Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 6 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie auquel a été renvoyé le projet de loi C-5 concernant l'Agence de santé publique du Canada et modifiant certaines lois, se réunit aujourd'hui à 10 h 46, afin d'examiner le projet de loi.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Translation]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Comme c'est la première fois que j'occupe les fonctions de président, je vous prierai d'être indulgents à mon égard.
Nous allons commencer notre examen du projet de loi C-5 qui vise à rétablir un texte de loi que nous avons déjà examiné sous le titre de projet de loi C-75 et qui concerne la création de l'Agence de santé publique du Canada.
Aux membres habituels du comité vient s'ajouter le sénateur Cowan qui joue aujourd'hui le rôle de critique du projet de loi, lui qui a été antérieurement le parrain du projet de loi précédent. Il s'agit du même projet de loi sous un numéro différent.
Les témoins qui comparaissent aujourd'hui devant nous pour défendre le texte de loi sont M. Steven Fletcher, secrétaire parlementaire du ministre de la Santé; le Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de l'Agence de santé publique du Canada et Mme Jane Allain, avocate générale de l'Agence de santé publique du Canada.
Steven Fletcher, député, secrétaire parlementaire du ministre de la Santé : Je suis heureux de témoigner devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet du projet de loi C-5 intitulé Loi concernant l'Agence de santé publique du Canada. Comme nous avons pu le constater à la Chambre des communes, il y a un fort appui pour le renforcement de la santé publique au Canada et l'établissement d'un point de convergence fédéral chargé de travailler en collaboration avec les administrations provinciales et territoriales et les autres intervenants de la santé publique pour traiter des divers enjeux à cet égard. C'est pourquoi il est important de soumettre une loi habilitante pour l'Agence de santé publique du Canada le plus tôt possible lors de la nouvelle session parlementaire. Comme vous le savez, le projet de loi C-5 a reçu un large soutien à la Chambre des communes et il a été adopté sans amendement.
Il y a eu, à la suite de la crise du SRAS, en 2003, des débats et des discussions importants au sujet de l'état du système de santé publique au Canada. Plus particulièrement, j'aimerais attirer votre attention sur le rapport intitulé Réforme de la protection et de la promotion de la santé au Canada : Le temps d'agir, présenté par le comité présidé alors par l'honorable sénateur Kirby et coprésidé par l'honorable sénateur LeBreton. De la même façon, j'aimerais souligner le travail accompli par le Dr Davis Naylor dont le rapport, intitulé Leçons de la crise du SRAS — Renouvellement de la santé publique au Canada, a été présenté en octobre 2003. J'aimerais ici remercier le sénateur Kirby qui a déployé une aide constante en faveur de la santé au pays.
Un grand nombre de leurs recommandations ont contribué à la création de l'Agence de santé publique du Canada et ont été prises en considération au cours de l'élaboration du projet de loi. Par exemple, les deux rapports ont souligné l'importance d'établir un point de convergence fédéral pour traiter des questions de santé publique. On recommandait notamment de créer une agence de santé publique et de nommer un administrateur en chef de la santé publique pour le Canada.
Afin de donner suite à ces recommandations, l'Agence de santé publique du Canada a été créée en septembre 2004 par décret en conseil. Toutefois, le Parlement ne l'a pas encore reconnue par l'adoption d'une loi habilitante. Le projet de loi C-5 vise à conférer la stabilité à l'Agence et les autorités nécessaires à l'administrateur en chef de la santé publique du Canada que seule une loi du Parlement peut leur procurer. Plus précisément, il est important que l'administrateur en chef de la santé publique soit reconnu comme le premier professionnel de la santé publique au Canada et qu'il possède l'expertise et les pouvoirs pour pouvoir s'adresser directement aux Canadiens en cas d'urgence sanitaire.
En tant qu'administrateur général de l'Agence, l'administrateur en chef de la santé publique disposera de l'autorité nécessaire pour travailler avec d'autres administrateurs fédéraux de façon à ce que l'Agence puisse faire partie intégrante d'une intervention coordonnée en cas d'urgence. Par ailleurs, l'Agence de santé publique du Canada aurait avantage à être dotée de pouvoirs de réglementation afin de pouvoir recueillir, gérer et protéger les renseignements sur la santé publique dont elle a besoin.
La crise du SRAS a clairement démontré qu'il était important que le gouvernement possède non seulement des renseignements exacts, mais aussi la capacité et les moyens d'y avoir accès et de les partager. L'établissement d'un fondement législatif conférera à l'Agence et à l'administrateur en chef de la santé publique la reconnaissance parlementaire et les outils dont ils ont besoin pour protéger et promouvoir la santé des Canadiens.
Permettez-moi maintenant de brièvement présenter les quatre principaux éléments du projet de loi qui, mis ensemble, contribueront à protéger et à promouvoir la santé des Canadiens.
Il est important de noter que le projet de loi C-5 n'élargit pas la portée des activités fédérales en cours dans le domaine de la santé publique. Il établit le fondement législatif de l'Agence ainsi que le poste d'administrateur en chef de la santé publique en tant que premier professionnel de la santé publique au Canada. Le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file bien établi en santé publique et travaille en collaboration avec les provinces, les territoires et d'autres ordres de gouvernement. Nous avons l'intention de poursuivre dans cette voie et le préambule du projet de loi C-5 indique clairement le désir du gouvernement fédéral de favoriser la coopération avec les gouvernements des provinces et des territoires et de coordonner les politiques et les programmes fédéraux.
En établissant un modèle ministériel et en dotant l'Agence d'un fondement législatif, le projet de loi s'inscrit dans la longue tradition de leadership, de coopération et de collaboration qui caractérise depuis des décennies l'approche du Canada en matière de santé publique. Premièrement, le projet de loi stipule que l'Agence est une entité ministérielle distincte de Santé Canada qui fait cependant partie intégrante du portefeuille de la Santé. Ce modèle permettra d'accroître la visibilité et l'importance des questions de santé publique. En tant qu'intervenant clé de l'administration fédérale, l'Agence aura une plus grande incidence pour ce qui est d'éclairer et de modeler les grandes orientations publiques que si elle n'était qu'un simple organisme autonome.
De plus, un modèle ministériel permettra de conférer à l'Agence et à l'administrateur en chef de la santé publique le statut requis pour collaborer avec d'autres ministères afin de favoriser une approche plus coordonnée et intégrée lorsqu'il s'agit de traiter de questions de santé publique et de se préparer en cas d'urgence sanitaire. En outre, en tant que point de convergence fédéral, l'Agence sera davantage en mesure de faire participer les provinces et les territoires et d'établir des liens avec les efforts faits partout dans le monde afin de pouvoir fournir aux Canadiens les meilleurs conseils possible en matière de santé publique. Par exemple, l'Agence a élaboré, de concert avec les provinces et les territoires, le Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza, reconnu par l'Organisation mondiale de la santé comme l'un des plus complets au monde.
Le ministre Clement a rencontré, le 13 mai, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Santé afin de discuter de la préparation à une pandémie. Au cours de cette rencontre, les ministres ont convenu que, dans le cadre d'un vaste accord d'aide mutuelle en voie d'élaboration par les provinces et les territoires, ils collaboreront afin de veiller à ce que les besoins et les préoccupations des communautés des Premières nations dans les réserves soient inclus dans ces accords et à ce que ceux-ci stipulent que les Premières nations et les Inuits doivent bénéficier d'un accès équitable à des antiviraux, à des vaccins, et à de l'équipement et à des fournitures en cas de pandémie.
Un deuxième élément important du projet de loi consiste à établir de façon officielle le poste d'administrateur en chef de la santé publique et à reconnaître le rôle double et unique en son genre joué par celui-ci. En tant qu'administrateur général de l'Agence, l'administrateur en chef de la santé publique relèvera du ministre de la Santé en ce qui a trait au fonctionnement quotidien et à la gestion de l'Agence et le conseillera sur des questions de santé publique.
