Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 25 - Témoignages - 14 juin 2007
OTTAWA, le jeudi 14 juin 2007
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 55 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé, ainsi qu'à examiner, pour en faire rapport, les questions d'actualité des grandes villes canadiennes.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui, nous nous pencherons sur les questions de la pauvreté, de l'itinérance et du logement.
[Traduction]
Tout d'abord, je tiens à dire que cette étude a été entreprise par tout le comité, mais qu'elle se rapporte à d'autres études menées par deux sous-comités. Le premier sous-comité, présidé par le sénateur Keon, s'intéresse à la santé des populations et aux principaux déterminants sociaux de la santé. Le second sous-comité, dont je suis le président, se penche sur les difficultés auxquelles sont confrontées les plus grandes villes canadiennes. Les problèmes de pauvreté, de logement et d'itinérance sont au cœur des deux études.
Notre travail s'inspire de ce qui a déjà été accompli au Sénat sur la pauvreté, plus particulièrement du rapport rédigé par le sénateur Croll en 1971, ainsi que de celui du sénateur Cohen, publié en 1997, qui s'intitule La pauvreté au Canada : Le point critique.
Nous nous appuyons également sur les travaux du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présidé par le sénateur Fairbairn, qui étudie la pauvreté rurale. Cette étude a été entreprise par le sénateur Segal.
Comme vous pouvez le constater, de nombreux travaux sont en cours pour venir en aide à une grande partie de la population canadienne aux prises avec des difficultés, et ces travaux reposent sur de solides assises.
Aujourd'hui, nous accueillons deux témoins : Jan Donio, vice-présidente, Services d'information et Gestion du changement organisationnel, Centraide du Grand Toronto. Centraide est un organisme caritatif à but non lucratif, constitué en société, qui s'attache à améliorer la santé à long terme des gens. Il dirige la plus vaste campagne annuelle de collecte de fonds au Canada pour soutenir 200 organismes de services sociaux et de santé qui constituent un réseau d'entraide vital. Évidemment, c'est un organisme que je connais très bien. Il est administré par des citoyens bénévoles qui prennent toutes les décisions. Le conseil d'administration supervise l'utilisation des dons, façonne la vision stratégique de l'organisme et planifie le rendement organisationnel dont il assure le suivi.
[Français]
Nous accueillons également Mme Michèle Thibodeau-DeGuire, présidente et directrice générale de Centraide du Grand Montréal. Centraide du Grand Montréal (Centraide) est membre du mouvement United Way/Centraide Canada et sert la population de Montréal par l'entremise d'un réseau d'organismes et de projets communautaires.
Centraide fait la promotion de la participation volontaire à la vie sociale, élabore de l'action communautaire et construit des collectivités humanitaires.
[Traduction]
Grâce au financement d'un réseau d'organismes et de projets communautaires, Centraide du Grand Montréal aide quelque 500 000 personnes en difficulté.
Nous allons commencer par Mme Donio. Comme notre greffière vous l'a indiqué, vous disposez de cinq à sept minutes pour faire votre exposé et formuler des recommandations sur la façon dont nous pourrions régler ces problèmes au niveau fédéral.
Jan Donio, vice-présidente, Services d'information et Gestion du changement organisationnel, Centraide du Grand Toronto : C'est un grand plaisir pour moi que d'être ici aujourd'hui au nom de Centraide du Grand Toronto et de Frances Lankin, qui regrette de ne pas avoir pu venir.
Ce serait peut-être bien de commencer en citant Mme Lankin :
Nous savons qu'il y a eu d'énormes changements dans les quartiers de Toronto. Notre défi est de nous assurer que ces quartiers, particulièrement dans les secteurs qui ont de grands besoins, sont en mesure de faire fond sur leurs points forts pour améliorer la qualité de vie de leurs habitants.
C'est cela qui guide notre travail à Centraide du Grand Toronto et qui, nous l'espérons, aura une certaine influence sur les délibérations de votre comité.
Je vous ai remis plusieurs rapports que nous avons produits sur la question; d'importants travaux de recherche reconnus à l'échelle nationale. Il y a d'abord le rapport A Decade of Decline, qui traite de l'inégalité croissante des revenus dans la ville de Toronto. En effet, on ne se trompe pas lorsqu'on dit que les riches s'enrichissent et que les pauvres s'appauvrissent.
Le rapport Poverty by Postal Code documente la concentration croissante de la pauvreté dans notre ville — lorsqu'on sillonne les rues de Toronto, on peut facilement observer où sont concentrées les personnes défavorisées qui n'ont pas accès aux services, aux infrastructures ni au soutien nécessaires pour mener une vie prospère. Les cartes annexées à ce rapport montrent que les collectivités touchées par la pauvreté vivent, en fait, dans nos banlieues immédiates — celles où beaucoup d'entre nous ont grandi dans les années 1960. Nous allons discuter un peu de cette situation et de son incidence sur notre ville pour découvrir si c'est représentatif de ce qui se passe partout au pays.
Le rapport de 2005 du Groupe de travail sur les quartiers forts intitulé Strong Neighbourhoods : A Call to Action, ainsi que la brève description de la stratégie de Centraide à l'égard des quartiers permettront à vos attachés de recherche et vous-mêmes de voir quelques-unes des approches que nous préconisons pour aller de l'avant. Vous trouverez également la liste de nos 13 quartiers prioritaires. La ville de Toronto compte 92 quartiers défavorisés — où les gens sont de plus en plus pauvres et où les infrastructures et le soutien sont insuffisants pour leur permettre de devenir des citoyens actifs —, mais nous ne pouvons nous concentrer que sur ces 13 quartiers. C'est tout ce que nous permet notre financement pour l'instant, mais nous sommes confiants que notre investissement initial rapportera étant donné que ces quartiers, qui se seront pris en main et s'en sortiront, pourront venir en aide à d'autres, et nous, nous irons poursuivre nos efforts ailleurs. Nous comptons sur le comité pour nous aider à régler certaines de ces inégalités.
De plus, vous trouverez une carte qui montre où ont éclaté les fusillades rapportées par les médias en 2005, l'année que les Torontois considèrent comme « l'année des pistolets ». Vous remarquerez que ces endroits ressemblent à des quartiers défavorisés. Pour nous, le lien est évident.
Quand nous avons entrepris notre étude sur la pauvreté par code postal, nous ne savions pas vraiment ce qu'elle nous révèlerait, mais nous voulions voir s'il existait des disparités géographiques dans la ville. Il est triste de constater que le nombre de quartiers défavorisés est passé de 15 en 1981 à 92 en 2001. Ce n'est pas le genre d'augmentation que nous souhaitons pour notre ville. Nous avons également établi que le nombre d'enfants élevés dans ces quartiers a augmenté de 100 p. 100; cela en dit long sur notre avenir. Les données concernant les nouveaux immigrants sont troublantes; le rapport nous a appris que la population que représentent les minorités visibles pauvres de Toronto s'est accrue de 362 p. 100 entre 1981 et 2001. Ces gens viennent nous aider à bâtir notre avenir, et nous ne faisons rien pour les aider à se sortir de cette situation malheureuse.
