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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE
La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada


PARTIE I

Le visage humain de la maladie mentale et de la toxicomanie


CHAPITRE 1:
VIVRE AVEC UNE MALADIE MENTALE :
LE TÉMOIGNAGE DES MALADES

 

L

’un des récits les plus poignants que le Comité ait entendu venait d’une jeune femme que nous avons eu l’occasion de rencontrer lors de notre passage à St. John’s, à Terre-Neuve. Helen Forristall était en larmes lorsqu’elle a raconté dans quelles circonstances elle a appris qu’elle était atteinte de dépression :

 

 

Je n’aime pas admettre que je suis malade. J’ai honte et je suis humiliée, et je dois travailler sur cet aspect-là. Je suis une consommatrice à cause de la maladie mentale, et je suis très offensée par la perception négative.

[…]

Mon médecin m’a dit que j’avais un cerveau malade, comme quelqu’un d’autre peut avoir un cœur malade. Ça, c’est bien au bureau du médecin, mais ça ne marche pas dans la société. Les gens me disent de m’en sortir, et de penser à des choses positives. Ils recommandent des livres, et puis me font sentir coupable. Ils disent des choses comme : « Tu es trop jeune pour faire une dépression. » Ou encore : « Tu n’as aucune raison d’être déprimée... » Je le répète, je n’ai pas choisi cette maladie. Si j’avais le cancer du sein, personne ne me dirait des choses pareilles.

Quand j’ai dit à mon employeur que je souffrais d’une dépression, il a dit que je devais le prouver. J’ai dit que j’avais bien l’intention de le prouver. J’avais une lettre de mon psychiatre indiquant que je faisais une dépression. J’ai demandé s’il voulait voir dans mon sac, voir toutes les pilules que je dois prendre et dont j’ai à subir les effets.

Je dois aussi souffrir l’humiliation d’être regardée de haut et ça m’ennuie beaucoup; il est donc difficile pour moi d’être ici [à une audience publique]. Je me cache derrière mes cheveux quand une photo est prise parce que chaque jour, j’ai encore honte.

Je voulais dire que l’an dernier j’ai quitté mon travail en pleurs. [...] J’ai travaillé au gouvernement fédéral. J’ai quitté mon emploi le 9 juillet. Je n’y suis pas retournée. Je suis en congé sans traitement pour une durée indéterminée. Chaque mois, je dois remplir un questionnaire pour prouver que je suis toujours malade mentale.

J’ai dû implorer mon médecin traitant de me donner un rendez-vous avec un psychiatre. Je l’ai imploré, je l’ai supplié et voici ce qu’il m’a répondu : « Oui, eh bien, il traite 600 malades. Il se fait vieux et tu n’en as pas vraiment besoin. Contente-toi de prendre tes médicaments. »

[…]

Je suis inscrite à un programme à Merchant House; j’ai dû attendre six mois pour avoir une entrevue et être admise. Je suis heureuse de dire que je participe au programme, mais ma conseillère a recommandé que je fasse une thérapie de groupe; pour cela, je suis inscrite sur deux listes d’attente. Je suis la seizième sur une des listes et elle n’a pas voulu me dire quel était mon rang sur l’autre parce qu’elle est trop longue. Elle m’a dit que le programme était censé durer six mois, mais c’est en fait deux ans à cause de la longueur des listes d’attente.

[...] J’ai perdu des amis et des membres de ma famille parce qu’ils ont peur. Cette peur vient de leur ignorance et chaque jour, je dois faire face à la réalité des pensées suicidaires, des médicaments, de ma thérapie et des consultations psychiatriques. Ce n’est pas facile.

[...] je préférerais de loin avoir le cancer du sein plutôt qu’une maladie mentale. Je préférerais cela parce que je n’aurais pas à subir les préjugés[3].

L’histoire d’Helen est un exemple démoralisant du manque de soutien parmi les amis, les parents, les camarades de travail et les employeurs que connaissent tous les jours beaucoup de personnes ayant une maladie mentale. C’est aussi un exemple de la difficulté qu’ont trop souvent ces personnes à accéder aux services de santé mentale.

 

 

1.1        INTRODUCTION

Cette dernière année, Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a reçu plus de 2 000 mémoires venant de tous les coins du Canada au sujet de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie. Des centaines de Canadiens avaient à raconter des histoires déchirantes qui ont éclairé le Comité sur la situation réelle du « système » canadien[4] de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie.

Grâce à deux consultations en ligne et à des audiences tenues dans l’ensemble des provinces et des territoires, le Comité a entendu le témoignage de ceux dont la vie est le plus directement touchée par le système de santé mentale du Canada : les personnes qui ont ou ont eu une maladie mentale ou une toxicomanie. Le présent chapitre a pour objet de présenter aux lecteurs quelques-unes des histoires que nous avons entendues, telles que nous les avons entendues. Nous espérons que ces récits toucheront les lecteurs autant qu’elles ont touché chacun des membres du Comité.

Les membres du Comité en sont venus à reconnaître une réalité : de profonds changements sont essentiels pour que les personnes ayant une maladie mentale reçoivent l’aide dont elles ont besoin et à laquelle elles ont droit. Nous espérons que les lecteurs du présent rapport parviendront à la même conclusion.

1.2        RAPPORTS AVEC LES SERVICES DE SANTÉ MENTALE ET DE LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE

Même si le Comité a entendu des personnes qui avaient réussi à trouver l’aide et les services dont elles avaient besoin, il a été attristé de constater qu’il y en avait beaucoup, beaucoup d’autres qui devaient constamment se battre afin d’obtenir les services nécessaires pour affronter la maladie et la toxicomanie et retrouver une vie normale. Le Comité a appris que ces gens devaient relever d’énormes défis et surmonter des obstacles extraordinaires dans leur recherche de la guérison : confusion et frustration pour déterminer comment et où trouver de l’aide; ignorance, manque de compassion et mauvaise attitude des professionnels de la santé; périodes d’attente interminables pour accéder aux services; honte et discrimination qui incitent beaucoup de malades à dissimuler leurs difficultés et souvent même à éviter de solliciter de l’aide pour les affronter.

1.2.1     Confusion et frustration

Tom, Paul et James ont parlé de la frustration que connaissent beaucoup de gens qui cherchent à trouver l’aide dont ils ont besoin.

Je voulais appeler pour obtenir de l’aide. Je n’avais rien à manger et j’avais très froid. J’étais vraiment misérable. J’ai appelé à plusieurs reprises le service local de lutte contre la toxicomanie, mais je n’ai eu qu’un répondeur au bout du fil. Je n’avais pas un numéro de téléphone à donner pour qu’on me rappelle. Je raccrochais et je pleurais et pleurais. Ensuite, je suis devenu un vrai sans-abri, j’ai été jeté en prison et j’ai essayé de me suicider. S’il y avait eu quelqu’un pour répondre à ce téléphone... —Tom


Il est quasiment impossible d’avoir une idée globale de l’aide qu’on peut avoir et des moyens d’y accéder. Les renseignements disponibles sont fragmentaires et difficiles à comprendre pour une personne ordinaire.
—Paul


Bref, j’ai perdu tout espoir. Je ne crois plus que je guérirai un jour. Je ne crois pas que le gouvernement m’offrira jamais un vrai traitement pour m’aider à surmonter cette maladie.

Je vis dans une chambre, tout seul, comptant les heures. La seule raison pour laquelle je ne me suis pas suicidé, c’est que je voulais éviter de faire de la peine à mes parents.

Je n’ai jamais refusé un traitement. Je n’ai même pas refusé d’essayer une ou deux fois des médicaments expérimentaux. Toutefois, sans quelqu’un pour m’appuyer, sans un psychiatre compréhensif, je n’ai pas la force d’affronter le rejet constant des spécialistes qui, après avoir entendu mon histoire, croient qu’ils ne peuvent rien faire pour moi. En renonçant à tout espoir, je ne plonge pas encore plus profondément dans la dépression chaque fois que je suis rejeté ou qu’on m’enlève un autre espoir. —James

 

1.2.2     Ignorance et manque de compassion

Deborah, Jennifer et Rafe ont, parmi d’autres, parlé au Comité de l’ignorance et du manque de compassion qu’ils ont constatés parmi les professionnels de la santé.

Ceux qui travaillent dans le système de santé mentale doivent être compatissants. Ils doivent traiter les gens avec respect et dignité. Je constate que c’est toujours une lacune. —Deborah Jackman[5]


Je peux vous parler de mon expérience personnelle. J’ai vécu dans une aile psychiatrique, et ça a été l’une des expériences les plus traumatisantes de ma vie.

Si on plaçait dans un autre contexte les choses qui se passent dans une aile psychiatrique, on considérerait que c’est un désastre. Les personnes sont enfermées dans de petites pièces dont elles ne peuvent pas partir, elles sont attachées à un lit, on leur injecte des agents chimiques contre leur volonté : c’est vraiment une expérience traumatisante. On se fait dire que c’est correct, parce que ça se passe dans un hôpital. C’est vraiment une façon de déformer la réalité. — Jennifer Chambers[6]


Pouvez-vous imaginer qu’une femme consulte un médecin à propos d’une bosse au sein, et que ce médecin lui réponde qu’il ne traite pas ce type de problème, mais qu’il peut donner un rendez-vous dans six à 12 mois avec un spécialiste? Pourtant cette situation est fréquente pour les personnes qui surmontent la gêne liée aux problèmes de santé mentale et décident de consulter leur médecin. —Rafe Mair[7]

1.2.3     Manque de services

Beaucoup de participants, dont Pat, Francesca, Susan et Raymond ont dit au Comité qu’à part la confusion et la frustration au sujet de l’accès aux services, il arrive souvent que les personnes ayant une maladie mentale ne trouvent tout simplement aucun service.

Les seules ressources que nous ayons en abondance sont, encore une fois, de coûteux psychiatres, des ergothérapeutes, des infirmières et des travailleurs sociaux qui en sont réduits à distribuer des pilules et des seringues, de façon à garder les malades sortants dans une camisole de force chimique, pour rassurer le reste de la collectivité.

Si un client est déprimé et en colère en raison des contraintes qu’on lui impose, on augmente sa dose de médicaments. S’il a peur de son propriétaire ou s’il est incapable de dormir dans une pièce surpeuplée, on augmente sa dose de médicaments. S’il est affamé et agité par la pauvreté, on augmente sa dose de médicaments, et s’il lui reste suffisamment d’énergie pour se mettre en colère, la posologie veillera à ce que cette colère s’estompe. —Pat Capponi[8]


L’autre problème grave vient de ce que les hôpitaux cherchent à simplifier l’administration. C’est plus facile si les patients sont médicamentés, parce qu’ils ne dérangent plus. Ils restent là à plonger leur regard vide dans le mur ou la télé. C’est sans doute mieux pour le personnel.

Mais nous ne devrions pas nous demander ce qui est le mieux pour le personnel. Nous devrions nous demander comment ces patients prendront du mieux afin de pouvoir retourner à leur vie normale. —Francesca Allan[9]


Les statistiques prouvent que les médicaments seuls ne donnent pas des résultats aussi efficaces que lorsqu’ils sont jumelés à des séances de psychothérapie. D’autres types de thérapies ne sont pas accessibles à ceux et celles d’entre nous qui ont un revenu fixe ou un revenu insuffisant pour pouvoir couvrir les coûts parfois élevés liés à des thérapies faisant appel à des psychologues, des travailleurs sociaux et à des praticiens de médecine douce.

[...] Je retrouve petit à petit une certaine santé mentale, mais je ne pourrai jamais me rétablir sans l’aide d’un psychiatre et d’un psychologue. Notre régime provincial de santé couvre le coût des services psychiatriques, mais pas le coût des services psychologiques. Je dois payer sans pouvoir avoir recours à l’aide d’un régime d’assurance médicale privé. Ma famille survit avec un seul revenu... —Susan Kilbridge-Roper[10]


... ce dont les gens ont besoin, c’est d’un endroit sécuritaire et confortable, ouvert aux heures qui leur conviennent, qui répondent à leurs besoins, et d’avoir un sentiment de communauté, de manger ensemble, de se parler, de rire ensemble et de s’entraider. Malheureusement, ici en Ontario, cela ne constitue pas des heures facturables, donc nous n’obtenons pas le genre d’aide financière dont nous avons besoin, mais il s’agit d’un service tout aussi valable et tout aussi utile. —Raymond Cheng[11]

1.3        QUE VEULENT CEUX ET CELLES QUI ONT UNE MALADIE MENTALE?

1.3.1     Les déterminants sociaux de la santé mentale

Des personnes touchées par la maladie mentale ont parlé au Comité d’un certain nombre de services qu’elles croyaient nécessaires pour affronter et surmonter leurs troubles. Les services de soutien social — aide à l’emploi, logement décent, éducation et recherche, efforts personnels et groupes d’entraide — sont considérés comme les plus importants.

Pour des témoins comme Diana et Raymond, les déterminants sociaux de la santé mentale ont en général été négligés malgré leur importance dans la prévention et le traitement de la maladie mentale.

[...] Le bien-être passe par la participation, l’autodétermination et l’estime de soi. —Diana Capponi[12]


... la santé mentale fait partie intégrante du bien-être physique, social, spirituel et économique de chacun. On ne peut avoir espoir en l’avenir que si on est intimement convaincu que les inégalités présentes dans la société disparaîtront.

[...] mes amis vous ont entretenus éloquemment de ce que cela représente pour eux d’avoir un emploi, un endroit pour lequel on a un sentiment d’appartenance, un réseau social d’amis. J’espère que vous répondrez à cet appel collectif et que vous comprendrez que la guérison individuelle des malades mentaux est impossible quand on doit faire face aux conséquences de la pauvreté, de la stigmatisation et de la discrimination. —Raymond Cheng[13]

1.3.2     Aide à l’emploi

Karen, Joan et un autre participant qui a préféré garder l’anonymat ont expliqué la difficulté qu’ont les gens ayant une maladie mentale à trouver du travail.

Dans mon propre cas, comme je n’ai rien caché de ma maladie, il m’a fallu des années pour trouver un emploi décent et stable. J’avais l’impression que les employeurs me considéraient comme un risque. Si j’avais survécu au cancer, au diabète ou à un taux élevé de cholestérol, je ne crois pas que j’aurais eu les mêmes difficultés. —Karen


Les gens sont terrorisés de perdre leur aide au revenu, parce que s’ils retournaient sur le marché du travail, ils devraient gagner plus de 50 000 $ par année pour pouvoir continuer de payer leurs médicaments.

Je connais quelqu’un qui doit payer 1 500 $ par mois pour ses médicaments, ce qui est choquant, ce n’est pas que la personne prenne des médicaments aussi chers, mais plutôt le fait que les personnes sont prises dans ce genre de dilemme. Elles souhaitent travailler, mais savent pertinemment que leur compétence ne leur permet pas de faire suffisamment d’argent pour payer leurs médicaments. —Joan Edwards-Karmazyn[14]


Les modalités du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées sont discriminatoires pour les personnes ayant une maladie mentale qui veulent travailler. En effet, si elles gagnent plus de 160 $ par mois, elles doivent restituer ce qu’elles ont reçu du Programme, ce qui les maintient à jamais au-dessous du seuil de la pauvreté. —Anonyme

1.3.3     Un logement décent et sûr

Katherine et Scott ont dit au Comité que les gens ayant une maladie mentale ont également de la difficulté à trouver un logement décent et sûr.

Bonne chance si vous voulez trouver un logement décent et que les propriétaires apprennent que vous avez une maladie mentale.
—Katherine


Il y a des quartiers de cette ville et de nombreux autres endroits au Canada qui sont remplis de maisons d’accueil du genre et où l’on trouve des gens dont la vie est simplement ponctuée par la prise régulière de médicaments. Beaucoup d’entre eux n’ont pas vraiment de but, parce que la société canadienne n’a pas reconnu leur valeur. Certains sont aux prises avec une pauvreté noire et habitent des logements tellement répugnants que même les plus forts d’entre nous, s’ils se retrouvaient dans de telles conditions, en perdraient la raison. —Scott Simmie[15]

1.3.4     Groupe d’entraide

Pour de nombreux témoins, les groupes d’entraide constituent l’un des services les plus importants à fournir pour favoriser le rétablisse­ment des personnes ayant une maladie mentale. Susan, Joan, Jean-Pierre, un participant anonyme et Roy ont parlé au Comité de l’importance des groupes d’entraide.

L’efficacité de l’effort autonome et des groupes de soutien dans le rétablissement a été très bien documentée. Mon expérience en qualité de membre et de dirigeante d’un tel groupe m’a apporté une connaissance intime des effets bienfaisants du partage des joies et des peines auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement, du fait que nous avons des problèmes semblables. —Susan Kilbridge-Roper[16]


Pourquoi la prise en charge de soi? Les personnes qui interagissent avec leurs pairs au sein de groupes de prise en charge de soi adoptent une approche volontariste à la gestion de leurs problèmes et à la recherche de solutions.

L’accent est mis sur le bien-être et non pas sur la maladie, sur les aptitudes et non les incapacités, sur l’acceptation de ses limites plutôt que de vivre diminué à l’intérieur du carcan de ses limites, de se concentrer sur le début du processus de rétablissement au lieu de rester stagnant, prisonnier de sa détresse. Le but, c’est de retrouver l’énergie d’exercer de nouveau sa liberté de choix et de redonner au consommateur-survivant le goût d’exercer ses choix et de se sentir à nouveau vivant. —Joan Edwards-Karmazyn[17]


J’ai appris le diagnostic il y a quelques années. On peut dire que bien des Canadiens souffrant d’une maladie mentale traitent cette maladie par des médicaments. J’ai passé presque douze ans à essayer de trouver le bon médicament.

Peut-être que je n’apprends pas vite, mais lorsque j’ai trouvé un groupe d’entraide, le déclic s’est fait.

[...] j’ai appris plus de mes pairs que je n’en avais appris au cours des douze années précédentes au sein de ce que j’appelle le « système officiel de santé mentale ».