L'administrateur en chef aura de la santé publique aussi l'autorité nécessaire pour faire participer d'autres ministères et sera en mesure de mobiliser les ressources de l'Agence pour répondre aux besoins des Canadiens en matière de santé publique. Le projet de loi reconnaît également que l'administrateur en chef de la santé publique, en plus d'être l'administrateur général de l'Agence, sera le premier professionnel de la santé publique, possédant une expertise et un leadership reconnus dans le domaine. À ce titre, l'administrateur en chef de la santé publique aura le pouvoir prescrit par la loi de communiquer directement avec les Canadiens ainsi que celui de rédiger et de publier des rapports sur des questions de santé publique. Il sera aussi tenu de soumettre au ministre de la Santé un rapport annuel sur l'état de la santé publique au Canada qui sera ultérieurement présenté au Parlement. Les intervenants ont clairement indiqué qu'ils veulent que l'administrateur en chef de la santé publique soit un interlocuteur crédible et fiable. Le fait de conférer à l'administrateur en chef de la santé publique le pouvoir de s'exprimer publiquement sur des questions de santé publique et de s'assurer qu'il possède les compétences requises en matière de santé publique permettra de confirmer sa crédibilité auprès des intervenants et de la population canadienne.
De plus, comme je l'ai indiqué précédemment, le gouvernement du Canada entend favoriser dans le domaine de la santé publique la consultation et la coopération avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. En tant que coprésident du Conseil du Réseau pancanadien de santé publique, l'administrateur en chef de la santé publique peut faciliter l'amélioration de la collaboration avec les provinces et les territoires en ce qui a trait à la santé publique.
Enfin, le projet de loi prévoit des pouvoirs de réglementation précis pour la collecte, la gestion et la protection de renseignements sur la santé, de manière à ce que l'Agence puisse obtenir l'information sur la santé dont elle a besoin pour s'acquitter de son mandat. Compte tenu de la menace possible d'une pandémie de grippe, l'Agence de santé publique du Canada doit clairement être autorisée légalement à recueillir, à utiliser, à divulguer et à protéger les renseignements fournis par un tiers. Cette autorité législative manifeste permettra de garantir aux provinces et aux territoires qu'ils peuvent légalement échanger des renseignements avec le gouvernement fédéral. Ainsi, les dispositions de la loi habilitante de l'Agence et les règlements pris en vertu de celle-ci permettront de préciser les pouvoirs de l'Agence en ce qui concerne la collecte de renseignements tout en assurant la protection des renseignements confidentiels.
En dotant l'Agence d'un fondement législatif et en appuyant le double rôle de l'administrateur en chef de la santé publique, nous démontrerons à la population canadienne que nous avons entendu ses demandes d'établir un point de convergence fédéral permanent pour mieux traiter les questions de santé publique et que nous prenons les mesures nécessaires afin de renforcer le système de santé publique dans son ensemble. Comme nous le savons tous, la prévention et la gestion des maladies ainsi que la promotion de la santé sont essentiels pour améliorer la santé de la population et réduire les pressions exercées sur le système de santé ainsi que les temps d'attente. Il est important que nous adoptions ce projet de loi, qui permettra d'établir le fondement législatif de l'Agence de santé publique du Canada et de soutenir nos efforts collectifs en vue de renforcer la santé publique au Canada. De toute évidence, nous avons tous intérêt à protéger et à promouvoir la santé des Canadiens et des Canadiennes. Étant donné qu'il procure un fondement législatif solide à l'Agence, le projet de loi s'inscrit dans une longue tradition de coopération et de collaboration qui fait partie de l'approche du Canada en matière de santé publique depuis des décennies.
Au bout du compte, le projet de loi permettra de doter l'Agence de santé publique du Canada d'un fondement législatif solide qui aidera le ministre de la Santé, à protéger et à promouvoir la santé des Canadiens. Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le secrétaire parlementaire.
Le sénateur Cordy : Je pense que vous avez conscience de vous adresser à des convertis, puisque nous avons nous- mêmes rédigé un rapport sur ce sujet et recommandé la création de l'Agence qui est en activité depuis un peu plus de deux ans. Quelles sont les améliorations qu'a apportées l'Agence? Qu'est-ce qui a changé entre le moment où l'Agence a vu le jour et le mois d'octobre de cette année?
M. Fletcher : Je vais laisser à l'administrateur en chef de la santé publique du Canada le soin de répondre. Cependant, j'aimerais préciser que le texte de loi proposé est une loi habilitante visant à faire sanctionner par le Parlement le poste d'administrateur en chef de la santé publique. Il a contribué à mettre en place les dispositions d'intervention d'urgence en cas de pandémie. Aujourd'hui, nous sommes beaucoup mieux préparés que nous ne l'étions au moment de la crise du SRAS. Incidemment, le ministre actuel de la Santé occupait le même poste en Ontario au moment de la crise du SRAS. Par conséquent, le ministère de la Santé a une grande expérience dans le domaine, aussi bien au niveau politique qu'au niveau administratif. La législation proposée nous permettra de réagir de manière plus rapide et plus efficiente.
Je vais laisser au Dr Butler-Jones le soin d'ajouter quelques précisions.
Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique, Agence de santé publique du Canada : La dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, vous prépariez votre rapport sur les répercussions de la crise du SRAS. C'était avant que j'occupe mon poste actuel et je ne pouvais imaginer alors qu'il me faudrait un jour passer à autre chose. Cependant, il s'est passé des choses très intéressantes depuis deux ans. En plus de mes activités générales axées sur la santé publique, je travaille désormais avec les provinces, puisque je prends part à des rencontres avec des sous- ministres provinciaux dans le cadre de séances d'élaboration de politiques, et cetera. Il y a de nouveaux investissements aux échelons provinciaux et territoriaux, ainsi qu'au niveau fédéral.
Nous avons désormais fixé pour le Canada des objectifs en matière de santé qui nous ont paru inaccessibles pendant de nombreuses années. Toutes les régions du pays adhèrent à ces objectifs. Nous avons le Réseau pancanadien de santé publique dont le secrétaire parlementaire a parlé, qui nous permet de promouvoir ensemble toute une gamme d'activités dans le domaine de la santé publique, tant sur le plan des politiques qu'en matière de programmes. Le Réseau permet aux diverses régions de mener des actions communes, chose qui se serait avérée impossible auparavant.
Par ailleurs, nous mettons désormais plus l'accent sur la prévention des maladies chroniques et d'autres aspects tels qu'un mode de vie sain, la lutte contre les problèmes d'obésité et de nombreux autres défis. Nous avons souvent concentré nos efforts sur la flambée des maladies infectieuses, mais le plus grand changement sera la mise en place de conditions propices à la santé qui sont au cœur même du système que nous envisageons.
Pour moi qui participe à ce changement et qui ai le privilège d'occuper ce poste, il est très gratifiant de voir les progrès que nous avons accomplis dans notre collaboration avec les provinces et territoires, avec d'autres intervenants et dans divers secteurs du gouvernement fédéral. Je ne suis pas tout à fait impartial puisque je parle de mon travail, mais la plupart des gens nous disent que beaucoup de nos réalisations étaient considérées autrefois comme des rêves inaccessibles. Les choses se mettent en place peu à peu sous la forme d'ententes avec les provinces sur le partage d'informations, l'assistance mutuelle, la mise en place de plans, l'approche collective de diverses questions.
C'est au niveau local que se posent les questions de santé publique et c'est également au niveau local qu'il faut intervenir, mais si les organismes de santé publique ne disposent pas d'un bon réseau national et international, ils n'auront ni les ressources, ni les compétences nécessaires pour réagir face aux différents enjeux et situations d'urgence. Nous faisons des progrès, mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines.
Le sénateur Cordy : Nous ne sommes pas non plus tout à fait impartiaux, puisque vous avez déjà comparu devant nous et vous saviez quelles seraient nos recommandations.
Les commentaires que vous avez faits au sujet de votre collaboration avec les provinces m'intéressent. Comment fonctionnent ces liens avec les provinces et territoires? Comment traitez-vous les questions de compétence? Dans les nombreux rapports que nous avons consacrés à la santé, nous sommes partis du principe qu'il fallait intervenir pour le bien des contribuables. C'est pourquoi, je me demande comment vous collaborez avec les diverses régions. Comment recueillez-vous le point de vue des provinces? Avez-vous des rencontres avec les sous-ministres? Pouvez-vous nous expliquer comment votre agence nationale œuvre en consultation avec les diverses régions du pays?
