de couverture. Mais si je demande au chauffeur de taxi, comme je le fais, par exemple : « Savez-vous ce qui arrive avec l'argent de vos impôts? »
Il répond : « Oh, je ne le sais pas... »
Je dis : « Vous arrive-t-il jamais de lire le Leader-Post? »
Il répond : « Eh bien, je... » La force de notre démocratie dépend d'un public bien informé, il me semble.
Le vice-président : Le témoin suivant est Kashif Ahmed, directeur des communications, Muslims for Peace and Justice.
M. Kashif Ahmed, directeur des communications, Muslims for Peace and Justice : Brièvement, je suis directeur des communications de Muslims for Peace and Justice, un organisme d'action sociale et de défense des droits des musulmans qui a pignon sur rue en Saskatchewan.
J'aimerais d'abord remercier le comité de me donner l'occasion de lui parler de la question des médias d'information au Canada. J'aimerais mettre en relief pour le comité certains éléments clés concernant les médias d'information et la couverture de l'islam et de la communauté musulmane canadienne, du point de vue de l'organisme que je représente.
Premièrement, je vais parler du point de vue des musulmans canadiens concernant les médias d'information et, deuxièmement, des sujets traités dans les médias concernant les musulmans au Canada.
Un an après la tragédie du 11 septembre, le Canadian Council on American-Islamic Relations a réalisé un sondage auprès de la communauté musulmane du Canada. Selon le conseil, lorsqu'on leur a demandé de se prononcer sur la façon dont les médias canadiens parlaient de l'islam après le 11 septembre, 50 p. 100 des répondants ont indiqué que la couverture était devenue plus partiale. Radio-Canada, le Toronto Star, le Globe and Mail et CTV ont été perçus comme étant les plus justes dans leurs reportages. Le National Post, Global, CanWest et le Ottawa Citizen ont été jugés par les répondants comme étant les plus biaisés.
Pour certains de ces médias considérés comme étant les plus partiaux, pas grand-chose n'a changé malheureusement depuis. Lundi le 31 janvier 2005, le Canadian Islamic Congres a rendu publique sa sixième étude d'évaluation des médias portant sur les principaux journaux canadiens en 2003. Cette étude qui a gagné des prix, a consacré, pour la quatrième année de suite, le National Post comme le principal journal anti-islamique, anti-musulman du pays, pour son utilisation persistante d'une terminologie méprisante à l'égard de l'islam.
Cette attitude a troublé de nombreux membres de la communauté musulmane canadienne. Peut-être que certains sénateurs ici ont eu l'occasion d'examiner ce rapport du CIC.
En Saskatchewan, mon organisme a dû déposer une plainte auprès du CRTC concernant la rhétorique anti- musulmane persistante d'un poste de radio d'information locale populaire et diffusé dans toute la province. Bien que nous chérissions effectivement le droit de parole garanti par la Charte, nous nous inquiétons de plus en plus que cette liberté soit utilisée par certains pour promouvoir une image très partiale et inexacte des musulmans canadiens et de l'islam.
Dans de nombreux cas, cette image manque d'équilibre et ne permet pas de faire valoir l'opinion contraire. Ainsi, le public est souvent exposé à des images fausses et troublantes de la communauté musulmane canadienne et de sa religion.
Après le 11 septembre, de nombreux médias ont offert de l'espace et des occasions aux musulmans pour leur permettre d'exprimer leurs points de vue et de faire connaître les faits sur des questions déterminantes. Cependant, il y a également certains thèmes perpétuels qui, comme l'a signalé le Canadian Council on American-Islamic Relations, sont fréquemment véhiculés dans les journaux qui sont la propriété de CanWest. Les mêmes thèmes ont été relevés dans le cadre de la surveillance de certains médias locaux exercée par mon organisme.
Je vais rappeler brièvement certains de ces thèmes. Premièrement, que la communauté musulmane au Canada est la cinquième colonne — militante et extrémiste — prête à s'engager dans des comportements et des activités subversives. Cette façon de représenter les musulmans est souvent fondée sur de l'information inexacte ou sur des sources douteuses qui n'ont aucun fondement dans la réalité. Une station de radio ici a mis en ondes un invité qui affirmait qu'une école musulmane au Canada endoctrinait les élèves par des enseignements radicaux et extrémistes. Cela s'est tout simplement révélé faux.
On a souvent accusé les musulmans canadiens d'entretenir un silence complice à l'endroit du terrorisme, même si des organisations musulmanes au Canada ont, de nombreuses fois, prouvé le contraire. Haroon Siddiqui, du Toronto Star, a qualifié cette attitude de « test de patriotisme plus rigoureux » pour les Canadiens musulmans.
Nous pensons que les groupes lésés devraient avoir l'occasion de faire part de leur propre interprétation sur des sujets essentiels. Peut-être que si les grands journaux deviendraient membres de conseils de presse accrédités et si les grands réseaux de télévision utilisaient les services d'un ombudsman à l'intention de leurs téléspectateurs, les points de vue exprimés seraient plus variés.