J’ai appris en écoutant d’autres personnes dire comment elles prenaient soin d’elles et ce qu’elles faisaient pour maintenir une bonne santé mentale. J’ai essayé certaines de leurs méthodes, et quelques-unes ont fonctionné. Cette expérience en groupe m’a amené à élaborer un plan de guérison personnel, et, en 1996, j’ai cessé de prendre mes médicaments psychiatriques. En général, je ne le recommande pas, mais j’ai décidé de le faire parce que les effets secondaires à long terme m’inquiétaient. Je n’ai pas pris de médicaments depuis, et je n’ai reçu aucun traitement officiel de santé mentale depuis 2000. —Jean-Pierre Galipeault[18]


Nous avons besoin de programmes pour donner aux gens des capacités et des moyens d’affronter les autres et de faire face au stress, à la colère, à la tristesse, etc. Les groupes d’entraide devraient toujours être là. On doit pouvoir assister à des réunions ou aller voir quelqu’un quand on en a besoin.

C’est vraiment très utile de pouvoir parler à quelqu’un qui comprend tous les tourments qu’on ressent et qui écoute sans porter un jugement. Cette personne peut également suggérer des choses qui ont marché pour elle dans des circonstances semblables et qu’on peut vouloir essayer soi-même. Il est extrêmement important de pouvoir aller dans un endroit sûr pour parler ouvertement de ce qu’on ressent. —Anonyme


Je suis atteint d’une maladie mentale depuis près de 30 ans.

[...] J’ai reçu mon premier traitement psychiatrique dans les années 70. [...] en 1979, j’ai été hospitalisé pour la première fois pour « neurasthénie » ou ce que l’on appelle aujourd’hui « dépression nerveuse ». L’expérience a été horrible, et c’est un euphémisme. Cette dépression est survenue à une époque où les personnes atteintes d’une maladie mentale étaient très souvent sous médication excessive.

[...] J’ai survécu au cours des années 80. J’ai perdu mon entreprise, je me suis séparé de ma femme et je suis devenu une personne que je n’aimais pas vraiment, mais je refusais d’admettre que quelque chose n’allait pas...

Puis, vinrent les années 90. Je fus malade pendant presque toute cette décennie. J’ai fait deux tentatives de suicide et j’ai été bien proche d’en faire d’autres à de nombreuses autres occasions; j’ai même suivi une série de traitements par électrochocs...

À l’hôpital, j’ai été traité avec respect et amabilité, mais j’ai pu constater que tous les travailleurs étaient surmenés. À cette époque, je me suis renseigné moi-même sur la dépression et j’étais prêt à tout essayer pour aller mieux. Rien ne semblait être efficace...

J’ai appris grâce à des activités bénévoles que j’avais une aptitude naturelle pour discuter avec d’autres consommateurs de services de santé mentale et les écouter, et nous en avons apparemment tous tiré profit...

C’était un rêve que je ne pensais jamais pouvoir réaliser. Je suis aujourd’hui la preuve vivante que les rêves sont réalisables. En 2001, on m’a offert un emploi au Consumer Initiative Centre, un programme de la Self-Help Connection, organisme fondé sur le pouvoir du soutien par les pairs. J’ai été engagé comme travailleur en entraide. —Roy Muise[19]

1.4        STIGMATISATION ET DISCRIMINATION

Les histoires de stigmatisation et de discrimination que nous présentons dans ce chapitre ne font que donner une très vague idée des attitudes et des traitements injustes que connaissent tous les jours les personnes ayant une maladie mentale.

Beaucoup de participants ont parlé des circonstances dans lesquelles ils ont personnellement connu la stigmatisation et la discrimination dans tous les aspects de leur vie pour la seule raison qu’ils avaient une maladie mentale ou une toxicomanie.

1.4.1     Stigmatisation et discrimination dans le logement

Les tribulations de Linda et Phillip illustrent les difficultés que doivent affronter les personnes ayant une maladie mentale lorsqu’elles cherchent à trouver un logement décent et sûr.

On ne peut pas savoir à quoi ça ressemble tant qu’on n’a pas vécu dans une pièce sombre et humide, sans fenêtres, sans climatisation ni chauffage, et sans aucun droit. À l’époque, je me trouvais chanceuse tout simplement parce que j’avais un toit et un lit. Je payais 550 $ par mois pour ça, une pièce infestée de coquerelles et de souris, avec un lit dont les ressorts s’enfonçaient dans ma peau.

C’était impossible de dormir, alors je changeais de matelas, mais le nouveau matelas était infesté de punaises. Ça vous semble horrible, mais en fait, c’est pire que tout ce que je pourrais dire. Je souffrais de dépression grave et j’étais fréquemment hospitalisée. J’ai vécu dans des endroits comme ceux-là pendant une bonne partie de ma vie.

[...] La première fois que je suis entrée dans le logement, qui comportait une chambre à coucher, je ne pouvais pas croire que c’était mon logement. Je ne croyais pas que je méritais de vivre dans un si bel endroit. Je croyais qu’on avait fait une erreur, et qu’on ne me laisserait pas là. Il y avait des fenêtres, elles s’ouvraient, je pouvais regarder dehors; oh! la lumière, le soleil. Je pouvais sentir l’odeur du gazon, et entendre les oiseaux. J’avais ma propre chambre à coucher, ma propre salle de bain. J’ai une cuisine complète, avec une cuisinière et un réfrigérateur. Je suis maintenant capable de préparer mes repas et je suis fière de pouvoir recevoir des invités.

[…]

Ma vie est complètement transformée depuis que j’ai déménagé dans mon propre appartement. Ce n’est pas seulement un appartement. C’est ma maison. Je suis maintenant un membre productif de la société. —Linda Chamberlain[20]


Quand on cherche à obtenir plus de logements avec services de soutien, nous devons souvent combattre le syndrome Pas dans ma cour, la stigmatisation de la maladie mentale et les règlements sur le zonage, qui traitent à part les logements avec services de soutien.

Comme tout le monde, les sans-abri et les malades mentaux ont le droit de vivre où ils veulent. Personne n’a le droit de nous empêcher de vivre dans un certain quartier. C’est un cas flagrant de discrimination et de violation des droits de la personne.

Comment réagiriez-vous, et je m’adresse aux personnes qui se trouvent dans la salle, si quelqu’un vous disait : « Je ne veux pas que vous viviez dans mon quartier »? Peu importe la raison pour laquelle on vous dirait cela, c’est mal. On n’a pas le droit d’empêcher des Noirs, des gais ou des Juifs de vivre dans un quartier ou un autre. On considère que c’est un crime haineux, et on ne devrait pas non plus en avoir le droit quand il s’agit de sans-abri ou de malades mentaux.

Si on nous réprouve, ce n’est pas parce que nous avons fait quelque chose de mal, c’est à cause de la peur et de l’ignorance. —Phillip Dufresne[21]

1.4.2     Stigmatisation et discrimination dans les professions de la santé

Lisa, Sheila, Anita et Jeannie décrivent une stigmatisation et une discrimination d’un autre genre : celles que leur ont infligées des professionnels de la santé. Le Comité a toujours trouvé difficile de comprendre comment certains professionnels à qui des gens vulnérables s’adressent pour obtenir de l’aide peuvent si souvent les traiter aussi mal.

J’avais constamment l’impression, face à beaucoup des médecins à qui je me suis adressée dans le système de santé mentale, qu’ils étaient condescendants et cherchaient à me rabaisser. —Lisa


Dans le milieu des soins de santé, on n’est pas très à l’aise quand un des membres de la profession est atteint de troubles mentaux. On adopte l’attitude du « n’importe où, mais pas chez nous! ». Lorsqu’on se rend compte qu’il est atteint, on voudrait que le travailleur s’en aille et qu’il quitte son milieu de travail actuel. —Sheila Hayes Wallace[22]


Il m’est arrivé, tandis que j’étais au bord du suicide, d’avoir à attendre six heures dans une salle d’urgence pendant qu’on faisait passer avant moi d’autres personnes souffrant de troubles physiques.

La personne à la réception qui remplissait les papiers était au courant de mon état. Malgré cela, je devais attendre pendant qu’on s’occupait d’autres qui manifestaient des signes de détresse physique, avaient du sang qui coulait ou souffraient d’une fracture.

Quand j’arrivais finalement à parler à quelqu’un, c’était le plus souvent le psychiatre en formation, qui me demandait beaucoup de questions avant d’appeler le médecin de garde, puis le psychiatre de garde, qui venaient à leur tour poser les mêmes questions. Pour une personne dans un état d’anxiété extrême, cela est particulièrement frustrant et suffit souvent pour faire déborder le vase. Je suis alors traitée comme une malade violente. —Anita


Dans ma collectivité, le seul moyen d’obtenir rapidement des soins psychiatriques est de tenter de se suicider ou de commettre un crime. Cela, en soi, est un crime. —Jeannie

1.4.3     Stigmatisation et discrimination lors du retour au travail

Les gens ayant une maladie mentale doivent affronter une autre forme de discrimination — qui, d’après beaucoup de ceux qui ont témoigné devant le Comité, est très courante dans le secteur de l’assurance — lorsqu’ils cherchent à trouver du travail ou à reprendre un emploi pour essayer de retrouver une vie normale.

Beaucoup de témoins, comme Scott et Darrell, on parlé au Comité de la difficulté qu’ils ont eue à obtenir de l’assurance-vie, de l’assurance-invalidité ou de l’assurance médicale ou à présenter une demande d’indemnisation à la Commission provinciale des accidents du travail.

Prenez mon cas, par exemple. Quand je suis revenu au travail, après m’être arrêté pour incapacité, j’ai voulu obtenir un prêt sur mon REER. Je suis allé à la banque, avec qui je faisais affaires depuis des années et le préposé m’a déclaré qu’il serait heureux de me donner un prêt. J’ai alors demandé une assurance sur le prêt, parce que je venais juste de revenir au travail et que je ne savais pas combien de temps j’allais y rester. On m’a demandé de remplir un formulaire où l’on posait bien sûr la question : « Avez-vous déjà eu une maladie mentale? » Si vous cochez la case « Oui », on vous refuse l’assurance dans les banques canadiennes.
—Scott Simmie
[23]


 ... on n’a pas la possibilité de surmonter sa maladie ou toute dépression antérieure. Si vous avez déjà consulté un psychologue ou un psychiatre au cours de votre vie, on utilisera cette information pour miner la demande d’indemnisation ou l’étendue de la demande au moment d’établir un diagnostic de SSPT ou de syndrome de la douleur chronique, comme dans mon cas.

Cet abus est si grave, et si lourd, que j’en suis venu à la conclusion qu’il n’y a aucune façon de se défendre — lorsque l’abus est intentionnel — sans recourir à la Charte des droits et libertés. Nous n’avons individuellement aucune capacité de faire respecter les droits que nous confère la Charte. Nous n’avons aucun pouvoir. —Darrell Powell[24]

1.4.4     Stigmatisation et discrimination dans la société

L’effet le plus préjudiciable attribué par les témoins à la stigmatisation et à la discrimination réside dans les attitudes de condescendance et de dénigrement manifestées partout dans la société à l’égard de la maladie mentale et de ceux qui en souffrent. Scott, Francesca, Ruth, Diana, Patricia, Kim et une participante qui a préféré garder l’anonymat ne sont que quelques-unes des nombreuses personnes qui ont parlé au Comité des souffrances que leur ont causées ces attitudes.

Quand j’ai entrepris d’effectuer des recherches sur la santé mentale en 1998, je suis allé dans le plus gros hôpital psychiatrique de Toronto et, en arrivant, je suis tombé sur un panneau qui était censé indiquer : « Les chiens doivent être tenus en laisse ». Quelqu’un avait effacé le mot « les chiens » à la peinture et l’avait remplacé par « fous », et on lisait « Les fous doivent être gardés en laisse ». Chaque fois que j’allais à l’hôpital pour faire une entrevue, je vérifiais si ce panneau était encore là. Des patients l’avaient certainement vu, des médecins aussi et la population en général. Huit mois après avoir débuté mes recherches, quelqu’un a finalement daigné effacer à la peinture les mots offensants.

Passons maintenant à un scénario différent. Imaginez un panneau semblable sur le terrain d’une synagogue où l’on aurait remplacé le mot « chiens » par « juifs ». Les gens en auraient été révoltés. On aurait sans doute appelé la police, on aurait associé à juste titre cet acte honteux à un crime haineux et je peux vous garantir que ce panneau aurait été enlevé dès le lendemain. D’un autre côté, le panneau de l’hôpital, lui, est resté là très longtemps et Dieu sait depuis combien de temps il était là avant que quelqu’un le remarque. —Scott Simmie[25]


Les mots me manquent pour vous faire comprendre l’impact profond d’une étiquette psychiatrique sur la vie d’une personne. J’ai perdu mon emploi et j’ai perdu tout moyen d’en trouver un autre parce que j’ai été hospitalisée. —Francesca Allan[26]


J’ai été conseillère, j’ai été enseignante suppléante, j’ai été éducatrice en garderie, j’ai travaillé dans un foyer pour femmes, mais une fois étiquetée « malade mentale », j’ai perdu toute crédibilité. —Ruth Johnson[27]


Toutefois, lorsqu’une personne divulgue le fait qu’elle a éprouvé des problèmes de santé mentale, qu’elle ait affaire à un employeur, à l’exploitation d’une petite entreprise ou à une personne dans la rue, les attentes de ces personnes tombent immédiatement à zéro, et je n’exagère pas lorsque je dis cela. En réalité, on craint, franchement, que vous soyez violent. C’est la principale crainte, et on continue de la nourrir.
—Diana Capponi[28]


En fait, je suis bénévole depuis près de 20 ans, et je suis membre depuis trois ans du conseil d’administration du CTSM. Malgré ces longues années d’expérience et mes 33 ans à titre d’enseignante, lorsque je rencontre les gens et que je précise que je suis une ancienne toxicomane, la confiance diminue. C’est visible. C’est bien de faire partie du conseil d’administration. C’est bien d’être une enseignante à la retraite. C’est bien d’être une grand-mère, mais si je dis que je suis une ancienne toxicomane, on me fait moins confiance. —Patricia Commins[29]


Brisée. Solitaire. Désespérée. Honteuse. Rejetée. Isolée. Craintive. Sans appui. Perdue. Anxieuse. Peu crédible. Accablée. Embarrassée. Sombre. Peinée. Sans espoir. En décomposition.

Je suis une Canadienne de 31 ans. Je combats la dépression depuis l’adolescence. Les adjectifs ci-dessus sont ceux qui me viennent à l’esprit quand je pense à la vie que mènent au Canada les Canadiens et Canadiennes ayant une maladie mentale.

Il est plutôt triste de penser que je souhaiterais avoir n’importe quelle autre maladie — je dis bien N’IMPORTE QUELLE AUTRE — plutôt qu’une maladie mentale. Il y a tellement de honte et d’incrédulité attachées à un diagnostic de maladie mentale. C’est en fait la preuve constante qu’on est vraiment malade. Pourquoi faut-il, en plus de souffrir de cette maladie débilitante, avoir à supporter le mépris de la société?
—Kim


Je ne devrais ressentir ni honte ni crainte ni sentiment d’échec parce que j’ai une maladie mentale (trouble bipolaire). Je devrais pouvoir obtenir de l’aide et du soutien comme toute autre personne souffrant d’un trouble ou d’une maladie. Je ne devrais pas avoir à sensibiliser les gens qui n’ont pas jugé bon d’en apprendre davantage sur la maladie mentale, mais qui ont le pouvoir de prendre des décisions qui touchent à ma vie.
—Anonyme

1.4.5     Suggestions pour mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination

Ceux et celles qui ont parlé au Comité de leur expérience de la stigmatisation et de la discrimination ont également présenté des idées pour combattre ces attitudes et permettre à la société de se montrer plus accueillante envers les personnes qui ont une maladie mentale.

1.4.5.1                Éducation et sensibilisation

C’est presque à l’unanimité que les participants ont parlé de la nécessité de sensibiliser les gens à la maladie mentale et à ceux qui en souffrent. Patricia et un participant anonyme ont expliqué comment la sensibilisation peut atténuer la stigmatisation et la discrimination.

C’est seulement en changeant notre perception, en éliminant la tare sociale et en en apprenant davantage sur la maladie mentale que la société peut commencer à améliorer le traitement et les soins donnés aux gens qui souffrent de troubles mentaux.

Changer notre perception, c’est ouvrir la porte à l’espoir pour des milliers de Canadiens, c’est donner à cette question une plus grande visibilité auprès des responsables élus et une plus grande priorité lors de l’élaboration de nos politiques. La crainte de la maladie mentale réduit les ressources qui lui sont attribuées. —Anonyme


On peut s’informer des avantages et des gratifications du rétablissement auprès des personnes abstinentes qui sont disposées à en parler. C’est difficile. Il n’y a pas tellement de gens au Canada qui sont disposés à le faire, mais certains le sont quand même. C’est à nous de les trouver.

Des personnalités publiques et des citoyens ordinaires — des gens de tous horizons — pourraient vouloir parler de leur expérience ou ils pourraient la communiquer par écrit. Beaucoup de gens se refont une vie active en société. Comment s’y sont-ils pris? Qu’est-ce qui les a plus aidés? Qu’ont-ils à suggérer? —Patricia Commins[30]

1.4.5.2               Stigmatisation et discrimination dans les médias

Pour Roman et un participant anonyme, parmi d’autres, les médias sont les mieux placés pour diffuser une information éclairée au sujet de la maladie mentale.