Dr Butler-Jones : Dans les régions, la majorité des ressources et des activités sont financées par les provinces ou les territoires. Elles sont d'origine locale ou sont gérées localement. La plus grande partie de la législation vise en fait à soutenir les activités locales et provinciales que nous nous efforçons ensuite de faciliter et de coordonner. Par ailleurs, nous avons nos propres responsabilités à l'échelon fédéral.
Nous travaillons avec les provinces et les territoires sur les enjeux d'intérêt collectif. Quelle est la contribution de l'Agence au système? Nous disposons de laboratoires spécialisés. Nous mettons à la disposition de nos partenaires notre expertise en matière de maladies chroniques, de maladies infectieuses, de promotion de la santé et dans toute une gamme d'autres domaines — ce sont des compétences que nos partenaires n'ont pas. Par ailleurs, nous pouvons faciliter l'accès des régions plus petites aux compétences dont elles ont besoin et dont elles ne pourraient pas se prévaloir aussi facilement que d'autres régions plus importantes. Et même des régions plus grandes comme l'Ontario font souvent appel à nous. Il est évident que ce ne serait pas très efficace d'analyser ou de découvrir la même chose 14 fois différentes. Nous pouvons jouer un rôle de centralisation de tous ces efforts.
Nous avons établi une sorte de toile qui permet de recueillir l'apport de nos divers partenaires. Dans le cas d'une situation d'urgence locale, comment les diverses régions réunissent-elles les compétences ou les ressources nécessaires? Elles cheminent par l'intermédiaire des régions, des provinces, et cetera. De notre côté, nous mettons à leur disposition nos liens internationaux. Le Réseau pancanadien de santé publique réunit de nombreux intervenants.
Le Conseil du Réseau que je copréside est essentiellement l'organe fédéral, provincial et territorial de surveillance. Il fait rapport au conseil des sous-ministres où je siège, qui à son tour rend compte à la conférence des ministres. Nous disposons maintenant d'une tribune où nous pouvons exposer les politiques, alors qu'auparavant, les nombreux comités consultatifs n'avaient aucun point de ralliement. Aujourd'hui, ils sont reliés à un réseau et l'on dispose donc d'un mécanisme qui permet de faire appel aux ministres ou aux sous-ministres pour obtenir des conseils, des recommandations, et cetera en matière de politiques. Par ailleurs, les comités collaborent sur le plan technique et nous disposons de divers comités d'experts. Le projet de loi énumère six fonctions liées à la santé publique et nous disposons de divers comités et groupes d'experts qui consacrent leurs activités à ces différentes fonctions. Ils sont en mesure d'élaborer des lignes directrices, de partager des informations et de gérer divers dossiers. Ils peuvent également présenter des politiques et d'autres conseils.
Le système est désormais beaucoup plus fonctionnel. De manière générale, il fonctionne assez bien, si j'en crois les échos de mes collègues sous-ministres. Il ne fonctionnera jamais parfaitement à l'échelle de toute la fédération, mais nous essayons de nous compléter plutôt que d'entrer en concurrence les uns avec les autres et, de ce fait, nous contribuons à améliorer le système.
M. Fletcher : Permettez-moi d'ajouter que nous sommes très fiers à Winnipeg du laboratoire de virologie dans lequel le Dr Butler-Jones est très engagé. Voilà qui démontre bien qu'il est de l'intérêt de toutes les provinces de disposer d'un laboratoire central où elles peuvent envoyer leurs échantillons et obtenir une analyse scientifique, plutôt que d'avoir à mettre en place à 14 endroits différents des laboratoires autorisant un confinement de niveau 4.
Il est intéressant de signaler que le Bloc avait posé une question semblable au cours du débat à la Chambre des communes, mais il semblait croire que les pandémies ne franchissent pas les frontières provinciales. Il est clair que ce n'est pas le cas. Voilà qui fait ressortir encore plus l'utilité de l'Agence de santé publique du Canada qui permet d'exercer un rôle de coordination que les provinces ne peuvent pas jouer.
Le sénateur Cochrane : Vous avez parlé de nouveaux investissements au Canada. Pouvez-vous nous donner d'autres détails à ce sujet?
Dr Butler-Jones : Les trois derniers budgets fédéraux contenaient d'importantes contributions à la santé publique. Ces contributions ont commencé dès que l'Agence a vu le jour et le dernier budget consacrait des crédits à la prévention des maladies chroniques et à la promotion des habitudes de vie saine, à la gestion des maladies humaines et animales et au risque de pandémies. Une bonne partie de ces ressources budgétaires était consacrée aux maladies chroniques, en particulier le cancer. Ce sont là des crédits budgétaires fédéraux.
Depuis la création de l'Agence, plusieurs provinces ont désigné des ministres et des ministères chargés de la santé publique. Le Centre de contrôle des maladies de Colombie-Britannique existait avant l'Agence, tout comme son homologue québécois. D'autres provinces ont créé des ministères et des portefeuilles de ministres. Certaines d'entre elles constituent aussi leurs propres agences or agences parallèles qui ont pour mission de centraliser tous ces éléments.
D'une certaine manière, il est ironique que le point de départ des gouvernements ait été la santé publique, considérée comme un élément du bien public relié à la sécurité publique et au bien-être des citoyens. Le fait d'avoir mis l'accent sur l'assurance nous avait fait négliger cette priorité essentielle. Il est intéressant de noter les leçons de ces dernières années et l'intérêt renouvelé que les gouvernements et les autres autorités portent à ce fondement de la santé publique. Si nous n'obtenons pas de bons résultats, l'édifice continuera à se lézarder. L'important est donc de trouver cet équilibre — car c'est en effet un équilibre et non pas un choix dans une direction plutôt qu'une autre. Il semble enfin que nous soyons dans la bonne direction.
Le sénateur Callbeck : Merci à tous les deux d'être venus. Le sénateur Cordy a abordé un aspect sur lequel j'aimerais vous demander des précisions. La création de l'Agence a été précédée par de nombreuses consultations auprès des provinces. A-t-on répondu de manière satisfaisante à leurs inquiétudes majeures, ou certaines sont-elles demeurées en suspens?
Dr Butler-Jones : La liste est longue. Nous progressons lentement dans la liste. Le Réseau pancanadien de santé publique est établi. Nous sommes sur le point de conclure des ententes sur le partage d'informations et d'autres échanges qui sont extrêmement importants pour relever certains défis tels que la crise du SRAS.
Il reste encore des problèmes de capacité à régler au pays. Nous devons continuer à travailler et à mettre l'accent sur certains domaines, mais cela ne peut se faire en un jour. Même si nous avions les ressources nécessaires, il serait impossible de recruter suffisamment de personnes ayant la formation appropriée.
Nous devons nous donner cinq à dix ans pour trouver le juste équilibre et la bonne combinaison et parvenir à les réaliser. Il est clair que les provinces sont très intéressées par la participation du gouvernement fédéral à titre de partenaire dans plusieurs domaines.
Le sénateur Callbeck : Est-il juste de dire que, selon vous, les conditions sont en place pour que les provinces puissent prendre part de manière appropriée à ces décisions?
Dr Butler-Jones : Oui. De manière générale, les mécanismes de collaboration sont déjà en place. Ils continuent à évoluer à mesure que nous accumulons de l'expérience, mais le Réseau est en place depuis plus d'un an. Il est relativement nouveau, tout comme l'Agence.
Le sénateur Callbeck : Vous êtes coprésident du Réseau pancanadien de santé publique. Qui compose ce comité? Est-ce qu'il regroupe des sous-ministres?
Dr Butler-Jones : Il y a plusieurs niveaux. Le Conseil du Réseau qui est l'organe de surveillance chargé de rendre compte à la conférence des sous-ministres, organe auquel je siège, est coprésidé par moi-même et le Dr Perry Kendall qui est médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique. Ce conseil en particulier est composé de représentants des différents ordres de gouvernement — fédéral, provincial, territorial. Il y a parmi eux des sous-ministres adjoints, des médecins hygiénistes en chef. Tout dépend de la région. Chacune choisit son représentant.
Ensuite, il y a les comités de spécialistes qui regroupent des professionnels, des représentants des provinces et territoires et divers experts, selon le comité et la question étudiée.
