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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 12 - Témoignages du 8 mars 2005


OTTAWA, le mardi 8 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 37 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je souhaite la bienvenue aux sénateurs et aux membres du public à cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications qui poursuit son étude du rôle que doivent jouer les politiques publiques pour faire en sorte que le secteur des médias canadien demeure solide, indépendant et diversifié face aux profonds bouleversements qui se produisent depuis quelques années. Il s'agit notamment de la mondialisation, des changements technologiques, de la convergence et de la concentration de plus en plus forte de la propriété.

[Français]

Aujourd'hui, nous accueillons M. Guy Crevier, président de Gesca, une filiale à propriété exclusive de Power Corporation. Gesca est le plus grand groupe d'information de langue française au Canada et est propriétaire de plusieurs journaux importants, dont La Presse et Le Soleil.

Merci beaucoup d'être parmi nous. Vous nous avez envoyé votre mémoire — et je suis sûre que tous les sénateurs l'ont déjà lu — mais quand même, nous aimerions que vous fassiez une présentation d'une dizaine de minutes. Ensuite, nous passerons à la période des questions.

M. Guy Crevier, président, Gesca Ltée : Madame la présidente, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à témoigner devant votre comité sénatorial. Aujourd'hui, il nous fait plaisir de vous présenter notre vision et de suggérer quelques pistes de réflexion à propos de la presse écrite, notre principal secteur d'activités. Au cours des prochaines minutes, je vous parlerai de la contribution unique de nos quotidiens et je vous proposerai une mise en perspective de la fragilité de notre industrie.

Permettez-moi tout d'abord de dresser un bref portrait de Gesca et de ses activités. Premier véritable groupe de presse à avoir été créé au Québec, Gesca possède sept quotidiens de langue française qui desservent les grandes régions du Québec et le sud de l'Ontario. La Presse à Montréal, Le Soleil à Québec, Le Nouvelliste à Trois-Rivières, Le Droit à Ottawa, La Tribune à Sherbrooke, Le Quotidien au Saguenay et La Voix de l'Est à Granby.

Depuis peu, l'entreprise a également amorcé des activités dans le domaine de l'Internet, de l'édition et de la production télévisuelle. L'approche de Gesca repose sur une solide tradition. Dans la poursuite de notre mandat d'information, nous nous appuyons sur plus de 35 années d'expérience dans l'édition de quotidiens. Certaines valeurs fondamentales ont guidé notre développement et sont essentielles à l'ensemble de notre groupe. La qualité de l'information, le respect du caractère original de chacun des quotidiens, la reconnaissance de l'indépendance des salles de rédaction, l'affectation de ressources suffisantes aux quotidiens afin qu'ils puissent remplir leur mandat adéquatement et la promotion de la diversité d'opinion sont tous des éléments qui sont chers à notre groupe.

Dans l'ensemble de son réseau, Gesca consacre chaque année plus de 57 millions de dollars pour assurer la vitalité de sa force d'information. Malgré le contexte difficile des dernières années, aucune mise à pied n'est venue affecter le fonctionnement des salles de rédaction de nos quotidiens régionaux. La Presse et Le Soleil ont même bénéficié d'un programme important de renouvellement de leurs effectifs et d'ajout de personnel.

Les salles de rédaction de Gesca disposent d'ailleurs des effectifs journalistiques les plus nombreux parmi les entreprises de communication des marchés desservis. Par exemple, dans la catégorie des quotidiens tirant de 600 000 à 800 000 exemplaires par semaine, Le Soleil de Québec se classe deuxième au Canada pour l'ampleur des effectifs de sa salle de nouvelles et premier pour le nombre de pages rédactionnelles publiées. Ceci même si Le Soleil doit s'appuyer sur de plus petits revenus de tirage et de lignage publicitaire de sa catégorie. Nos ressources sont affectées selon le mandat de chaque quotidien.

Au sein de Gesca, le mandat de couvrir l'actualité internationale a été essentiellement confié à La Presse.La Presse est le seul quotidien de notre groupe qui évolue au sein d'un marché qui peut soutenir une telle orientation. La Presse possède son propre réseau de correspondants à l'étranger et les quotidiens de Gesca peuvent ainsi profiter d'une couverture internationale réalisée par des gens d'ici, pour des gens d'ici, plutôt que se fier uniquement à la couverture relativement anonyme des grandes agences de presse étrangères. Par exemple, lorsqu'une journaliste comme Isabelle Hachey, originaire du Saguenay, couvre l'actualité internationale, elle le fait avec une sensibilité et un bagage culturel bien adaptés aux lecteurs francophones du Canada.

Pour Gesca, la reconnaissance de l'indépendance des salles de rédaction est un aspect essentiel de son fonctionnement. Nous privilégions la qualité de l'information, la rigueur, l'éthique journalistique et l'exercice du droit d'informer en toute liberté et en toute indépendance.

Le respect des normes professionnelles est assuré par une longue tradition de pratiques professionnelles tant des cadres que des journalistes syndiqués. Gesca dispose aussi de règles internes bien établies quant à la circulation de l'information entre ses différents quotidiens. Chacun de ceux-ci choisit de publier, sur une base tout à fait volontaire, des textes rendus disponibles sur l'ensemble du réseau. De cette façon, chaque quotidien est en mesure de rayonner à l'extérieur de sa région et de contribuer à enrichir le groupe par la qualité de ses contenus.

En 2004, plus de 8 700 textes ont ainsi circulé à travers notre réseau. La direction de l'information de chacun de nos quotidiens a le contrôle absolu sur son contenu et décide elle-même de publier ou non un article, un dossier ou un sondage. Au même titre, elle est libre de reprendre selon son seul jugement, des dépêches de la presse canadienne. Chaque salle de nouvelles possède sa propre hiérarchie et relève de la direction de chacun des quotidiens.

Les quotidiens de Gesca favorisent les débats de société et la diversité d'opinion. Solidement implantés dans leur communauté respective, nos quotidiens font avancer les débats en encourageant les lecteurs et les spécialistes à exprimer leur point de vue à l'intérieur des pages d'opinion. À titre d'exemple, La Presse a reçu, en 2004, près le 30 000 lettres de lecteurs; un chiffre qui reflète la volonté des Québécois de s'exprimer sur une foule de sujets qui les préoccupent.

Les quotidiens de Gesca sont aussi des partenaires privilégiés de la presse canadienne. Nous avons toujours appuyé cette organisation et nous avons la ferme intention de maintenir cette collaboration, tant sur le plan financier que celui des échanges d'information. En 2004 par exemple, les quotidiens de Gesca ont fourni près de 60 p. 100 de la totalité des textes acheminés au service français de la presse canadienne. C'est une contribution exceptionnelle. Ces textes peuvent ensuite être repris par d'autres quotidiens francophones tels Le Devoir, le Journal de Montréal, le Journal de Québec, L'Acadie Nouvelle.

Dans un deuxième temps, j'aimerais maintenant insister sur la contribution unique des quotidiens de Gesca à leur communauté et à la culture de notre pays. Aujourd'hui, nos quotidiens s'affirment comme de véritables agents de développement social et économique au sein de leur communauté. Ils y jouent un rôle de premier plan en diffusant une information de qualité, mais aussi en s'imposant comme le lieu de débat par excellence. Ils constituent en quelque sorte la nouvelle place publique où s'affiche la diversité des opinions et des idées. La participation de nos quotidiens à la vie d'une communauté se traduit aussi par des enquêtes sur des sujets d'intérêt public ou par un appui direct à des causes importantes. Par exemple, à Ottawa, Le Droit a notamment contribué à la préservation d'un service public destiné aux francophones en s'impliquant dans le dossier de l'Hôpital Montfort.

Au sein du groupe Gesca, chaque quotidien est aussi identifié fortement à sa région où il exerce une présence active. Nos quotidiens contribuent tous de façon significative à la préservation et à l'épanouissement de notre culture. De façon plus générale, nos quotidiens ont un triple impact sur la culture canadienne.

Premièrement, ce sont des institutions culturelles en soi. Par l'importance de nos archives et par notre capacité à les enrichir chaque jour, nos quotidiens sont en quelque sorte les gardiens fidèles de notre mémoire collective. Parmi les plus anciennes institutions, ils ont joué et jouent encore un rôle important dans la définition de notre identité.

Deuxièmement, nos quotidiens jouent un rôle direct dans la promotion des productions et des événements culturels d'ici. En comparaison avec la couverture culturelle des médias électroniques privés, celle de nos quotidiens est aussi nettement moins axée sur le monde des variétés et des productions commerciales américaines. Plus proche de sa communauté, elle s'applique davantage à faire connaître des artistes qui en sont issus.

Troisièmement, nos quotidiens contribuent à la promotion et à l'essor de la langue écrite. Ce rôle est particulièrement important au Canada francophone où, depuis plus d'un siècle, les journaux de langue française constituent la référence la plus accessible à des contenus rédactionnels de qualité.

Bien enracinés dans leur milieu, ils favorisent la pratique et le développement des habitudes de lecture au sein de la population. À cet égard, notre programme Cyberpresse-école poursuit cet objectif en donnant un accès gratuit à l'ensemble des archives de nos quotidiens de Gesca aux écoles primaires et secondaires du Québec et du sud de l'Ontario.