L’industrie cinématographique s’est servie de la maladie mentale pour dramatiser ses productions. Elle a laissé entendre que le personnage peut souffrir ou souffre d’une maladie, que son comportement soit attribuable ou non à d’autres causes, affectives ou physiques. On doit lui faire prendre conscience des dommages que peuvent causer ces actions sur les personnes qui souffrent d’une maladie mentale et du mal qu’elle fait en stigmatisant ces personnes. —Roman Marshall[31]


Une meilleure couverture médiatique de la réalité de la maladie mentale, par opposition à la recherche du sensationnel et à sa stigmatisation, serait très avantageuse. Il faut apprendre au public que, contrairement à ce qu’on voit à la télé, les gens ayant une maladie mentale sont non pas des fous dangereux, mais des amis, des voisins, des médecins, des avocats, etc. —Anonyme

1.4.5.3               Reconnaissance de la gravité de la maladie mentale

De nombreux participants ont également souligné l’importance qu’il y a à accorder autant d’attention au traitement des maladies mentales qu’à celui des maladies physiques, aussi bien dans la profession médicale que dans l’ensemble de la société. Frank, Lisa et Sheila, ainsi que d’autres que nous avons cités plus haut, ont expliqué que la maladie mentale est souvent traitée différemment et fait l’objet de moins d’urgence et de moins d’importance que les affections physiques.

Depuis ce temps, j’ai eu l’occasion d’attendre à l’urgence du même hôpital avec des amis de mon groupe. Nous sommes retournés à la maison, désespérés. Malheureusement, nous ne sommes pas très prioritaires, et je ne sais pas pourquoi. Si du sang coulait le long de nos joues, nous deviendrions peut-être une priorité.

Je vais vous dire bien crûment : nous ne sommes pas importants. Il semble que nous n’ayons aucune importance aux yeux des professionnels de la santé. Je ne veux pas m’asseoir dans une autre salle d’urgence parce qu’un ami me dit « Je ne peux plus vivre; j’ai besoin d’aide ». Je le conduis à cet endroit et on nous demande de nous asseoir.

Un petit tableau d’affichage indique que le prochain patient non prioritaire sera vu dans trois ou quatre heures. Je ne veux plus voir cela. Cette personne a besoin d’une chambre, a besoin de sécurité. Elle n’a peut-être pas besoin de médicaments ou de pareilles choses, mais elle a besoin de sécurité. Elle veut savoir que quelqu’un se préoccupe d’elle et elle ne doit pas se trouver dans une grande salle d’attente à l’urgence.

Nous voulons du respect et de la dignité. —Frank Dyck[32]


Il faut commencer à traiter la maladie mentale tout autant comme une affection biologique que n’importe quelle maladie physique. Lorsqu’on dit qu’une personne est malade, on ne précise pas « physiquement malade ». Pourquoi donc faut-il dire « mentalement malade »? La maladie mentale est une maladie physique. Ce n’est pas une maladie qui atteint l’esprit des faibles et des médiocres. Tout comme le cancer, elle peut frapper n’importe qui.

Commençons donc à traiter la maladie mentale pour ce qu’elle est, une maladie dévastatrice. —Lisa


Bien des sociétés et des entreprises se sont opposées à l’installation de rampes et d’ascenseurs. Pourtant, le monde des affaires ne s’est pas écroulé et les personnes en chaise roulante ou celles qui ont un handicap auditif ou visuel ont maintenant la possibilité d’occuper un emploi.

Eh bien, il est maintenant essentiel de prendre des initiatives équivalentes pour les personnes qui ont des besoins particuliers en raison d’une maladie mentale. Il est essentiel que nous ayons nos propres « rampes », à défaut de trouver un meilleur terme. —Sheila Hayes Wallace[33]

1.5        CONCLUSION

Tout le long du processus de consultation, le Comité a constamment entendu parler des difficultés que doivent affronter les personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie, ainsi que de leur résistance et de leur faculté de récupération. Parmi les manifestations de frustration, de solitude et de souffrance, il y avait des récits fascinants de courage, d’espoir et de victoire sur l’adversité.

Des gens ayant une expérience personnelle de la maladie mentale et de la toxicomanie ont contribué, comme participants à part entière, à cette étude unique en son genre. Sans le courage qu’ils ont montré en racontant leur histoire au Comité, il aurait été impossible de produire ce rapport. Le Comité leur est très reconnaissant de la bonne volonté qu’ils ont manifestée en nous faisant part d’expériences personnelles intenses et souvent douloureuses dans le but d’améliorer les services de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie du Canada, tant pour eux-mêmes que pour les autres.

Ne nous évitez pas lorsque nous prenons la parole. Notre maladie n’est pas contagieuse. —Sheila Hayes Wallace[34]


CHAPITRE 2:
LE TÉMOIGNAGE DES FAMILLES

2.1        INTRODUCTION

Le pire, c’est de ne rien pouvoir faire, parce qu’on ne fait pas partie de la solution. —Darlene

Parmi les nombreux mémoires reçus par Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, beaucoup venaient de personnes qui donnaient des soins non professionnels et non rémunérés à des membres de leur famille ayant une maladie mentale ou une toxicomanie. Comme Darlene, un grand nombre de ces personnes se sentent exclues et mises à l’écart par le système de santé mentale, de maladie mentale et de lutte contre la toxicomanie du Canada. Curieusement, ce sont ces mêmes membres de la famille qui donnent souvent le plus de soins et de soutien aux personnes ayant une maladie mentale.

Les membres de la famille ont parlé au Comité de leurs multiples frustrations : indifférence du système de santé mentale, incidence des soins donnés sur les autres membres de la famille et difficulté d’obtenir ce dont ils ont besoin pour donner les meilleurs soins possibles à leurs proches. Les membres du Comité ont été frappés non seulement par les effets de la maladie mentale sur la vie et la santé des aidants, mais aussi par le fait que leurs énormes efforts sont souvent méconnus et dépréciés par les professionnels et d’autres membres du système de santé mentale.

2.2       RAPPORT AVEC LES SERVICES DE SANTÉ MENTALE ET DE LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE

Mary, Donna, Doris, Bonita et Carolyn ont parlé au Comité de la difficulté qu’il y a à se battre pour un proche malmené par le système de santé mentale ou à qui le système tarde à donner les soins nécessaires. Elles nous ont rapporté comment des membres de leur famille ont été repoussés ou écartés lorsqu’ils ont cherché à obtenir de l’aide.

 

Notre fils s’est suicidé à 24 ans. S’il avait obtenu de bons soins, s’il avait eu un psychiatre qui se serait vraiment intéressé à son cas, il serait peut-être encore parmi nous aujourd’hui. —Mary


Malheureusement, l’accès aux soins est une lutte quotidienne. Tous les services qu’on obtient pour notre enfant, en ce qui concerne un trouble psychiatrique, est le résultat d’une lutte chèrement disputée, chèrement gagnée.

[...]

Finalement, juste pour résumer, ce n’est pas le handicap qui est tragique. Ce qui est tragique, c’est la façon dont la société traite l’enfant et la famille qui sont confrontés au handicap.

Nous pouvons nous occuper d’Alex. Jusqu’à maintenant, nous avons été en mesure de le faire avec le soutien limité que nous avons réussi à obtenir, et nous sommes très reconnaissants de ce soutien limité. Ce que nous ne pouvons pas faire, c’est nous battre constamment pour accéder à tous les services. —Donna Huffman[35]


En septembre 1984, la propriétaire de mon fils à Toronto m’a appelée pour m’aviser qu’il avait été hospitalisé à l’aile psychiatrique après avoir tenté de sauter par la fenêtre de son appartement. J’étais convaincue que c’était le pire jour de ma vie, mais je me trompais. Ce n’était que le début d’une affreuse série noire qui allait culminer neuf ans plus tard, lorsqu’il a été déclaré non coupable d’homicide involontaire pour cause de troubles mentaux...

Après avoir appris ce qu’il avait fait, il s’est jeté contre les murs de sa cellule pendant trois jours, rongé par d’intenses remords. Pendant ce temps et pendant les quatre ans et demi qu’il a passés au Forensic Psychiatric Institute à Port Coquitlam, il n’a jamais eu de consultation psychologique, à l’exception de quelques séances de groupe animées par le très gentil pasteur de l’établissement. —Doris Ray[36]


J’ai déjà conduit mon fils à l’urgence alors qu’il se trouvait dans une phase maniaque, et croyez-moi, c’est une expérience affreuse. Il se promène partout en traitant les gens de sorciers, il leur arrache les magazines des mains et il les effraie. Moi, je reste assise là à me ronger les sens en me demandant ce qu’il va bien pouvoir inventer.

J’ai dû discuter ferme avec le médecin pour expliquer ce qui se passait. On a essayé de me dire qu’il avait pris de la drogue, ou qu’il était ceci ou cela.

Je leur ai dit, écoutez je sais très bien ce qu’il a. Il a une maladie mentale. Il a un dossier médical, ne pouvez-vous pas sortir son dossier? Non, c’était trop compliqué. Il faut vraiment faire tout un plat pour qu’on s’occupe de vous. Il faut vraiment que les choses changent dans les hôpitaux, ça c’est sûr. —Bonita Allen[37]


Je prends la parole à titre de mère d’une jeune femme qui, après huit ans aux prises avec un grave problème d’anorexie-boulimie, est décédée dans un système médical qui, essentiellement, ne se préoccupe pas de cette maladie mentale des plus mortelles.

[...]

Au sein du système de soins de santé, Danielle a souvent été confrontée à l’attitude hostile des fournisseurs de traitements médicaux. On la traitait comme si son état découlait d’un désir d’adolescente de perdre du poids, d’une sorte de caprice. C’est faux. [...] Chaque bouchée, chaque pas étaient une véritable lutte pour elle.

De plus, elle n’a reçu aucun soin à l’égard de toute chose n’étant pas considérée comme liée au problème. Ses os étaient dans un état déplorable, mais elle n’était pas admissible aux médicaments pour les os, car ils étaient réservés aux 65 ans et plus.

[...] On ne lui a permis d’utiliser un lit fluidisé que lorsqu’on en a apporté un dans sa chambre d’hôpital, une heure avant qu’elle meure, pour soulager la douleur occasionnée par le dépérissement de ses os et de ses muscles, qui lui enlevaient toute amplitude de mouvement.

[...]

Une infirmière s’est mise à railler : « Eh bien, qu’est-ce que vous attendez de nous, exactement? » Et je lui ai répondu : « J’aimerais trouver une thérapie cognitivo-comportementale pour Danielle, ainsi qu’un psychiatre qui pourrait utiliser divers médicaments jusqu’à ce qu’il trouve celui qui permettra à Danielle de composer avec les graves pensées suicidaires qui la rongent cinq jours par mois. » L’infirmière m’a regardé, et a dit : « Vous rêvez en couleur. »

[…]

On a refusé à trois reprises d’admettre Danielle en salle d’urgence lorsqu’elle s’y est présentée, de peur de céder à ses idées suicidaires, parce qu’elle voulait vivre. Ce n’était pas pour avoir de l’attention. Ils ont ri de ses plans. [...] Un jour, cinq jours après avoir été renvoyée, elle a trouvé un plan efficace : la surdose. C’est moi qui l’ai trouvée.

Au cours des deux années qu’elle a passées à Toronto, à attendre son tour qui n’est jamais venu, dans une chambre louée à nos frais, elle se rendait à la salle d’urgence de l’hôpital et se tenait entre les portes, car, là, elle pouvait attendre, en toute sécurité, que ses idées suicidaires passent. Elle savait qu’elles passeraient, mais elle devait s’en assurer avant de partir. —Carolyn Mayeur[38]

Le message que nous a transmis Carol était l’un des plus optimistes que nous ayons entendus.

J’ai commencé à avoir des rapports avec les services de santé mentale lorsqu’on nous a dit que mon fils aîné Peter, alors âgé de 19 ans, était atteint de schizophrénie. Peter a maintenant 45 ans. Compte tenu de la gravité de sa maladie, je considère que son traitement a été en quelque sorte une réussite.

Depuis ce temps, Peter a eu des médicaments plus modernes. Il a pu obtenir un diplôme universitaire en mathématiques. Cela lui a pris 20 ans. Il travaille comme auxiliaire à l’enseignement au département de mathématiques de l’Université [...]. Il profite des services du Centre d’aide aux personnes handicapées de l’Université. Il poursuit en même temps des études de droit. Il travaille parfois comme gardien de sécurité et fait du bénévolat pour de nombreuses causes. Il vit avec une femme qui est également schizophrène. Il donne des conseils à d’autres gens qui connaissent les mêmes troubles ou des problèmes mentaux semblables.
—Carol

2.2.1     Manque d’information

Heather et Donna ont dit au Comité combien elles étaient frustrées par le fait de ne pas savoir à qui s’adresser quand un proche a besoin de soins. Beaucoup d’aidants familiaux ont expliqué que la plus grande différence entre une maladie mentale et une maladie physique est que, dans le premier cas, il est tellement plus difficile d’obtenir des renseignements et de l’aide.

Si votre enfant se casse un bras ou une jambe, vous savez où aller. Vous savez que, si vous y allez, quelqu’un vous aidera. Vous allez à l’urgence, et l’infirmière vous reçoit, le médecin vient vous voir, on vous fait passer des radiographies, et on met votre membre dans le plâtre, ou, dans le pire des cas, vous devez vous faire opérer, mais d’une façon ou de l’autre, vous obtenez de l’aide.

[...] Si vous souffrez d’un trouble de l’alimentation, ça ne se passe pas comme ça. Vous ne savez pas où aller. Vos parents ignorent où demander de l’aide. Beaucoup de médecins et d’infirmières ne savent pas quoi faire pour vous. Bon nombre d’entre eux vous accusent d’être responsables de votre maladie. Cependant, vous êtes malade, vraiment malade.

Lorsqu’on essaie de trouver de l’aide, on s’embarque dans une aventure frustrante, et on est seul. La plupart des gens effectuent beaucoup, beaucoup d’appels dans le but d’obtenir de l’aide. Lorsqu’on finit par trouver quelque chose qui donne espoir, on se retrouve sur une liste d’attente de dix mois. Pour reprendre l’analogie de la fracture, c’est comme si on se présentait à l’urgence avec une fracture et qu’on se faisait dire : « Oui, c’est vraiment fracturé, donc faites ce que vous pouvez pour vivre avec, et nous vous verrons dans dix mois ».

[…] Tout ça semble ridicule. Personne ne ferait jamais ça, et personne ne devrait le faire. Toutefois, c’est ce qui se passe tout le temps en santé mentale, et c’est acceptable.

Lorsque ma fille avait 11 ans, on nous aurait traitées très différemment, ma fille et notre famille, si elle avait eu le cancer plutôt qu’un trouble de l’alimentation. [...] Lorsque son enfant souffre d’une maladie mentale, on vit la peur, le doute, on cherche des réponses. On essaie de s’adapter, on vit du stress et on subit des traumatismes affectifs comme si son enfant était gravement malade physiquement, mais on ne reçoit aucun soutien qu’on accorde habituellement à une personne qui est gravement malade physiquement.

On se sent très seul, et abandonné. —Heather Dowling[39]


Tout ce que je sais, pour ma part — et cela peut sembler horrible — mais je me suis souvent dis que j’aurais préféré que mon fils soit né aveugle, car, au moins, les gens auraient reconnu ce fait. Ils regarderaient mon fils, et diraient : « D’accord, nous savons ce que c’est, nous savons quel est le problème, nous savons de quels services il a besoin. » Et ce serait la fin de l’histoire, et je n’aurais pas à passer tout ce temps à défendre ses droits et à supplier les gens pour obtenir de l’aide. —Donna Huffman[40]

 

 

2.3       LES INCIDENCES SUR LA FAMILLE

Les aidants familiaux ont fait part au Comité de nombreux cas où les soins à donner à un proche ayant une maladie mentale ou une toxicomanie ont sérieusement ébranlé la famille, surtout à cause des effets physiques et affectifs de ces soins et du manque de reconnaissance et de soutien de leurs efforts.

 

 

2.3.1     Effets physiques et affectifs

Carolyn, Joyce, Sheila, Lembi et Phyllis ont décrit certains des effets physiques et affectifs que connaissent les aidants familiaux.

Dans notre famille, les trois d’entre nous qui restent avons commencé à souffrir de maladies chroniques en raison des huit ans de stress subi à vivre avec une personne qui, à la fin de sa vie, avait l’air de s’être échappée d’un camp de concentration, et du stress énorme et improductif que supposait le fait de tenter d’obtenir des soins médicaux et de nous faire dire que nous exagérons. —Carolyn Mayeur[41]


C’est ce que ma fille a dit. Pourquoi se préoccuperait-elle de prendre ses médicaments si c’est tout ce qu’on pouvait lui offrir? Si tout ce qu’on peut lui offrir est une vie passée à prendre des médicaments, sans amis, une vie d’assistée sociale sans avenir, à quoi ça sert de vivre? J’ai bien dû l’admettre. J’ai toujours pensé que si elle se suicidait, je pourrais lui pardonner, parce qu’elle serait en paix. —Jan House[42]


C’est une chose terrible à dire, mais si ma fille se suicidait, je comprendrais. Ma fille m’a dit ceci : « Je ne sais pas ce que la vie a à m’apporter alors que j’entends des voix et que je ne peux pas la mener comme je le veux. Quel est le sens de ma vie? Je serais mieux si j’étais morte. » Nous avons eu à l’occasion des conversations intellectuelles au cours desquelles elle faisait preuve d’une grande perspicacité et pouvait tenir des raisonnements assez solides. Il est très difficile de trouver une raison de vivre dans ces circonstances. —Sheila Morrison[43]


En réalité... mon mari doit présenter une nouvelle demande [de crédit d’impôt] chaque année. Je ne peux vous dire à quel point cette situation est stressante pour lui. Il doit consulter le médecin et s’assurer que le formulaire est dûment rempli afin qu’on ne pose pas de questions à ce sujet. C’est un événement annuel très stressant. C’est stressant pour lui et, comme on a parlé de contagion, c’est stressant pour moi. C’est comme si je suis également exposée à ce genre de stress, car, au cours de l’année, c’est tellement stressant de l’aider à maîtriser son stress que je ne sais pas où son problème se termine et où le mien commence. Au bout du compte, son problème devient le mien. —Lembi Buchanan[44]


Les parents qui constatent les ravages de la psychose chez leur enfant et qui découvrent qu’il est atteint d’une maladie mentale grave, avec laquelle il devra vivre le reste de sa vie, sont dévastés, absolument dévastés. Et puis, quand vous vous apercevez qu’il n’existe quasiment pas de traitement pour votre enfant, la situation devient insoutenable. —Phyllis Grant-Parker[45]

Mark a parlé par ailleurs des effets positifs sur la famille quand on arrive à obtenir des services efficaces pour un proche.