Ce conseil fédéral-provincial-territorial exerce une fonction de surveillance sur le reste du réseau.
Le sénateur Trenholme Counsell : En m'informant sur les mesures de préparation à une pandémie, ce qui m'a le plus étonnée et inquiétée, c'est la réaction au niveau municipal, ainsi que la réaction de certains groupes professionnels tels que les médecins et les infirmières. Selon les nombreux articles que j'ai lus dans différents journaux, les municipalités et les groupes professionnels semblent indiquer qu'ils seraient vraisemblablement débordés et tout à fait incapables de répondre à une telle crise, en grande partie à cause du manque de ressources humaines.
Où en êtes-vous dans ce domaine? Quelle est l'intensité de vos communications, par l'intermédiaire des provinces, je suppose, avec les municipalités et les groupes professionnels?
Dr Butler-Jones : Selon son envergure, il est clair qu'une pandémie mobiliserait la plus grande partie de nos capacités. À titre de comparaison, l'épidémie de SRAS était importante, mais elle n'a touché que peu de gens et seulement quelques secteurs géographiques. Et pourtant, elle a eu une incidence sur la perception que l'on pouvait avoir de la sécurité, des enjeux économiques et dans toutes sortes d'autres domaines.
Le problème, dans le cas d'une pandémie, c'est qu'elle sévit partout. En revanche, ses répercussions pourraient être relativement limitées s'il s'agissait d'une très mauvaise année de grippe ordinaire, ou, au contraire, beaucoup plus étendues. Il est peu probable que les conséquences seraient aussi dévastatrices qu'en 1918. Il y a toutes sortes de projections.
Selon l'envergure de l'épidémie, selon la façon dont nous réagissons, selon notre degré de préparation et selon la rapidité avec laquelle nous passons à la gestion de la crise — et cela ne peut se faire de manière instantanée — nous disposons d'un certain nombre de mesures. Je pense à nos réserves de médicaments, dans la mesure où les antiviraux pourront offrir un traitement efficace. Nous avons conclu un contrat avec un fabricant canadien afin de produire un vaccin le plus rapidement possible, s'il en existe un, pour pouvoir le distribuer à toute la population, ce qui est, là encore, unique au monde.
La planification se fait à différents niveaux. Il est intéressant de noter que depuis dix ans, les autorités de santé publique planifient, préparent et réfléchissent à toutes les questions importantes, alors que l'opinion générale ne s'en préoccupe que depuis un an ou deux. Maintenant, on voudrait que toutes les informations soient disponibles et que tout soit prêt immédiatement. Or, tout cela prend un peu de temps.
Bien que ce ne soit pas généralisé dans toutes les régions du pays, la plupart des régions disposent maintenant de comités locaux qui se penchent non seulement sur les questions de santé, mais également sur d'autres problèmes qui se présentent dans la municipalité. Nous avons un comité composé de divers sous-ministres de plusieurs ministères du gouvernement fédéral. Il comprend plusieurs sous-comités et il est également en lien avec divers groupes du secteur privé et de l'industrie au sujet de leur planification, ainsi qu'avec le gouvernement du Canada, en plus de correspondre avec les provinces et territoires en matière de préparation aux situations d'urgence, de santé humaine et animale et au sujet des liens qu'il peut y avoir entre les deux.
D'après moi, nous progressons rapidement, mais il y a encore beaucoup à faire. Nous continuons à appliquer nos plans et à transmettre les informations aux entreprises, aux ONG et aux autres partenaires afin qu'ils puissent réfléchir aux mesures qu'ils peuvent prendre pour limiter l'impact.
On peut tirer beaucoup de leçons de la crise du SRAS. La première est que la clé réside dans la communication. Il est extrêmement important de disposer de bons canaux de communication et de bons contacts. Par ailleurs, il est très important de ne pas croire que c'est le problème d'un seul secteur. En cas de pandémie grave, c'est toute la société qui sera concernée. À l'échelon municipal, on ne peut pas penser que la solution se trouve entre les mains des autorités nationales de santé publique. Elles n'ont pas les ressources nécessaires pour cela. Il faut penser au secteur bénévole et au secteur privé. Que peuvent faire les entreprises pour minimiser les contacts? Elles peuvent par exemple demander à leurs employés de rester travailler chez eux. Il faut envisager toutes sortes de mesures.
Nous faisons des consultations dans divers domaines. Parallèlement, nous nous inspirons d'autres pays. Pendant la crise du SRAS, par exemple, Singapour n'a pas attendu que les autorités de santé publique interviennent pour communiquer avec la population. Les dirigeants se sont assurés que les directeurs et chefs d'entreprise sachent prendre les mesures nécessaires dès qu'un de leurs employés affichait les premiers symptômes d'une toux et d'une fièvre afin d'éviter qu'il infecte d'autres personnes en attendant d'être examiné par les autorités sanitaires.
Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire, notamment tirer la leçon des expériences passées et commencer à prendre contact avec toutes sortes de gens comme les entrepreneurs de pompes funèbres et les directeurs de patinoires. Nous n'en sommes pas encore là, mais je pense que nous commençons à poser les bonnes questions.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je crois qu'il faudrait mettre les entrepreneurs de pompes funèbres au bas de la liste.
Tout ce que vous dites est certainement avisé et complet, mais surtout théorique. Avez-vous effectué une étude de cas dans une ville en particulier, par exemple St. John's à Terre-Neuve, Ottawa ou Victoria, afin de l'appliquer comme modèle? Je me souviens que l'organisation des mesures d'urgence utilisait des modèles, lorsque j'y ai travaillé, il y a longtemps.
Avez-vous élaboré une étude de cas pour une ville quelconque et développé un modèle à partir de cette étude de cas?
Dr Butler-Jones : Les prévisions sont nombreuses et variées et chaque scénario donne lieu à une planification différente. En même temps, nous collaborons avec les autorités sanitaires régionales et autres afin de leur communiquer les plans que nous avons mis au point pour leur faciliter la tâche dans l'élaboration de leurs propres plans.
Le deuxième volet est la mise en application des plans. Nous avons effectué, au niveau fédéral tout au moins, des exercices sur le papier. Dans le cas d'une pandémie, la préparation correspond à 80 p. 100 à celle de toute autre situation d'urgence. Nous nous préparons à une pandémie, mais de façon générique, car nous ne savons pas si nous devrons faire face à une catastrophe naturelle, à un attentat bioterroriste, à une épidémie ou à tout autre type d'accident.
Une épidémie infectieuse ne se présente pas de la même manière qu'un tremblement de terre qui provoque une situation d'urgence suivie d'une période de retour à la normale. Dans le cas d'une épidémie, il y a une phase d'éclosion qui dure plusieurs semaines ou plusieurs mois, après quoi l'épidémie s'apaise pendant quelque temps et connaît plus tard une recrudescence. La réaction doit être un peu différente de celle que l'on doit avoir en cas d'attentat terroriste ou de catastrophe naturelle. Les municipalités, les hôpitaux et autres organismes doivent intégrer des éléments extrêmement précis dans leurs plans d'intervention. Cependant, le processus de base est très semblable. En voulant établir des plans distincts pour des attentats bioterroristes et des épidémies, nous faisons erreur si nous ne pensons pas à tous les enjeux, à la façon dont la société réagira et au rôle de chacun d'entre nous pour réagir à la situation. Voilà la perspective que nous apportons à cette planification qui devra avoir un intérêt générique. La prochaine pandémie nous frappera peut-être l'an prochain ou seulement dans 20 ans. Personne ne le sait. La nature ne le sait sans doute pas elle- même. Nous devons être prêts.
Le sénateur Cowan : Je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir déposé à nouveau ce projet de loi. Comme l'a précisé M. Fletcher, il avait été présenté au cours de la dernière législature par Carolyn Bennett, et est mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées. Par conséquent, il aura fallu un peu plus de temps pour lui fournir cette assise législative. Je me suis prononcé à la Chambre en faveur de ce projet de loi et je suis convaincu qu'il est important d'œuvrer le plus rapidement possible pour adopter cette assise législative.
Mes questions s'adressent au Dr Butler-Jones. Mes collègues ont posé des questions sur les deux dernières années. Votre agence a bien été créée par décret à la fin de l'année 2004?