J'aimerais maintenant aborder la question de notre industrie. Depuis les 15 dernières années, les quotidiens évoluent dans un environnement hautement compétitif. Les principaux indices de performance de l'industrie se sont dégradés. Plusieurs facteurs contribuent à alimenter ce contexte de fragilité : la baisse de lignage et de tirage, le faible taux de lecture au Canada, l'impact du contexte géographique canadien sur la distribution, la spécificité de notre marché publicitaire, la multiplication des médias et l'influence des nouvelles technologies.

Le lignage et le tirage des quotidiens sont en nette diminution sur l'ensemble des marchés nationaux. Selon l'Association canadiennes des journaux, la moyenne des grands quotidiens canadiens a connu une baisse de lignage de l'ordre de 17 p. 100, une chute de l'ordre de 14 p. 100 du tirage depuis 1990. Ce phénomène est notamment dû à la grande diversification des sources médiatiques provoquée par l'explosion des nouvelles technologies.

L'imposition de taxes fédérale et provinciale sur les quotidiens n'a rien fait pour améliorer la situation. Le tirage de nos quotidiens a d'ailleurs chuté de façon significative dès l'introduction de ces nouvelles taxes. Selon les chiffres de l'ABC, l'introduction de ces nouvelles taxes a fait chuter en semaine le tirage moyen des quotidiens de 7,5 p. 100. Cette diminution découle directement et principalement de l'augmentation du prix exigé au consommateur pour chaque exemplaire vendu. C'est une réalité que confirme une étude récente du Newspaper Association of America, selon laquelle 26 p. 100 des lecteurs qui annulent leur abonnement à un quotidien le font en raison du prix. À l'image de ce qui a été fait du côté de l'industrie du livre, l'élimination des taxes à la consommation sur les quotidiens mériterait, à nos yeux, de faire l'objet d'un nouveau débat.

Notre industrie est aussi fragilisée par le faible taux de lecture des quotidiens. Une récente étude de l'Association mondiale des journaux confirme cette réalité en faisant état d'un total de 337 exemplaires de quotidiens vendus par tranche de 1000 adultes canadiens. Bien qu'elle nous situe au 16e rang sur 31 parmi les pays recensés, cette performance n'en demeure pas moins inférieure à celle de pays comme la République de Singapour, la Suisse, la Suède et le Japon. Il serait souhaitable de réfléchir à des façons d'inciter la population, surtout les jeunes, à la lecture de quotidiens.

De nombreuses démarches européennes pourraient servir de base de travail afin de trouver des solutions et des moyens d'action concrets. Les huit propositions du rapport Spitz — un rapport commandé par le gouvernement français — sont intéressantes à ce sujet. On suggère notamment d'instaurer une mesure qui permettrait à chaque citoyen qui atteint l'âge de 18 ans d'obtenir deux mois d'abonnement gratuit à un quotidien de son choix.

J'aimerais également vous parler du contexte géographique canadien en ce qui a trait à la distribution des quotidiens. Le Canada est un pays unique par l'immensité de son territoire et sa faible densité de population. Pour quiconque opère un groupe de presse, ces attributs représentent un défi considérable.

Les coûts de distribution d'un grand quotidien comme La Presse pour les régions éloignées sont parfois excessifs. En tant qu'entreprise privée, nous pouvons difficilement assumer les dépenses nécessaires pour assurer une couverture sur l'ensemble du territoire québécois. Par exemple, l'envoi des 500 exemplaires de La Presse destinés à la Côte-Nord et à la Gaspésie coûte 700 dollars par jour ou 250 000 dollars par année, soit beaucoup plus que le prix de vente du journal. L'augmentation constante des coûts de distribution nous a contraints dans les dernières années à réduire notre rayonnement dans certaines régions. Pour freiner cette tendance, il serait souhaitable de réfléchir à de nouveaux incitatifs visant à favoriser la distribution des quotidiens en dehors des grands centres.

Le marché canadien est également particulier sur le plan des revenus publicitaires, car il est limité par le nombre et l'envergure de ses annonceurs. Selon les chiffres fournis par l'ACJ, le potentiel de revenus par personne des quotidiens au Canada est de 2,6 fois moins élevé qu'aux États-Unis. Ce chiffre grimpe à 6,8 pour ce qui est de l'Internet. Compte tenu de la présence de quatre quotidiens d'importance, sans compter les quotidiens gratuits dans un marché tout petit comme Montréal, c'est un environnement concurrentiel unique en Amérique du Nord.

Au cours des dernières années, les quotidiens ont connu une baisse d'intérêt auprès du public comparé à une popularité croissante des médias électroniques. Selon un sondage réalisé sur le marché américain en juillet 2004 et diffusé par l'Association mondiale des journaux, l'Internet arrive aujourd'hui largement en tête comme le média préféré par la population, suivent ensuite les télés, les livres, la radio et enfin, les quotidiens. Pour reprendre du terrain au cœur d'un tel environnement, nous croyons que la presse écrite doit se démarquer par sa capacité à proposer une information complète, en profondeur, qui valorise l'analyse et qui présente le tout sous une facture moderne et conviviale.

L'augmentation du nombre et la multiplication des types de médias garantissent aujourd'hui l'accès à une offre d'information diversifiée pour l'ensemble de la population. Dans un tel contexte, la naissance de groupes de presse d'envergure est un phénomène à encourager, car ces entités ont les moyens financiers pour soutenir la diffusion d'une information de qualité. Cependant, un problème de concentration surgit lorsqu'un joueur unique possède plusieurs types de médias de premier plan dans un même marché. Sur ce point, nous pensons que les organismes de contrôle et de réglementation au Canada n'ont pas fait preuve d'une diligence suffisante en ce qui concerne le marché canadien.

En plus d'entraîner une multiplication des médias, l'évolution rapide des technologies crée de nouveaux modes de diffusion qui ne sont pas pour la plupart réglementés au Canada. Le développement de la bande passante sur Internet, les réseaux sans fil ou la diffusion par satellite génèrent une pression croissante sur l'industrie canadienne des médias. Face à une plus grande pénétration des contenus étrangers via ces canaux, les consommateurs seront susceptibles de se détourner encore davantage des productions et du contenu canadien.

Déjà le Canada anglais affiche une nette préférence pour les contenus américains à la télé et à la radio. Cette prédominance ne peut aller qu'en s'accroissant avec l'effritement des frontières que favorisent les nouvelles technologies. À l'heure de la mondialisation, les sondages démontrent que les Canadiens sont de plus en plus ouverts. L'accès à une couverture internationale bien identifiée à notre réalité spécifique constitue une richesse et un avantage indéniable pour nos lecteurs. Compte tenu de la fragilisation de notre industrie, offrir une telle couverture représente un défi de plus en plus exigeant, mais combien important, pour les quotidiens. Dans cette optique, une réflexion s'impose quant à la mise en place de mesures incitatives pour l'envoi de journalistes à l'étranger. Ceci représenterait un atout considérable pour les quotidiens canadiens. Les modalités de telles mesures devraient évidemment garantir l'indépendance des choix rédactionnels.

Pour conclure, nos aimerions rappeler que dans une économie ouverte où les sources d'information se multiplient, les exigences du public sont de plus en plus élevées quant à l'excellence et à la rigueur attendues des quotidiens. Pour ce faire, ces derniers doivent évoluer dans un environnement propice à l'atteinte d'un de leurs principaux objectifs, fournir une information de première qualité aux lecteurs canadiens.

Un autre défi important réside dans la capacité de s'ouvrir au changement. En tant qu'institutions enracinées depuis de nombreuses décennies, les entreprises de presse sont souvent frileuses à ce sujet. Il s'agit là d'une question capitale. Afin de demeurer pertinentes, ces institutions doivent aujourd'hui s'ouvrir à d'autres façons de faire et ne pas hésiter à lancer de nouvelles initiatives. L'avenir de notre industrie passe par son aptitude à innover pour s'adapter aux réalités changeantes des lecteurs et des annonceurs.

Au moment où l'industrie des quotidiens est fragilisée, une réflexion est souhaitable pour dégager de nouvelles idées susceptibles de favoriser son essor. Compte tenu de la contribution unique et essentielle des quotidiens, cette question revêt un intérêt primordial pour la société canadienne.

Avant toute chose, nous désirons souligner qu'aucune loi, aucun règlement, aucune politique ne saurait mieux favoriser la qualité de l'information que la volonté et la capacité financière d'un groupe de presse à promouvoir une stratégie de qualité. C'est là que réside la meilleure garantie d'une presse libre et diversifiée.

La mise en place de certains incitatifs nous apparaît cependant souhaitable pour améliorer certains aspects structurels de notre industrie. Le développement de mesures facilitant la distribution selon des normes objectives pour l'ensemble des entreprises serait privilégié afin de mieux servir les territoires éloignés et briser l'isolement. L'abolition des taxes sur les exemplaires de quotidiens et la création de programmes d'encouragement à la lecture représente d'autres initiatives susceptibles de générer des effets positifs. Enfin, la mise en place de mesures incitatives à l' envoi de correspondants à l'étranger fait également partie des avenues à considérer pour donner un nouveau dynamisme à l'ensemble des quotidiens canadiens et offrir de nouvelles perspectives à notre société.

Le Canada peut être fier de ses institutions de presse qui figurent parmi les plus crédibles et les plus performantes dans le monde. Les acquis de notre système et les valeurs qui y sont rattachées constituent une richesse inestimable pour notre pays. Nous devons travailler à les préserver, à les développer dans un esprit de rigueur et de continuité.