Les données du recensement montraient clairement où étaient les problèmes et où il fallait se concentrer. Ces données sont importantes parce que nous savons que le fait de grandir dans un tel environnement a des conséquences à long terme. Il est bien connu que les enfants élevés dans des milieux défavorisés ne réussissent pas aussi bien à l'école que les autres et n'évoluent pas dans des environnements sains; et imaginer que cette situation pourrait perdurer, c'est encore plus inquiétant. Aucun Canadien ne devrait avoir à craindre que son quartier ne connaisse une nouvelle année des pistolets, et c'est ce à quoi nous nous employons.
Une grande partie de cette pauvreté est concentrée dans les proches banlieues; qu'est-il donc arrivé? Dans les années 1960, quand l'automobile est entrée dans nos vies, nous avons construit ces magnifiques banlieues en croyant que les gens pourraient facilement se déplacer, et la classe moyenne s'y est établie. Lorsque les habitants sont devenus plus aisés et mobiles, ils ont abandonné ces quartiers pour emménager ailleurs, dans de plus grandes maisons. Du coup, la valeur de l'immobilier dans le centre-ville a grimpé, amenant les pauvres à essayer de trouver des logements moins coûteux. Mais où donc? La plupart ont dû s'installer dans des logements abordables, dans ces banlieues que nous avons construites dans les années 1960, avec très peu d'infrastructures et aucune histoire. Ces secteurs sont également devenus le premier lieu d'établissement des nouveaux immigrants, qui recherchaient des endroits bon marché où vivre pendant leur période d'adaptation à leur nouveau pays.
L'inégalité géographique est devenue un indicateur des différentes couches de la population de notre ville, pas parce que les planificateurs urbains l'ont voulu ainsi, mais plutôt parce que nous n'avons aucun contrôle sur les tendances de la mobilité. Le Canada doit cerner les secteurs vulnérables et y investir les ressources nécessaires pour offrir aux collectivités défavorisées le soutien dont elles ont besoin.
Avant de définir notre rôle, nous nous sommes d'abord intéressés à ce qui se faisait déjà. Dans ce contexte, nous appuyons fortement le travail qui a été fait en matière de revenu garanti. Nous estimons qu'il s'agit d'un droit fondamental des citoyens et que les mesures qui seront prises permettront de régler les problèmes à l'origine de cette situation. Nous nous réjouissons des efforts qui sont déployés pour élaborer une stratégie nationale de logement et un programme connexe, parce que nous estimons qu'un emploi et un logement, c'est vraiment essentiel pour qu'une personne puisse vivre décemment.
En outre, nous tenons à souligner que des conseils et des organismes de développement économique régional ont été mis sur pied partout au pays, et nous espérons qu'on envisagera d'en créer un dans le sud de l'Ontario, où la délocalisation des emplois du secteur manufacturier a eu d'importants effets sur nos collectivités. Nous aimerions que le comité s'intéresse à cette initiative car elle est loin d'être négligeable.
Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'un quartier est plus susceptible d'être agréable et sécuritaire lorsque les citoyens s'impliquent. Ce genre de quartier offre des emplois stables, attire des entreprises et favorise l'intégration. Les citoyens peuvent régler les problèmes locaux au fur et à mesure qu'ils se présentent. C'est la base de nos travaux, et nous espérons que les Canadiens s'en inspireront pour bâtir leur avenir dans notre merveilleux pays.
Peu de temps après que nous avons décidé de concentrer nos efforts sur l'édification de quartiers forts, le gouvernement fédéral a annoncé un projet pilote intitulé Quartiers en essor. Nous avons eu le plaisir de travailler sur ce projet, et je n'ai que des éloges à son sujet.
Grâce au financement, nous avons réalisé des progrès considérables dans les cinq collectivités participantes, et nous, Centraide, de concert avec le gouvernement fédéral et un quartier de notre ville, avons pu véritablement changer le cours des choses. Nous avons choisi Scarborough Village comme site de notre projet Quartiers en essor. Si, à cause du nom de cette collectivité, vous êtes en train d'imaginer un village, détrompez-vous. Aucun des résidants ne considère cette collectivité comme un village; c'est une collectivité très morose. Quand nous avons commencé à travailler là-bas, juste pour vous dire à quel point les gens étaient démoralisés, je ne pourrais même pas vous répéter les surnoms qu'on donnait au quartier. Il s'agit d'une cité-dortoir typique de l'après-guerre : une multitude de petits bungalows à louer à bas prix et de nombreuses tours d'habitation. Cette collectivité accueille beaucoup de nouveaux immigrants, qui y vivent quelques années, le temps de s'adapter au pays, puis vont s'installer ailleurs, aussitôt que leur situation le leur permet.
Lorsqu'on reconstruit une collectivité, c'est long avant d'obtenir des résultats. La tâche est loin d'être facile. Une collectivité ne dépérit pas du jour au lendemain; il en va de même pour la reconstruction. Cela peut prendre des décennies. Nous avons besoin de la participation des résidants pour comprendre les problèmes réels, savoir comment répondre à leurs besoins et mobiliser les ressources pour agir. En fin de compte, des résidants et des entreprises locales ont mis la main à la pâte, de même que des écoles, des communautés religieuses et des fournisseurs de services, et nous avons réalisé de grands progrès dans cette collectivité.
Dans ce quartier, nous avons pu voir un parc, autrefois un endroit dangereux où on trafiquait de la drogue, se transformer, suite à la création d'un terrain de jeux. En fait, si quelqu'un y retournait aujourd'hui pour y mener des activités illégales, les familles auraient la force de l'en empêcher puisque le parc sert maintenant à d'autres fins.
Ce qui est intéressant, c'est que nous les avons vus cultiver des jardins et former une ligue de cricket. Dans ce quartier, on ne joue pas au hockey ni au baseball, mais au cricket et au soccer. Les résidants ont pris part à la création de la ligue de cricket et initient les jeunes à ce sport.
Un groupe de femmes d'Asie du Sud et un club social bengali se sont trouvé un local. Celui-ci était mis à la disposition de la collectivité, mais les résidants ne savaient pas qu'ils avaient le droit de l'utiliser. Ces groupes peuvent maintenant se rencontrer et organiser des événements. L'idée n'est pas de créer des groupes qui évoluent en vase clos, mais plutôt qui rallient toute la collectivité et génèrent un sentiment d'appartenance.
Grâce au projet, de nouveaux services sont maintenant offerts dans la collectivité : programme de petits déjeuners, cours parentaux, aide aux devoirs et salles de rencontres pour les jeunes — tout ce que nous verrions habituellement dans une société de classe moyenne. Les gens travaillent beaucoup là-dedans et sont très optimistes.
C'est un quartier sur la bonne voie. Les résidants s'apprêtent à tenir leur deuxième festival communautaire — et ce, sans l'aide de Centraide —; nous estimons qu'ils sont en train de devenir une communauté dynamique.
Nos collègues, à Surrey, nous ont dit la même chose à propos de leur collectivité. Grâce au projet Quartiers en essor, cette collectivité ne sera jamais plus la même. Nous pouvons en dire autant de Scarborough Village. Il n'y a pas de doute que c'est dans ce type d'initiatives que le gouvernement doit injecter des fonds, car c'est ce qui nous permettra de changer les choses.