Mon fils Kenny a souffert pendant 15 ans d’un trouble obsessionnel-compulsif grave. Il a maintenant réintégré la collectivité après des années de problèmes familiaux, à faire des séjours dans les hôpitaux, à consulter un psychiatre puis un autre, à chercher en vain vers qui se tourner. À cause de son trouble obsessionnel-compulsif, c’est une situation d’affrontement constant, et Kenny ne coopère pas du tout. Il vivait dans la rue, et nous étions toujours angoissés et pris de panique parce que nous ne savions pas où il était; était-il en sécurité? Il lui arrivait aussi de se présenter à mon studio, un itinérant, mon fils.

Nous cherchions désespérément. Nous avons enfin pu mettre mon fils en contact avec le système de services en santé mentale, qui fournissait des logements avec services de soutien. [...] Il n’existe pas de mots pour traduire les sentiments et le soulagement d’un parent qui voit enfin son fils ou sa fille fonctionner normalement et reprendre goût à la vie dans la collectivité et, surtout, dans sa famille. Cela me soulage de savoir que, lorsque nous disparaîtrons, notre enfant pourra toujours avoir un logement sûr et abordable. —Mark Shapiro[46]

2.3.2    Manque de reconnaissance et de soutien

Même si les aidants familiaux peuvent passer des heures interminables à chercher infatigablement des services et des traitements et à défendre les intérêts de leur proche malade, leurs efforts sont souvent méconnus ou dépréciés. Joyce, Betty, Mike et deux participants anonymes ont fait part au Comité de leur frustration devant le manque de reconnaissance et de soutien des aidants familiaux.

 

Quand on est aidant naturel, on est coincé également parce qu’on a peur de sortir de crainte de manquer un appel et que l’on n’a pas la confiance que l’on devrait avoir dans le système. Nous étions très souvent complètement désespérés et nous nous sentions abandonnés et ignorés. Je pense qu’un changement est absolument nécessaire à ce niveau. —Joyce Taylor[47]


Lorsque nous passerons à un paradigme qui accorde un rôle central réel aux clients, je vous prie de ne pas perdre de vue qui a dispensé le gros des soins liés à la santé mentale et à la toxicomanie. C’est nous, les familles et les amis, à raison de milliards d’heures de soins « informels » chaque année, ce qui permet au système de réaliser des milliards de dollars d’économie. Ce que vous devez comprendre de cela, c’est que les familles n’ont ni soutien ni argent, ni attention.

[...]

Demandez aux familles ce qu’elles veulent, et elles vous le diront. Invitez-nous à participer à la création d’un système de prestations de services. Nous le ferons. Nous connaissons le système, et nous savons ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous avons des idées merveilleuses.

Je dirais même ceci : si les familles ne sont pas au cœur même de la conception des services destinés aux familles, cela ne fonctionnera pas. Nous sommes plutôt fatigués de fournir les services, de faire le travail et d’être négligés. —Betty Miller[48]


Beaucoup de membres du secteur de la santé mentale n’apprécient pas à sa juste valeur la contribution des membres de la famille au processus de rétablissement. —Mike


Souvent, les membres de la famille sont le seul soutien des personnes ayant une maladie mentale, sans compter qu’ils doivent parfois aider des parents âgés tout en travaillant à plein temps. Les services de soutien aux aidants familiaux sont inexistants. Des efforts particuliers doivent être déployés pour aider les membres de la famille des malades mentaux. —Anonyme


Les familles jouent un rôle vital dans le rétablissement du consommateur. Les aidants familiaux vivent le plus souvent avec le consommateur 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, et ont donc une connaissance très précieuse de ses troubles mentaux. Ils fournissent le logement, le soutien social et financier, l’aide à se retrouver dans le système, etc. Ils constituent essentiellement la première ligne de soutien.

Ils ont un rôle unique dans le système, d’une part parce qu’ils aident le consommateur et, de l’autre, parce que leur connaissance du sujet leur permet de collaborer avec les professionnels. Il faut reconnaître leur rôle et les intégrer dans le système, non seulement au niveau du soutien, mais aussi au niveau de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique. —Anonyme

2.4       QUE VEULENT LES AIDANTS FAMILIAUX?

Parce que les membres de la famille donnent souvent beaucoup de soins et d’aide sans être rémunérés ni reconnus, le Comité croit qu’il est essentiel d’écouter leurs suggestions. Les membres de la famille ont dit au Comité qu’ils ont besoin de diverses choses : plus d’information et d’éducation, un soutien du revenu, des services d’entraide, des services de relève, l’accès au plan d’intervention établi pour leur proche et le droit d’être traités avec respect lorsqu’ils discutent avec les médecins et d’autres de la façon dont le plan doit être réalisé et des personnes qui seront chargées de sa mise en œuvre.

 

 

2.4.1     Information et éducation

Darlene et un participant qui a préféré garder l’anonymat ont parlé de la nécessité de donner plus d’information et d’éducation sur l’état de leur proche et sur la façon de l’aider.

Quand une personne sur 100 est schizophrène, est-ce trop demander que de nous permettre de comprendre de quoi il s’agit? —Darlene


Les médecins m’ont appris en 1997 que mon fils était schizophrène. Ils l’ont ensuite renvoyé à la maison après trois jours à l’hôpital. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire. L’hôpital n’a fourni aucun renseignement. Il n’y a pas eu un appel ou une réunion de suivi. On m’a tout simplement dit que la Société locale de la schizophrénie pourrait avoir de la documentation à lire. —Anonyme

2.4.2    Soutien du revenu

Joan, Phyllis, Norrah et une participante anonyme ont parlé au Comité des difficultés financières que connaissent les membres de la famille d’une personne ayant une maladie mentale, lorsque celle-ci ne dispose d’aucun soutien du revenu.

Il faut prendre en considération le fardeau financier que la maladie mentale impose aux familles. Les prestations d’invalidité accordées aux personnes atteintes de maladies mentales sont ridicules et la plupart des familles doivent y aller de leur poche pour combler des besoins de base comme de nouvelles chaussures, des soins dentaires, des articles liés aux soins de santé et de l’argent de poche. —Joan Nazif[49]


... si nous avons eu de la chance de pouvoir accéder à ce genre de soutien, cela n’a pas été sans un coût énorme pour notre famille. Pour aller voir notre fils, nous devions conduire cinq heures à partir d’Ottawa. Le fait de le savoir malade et aussi loin de nous a eu de formidables répercussions émotives.

Dans les 14 mois qu’il a passé là-bas, nous avons parcouru 49 000 kilomètres, perdu la moitié de notre revenu familial, fermé une entreprise familiale et dépensé 29 000 $ de notre poche. —Phyllis Grant-Parker[50]


La plupart des familles que je connais dans ma province connaissent des souffrances qui vont au-delà de ce que vous pourriez imaginer. Ils vendent leur maison, s’ils en ont une à vendre.

Je parlerai de ma propre situation. Je n’ai rien. Je serai pauvre toute ma vie. [...] Je ne serai jamais propriétaire d’une maison, d’une voiture digne de ce nom. Je ne serai peut-être même jamais capable de conserver un emploi décent, en raison du handicap de mon fils. —Norrah Whitney[51]


J’ai un enfant atteint d’autisme, de THADA et de diverses autres affections. S’il a besoin d’une intervention chirurgicale pour lui sauver la vie, je peux l’obtenir en six heures ou moins.

Je n’ai accès à aucun traitement pouvant l’aider à devenir un membre productif de la société, à moins de trouver moi-même ce traitement. Toutefois, si j’acceptais de le bourrer de médicaments et de le laisser s’asseoir dans un coin, la province ne verrait aucun inconvénient à payer la facture. —Anonyme

2.4.3    Service d’entraide

George nous a expliqué à quel point les services d’entraide sont importants pour les aidants familiaux, qui veulent parler de leurs craintes et de leurs frustrations à d’autres qui ont connu des expériences semblables, et apprendre d’eux comment affronter les problèmes.

Nous essayons de leur faire comprendre qu’ils ne sont pas seuls dans toute cette aventure; ils peuvent compter sur l’amour et le soutien de toutes les personnes qui participent aux réunions, qui peuvent les aider à vivre leur douleur. J’ai vu des gens venir pour la première fois à une réunion et être tellement anéantis qu’ils ne pouvaient pas parler, et, des mois plus tard, j’ai vu ces mêmes personnes rire pour la première fois sans craindre de se sentir coupables ou d’avoir honte. —George Tomie[52]

2.4.4    Service de relève

Betty et Annette ont expliqué au Comité l’importance d’un répit, d’une relève pour les aidants familiaux. De nombreux participants ont parlé de la difficulté qu’il y a à trouver des personnes fiables et compétentes à qui laisser la charge des soins à donner aux proches malades.

Les familles sont épuisées. Nous avons besoin d’aide. Nous vieillissons, et nous avons peur que nos proches soient laissés à eux-mêmes, dans la rue; et la rue existe dans les collectivités tant rurales qu’urbaines.

Les familles ont leurs propres peurs légitimes et besoins distincts. […] Peut-être avons-nous seulement besoin qu’une personne prenne une heure de son temps pour nous aider à évaluer les choix qui s’offrent à nous. Il faut comprendre que nous sommes un peu fatigués, nous avons besoin de nous reposer. Quelqu’un pourrait peut-être prendre le relais pour quelque temps, nous donner une chance de respirer. —Betty Miller[53]

 


Les familles ont besoin de services de relève. Elles ont besoin qu’on leur montre que le fait de ne pas être capable de donner des soins n’est pas la même chose de ne plus vouloir s’occuper d’un proche. Elles ont besoin de savoir qu’il y a un endroit où aller quand elles n’ont plus la force de continuer sans répit.
 —Annette

 

 

2.4.5    Accès aux renseignements personnels sur la santé

Un grand nombre de répondants ont souligné que l’accès aux renseignements concernant les soins donnés à leurs proches constituait, peut-être, l’aspect le plus important du traitement d’une maladie mentale ou d’une toxicomanie.

Brenda, Ruth, Phyllis et une répondante qui a préféré garder l’anonymat ont parlé du sentiment d’impuissance qu’elles ressentaient lorsqu’on refusait de leur donner accès à l’information relative au traitement d’un être cher. Et, pis encore, les professionnels de la santé à qui elles voulaient communiquer des renseignements importants concernant leur proche refusaient souvent de les écouter ou écartaient leurs arguments. Leur exclusion était aggravée par l’application de lois conçues pour protéger les droits individuels, mais qui, en cas de maladie mentale, risquent de porter un grave préjudice aussi bien à la personne en cause qu’à d’autres.

J’ai un fils de 25 ans qui est atteint de schizophrénie paranoïaque. Quand il prend ses médicaments, il a l’impression d’être guéri, ce qui l’amène à cesser de les prendre. Ses symptômes s’aggravent alors.

À cause des lois, on ne peut pas le forcer à prendre ses médicaments. Il doit alors être hospitalisé. Un défenseur des droits va ensuite le voir avec un formulaire et lui demande s’il veut rester. Bien sûr, il dit non.

Il a maintenant 25 ans. Il entend sans cesse des voix dans sa tête, et elles sont de plus en plus fortes. Son délire est de plus en plus violent. Il croit fermement qu’il peut vivre éternellement s’il boit du sang humain (parce que Dieu a dit de boire son sang) et que s’il meurt, il ressusciterait. Je vous assure que moi-même, les autres membres de la famille, son agent de probation et ses deux psychiatres sommes sûrs et certains qu’à défaut d’un traitement médical, mon fils finira par se tuer ou par tuer quelqu’un d’autre.

Il prend des médicaments sans ordonnance, comme c’est courant parmi ceux qui souffrent de cette maladie, pour faire cesser la vingtaine de voix perçantes qu’il entend dans sa tête.

Comme mère, je suis incapable d’aider mon fils qui a si désespérément besoin d’un traitement parce qu’il est LE SEUL qui puisse prendre la décision. Toutes les portes sont fermées pour ceux qui l’aiment le plus, c’est-à-dire les membres de sa famille. Nous devons rester là à observer pendant qu’il se transforme en une personne que nous ne connaissons plus et dont nous avons maintenant très peur.

Oui… c’est la pire expérience de la vie. Faire face à la loi qui nous enlève le droit d’aider une personne qui nous est chère.

Je crois que si un membre de la famille prouve à plusieurs reprises, si, comme dans notre cas, ses médecins disent qu’il est dangereux pour lui-même et les autres et ne peut pas fonctionner sans aide, alors, un parent doit pouvoir intervenir en son nom pour lui faire prendre ses médicaments et pour veiller à ce que ses besoins médicaux soient satisfaits.

En ce moment, notre fils est en prison parce qu’il représente une menace pour notre vie. Croyons-nous qu’il donnera suite à ses menaces? Oui, nous le croyons, de même que ses médecins, son agent de probation et la police. Vous devez comprendre que lorsque qu’un schizophrène paranoïaque ne prend pas ses médicaments, il délire, et ses parents et amis ne sont pour lui qu’autant de gens qui veulent le tuer.

Mon fils mérite de recevoir des traitements pour sa maladie mentale. Toutefois, tant que la loi restera telle quelle, les autorités ne feront qu’attendre qu’il mette ses menaces à exécution. Ensuite, elles diront : pourquoi personne n’a prévu que cela se passerait ainsi?

À mon avis, la façon la plus simple de nous faciliter les choses, c’est de nous permettre d’aider notre fils à se rétablir. Déliez-nous les mains, entendez notre appel, rendez-nous notre fils.

N’est-il pas suffisant qu’il soit malade? Fait-il en plus le punir pour sa maladie?

Mon plus grand souci, c’est que, comme mère d’un jeune homme que j’aime tant, je ne puisse rien faire pour l’aider. Nous sommes obligés de l’observer pendant que son état s’aggrave de jour en jour. Nous sommes obligés de regarder pendant qu’il se débat dans le système de justice pénale sans vraiment comprendre ce qu’il a fait de mal. Il n’a rien fait d’autre que ce que les voix dans sa tête lui ont dit de faire. Il n’a agi que sous l’effet du désespoir. Il avait faim et avait besoin de manger, il avait peur et luttait pour sa vie. Tuer ou être tué.

Nous savons, quand il nous appelle maman et papa, qu’il sait qui nous sommes. Mais quand il nous appelle par notre prénom, nous savons qu’il nous prend pour des ennemis. Depuis quelques années, nous avons une serrure sur la porte de notre chambre. —Brenda Valcheff


La maladie mentale accable terriblement les membres de la famille. Ceux-ci ont besoin d’information, d’éducation et de soutien. Ce n’est que lorsque c’est absolument nécessaire pour le bien du client qu’on devrait exclure les membres de la famille du processus de traitement.

[...] Longtemps après que l’équipe de traitement a dispensé ses services, la plupart du temps, la famille est toujours dans la vie du client. —Ruth Minaker[54]


Eh bien, j’estime qu’il est essentiel que les familles participent aux soins parce qu’elles sont le point de référence en ce qui concerne leurs membres. Elles connaissaient la personne avant que son comportement ne soit modifié par la maladie et elles sont le baromètre qui indique à quel point le traitement donne des résultats. L’équipe médicale, elle, ne connaît que le malade.

Ainsi, les familles sont le point de référence parce que la véritable guérison consiste à ramener le malade à l’état dans lequel il était avant, ou du moins le plus près possible de cet état. Dès lors, il faut que les parents et les familles soient intégrés dans les équipes soignantes... —Phyllis Grant-Parker[55]


J’ai un fils qui a une maladie mentale. Il a maintenant près de 40 ans. Nous avons dû le soigner. Nous avons dû le surveiller étroitement à plusieurs reprises lorsque nous avions l’impression qu’il voulait se suicider. Nous avons souvent dû l’emmener à la salle d’urgence de l’hôpital. Nous avons veillé à ce qu’il aille à ses rendez-vous. Nous l’avons appuyé affectivement, physiquement, financièrement. Mais quand c’est le moment de donner notre avis sur son traitement psychiatrique, on ne nous écoute même pas.

Notre fils peut raconter toutes sortes de mensonges à son médecin sans que nous puissions intervenir parce qu’il est adulte. Les médecins doivent parler aux membres de la famille et à ceux qui soignent les malades pour s’assurer que les renseignements qu’ils tiennent du consommateur sont exacts. —Anonyme

2.5       CONCLUSION

Les membres de la famille qui donnent des soins et du soutien à des proches ayant une maladie mentale ou une toxicomanie doivent relever un double défi. D’abord, ils doivent souffrir avec leur proche pendant qu’il affronte ses difficultés quotidiennes et utiliser des ressources personnelles limitées pour les atténuer. Ensuite, ils doivent faire face à un système de santé mentale qui les empêche souvent de participer aux processus de collecte d’information et de décision tout en les laissant jouer le rôle de filet de sécurité offrant des soins illimités sans rémunération et remédiant aux lacunes du prétendu système.

Les membres de la famille qui donnent des soins et du soutien à des proches ayant une maladie mentale ont un point de vue très particulier sur le système de santé mentale et sa réforme. Ils ont montré au Comité que, malgré leur frustration et leur fatigue, ils continueront à rechercher de l’aide pour leur proche et l’offriront eux-mêmes si leurs recherches sont vaines. Le Comité reconnaît leur contribution à l’étude. Les histoires qu’ils ont racontées sont pertinentes : nous devons les écouter et donner suite à leurs recommandations.