Nous espérons que les pistes de réflexion présentées dans ce mémoire vous seront utiles pour dresser un portrait fidèle de l'industrie canadienne des médias d'information et pour mieux comprendre les défis auxquels doivent faire face les quotidiens dans un marché en pleine évolution. Je vous remercie.

La présidente : Merci beaucoup. Il y a énormément de matière et relativement peu de temps. Nous allons donc tout de suite passer à la période des questions.

[Traduction]

Le sénateur Johnson : Bonjour. Power Corporation du Canada est votre maison mère, nous le savons. Quels sont les rapports entre elle et vous du point de vue du fonctionnement de votre journal, et comment faites-vous pour garantir l'indépendance journalistique de vos pages par rapport à la maison mère qui a tellement de pouvoir au Québec à tous les paliers de la gestion, des affaires internationales et des différentes entreprises? Je constate que vous avez un palmarès impressionnant, notamment dans l'industrie cinématographique, et je félicite d'ailleurs le Québec d'être aussi actif dans le monde du cinéma. Mais revenons-en à ma question première concernant la Power Corporation, après quoi j'aurai une autre question à vous poser au sujet de La Presse.

[Français]

M. Crevier : Vous avez raison quand vous décrivez Power Corporation comme étant une compagnie excessivement importante au Québec et au Canada et qui possède plusieurs ramifications en Europe, y compris dans le domaine des communications.

Gesca est une compagnie qui possède son propre conseil d'administration sur lequel siègent des représentants de Power Corporation. Je pense que nous avons la chance d'évoluer dans un environnement où les propriétaires ont un très grand respect de l'indépendance des journaux. Ces gens assument leur rôle au conseil d'administration, mais ils ne se mêlent jamais du contenu et de l'opération quotidienne des journaux. Ce sont des gens qui ont un très grand respect et qui comprennent très bien le fonctionnement des médias de communication. D'ailleurs, cela fait plus de 35 ans que les gens de Power Corporation sont propriétaires de quotidiens.

[Traduction]

Le sénateur Johnson : Vous avez beaucoup investi dans La Presse, pour les reportages à l'étranger surtout, ainsi que pour le journalisme d'enquête et les reportages en général. Vous avez pas mal recruté ces derniers temps, ce qui a donné une vie nouvelle à votre quotidien et, du moins nous dit-on, l'a rendu plus dynamique et plus enthousiaste. Qu'en est-il de vos autres journaux, les journaux plus locaux? Cela leur a-t-il été préjudiciable du point de vue des reportages d'actualité? Ou est-ce le contraire, les articles dans La Presse ont-ils un effet sur les reportages locaux et la couleur locale de ces quotidiens?

[Français]

M. Crevier : Je peux vous expliquer le fonctionnement de notre groupe de presse. Les articles de l'ensemble de nos journaux sont mis à la disposition de l'ensemble de nos journaux. Ce n'est pas un réseau qui fonctionne à sens unique. Ce ne sont pas uniquement des articles de La Presse qui sont envoyés vers nos journaux quotidiens. Chaque jour, dans La Presse, on doit publier un minimum de 10 à 15 articles qui proviennent des régions. Je pense que cela contribue beaucoup à briser l'isolement des régions.

J'aimerais également corriger un point. C'est vrai qu'il y a eu beaucoup de changements à La Presse, pour toutes sortes de raisons. Premièrement, on a investi dans une couverture internationale. On a investi également dans de meilleurs contenus dans chacun de nos cahiers. On a effectué également une très grande réforme qui était liée au fait que La Presse était un des derniers journaux en Amérique du Nord à se départir de ses procédés de letterpress. Et je vous fais un petit aparté : depuis les années 1960, les technologies d'impression des journaux sont des technologies offset. La Presse possédait encore, en l'an 2000, une technologie de typographie. Notre décision de faire ce changement a été une grande décision, d'autant plus qu'on a décidé d'impartir ce service, de ne plus être des imprimeurs. Juste pour vous démontrer comment les équipements étaient désuets, on a offert nos presses aux pays en développement et ils ont refusé. Elles étaient tellement vieilles, qu'ils n'étaient pas intéressés. Cela vous montre comment l'équipement était démodé.

Tout cela fait en sorte que le total des investissements a l'air très important à La Presse, mais faisait partie d'un procédé obligatoire de renouvellement de ces technologies.

Maintenant, quand vous parlez de nos quotidiens régionaux, je peux vous dire comme information que nous faisons la promotion de la qualité dans tous nos journaux. Je vous ai donné l'exemple, dans le mémoire, du Soleil de Québec, qui possède dans son groupe, dans son secteur comparable de quotidiens, en termes d'importance, la deuxième plus grosse salle de nouvelles au Canada. C'est le journal qui consacre le plus de pages au Canada en termes de rédaction. Donc Le Soleil poursuit un environnement de qualité. On a appliqué au Soleil, au cours des dernières années — ça fait trois ans et demi qu'on est propriétaire — un programme très important de renouvellement du personnel et d'embauche. On a cinq ou six nouveaux journalistes au Soleil.

À Trois-Rivières, il y a plus de journalistes qui travaillent au Nouvelliste que dans toutes les salles de tous nos compétiteurs réunis dans le secteur de la télévision et de la radio. Tous combinés ensemble ils n'atteingnent pas le total de nos journalistes. On est un groupe de presse qui valorise la qualité, pas uniquement pour La Presse, mais pour l'ensemble de nos quotidiens.

L'étude la plus sérieuse qui existe dans la comparaison de la performance d'un quotidien dans son marché, en terme d'investissement rédactionnel est menée par Inland; c'est une étude très large, indépendante et faite de façon très sérieuse, selon des critères très précis, à laquelle les journaux canadiens, les journaux américains acceptent de participer et de donner tous leurs chiffres, leurs résultats, leurs revenus, leurs dépenses dans les secteurs. À partir de ces données, Inland tire un rapport qu'il envoie à tous les journaux et qui nous permet de nous comparer avec ce que font les autres.

Pour ce qui est des dépenses rédactionnelles, la mesure de calcul d'Inland est simple et est la plus objective. Inland dit combien dépense un quotidien en fonction de ses revenus totaux. Dans le fond, ces revenus totaux, normalement, déterminent la capacité d'un journal d'investir dans sa rédaction, de se développer et de lancer de nouvelles initiatives.

Donc, La Presse fait partie de la catégorie des 100 000 copies et plus.

La présidente : Par jour?

M. Crevier : C'est 100 000 et plus par jour, mais c'est une moyenne qui tient compte du samedi et du dimanche. C'est une moyenne ramenée à une base quotidienne.

Dans Inland, les journaux de cette catégorie, au Canada, dépensent 11,9 p. 100 de leurs revenus en dépenses rédactionnelles. Et quand on dit « dépenses rédactionnelles », c'est que tout le monde s'engage, dans Inland, à envoyer les mêmes dépenses : les salaires, les photographes, les agences d'information, les fils de presse, et cetera. Donc, selon Inland, la moyenne des journaux en Amérique du Nord dépense 11,9 p. 100. À La Presse, parce qu'on fait la promotion d'un journal de qualité, on dépense 14,7 p. 100, donc 2,8 p. 100 de plus que la moyenne nord-américaine.

Maintenant je vais vous donner les chiffres pour les autres quotidiens. Le Soleil est également dans une catégorie qui dépense, en Amérique du Nord, 11,9 p. 100 de ses dépenses en dépenses rédactionnelles. Et Le Soleil dépense 19,7 p. 100. Donc, en Amérique du Nord, c'est probablement Le Soleil qui se classe au plus haut niveau des journaux qui dépensent le plus pour leurs dépenses rédactionnelles. Ce qui vous démontre que ce n'est pas uniquement à La Presse que l'on fait la promotion d'une stratégie de qualité.

Quant au Nouvelliste, il est dans un groupe qui dépense 12,6 p. 100. Et Le Nouvelliste dépense lui-même 16,4 p. 100, donc 3,8 p. 100 de plus. Encore un pourcentage plus élevé que ce que La Presse fait.

Le Droit, La Tribune et Le Quotidien sont dans une catégorie qui dépense, en Amérique du Nord, 13,3 p. 100 pour leurs dépenses rédactionnelles. Le Droit dépense 16 p. 100, La Tribune 15,6 p. 100, et Le Quotidien 16,8.

La Voix de l'Est, qui est notre plus petit quotidien, est dans une catégorie qui dépense 14,3 p. 100, comparativement à nous qui dépensons 15 p. 100. Dans tous nos marchés, on dépasse, en termes de dépenses rédactionnelles, la moyenne nord-américaine pour une raison très simple, c'est que notre groupe — c'est un énoncé qui est nous est propre — fait la promotion d'un journal de qualité. On tient à ce que nos journaux soient très bien implantés dans leur communauté et on leur donne des ressources suffisantes pour bien effectuer leur mandat.

La présidente : Pourrait-on avoir une copie de cette étude?

M. Crevier : Cela me ferait plaisir de vous en envoyer une.

[Traduction]

Le sénateur Phalen : Juste une question ou deux au sujet de votre mémoire. Le National Ethnic Press and Media Council of Canada a fait valoir au comité qu'il était mécontent de la réglementation régissant le programme d'aide journalistique de Patrimoine canadien ainsi que son Programme d'aide aux publications. Je remarque, dans la partie de votre mémoire consacrée à l'impact du contexte géographique canadien sur la distribution, que vous dites ceci, et je cite : « L'augmentation constante des coûts de distribution nous a contraints dans les dernières années à réduire notre rayonnement dans certaines régions. » Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des programmes fédéraux d'aide aux médias? Sont-ils appropriés et que faudrait-il y changer éventuellement?