Le problème, c'est que tout dépend des infrastructures urbaines. Au départ, la collectivité n'avait pas l'espace ni les installations nécessaires. Elle n'avait pas non plus accès aux ressources lui permettant de mettre en place des infrastructures pour se réunir, se divertir, tenir des activités ou discuter, par exemple, de la possibilité de transformer un endroit dangereux en parc, et rencontrer des représentants d'entreprises ou d'organismes de services sociaux. Cela coûte cher et prend beaucoup de temps, mais je vous assure que c'est un bon investissement.
Votre comité devrait sérieusement s'intéresser au projet Quartiers en essor afin que celui-ci soit plus qu'un projet pilote. Il est fondamental d'accorder du financement aux quartiers pauvres et de faire participer activement les résidants à leur revitalisation.
Nous commençons par 13 quartiers. Comme nous l'avons fait avec le premier, dans le cadre du projet Quartiers en essor, nous essayons maintenant d'amasser des fonds pour les 12 autres, et de trouver des donateurs ainsi que des gens avec qui collaborer pour entreprendre le même type d'initiative. Ce serait merveilleux si le gouvernement fédéral pouvait, lui aussi, apporter sa contribution.
Il ne faut pas oublier qu'il y a 92 communautés dans le besoin; nous sommes donc bien loin de notre objectif. Il reste encore beaucoup à faire, non seulement dans notre ville, mais aussi dans toutes les autres agglomérations canadiennes. Comme le démontrent les études qui ont été menées aux États-Unis et en Grande-Bretagne, ce qu'il faut faire avant tout, c'est mettre en œuvre le projet au sein des collectivités et compter sur les citoyens pour le mener à bien.
Les statistiques sont moroses et choquantes. Comme Canadienne, je suis un peu gênée de voir qu'on ait laissé la situation dégénérer à ce point. Par ses recommandations, le comité a la possibilité de modifier le cours des choses, c'est-à-dire faire de ces quartiers défavorisés des collectivités inclusives et dynamiques.
Nous espérons que des organismes tels que Centraide pourront collaborer avec vous, c'est-à-dire avec le gouvernement fédéral, pour faire du Canada un pays où il fait bon vivre, quels que soient les quartiers.
Le président : Merci beaucoup. Les données que vous nous avez fournies ce matin sont très alarmantes. Ce que nous voulons par-dessus tout, c'est qu'il n'y ait plus d'année des pistolets. La ville connaît actuellement des jours très difficiles.
Nous allons maintenant céder la parole à Michèle Thibodeau-DeGuire, de Centraide du Grand Montréal.
[Français]
Michèle Thibodeau-DeGuire, présidente et directrice exécutive, Centraide du Grand Montréal : Monsieur le président, vous nous avez demandé de parler de notre travail dans la lutte contre la pauvreté en se concentrant plus particulièrement sur les sans-abris et le logement. Vous nous avez également demandé de parler de la collaboration avec les municipalités et les défis qu'on y retrouve. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Mme Donio puisqu'elle a très bien décrit les problèmes auxquels font face les deux grandes villes au Canada.
La différence à Montréal par rapport à Toronto, c'est que la pauvreté est restée au centre ville. On n'a pas vu l'exode tel qu'on retrouve à Toronto. Ce qui veut dire que déjà, il y avait des organismes communautaires implantés et tout un réseau social. C'était déjà en place depuis plusieurs années. C'est peut-être un plus, alors qu'à Toronto, c'est à reconstruire.
Je ne reviendrai pas sur les problèmes. Sur une population de 3,2 millions d'habitants, quand monsieur le président mentionnait qu'il y a 500 000 personnes qui sont aidées, on peut s'imaginer dans quelle sorte d'environnement nous sommes. Effectivement, ce sont les mêmes constats, c'est-à-dire que les gens fortunés sont plus fortunés et ceux qui sont davantage mis de côté, sont encore plus mis de côté. C'est le danger. C'est une question de paix sociale qui dépend essentiellement de la cohésion sociale. Dans une société où il y a des gens fortunés et d'autres qui ne le sont pas, le plus important est de s'assurer que personne ne se sente exclu du système ou ne se sente mis dans une poubelle, parce qu'à ce moment-là, ils n'ont plus rien à perdre.
Ce sur quoi on construit — on le fait entre autres avec la Ville de Montréal, mais aussi avec la Direction de la santé publique —, ce sont des tables de concertation dans chacun des quartiers fragiles. Nous avons 32 quartiers fragiles dans le grand Montréal. Ils se retrouvent surtout sur l'île de Montréal. Centraide du Grand Montréal couvre l'île de Laval, l'île de Montréal et la rive sud de Montréal. La majorité se retrouve, bien sûr, sur l'île de Montréal.
Nous avons donc 32 tables de concertation financées à parts égales par Centraide, la Ville de Montréal, la Direction de la santé publique et le gouvernement du Québec. Nous travaillons ainsi depuis près de 15 ans. Cela a vraiment été le début des projets dont je vais vous parler.
Nous avons un projet dans un des quartiers associé à un mouvement pancanadien qui s'appelle Vibrant Community. À Montréal, c'est dans le quartier Saint-Michel que nous avons mis énormément d'énergie et c'est notre projet pilote. C'est un peu notre Scarborough. C'est à Saint-Michel où vivent 55 000 personnes. Je vous ai apporté de l'information sur ce projet qui a permis de réunir 60 partenaires différents. Encore une fois, je ne reprendrai pas les propos de Mme Donio, mais cela prend énormément de partenaires pour revitaliser un quartier, que ce soit la police, les écoles, les instances gouvernementales ou les élus locaux. Tous ont une partie de la solution.
Vous savez qu'au Québec, c'est très décentralisé, surtout à Montréal avec les directeurs d'arrondissement et les élus de la ville. C'est un problème, mais d'un autre côté, cela a un avantage. Lorsqu'il faut avoir accès aux parcs, justement pour les revitaliser, que ce soit pour du dézonage, des questions de sécurité ou des prêts de locaux, tout se fait avec la ville.
Je vous donne un exemple d'un petit projet à Saint-Michel qui me touche énormément. On entend parler des problèmes de taxage chez les jeunes. Les mamans ont été accompagnées par les écoles et par la police. Les écoles leur ont donné des dossards et la police leur a donné de la formation pour accompagner les enfants à l'école — elles font comme une chaîne — pour les mettre à l'abri.
Elles ont des walkie-talkies. Vous ne pouvez pas vous imaginer la fierté que ces femmes ont de venir en aide aux enfants et de les accompagner, mais aussi de sortir de chez elle, de ne pas rester enfermées à la maison. Et ceci n'est qu'un simple exemple parmi tant d'autres.
Il y a du travail qui se fait pour que les gens puissent trouver un emploi, des logements décents, pour que les jeunes aient accès à des endroits convenables pour se rencontrer et s'amuser. Malheureusement, la drogue, la prostitution et la violence sont beaucoup trop présentes dans ces quartiers en ce moment. Nous visons un esprit de village.