Les titulaires de charges publiques doivent-ils perdre eux-mêmes un enfant pour comprendre à quel point la situation de la santé mentale est désespérée au Canada? Il semble malheureusement que cela n’a vraiment de l’importance que pour les personnes qui ont vécu elles-mêmes ces circonstances. —Ginny


PARTIE II
Aperçu


CHAPITRE 3:
VISION ET PRINCIPES

 

Étant donné qu’un modèle a tendance à façonner notre perception des circonstances, il influence considérablement la gamme des services que nous cherchons à offrir et la manière de le faire, que ce soit en santé mentale ou en santé physique.[56]

Après deux ans et demi d’étude du « système » de santé mentale et de toxicomanie au Canada, le Comité est encore frappé par le nombre de questions clés sur ce système qui ne peuvent pas engendrer de réponses faciles. Elles vont de questions factuelles (par ex. combien dépense‑t‑on annuellement dans chaque secteur de compétence pour les services de santé mentale et les soutiens?) à des questions fondamentales d’ordre philosophique, médicale et scientifique ayant trait à la nature des maladies mentales.

Le Comité a entendu de nombreux points de vue différents sur toute la gamme des questions, tous débattus avec passion, intégrité et éloquence. Les deux chapitres précédents illustrent la richesse de ces témoignages.

Des progrès importants ont été marqués au cours des dernières années dans la mise au point de nouveaux médicaments et de nouvelles méthodes de traitement des maladies mentales. De plus, les personnes atteintes de maladie mentale et leurs familles se font de plus en plus entendre et réclament à juste titre de participer à la prise de décisions les concernant. Il reste cependant encore beaucoup à faire. Voilà pourquoi, dans les rapports documentaires publiés en novembre 2004, le Comité a affirmé clairement que le maintien du statu quo n’est pas une option acceptable au Canada à propos de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie.

Ce qu’il faut, de l’avis du Comité, c’est un véritable système centré sur les personnes ayant une maladie mentale, en ciblant nettement leur capacité de rétablissement.

3.1               INTRODUCTION

3.1.1     Limites du présent rapport à l’égard des toxicomanies

Le Comité estime qu’il est nécessaire de reconnaître dès le départ un élément qui sautera vite aux yeux du lecteur du présent rapport. Le Comité n’a pas été en mesure de prêter autant attention qu’il le prévoyait aux problèmes de toxicomanie lorsqu’il a entamé son étude de « la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie ». Le présent rapport se concentre donc principalement sur les problèmes de santé mentale.

Il existe évidemment de nombreux chevauchements entre les problèmes de santé mentale et de toxicomanie, le fait de connaître à la fois des troubles de santé mentale et des toxicomanies n’étant pas le moindre. Il est assez courant pour des gens de vivre avec les deux. Des recherches ont révélé que 30 p. cent des personnes chez lesquelles on a diagnostiqué une maladie mentale connaîtront également des problèmes de toxicomanie durant leur vie et que 37 p. cent des alcooliques (53 p. cent des personnes ayant une toxicomanie autre que l’alcoolisme) vivent également avec une maladie mentale[57]

La relation entre les services concernant la maladie mentale (comme le traitement de la dépression, des troubles anxieux et des troubles schizophréniques) et les services concernant la toxicomanie (incluant le traitement de consommation d’alcool problématique, les services de gestion du sevrage, le traitement d’entretien à la méthadone pour la toxicomanie opiacée et les programmes d’échange de seringues) a fait l’objet de maints débats et de maintes discussions au Canada. Au cours des décennies précédentes, les services concernant ces deux types de troubles étaient administrés séparément; ils ont développé des philosophies de traitement divergentes, utilisé une terminologie différente et constitué des « cultures » différentes qui entraient souvent en conflit.

Le « choc culturel » entre les services de santé mentale et ceux de toxicomanie a créé de graves problèmes pour les clients, en particulier pour ceux atteints de troubles concomitants. Parce que les approches en matière de traitement sont contradictoires, les clients ont souvent reçu des renseignements et des conseils déroutants et incohérents. Ils ont couramment été exclus des services concernant la santé mentale s’ils avouaient des problèmes de toxicomanie et des programmes de traitement de la toxicomanie, s’ils avouaient utiliser des médicaments antidépresseurs.

À cause de l’importance des problèmes de toxicomanie en général, et de ce chevauchement en particulier, le Comité a consacré un chapitre du présent rapport aux problèmes de toxicomanie et s’est efforcé d’aborder les sujets communs de préoccupation à divers points dans tout le rapport. En outre, au Chapitre 16 le Comité formule une importante recommandation : que le gouvernement fédéral injecte 50 millions de dollars de plus par année dans les programmes axés sur les troubles concomitants.

Malgré tout cela, le Comité est profondément conscient des limites du présent rapport en ce qui concerne les toxicomanies. Il ne fait qu’effleurer la surface de nombreux problèmes de toxicomanie qui méritent un examen plus approfondi. Dans de nombreux cas, le Comité a également été incapable d’examiner complètement les similitudes et les différences des approches dans les domaines de la santé mentale et de la toxicomanie. Il ne serait pas judicieux pour le Comité de supposer que les conclusions auxquelles il est arrivé après avoir examiné attentivement les témoignages portant sur la santé mentale s’appliquent forcément aux problèmes de toxicomanie. Certains peuvent s’appliquer, mais le Comité a essayé d’éviter toutes les hypothèses gratuites à cet égard.

3.1.2     Quelques questions de « langage »

Le langage utilisé pour parler d’un problème, et les modèles employés pour le comprendre, influe beaucoup sur la nature des politiques que l’on favorise ou que l’on avalise par la suite. Cette assertion ne semble plus vraie nulle part ailleurs que dans le domaine de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie.

Le présent rapport traite de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie. Par conséquent, de quelle façon devrait‑il désigner les personnes les plus directement touchées par les maladies mentales et les toxicomanies? Comme l’a fait remarquer le Comité dans son rapport intérimaire, il n’y a pas de choix unique et facile :

D’habitude, on appelle patients les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie qui sont soignées par des médecins. Les autres professionnels de la santé les appellent souvent clients ou bénéficiaires. Les personnes en cause emploient parfois d’autres termes, comme consommateurs ou réchappés. Les consommateurs sont habituellement les personnes ayant vécu directement d’importants problèmes de santé mentale. 

Dans ses premiers rapports, le Comité a choisi d’utiliser l’expression « personnes ayant une maladie mentale » comme référence la plus large. Il a également utilisé le terme « patient/client » lorsque c’était pertinent. Il est important de clarifier davantage l’utilisation de ces divers termes et expressions dans tout le présent rapport.

En plus des « personnes ayant une maladie mentale » comme expression générique, le Comité emploiera également la phrase « personnes ayant une expérience directe de la maladie mentale ». D’autres termes seront utilisés le cas échéant. Le terme « patient », par exemple, peut être utilisé lorsqu’on se réfère à des gens qui reçoivent vraiment un traitement médical. Toutefois, utilisé comme terme général, il transmet une impression qui est exagérément médicale; le Comité a maintes fois entendu, et dans des propos convaincants, que le traitement des maladies mentales implique plus que la médecine.

Un participant anonyme à la deuxième consultation électronique du Comité l’a exprimé de cette façon :

Lorsque Le Comité sénatorial formulera ses recommandations finales, j’espère que vous reconnaîtrez que les soins de santé mentale sont plus que des services psychiatriques et cliniques. Même si ces éléments sont extrêmement importants, ils ne peuvent être utiles que dans le cadre d’un système de soutien communautaire plus large qui aborde de façon adéquate les besoins des consommateurs de santé mentale.  —Anonyme

Pour sa part, Jocelyn Green, directrice des Stella Burry Community Services à St. John’s, a mis le doigt sur l’incidence potentiellement bénéfique d’une approche plus vaste :

Le système de santé mentale établi est encore trop hiérarchique et axé sur la pathologie. Oui, il est évident qu’il existe des maladies mentales graves qui nécessitent un traitement et une médication, mais je crois qu’on oublie souvent de prendre en compte les causes systémiques de nombreux problèmes de santé mentale, par exemple la pauvreté, la maltraitance, la discrimination, l’absence de services de garde pour les enfants et l’absence de logements abordables. Je pense que si l’on intervenait dans bon nombre de ces problèmes, il y a beaucoup de monde qui entre dans le système qui n’aurait pas besoin d’être là. —Jocelyn Green[58]

Le terme « consommateur » présente les mêmes difficultés. Le Comité l’utilisera pour désigner les gens qui utilisent les soutiens et les services de santé mentale disponibles. Toutefois, il ne sera pas utilisé pour désigner toutes les personnes ayant une maladie mentale. Une des raisons en est que la majorité des personnes ayant un trouble mental ou une toxicomanie, comme le révèle une enquête nationale effectuée récemment par Statistique Canada[59], n’ont pas accès à des services ou à des soutiens en santé mentale. Il est clair qu’il est inexact d’appeler tous les gens ayant une maladie mentale des « consommateurs »; la même restriction s’applique au terme « client ».

Le Comité est également sensible au fait que le terme «consommateur» a diverses significations et n’est pas aimé de bon nombre des personnes auxquelles il pourrait s’appliquer. Comme l’a écrit un répondant à la consultation électronique du Comité :

Je n’aime pas le mot « consommateur » — je le trouve stigmatisant. D’autres personnes ayant des maladies ne sont pas définies de cette façon. Cela donne l’impression que nous surutilisons les services à cause de notre maladie. Ce mot me fait penser à un incendie consumant ce qui l’alimente. Il a une connotation très négative et j’estime qu’il faudrait le supprimer. Parler des gens ayant une expérience personnelle de la maladie mentale est tout à fait approprié… tout comme parler des gens ayant une expérience personnelle du cancer ou de toute autre maladie connue.  —Anonyme

D’autres ont souligné les nombreuses nuances commerciales du terme. Pour toutes ces raisons, le Comité est d’avis que ce n’est pas le meilleur terme à utiliser pour désigner le plus largement possible toutes les personnes ayant des maladies mentales. Par conséquent, dans le présent rapport, le Comité utilisera le terme « consommateur » uniquement pour désigner les personnes qui utilisent en fait les soutiens et les services de santé mentale disponibles, ou lorsqu’on parle de groupes et de particuliers qui se désignent eux‑mêmes comme des consommateurs.

3.1.3     Les dimensions mentales et physiques de la maladie

Les personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie sont et continuent d’être stigmatisés et de subir de nombreuses formes de discrimination qui aggravent les effets de leurs maladies. Comme l’a mentionné précédemment le Comité, cette discrimination systématique explique que la maladie mentale, en général, n’est pas souvent traitée avec autant de sérieux que la maladie physique[60]. Il faut remédier à cette situation.

Le Comité sent qu’il existe, en fait, chez les Canadiens un large consensus en faveur d’un traitement équitable. La plupart de nos concitoyens seraient d’accord pour dire que le fait de voir la maladie mentale traitée avec le même sérieux que la maladie physique par les prestataires et autres intervenants fait partie de l’accès fondamental des gens ayant une maladie mentale aux mêmes droits et privilèges que tous les autres Canadiens. Atteindre un traitement équitable constituerait une étape importante dans la lutte contre le stigmate associé à la maladie mentale ou à la toxicomanie et contre la discrimination envers les gens qui en sont atteints.

Mais il est important de clarifier ce que signifie vraiment «traiter la maladie mentale comme la maladie physique». On est loin d’un accord universel sur la façon dont les facteurs mentaux et physiques influencent l’état de notre santé mentale. De fait, il existe de nombreuses interactions différentes des facteurs sociaux, environnementaux, psychologiques et biologiques dans le développement des troubles mentaux, même si la plupart des gens semblent s’entendre pour dire que les maladies mentales entraînent une certaine combinaison de ces facteurs.

Cependant, en mettant différemment l’accent sur le rôle de ces quatre facteurs on peut aboutir, et c’est le cas, à des approches très différentes de la politique sur la santé mentale. Par exemple, une personne qui croit que la clé de la «guérison» de la maladie mentale est une compréhension des fonctions sous‑jacentes du cerveau serait plus vraisemblablement encline à dépenser les maigres ressources de recherche sur la neurophysiologie plutôt que sur des études de l’incidence des déterminants sociaux de la santé mentale sur les individus.

De l’avis du Comité, il est primordial de reconnaître qu’en traitant la maladie mentale de façon comparable à la maladie physique, il n’est pas nécessaire de les traiter comme si elles étaient identiques. La maladie mentale et la maladie physique sont à la fois semblables et dissemblables. Il y a des similitudes importantes et des différences importantes, de nombreux points de chevauchement, mais également des caractéristiques uniques à chacune d’elles.

En particulier, le Comité est d’avis qu’il est essentiel de souligner l’importance de ce qu’on l’appelle les déterminants sociaux de la santé dans la compréhension de la maladie mentale et dans la promotion de son rétablissement. Les membres du Comité ont entendu à maintes reprises que des facteurs comme le revenu, l’accès à un logement et à un emploi adéquats et la participation à un réseau social de parents et d’amis jouent un rôle bien plus grand dans la promotion de la santé mentale et dans le rétablissement de la santé mentale que dans le cas de la maladie physique. En outre, il est important de constater que la causalité va dans les deux sens, du mental (psychologique, émotionnel, etc.) vers le physique (neurobiologique) et aussi du physique vers le mental.

Ce que le Comité veut donc dire en parlant de traiter la maladie mentale comme la maladie physique signifie idéalement que les deux types de maladies doivent être traités avec le même sérieux par les prestataires, par la population — et en particulier par les gouvernements. Les gens ayant une maladie mentale ou une toxicomanie doivent obtenir un respect et une considération égaux à ceux que l’on accorde aux gens affectés par des maladies physiques. Le Comité a cherché à en faire l’un des principes directeurs qui sous‑tendent l’ensemble de ce rapport.

3.2       RÉTABLISSEMENT

Le présent rapport insiste sur le fait de faciliter le rétablissement des gens ayant une maladie mentale ou une toxicomanie. Largement documentée dans le domaine des toxicomanies, l’idée du rétablissement n’a été appliquée à la maladie mentale que dans un passé relativement récent (les dix dernières années). L’objectif du rétablissement pour les personnes atteintes d’une maladie mentale a néanmoins bénéficié d’une acceptation considérable au cours de cette période.

Le Comité a fait remarquer précédemment que :

Le rétablissement n’est pas synonyme de guérison. Pour bien des gens, c’est une façon de mener une vie satisfaisante, prometteuse et productive, malgré les limites imposées par la maladie; pour d’autres, le rétablissement veut dire la réduction ou la rémission complète des symptômes de la maladie mentale[61].

Le Comité est d’avis qu’il faut placer le rétablissement au cœur de la réforme de la santé mentale. Des études ont démontré que même les personnes atteintes des maladies mentales les plus graves, qui ont reçu des soins institutionnels pendant des décennies, peuvent se rétablir et y parviennent[62]. Des études à long terme sur l’impact d’une maladie mentale grave ont démontré qu’un nombre important de personnes affectées peuvent récupérer leur fonctionnement total[63]. Des recherches effectuées par le National Empowerment Centre, reposant sur des entrevues approfondies avec des personnes diagnostiquées atteintes de schizophrénie, de troubles bipolaires ou de troubles schizoaffectifs, confirment la capacité de rétablissement[64].

Même si le terme rétablissement comporte aussi un certain nombre de désavantages, le Comité estime néanmoins que c’est le plus approprié pour toutes les raisons énoncées dans la présente section. Le Comité est conscient que toutes les personnes ayant une maladie mentale ne seront pas capables de se rétablir mais, comme on l’explique ci‑après, il estime que le rétablissement est l’objectif principal autour duquel il faudrait organiser le système de prestation de la santé mentale[65].

Les groupes de défense ont été les premiers à demander que l’on mette l’accent sur le rétablissement. À cet égard, un participant aux consultations électroniques du Comité a fait le commentaire suivant :

Chose surprenante, si l’on fait l’historique du traitement psychiatrique, le rétablissement peut être considéré comme un concept radical. La volonté de voir le potentiel humain des consommateurs et le désir que l’aide aboutisse au rétablissement ont été engendrés par le mouvement des consommateurs et des familles. —Anonyme

Kim Baldwin, directrice de la santé mentale et des toxicomanies pour la région de St. John’s, a également fait remarquer que :

Le terme « rétablissement » est un terme que l'on utilise dans le domaine des toxicomanies depuis longtemps. On commence à l'utiliser dans le domaine de la santé mentale aussi. On insiste sur le mieux-être, plutôt que sur la maladie[66].

De nombreux témoins ont parlé de l’importance de ce changement d’orientation, dont Jean‑Pierre Galipeault, propriétaire de The Empowerment Connection à Dartmouth, Nouvelle‑Écosse, qui a donné au Comité une idée des conséquences graves de l’adoption d’un cadre de rétablissement :

Il existe différentes définitions de la guérison. Mon entreprise, The Empowerment Connection, définit ce mot comme suit : « Lorsque le diagnostic psychiatrique ou le traumatisme affectif et psychologique d'une personne n'est plus le centre d'intérêt dans sa vie, mais devient simplement une partie de la personne ». Nous ne devons pas oublier que les gens sont confrontés à un défi de taille : se rétablir des effets de la stigmatisation extérieure et intériorisée, de l'incapacité apprise, de l'institutionnalisation, de la pauvreté, de l'itinérance et des blessures d'une âme brisée[67].

L’historique des personnes chez lesquelles une maladie mentale a été diagnostiquée sont extrêmement variées; un large éventail de traitements, de services et de soutiens peuvent contribuer au rétablissement. Pour la plupart des consommateurs de services de santé mentale, c’est leur médecin de famille qui est le premier, et souvent le seul, port d’escale[68]. L’accès à des psychiatres, des psychologues, des infirmières et d’autres professionnels de la santé peut également contribuer de façon inestimable au bien‑être des personnes ayant une maladie mentale. Par la même occasion, des témoins ont aussi fait état de la nécessité d’autres types de services et de soutiens, comme l’a fait remarquer Raymond Cheng (consommateur et pair-conseiller) :

… ce dont les gens ont besoin, c'est d'un endroit sécuritaire et confortable, ouvert aux heures qui leur conviennent, qui répondent à leurs besoins, et d'avoir un sentiment de communauté, de manger ensemble, de se parler, de rire ensemble et de s'entraider[69].