[Français]

M. Crevier : Je répondrai d'une façon très large à votre question. Mon expérience m'a amené à travailler dans plusieurs secteurs du milieu des communications : j'ai dirigé le réseau TVA pendant plusieurs années, j'ai été président de Videotron, j'ai siégé sur des conseils d'administration de la télévision sans fil, j'ai fait des investissements dans des compagnies qui s'occupaient de productions de télévision, de films. J'ai travaillé dans des entreprises qui offraient des services Internet. Je me définis comme étant un généraliste des communications.

Et je vous dis cela pour une raison très simple, c'est que je suis un fervent admirateur du système canadien. Je trouve exceptionnel ce qu'on est arrivé à faire au Canada. On a réussi à bâtir un système général dans le secteur des communications, comme un système culturel très fort, et ce, à côté d'un géant américain, qui est reconnu comme étant un bulldozer dans ce système. À l'époque, il y avait des gens qui avaient beaucoup de vision, qui ont réussi à mettre en place des programmes extraordinaires, qui ont assuré une forme de développement de qualité et de pérennité à nos systèmes. Aujourd'hui, on arrive à un environnement particulier. Et cet environnement particulier, selon moi, c'est la fragmentation, c'est Internet, c'est le développement de la bande passante, c'est tout le développement des satellites qui fait en sorte que notre système est complètement remis en question. À côté de cela, il y a toute la question de l'évolution sur la scène mondiale, la mondialisation, les barrières de commerce qui s'effritent. En bout de ligne, que restera-t-il au Canada? Je pense qu'il restera essentiellement deux objectifs : préserver nos services — ce qui fait notre différence, nos systèmes de santé, d'éducation, ce qui fait la différence des Américains — et préserver notre culture.

Si j'étais aujourd'hui un politicien ou quelqu'un qui s'intéresse à ces questions, j'en ferais un développement actif. En bout de ligne, ce qui va faire la différence au Canada sera notre capacité à conserver notre différence dans nos services par rapport aux Américains et à valoriser notre système de santé et notre culture.

Une vaste réflexion sur notre système s'impose. À l'époque, les gens ont réfléchi et ils ont fondé Radio-Canada, un peu plus tard ils ont fondé Téléfilm Canada et l'ONF. Tout cela a apporté énormément à notre système. On a fait un paquet de choses. Cependant, ce qui a très bien marché dans les 40 dernières années, visiblement, s'essouffle et ne fonctionne plus aussi bien. On a de nouveaux défis et il est temps que quelqu'un arrête la machine. Il ne s'agit pas seulement d'essayer de corriger les petits problèmes du passé, mais de se demander, avec une vision des 20 prochaines années, ce qu'on pourrait faire pour maintenir un système culturel et des communautés fortes au Canada, bien identifiées à la culture canadienne. Là-dessus, la seule réflexion que je peux vous faire, c'est que les journaux jouent un rôle extraordinaire. Il n'y a personne d'autre qu'un quotidien, dans une communauté, qui valorise ce qui se passe sur la scène régionale et qui suscite des débats. Prenons La Tribune, par exemple. Il y a des débats fantastiques dans la région de Sherbrooke; les pages sont ouvertes, les gens sont interactifs. Aujourd'hui, quand vous écoutez la télévision, force est de constater que c'est essentiellement des émissions américaines. Notre culture s'effrite énormément.

Tous les secteurs des communications obtiennent de l'aide des gouvernements par des programmes spécifiques pour leur développement à l'exception des quotidiens. Il y a des programmes dans le secteur du livre, du magazine, de la télévision — le bébé choyé de notre système — de la radio et du disque. Le seul secteur qui n'a aucune aide, c'est celui des journaux. Selon moi, les journaux sont ceux qui apportent la plus grande contribution et sont l'outil essentiel pour préserver notre culture canadienne.

Si j'étais à votre place aujourd'hui, si j'avais à réfléchir à ce qui va arriver dans les prochaines années et à ce qu'on devrait faire, je m'assurerais de mettre en place des mesures pour conserver une presse régionale et nationale forte au Canada. Ce sont seulement ces outils qui préserveront notre culture canadienne.

[Traduction]

Le sénateur Phalen : Dans votre mémoire, vous dites ceci, et je cite : « À l'image de ce qui a été fait du côté de l'industrie du livre, l'élimination des taxes à la consommation sur les quotidiens mériterait à nos yeux de faire l'objet d'un nouveau débat. » Il y a au Canada de nombreuses autres industries qui, à mon sens, et au vôtre aussi je n'en doute pas, offre à la population des services essentiels en matière d'information, d'éducation ou de culture. Les fournisseurs de services Internet viennent ainsi immédiatement à l'esprit. Si nous rouvrons le débat sur l'élimination de la TPS, à votre avis où devrions-nous nous arrêter?

[Français]

M. Crevier : Le Canada l'a fait dans le secteur du livre et on a vu l'impact. L'introduction de la TPS a amené 7,5 p. 100 de réduction des ventes de journaux. Au Canada, il n'y a jamais eu de programmes canadiens, sous aucune forme, qui ont aidé à la lecture alors qu'il en existe dans beaucoup de pays. On parle de 330 lecteurs par tranche de 1000 habitants. Ce chiffre s'élève à 647 au Japon et à 500 dans la plupart des pays scandinaves parce que les gouvernements sont intervenus.

Qu'est-ce que cela veut dire pour un gouvernement d'avoir une population qui lit? Les quotidiens aident énormément les gens — avec des articles dans leurs cahiers spécialisés — à avoir une meilleure santé, à obtenir des trucs sur l'éducation, à obtenir des conseils sur le placement, à avoir une meilleure vie. Dans un journal, le côté information de la nouvelle d'actualité est important, mais un journal est composé également de ce que j'appelle une aide à la navigation dans la société.

Prenez le profil des lecteurs de La Presse. Malgré tous les changements qui ont eu lieu dans la société ces dernières années, ce sont des gens qui ne se sentent pas écrasés du tout. Ce sont des gens dont la première valeur — et on mesure cela par des sondages très complexes — est le goût de participer à la société. Ils ont le goût de découvrir de nouvelles opportunités alors que dans bien des cas, les gens se sentent écrasés par rapport à tout ce qui se passe. On parle à des forces vives, à des gens qui vont arriver avec des idées nouvelles et qui vont apporter des changements dans notre société.

Dans nos pages « forum », il y a des débats continuels sur ce qu'on vit, comment on le vit, ce qu'on fait, ce qu'on devrait faire, la question du mariage gai, et cetera. Nommez-moi d'autres médias aussi interactifs? Sur le mariage gai, est-ce qu'il y a eu des tables rondes à la télévision? Pas tant que cela. À la radio? Un peu. C'est beaucoup dans les journaux que cela se passe.

Je pense qu'on a avantage à le faire parce qu'on aura une société qui sera nettement meilleure avec des gens mieux éduqués, mieux informés, qui prendront de meilleures décisions dans tous les domaines. Les retombées seront nettement supérieures à ce que cela peut représenter aujourd'hui de percevoir la TPS sur la vente de journaux, j'en suis convaincu. Les gens informés sont des gens qui, en terme de participation dans une société et dans un pays, apportent beaucoup en terme de valeur.

Maintenant, qui va tenir ce rôle? Dans un environnement où les journaux continuent à décroître en terme de lignage et de tirage, à réduire leur force vive dans les salles de nouvelles, à réduire le nombre de pages qu'ils consacrent à la rédaction, s'abonnent davantage à des agences de presse américaines pour faire leur contenu, que va-t-il arriver de nos systèmes?

Le Canada est un pays qui regroupe un paquet de petits marchés. Selon moi, l'introduction d'une taxe sur les quotidiens qui jouent un rôle fondamental dans le développement d'un pays aussi vaste et aussi complexe que le nôtre était une erreur fondamentale.

Le sénateur Chaput : Je vais revenir à l'approche de Gesca sur le plan des valeurs fondamentales qui guident le développement de l'expertise des sept journaux qui vous appartiennent. Vous parlez de respect du caractère original, de l'indépendance des salles de rédaction et de la promotion de la diversité d'opinion. J'ai lu dans votre document qu'il y a des règles internes. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de comment cela se fait. Comment faites-vous pour assurer que les journaux demeurent indépendants? Y a-t-il des normes de mesures?

M. Crevier : Il y a beaucoup de normes de mesures. On reçoit à peu près 60 mises en demeure par année, ce qui fait à peu près une par semaine. Dans la moitié des cas, on se rétracte parce que, dans nos journaux, il y avait une erreur. Je vous dirais que c'est peut-être le trait particulier de notre groupe de presse. Quand vous écoutez les grands bulletins de télévision de nos grands réseaux, c'est très rare que l'on entende une rétractation. Ce n'est pas parce que ces gens ne font pas d'erreur, c'est parce qu'ils ne se rétractent pas. Aussitôt que quelqu'un nous signifie qu'il y a une erreur dans un de nos quotidiens, on vérifie le fait et si on est dans l'erreur, il nous fait plaisir d'apporter une correction. Quand je vois une précision dans mon journal, je ne me sens pas blessé comme éditeur, bien au contraire. Ce qui est important, c'est la rigueur journalistique et la défense du droit fondamental des individus de voir leurs droits respectés.