Pour vous donner un autre exemple, dans le quartier Saint-Michel, nous avons le Cirque du soleil et la rue qui y mène n'offre aucun attrait, on ne peut même pas prendre un café ou lire un journal. Il faudrait y attirer des entreprises diverses.
Enfin, le projet auquel on est associé — et Centraide a été un peu un partenaire privilégié dans ce projet —, a pour but de rassembler tout le monde. Depuis près de 15 ans, autour de la table de concertation, nous travaillons sur des projets comme Vivre Saint-Michel en santé, que nous finançons avec la ville, le gouvernement et la direction de la santé publique. Il existe des projets et des approches très innovatrices.
Je pense que le rôle d'un gouvernement, c'est d'être conscient de ce qui se passe, de le savoir, de façon à ce que les décisions prises ne viennent pas briser la dynamique locale. Vous savez, le début des solutions c'est quand les gens décident d'agir. Ainsi, les problèmes de sans-abri, par exemple, n'existeront plus dans 15 ans si l'on trouve des solutions aujourd'hui. Enfin, nous savons bien qu'il y aura toujours des jeunes qui fugueront, un monde parfait ne peut exister, mais il n'empêche qu'il est primordial d'éviter que les mêmes erreurs se répètent dans le temps.
Si vous souhaitez avoir copie de ces documents — ils sont en français — il me fera plaisir de vous en donner. Ce sont les seuls documents que j'ai à vous offrir.
[Traduction]
Le président : En effet, nous aimerions beaucoup avoir ces documents. Je dois dire que je suis heureux d'apprendre que, malgré les grandes difficultés auxquelles vous êtes confrontées, vous menez toutes deux des projets pilotes — que ce soit au Scarborough Village, à Toronto, ou dans le quartier Saint-Michel, à Montréal — qui contribuent à alléger le grave problème de la pauvreté au Canada.
Je m'adresse maintenant à la représentante de Centraide du Grand Toronto. En quelle année a-t-on lancé le projet Quartiers en essor?
Mme Donio : C'était il y a trois ans.
Le président : Est-ce le seul projet?
Mme Donio : Oui, et Toronto est l'une des cinq villes participantes.
Le président : Avez-vous discuté avec des représentants du gouvernement fédéral pour savoir ce qu'il comptait faire? Savez-vous si le projet pilote deviendra permanent?
Mme Donio : Comme vous pouvez l'imaginer, étant donné le succès du projet, Mme Lankin s'est déjà entretenue avec des fonctionnaires fédéraux. Jusqu'à présent, nous avons reçu une rétroaction favorable pour le travail que nous avons accompli partout au pays. Cependant, nous ne sommes pas certains que le gouvernement s'engagera dans un programme d'une aussi grande envergure.
Le président : Combien le projet mené au Scarborough Village a-t-il coûté? À combien se chiffre la participation du gouvernement fédéral?
Mme Donio : Au total, nous avons probablement dépensé un peu plus de 2 millions de dollars.
Le président : Est-ce que tout cet argent vient du gouvernement fédéral?
Mme Donio : Non. Le projet a été financé en partie par le gouvernement et à même les fonds de Centraide. Les partenaires, notamment des commissions scolaires, ont investi davantage dans des programmes particuliers. Le financement a surtout permis de former des leaders. Plusieurs personnes voulaient voir des changements dans leur quartier, mais n'avaient pas la capacité de mobiliser les résidants. Nous avons dressé un inventaire complet des biens matériels et des actifs sociaux de la collectivité, puis travaillé en collaboration avec différents groupes pour déterminer leurs besoins. Nous avons ensuite mis des plans d'action en place pour obtenir les ressources nécessaires.
Nous avons trouvé un local, que nous avons nettoyé et loué. Nous leur avons donné l'occasion d'apprendre à tenir des réunions, à rassembler les gens et à cerner des problèmes communs, que ce soit le groupe de femmes d'Asie du Sud ou le club social bengali. Pour revitaliser leur quartier, les citoyens devaient renforcer leurs capacités.
Le président : Estimez-vous qu'il s'agit d'un bon projet pilote, qui mérite d'être mis en œuvre dans d'autres quartiers de Toronto et d'autres agglomérations canadiennes?
Mme Donio : Je vous invite à prendre part, cet été, au festival du Scarborough Village. Vous y verrez vous-mêmes un quartier sécuritaire et des gens qui s'impliquent dans leur communauté. C'est donc ce sur quoi nous devons nous inspirer pour aller de l'avant.
Le président : Chapeau!
Maintenant, en ce qui concerne Montréal, nous avons besoin de stratégies nationales, d'une volonté politique, de ressources, d'objectifs et d'échéanciers pour être en mesure de réduire la pauvreté. Un bel exemple serait peut-être la résolution qu'ont adoptée les députés de la Chambre des communes, en 1989, pour mettre fin à la pauvreté chez les enfants. Personne n'avait défini d'objectifs ou d'échéanciers ni même prévu de ressources. Résultat : nous ne sommes pas plus avancés qu'il y a 18 ans.
Cependant, il y a deux provinces canadiennes qui se sont fixé des objectifs précis en matière de pauvreté; il s'agit de Terre-Neuve et du Québec. Je me demandais justement si vous pouviez nous parler de ce que le gouvernement québécois fait pour lutter contre la pauvreté et nous dire comment il intervient à Montréal et en quoi cela vous concerne.
Mme Thibodeau-DeGuire : Je ne crois pas être la meilleure personne pour vous en parler. C'est un débat qui dure depuis longtemps. Le Québec s'est doté d'une loi anti-pauvreté. La plupart des groupes vous diraient qu'il est grand temps de joindre le geste à la parole. Il reste beaucoup à faire, mais au moins, il y a la volonté d'agir.
Au Québec, nous avons une structure sociale qui était très solide. Le CLSC Métro est unique au Québec et existe depuis longtemps. Nous veillons au bon développement des bébés, et ce, dès le départ. Nous avons des garderies à 7 $ par jour, ce qui est très important.
Par contre, il y a des problèmes de logement — et cela relève du gouvernement fédéral. Lorsque le gouvernement canadien sabre dans le financement, cela crée de graves problèmes. La conjoncture actuelle en témoigne. Si les gens ne peuvent se trouver un logement abordable, ils seront dans une horrible situation. Une grande partie de leur argent servira à payer le loyer, et il n'en restera plus beaucoup pour manger correctement. Comment des parents peuvent-ils aider leur enfant dans ses devoirs avec tout ce stress? Chose certaine, le ventre vide, ils n'auront pas la tête à lire une histoire à leur enfant; ils se demanderont plutôt comment ils arriveront à le nourrir.
On s'est en quelque sorte déchargé de cette responsabilité sans penser aux conséquences à long terme. C'est un grave problème.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé du projet pilote mené à Toronto où vous avez encouragé les résidants à s'impliquer dans leur communauté. Évidemment, le secret, c'est de faire participer les gens. Comment y êtes-vous arrivés? Il va sans dire que cela prend des leaders. Comment avez-vous trouvé les bonnes personnes, capables d'acquérir ces compétences? Vous avez parlé du développement du leadership. Pourriez-vous m'en dire un peu plus à ce sujet? J'aimerais également en savoir davantage sur les groupes d'âge. Quel âge ont les participants?