Dr Butler-Jones : Oui, en septembre.
Le sénateur Cowan : Nous avons maintenant deux ans d'expérience et j'aimerais entendre votre réponse aux questions concernant les progrès accomplis. Vous avez parlé de la façon dont vous avez géré les conflits avec les provinces et territoires, de vos consultations avec eux et de la liste des choses à accomplir qui diminue progressivement. Avez-vous connaissance de certaines questions en suspens qui seraient susceptibles de remettre la situation en cause? Aimeriez-vous nous parler de certaines questions importantes auxquelles il faudrait trouver une solution dès à présent?
Dr Butler-Jones : Nous faisons d'excellents progrès. Nous travaillons depuis longtemps et nous avons vraiment fait des progrès au cours des deux dernières années. Ce que je crains, c'est que l'on ait l'impression d'avoir réussi. Ma grande crainte est que l'on ait l'impression d'avoir accompli notre mission en créant une agence et que l'on ne continue pas à réfléchir aux autres mesures à prendre. Nous devons poursuivre dans la direction que nous avons empruntée et continuer à dialoguer au niveau provincial et territorial et à l'échelle internationale.
L'intérêt est très vif au niveau international. Par exemple, les ministres de la Santé du G8 se sont rencontrés pour la toute première fois et ont abordé les questions de santé publique. Ils ne s'étaient jamais rencontrés auparavant.
Nous avons plusieurs projets en cours. Nous devons poursuivre notre travail et consolider les acquis. La clé, c'est le progrès. Nous ne devons pas penser que nous avons accompli notre mission, car il est clair qu'elle n'est pas encore terminée.
M. Fletcher : Sénateur, vous aviez raison de souligner dans votre préambule que le projet de loi était mort au Feuilleton lors des derniers jours de l'ancien gouvernement. Permettez-moi de vous faire remarquer que le gouvernement actuel a déposé le présent projet de loi peu de temps après son entrée en fonction. Je crois que c'est le premier texte législatif d'importance à avoir été adopté par la Chambre des communes. Voilà qui démontre que le nouveau gouvernement du Canada agit sans délai dans les dossiers de santé publique. C'est formidable que vous accordiez votre appui à ce projet de loi.
Dans mes remarques préliminaires, j'aurais dû souligner la contribution extraordinaire du sénateur Keon à la santé publique au Canada. Les conseils fournis par le sénateur Keon au sujet du cancer et des maladies cardiovasculaires ont été extrêmement utiles au ministre et à moi-même pour la rédaction du présent projet de loi et de beaucoup d'autres. C'est un honneur pour moi de vous côtoyer ici aujourd'hui, sénateur.
Le président : Voilà une magnifique présentation pour le sénateur Keon.
Le sénateur Keon : Merci, Steven. Je vous ferai parvenir votre chèque dès demain.
Je voulais vous féliciter, docteur Butler-Jones. Vous avez fait un travail fantastique au cours des deux dernières années. Vous avez mis tout le monde de votre côté. Vous avez créé votre réseau et vous avez su éviter les conflits. Vous avez eu l'intelligence d'embaucher certains de mes anciens employés, ce qui était une garantie de réussite. Vous vous êtes attaqué à une tâche herculéenne et vos réalisations sont extraordinaires.
J'aimerais soulever une question qui me paraît être actuellement de la plus haute importance pour le Canada sur le plan de la santé. Dans mon esprit, il est clair que la création de l'Agence est la mesure la plus importante que nous ayons prise en matière de santé depuis de nombreuses années. Cette décision aura sur l'état de santé du Canada un impact plus grand que n'importe quelle autre mesure. Toutefois, si nous voulons regagner la position que nous avions auparavant — autrement dit, si nous voulons cesser d'occuper la 13e place dans le monde sur le plan de la santé et rejoindre des pays comme le Japon, la Suisse et la Scandinavie — nous devons aller jusqu'au bout de ce que nous avons entrepris. Je ne pense pas que nous puissions le faire sans prendre en compte la santé de la population et répondre aux questions soulevées par le sénateur Cordy. Nous devons boucler la boucle; nous devons pouvoir transmettre aux provinces les connaissances que vous nous fournirez dans vos rapports annuels afin de leur permettre d'éliminer ces foyers de maladie qui nous donnent actuellement si mauvaise réputation sur la scène internationale.
J'ai eu le privilège de prendre part à deux des trois importants comités qui ont siégé après la crise du SRAS et cela m'a donné l'occasion de confirmer que nous avons urgemment besoin de mettre en place un cadre pour la santé de la population, de façon à fournir aux intervenants comme vous les outils nécessaires pour exécuter votre travail. J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.
Dr Butler-Jones : Je vous remercie pour vos commentaires élogieux. Il est évident que les travaux de votre comité ont contribué à jeter les bases de l'Agence et à renforcer la cote d'estime qui nous a permis de progresser dans nos réalisations.
C'est dommage que le sénateur Cowan ait dû partir, étant donné que je vais en partie répondre à sa question. On met beaucoup l'accent sur les maladies infectieuses, mais tout est lié. La crise du SRAS nous a montré que les victimes les plus probables sont les personnes qui sont déjà atteintes de maladies chroniques. La capacité des collectivités à récupérer et réagir ou à éviter la maladie, dépend d'autres facteurs qui sous-tendent la santé et qui relèvent de notre vision en matière de santé publique et de la façon dont les gouvernements et les sociétés s'organisent.
Le moment est venu d'examiner les facteurs qui sous-tendent la santé, afin de mieux les comprendre mais aussi de trouver des façons pratiques de les prendre en compte. On met beaucoup l'accent sur les maladies infectieuses. Pourtant, faute de nous intéresser aux maladies chroniques, aux blessures et aux autres facteurs fondamentaux qui déterminent la santé, notamment l'éducation et l'organisation de nos collectivités, nous ne parviendrons pas à rendre le système de soins de santé plus efficace et plus efficient.
Il est important de nous pencher dès maintenant sur les facteurs qui conditionnent la santé de la population et sur ce que nous devons faire pour les renforcer.
Nous devons réfléchir à ces questions et tenter d'y répondre. Je crois que nos intérêts et ceux du Sénat sont complémentaires et je pense que nous pouvons concentrer nos efforts dans ce domaine. Je serais très heureux que le comité décide d'aller dans ce sens.
L'autre secteur qui mérite notre attention est celui des ressources humaines. Nous devons disposer de personnel qualifié, formé et capable de prendre part à ces activités. C'est pourquoi nous travaillons beaucoup avec les universités, les provinces et d'autres organismes et que nous cherchons à augmenter nos ressources afin de disposer d'une main- d'œuvre formée, qualifiée et professionnelle dans le secteur de la santé publique.
L'été prochain, l'Union internationale de promotion de la santé et d'éducation pour la santé tiendra son congrès à Vancouver. Je crois que les congrès ont lieu tous les trois ans. Cette rencontre mettra l'accent sur les répercussions de la santé dans le monde.
L'Organisation mondiale de la santé présentera sa commission. Nous avons deux représentants canadiens, Stephen Lewis et Monique Bégin. Ce ne sont pas des représentants du gouvernement, mais des Canadiens qui ont beaucoup à offrir.
Nous appuyons également les réseaux de connaissances au Canada et certains travaux de cette commission dans la perspective de la communauté mondiale. Tous ces travaux ont un écho lors des réunions des ministres du G8 et d'autres rencontres car ils nous permettent de mieux comprendre les principes de base de la santé. Sinon, il deviendra impossible pour nous de maîtriser le volet traitement du système. Fondamentalement, la bonne santé est aussi un facteur positif pour l'économie.
Le président : Je suis certain que la question de l'autonomie de l'Agence a fait l'objet d'une grande réflexion lors de l'examen du projet de loi précédent, le C-75. L'ancien gouvernement et le gouvernement actuel ont pensé accorder une autonomie suffisante à l'Agence en optant pour le meilleur modèle, celui d'un organisme de service créé par voie législative. Pourtant, certaines personnes de notre comité et au sein de l'AMC estimaient que l'Agence aurait dû bénéficier d'une plus grande autonomie.