Au cours des dix dernières années, nous n'avons perdu, à La Presse, aucune poursuite.

M. Crevier : On a eu des poursuites très solides de gens qui avaient engagé les meilleurs avocats au Canada, une, entre autres, de quelqu'un qui nous poursuivait pour 30 millions de dollars. La cause est allée jusqu'en appel et nous avons gagné. Cela démontre que si on gagne l'ensemble de nos poursuites, c'est qu'on est capable de démontrer que le travail est fait rigoureusement. Depuis les années 2000, 18 plaintes ont été portées à notre endroit au conseil de presse et aucune n'a été retenue. On n'a pas de politique d'information écrite pour une raison très simple; on vit dans un système en évolution. On valorise que nos équipes aient des discussions chaque semaine sur notre travail journalistique. Pour moi, une politique d'information est quelque chose en mouvement, que l'on doit adapter chaque jour en fonction de l'actualité. Je ne me souviens pas d'un mois où il n'y a pas eu, au sein de notre équipe de direction, une discussion fondamentale sur un sujet précis d'une couverture en se demandant si nous étions allés trop loin, si on devrait changer quelque chose. Je perçois de plus en plus aujourd'hui dans la société canadienne, autant en télévision qu'en radio, un mélange des genres. Si vous écoutez un bulletin de nouvelles aujourd'hui, vous ne savez pas si c'est un journaliste ou un éditorialiste qui vous parle. Il y a des mélanges des genres de façon incroyable. Cela nous préoccupe et on suit cela attentivement. On développe aussi de plus en plus l'information irrévérencieuse dans nos médias canadiens. C'est quelque chose qui nous vise et dont on discute beaucoup dans nos médias.

Maintenant, nous avons du personnel attitré à plein temps pour répondre à chaque personne qui nous écrit. Je réponds à beaucoup de lettres de lecteurs qui s'informent de nos pratiques journalistiques. Pourquoi on a fait telle chose, et cetera? On répond de façon systématique aux gens. Il m'arrive à l'occasion de signer des textes quand je vois que certaines de nos pratiques sont questionnées ou intéressent plus particulièrement un certain nombre de lecteurs. Chaque année, à La Presse, un document signé par moi, par l'éditeur adjoint et par l'éditorialiste en chef fait état de nos grandes réalisations, de nos orientations, de certaines de nos politiques. Notre convention collective comprend plusieurs clauses professionnelles dont une spécifiquement qui indique que chaque année, l'éditeur adjoint doit rencontrer tous les journalistes afin de leur parler de notre politique éditoriale. Tout ce secteur — que j'appelle le secteur du professionnalisme — est très bien balisé dans nos pages. Je vous ai mentionné le fait que nous recevions 30 000 lettres par année. Le journal La Presse est un des journaux au Canada qui offre le plus d'espace aux pages d'opinion et on valorise la diversité d'opinions et des opinions contradictoires.

La présidente : Seriez-vous assez gentil de nous envoyer des exemplaires des textes que vous avez écrits et du texte annuel conjoint?

M. Crevier : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Merchant : Monsieur Crevier, vous avez parlez de l'importance de produire des reportages d'actualité de bonne qualité et aussi de votre passion pour la protection de la culture canadienne, et vous avez ajouté que vos journaux encourageaient la lecture. Vous avez dit vouloir mobiliser la jeunesse parce qu'après tout, ce sont les jeunes gens que vous devez cibler pour assurer l'avenir de vos quotidiens. Vous avez également parlé des autres pays qui offrent des incitatifs ou des programmes pour encourager la jeunesse. Pourriez-vous en dire un peu plus long à ce sujet? À votre avis, que pourrions-nous faire pour intéresser les jeunes gens à l'actualité? Vous avez dit que, dans la partie anglophone du pays surtout, les gens se tournent actuellement de plus en plus vers les États-Unis, vers notre voisin, pour se renseigner. Pourriez-vous là aussi être un peu plus précis? Qu'aimeriez-vous voir faire pour encourager les lecteurs, pour conserver votre auditoire, mais aussi pour inciter les jeunes gens à lire des journaux?

[Français]

M. Crevier : Au départ, j'aurais une précision à apporter. Les programmes d'aide à la lecture ne doivent pas uniquement tenir compte seulement des quotidiens mais de d'un ensemble de lecture : livres, magazine, et cetera. Il y beaucoup à faire. Des programmes assez coûteux ont existé au Canada qui s'appelait : les programmes du journal en classe. Les journaux sont des outils pédagogiques extraordinaires pour un enseignant qui veut se servir du contenu de nos journaux pour créer de la matière intéressante dans ses cours. Ces orientations étaient très coûteuses à soutenir pour les journaux. C'est un exemple précis d'orientation qui pourrait être soutenue par le gouvernement dans lequel il pourrait aider et financer des activités dans les écoles qui soient reliées à l'utilisation des quotidiens, de la lecture. Il y a le rapport Spitz. Il y a deux ans, le gouvernement français en est arrivé à dire qu'il faudrait également valoriser la lecture des quotidiens pour garder notre culture. À la fin du mémoire, il y a une série de recommandations du rapport Spitz à titre consultatif. Je ne pense pas qu'elles s'appliquent nécessairement au marché canadien. Je voulais surtout donner l'exemple que s'il y avait une volonté ferme de faire quelque chose, il serait très facile de monter un petit groupe de travail avec des gens des secteurs de l'éducation, du gouvernement, des journaux et d'arriver à créer des programmes très bien adaptés pour valoriser la lecture au Canada. Ce qui me frappe dans votre question et la position que vous avez prise, c'est que vous avez totalement raison. Il y a un danger énorme aujourd'hui, en raison de l'instantanéité des médias électroniques, qu'il y ait un glissement complet vers des valeurs américaines, vers des sources d'information typiquement américaine. Ceux qui, au Canada, sont en mesure de mieux protéger cela, de créer une dynamique très intéressante dans chacune de nos communautés sur la vitalité, l'information et la vie des communautés, ce sont les quotidiens. Il vaudrait la peine d'aller au-delà de ce comité et de former un groupe de travail qui pourrait mettre en place une série de suggestions. Je suis convaincu que ce serait facile à faire.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vous avez beau essayer d'encourager les jeunes gens à lire, mais vous ne pouvez les y contraindre; je sais que nous aurions pu avoir des programmes de ce genre, mais je me demande si l'actualité intéresse vraiment les jeunes. Au lieu d'essayer de convertir tout le monde à la lecture, ne vaudrait-il pas mieux viser un peu plus haut (peut-être est-ce déjà trop tard) et cibler les étudiants des cours d'histoire ou ceux qui participent aux parlements jeunesse? Peut-être y a-t-il une autre façon d'essayer de mobiliser ces gens qui sont peut-être plus susceptibles d'être intéressés par ce que nous essayons de faire.

[Français]

M. Crevier : Je peux vous raconter une anecdote. Le journal La Presse, parce qu'il a renouvelé et rajeuni son produit, est le journal au Canada qui a connu la plus forte progression en ce qui a trait à sa capacité à joindre le jeune lecteur. On a connu une augmentation de l'ordre de 17 p. 100 de notre segment de distribution ce qui est énorme. Tous les journaux en Amérique du Nord rêveraient d'une telle performance.

À La Presse la sélection des candidats est faite par les vice-présidents mais je procède à l'entrevue finale pour chaque embauche parce que je veux voir quel type de personne on engage. Je suis très intéressé par la culture d'entreprise. Nous sommes en processus de renouvellement de nos employés et j'ai fait beaucoup d'entrevues avec des gens qui connaissaient très bien le contenu de La Presse, des gens qui lisaient La Presse qui voulaient travailler chez nous; pas uniquement dans la salle des nouvelles mais dans les différents services. Je demandais aux gens s'ils étaient abonnés, ce qu'ils aimaient et n'aimaient pas.

Une question que je posais toujours était : chez vous, quand vous étiez jeune, est-ce que vos parents étaient abonnés? Ce que je réalise aujourd'hui, c'est que les jeunes qui lisent aujourd'hui sont des jeunes dont les parents étaient abonnés. Pendant toute leur jeunesse, chez leurs parents, ils ont vu un journal traîner sur la table et ils reproduisent le modèle de leurs parents. Cela m'inspire beaucoup. Je trouve qu'on est très peu dans ce que j'appelle la prévention, au Canada. On fait très peu en ce domaine. C'est sûr, c'est facile à dire; je ne suis pas dans un poste où je peux avoir un impact sur nos lois, nos politiques, mais je regarde dans différents secteurs.

Si je regarde aujourd'hui les coûts des services de santé, il est sûr que si j'étais au sein d'un gouvernement, je pousserais beaucoup pour des programmes d'éducation physique dans les écoles. Si les jeunes apprennent très jeune à faire du sport, à être en forme, en santé, cela va avoir un impact énorme, sur une durée de vie, sur les coûts de nos services. J'inscris la lecture dans la même logique.