Les médias d'information ont un pouvoir énorme dans l'élaboration de l'opinion publique et des points de vue des Canadiens. Ce pouvoir s'accompagne de responsabilités. Comme le sénateur Davey le faisait remarquer dans le célèbre rapport Davey :
La liberté des médias est limitée par leur responsabilité sociale qui est de respecter la liberté d'accès à des opinions éclairées et diverses.
Nous espérons que cette déclaration sera entendue. Merci de votre attention.
Le vice-président : Pensez-vous que la Société Radio-Canada soit anti-israélienne?
M. Ahmed : Non. Je pense que la Société Radio-Canada essaie de présenter un point de vue plus équilibré sur le Moyen-Orient et la question palestinienne; cependant, des groupes d'intérêt se plaignent toujours des différents types de reportages. Certains dans la communauté juive pensent que la Société Radio-Canada a un point de vue anti- israélien. Je pense qu'elle rapporte les faits tels qu'ils se passent sur le terrain. Cela dépend des points de vue des différentes communautés sur ces questions.
Le vice-président : Est-il possible qu'ils pensent du National Post ce que vous pensez de la Société Radio-Canada?
M. Ahmed : Qu'ils pensent que le National Post est...?
Le vice-président : Juste et objectif.
M. Ahmed : Je ne suis pas sûr. Il faudra leur demander ce qu'ils pensent du National Post. Je peux vous affirmer que la communauté musulmane estime que le National Post et certains journaux importants appartenant à CanWest ont au cours des années, surtout après le 11 septembre, continuellement publié certains articles souvent sans droit de réponse de la part de ceux qui partageaient un point de vue différent.
Le vice-président : Au début de la semaine, les résultats d'un sondage intéressant ont été publiés au début de la semaine par la communauté juive, il me semble, indiquant que les Canadiens se partagent également sur les questions palestinienne et israélienne et qu'il n'y a pas de prépondérance du sentiment anti-israélien ou du sentiment anti- musulman. Convenez-vous que peut-être la majorité des médias, pas nécessairement des médias en particulier, offrent aux Canadiens un point de vue juste et équilibré dans l'ensemble?
M. Ahmed : Oui. Oui c'est vrai dans l'ensemble. Même ici, en Saskatchewan, les médias sont généralement très bonnes. Les reportages sont bons et équilibrés. Toutefois, certains journaux et certaines stations de radio ont des thèmes persistants, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration.
Le sénateur Munson : Vous avez mentionné un sondage que vous avez mené. A-t-il été publié par le National Post ou d'autres journaux?
M. Ahmed : Non. Selon le Council on American-Islamic Relations-Canada, ils n'ont pas publié le sondage.
Le sénateur Munson : Donc vous avez fait un communiqué de presse.
M. Ahmed : Pas moi, l'organisation.
Le sénateur Munson : Vous avez fait un communiqué de presse, vous avez essayé de faire savoir ce qui s'était passé, mais les journaux peuvent choisir de ne pas le publier.
M. Ahmed : Bien sûr.
Le sénateur Munson : Il semble que ce soit un débat public légitime que les journaux auraient dû peut-être signaler. Pensez-vous que ce soit un parti pris, le fait qu'ils vous ignorent?
M. Ahmed : Dans une certaine mesure, oui. Quand nous offrons un point de vue différent, il est souvent rejeté d'emblée. Le Council on American-Islamic Relations a signalé qu'il avait contacté le rédacteur du National Post au sujet de certaines pages en regard de l'éditorial qu'ils avaient tous simplement et catégoriquement refusé. The Globe and Mail les avait publiées sans problème.
Le Congrès islamique canadien a plusieurs fois essayé de rencontrer, en vain, le comité de rédaction du National Post. Pourtant, il n'y a pas eu de problème pour rencontrer des représentants du Globe and Mail ou d'un journal local comme Winnipeg Free Press.
Le fait que certains journaux, comme le National Post, refusent de publier le point de vue des musulmans nous préoccupe alors que souvent, ces partis pris sont imprégnés d'informations inexactes qui se fondent tout simplement sur des insinuations ou alors des informations totalement fausses.
Le sénateur Carney : Monsieur Ahmed, à des fins de précision, dans votre témoignage, et nous n'avons pas de copie, vous dites que la première image des musulmans était très militante, pouvez-vous nous rappeler la seconde image?
M. Ahmed : La seconde est que les musulmans sont accusés d'entretenir un silence complice en ce qui concerne le terrorisme.
Le sénateur Carney : Voilà ce que je ne savais pas, si vous étiez ou non accusés d'être des terroristes.