Le rétablissement est de plus en plus englobé dans le secteur plus vaste de la santé mentale[70], ainsi que dans les cercles gouvernementaux. Par exemple, comme l’a fait remarquer le Comité dans son examen des politiques et des programmes de santé mentale dans d’autres pays, la promotion du rétablissement comme objectif était au cœur d’un récent rapport national portant sur la santé mentale aux États-Unis[71]. Dans la pratique, l’un des attraits d’une orientation vers le rétablissement est que cela pourrait aider à créer un cadre au sein duquel on pourrait mesurer et évaluer utilement les services[72].

 

3.2.1     La nécessité d’un système axé sur le rétablissement

Deux modèles de rétablissement ont été élaborés : le modèle de réadaptation psychosociale et le modèle de prise en charge de soi. Le premier est né dans le milieu professionnel, tandis que le second provient largement du mouvement de défense des consommateurs. Même si les deux modèles présentent certaines similitudes, ils possèdent également des différences importantes. Souvent utilisés de façon interchangeable par les planificateurs, selon leur mode d’application, les différences philosophiques entre les modèles peuvent aboutir au développement d’approches différentes dans la prestation des services. Les deux modèles sont décrits plus en détail dans l’annexe au présent chapitre.

À partir de ces deux modèles[73], le Comité a conclu qu’une approche stratégique axée sur le concept de rétablissement doit reconnaître les éléments suivants :

§         la voie du rétablissement de chaque personne est unique;

§         le rétablissement est un processus, pas une fin en soi;

§         le rétablissement est un processus actif au cours duquel la personne assume la responsabilité du résultat, le succès dépendant principalement de la collaboration entre les amis désireux d’aider, la famille, la collectivité et les soutiens professionnels.

Le rétablissement parle d’espoir. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le rétablissement n’équivaut pas forcément à la guérison. Il peut signifier des choses différentes pour des gens différents. Au sens très large, il laisse sous‑entendre que l’objectif de la politique de santé mentale devrait viser à permettre aux gens de mener la vie la plus gratifiante, la plus prometteuse et la plus productive possible compte tenu des limites causées par leur maladie. Pour certaines personnes, le rétablissement équivaudra à la réduction ou à la rémission complète des symptômes de maladie mentale.

Dans le passé, une grande partie de la planification de la santé mentale n’a pas mis suffisamment l’accent sur les résultats obtenus par les gens utilisant les services fournis à l’intérieur du système de santé mentale. Le rétablissement offre un point de mire pour réorienter la conception et la prestation des programmes, des services et des soutiens de santé mentale. Élément important, il nous permet de définir le rôle du système, à savoir permettre aux personnes ayant une maladie mentale de tirer le meilleur parti des limites imposées par leur état.

Comme l’a dit au Comité Darrell Burnham, directeur administratif de la Coast Mental Health Foundation :

Le chemin du rétablissement n'est pas clairement tracé sur une carte. À nos yeux, c'est une approche qui doit être tout à fait centrée sur la personne; chaque personne emprunte son propre chemin pour se réinsérer dans la société. Le système doit favoriser et faciliter cela, plutôt que de mettre en place un programme spécifique qui peut préjuger de ce chemin[74.

 

 Travailler à l’élaboration d’un système axé sur le rétablissement est une entreprise complexe. Elle implique une action coordonnée de la part des gouvernements à tous les niveaux; or il y a, à chaque niveau, de multiples ministères, agences ou départements, chacun n’ayant généralement qu’une connaissance minimale des agissements des autres. Elle implique des dizaines de milliers de fournisseurs travaillant à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du système officiel de soins de santé mentale, certains rémunérés à l’intérieur du système public et d’autres pas, ainsi que des centaines de milliers de soignants non rémunérés, utilisant toutes les ressources qu’ils peuvent trouver pour aider leurs amis et leurs êtres chers, en offrant bénévolement de leur temps et de leur énergie lorsque cela est possible.

Il existe toujours le danger que l’idée de rétablissement soit acceptée pour la forme mais ne se traduise pas par une politique ni par des actes[75]. Dans les trois prochaines sections du présent chapitre, on suggère de jeter un pont entre la notion de rétablissement et les propositions spécifiques de réforme contenues dans les autres chapitres du présent rapport. De l’avis du Comité, un système axé sur le rétablissement doit reposer sur trois piliers :

§         le choix : avoir accès à un large éventail de services et de soutiens financés par l’État qui offrent aux personnes atteintes d’une maladie mentale la possibilité de choisir ceux qui leur seront les plus bénéfiques;

§         la collectivité : offrir ces services et ces soutiens là où les gens vivent et les adapter à la population locale;

§         l’intégration : intégrer tous les types de services et de soutiens, quels que soient l’ordre de gouvernement, qu’ils soient publics ou privés et fournis par des professionnels ou non.

3.3       LE CHOIX

En général, l’éventail des choix mis à la disposition des consommateurs de services de santé mentale a été extrêmement limité. Le système a manqué à la fois des ressources et de la souplesse nécessaires pour offrir des services personnalisés qui mobilisent les personnes pour leur propre rétablissement, qu’elles recherchent un traitement dans un service de soins actifs pour patients hospitalisés ou qu’elles vivent dans leurs collectivités.

C’est ainsi que l’explique Darrell Downton, co‑président du Comité consultatif sur la santé mentale et les toxicomanies, région sanitaire de Five Hills, en Saskatchewan :

Le peu de possibilités offertes aux personnes souffrant de maladies mentales et de toxicomanies leur confirme qu'elles ne peuvent recevoir les soins et l'aide qu'elles méritent. Leur guérison est limitée aux choix qui existent[76].

Pour ce qui est de favoriser le rétablissement, le choix est à la fois un moyen d’atteindre une fin — un service plus réceptif — et une fin en soi, parce que le fait de pouvoir faire des choix est une manifestation des droits et des responsabilités des adultes, et des citoyens de plein droit. La disponibilité et l’exercice du choix peuvent en soi contribuer au processus de rétablissement.

Le Comité est d’avis que ce sont les personnes atteintes d’une maladie mentale elles‑mêmes qui devraient être, dans toute la mesure du possible, les arbitres ultimes des services rendus, disponibles dans le système global de santé mentale, et des façons dont ils sont dispensés. Dans ce sens, il est légitime d’encourager une approche axée sur les consommateurs ou le choix des consommateurs.

C’est la meilleure façon à la fois d’encourager l’élaboration et la mise en oeuvre desolutions pratiques aux problèmes rencontrés par les personnes atteintes d’une maladie mentale ou d’une toxicomanie et de promouvoir le bien‑être mental de l’ensemble de la population. Aucun organisme individuel, et encore moins gouvernemental, ne devrait avoir l’arrogance de croire qu’il peut prescrire un modèle de traitement universel pour toutes les personnes atteintes de maladies mentales ou de toxicomanies.

En outre, aucun modèle unique de traitement ne devrait être autorisé à dominer, que ce soit sur le plan théorique ou pratique. Beaucoup trouveront des traitements ou des soins efficaces dans le cadre d’un modèle purement «médical», tandis que d’autres se tourneront vers leur collectivité particulière ou leurs traditions culturelles pour trouver des moyens d’atteindre la meilleure santé mentale possible.

En outre, à cause de la complexité des maladies mentales et de leur lien intime avec les circonstances et l’environnement uniques de chaque individu, bon nombre de gens constateront qu’ils devront s’appuyer sur des traitements, des soutiens et des façons de soigner qui combinent des éléments tirés d’approches multiples.

Accorder aux gens un éventail de choix qui peuvent reposer sur une variété de traditions n’est pas simplement l’expression d’une préférence philosophique — cela a d’importantes répercussions au niveau de la politique nationale. Il faut donc tenir compte du fait qu’un préjugé institutionnalisé est ancré dans le mode de financement des services de soins de santé au Canada : en vertu de la Loi canadienne sur la santé, seuls les services fournis par des médecins ou dans des hôpitaux doivent être financés par les deniers publics[77].

Alors que d’autres services peuvent être financés par des provinces ou même au niveau local, leur accès variera considérablement. Les ententes actuelles de financement signifient donc que de nombreux services nécessaires à des personnes atteintes d’une maladie mentale ou d’une toxicomanie ne sont qu’à la disposition de celles qui peuvent les payer de leur poche ou qui ont des régimes d’assurance privés qui les couvrent.

Les services fournis par les psychologues sont un exemple que le Comité a entendu à maintes reprises. Comme l’a déclaré un répondant à la consultation électronique :

Le modèle biomédical n’aborde pas les problèmes sous‑jacents comme la maltraitance. Je pense que l’origine de ma maladie découle d’actes incestueux commis pendant mon enfance. Les sévices sexuels durant l’enfance ont des conséquences dévastatrices dans la vie d’une personne. Un pourcentage élevé de personnes diagnostiquées avec un trouble de la personnalité limite ont subi des sévices sexuels. Je ne peux pas me permettre de payer un psychologue à 150 $ de l’heure pour me traiter. La chose la plus importante dont j’ai besoin, c’est d’une thérapie
—Anonyme

Un autre répondant a abondé dans le même sens :

Depuis la «révolution» du traitement pharmacologique des troubles psychiatriques, les psychiatres ont abandonné graduellement le rôle de psychothérapeutes. La psychothérapie n’est couverte par mon régime provincial d’assurance‑santé que si elle est fournie par un psychiatre (à titre de médecin). J’ai pris beaucoup plus de médicaments que j’aurais voulu à un coût exorbitant pour ma santé et pour mon régime provincial d’assurance‑santé, alors j’aurais pu en prendre beaucoup moins et avoir un rétablissement beaucoup plus rapide si j’avais pu me permettre de la psychothérapie. Si le régime provincial avait payé pour ma psychothérapie, je crois qu’il aurait économisé de l’argent et que ma santé mentale et physique globale en serait devenue meilleure. —Anonyme

Fournir aux gens atteints d’une maladie mentale l’accès à un éventail complet de services et de soutiens, en plus de ceux fournis par les médecins et les hôpitaux, et leur permettre de choisir librement ceux qu’ils préfèrent exige de mettre à leur disposition une gamme adéquate de services et que les gens aient les moyens de les payer.

Le Comité est conscient qu’il ne sera pas facile de créer les conditions propices à un environnement permettant aux personnes atteintes d’une maladie mentale de choisir les services qui leur sont les plus bénéfiques. Il y aura toujours des décisions difficiles à prendre en matière de politique au sujet de la meilleure utilisation possible des ressources publiques. En outre, personne ne peut escompter que toutes les options seront toujours disponibles gratuitement pour quiconque les souhaite.

D’une part, cela signifie que les décisions de politique concernant les services et les soutiens qui devraient être largement disponibles et accessibles aux personnes qui les choisiraient doivent être prises en fonction des meilleures preuves disponibles quant à leur efficacité. Étant donné les dimensions multiples que revêtent les questions de santé mentale (sociales, environnementales, médicales, biologiques), il faut appliquer un pluralisme méthodologique à la sélection et à l’évaluation de la preuve de l’efficacité elle‑même. Pour pondérer une telle preuve, il faut tenir compte à la fois des conclusions pertinentes dérivées des sciences médicales, des sciences sociales et des personnes ayant acquis une expérience directe de la maladie mentale.

D’autre part, la nécessité de fixer collectivement les priorités concernant les dépenses publiques révèle une autre dimension de la promotion du choix. Les consommateurs de soutiens et de services de santé mentale doivent pouvoir participer activement au processus collectif de prise des décisions. Il faut que leur voix collective soit entendue lors de la formulation des politiques, tout comme ils devraient être autorisés à faire des choix individuels à propos des services et des soutiens qui leur conviennent.

3.4       LA COLLECTIVITÉ

 Une orientation visant à fournir un accès à des soutiens et des services communautaires est le deuxième pilier nécessaire pour appuyer la création d’un système axé sur le rétablissement. Les preuves sont claires que le virage amorcé il y a des années en vue de s’éloigner des modèles institutionnalisés de soins était constructif, même si les ressources qui lui ont été affectées n’ont pas toujours été suffisantes dans la pratique.

 

De nombreux témoins ont souligné l’importance de cette orientation reposant sur des services communautaires :

Dans tous les ouvrages spécialisés que j'ai lus au sujet du rétablissement, toutes les personnes qui se dévoilent à ce sujet précisent que les liens avec un groupe d'abstinents sont cruciaux à la réadaptation en cours. Sinon, ces personnes risquent inévitablement de faire une rechute et de se retrouver de nouveau dans un état qui les empêche de bien fonctionner.  —Patricia Commins[78]

D’autres ont souligné la gamme de ressources nécessaires dans la collectivité pour soutenir et maintenir le processus de rétablissement. Geoff Chaulk, directeur exécutif de l’Association canadienne pour la santé mentale, division de Terre‑Neuve et du Labrador, a déclaré au Comité :

Les modèles fondés sur les ressources communautaires qui sont axés sur les besoins du patient comportent les éléments essentiels à l'intégration communautaire et au rétablissement de la santé mentale, dont un logement et un revenu adéquats, du travail, des rapports sociaux et des services et des mécanismes de soutien dans le domaine de la santé mentale[79].

Puisque les problèmes de santé mentale et de toxicomanie recoupent tant de facettes de la vie communautaire, il faudra bien davantage que des soins de santé et d’autres services sociaux financés par l’État pour y répondre convenablement. Le large éventail d’actions communautaires est très utile aux personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie; sans lui, les services financés par le Trésor public se retrouveraient face à un défi écrasant. En outre, en faisant de la collectivité le centre de la prestation des services, les gens peuvent demeurer proches de leurs réseaux personnels de soutien.

Mais le Dr Paul Garfinkel, directeur général du Centre de toxicomanie et de santé mentale, a fait la mise en garde suivante :

… les soins de santé communautaires sont coûteux et exigent des ressources spécialisées ainsi qu'un personnel qualifié capable de dispenser les soins et le traitement. Nous avons un programme de traitement des troubles psychotiques qui nous permet de procurer des soins à une centaine de personnes affligées de schizophrénie. Notre équipe fait des visites à domicile à Toronto, ce qui permet à ces gens de rester chez eux sans problème. C'est un programme de traitement excellent qui compte une centaine de patients qui, autrement, auraient été hospitalisés. Mais c'est un programme coûteux. Il faut un médecin, une infirmière, un travailleur social, toute une équipe.[80]

L’importance d’un ancrage des soutiens et des services de santé mentale dans la collectivité vaut pour toutes les personnes atteintes de toutes les sortes de maladies mentales, depuis les plus légères jusqu’aux plus graves. Mais les mécanismes assurant la meilleure prestation des soutiens et des services nécessaires varieront selon la gravité de la maladie ainsi que les capacités individuelles à s’adapter aux limites découlant des maladies.

Pour les personnes souffrant d’une maladie mentale grave, il existe des preuves probantes qu’elles peuvent non seulement vivre dans la collectivité mais également mener une vie enrichissante et productive si les soutiens appropriés sont en place.

Un rapport publié récemment par la Community Mental Health Evaluation Initiative in Ontario a conclu, par exemple, que des programmes comme la gestion intensive des cas ou le suivi intensif dans le milieu, qui sont conçus pour aider les personnes atteintes d’une maladie mentale grave à rester dans la collectivité, « aidaient les clients à réduire leur dépendance vis‑à‑vis des soins institutionnels et à améliorer leur qualité de vie »[81].

Le même rapport faisait mention de données tirées d’une étude effectuée à Ottawa qui révèle que :

… en moyenne, fournir des services communautaires à une personne atteinte d’une maladie mentale coûte environ 68 $ par jour. Toutefois, traiter la même personne à l’hôpital coûterait 481 $ par jour[82].

Évidemment, les services hospitaliers constitueront toujours un volet essentiel de l’éventail de soins. Néanmoins, une autre étude, en provenance de la région des Cantons de l’Est au Québec, a révélé qu’en fournissant des installations communautaires appropriées, il était possible pour une région de près de 300 000 personnes de répondre aux besoins à long terme des personnes atteintes d’une maladie mentale grave dans une région qui n’a jamais eu d’établissement psychiatrique spécialisé.[83]

Une préférence pour les traitements dans la collectivité aura une signification différente pour les personnes atteintes de troubles de santé mentale légers à modérés. Pour la plupart d’entre elles, le contact avec le système de santé mentale se fera par le biais d’un dispensateur de soins primaires (en groupe ou individuellement), qui pourra ou non les mettre par la suite en relation avec un service quelconque de santé mentale spécialisé.

Des données épidémiologiques révèlent que, chaque année, près de 3 p. cent des citoyens connaîtront une grave maladie mentale et qu’environ 17 p. cent d’autres seront atteints d’une maladie légère à modérée. Il faut donc que tout l’éventail des services soit disponible pour répondre aux besoins des deux grandes catégories de personne. La Figure 1 [voir p. 21] fournit une représentation graphique d’un système qui place les individus dans son centre ainsi que des types de traitements, de soutiens et de services qui doivent être en place pour répondre aux besoins de toutes les personnes atteintes de troubles mentaux.

L’équilibre le plus approprié entre les divers éléments variera d’une collectivité à l’autre et évoluera vraisemblablement à mesure qu’on en saura davantage sur les genres d’intervention qui facilitent vraiment le rétablissement chez les personnes atteintes de toute la gamme des maladies mentales. Cependant, le point de départ pour réfléchir sur la façon d’améliorer le système de santé mentale devrait être les principaux genres de traitements, de soutiens et de services de santé mentale qui sont dispensés à l’heure actuelle. C’est ce qu’illustre laFigure 1.


Figure 1

Source: Adaptation du document du ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick intitulé, Centres de santé mentale communautaires : Programmes et services, p. 3, trouvé à l’adresse : http://www.gnb.ca/0055/cmhcs-f.asp

Genres de traitements, de soutien et de services en santé mental
 


La personne est située à l'intérieur d'un ensemble complexe de déterminants sociaux de la santé


3.5       INTÉGRATION

La séparation entre les services et les soutiens qui sont dispensés par le biais du système de soins de santé et ceux qui relèvent largement d’autres sphères de responsabilité, comme l’illustre la Figure 1, montre bien que de nombreux obstacles institutionnels et structurels entravent une prestation « continue » des soutiens et des services de santé mentale.