Monsieur Fletcher, vous avez dit aujourd'hui qu'un organisme intégré à la structure fédérale au sein d'un ministère et faisant rapport au ministre pourrait exercer une plus grande influence qu'un organisme plus indépendant au moment de la formulation des politiques publiques. Je comprends votre point de vue, mais je me demande si l'on peut craindre la politisation, l'ingérence politique, en particulier en ce qui a trait à la capacité du médecin hygiéniste en chef d'informer la population au sujet de certaines questions.
M. Fletcher : Je vais vous répondre en quatre points.
Premièrement, les problèmes et les menaces en matière de santé publique sont de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes. Il est important que nous puissions disposer d'un administrateur en chef de la santé publique. Cette fonction intégrée à la structure fédérale permet à son titulaire d'exercer un rôle clé dans le portefeuille de la santé.
Deuxièmement, l'administrateur en chef de la santé publique pourra également exercer une influence considérable, en prenant part à l'élaboration des politiques publiques, plus facilement peut-être qu'un organisme autonome. En tant qu'administrateur général de l'Agence, l'administrateur en chef de la santé publique devra rendre des comptes au ministre de la Santé qui l'autorisera à se pencher sur des dossiers à facettes multiples avec d'autres ministères fédéraux et permettra ainsi d'appuyer une approche plus intégrale et coordonnée face aux problèmes et menaces concernant la santé publique.
Troisièmement, l'administrateur en chef de la santé publique indique actuellement aux sous-ministres des autres gouvernements du pays la voie à suivre en matière d'intervention en cas de pandémie. Vous avez déjà souligné l'excellent travail qu'a réalisé le Dr Butler-Jones à ce chapitre. Son travail est facilité en raison du lien direct dont dispose l'administrateur en chef de la santé publique avec la structure fédérale. Les choses seraient loin d'être aussi aisées si l'administrateur en chef de la santé publique était indépendant du gouvernement.
Enfin, le projet de loi reconnaît le statut unique de l'administrateur en chef de la santé publique au sein du gouvernement du Canada en tant que premier professionnel de la santé publique et administrateur général de l'Agence. Ce rôle double est unique en son genre et permet à l'administrateur en chef de la santé publique de répondre aux intervenants de la santé publique tout en demeurant assujetti à la responsabilité ministérielle et en conservant le degré d'indépendance nécessaire pour demeurer une voix crédible dans le milieu médical et dans le secteur de la santé publique au Canada et à l'étranger.
Dr Butler-Jones : Je crois que c'est un bon équilibre. Ce rôle double est tout à fait unique au sein du gouvernement fédéral et unique également dans le monde par le degré d'autonomie que confère ce poste et par la capacité de son titulaire à se prononcer en toute indépendance par rapport au gouvernement, comme cela est nécessaire pour définir une perspective en matière de santé publique. Libre au gouvernement d'accepter ou non l'avis de l'administrateur. Les autres intervenants régionaux peuvent en faire de même.
Il est important pour l'administrateur de faire partie du gouvernement, car il peut ainsi rencontrer les sous-ministres des provinces et territoires et appartenir à la famille fédérale. S'il ne pouvait pas s'asseoir à la même table que ces intervenants, il lui serait difficile d'apporter sa perspective dans les débats. La santé publique, ce n'est pas un simple programme ou une structure de prestation de services; c'est une fonction qui permet de réfléchir aux facteurs qui sous- tendent la santé des populations et qui met en jeu toute une gamme de ministères et d'activités, comme l'a dit un peu plus tôt le sénateur Keon. Il est important également de pouvoir participer au processus budgétaire et d'être un organisme ministériel ayant des obligations de rendre compte, des pouvoirs et des responsabilités en matière de politique, de budget et d'autres activités du gouvernement.
La quantité de dossiers à examiner est une affaire de décision. Je peux vous dire cependant, après avoir assuré les fonctions de médecin hygiéniste en chef au niveau régional, provincial et désormais fédéral, qu'il peut arriver — rarement, cependant — que quelqu'un tente de me faire reculer ou changer d'avis. Toutefois, en 20 ans de carrière, jamais un ministre ou un premier ministre ne m'a contraint à prendre des mesures contraires à mes convictions.
À l'échelon fédéral, j'ai eu des conversations et des discussions avec le gouvernement précédent et le gouvernement actuel relativement à la perspective politique, à ma perspective en matière de santé publique et mon rôle de conseiller politique. Rien ni personne ne peut m'empêcher de constater une menace à la santé publique. Le gouvernement peut ne pas partager mon point de vue et nous pouvons en discuter, mais je pense qu'il m'est plus facile d'exercer la responsabilité qui m'incombe en vertu de cet aspect de mes fonctions par le fait que je suis engagé au sein du gouvernement et que je jouis d'une certaine crédibilité auprès de celui-ci et des autres gouvernements qui me perçoivent comme quelqu'un de sérieux qui comprend le processus auquel les sociétés et les gouvernements doivent se plier pour effectuer leur travail.
[English]
Le sénateur Champagne : Nous avons, en ce moment, le projet de loi C-5 qui est la Loi concernant l'Agence de santé publique du Canada et modifiant certaines lois.
Auparavant, nous avions la Loi sur la protection de la santé au Canada, qui touchait la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les produits dangereux, la Loi sur la quarantaine et la Loi sur les dispositifs émanant des radiations. Que va-t-il se produire avec toutes ces autres lois qui n'ont pas encore été promulguées?
On a, par exemple, mis sur pied le projet de loi C-12 qui remplaçait la loi sur la quarantaine. La loi a été adoptée et a reçu la sanction royale. Mais elle n'est toujours pas promulguée, que je sache.
Que se passera-t-il avec la Loi sur la quarantaine? Et est-ce que les autres lois sont incluses dans ce projet de loi? Comment cela va-t-il fonctionner? Que ce soit les produits dangereux, les radiations, ainsi de suite, tout ceci est très important.
Dr Butler-Jones : Toutes ces lois ainsi que la Loi sur la quarantaine tombent sous la responsabilité de l'Agence de santé publique du Canada. Les experts de l'Agence examinent le contenu de la Loi sur la quarantaine et lorsque ce processus sera terminé, il y aura promulgation.
[Translation]
M. Fletcher : Le sénateur a mentionné le projet de loi C-12. Ce projet de loi n'est pas encore entré en vigueur. L'Agence, l'administrateur en chef de la santé publique et le ministre de la Santé collaborent déjà à l'intérieur du cadre de gestion des situations d'urgence tel que défini dans le projet de loi C-12. L'Agence, l'administrateur en chef de la santé publique et le ministre assument leurs responsabilités en ce qui a trait aux éventuelles situations d'urgence menaçant la santé publique. Il y a également eu des entretiens avec le ministre de la Sécurité publique au sujet du projet de loi C-12.
Il convient de souligner que le texte que nous examinons aujourd'hui est celui du projet de loi C-5. Il s'agit essentiellement d'un ensemble technique de dispositions visant à offrir un cadre législatif au Dr Butler-Jones.
Le sénateur Champagne : Une fois que cela sera fait, pourrons-nous retourner aux autres projets de loi?
M. Fletcher : Oui.
Dr Butler-Jones : Nous espérons terminer avec la Loi sur la quarantaine d'ici le mois de décembre.
Le sénateur Cook : Le projet de loi établit l'Agence comme une entité distincte de Santé Canada, mais qui fait cependant partie du portefeuille de Santé Canada. J'aimerais être assurée que le Dr Butler-Jones obtiendra le financement nécessaire pour accomplir sa tâche. Ce financement proviendra-t-il du budget de Santé Canada ou d'une source distincte?
M. Fletcher : Permettez-moi tout d'abord de vous assurer que le gouvernement du Canada s'est engagé à financer l'Agence de santé publique du Canada. De fait, le budget 2006 lui a réservé 1 milliard de dollars sur cinq ans. C'est donc 1 milliard de dollars pour la capacité d'intervention en cas de pandémie. Le projet de loi établit clairement que l'administrateur en chef de la santé publique est le premier professionnel de la santé en matière de pandémie et d'autres questions de santé publique. La Loi canadienne sur la santé accorde au ministre la latitude nécessaire pour décider de la portée à accorder à l'Agence. Le financement est là. Je ne puis me prononcer qu'au nom du gouvernement actuel, mais je peux vous assurer qu'il est entièrement résolu à soutenir l'Agence et à améliorer et renforcer la santé des Canadiens et Canadiennes. Je peux vous donner cette garantie au sujet du gouvernement conservateur. Il faudrait peut- être demander aux libéraux de se prononcer à ce sujet, mais je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter de ce côté-là non plus.