M. Ahmed : Cette notion est très intéressante. Je la trouve inconcevable parce que mon organisation et des groupes nationaux ont constamment publié des communiqués de presse, des mosquées et des groupes ont déclaré que ce n'est pas quelque chose que nous approuvons, que nous le condamnons, que cela ne fait pas partie de notre foi. Puis, on entend le ponte de Global Television à l'émission Sunday Report déclarer que les musulmans ne condamnent pas le terrorisme, et cetera. Nous étions absolument abasourdis. Ne font-ils tout simplement cas de nos déclarations?
Par exemple, j'ai écrit un article pour le Leader-Post condamnant ce qui s'est passé à Beslan, en Russie avec les terroristes tchétchènes. Quelqu'un a répondu en disant que je tenais deux discours sur le terrorisme, même si mon texte était très clair et sans équivoque. Il y a des gens qui, à mon avis, ont une politique de clocher et décrivent la communauté musulmane comme une entité étrangère à la société occidentale. C'est un jugement dont nous voulons nous défendre et souvent on n'en nous pas l'occasion.
Le sénateur Carney : Pouvez-vous nous dire quel est le nombre de musulmans en Saskatchewan?
M. Ahmed : Environ 4 000.
Le sénateur Carney : En zone urbaine?
M. Ahmed : Oui, principalement en zone urbaine.
Le sénateur Carney : J'ai deux questions à ce sujet. Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur votre groupe, Muslims for Peace and Justice? Est-ce un groupe local ou national?
M. Ahmed : C'est une organisation provinciale. Nous l'avons créée après le 9 septembre en réponse au besoin urgent des musulmans à répondre à certaines choses dans les médias et surtout pour aider notre communauté à affronter la situation difficile après le 9 septembre.
Le sénateur Carney : De quelle façon sont-ils servis au plan des nouvelles? Si vous pouvez écrire pour le Leader-Post de Regina, vous avez donc accès au journalisme qui touche le grand public.
M. Ahmed : Oui.
Le sénateur Carney : Est-ce que la communauté musulmane estime qu'elle est représentée dans les grands journaux ou qu'elle est bien servie par la télévision et la radio locale?
M. Ahmed : Je pense que nous sommes bien servis par les médias locaux. Nos informations, nos événements, nos activités sont bien médiatisés. Toutefois, les musulmans ne sont pas toujours représentés au niveau national, surtout dans les grands journaux comme le National Post.
Le sénateur Carney : Merci de votre excellent témoignage.
Le sénateur Fraser : Ceci est en partie un commentaire et en partie une suggestion. Une de mes amies était un membre important d'une autre organisation musulmane, je lui avais demandée de me constituer un dossier de toutes les déclarations publiques sur le terrorisme faites par son organisation. Je voulais passer ce dossier à l'une de mes connaissances qui déclarait que les musulmans ne disaient jamais rien. C'était un dossier très impressionnant, d'au moins un pouce d'épaisseur. Je ne peux pas dire que j'étais d'accord avec tout ce qu'ils avaient déclaré, mais c'était un dossier très impressionnant, clair et incontestable.
Je suis sûre qu'en tant que groupe local vos moyens sont limités, mais avez-vous envisagé, votre groupe ou d'autres groupes, de rassembler toutes vos déclarations, d'en faire un dossier et d'envoyer cette preuve documentaire chaque fois que vous entendez quelqu'un prétendre que vous ne faites jamais de déclaration. En fait, vous pourriez l'envoyer de toute façon. Peut-être que ces personnes ne retireront pas les propos qui vous ont incité à leur envoyer ce dossier, mais peut-être qu'elles réfléchiront deux fois avant de redire les mêmes choses la prochaine fois.
M. Ahmed : Oui. En fait, toutes nos déclarations sont archivées dans notre site Web.
Le sénateur Fraser : Montrez-les aux gens. N'hésitez pas. Je ne sais pas si vous avez des ressources pour le faire; c'est la raison pour laquelle ce n'est qu'une suggestion. Quand cela a été fait pour moi, j'étais très impressionnée par les résultats, je pense que ce serait utile.
M. Ahmed : C'est une très bonne idée.
Le sénateur Carney : Avez-vous communiqué l'adresse de votre site Web au greffier?
M. Ahmed : Non.
Le sénateur Carney : Pourriez-vous le faire, s'il vous plaît?
Le sénateur Merchant : À l'échelon local, vous êtes très satisfait. Quand vous mentionnez le groupe CanWest, faites- vous allusion à la télévision, et à la presse aussi?
M. Ahmed : Oui.
Le sénateur Merchant : Vous avez mentionné une station de radio.
M. Ahmed : Oui, une station locale.
Le sénateur Merchant : Ils ne possèdent pas de station de radio.
M. Ahmed : Il ne s'agissait pas de CanWest.
Le sénateur Merchant : Pouvez-vous nous dire qui?
M. Ahmed : C'était CJME, CKOM.
Le sénateur Merchant : Parlez-vous de la tribune téléphonique?