 

 

D’une part, au sein même du secteur de la santé, les services de santé mentale doivent être intégrés avec les services de soins de santé physique. Il faut trouver des façons d’améliorer le diagnostic et le traitement de nombreuses maladies au niveau des soins primaires, ainsi que des façons d’intégrer de meilleurs soins spécialisés aux services de soins primaires.

 

 

D’autre part, la panoplie de traitements et de services de santé mentale financés par les ministères de la Santé doit également être intégrée à l’éventail plus large des services, nécessaires aux personnes atteintes d’une maladie mentale, qui incombent aux divers ministères et organismes gouvernementaux responsables du soutien du revenu, du logement, de l’emploi, etc. En outre, il est essentiel que les services et les soutiens aux personnes atteintes à la fois de maladie mentale ou de toxicomanie soient mieux intégrés.

Enfin, l’intégration exige également que les services et les soutiens soient mis à la disposition des intéressés durant toute leur vie et que, à mesure que leurs besoins changent par suite du vieillissement ou des circonstances, ils soient encore accessibles de manière « continue ».

Il faut relever de nombreux défis pour intégrer les services et les soutiens, ce qui, selon de nombreux témoins, est indispensable pour améliorer l’accès aux services requis et pour ériger un système qui encourage le rétablissement. En premier lieu, il faut reconnaître que l’intégration peut se dérouler de nombreuses façons et qu’il est donc important d’adapter les stratégies pour réaliser l’intégration selon des modalités appropriées à la situation particulière de chaque collectivité.

À cet égard, un rapport préparé par des chercheurs au Centre de toxicomanie et de santé mentale, intitulé Strategies for Mental Health Integration, souligne les nombreuses dimensions du problème d’intégration des services de santé mentale. Il cite des recherches insistant sur la nécessité de faire la distinction entre trois domaines — la gouvernance, l’administration et la prestation des services.

La gouvernance désigne la partie du système ayant la responsabilité du rendement du système et l’autorité pour établir l’orientation stratégique et la politique et pour surveiller la gestion générale et l’utilisation des ressources. L’administration est le domaine qui soutient les opérations sur une base quotidienne et englobe l’infrastructure pour les finances, l’information, les ressources humaines, etc. Le service est la partie de l’organisme qui fournit des services et des soutiens directement aux consommateurs.

Le rapport fait remarquer que l’intensité de l’intégration peut varier (depuis des alliances souples jusqu’à des organisations fortement intégrées), tout comme le caractère officiel (allant d’ententes informelles ou verbales à des politiques, règles et modalités officielles)[84]. Les preuves résumées dans le rapport laissent entendre qu’il est difficile de tirer des conclusions définitives à propos de la façon idéale de réaliser l’intégration ou l’érection du système. Il ne semble pas que la meilleure façon de réaliser l’intégration soit d’en faire une mesure d’économie, ou que toutes les approches de l’intégration du système donnent le résultat escompté.

Néanmoins, on a dégagé un certain nombre d’avantages qui peuvent découler d’une plus grande intégration des services de santé mentale, en faisant remarquer que plusieurs études ont démontré les répercussions positives d’initiatives par le biais desquelles :[85]

§         un gestionnaire du système contrôle une enveloppe de financement commune;

§         des objectifs de rendement sont fixés et surveillés;

§         l’organisation des services dans le réseau est centralisée autour d’un organisme principal (mais pas forcément collectif);

§         le gestionnaire du système exerce un contrôle sur les services offerts aux patients hospitalisés et surveillent les entrées.

D’autres ont également fait des commentaires sur les défis fondamentaux que pose le changement des structures de gouvernance dans le secteur plus large des soins de santé. Par exemple, Mintzberg et Glouberman ont fait remarquer que :

Les activités cliniques ne peuvent pas être coordonnées par les interventions des gestionnaires — pas par des patrons ou des coordonnateurs de l’extérieur, pas par des systèmes administratifs, pas par des discussions sur la «qualité» déconnectées du mode de prestation, non pas par toute cette réorganisation constante… La gestion des opérations cliniques devra être effectuée par les personnes gérées, pas par les gestionnaires.[86]

En mars 2000, la Commission de restructuration des services de santé (CRSS) de l’Ontario, sous la présidence de Duncan Sinclair, a publié un rapport permettant de réfléchir sur son mandat et sur les tentatives de restructuration du système hospitalier en Ontario. La CRSS a fait les observations suivantes à propos du changement organisationnel et de la gouvernance :

§         «Il n’y a pas un système ou un modèle de régie «optimal», mais il faut trouver de meilleures façons pour promouvoir une plus grande intégration et une plus grande efficacité parmi les diverses composantes du système de santé. »

§         De nouveaux modèles de régie doivent émerger qui permettront aux organisations individuelles de démontrer les forces et leurs talents à déléguer leurs responsabilités collectives et à préserver et améliorer chaque organisation et institution.»[87]

Enfin, dans un document portant sur «la collaboration autorisée», Steve Lurie a examiné les implications, pour la réforme de la santé mentale, du fait «qu’il existe des preuves limitées que la réforme structurelle ou organisationnelle améliore les résultats cliniques».[88] Voici les leçons générales qu’il a tirées à propos des efforts d’intégration du système :

§         il n’y a pas de solution uniformisée;

§         il faut utiliser les meilleures pratiques et unifier les modèles de financement pour opérer le changement du système;

§         il faut prêter attention aux questions de culture d’entreprise et de ressources humaines quand on veut effectuer un changement structurel ou bâtir une alliance;

§         Rome ne s’est pas faite en un jour; le développement de relations de collaboration efficaces prend du temps;

§         il faut expérimenter, évaluer et apprendre par l’expérience.

Il est possible d’identifier de nombreux moyens potentiels d’améliorer l’intégration des soutiens et des services de santé mentale. En voici une liste partielle :

§         accroître l’utilisation d’équipes multidisciplinaires, de soins partagés et d’ententes de soins en collaboration;

§         élaborer des protocoles communs d’évaluation;

§         regrouper le financement;

§         mettre en place des registres des services disponibles;

§         établir un lien entre les systèmes de données et les dossiers électroniques de la santé;

§         créer des autorités en santé mentale ou s’engager dans la planification régionale;

§         élaborer des protocoles de services communs et des chemins d’accès aux soins.

Le Comité estime qu’il est important de permettre aux régions et aux collectivités de poursuivre des formes d’intégration qui conviennent à leurs situations particulières. Chaque collectivité et chaque région devrait choisir des stratégies qui tiennent compte de sa réceptivité au changement et des options disponibles pour améliorer l’accès aux services.

Par exemple, nous décrirons plus tard quelques‑uns des moyens qui ont permis d’intégrer avec succès les services de santé mentale à Brandon au Manitoba. Même si l’expérience de Brandon est exemplaire à maints égards, il est bien évident qu’il serait extrêmement difficile de la répéter avec précision dans d’autres collectivités du pays. Non seulement il a fallu 25 ans de dur labeur à un groupe dévoué de personnes de Brandon pour restructurer et coordonner leurs services de santé mentale communautaires, mais leur succès est également bâti sur une histoire très particulière de désinstitutionnalisation qui a fourni un contexte de changement absent dans bien d’autres collectivités. Néanmoins, on peut en apprendre beaucoup de cette expérience.

Même si l’approche de l’intégration doit reposer sur l’histoire et les circonstances particulières de chaque collectivité, il est encore capital que l’intégration soit reconnue comme une dimension primordiale de l’érection d’un système de santé mentale axé sur le rétablissement. À certains égards, l’intégration est un ingrédient indispensable pour offrir aux personnes atteintes d’une maladie mentale ou de toxicomanie un système de diffusion vraiment continu capable de satisfaire leurs besoins durant toute leur vie.

Même s’il n’y aura jamais de modèle unique pour accomplir tout cela, l’objectif du rétablissement est d’alimenter les efforts visant à réformer le système de santé mentale. L’intégration doit être considérée comme un moyen d’atteindre cet objectif et non pas comme une fin en soi — elle doit servir l’objectif d’améliorer l’éventail, l’abordabilité, la qualité et l’accessibilité des services, ce qui exige un dosage, une imputabilité et un engagement envers le changement.

3.6       TRANSFORMER LA VISION EN RÉALITÉ

Le reste du présent rapport décrira les changements nécessaires si l’on veut réaliser des progrès en vue de créer un système de santé mentale axé sur le rétablissement qui reposera sur les trois piliers solides que sont le choix, la collectivité et l’intégration. Il y aura de nombreux obstacles concrets à surmonter, dont bon nombre ont été documentés dans les documents d’information du Comité et récapitulés avec éloquence dans les témoignages des témoins et des participants aux consultations électroniques du Comité, qui ont été cités dans les deux premiers chapitres du présent rapport.

Parfois, la tâche peut être écrasante, en partie parce que la réalisation de progrès dans un secteur semble dépendre de la réalisation de progrès dans tous les secteurs. Le Comité pense vraiment qu’en dépit de l’ampleur du défi, il est possible d’avancer mais seulement si on élabore un plan stratégique et si on adopte une approche graduelle pour sa mise en œuvre. Nous reconnaissons qu’il est en fait impossible de transformer d’un seul coup tout le système de prestation de la santé mentale. Cependant, une réforme pragmatique permettant de réaliser de véritables améliorations dans la vie des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie est réalisable et doit se réaliser, et très rapidement.

Le Comité est profondément conscient que le présent rapport ne contiendra pas toutes les réponses aux nombreux défis auxquels sont confrontés des milliers de Canadiens préoccupés par la santé mentale et la toxicomanie. En lui‑même, un rapport parlementaire ne peut jamais garantir que des actions suivront ses recommandations. En outre, les efforts déployés pour mettre en œuvre un plan de réforme doivent s’échelonner sur une période de temps considérable.[89]

Néanmoins, durant ses audiences publiques, le Comité a été encouragé par le sentiment que le moment est peut‑être idéal pour progresser dans des secteurs clés. En outre, comme on pourra le constater, le Comité a travaillé très fort pour s’assurer de maintenir le vent de changement qui a soufflé de plus en plus fort durant les trois années au cours desquelles nous nous sommes penchés sur ce problème. À cet égard, l’une des recommandations formulées dans le présent rapport (voir le Chapitre 16) ressort comme un élément clé du processus visant à transformer le système de prestation de la santé mentale au Canada.

Le Comité est d’avis qu’il sera possible de garder un point de mire à l’échelle nationale sur les questions de santé mentale et de réunir tous les intervenants qui auront un rôle à jouer dans la transformation du système, uniquement si l’on crée, immédiatement après la publication de ce rapport, la Commission canadienne de la santé mentale qui est recommandée au Chapitre 16. À cet égard, la nouvelle Commission canadienne de la santé mentale constitue un mécanisme essentiel pour réaliser la vision énoncée dans le présent chapitre et pour mettre en œuvre les mesures de réforme décrites et recommandées dans le reste du présent rapport.

3.7       RÉSUMÉ DES PRINCIPES

Les principes énoncés dans le présent chapitre peuvent se résumer comme suit.

  1. Même si la maladie mentale et la maladie physique sont à la fois semblables et dissemblables, elles doivent être traitées avec le même sérieux et il faut accorder aux personnes atteintes de maladies mentales et physiques le même respect et la même considération.
  2. L’objectif central de la politique de la santé mentale vise à créer le meilleur contexte possible pour encourager le rétablissement; en insistant sur le rétablissement, on met l’accent sur le mieux‑être et non sur la maladie et on se fixe comme objectif d’aider les personnes atteintes de maladie mentale à confronter activement les limites imposées par leur situation et à mener une vie utile et productive.
  3. Promouvoir la santé mentale et le rétablissement de la maladie mentale exige des interventions qui se penchent sur les déterminants sociaux de la santé — en particulier ceux qui se rapportent au revenu, à un logement et à un emploi adéquats et à une participation aux réseaux sociaux.
  4. Une démarche reposant sur l’idée du rétablissement doit reconnaître que :

§         la voie du rétablissement est unique pour chaque personne;

§         le rétablissement est un processus, pas une fin en soi;

§         le rétablissement est un processus actif durant lequel la personne assume la responsabilité de son propre rétablissement et le succès dépend de la collaboration entre les amis disposés à aider, les parents, la collectivité et les soutiens professionnels.

  1. Mettre l’accent sur le rétablissement exigera de réorienter la conception et la prestation des programmes de santé mentale; un système axé sur le rétablissement doit reposer sur trois piliers :

§         le choix : l’accès à un large éventail de soutiens et de services financés par l’État qui offrent aux personnes atteintes de maladie mentale la possibilité de choisir ceux qui leur seront les plus bénéfiques;

§         la collectivité : rendre ces services et ces soutiens disponibles dans les collectivités où les gens vivent et les orienter vers l’appui aux personnes qui vivent dans la collectivité;

§         l’intégration : l’intégration de tous les genres de services et de soutiens à tous les ordres de gouvernement et au‑delà des séparations public/privé et professionnels/non professionnels.

  1. Les décisions stratégiques, d’après lesquelles les traitements, les services et les soutiens devraient obtenir des fonds publics, doivent reposer sur les meilleures preuves disponibles, notamment les découvertes médicales, les données et les analyses des sciences sociales et les témoignages de personnes ayant une expérience directe de maladie mentale

 

ANNEXE: MODÈLE DE RÉTABLISSEMENT

 

1)      Le modèle de réadaptation psychosociale

 

Le modèle de réadaptation le plus largement utilisé est le Modèle de réadaptation psychosociale (RPS) provenant de l’Université de Boston.

La RPS est un modèle professionnel qui a façonné l’élaboration de nombreux programmes et services communautaires.[90] Il repose sur l’idée que les personnes atteintes de maladie mentale peuvent se rétablir même si leur maladie n’est pas guérie. La RPS insiste sur l’amélioration de la capacité fonctionnelle et s’efforce d’examiner tous les éléments de la vie d’une personne, incluant les points forts, les ressources et les obstacles. L’approche de la RPS cherche à améliorer quatre domaines de la vie :

§         les habiletés pratiques des autosoins,

§         la gestion du foyer,

§         les relations et l’utilisation des ressources communautaires,

§         les loisirs, l’éducation et l’emploi. 

L’objectif est d’aider les gens à récupérer un fonctionnement social malgré leurs symptômes, leurs limites et leurs médicaments. Le spécialiste en RPS aide la personne à essayer d’atteindre des buts de la vie autosélectionnés et utiles et fournit les soutiens sociaux et thérapeutiques appropriés pour l’aider à y parvenir. On enseigne des habiletés spécifiques aux objectifs pour encourager l’autonomie, en s’appuyant sur les systèmes de soutien naturels sociaux et communautaires.

Dans le cadre de ce modèle, la maladie mentale est considérée comme une déficience permanente, de la même façon qu’une lésion médullaire engendre une paralysie permanente. On considère que les gens ont «le cerveau en panne» et qu’ils peuvent continuer à fonctionner dans la société avec des soutiens appropriés et adéquats. Cependant, leur déficience demeure permanente.[91]  

Les principes fondamentaux qui étayent la RPS peuvent être énoncés comme suit. La RPS :

  1. insiste sur la nécessité d’avoir des interventions individuelles sur mesure;
  2. exige que les capacités de la personne soient adaptées aux réalités environnementales ou que l’environnement soit modifié pour correspondre aux capacités de la personne;
  3. s’appuie sur les points forts de la personne;
  4. vise à rétablir l’espoir;
  5. souligne le potentiel professionnel de la personne;
  6. dépasse les activités professionnelles pour englober toute une gamme d’activités sociales et récréatives;
  7. implique activement les personnes dans leurs soins personnels;
  8. est un processus permanent qui doit se poursuivre au fil du temps.

 

La réadaptation psychosociale met l’accent sur une intervention précoce, le mieux‑être, l’indépendance, l’autodétermination et, élément très important, l’espoir. On se sert de la thérapie cognitive, ou du processus d’apprentissage d’un langage autopersuasif positif et autoaméliorant, pour aider les gens à mieux comprendre et à gérer les symptômes pénibles de la maladie. On constate que le soutien mutuel, grâce aux groupes d’entraide par les pairs, améliore l’autosuffisance et élargit les réseaux sociaux, bâtit l’autonomie de chaque personne et surmonte la dépendance à l’égard des professionnels.

La foi dans la capacité personnelle de croissance du client, l’établissement de partenariats utiles et de services continus s’appuyant sur les préférences et les besoins individuels sont les éléments fondamentaux du modèle psychosocial. Les clients reçoivent une évaluation permanente pour garantir des progrès continus.

Les stratégies englobent l’éducation face à la maladie, l’intervention de la famille, l’emploi assisté, le suivi intensif dans le milieu (TCA), le perfectionnement des compétences et la thérapie cognitivo‑comportementale.

La pratique de la réadaptation psychosociale est effectuée par des professionnels en exercice comme les psychiatres, les psychologues, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes et les infirmières, ayant tous les compétences et la formation nécessaires, ou par des personnes ayant reçu une formation spécifique en réadaptation psychosociale dans le cadre de programmes universitaires.

L’approche «axée sur la clientèle» utilisée par les spécialistes de la RPS a été parfois critiquée car elle «colonise» la vie des consommateurs parce que les professionnels sont engagés activement non seulement pendant les périodes de maladie mais également lorsque les gens sont en bonne santé. Il y a eu des cas où des professionnels ont réclamé la propriété et la responsabilité non seulement de la gestion de la maladie mais également des rôles social, récréatif et professionnel. Cela a déclenché la réaction de certains consommateurs qui ont déclaré que «Lorsque vous dites ‘axé sur la clientèle’, je me sens encadré».[92]  

Le Dr William Anthony, «fondateur» du mouvement de réadaptation psychosociale, insiste sur le fait que le rétablissement peut se dérouler sans intervention professionnelle. La tâche des professionnels consiste à faciliter ce processus naturel.[93] Il a nommé les années 90 la «décennie du rétablissement» à cause des gains obtenus pour aider les gens à s’adapter à la vie communautaire. Cependant, il avertit que les années 2000 doivent être «la décennie de la personne».