Mme Donio : Je vais d'abord commencer par les groupes d'âge, étant donné que c'est une question plus facile; je parlerai ensuite du leadership.
Au début, nous avons remarqué que les jeunes parents étaient les premiers à vouloir s'impliquer. Les rêves qu'ils nourrissaient pour leurs enfants étaient compromis. L'âge des gens allait de fin de la vingtaine à début de la quarantaine. Nous avons rencontré ces personnes parce qu'en fait, le projet servait à financer des travailleurs en développement communautaire qui venaient dans la collectivité pour discuter avec les citoyens et voir ceux qui voulaient se rallier à la cause. Au fil de nos rencontres régulières, nous avons discuté de leurs problèmes, notamment du fait que leurs parents vivaient avec eux, et des questions d'emploi. Nous nous sommes inspirés de ce groupe de citoyens pour aller de l'avant.
Nous pouvons maintenant dire que nous avons des programmes de sports pour les jeunes, des programmes d'art ainsi que des programmes pour les personnes âgées. Ils sont tout nouveaux. On a mis quelques années à les mettre au point. Par ailleurs, on a beaucoup misé sur l'implication des parents. Certains ne se sentaient pas les bienvenus dans leur école et avaient besoin de développer des compétences pour aider leurs enfants, en s'impliquant dans la vie scolaire. Nous avons trouvé que cette communauté en particulier s'était dotée de bons outils.
Comment avons-nous trouvé nos leaders? Nous avons embauché des gens, qui n'étaient pas étrangers à la collectivité, afin qu'ils travaillent là-bas. Nous avons ouvert un bureau au coeur du quartier, et fréquenté des endroits où les gens socialisaient souvent ou pratiquaient leur religion, par exemple, pour informer le plus de personnes possible. Cela dit, nous avons aussi remarqué que toutes les différentes religions avaient des chefs démontrant de grandes qualités de leadership. En travaillant avec eux et avec les écoles, nous avons rencontré des parents très courageux, prêts à s'impliquer, et constitué un groupe de leaders potentiels.
À Toronto, nous sommes privilégiés d'avoir trois grandes universités. Nous avons collaboré avec l'Université York pour élaborer un programme de leadership, un programme de certificat. Il est tellement important que ces gens puissent obtenir des titres de compétences. Ils n'ont jamais vraiment eu cette chance auparavant. Comme l'université se trouve à l'autre bout de la ville et que les résidants du Scarborough Village ne s'y rendent pratiquement jamais, nous avons réussi à faire en sorte que le programme soit offert dans la collectivité et financé par l'Université York. Le fait que ces gens pouvaient développer de nouvelles compétences qu'ils pourraient ensuite partager a inspiré beaucoup de crédibilité à d'autres membres de la communauté.
Le sénateur Callbeck : Combien de temps le programme de leadership a-t-il duré et quelle était sa portée?
Mme Donio : Notre programme de développement du leadership fait partie intégrante du renforcement des capacités. Nous l'offrons également dans d'autres collectivités, pas seulement au Scarborough Village. Dans ce cas-ci, nous avons ajusté le programme aux besoins particuliers des résidants. Notre programme s'est échelonné sur quelques mois. Il s'agit d'un programme que l'université a déjà offert à des dirigeants d'entreprise. Nous l'avons adapté à la collectivité. Par conséquent, le programme a une orientation différente, mais est tout aussi reconnu.
Le sénateur Callbeck : C'est merveilleux.
Mme Thibodeau-DeGuire : J'aimerais ajouter quelque chose qui pourrait vous intéresser. Nous avons élaboré un programme intitulé Bridging Leadership. À notre avis, ce qui est le plus difficile pour les personnes qui dirigent nos tables de concertation, c'est de parvenir à un consensus sur les priorités et les mesures à prendre. Cela prend des compétences particulières. À Montréal, grâce à l'aide des universités, mais aussi d'autres personnes, nous avons créé un programme. Je vous ai dit plus tôt que nous avions 32 tables de concertation. Les membres de 18 d'entre elles sont maintenant en train de recevoir cette formation. Le programme s'étend sur une année et est dispensé en trois blocs de cinq jours. Nous formons ces gens pendant toute une semaine afin qu'ils puissent acquérir les compétences voulues. Ils ont maintenant terminé leur deuxième semaine. D'après ce qu'on nous dit, tout le monde veut participer. C'est quelque chose d'extrêmement exigeant qui nécessite des qualités particulières.
Sénateur, vous avez su exactement quoi faire pour que les gens puissent s'entendre. Vous devez diriger en coulisses. Ce sont les compétences dont nous avons besoin pour former nos leaders.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais vous poser une question au sujet de votre exposé sur Montréal. D'après le document, la proportion de bénéficiaires de l'aide sociale est passée de 18 p. 100 en 1996 à 13 p. 100 en 2002. Autrement dit, la situation s'est améliorée au cours de cette période. Comment l'expliquez-vous?
Mme Thibodeau-DeGuire : Les petits salariés ne sont pas compris dans le groupe. Où se trouve cette information?
Le sénateur Callbeck : Dans le document de la Bibliothèque du Parlement.
Mme Thibodeau-DeGuire : Aujourd'hui, être pauvre n'a plus la même signification qu'avant. D'ailleurs, nous menons actuellement une étude approfondie sur l'évolution de la pauvreté, qui a pris des formes très différentes. D'après les renseignements recueillis, il y a plus de 300 000 personnes qui travaillent, mais qui sont pauvres et qui doivent recourir aux banques alimentaires pour s'en sortir. Les gens qui gagnent le salaire minimum et qui sont seuls à faire vivre leur famille n'ont que la moitié de ce qu'il faut pour être considérés comme vivant sous le seuil de la pauvreté. Ces personnes doivent travailler entre 50 et 60 heures par semaine pour joindre les deux bouts. De toute évidence, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
Le président : Vous avez raison. La statistique en question figure dans le haut de la page 3, et se rapporte aux personnes qui reçoivent de l'assistance sociale.
Mme Thibodeau-DeGuire : Ils ne reçoivent aucune aide.
Le sénateur Munson : Je suis préoccupé par les banlieues et les ghettos urbains. Vous avez parlé de la formation des jeunes. Ceux-ci peuvent faire partie d'une ligue de cricket et faire tout ce dont vous avez parlé, en tant que nouveaux Canadiens, pour bien s'intégrer à leur environnement. Les programmes d'aide sont sans aucun doute positifs et profitables pour les résidants de ce quartier, mais il ne faut pas perdre de vue que ces gens se sont établis dans un nouveau pays appelé Canada et que ce sont des Canadiens avant tout.
Les jeunes hommes et femmes vivent dans des banlieues et des ghettos urbains, mais sont quand même de nouveaux Canadiens qui devraient faire partie de la mosaïque de notre pays. Nous avons tendance à diviser les gens, à les faire évoluer en vase clos et à ainsi limiter leur horizon. A-t-on mis en œuvre des programmes d'aide à cet égard?