M. Ahmed : Oui. C'est une station de radio qui a une tribune téléphonique, des nouvelles, des discussions.
Le sénateur Merchant : S'agit-il d'un animateur ou d'un élément? Est-ce une émission quotidienne?
M. Ahmed : Oui. C'est une émission quotidienne. Il s'agissait d'un élément.
Le sénateur Merchant : Était-ce le même animateur?
M. Ahmed : Oui, certains animateurs.
Le sénateur Merchant : J'aimerais écouter.
M. Ahmed : Nous les avons approchés. Nous avons pris des mesures.
Le sénateur Merchant : Ils ont des stations dans toute la province, donc j'imagine que ce programme est écouté dans toute la province.
M. Ahmed : Il est écouté dans toute la province, oui. Même dans certains coins de Brandon et du Dakota du Nord.
Le sénateur Merchant : Merci beaucoup. Si je savais à quel moment de la journée c'était, ce serait utile. Ce n'est pas à une heure précise de la journée?
M. Ahmed : C'est diffusé dans la matinée de 8 h 30 à 12 h 30. Il y a un deuxième élément de 13 h 30 a`16 h 30.
Le sénateur Chaput : Une question très courte : Si j'ai bien compris, votre organisation répond à une déclaration publique quand vous estimez ou quand vous savez que la déclaration est entachée de préjugé?
M. Ahmed : Oui.
Le sénateur Chaput : Vous répondez et ils n'acceptent pas votre réponse. Quelle est l'alternative? Que pouvez-vous faire d'autre aujourd'hui?
M. Ahmed : L'alternative est d'approcher d'autres services médiatiques avec lesquels nous avons des rapports et qui souvent relaient nos déclarations; par exemple, le Leader-Post. Lorsque nous avons condamné ce qui s'était passé en Russie, quelqu'un a répondu que les bons Musulmans ne condamnaient pas cet acte. Nous avons une bonne relation de travail avec le Leader-Post, je leur ai envoyé une réponse, qu'ils ont publiée, où je disais que seulement la semaine dernière nous avions déclaré que nous condamnions cet acte.
Donc à l'échelon local, nous n'avons pas de problème. Il y a un problème au niveau national avec certains journaux nationaux avec lesquels d'autres groupes ont eu des démêlés.
Le sénateur Chaput : Est-ce que votre organisation reçoit un financement? De quelle façon financez-vous vos efforts?
M. Ahmed : Notre financement provient exclusivement de la communauté musulmane de la Saskatchewan.
Le vice-président : Pouvez-vous nous dire le nom de l'organisation nationale qui a tenté de rencontrer le comité de rédaction du National Post?
M. Ahmed : Le Congrès islamique canadien.
Le vice-président : Les rencontraient-ils au sujet de la question palestinienne?
M. Ahmed : Non.
Le vice-président : Les rencontraient-ils seulement au sujet de l'attitude générale et du contenu éditorial concernant la communauté musulmane?
M. Ahmed : Seulement pour l'attitude générale. Exactement.
Le vice-président : Notre prochain intervenant est Mme Connie Deiter. Mme Deiter est diplômée de l'école de droit Osgoode Hall de l'Université York. Elle a produit des commentaires pour le journal albertain Windspeaker, la Société Radio-Canada et Edmonton Journal.
Je crois que vous êtes chargée de cours depuis 1994 au Saskatchewan Indian Federated College où vous avez élaboré et enseigné des programmes sur le droit des Autochtones, des études sur les Indiens, les questions liées au genre, les systèmes politiques autochtones, la culture crie et les questions liées aux femmes autochtones. Vous êtes certainement un témoin éloquent et érudit.
Madame Deiter, vous avez la parole.
Mme Connie Deiter, à titre personnel : Tout d'abord, je vous prie de m'excuser. Ma réponse n'est pas écrite formellement. Je ne suis pas sûre si savez pourquoi il n'y a pas eu beaucoup d'autres Autochtones qui ont témoigné à ces audiences, est-ce parce que les ressources ne sont pas suffisantes ou à cause de la situation en tant que telle? Dans ce cas, c'est vraiment dommage, car nous avons vraiment besoin d'un porte-parole, d'un défenseur. Je dois dire que les médias ont, dans l'ensemble, répondu de manière positive à cette question.
Par exemple, il n'y a pas de journal qui rende vraiment compte de la situation aux Autochtones du sud de la Saskatchewan. Nous recevons un journal qui vient d'Edmonton, je crois, mais il ne suffit pas à faire passer notre message. Je dois signaler que la réaction de, probablement, tous les médias de la Saskatchewan a été positive à ce sujet.
Je suis préoccupée par le fait que certains reportages reflètent, à mon avis, des comportements qui semblent être systématiques en Saskatchewan.
Les deux communautés vivent séparément, il y a très peu d'interaction entre les deux groupes. Cette situation existe depuis les années 50 ou 60 à l'époque où les Indiens commençaient à quitter les réserves.