Le sénateur Cook : Merci de nous avoir donné ces renseignements et de nous avoir précisé le montant des crédits réservés pour le SRAS.
Tout cela s'inscrit dans une perspective générale de mieux-être. En effet, si nous souhaitons que notre population demeure en bonne santé, nous ne devons pas nous contenter d'élaborer des plans d'intervention en cas de pandémie. Dans le meilleur des cas, nous ne serons jamais malades, mais c'est une possibilité dont il faut tenir compte. Comment pouvons-nous nous assurer que l'on disposera des fonds nécessaires pour garantir cette dimension de mieux-être de la santé publique?
M. Fletcher : Permettez-moi de vous rappeler que 300 millions de dollars ont été réservés à la mise en place d'une stratégie en matière de maladies chroniques. Le gouvernement actuel s'est engagé à mettre de côté 260 millions de dollars pour la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, sans oublier le fait que notre plate-forme a pris en compte les maladies cardiovasculaires et la santé mentale. Comme je l'ai déjà mentionné, la mission de l'Agence comprend quatre volets : la protection civile et l'intervention en cas d'urgence; la prévention et la lutte contre les maladies infectieuses dont vous avez parlé; la promotion de la santé et la prévention des maladies chroniques; les outils et pratiques en santé publique.
Il est certain que les fondations sont bien en place et qu'il reste maintenant à construire l'édifice. Vous avez tout à fait raison : la prévention est la clé. C'est une dimension à laquelle nous sommes certainement sensibles. La Stratégie nationale sur le diabète en est une illustration et le comité de la santé se penche actuellement sur le problème de l'obésité. Le ministre de la Santé et le gouvernement mettent en œuvre de nombreuses initiatives afin de mettre l'accent le plus possible sur la prévention. Le Dr Butler-Jones voudra peut-être ajouter quelques précisions.
Dr Butler-Jones : J'aimerais souligner que l'Agence dispose d'un budget distinct de celui de Santé Canada. Je suis tenu moi-même de rendre des comptes au ministre et au gouvernement. Ce sont là des responsabilités qui nous incombent en tant qu'agence ministérielle distincte de Santé Canada. Il y a des éléments communs et nous assurons une certaine coordination, puisque nous relevons du même portefeuille et que le sous-ministre de Santé Canada est chargé de la coordination globale du portefeuille, mais je suis assujetti à ma propre obligation de rendre compte et notre budget est distinct de celui de Santé Canada. Il n'est pas amalgamé à celui du ministère. Le budget des dépenses définit très clairement ce qui revient à l'Agence de santé publique du Canada.
Le sénateur Cook : Nous comprenons que vous exercez vos fonctions au sein d'une fédération et je vous en félicite. Votre rôle nous semble le bienvenu. En cas de vérification par les provinces, existe-t-il un mécanisme de compte rendu qui permet de savoir où nous en sommes et quels sont les besoins? Ce matin, j'entendais dire à la radio que la plupart des infirmières et infirmiers ont plus de 50 ans et qu'il faudrait faire quelque chose à ce sujet. Je pense à une vérification des ressources humaines et des infrastructures. Étant originaire de Terre-Neuve, les hôpitaux de soins tertiaires figurent toujours parmi mes préoccupations.
Dr Butler-Jones : Terre-Neuve a récemment pris des mesures pour renforcer la santé publique et d'après mes conversations avec le sous-ministre et d'autres intervenants, j'ai l'impression que l'intérêt est très vif à Terre-Neuve, comme ailleurs au pays. Je prends note de cet intérêt et je m'en réjouis.
Sur le plan politique, ce n'est pas facile lorsqu'on rajoute des éléments sur la liste des choses à accomplir, sous prétexte que l'on peut faire des économies en entreprenant plus. Sur le plan technique, notre tâche consiste en partie à utiliser le Réseau et les conférences des sous-ministres pour trouver une façon d'optimiser l'utilisation des ressources humaines en santé publique. Chaque région examine ses propres ressources, mais nous échangeons également des informations afin de mieux comprendre comment aborder les questions en tant que pays, repérer les lacunes, définir ce que nous pouvons apporter à la recherche de solutions et ce que les provinces et territoires peuvent faire pour utiliser au mieux les ressources dont ils disposent à un moment donné.
Le sénateur Nancy Ruth : J'aimerais poser une question plus générale, tout d'abord parce que je suis nouvelle au comité et que la santé publique est également un domaine nouveau pour moi.
Je me souviens qu'il y a 15 ans, en Ontario, la Dre Rosalie Bertell avait cherché à encourager les collectivités à définir elles-mêmes un critère de référence applicable à leur santé communautaire. Je me demande si le Canada ou certaines provinces disposent d'un critère de référence permettant aux collectivités d'analyser leur eau et tous les autres facteurs qu'il faut prendre en ligne de compte dans un énoncé de santé publique. Est-ce que l'on dispose d'un critère de référence permettant de mesurer le changement?
Dr Butler-Jones : Il y en a à plusieurs niveaux. Par exemple, l'Enquête nationale sur la santé de la population évalue les collectivités de tout le pays. La collecte de ces données peut être difficile pour les très petites collectivités, mais les bureaux régionaux de la santé l'intègrent à leur planification. Les bureaux de santé publique et, à l'extérieur de l'Ontario, les bureaux régionaux, utilisent ces données dans le cadre de leur exercice de planification. Souvent, les médecins hygiénistes régionaux publient des rapports périodiques présentant le bilan de santé de la population, les problèmes à régler, les mesures qui sont prises à cet effet, les diverses tendances, et cetera, à partir des données fournies par l'Enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada.
En outre, les chercheurs démontrent ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas au niveau communautaire, quels sont les types d'organisation qui semblent donner de meilleurs résultats que les autres et quels sont les groupes communautaires qui contribuent à améliorer la situation.
Le Programme d'épidémiologie d'intervention est la suite logique de nos interventions auprès des provinces et des régions pour les aider à lutter contre l'éclosion de certaines maladies. Nous déléguons des experts qui vont aider les conseillers médicaux locaux, les infirmiers et infirmières et les autres intervenants pour les aider à gérer l'apparition d'une maladie ou mieux la comprendre. Nous dispensons également une formation au sujet des maladies chroniques et des méthodes d'enquête. Par exemple, nous mettons à leur disposition nos compétences spéciales sur les effets sanitaires de certains facteurs. Tout dépend de la région, car certaines régions ont plus de ressources que d'autres. Notre participation varie en fonction de leur capacité d'intervention, de leurs besoins et de leur volonté de solliciter de l'aide.
Il y a 10 ou 15 ans, les collectivités étaient très peu nombreuses à demander aux médecins hygiénistes d'effectuer régulièrement des bilans sur l'état de santé de leur population. Désormais, cette pratique est de plus en plus courante et tend à devenir la norme. Elle n'est pas généralisée, mais les collectivités posent ce genre de questions et l'Agence de santé publique répond et intervient.
Le sénateur Nancy Ruth : Dans quelle mesure les collectivités canadiennes peuvent-elles effectuer leur propre évaluation? Par exemple, on avait constaté que beaucoup d'adultes et d'enfants tombaient malades dans la réserve indienne de Serpent River, en Ontario. La collectivité a engagé quelqu'un pour analyser l'eau et examiner d'autres indicateurs et il s'est avéré que l'eau contenait des résidus de cuivre provenant d'une mine située assez loin en amont.
Est-ce qu'il existe des organismes locaux dans les collectivités pour faire le point sur de telles situations et transmettre ensuite les renseignements à vos conseillers médicaux?