Mme Donio : Vous avez mis le doigt sur un problème important. D'après notre expérience et nos recherches, nous devons intervenir à la base, c'est-à-dire auprès des gens. Nous devons les faire participer à ce qu'ils jugent important et les faire se sentir influents. La prochaine étape serait de les aider à repousser leurs limites. La collectivité a maintenant du mal à mettre sur pied ses programmes parentaux. Au départ, les résidants voulaient créer des programmes au sein de leur propre association bengali, et maintenant, ils tentent de concilier les points de vue de tous les résidants, qui ne sont pas tous des nouveaux immigrants. Nous estimons que briser les solitudes et rallier les gens constituent la prochaine étape du développement. Il y a beaucoup de place pour des programmes d'aide de ce genre. C'est ce que nous aimerions voir dans un indice des quartiers prospères. Cela n'existe pas encore au Canada. Ce comité devra peut-être se pencher sur la nécessité de renforcer nos villes, ce qui nous permettra de définir cet indice.
Le sénateur Munson : Il y a quelques semaines, le président et moi-même avons assisté à la réunion annuelle de la Fédération canadienne des municipalités. J'ai trouvé très intéressant l'exposé de Philip Mangano, directeur exécutif de l'United States Interagency Council on Homelessness. Il a souligné l'importance de l'implication des entreprises. Il a parlé du plan que le président Bush avait mis en place il y a quelques années, et du fait qu'il travaillait avec 362 maires démocrates partout aux Etats-Unis; il a également évoqué la façon dont ils étaient parvenus à réduire le nombre de sans-abri au cours des trois ou quatre dernières années grâce à la participation des entreprises au sein de la communauté. Il dit que c'est à cause des bons samaritains comme vous, qui font un travail exceptionnel, et que j'appuie de tout cœur, que la situation stagne. Autrement dit, rien ne change. Dans notre société, une sorte d'industrie s'est développée autour de la pauvreté; les gens attendent passivement l'aide sociale et se complaisent dans cet environnement. Le problème se transmet d'une génération à l'autre. Ma position se situe à mi-chemin entre les deux extrêmes.
Dans les quartiers défavorisés de Montréal, serait-il avantageux pour une entreprise de collaborer avec Centraide ou d'autres organismes pour pallier à quelques-uns de ces problèmes. J'aimerais avoir une opinion générale.
Mme Thibodeau-DeGuire : Vous devez côtoyer ces gens pour comprendre que leur vie est loin d'être rose; ils se demandent sans cesse s'ils arriveront un jour à vivre décemment avec leurs enfants et à subvenir à leurs besoins immédiats. Personne n'aime vivre ainsi; cela n'a rien d'agréable. Ce qui nous pousse à agir, c'est la conviction que, tous ensemble, nous bâtirons des communautés solidaires.
Nous vivons dans une société tellement fragmentée; c'est chacun pour soi. Nous essayons de recréer un environnement où les gens se préoccupent des autres et ne s'isolent pas. Il faut absolument agir, car ce n'est là que la pointe de l'iceberg. Dans ces quartiers défavorisés, les mères ne peuvent s'occuper de leur bébé. C'est difficile. Nous commençons tout juste à voir les difficultés qu'éprouvent les adolescents. Si vous trouvez qu'il y a une crise maintenant, c'est que vous n'avez rien vu.
Tout cela n'a rien de glorieux et ne plaît à personne. Pour trouver des solutions, il faut écouter les gens en difficulté. Ceux qui ont les ressources, le pouvoir et l'influence n'ont aucune idée des mesures à prendre. Les mieux placés pour le savoir sont ceux qui subissent les problèmes.
Si vous mettez les personnes ayant les ressources en face de celles connaissant la réponse, vous aurez besoin d'un interprète parce qu'elles n'arriveront pas à se comprendre. Elles ont des positions antagoniques. C'est probablement là où nous devons intervenir. Les intervenants ont confiance en nous parce qu'ils nous ont vus agir; ils savent que nous les comprenons car nous leur avons demandé de l'argent. Nous sommes en contact avec eux, tout comme avec les démunis que nous côtoyons tous les jours. Voilà le rôle que la collectivité a donné à Centraide.
Tout le monde a une partie de la solution, autant du côté du gouvernement que de la société civile. Il est important de comprendre le rôle que chacun doit jouer et de bien saisir les problèmes. Je peux vous assurer que cela n'amuse personne.
Le sénateur Munson : Êtes-vous en train de remporter la bataille?
Mme Thibodeau-DeGuire : Je pense que oui. Je faisais justement part à Mme Donio d'une étude qui sera bientôt publiée. Je ne devrais toutefois pas en parler publiquement.
Le sénateur Munson : Au contraire!
Mme Thibodeau-DeGuire : On est actuellement en train de mener une étude approfondie auprès de 15 000 enfants québécois, de quartiers défavorisés et autres. Les résultats seront publiés à l'automne. Je crois savoir que l'étude nous révèlera que les enfants, issus de milieux défavorisés, qui reçoivent de l'aide réussissent beaucoup mieux que ceux qui n'en reçoivent pas. Par contre, la situation ne se règlera pas complètement avant 10, 15 ou même 20 ans. C'est un problème qui perdure depuis plus d'un siècle, alors soyons patients.
Mme Donio : Centraide s'associe à des entreprises. Dans ces collectivités, vous constaterez que beaucoup d'entreprises sont voraces. Je parle ici des compagnies d'encaissement de chèques, qui se multiplient. Il faut être prudent. Nous voulons nous assurer d'avoir les bonnes entreprises avec les bonnes intentions. Chose certaine, nous n'aurions pas pu réussir dans Scarborough Village sans l'aide de certaines entreprises.
Le sénateur Fairbairn : Notre comité s'est entre autres penché sur le problème de la sous-alphabétisation qui afflige notre population. Est-ce un problème auquel vous vous butiez quotidiennement dans le cadre de vos travaux de revitalisation et des activités que vous meniez dans ces quartiers, particulièrement auprès des adultes? Comment composez-vous avec la situation?
Le sénateur Keon : Dites-moi toutes les deux comment vous vous organisez. Où est votre centre névralgique? Qu'est-ce qui influence vos actions? Quelles structures et mesures mettez-vous en place dans une collectivité comme Scarborough Village? Madame Thibodeau-DeGuire, vous avez des exemples également. Comment vous y prenez-vous pour instaurer vos systèmes de communication et de réseaux sociaux?
Le sénateur Cordy : Vous avez dit que dans Scarborough Village et Saint-Michel, certaines entreprises, comme les compagnies d'encaissement de chèques, avaient malheureusement tendance à profiter de la situation. Par exemple, incitez-vous les gens à faire leurs emplettes dans les épiceries du quartier plutôt qu'au dépanneur du coin où c'est deux fois plus cher? Est-ce que vous vous intéressez aussi au réseau de transport en commun dans ces quartiers — comme les autobus —, afin que les gens puissent se déplacer facilement pour accéder à des services?
Mme Thibodeau-DeGuire : L'alphabétisation est assurément l'une de nos priorités. De nombreux organismes que nous appuyons s'occupent de ce problème.