Il y a vraiment pas longtemps que les personnes qui n'appartiennent pas aux Premières nations et les non- Autochtones s'intéressent à ce qui se passe dans nos communautés. Par conséquent, des journalistes et d'autres personnes travaillant dans les médias ne comprennent pas bien les questions fondamentales auxquelles sont confrontés les Autochtones et cela se reflète dans leurs reportages.
Par exemple, il y a un mois, le rédacteur du Leader-Post avait écrit un article dans lequel il apportait son soutien à l'application généralisée d'une loi provinciale anti-tabac dans les casinos des Premières nations. En lisant son article, on comprend qu'il espère, en tant que socio-démocrate, que tout le monde soit traité de la même façon. Il pense que nous devrions tous être traités de la même façon.
Les Premières nations et les Autochtones sont très influencés par leur passé historique et par certains processus de la colonisation. Je ne crois vraiment pas qu'on puisse comprendre les problèmes des Premières nations sans comprendre des choses telles que la législation stipulant, jusqu'en 1951, que nous ne pouvions pas quitter la réserve. Nous ne pouvions pas vendre des produits. Nous étions soumis au système de permis jusqu'en 1951.
Ce que j'aimerais proposer, c'est que les gens qui travaillent dans les médias, par exemple ou qui suivent un programme quelconque de journalisme, suivent un cours sur les Autochtones, car ils auront ainsi une meilleure compréhension de la responsabilité du gouvernement fédéral et de la province envers les Autochtones.
Les médias devraient aussi recruter un plus grand nombre d'Autochtones.
Je vous parlerai plus tard de mes expériences avec les médias locaux et qui sont dues à une profonde méconnaissance de certains problèmes de législation et de juridiction auxquels nous sommes confrontés.
Il faut aussi qu'un plus grand nombre d'Autochtones travaillent dans ces médias. Il y a eu deux grands journalistes — Nelson Bird et Mervin Brass de Saskatoon — mais à part eux, je ne pense pas que des Autochtones travaillent à la Société Radio-Canada et je ne suis pas certaine en ce qui concerne Global.
Le fait que des Autochtones ne sont pas employés dans ces organismes me préoccupe. Nous sommes supposés compter pour 14 p. 100 de la population. Je crois que cela devrait se refléter dans la population active, ce n'est pas le cas.
Je m'interroge aussi sur certains de leurs reportages. Par exemple, ils ont été vraiment gentils envers les autorités policières; je dirais même trop gentils. Je peux dire cela car Calvin Johnson, qui est le chef de la police locale, est mon beau-frère.
Il y a de vrais problèmes en Saskatchewan en ce qui concerne les taux d'incarcération des jeunes Autochtones. En effet, en Saskatchewan, le taux d'incarcération des jeunes Autochtones est 22 fois supérieur à celui des autres provinces ou territoires du pays. Je crois qu'on devrait s'intéresser davantage à cette question des droits de la personne. J'en suis consternée.
Je n'ai pas vu d'articles dans le Leader-Post ni entendu quelqu'un mentionner cette atrocité. Je veille personnellement à ce qu'on fasse toute lumière sur cette question.
Il y a aussi l'augmentation de 11 p. 100 du salaire des policiers municipaux. Qui aujourd'hui reçoit une augmentation de11 p. 100? Eh bien! Notre police en a reçu une, sans que les journaux n'en fassent mention. Est-ce qu'une augmentation de 11 p. 100 ne mérite pas que l'on en parle? Cela n'est pas mentionné dans nos médias.
Je vais brièvement parler de certaines plaintes que j'ai déposées et dont le suivi ne m'a pas satisfaite.
Je pense que c'était au cours de l'été dernier ou de l'été précédent, une pièce a été écrite et jouée par le directeur du département d'art dramatique de l'Université de la Saskatchewan. Pauline Johnson y était dépeinte comme une ivrogne qui avait du mal à articuler et qui dénigrait les gens de sa communauté. Il a présenté cela comme de l'art. Je crois que les médias locaux en avaient parlé deux ou trois fois et rien n'avait été mentionné à ce sujet jusqu'au jour où j'ai vu la pièce.
J'ai réuni mes amis et je leur ai dit : « C'est épouvantable. C'est une légende de notre littérature. » Elle était peut-être un peu excentrique, mais ce n'est pas si grave. Personne n'a critiqué le fait que Ernest Hemingway portait des hauts talons et des robes; personne n'avait trouvé cela scandaleux. Cependant, on n'oublie certainement pas de nous rappeler que Pauline Johnson avait un problème d'alcool. Je pense que ce portrait lui porte plus de tort qu'autre chose.
Le vice-président : C'est la raison qui poussait Hemingway à boire autant et on a parlé de son problème d'alcool.
Le sénateur Carney : Beaucoup d'écrivains canadiens masculins ont un problème lié à l'alcool, mais ils ne sont jamais représentés sous cet angle.