Il serait possible, même en faisant un regroupement de grand journaux canadiens, pour un coût nul, sept, huit, dix, douze fois par année, juste dans les mois d'année scolaire, de choisir un sujet par mois, avec les commissions scolaires. Ce serait super intéressant pour les jeunes; on ferait un cahier spécial qu'on ferait circuler dans tous nos marchés sur des sujets qui toucheraient les jeunes. Même s'il n'y avait pas de publicité dans ces cahiers, on trouverait des moyens de les financer, en respectant l'indépendance rédactionnelle, je suis convaincu que, à long terme, on ferait beaucoup. Il y a des choses qu'on peut faire, il faut commencer à parler aux jeunes, changer les habitudes.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci beaucoup, M. Crevier, pour votre excellente présentation. Je vais essayer de parler un peu en français, mais c'est difficile! Je suis du Nouveau Brunswick, c'est un défi pour nous tous. Mes questions sont pratiquement les mêmes que celles du sénateur Merchant. Comme toujours, j'ai beaucoup d'intérêt pour les jeunes et la lecture, les journaux, et cetera. J'ai lu avec grand intérêt les huit propositions du rapport Spitz et il me semble que ces propositions sont en premier lieu pour les institutions postsecondaires. C'est très important, mais je suis plus intéressé par les écoles, vous aussi, je pense.

Je lis en page 8 que, en ce moment, vous avez le programme Cyberpresse école; c'est votre programme de priorité pour les écoles. Avez-vous essayé de travailler avec les enseignants et les bibliothécaires, pour offrir des journaux gratuits aux écoles et des choses comme celles-là?

M. Crevier : Le programme que j'appelle Cyberpresse école est un programme que l'on a mis sur pied à mon arrivée à La Presse, en 2000. Aujourd'hui 618 écoles ont accès de façon complète à toutes nos archives; c'est assez extraordinaire, ils sont très actifs. Cela a été un des bons coups qu'on on réalisés. Cela veut dire que des professeurs, dans ces écoles, se servent de l'accès à Internet pour aller chercher des archives, dans tous les domaines, et pour s'en servir comme matériel pédagogique, pour aider les jeunes à faire des travaux. On a fait un grand pas dans cette direction.

L'autre aspect était le travail avec les enseignants, c'est plus difficile. Il manque vraiment une structure, il faudrait avoir des gens à plein temps qui aillent expliquer comment fonctionne l'accès aux archives, comment un professeur pourrait utiliser les journaux, l'information, dans le domaine de l'enseignement, que ce soit pour des questions d'environnement — on en parle souvent dans nos journaux — des questions politiques, de société, d'éthique. Cela demanderait des budgets plus considérables que nos journaux canadiens n'en ont. Les journaux aujourd'hui sont en baisse de tirage et en baisse de lignage, c'est très difficile pour eux d'investir dans ces secteurs. On devrait investir, mais il y a un gros travail conjoint à faire.

Le sénateur Trenholme Counsell : Il est probablement nécessaire de travailler avec les ministres provinciaux de l'éducation.

M. Crevier : Des sujets aussi pourraient être développés. Je parlais tantôt de cahiers spéciaux qui pourraient être développés dans nos journaux. Ces sujets pourraient être développés aussi pour nombre de choses. Quand les enfants arrivent aux vacances, cela pourrait être un cahier sur les occupations à faire pendant cette période; cela pourrait être sur les dangers de la cigarette. On pourrait aussi laisser la parole aux enfants. Un de mes grands rêves serait que l'on arrive à vivre dans un environnement où on permettrait aux enfants, de plus en plus, de s'exprimer.

Il y a d'ailleurs une école au Québec qui a démarré au primaire des cours de ce qu'ils appellent « la philosophie à l'école ». Cela consiste à permettre aux enfants de s'exprimer sur différents sujets. Ce sont des écoles où on a vu diminuer énormément les taux de violence. Il y a des choses à faire, et je pense que ce ne sont pas des choses très coûteuses.

Ce n'est pas sur un plan critique de ma part, mais on voit que nos gouvernements ont encore beaucoup de moyens de dépense. Mais que fait-on vraiment pour nos enfants, qui sont notre plus grande richesse? Je le replace dans cette question; qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui pour poser un geste qui va faire en sorte que le Canada, comme pays, va être un Canada distinctif, dans les prochaines années, avec une population active, intéressée, qui va participer au développement de la communauté?

Encore une fois, je pense que les journaux vont jouer un grand rôle dans ce domaine.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai beaucoup d'intérêt pour votre relation avec l'Acadie Nouvelle — et sûrement avec la presse canadienne. Est-ce que vous avez des échanges, un partenariat avec les journalistes?

M. Crevier : On n'a pas d'échanges particuliers, on le fait à travers la presse canadienne. Malgré le développement de nos réseaux à l'interne, on l'a dit à la commission parlementaire sur la concentration à Québec, et je le redis ici dans mon mémoire, nous serons toujours des partenaires de la presse canadienne, même si nous pouvons être indépendants, car 60 p. 100 de nos textes sont envoyés à la presse canadienne. Nous pourrions nous dire que nous allons juste les envoyer entre nous; nous le faisons pour le Devoir, pour l'Acadie Nouvelle, parce que nous croyons en la diversité de la presse écrite, et également en l'importance d'avoir, au Canada, une agence de presse canadienne.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous simplement nous expliquer le rapport entre vous, entre Gesca, et Radio- Canada?

[Français]

M. Crevier : On vit dans un environnement assez spécial à Montréal, quand on regarde la quantité de quotidiens, de postes de télévision, de radios. C'est un environnement assez spécial au Canada, car c'est le marché, en Amérique du Nord ou même en Europe, où la concentration est la plus forte. On fait face à un concurrent qui a des activités dans le domaine des quotidiens, qui possède la plus grosse station privée de télévision au Québec, qui est propriétaire du plus grand réseau de câblodistribution, qui en plus est un fournisseur de services Internet important, qui est le plus grand propriétaire de magazines au Québec et qui a également des réseaux de distribution très performants, avec les superclubs Videotron, et cetera. C'est un compétiteur qui a atteint dans un seul marché une concentration qui n'existe nulle part en Amérique du Nord ou en Europe.

L'entente avec Radio Canada existe depuis à peu près 20 années. D'ailleurs, La Presse fait un gala, le Gala de l'excellence; c'est quelque chose d'absolument fantastique qui existe depuis plus de 20 ans. On décerne chaque semaine une mention à quelqu'un qui pose un geste positif dans la communauté francophone. Depuis 20 ans, La Presse a cette entente avec Radio-Canada pour la diffusion du Gala de l'excellence. On a des ententes avec Radio-Canada dans d'autres secteurs.

On a également des ententes avec une dizaine d'entreprises de communication, des ententes avec TQS, avec Télé- Québec.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Je voudrais savoir quel genre de relations d'affaires vous avez avec Radio-Canada. Les autres ne m'intéressent pas.

M. Crevier : Je comprends. Je vous ai donné cet exemple parce que je voulais vous dire qu'il n'y a pas que Radio- Canada, il y a les autres aussi.

[Français]

Ce n'est pas exclusif à Radio-Canada. Maintenant, si je reviens avec Radio-Canada, lorsque l'acquisition de TVA par Quebecor a eu lieu, nous avons senti le besoin de réaffirmer notre présence sur la place publique. Je vais vous expliquer pourquoi. Nous avons des relations d'affaires avec des annonceurs. Nous avons des ententes avec des partenaires très actifs dans la communauté, comme le Festival Juste pour rire et le Festival de jazz de Montréal.

Nous nous sommes senti attaqués par Quebecor qui voulaient nous enlever ces ententes, ou qui même intervenaient auprès des annonceurs pour leur dire que s'ils n'annonçaient plus dans La Presse ou à Radio-Canada, voilà ce qu'ils étaient prêts à faire. Nous avons donc simplement, sur la place publique, réaffirmé notre bonne collaboration avec Radio-Canada.

Maintenant, avec le temps, nous n'avons pas renouvelé cette entente ponctuelle parce que nous travaillons bien ensemble depuis les 20 dernières années et que nous n'avons pas besoin d'une entente écrite pour continuer à bien travailler ensemble sur des aspects ponctuels.

Je vais vous donner un exemple du type d'entente que nous pouvons avoir. Nous avons une entente ponctuelle pour le Gala de l'excellence de La Presse. Récemment, quand Radio-Canada a voulu obtenir la diffusion des droits olympiques, ils avaient besoin d'un partenaire média. Ils nous l'ont demandé et nous avons dit oui. À l'occasion, Radio-Canada a appelé pour nous dire qu'ils faisaient un sondage assez coûteux et nous ont demandé si on pouvait partager les coûts? On a dit oui.

Récemment, on a décidé de faire la promotion de grands sujets de société et de grands débats dans la communauté. Un des problèmes au Québec est la question de la dénatalité. On a fait un grande conférence La Presse et Radio- Canada sur la dénatalité. Chacun a payé la moitié de la conférence et on a fait venir des spécialistes de partout à travers le monde. Nous concluons donc des ententes ponctuelles comme celles-là avec Radio-Canada. Il n'y a aucune autre entente écrite.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : C'est simplement occasionnel.

M. Crevier : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Lorsque l'on parle de Radio-Canada, s'agit-il de la radio et de la télévision au Québec?

M. Crevier : Des deux, oui c'est cela.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce qu'ils vendent de la publicité à la radio, ou simplement à la télévision?

M. Crevier : Seulement à la télévision, mais ils font de la publicité pour leurs propres produits à la radio.

Le sénateur Tkachuk : Cela me semble un peu inhabituel parce que Radio-Canada est une société d'État qui, dans une large mesure, est financée par le contribuable.