Par où commencer? Il faut d'abord de la volonté. Autrefois, le quartier Saint-Michel était une carrière, qui est ensuite devenu un dépotoir. Il s'agissait du seul dépotoir à ciel ouvert en Amérique du Nord; mille camions par jour y déversaient leurs déchets. Les résidants se sont mobilisés et ont exprimé leur grand mécontentement. Ils ont réussi à faire fermer le dépotoir. Quelque temps plus tard, le Cirque du Soleil est venu s'y installer. Quand on est révolté et déterminé, on peut changer les choses.
Cet endroit a tout de suite retenu notre attention, puisqu'il y avait déjà un groupe influent avec un chef. Le nôtre, semblable à celui que connaît Mme Donio, a dirigé le CLSC Métro pendant les 20 dernières années. Il venait tout juste de prendre sa retraite, mais lorsqu'il a appris ce qui se passait, il a repris du service. Il connaît tout le monde.
Le sénateur Munson : Le CLSC Métro est un centre de santé au service de la population.
Mme Thibodeau-DeGuire : Oui. Pour ce qui est des épiceries et du transport en commun, sachez que ce sont deux questions importantes sur lesquelles nous nous penchons en ce moment. À quand les méga-épiceries? Elles ne viendront pas s'établir si ce n'est pas rentable. Quelqu'un devra essayer de les attirer.
Le transport coûte beaucoup trop cher pour ces gens. En plus, les landaus ne sont pas admis à bord des autobus. On a dû modifier le règlement.
Ce sont tous ces petits détails qui changeront le cours des choses. Les résidants du quartier Saint-Michel se sont rassemblés pour faire ce qu'ils appellent de l'achat en groupe; ils achètent bon marché et en vrac.
Mme Donio : L'alphabétisation est un enjeu sérieux. Est-ce de compétence fédérale, provinciale ou municipale?
Le sénateur Fairbairn : C'est une très bonne question. Tout le monde est responsable.
Mme Donio : Oui, mais comme mon patron se le demandait, qui, au bout du compte, se préoccupe vraiment du problème? On met sur pied des programmes d'alphabétisation, on les subventionne et on obtient d'excellents résultats, mais on les abolit. Ce n'est ni inscrit dans la durée ni favorable à une véritable intégration.
Quelqu'un, quelque part, doit assumer la responsabilité de l'alphabétisation parce que c'est un problème qui freine énormément les gens. Il est toutefois très difficile de le déceler; c'est souvent par hasard qu'on le découvre. L'alphabétisation est essentielle au succès des quartiers.
En ce qui concerne l'attraction et la structure, nous sommes très axés sur les processus dans ce domaine. Nous n'avons pas d'idée arrêtée sur ce qu'il doit y avoir dans ce quartier, mais les citoyens doivent jouer un rôle plus actif et il faut augmenter les ressources de cette communauté. Il peut s'agir de ressources matérielles ou commerciales, comme un marché d'alimentation; ou de ressources sociales et éducatives, comme un programme universitaire, car les gens ne peuvent pas se rendre à l'extérieur. C'est ce processus que nous suivons; nous n'arrivons pas avec une série prédéterminée de résultats à obtenir.
C'est souvent frustrant pour les fonctionnaires, car de nos jours, il faut tout justifier. L'épicerie a-t-elle été mise sur pied en un an? Non, mais les citoyens savent maintenant lire, de sorte qu'ils peuvent produire le document à présenter pour réaliser ce projet, ou ouvrir une coopérative ou quelque chose du genre. À cet égard, c'est difficile pour nous. Je recommande fortement, quel que soit le financement, qu'on s'intéresse au bien-fondé du processus qui permettra d'obtenir les résultats souhaités.
À Centraide, nous sommes en train de devenir ce que nous appelons « un organisme axé sur l'impact ». Dans ce genre d'organisme, l'enjeu n'est pas le résultat, ou le fait d'avoir nourri dix personnes, mais le fait que nous ayons vraiment abordé un sérieux problème social et fait bouger les choses sur le plan politique, en plus d'offrir des services. Nous sommes guidés par tous ces principes fondamentaux.
Pour ce qui est d'attirer les bons éléments dans la communauté, nous croyons qu'en consultant un plan des ressources offertes dans le voisinage ainsi que des plans d'autres quartiers qui sont plus prospères, les habitants pourront définir leurs besoins. Ils élaboreront des projets d'épicerie; ils commenceront par une coopérative; ou une personne qui possède une voiture fera les courses pour plusieurs personnes. Ensemble, ils peuvent résoudre le problème. Ils apprendront à rédiger un rapport sur la nécessité d'avoir un réseau d'autobus dans leur quartier, pour le présenter à une audience sur les transports, par exemple. Toutefois, c'est une solution à long terme.
Le sénateur Cordy : Vous avez tous les deux abordé la question des immigrants. Dans votre exposé, madame Donio, vous avez indiqué que la pauvreté s'est accrue de 362 p. 100 entre 1981 et 2001 chez les minorités visibles. Madame Thibodeau-DeGuire, vous avez laissé entendre que si nous ne prenons pas immédiatement les mesures nécessaires pour lutter contre la pauvreté, nous aurons de réels problèmes.
Nous avons vu ce qui se passe en France. La première génération d'immigrants, je crois, accepte de vivre dans la pauvreté, car elle s'établit dans un nouveau pays. Même si ce n'est pas nécessairement une fatalité, c'est une réalité dont elle doit s'accommoder; mais quand la deuxième génération vit encore dans la pauvreté, cela commence à causer des difficultés.
Je me demande, parce que Toronto et Montréal comptent une importante population d'immigrants, de quelle façon on peut changer cela? Quels en sont les effets pour les quartiers défavorisés, dans lesquels la langue maternelle de la plupart des gens n'est ni l'anglais ni le français?
Mme Thibodeau-DeGuire : Dans Côte-des-Neiges, on parle 160 langues différentes. Imaginez les problèmes que les gens ont à surmonter en raison des différences culturelles. Les enfants servent de traducteurs à leurs parents, et c'est habituellement une situation très difficile à accepter pour le père.
Je suis impressionnée par la qualité des organismes communautaires qui s'occupent de ces personnes. On fait des miracles pour rassembler les gens. Dans notre agence, nous avons adopté une approche que nous appelons « accessibilité ». Les enfants de zéro à cinq ans sont notre grande priorité, de même que les immigrants, en particulier dans les quartiers où la population est francophone et de race blanche. Comment ces gens se débrouillent-ils?
Nous aidons les organismes afin qu'ils développent les capacités nécessaires pour régler les problèmes des gens. C'est encore un processus en évolution, mais il y a des progrès. Les groupes qui vivent le plus de difficultés font partie des minorités visibles. La communauté noire est le groupe le plus à risque dans nos quartiers.
Mme Donio : À Toronto, c'est devenu un problème majeur, car les immigrants sont de plus en plus nombreux et il y a souvent autant de langues parlées dans les classes qu'il y a d'élèves. Selon moi, c'est un problème plus fondamental. Il y a une question d'ordre politique, en ce qui concerne les droits linguistiques, qui n'est pas clairement définie dans ce pays. Si j'ai le droit d'apprendre la langue, je devrais pouvoir bénéficier de programmes communautaires pour m'encourager et m'aider dans ce sens.