Mme Deiter : Vous devriez vous procurer une copie de cette pièce. Elle a du mal à articuler tout au long de la pièce et c'est tout à fait épouvantable.
Il y a peu de temps, j'ai déposé une plainte contre le service de police au sujet d'une affaire personnelle concernant mon fils. J'ai deux fils, l'un âgé de 14 ans et l'autre de 17. La police l'a enfermé une après-midi dans deux cellules à cause de contraventions pour stationnement interdit. J'ai trouvé cela un peu inhabituel.
Ils ont alerté les médias et une dame, d'origine indienne il me semble — je le mentionne seulement parce que j'ai enseigné à l'école de journalisme de l'Université de Regina et que je connais très bien les étudiants qui sont au courant de la situation puisque je leur en ai parlé; ils connaissaient donc les problèmes liés à la loi, à la juridiction, et cetera.
Cette dame semblait être très agressive. Je ne pense pas qu'elle soit de Regina. Je suis sûre de ne l'avoir jamais vue dans mes cours de journalisme.
Elle a tenté de me soutirer des renseignements sur l'un de mes fils. Elle l'a filmé et puis m'a demandé de quoi on l'accusait-on et qui il était. J'ai écrit plus tard une lettre à Global et à quelqu'un d'autre. Le directeur de station m'a téléphoné en me disant qu'elle avait agi d'une manière professionnelle.
Plus tard, elle est venue me voir et a essayé de m'enjôler. Elle a essayé d'obtenir de moi des renseignements personnels sur mon fils, qui est mineur. Elle a tenté de faire cela en m'enregistrant, en me menaçant en quelque sorte — je me suis sentie menacée — de diffuser cette bande sur les ondes.
J'ai déposé plainte. Je vous enverrai toutes les lettres. Je lui ai demandé si elle avait suivi un cours de sensibilisation sur les Autochtones et elle a répondu que non. Le directeur de station n'a pas jugé que son comportement était menaçant ou intimidant.
Je le mentionne, car ces gens ont beaucoup d'influence et si la presse nous tient à l'écart, nous serons vraiment à l'écart.
J'ai eu beaucoup de chance d'avoir comme étudiants des journalistes qui travaillent aujourd'hui. Nous dépendons beaucoup de ces gens, puis de voir des personnes comme cette dame être chargées de ce reportage — nous devons faire passer notre message.
Elle pensait peut-être que cette agressivité fait partie du travail des journalistes. Je ne sais pas. Plus tard, elle m'a dit que c'est la façon de travailler des journalistes et qu'elle ne faisait qu'appliquer à ce qu'on lui avait appris pour les interviews.
Je lui ai dit que je n'étais pas d'accord. J'ai enseigné à l'école de journalisme de l'université et ce genre de comportement qui veut me forcer à répondre par la menace, en menaçant mon fils et en filmant mon fils, est tout à fait inapproprié.
Je dois ajouter quelque chose d'autre à propos du rédacteur, Bob Hughes. Si j'avais les ressources et le temps, je lui aurais demandé des explications. Il a écrit un article qui est une preuve supplémentaire de leur position indiquant qu'ils n'acceptent pas le fait que la Saskatchewan puisse être raciste. À leur avis, il n'y a pas de racistes ici.
Il prétend dans l'un de ses articles qu'il a vu les mots « Continue à travailler, homme blanc, j'ai besoin d'une nouvelle camionnette » sur une affichette collée à l'arrière d'une voiture. J'ai passé toute ma vie à Regina, je connais les communautés autochtones, j'ai assisté à des powwows et des fêtes et je n'ai jamais, jamais remarqué ce genre d'autocollant. C'est révoltant et je proteste. Je pense qu'un tel article est diffamatoire.
Voilà, je suis prête à répondre à vos questions.
Le sénateur Fraser : Tout cela est fascinant et je pensais à beaucoup de choses. J'ai moi-même été journaliste, et quand vous pouvez l'imaginer, ce que vous dites a suscité en moi de nombreuses réactions. Je viens de l'Est.
Il est malheureusement vrai que les journalistes réagissent de cette façon dès qu'ils s'intéressent de près à une communauté — et je ne parle pas de journalistes racistes. Ils sont « naturellement » attirés par les mauvaises nouvelles, pas seulement avec les Premières nations, avec tout le monde.
Il y a longtemps, je me souviens avoir envoyé un journaliste, l'un des meilleurs journalistes que j'ai connus, faire un reportage sur des minorités dans une ville où la population d'immigrants était très variée. Il parlait plusieurs langues et connaissait déjà plusieurs communautés. J'ai donc pensé qu'il était le candidat idéal pour faire un reportage à l'intention du grand public sur la vie des minorités.