M. Crevier : En effet.

Le sénateur Tkachuk : Votre entreprise est donc en relation d'affaires avec Radio-Canada là où vous partagez les dépenses pour réaliser par exemple des projets et des reportages cofinancés par le contribuable. En d'autres termes, vous profitez de l'argent du contribuable. De façon indirecte, certes, mais c'est effectivement ce genre de relations. Cela ne dérange-t-il pas vos concurrents?

M. Crevier : Ce n'est pas tout à fait cela.

Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas comment vous pourriez expliquer autrement la chose. C'est une société d'État.

M. Crevier : Je sais que c'est une société d'État, mais Radio-Canada a une entente avec Le Devoir et avec les autres intervenants sur le marché.

Le sénateur Tkachuk : Et cela aussi me dérange de la même façon.

M. Crevier : Vous pouvez vous exprimer ainsi si vous le voulez, mais je vais essayer de vous donner un autre exemple.

[Français]

Disons que nous avons fait l'an dernier un sondage très audacieux au sein de La Presse. On voulait connaître la perception qu'avaient tous les joueurs à travers le monde juste avant les élections américaines. Cela a été rejoué et rejoué.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Je me souviens de ce sondage.

[Français]

M. Crevier : Un sondage comme celui-là était très dispendieux. Radio-Canada n'était pas avec nous là-dedans. Quand on fait une démarche comme celle-là, qu'est-ce qu'on fait? On s'est mis sur le téléphone. J'ai appelé mon collègue du journal Le Monde pour lui demander s'il était intéressé. Il m'a dit que oui. Il a appelé le journal El País. Le El País a trouvé un autre partenaire; on fait des appels et on sépare les coûts.

Il y a des choses qu'on fait des fois dans les médias qui sont des orientations coûteuses dans lesquelles on se sert de partenaires. Nous, sur une base régulière, on le fait avec le Toronto Star, on le fait avec le Globe and Mail et on le fait à l'occasion avec le National Post. On conclut des ententes comme cela avec tout le monde.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Pourtant, ce sont des entreprises indépendantes. Et dans les cas de ce genre, cela ne me dérange pas.

[Français]

M. Crevier : Pourquoi pas avec Radio-Canada?

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Radio-Canada est une société d'État qui reçoit des fonds publics, alors que vous, vous appartenez à la Power Corporation, une entreprise à but lucratif qui est là pour faire de l'argent.

[Français]

M. Crevier : J'essaye de comprendre ce que vous me dites. Si Radio-Canada a une idée de faire un sondage aujourd'hui sur un sujet d'actualité tel le mariage gai et que cela coûte 50 000 $, s'ils veulent partager avec le Globe and Mail et La Presse pour réduire leurs coûts — parce qu'eux aussi doivent être efficaces dans la gestion de leurs coûts — je pense que Radio-Canada ne pose pas un geste répréhensible en nous appelant et en nous demander si nous sommes prêts à payer un tiers de la facture.

Ce n'est pas une entreprise — je comprends votre point de vue que c'est une entreprise qui reçoit des fonds du gouvernement, mais ce n'est pas non plus une entreprise non plus qui vit dans une bulle de verre. C'est une entreprise qui vit dans une communauté et qui doit être active dans cette communauté.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Vous avez dit que la Power Corporation vous laissait les rênes libres, mais il n'en reste pas moins que c'est au Québec une très puissante institution.

M. Crevier : Au Canada.

Le sénateur Tkachuk : Au Canada, et même si vous nous dites qu'elle vous laisse les rênes libres, il faut bien dire que les journalistes sont en général des gens très intelligents, n'est-ce pas? Ils savent bien de quel côté leur pain est beurré. Si la Power Corporation se porte bien, ses journaux se portent bien également, alors pourquoi essayer de mordre la main qui vous nourrit? Pourquoi feraient-ils cela? Cela ne représente-t-il pas un problème, un peu comme avec Disney qui possède ABC? Les journalistes d'ABC savent eux aussi de quel côté leur tartine est beurrée.

[Français]

M. Crevier : Je pense sincèrement, et je l'ai dit tantôt dans ma présentation, qu'il n'y a aucune loi ou aucun règlement qui peut modifier la philosophie des propriétaires, la façon dont ils perçoivent leur rôle.

Nos propriétaires ne sont pas interventionnistes. Ils n'interviennent pas dans le fonctionnement des journaux. Jamais les Desmarais ne vont appeler, ni ne vont intervenir dans le déroulement quotidien de nos journaux. Ce sont des gens qui ont fixé un certain nombre de balises et ils laissent les gens travailler.

Je donne juste mon exemple : je suis éditeur de La Presse. Je tiens également à conserver l'indépendance de ma salle des nouvelles et je suis le premier défenseur de la salle des nouvelles. Je n'ai pas accès aux textes de ma publication et je ne veux pas en entendre parler. Je parle souvent à des annonceurs dans la journée et, par exemple, si nos journalistes appellent et fouillent un dossier, et qu'il y a quelqu'un que je connais bien, je ne veux pas de conflits d'intérêt.

Lorsqu'un problème pourrait initier une poursuite dans un de nos textes, je suis avisé. Mais je ne vois pas le texte. Je demande à un avocat qui lit le texte et s'assoit avec le journaliste afin de s'assurer que les informations que nous avons sont vraies et vérifiées, qu'on a les bons noms, et cetera. Si on a une poursuite, on est capable de défendre notre point de vue.

Nous sommes parmi les journaux les plus courageux. C'est très, très rare; nous n'avons presque jamais arrêté la publication d'un texte. Nous avons imposé des reports pour vérifier des faits et pour s'assurer que tout était conforme, mais je ne me souviens pas d'une fois où on avait retardé la publication dans les cinq dernières années.

Je vous donne un exemple précis; M. Desmarais, le père, par rapport au dossier du Centre hospitalier universitaire à Montréal, on en parle tous les jours dans les journaux, est intervenu comme homme d'affaires dans ce dossier parce qu'il valorisait la création d'une technopole à Montréal. Le journaliste d'enquête, André Noël de La Presse, est celui qui a écrit le plus grand nombre d'articles au Québec contre ce projet. C'est lui le premier qui a dévoilé les études secrètes sur la sécurité et qui les a rendues publiques à tous les niveaux. On a publié ces articles en première page, et je n'ai jamais reçu un téléphone de M. Desmarais. Ce sont des gens qui ne se mêlent pas de cela.

Nos reporters sont des professionnels. Je peux vous dire une chose, c'est que si vous pensez demain matin que je peux influencer ce qu'ils écrivent, c'est loin d'être vrai. Mais je comprends votre point de vue, parce qu'à vrai dire je suis convaincu que c'est toujours gênant pour les gens d'écrire sur leurs patrons. Mais c'est un journal rigoureux et on veut développer cette forme de réflexe que lorsqu'on écrit sur n'importe qui, on vérifie les faits, on fait un travail professionnel et on s'assure que ce soit les bons éléments.

Maintenant, je me trouve chanceux, comme éditeur, d'avoir un propriétaire où des propriétaires qui respectent totalement l'indépendance de notre salle de nouvelles. Cela va avec la philosophie des propriétaires.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Vous comprendrez facilement pourquoi nous, les politiciens, voyons cela avec pas mal de scepticisme étant donné que toute ma vie, j'ai lu des articles de journaux et de revues qui parlaient de la façon dont les dons aux partis politiques avaient influencé nos décisions alors que ce n'est pas vrai, bien entendu.

M. Crevier : Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Tkachuk : La prochaine fois qu'un de vos correspondants viendra vous trouver avec une autre de ces fables à propos d'un politicien influencé par de l'argent, vous pourriez peut-être aussi la lire avec le même scepticisme.

La présidente : Nous venons tout juste de réformer le financement des partis politiques.

Le sénateur Tkachuk : Nous appartenons maintenant au gouvernement, alors où est la différence?

La présidente : C'est le peuple.

Le sénateur Tkachuk : Mais non.

[Français]

La présidente : Monsieur Crevier, il y a deux domaines que j'aimerais explorer un peu avec vous. D'abord à la page 11 de votre mémoire, vous dites que la naissance d'un groupe de presse d'envergure est un phénomène à encourager. D'autre part, un problème de concentration surgit lorsqu'un joueur unique possède plusieurs types de médias de premier plan à l'intérieur d'un même marché. Sur ce point, nous pensons que les organismes de contrôle et de réglementation n'ont pas fait preuve d'une diligence suffisante. Cela amène plusieurs implications. Que faites-vous comme recommandation?

M. Crevier : On vit dans des petits marchés au Canada. C'est important que les organismes qui sont chargés de réglementer s'assurent d'un équilibre. Malheureusement, aujourd'hui, dans deux grands marchés canadiens, il y a absence d'équilibre.

La présidente : Est-ce que vous parlez de nouvelles lois?

M. Crevier : Non, honnêtement. J'inscris depuis longtemps des demandes auprès du CRTC. J'ai été longtemps à la présidence de TVA. J'ai complété l'achat des acquisitions du réseau TVA. Le CRTC a tous les outils pour faire son travail; maintenant, c'est dans la façon dont on l'interprète. Avec le CRTC et le Bureau de la concurrence, au Canada, on est bien équipé pour faire face à la musique.

La présidente : Où est le problème?