Nous disons que nous sommes anglophones et francophones, et c'est très bien. Toutefois, cela retombe ensuite sur les systèmes scolaires et les autres structures institutionnelles, et le secteur bénévole doit prendre en charge les personnes qui ne peuvent être admises ailleurs, et ce sont souvent des mères. Plusieurs écoles ont lancé des initiatives intéressantes financées par des ministères comme Ressources humaines et Développement social Canada, RHDSC, et Patrimoine canadien, mais ce sont des projets à court terme qui dépendent du financement d'une année à l'autre.
C'est un besoin à long terme. Les gens doivent pouvoir choisir et parler une langue qui leur permettra de bien fonctionner dans la société. Nous leur accordons généralement des fonds pour une année, afin qu'ils développent les compétences de base, mais une fois à la maison, les gens communiquent dans leur langue maternelle, et nous ne finançons pas les étapes suivantes. Il y a un niveau d'engagement qui incombe à de nombreux groupes sans directives claires à propos de qui doit s'occuper de cet élément particulier.
À Scarborough Village, c'était un énorme problème; nous l'avons résolu en faisant appel à des traducteurs dans la collectivité. Les gens déménagent dans les communautés où ils peuvent se joindre à des personnes partageant les mêmes valeurs qu'eux. Donc, nous engageons la personne qui est la plus ancienne à cet endroit et qui a les meilleures compétences linguistiques, pour aider à la traduction des réunions de groupes de citoyens, ce qui rend celles-ci lourdes et plutôt méthodiques, mais nous devons rencontrer les gens là où ils sont. Cependant, il manque un élément. Je n'y ai pas encore beaucoup réfléchi, mais selon moi, il y a une lacune.
Le sénateur Munson : Dans son budget 2007, le gouvernement de l'Ontario a instauré des mesures permettant d'aider les familles et les personnes à faible revenu. J'aimerais que vous me parliez de ces mesures. Ont-elles amélioré la situation?
Mme Donio : L'annonce du budget étant plutôt récente, cela n'a pas encore fait de différence importante, mais nous croyons qu'il y a des programmes et des initiatives qui favoriseront grandement l'éducation. Par exemple, les étudiants de la première génération qui souhaitent fréquenter une université ou un collège pourront maintenant bénéficier d'une aide financière plus importante et de meilleures possibilités. Nous croyons qu'il y a beaucoup de bonnes nouvelles, mais qu'il est encore un peu tôt pour en voir les effets.
Le sénateur Munson : Je siège à un autre comité, et je confonds un peu les problèmes avec ceux de l'immigration; le Comité sénatorial permanent des droits de la personne effectuera une étude sur les immigrants et leurs enfants, et sur la difficulté pour eux de trouver un emploi, que ce soit en ville ou ailleurs. Avez-vous constaté, dans le cadre de votre travail à Toronto — et peut-être à Montréal —, que les immigrants sont éduqués, mais qu'ils se morfondent parce qu'ils ne peuvent trouver du travail?
Mme Donio : Certaines personnes grandissent dans un quartier défavorisé et elles ne disposent pas d'un réseau leur permettant de trouver un emploi à la fin de leurs études. De plus, les enfants n'ont pas tous un parent qui leur enseigne les comportements appropriés pour réussir dans un environnement professionnel. C'est difficile. Si nous pouvions fournir des infrastructures et mettre en place un réseau entre les quartiers, cela changerait la situation. Nous ne disposons pas de données sur cette question, mais elle mérite que nous recueillions des témoignages, afin de pouvoir déterminer ce que nous pouvons faire à titre collectif.
Mme Thibodeau-DeGuire : Comme vous le savez, il est très important de reconnaître les compétences des immigrants, afin qu'ils puissent travailler dans le domaine qu'ils connaissent le mieux. C'est une question sur laquelle nous devons nous pencher sérieusement. Il y a du travail qui a été fait, mais je me demande si nous ne laissons pas traîner les choses.
Le président : Les problèmes de pauvreté, de logement et d'itinérance existent depuis longtemps, mais ces dernières années, diverses tendances se sont dessinées. Pouvez-vous m'indiquer quelles tendances sont apparues dans ces domaines depuis cinq ans?
Mme Thibodeau-DeGuire : Les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent. Il y a beaucoup de gens qui écrivent sur ce sujet. Dernièrement, j'ai eu l'occasion de rencontrer John Helliwell et Robert Putnam. Ils mettent le doigt sur des problèmes sociaux très importants. J'espère que nous déploierons nos énergies et nos ressources là où il le faut. Je ne suis pas certaine que nous utilisions nos ressources de façon optimale. Les gouvernements possèdent des moyens considérables, mais les gens en ont aussi beaucoup. Avec leur temps et leur passion, ils peuvent changer beaucoup de choses.
Quant aux gouvernements, ils doivent appuyer les initiatives communautaires et éviter d'agir de manière à nuire aux nouvelles démarches. Tout ce dont nous avons parlé, comme faire en sorte que les gens collaborent et se fassent confiance, est très délicat. Nous savons ce qu'est la confiance. Sans les réseaux, nous ne pouvons rien faire. Une personne ne peut agir seule. Le gouvernement doit essayer de comprendre ce qui se passe, prendre le temps d'analyser la situation et voir qui a besoin d'aide.
Le président : C'est un très bon message.
Mme Donio : Les données révèlent que des changements très importants se profilent. Premièrement, l'écart s'est accentué considérablement entre le revenu médian des Torontois et celui des personnes vivant dans les régions défavorisées. Là où il était peut-être de 15 p. 100, il est maintenant à 30 p. 100. À mesure que l'écart se creuse, le désespoir et le sentiment de non-appartenance commencent à augmenter. J'estime que c'est un problème très grave, et qu'il faut suivre attentivement l'évolution de cette tendance.
Deuxièmement, un virage important se produit, car nous avons trouvé quelques solutions prometteuses et nous les mettons en œuvre. C'est passionnant. Nous devons aller de l'avant et nous réjouir de ce changement; nous devons inciter les autres communautés à y participer, et nous avons besoin d'un endroit où ceux qui s'efforcent de contribuer à cette démarche puissent dialoguer et aider le gouvernement fédéral à aller plus loin. C'est une initiative très positive pour faire avancer les choses.
Le troisième changement est très intéressant pour les jeunes. Il n'y a jamais eu autant d'enfants vivant dans la pauvreté. La violence est plus présente que jamais. Je suis chercheuse; l'hypothèse que ces deux facteurs soient liés n'est pas exagérée. Il faut que cela cesse, et tout de suite.
Le président : Merci beaucoup à vous deux. Vous nous avez beaucoup aidés dans l'étude de ces questions. Au nom du comité, je tiens à vous féliciter pour votre travail. Vous vous battez contre des chiffres impressionnants — comme vous l'avez mentionné —, vous traitez des problèmes humains énormes, et vous réalisez pourtant des choses merveilleuses. Je vous souhaite beaucoup de succès à toutes les deux.
La séance est levée.