Mais j'avais oublié qu'il était un excellent journaliste d'investigation et qu'il dénichera un scandale sur n'importe quel sujet, que ce soit sur la politique ou sur l'industrie de la mode. Et, bien sûr, il a mis au grand jour un scandale dans ce reportage sur les minorités. Étant donné que c'était notre première tentative de reportage sur les minorités qui ne ressemble pas à du folklore, la réaction mécontente des minorités est compréhensible.
Il faut empêcher ce type de comportement, mais on doit bien s'y attendre. C'est ainsi que se conduisent les journalistes, ils recherchent des d'histoires sensationnelles. Cela ne signifie qu'ils nourrissent des mauvaises intentions à l'égard d'une personne en particulier.
Voilà ce que je voulais dire, je vous pose maintenant ma question. Ce matin, le directeur de l'école du journalisme a déclaré qu'il y avait très peu de candidats autochtones. Elle était très contente du fait qu'il y en avait trois ou quatre pour l'année prochaine. Elle était vraiment contente. Si je me souviens bien, nous avons aussi entendu dire à l'Université de la Colombie-Britannique qu'il n'y avait pas beaucoup de candidats autochtones et des Premières nations désireux de devenir journalistes, d'étudier le journalisme.
Je me demande si vous pouvez expliquer ce comportement. Est-ce dû à un manque de sensibilisation? Est-ce que les membres de la communauté pensent que les portes resteront fermées même s'ils reçoivent un diplôme? Est-ce que cela fait simplement partie de la tradition? Quelle est la raison?
Mme Deiter : En Saskatchewan, et peut-être au Nouveau-Brunswick, l'Université de Regina offre un programme de journalisme à l'intention des Premières nations. Ce programme s'appelle INCA, Indian Communications Arts, et il est dommage que des personnes affiliées à ce programme ne soient pas venues témoigner.
Le sénateur Fraser : Le directeur de l'École de journalisme a mentionné ce programme. Nous en avons entendu parlé.
Mme Deiter : Je pense, en me fondant sur mon expérience d'étudiante, après trois ans d'études, on n'a plus très envie de retourner pour continuer à étudier. Des étudiants trouvent un emploi grâce à ce programme. C'est presque un programme de formation au niveau du recrutement. Bien sûr, un diplôme universitaire serait préférable. Je ne sais pas combien d'étudiants, diplômes à l'INCA, pensent que leur diplôme est valide et qu'il leur permettra d'avoir un emploi dans les médias grand public. Je crois que si nous pouvions harmoniser des programmes, on s'y intéressera.
Malheureusement, je pense que c'est ce qui se passe, en tout cas en Saskatchewan. Ceux qui ont suivi ce programme ont très bien réussi, comme Nelson Bird et Mervin Brass.
Le sénateur Fraser : Il y a des opportunités qui se présentent et des modèles d'identification qui se développent. Est- ce que la création de l'APTN, Aboriginal Peoples Television Network, a fait une différence?
Mme Deiter : Je pense qu'on y est encore loin. Cependant, cela nous permet déjà d'avoir une voix qui, par exemple, manque peut-être aux femmes des Premières nations qui habitent à Regina, car nous sommes coupés de nos communautés traditionnelles. Nous n'avons pas directement accès à notre chef. Grâce à l'APTN, les gens peuvent faire des commentaires en direct.
En fait, je devrai probablement signaler que je suis la panéliste nationale de ce mois. Vous pouvez m'entendre aujourd'hui à 6 h 30. Le fait que l'APTN a des panélistes qui se déplacent et qui présentent leur point de vue sur ce qui se passe dans leur propre communauté, est un résultat très positif, certainement pour des personnes qui n'avaient aucun moyen de se faire entendre dans le passé.
Le sénateur Merchant : Pensez-vous que les médias locaux devraient approcher les écoles des quartiers défavorisés le pourcentage d'élèves des Premières nations est très fort afin d'essayer de les faire participer à des projets qui leur permettraient d'être plus à l'aise et de connaître des journalistes même s'ils n'ont pas une origine autochtone?
Étant donné que nous avons une aussi grande population autochtone, et une population jeune, il leur incombe peut- être d'essayer de combler cet écart et de mettre en place des programmes. Pourraient-ils peut-être diffuser un programme de temps en temps depuis l'école Albert School ou l'école secondaire? À votre avis, que pourraient-ils faire?
Ce matin, j'ai demandé si des étudiants des Premières nations participent au programme, il n'y en a pas beaucoup. Peut-être ne font-ils pas suffisamment d'efforts pour attirer les étudiants et qu'ils jugent de manière égale tous les candidats. Il est plus difficile à certains, à cause de leur expérience personnelle, de franchir la première étape. Aussi faut-il parfois leur faciliter l'entrée. Dès qu'ils ont fait le premier pas, ils peuvent se débrouiller très bien, ils s'épanouissent.