Dr Butler-Jones : Cela dépend beaucoup de l'intérêt de la collectivité et des problèmes auxquels elle est confrontée. Une partie de la difficulté tient au fait qu'il faut renverser certaines perceptions. Par exemple, on pourrait penser que ce sont les parapluies qui causent la pluie, puisqu'il y en a plus quand il pleut. Or, il s'agit d'une simple association et non pas d'un lien de cause à effet. De plus en plus, nous faisons appel à des épidémiologistes et d'autres intervenants spécialisés qui peuvent collaborer avec les collectivités pour évaluer les observations et définir ce qu'elles signifient et quelles sont les associations possibles. Ces spécialistes font partie des ressources humaines que nous mettons à la disposition des collectivités. Nous espérons qu'à l'avenir toutes les collectivités auront accès à ces compétences techniques pour analyser les données et les observations.
De manière générale, les collectivités intéressées s'adressent aux représentants de la santé publique ou à d'autres intervenants, puis elles élaborent un protocole d'observation du problème afin d'intervenir et de décider de sa gravité et des preuves à accumuler. Ce bilan leur permet ensuite de prendre des mesures.
C'est extrêmement difficile pour les collectivités de cerner la cause directe d'un problème, étant donné que tant de facteurs influent sur la santé dans les foyers, les familles et chez les gens de passage. Les collectivités doivent tenter de minimiser les causes potentielles.
Le sénateur Fairbairn : Monsieur Fletcher, je vous souhaite la bienvenue au comité; c'est un plaisir de vous compter parmi nous. Je remarque que le mot « communication » revient à plusieurs reprises dans vos notes d'allocution, comme s'il s'agissait d'un élément essentiel de la santé publique ainsi que pour la diffusion du message.
Ma question s'adresse à vous deux : dans les efforts que vous déployez afin de trouver le bon moyen de transmettre vos messages, êtes-vous prêts à travailler avec des adultes qui ont beaucoup de difficulté à lire et à écrire ou en avez- vous rencontré? Il y en a beaucoup au Canada.
M. Fletcher : Vous avez tout à fait raison. La communication est une dimension extrêmement importante. C'est une des raisons qui nous a amenés à créer la fonction d'administrateur en chef de la santé publique : il a pour tâche de communiquer des données scientifiques au public. Vous êtes des politiciens et vous savez sans aucun doute que les ministres de la Santé viennent d'horizons très différents — ils ont une expérience politique, mais pas d'expérience médicale. C'est pourquoi il est important qu'une personne qualifiée comme le Dr Butler-Jones puisse transmettre à la population canadienne des renseignements qui font autorité.
Par ailleurs, on s'attend évidemment à ce que l'information soit complète et présentée dans les deux langues officielles. Votre remarque au sujet de la communication avec les adultes qui ne savent ni lire ni écrire est pertinente. Dans le cadre de notre étude sur l'obésité chez les enfants, un de nos défis est de pouvoir communiquer verbalement. S'il y a une méthode rapide et facile pour le faire, le comité de la santé serait intéressé à la connaître.
Je sais que le Dr Butler-Jones et le ministre de la Santé ont des plans de communication et qu'ils ont préparé des plans d'intervention d'urgence pour chaque région du pays et pour le pays dans son ensemble.
Dr Butler-Jones : Le défi est énorme. Nous savons par exemple que beaucoup de gens sont incapables de lire les étiquettes.
Le sénateur Fairbairn : C'est vrai.
Dr Butler-Jones : C'est une question très pratique. L'Association canadienne de santé publique a beaucoup travaillé pour pouvoir présenter aux personnes illettrées des informations plus claires et plus faciles à comprendre. Nous faisons vraiment attention à la façon dont nous communiquons. Je ne dis pas que nous sommes toujours parfaits, mais nous savons que c'est un élément fondamental. Par exemple, la compréhension est cruciale dans les interactions entre un médecin, une infirmière ou un thérapeute et un patient. Il y a encore beaucoup à faire, mais nous sommes conscients de l'importance de cet aspect et nous insistons là-dessus dans notre formation.
Dans les situations d'urgence, il est important d'avoir recours à des approches multiples et d'intervenir à différents niveaux. Ce n'est pas tout le monde qui lit les journaux ou écoute Radio-Canada. Nous devons communiquer de manière claire, pratique et compréhensible. Nous en avons bien conscience. Il faut également tenir compte de la santé publique locale, des provinces et des innombrables problèmes linguistiques, au-delà du français, de l'anglais et des différentes langues autochtones.
Il y a de nombreuses approches à la communication. Nous pouvons encore nous améliorer, même si nous avons fait des progrès considérables au cours des 10 ou 20 dernières années.
Le sénateur Fairbairn : Vous avez parlé de la difficulté de certaines personnes à lire les étiquettes des boîtes de médicament. Voilà autre chose qui pose aussi problème, surtout pour les personnes âgées.
Dr Butler-Jones : En effet. J'aimerais vous parler aussi des accidents dont sont victimes les personnes âgées et des mesures toutes simples pour les prévenir. Quand on est moins alerte et qu'on a moins d'équilibre, certains détails comme les tapis auxquels on a toujours été habitué, constituent soudain une menace. On peut réduire considérablement les risques de blessures et de fractures de la hanche par des mesures toutes simples consistant par exemple à réorganiser nos armoires à pharmacie et nos lieux de vie. De nombreux programmes novateurs sont proposés au niveau communautaire pour remédier à ces problèmes. Voilà des mesures en amont qui peuvent avoir un effet extraordinaire en aval, donnant ainsi aux chirurgiens orthopédistes plus de temps pour s'attaquer à d'autres problèmes.
Le sénateur Cordy : Monsieur Fletcher, c'est la première fois que vous comparaissez devant notre comité. Monsieur le président, je sollicite votre indulgence afin que vous m'autorisiez à poser une question qui ne se rapporte pas à l'Agence de santé publique.
Le président : J'aurais préféré que vous ne me demandiez pas l'autorisation. Allez-y, j'écoute votre question.
Le sénateur Cordy : Comme vous le savez, notre comité a présenté le rapport Enfin sortis de l'ombre. Nous avons recommandé la création d'une commission canadienne de la santé mentale. Pouvez-vous nous dire quand la commission sera-t-elle créée?
M. Fletcher : Certainement. Mais tout d'abord, j'aimerais vous dire que lorsque j'étais porte-parole du Parti conservateur en matière de santé, au cours de la législature précédente, j'ai eu le plaisir de présenter une motion concernant la santé mentale. Je crois que c'est la première fois qu'une discussion de fond a été consacrée à cette question. Le Parti conservateur connaît bien la question de la maladie mentale et les stigmates qui lui sont associés. C'est pourquoi également nous avions proposé nos cinq fameuses priorités, une d'entre elles étant une garantie concernant la période d'attente. La deuxième priorité de notre plate-forme portait sur la question de la santé et de la maladie mentale. Le rapport a été déposé, comme vous l'avez mentionné, et le gouvernement l'examine très attentivement.
Ce matin même, j'ai rencontré des représentants de l'Association canadienne pour la santé mentale avec qui nous avons eu une grande discussion. Ils rencontrent probablement en ce moment le ministre des Finances. Nous sommes à l'écoute des milieux de santé mentale et de la population canadienne et nous examinons le rapport. Le moment venu, nous prendrons les mesures appropriées.
Le sénateur Cordy : À quel moment?
M. Fletcher : Ce sera après les consultations.
Le président : Vous avez raison. Cela ne relève pas du projet de loi C-5, mais nous sommes ravis d'avoir entendu votre réponse et nous savons que le secrétaire parlementaire se fera le champion de ce rapport lorsque le gouvernement poursuivra les discussions préalables à la création de la commission.
Merci monsieur Fletcher, docteur Butler-Jones et maître Allain d'être venus aujourd'hui. Mme Allain n'a pas beaucoup participé, mais elle était là à titre d'avocate générale pour soutenir les autres au besoin.
Nous avons reçu des demandes de la part de deux organismes, tous deux autochtones, l'Assemblée des Premières nations et l'Inuit Tapirisat du Canada. Les deux organismes ont demandé à intervenir au sujet du projet de loi C-5 et je les ai convoqués à notre séance de jeudi matin. Selon les questions qui seront soulevées et le débat qu'elles entraîneront, je suppose que nous pourrons ensuite commencer l'examen article par article du projet de loi C-5 et la rédaction du rapport au Sénat.
La séance est levée.