M. Crevier : Ces gens ont fait preuve de laxisme dans l'interprétation de ces lois et dans leurs décisions. La concentration atteinte dans certains marchés actuellement au Canada est démesurée. Je ne veux pas être mal compris et mal cité non plus : je suis grandement en faveur de sociétés fortes, que des sociétés canadiennes se développent, fassent des acquisitions, aillent même à l'étranger, je n'ai aucun problème. Au contraire, il faut valoriser cela. Je parle de la concentration dans un même marché. Si on regarde tous les sondages, les Canadiens sont très inquiets de cette situation.

La présidente : Dans ce contexte, qu'est-ce qui constitue un marché? Est-ce une région? Une grande ville? Un marché linguistique?

M. Crevier : Je me fie beaucoup à la définition des marchés des grandes villes, c'est-à-dire les marchés dans lesquels on retrouve une activité économique. Pour Montréal, c'est le grand Montréal avec la rive Sud et les banlieues.

La présidente : Dans le cas des quotidiens, ce serait le bassin normal de distribution.

M. Crevier : C'est exact.

La présidente : La Presse a combien de bureaux de correspondants à l'étranger?

M. Crevier : On a des bureaux à l'étranger de façon permanente à Washington, Londres — même si le poste est vacant aujourd'hui — à Paris, et on envoie sur une base régulière des journalistes un peu partout. À chaque semaine, de deux à trois journalistes sont en reportage à l'extérieur.

La présidente : Est-ce que vous avez des bureaux au Canada à l'extérieur du Québec, à part Ottawa?

M. Crevier : À Toronto également.

La présidente : Combien peut coûter un bureau à l'étranger?

M. Crevier : Cela peut coûter assez cher. On veut ouvrir un bureau à Pékin ou à Shanghaï parce que ce qui se passe en Asie est extraordinaire. Cela fait quatre ans qu'on rajoute cette dépense à nos budgets; par la suite, on est obligé de l'enlever pour des questions de restriction budgétaire. Un bureau à l'étranger peut coûter entre 250 000 et 400 000 dollars, selon l'emplacement.

La présidente : Cela comprend-il les frais de voyage?

M. Crevier : Oui.

La présidente : Un correspondant à Pékin va voyager à travers la Chine et au Japon. C'est quand même envisageable pour une grande entreprise?

M. Crevier : Oui, pour une grande entreprise. Mais c'est là que cela devient un problème. Je suis allé visiter un journal aux États-Unis qui connaît une remontée fantastique en termes de qualité et de journalisme, qui est le Dallas Morning News. Ils ont, dans un marché plus grand que celui de Montréal, un seul quotidien. À Montréal, nous avons quatre quotidiens plus les journaux gratuits. Nos marchés sont tout petits. La population pour le Dallas Morning News a augmenté de près d'un million de personnes dans les dix dernières années. Il y a de la construction partout. Nous, on vit dans de petits marchés, et dans les dernières années, on a multiplié la quantité de licences, ce qui fait en sorte que dans un marché comme Sherbrooke, il y a des hebdomadaires, des quotidiens, trois postes de télévision, un poste de radio. Tout cela contribue à affaiblir le marché.

Quand je suis arrivé à la direction de La Presse et que je me suis mis à relire et à réfléchir à ce qu'on faisait, ce qui m'a frappé et continue de me frapper énormément au Canada, c'est que nos journaux, nos médias d'information ressassent toujours les mêmes questions. Au Québec, on parle à tous les Noëls de l'engorgement dans les hôpitaux. Maintenant, à La Presse, nous avons réalisé que notre réseau de correspondants à l'étranger sert très peu à couvrir les événements officiels. Si le pape devait mourir dans l'année, c'est sûr que nous enverrions quelqu'un à Rome, c'est normal et nous n'avons pas le choix. Notre réseau de correspondants à l'étranger travaille énormément sur ce que j'appelle les dossiers canadiens. Nous trouvions qu'il fallait contribuer au débat, et je donne l'exemple des hôpitaux. On a fait deux choses, qu'on va publier la semaine prochaine et qui sera très intéressant. On a pris des comités indépendants de gens, on leur a donné accès à des centres de recherche et à un paquet d'informations, et on leur a demandé de réfléchir sur la façon dont on pourrait avoir un système de soins de santé plus humain. Ces gens arrivent avec 16 recommandations fantastiques. On a pris des directeurs d'hôpitaux, des intervenants en soins de santé, des patients, et cetera. Ces personnes ont proposé 16 nouvelles solutions simples et faciles à implanter.

La deuxième chose qu'on a faite, c'est qu'on s'est dit qu'il devait y avoir, ailleurs dans le monde, des gens qui ont réformé leur système de santé. Est-ce qu'il y en a qui ont réussi? On va aller les voir. On a envoyé nos journalistes dans quatre pays voir ce qui s'était passé là-bas. En revenant ici, on a écrit des articles. On veut élargir le débat.

Le problème pour un pays comme le Canada, qui a un petit marché, avec des médias pas nécessairement très riches, c'est qu'on n'est pas capable de se payer une couverture étrangère. On est toujours en train de ressasser nos vieux problèmes, nos mêmes vieux débats, les mêmes vieilles manchettes, sans apporter d'éclairage nouveau. Je pense qu'avoir une capacité de couverture étrangère pour une société, c'est énorme. On l'a fait récemment.

Je parlais du dossier du Centre hospitalier universitaire de Montréal. Dans ce dossier, on a parlé plus souvent de voies ferrées que de qualité de services, parce que l'hôpital devait être construit à côté d'une voie ferrée. On est allé voir. On était tellement fatigué du débat qui ne levait pas. La Presse a décidé d'envoyer des gens à Toronto, à l'hôpital John Hopkins pour savoir pourquoi ce centre hospitalier était numéro un aux États-Unis.

On a constaté qu'il était situé dans de vieilles bâtisses et que ce n'était pas cela l'important. L'importance, c'est le lien avec l'université et la façon dont ils enseignaient, les liens qu'ils avaient faits avec le secteur privé pour faciliter la recherche. Avoir des quotidiens qui peuvent se permettre d'envoyer des gens à l'étranger apporte énormément au débat dans une société. Malheureusement, au Canada, très peu de quotidiens sont capables de se payer une couverture à l'étranger.

La présidente : Très peu le font.

M. Crevier : Mais le rendement financier des quotidiens canadiens comparé à celui des quotidiens américains est très bas. Le rendement financier des quotidiens québécois l'est encore plus.

La présidente : Quel est le niveau de profit acceptable pour un quotidien?

M. Crevier : Dans la moyenne canadienne, on parle d'à peu près 20 p. 100 de rendement. Au Québec, quelques journaux sont inférieurs à dix. On est très loin de la moyenne canadienne et encore plus loin de la moyenne américaine qui va jusqu'à 28 p. 100.

La présidente : Est-ce qu'il faut toujours augmenter les profits dans une entreprise qui est considérée comme étant mûre, mais qui fournit un service — comme vous l'avez si bien dit — tellement important au public?

M. Crevier : Votre question est intéressante parce que je pense qu'effectivement, quand une entreprise ou une industrie a atteint une forme de maturité, une croissance potentielle limitée, on doit effectivement se satisfaire d'un maintien du rendement ou d'une augmentation minime.

La présidente : Donc, un bon rendement.

M. Crevier : Maintenant, un bon rendement permet plein de choses : de mettre sur pied des programmes de formation, de renouveler son personnel, ses équipements, de lancer de nouveaux projets. Le problème, dans les journaux, dans les médias de communication, c'est qu'on souffre un peu de myopie. Il y a eu tellement de changements dans les 15 dernières années, avec l'arrivée des canaux spécialisés, avec Internet, qu'il faut changer notre façon de faire. Beaucoup plus de solides groupes de presse actuellement, en Europe, ont investi dans de nouvelles initiatives qui fonctionnent très bien. Ils avaient l'argent pour le faire. Ils se sont lancés dans les magazines, dans la production de télé. Ils se sont lancés dans la production de format compact. Un groupe allemand a lancé un format compact de haute qualité, plus petit que le tabloïde européen, mais de très grande qualité, et qui contient un maximum de 24 pages.

Ils ont réussi à aller chercher un lectorat très jeune, très éduqué, universitaire, qui n'avait simplement pas le temps de lire. Ils ont maintenu leur édition grand format à côté. Ils lancent beaucoup d'initiatives. Mais pour lancer des initiatives, il faut avoir une solidité financière. La norme de 20 p. 100, au Canada, est très acceptable, même si elle est inférieure à la norme américaine.

Il y a beaucoup d'expérience en Europe sur les nouveaux journaux, les nouveaux produits qui sont des expériences à suivre.

La présidente : Monsieur Crevier, je vous remercie. Cela a été extrêmement intéressant. Vous n'allez pas oublier de nous envoyer...

M. Crevier : Absolument, les deux choses que vous m'avez demandées.

La présidente : Il y a aussi une troisième chose que j'ajoute : le nombre de journalistes que vous avez dans les différents journaux. Vous n'êtes pas sans savoir que le regroupement des syndicats de Gesca est venu témoigner devant nous lorsqu'on était à Montréal, très inquiet de ce qui se passe. Nous aimerions que vous nous donniez la description des tendances dans les salles de rédaction. Ce serait formidable.

Encore une fois, on vous remercie. Cela a été extrêmement intéressant.

[Traduction]

La présidente : Voilà qui met fin à nos travaux.

La séance est levée.


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