Mme Deiter : Je pense que c'est une très bonne idée. Je pense qu'il y a une crise aujourd'hui en Saskatchewan, il faut que nous fassions quelque chose pour l'avenir de cette nouvelle génération. Plus de 40 p. 100 de notre population est âgée de moins de 15 ans, donc, nous devons vraiment établir ces liens.
Par exemple, nous devons vraiment établir un dialogue entre l'ensemble de la société et la contrée indienne. Il y a peu ou pas d'interaction entre ces deux groupes. J'en suis certaine. Vous habitez à Regina et vous savez que c'est vrai, et c'est vraiment dommage.
Que des journalistes viennent — par exemple, mon fils parlait de faire un programme de radio communautaire à l'intention des jeunes Autochtones et de simplement jouer sa musique, mais il ne sait pas du tout comment s'y prendre. Il ne sait pas où il peut recevoir la formation. Ce serait merveilleux s'ils pouvaient faire quelque chose de ce genre.
Le sénateur Merchant : Je me suis rendue compte, durant mes années d'enseignement, que les enfants des Premières nations sont très créatifs. Ils aiment dessiner et danser. Je suis sûre qu'ils pourraient offrir un point de vue différent qui intéresserait une audience composée d'autres enfants des Premières nations qui écouteraient ce genre de programme.
Mme Deiter : Je crois que ce qui manque vraiment ici en Saskatchewan, c'est une émission radiophonique ou une station de radio. Nous avons vraiment besoin de médias qui parlent au nom des Premières nations, des Métis ou des Inuits.
Le sénateur Fraser : Quelqu'un a-t-il demandé des licences radio autochtones?
Mme Deiter : Je pense qu'il y en a une dans la Première nation Okanese qui est une réserve indienne pas très loin d'ici. Je sais qu'il est question d'une station radio nationale autochtone. Il y a quelque chose dans le Nord, mais je ne crois pas qu'il y en ait dans le Sud, en tout cas je n'ai pas pu en trouver. Nous avons grand besoin de bonnes stations de radio.
Le sénateur Merchant : J'ai vu des programmes des Premières nations à la télévision. Est-ce avec la chaîne de télévision CKCK?
Mme Deiter : Oui. Nous avons un programme hebdomadaire d'une demi-heure Indigenous Circle.
Le sénateur Merchant : On n'y traire que de questions autochtones, n'est-ce pas?
Mme Deiter : Oui. Cependant, en considérant que nous compterons bientôt pour 20 p. 100 de la population, je crois que nous méritons un peu plus que cela. Par exemple, j'aimerais voir des reportages sur les sports autochtones. Nous avons d'excellents athlètes et de merveilleuses parties de hockey. J'aimerais aussi voir des reportages sur des conférences, qui sont en fait très intéressants.
Le sénateur Merchant : Peut-être que le Leader-Post pourrait offrir quelques places.
Mme Deiter : J'ai été chroniqueuse pour le Leader-Post pendant une courte période, j'aimerais le faire de nouveau, mais ils n'ont pas fait d'offre.
Le sénateur Merchant : Je pensais à des places pour des jeunes, moins de 20 ans, pour rédiger des articles sur les Premières nations.
Mme Deiter : C'est une excellente idée, mais je ne suis pas sûre qu'il y ait suffisamment de jeunes de cet âge qui aient un point de vue assez large pour le faire. S'ils veulent offrir des places, qu'ils les donnent à quelqu'un capable de présenter clairement les problèmes.
Le sénateur Merchant : Je suis sûre que vous pourrez organiser quelque chose avec leurs enseignants. Il y a de très bons enseignants au Scott Collegiate.
Mme Deiter : Oui. Je sais.
Le sénateur Munson : Bonsoir. Je suis curieux : connaissez-vous la situation de la radio communautaire des Premières nations et le nombre de stations dans tout le pays?
Mme Deiter : Je ne connais pas la situation à l'échelon national. J'ai entendu dire que Gary Farmer essaie de mettre sur pied une émission radiophonique nationale, je pense que c'est une bonne idée. Je sais qu'il y a une émission radiophonique à Hobbema, dans la Première nation Samson, près de Wetaskiwin, juste à l'extérieur d'Edmonton. Je sais que lorsqu'il y aura une émission radiophonique dans leur région, les Autochtones l'écouteront.
Il y a aussi les nouvelles de l'APTN. Le nombre élevé d'Autochtones dans la ville de Regina qui regardent l'APTN pour s'informer m'a vraiment surprise.
Le sénateur Munson : Je devrais le savoir. Faut-il faire une demande au CRTC pour une radio communautaire?
Le vice-président : Oui.
Le sénateur Munson : Je crois qu'une radio communautaire à l'échelon national pour les Premières nations serait quelque chose de très positif que le comité devrait réclamer — une voix d'un océan à l'autre.
Mme Deiter : Surtout pour des régions comme la Saskatchewan.
Le sénateur Munson : On ne peut même pas avoir The Globe and Mail au sud de la Saskatchewan.
La séance est levée.