À son avis, la réadaptation doit être effectuée «avec» les clients et pas «pour» eux. Il estime que les gens peuvent faire des choix utiles et reconnaît qu’un hommage respectueux a été rendu au concept de l’autodétermination. Le fait de croire que les personnes atteintes de maladie mentale fixent des objectifs irréalistes et ne peuvent pas occuper des emplois exigeants a fait en sorte que des professionnels ont retiré des choix à des consommateurs «pour leur propre bien». Autrement dit, «si on permet aux gens de choisir, ils pourraient demander quelque chose qui exige de changer nos actions ou nos programmes».[94]

2)         Modèle de prise en charge de soi

 

Le milieu de la défense des consommateurs s’est fait le champion du modèle de prise en charge de soi comme moyen de promouvoir l’idée que les patients psychiatriques sont capables de travailler et de mener une vie indépendante et ne devraient pas être définis en fonction de leur «diagnostic». Les partisans du modèle de prise en charge de soi prétendent que la désignation de la maladie mentale comme un état permanent est l’un des facteurs qui contribuent à ostraciser les personnes atteintes de maladie mentale vis‑à‑vis de la société.[95]

Pour les défenseurs des droits des « consommateurs », le rétablissement a des implications politiques aussi bien que personnelles — c’est une philosophie dotée d’un ensemble de valeurs et de principes organisationnels qui peuvent orienter le développement de soutiens et de services ainsi que leur mode d’organisation et de prestation.

À cette condition, se rétablir consiste à récupérer sa vie, à obtenir une validation comme personne autonome et compétente. C’est souligner le fait que l’on est responsable de sa vie et que l’on jouit de la liberté de choix, ce qui comprend le droit de commettre des erreurs. En outre, c’est insister sur le fait que les professionnels ne peuvent pas façonner l’esprit du rétablissement.

Comme l’a mentionné au Comité un répondant aux consultations électroniques :

Le changement systémique ne viendra pas des professionnels qui expérimentent ces maladies à travers le prisme des universitaires, mais de l’expérience vécue par les consommateurs et les familles. Demandez à un professionnel ce qu’il faut et il vous répondra toujours davantage de services professionnels. Demandez à un consommateur et à un membre de sa famille et ils vous diront qu’ils souhaitent et espèrent un rétablissement. Faire partie de la collectivité, être un membre utile et apprécié de la société avec des amis et un foyer sécuritaire. Nul médicament ne contribuera à atteindre ces objectifs. Même si, pour bien des gens, les médicaments constituent un élément très important pour dégager la voie conduisant au mieux‑être. —Anonyme

Le rétablissement est compris comme une manifestation de la prise en charge de soi. Dans ce cadre, le rétablissement survient lorsqu’il y a un mélange de mécanismes de soutien pour rétablir la fonction sociale et des compétences suffisantes en matière d’autogestion pour prendre le contrôle des principales décisions affectant notre vie.[96]

Selon The Empowerment Connection :

Le rétablissement est l’expérience vécue par des personnes qui découvrent, acceptent et surmontent les défis d’une déficience, les effets d’un diagnostic psychiatrique ou un traumatisme émotionnel ou psychologique. C’est la découverte d’un nouveau sentiment de soi, d’espoir et de but bien précis à l’intérieur et au‑delà des limites de ces expériences. C’est la découverte de ses propres forces et d’un sentiment de puissance et de contrôle à l’intérieur de soi et dans le monde. Enfin, le rétablissement surgit lorsque le diagnostic psychiatrique ou le traumatisme émotionnel d’une personne n’est plus au coeur de la vie de cette personne, mais devient simplement une partie de son identité.

Ce n’est pas seulement de la maladie mentale et du traumatisme psychologique que les gens doivent se rétablir; ils ont également pour tâche de se rétablir des effets d’un stigmate intériorisé, d’une impuissance apprise, d’une institutionnalisation, de la pauvreté, de l’itinérance et des blessures d’un esprit brisé[97]

Le rétablissement par la prise en charge de soi est une approche axée sur les valeurs qui place les gens en premier et affirme que l’expérience de la maladie n’est pas permanente. Cela signifie que le rétablissement est non seulement possible, mais qu’il est attendu. Le rétablissement est considéré comme un processus interne continu qui installe la personne au centre de son propre rétablissement. Il n’est pas considéré comme un processus linéaire avec un point final ou une destination finale. Cette approche du rétablissement suppose également que les personnes sont des « experts » de leurs propres soins. La reprise des relations sociales est jugé cruciale pour le rétablissement, en particulier avec les pairs qui ont une compréhension viscérale de l’expérience de la maladie mentale[98].

Le rétablissement par la prise en charge de soi ne suggère pas que les services professionnels ne sont pas importants ni nécessaires. Cependant, de tels services ne sont pas destinés à «remettre en état» la personne, mais plutôt à la soutenir dans son mouvement vers une vie saine. Les personnes atteintes de maladie mentale sont considérées comme les agents du changement et les professionnels constituent une des ressources à consulter. Dans ce modèle, le traitement psychiatrique est considéré comme faisant partie des soins autogérés.

L’adoption d’une telle approche implique de s’éloigner de l’objectif voulant que le traitement stabilise la maladie par la réduction des symptômes. Au lieu de cela, l’objectif consiste à aider les gens à acquérir une plus grande indépendance et un meilleur contrôle de leur propre vie. La médication est utilisée comme un outil pour aider les gens à atteindre cet objectif — pas comme une solution à leurs problèmes. La consommation permanente de médicaments n’empêche pas le rétablissement. Elle est plutôt considérée comme un supplément utile pour aider les gens à prendre le contrôle lorsqu’ils sont effrayés ou désorientés.

À l’intérieur de ce modèle de rétablissement, on peut avoir accès aux soutiens et aux services sans exiger l’acceptation du processus de diagnostic (étiquetage). Les professionnels contribuent à favoriser le rétablissement en croyant en la capacité de leurs clients de guérir et en reconnaissant leur droit de prendre des décisions, même au risque d’échouer. Exiger le respect et l’observation de l’autorité professionnelle est considéré comme une interférence avec l’apprentissage de l’autodétermination. L’espoir est un ingrédient essentiel du rétablissement. Le rétablissement exige que chaque personne ait la chance d’aller mieux, à son propre rythme. L’approche du rétablissement demande aux gens ce qu’ils souhaitent et ce dont ils ont besoin pour grandir, et leur fournit les compétences et les soutiens pour y parvenir.[99]

Modifier la relation entre les personnes qui ont été étiquetées « malades mentales » et les autres peut également créer un terrain d’entente. Accepter la possibilité que quiconque d’entre nous peut subir une maladie mentale et que, comme le dit John Frank, médecin et directeur scientifique de l’Institut de la santé publique et des populations, nous « sommes tous à risque à des moments différents de notre vie »[100] contribue à supprimer le stigmate engendré par la distinction que nous avons faite entre « elles» et « nous ».

La voie de chaque personne vers le rétablissement est unique et ce qui favorise le rétablissement reflète les expériences et les préférences personnelles. Le rétablissement peut comporter des programmes en 12 étapes, le développement d’amitiés étroites, solidaires et mutuelles, un traitement intermittent ou permanent, la participation à des programmes de réadaptation sociale ou professionnelle, l’adhésion à des communautés spirituelles ou des réseaux de soutien dirigés par les consommateurs/réchappés et des groupes militants. Le pouvoir et la responsabilité doivent être partagés en engageant activement les consommateurs et les membres de la famille à titre de joueurs clés dans la planification de la santé mentale, la gouvernance organisationnelle, la conception du système, l’évaluation et la prestation des services.

Les systèmes axés sur le rétablissement reconnaissent que les concepts de rétablissement doivent être enseignés et doivent créer des débouchés éducationnels comme des ateliers et des conférences pour les responsables des politiques, les planificateurs, les professionnels, les consommateurs et les parents. Les consommateurs sont considérés comme des éducateurs du rétablissement. Un modèle de rétablissement garantirait qu’un pourcentage du financement est affecté à des initiatives et à des mécanismes de soutien dirigés par les consommateurs, comme des initiatives de soutien par les pairs, d’autoassistance et de développement économique, ainsi que des programmes de secours en cas de crise et de services de relève. Il suppose que l’on reconnaisse que, pour être couronné de succès, le renforcement de la capacité des organismes de consommateurs et de parents à participer de manière soutenue et utile exige un financement adéquat à long terme, une formation en gestion et un soutien organisationnel.


CHAPITRE 4:
QUESTIONS D’ORDRE JURIDIQUE

 

La responsabilisation exige que le système de santé mentale soit conforme à la loi. —Jennifer Chambers[101]

4.1        ACCÈS AUX RENSEIGNEMENTS PERSONNELS SUR LA SANTÉ

4.1.1     Toile de fond

La question du droit à la protection de la vie privée des personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie, et l’impact de ce droit sur les aidants membres de la famille, a été soulevée à maintes reprises par les témoins aux audiences publiques depuis que le Comité a entrepris ses travaux il y a plus de deux ans. Dans un précédent examen de cette difficile question, le Comité a fait remarquer ce qui suit :

Les inquiétudes relatives à l’observation stricte des règles en matière de protection des renseignements personnels et de confidentialité s’appliquent également aux familles des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie. Sans la permission du patient, que ce dernier peut être incapable d’accorder en cas de maladie mentale ou de toxicomanie, un médecin ne peut pas communiquer les renseignements personnels le concernant à ses parents, ses frères et sœurs ou ses enfants, qui doivent en prendre soin[102].

En ce qui concerne la protection des renseignements personnels et la confidentialité, le Comité est bien conscient que toute érosion des mesures de protection dans ces domaines peut avoir de graves conséquences sur la confiance que les patients placent dans ceux qui leur dispensent des soins. Toutefois, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les témoins nous ont déclaré que la stricte observance des règles relatives à la protection des renseignements personnels et à la confidentialité va parfois à l’encontre des intérêts des personnes dont la santé mentale est compromise. Il faut reconnaître les difficultés particulières que les témoins nous ont décrites lorsqu’on élabore, interprète et applique les règles en matière de protection des renseignements personnels et de confidentialité, afin que les prestataires de soins de santé et les aidants membres de la famille puissent donner aux patients l’appui dont ils ont parfois besoin[103].

Le Comité était tellement préoccupé après la première série d’audiences publiques que, dans son troisième rapport provisoire, il a posé une série de questions dans le but d’obtenir des commentaires additionnels de la part du public. Notamment, il a demandé ceci :

Existe-t-il des systèmes de santé mentale comportant des procédures et des formulaires de consentement meilleurs et plus clairs pour la divulgation d’informations aux familles?  Quels changements faudrait-il apporter aux règles pour faciliter la communication des renseignements concernant un malade à sa famille?  Faut-il normaliser et uniformiser davantage les usages quant à la communication de renseignements personnels sur des personnes atteintes de troubles mentaux ou de toxicomanie[104]?

Au cours des consultations publiques poussées qui ont suivi, de nombreux commentaires et débats ont porté sur ce sujet et le Comité a pris connaissance des réactions de personnes atteintes de maladie mentale et des membres de leur famille. Sans surprise, aucun consensus clair n’a émergé.

À titre d’illustration, voici ce que Ron Carten, coordonnateur du Réseau pour la santé mentale de Vancouver-Richmond, qui possède une expérience directe de la maladie mentale, a déclaré :

Au sujet des enfants, je ne crois pas que la confidentialité devrait aller jusqu’à exclure les parents. Les parents doivent savoir quelle est la situation de leurs enfants et ils ont le droit d’être informés sur leurs enfants.

Quant aux adultes, je pense qu’il faut traiter le patient en santé mentale, peu importe ses liens de parenté, comme une personne à part entière qui a ses droits et sa dignité et, par conséquent, en dépit de l’intérêt manifesté par des membres de la famille, le caractère confidentiel doit être maintenu[105].

Joan Nazif, du Comité consultatif des familles des Services de santé mentale de Vancouver, a émis l’opinion contraire :

Les familles sont grandement préoccupées par l'accès à l'information relative à un de leurs membres qui est atteint d'une maladie mentale. Les membres de la famille ne veulent pas connaître le contenu des conversations entre le thérapeute et son patient, en revanche, ils ont besoin de connaître le diagnostic, le plan de traitement, les questions liées à la sécurité, afin d'être en mesure d'offrir le meilleur soutien possible.

[…]

Maintenant, il y a des situations, j’en suis sûre, où les familles ne jouent pas un rôle thérapeutique pour l’individu. Nous sommes les membres d’une famille qui aime chacun de ses membres, et nous offrons notre appui à ma fille 24 heures par jour. Ce que je veux dire, c’est que je serai là pour elle tant que je vivrai[106].

Compte tenu de l’ensemble des témoignages et des opinions, le Comité n’est pas convaincu que la question de la confidentialité soit source de conflit uniquement entre les personnes atteintes de maladie mentale et les aidants membres de leur famille. En outre, le Comité ne croit pas que les mesures de protection du droit à la vie privée des personnes atteintes de maladie mentale actuellement prévues par la loi ne fonctionnent pas. Ceci ne veut pas dire qu’une réforme des lois régissant la protection de la vie privée n’est pas nécessaire mais plutôt que celle-ci ne devrait pas être considérée de façon isolée du débat plus général concernant la transformation du système de santé mentale en entier.

4.1.2     Trouver un moyen de progresser

Il incombe que les droits des personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie établis par la Charte, notamment le droit à l’égalité, soient respectés. Ces Canadiens malades sont des membres à part entière de la société. Les interrogations quant à leur capacité mentale ne peuvent servir de prétexte pour les priver, en tout ou en partie, de leurs libertés civiles ou des droits de la personne.

Ceci étant dit, le Comité n’est pas insensible à la situation des aidants membres de la famille. Bon nombre de ces personnes qui ont témoigné devant le Comité ont fait part de leur vif désir d’aider et de soutenir les proches au cours du processus de rétablissement. En fait, ce sont leurs arguments solides et éloquents qui ont fait en sorte que cette question soit continuellement demeurée à l’avant-scène de nos travaux.

4.1.2.1  Vie privée et âge requis pour consentir

Tout d’abord, en ce qui concerne le droit à la vie privée des enfants et des jeunes, les parents veulent être pleinement renseignés sur la santé de leurs enfants et ils ont besoin d’être informés. L’accès des aidants membres de la famille aux renseignements personnels sur la santé revêt de toute évidence une importance accrue lorsqu’il s’agit d’un enfant. Néanmoins, le Comité reconnaît que, avant d’atteindre l’âge de la majorité, certaines personnes peuvent être tout à fait capables de décider qui devrait avoir accès aux renseignements personnels sur leur santé et dans quelle mesure ces personnes devraient y avoir accès.

Étant donné le manque d’uniformité dans les aires de compétences au Canada relativement aux dispositions législatives sur la vie privée et compte tenu de la capacité variable des enfants et des jeunes à consentir à leur propre traitement, le Comité recommande ce qui suit :

 

 

1

Que les gouvernements des provinces et des territoires fixent un âge uniforme auquel les jeunes sont considérés comme étant capables de consentir à la collecte, à l’utilisation et à la divulgation des renseignements personnels sur leur santé.

 

4.1.2.2  Le rôle des professionnels de la santé

Certains témoins ont laissé entendre que les professionnels de la santé n’en faisaient pas assez pour s’assurer que les lois existantes régissant l’accès aux renseignements personnels sur la santé étaient appliquées uniformément et dans leur pleine mesure. Par exemple, Brenda McPherson, coordonnatrice provinciale, Psychiatric Patient Advocate Services, Nouveau‑Brunswick, a fait part de ce qui suit dans son témoignage :

Pour ce qui est du partage de l’information avec les parents, les professionnels de la santé doivent être mieux informés sur le rôle actif qu’ils doivent jouer dans l’obtention du consentement des patients. Il s’agit de demander au patient de signer un document dans lequel il donne à son médecin la permission de parler avec ses parents.

Je pense que nous avons tendance à trop dramatiser la question du consentement et qu’il faut cesser. Les professionnels de la santé doivent en comprendre l’importance. Il faut peut-être ouvrir la porte et nous demander comment nous devons informer les professionnels de la santé afin qu’ils comprennent et qu’ils soient plus conscients qu’il ne s’agit pas d’un manquement à l’éthique, que ça ne leur nuira pas en tant que professionnels mais que le défaut de le faire peut nuire à leurs clients.

[…] Il y a deux aspects à cela. D'abord, il faut que nos professionnels de la santé deviennent conscients de l'importance d'obtenir le consentement... Je ne crois pas qu'ils le demandent ni qu'ils envisagent de le faire. Je crois qu'ils s'en tiennent au statu quo : ils ne peuvent pas le faire, et s'en lavent les mains. […] Nous devons au contraire faire en sorte que les médecins s'intéressent à la question et acceptent d'aborder le problème avec le fils, la fille ou la mère du patient pour offrir leur aide. Il faut encourager les médecins à agir de la sorte, plutôt qu'ils s'avouent impuissants car liés par l'éthique[107].

Ses propos ont été repris par France Daigle, Programme de prévention du suicide, ministère de la Santé du Nouveau‑Brunswick, qui a déclaré ceci :

… la première chose que les gens disent, c'est toujours : « Je ne peux rien vous dire parce que c'est confidentiel ». Cependant, quand on est en présence d'une personne qui risque de se suicider, c'est bien beau de respecter la confidentialité, et nous le faisons, car nous avons un code d'éthique, mais qu'est-ce qui est le plus important? Il faut le faire savoir à la famille et aux autres membres de l'entourage.

Je trouve que, parfois, nous, dispensateurs de soins, membres de la famille ou professionnels, invoquons le prétexte de la confidentialité. Nous devons commencer à travailler ensemble[108].

Le Comité est d’avis que les professionnels de la santé ont un rôle important à jouer pour améliorer l’échange d’information entre les personnes souffrant de maladie mentale et les membres de leur famille. Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

 

 

2

Que les professionnels de la santé jouent un rôle actif dans la promotion des communications entre les personnes atteintes de maladie mentale et leur famille. Ceci consiste, entre autres, à demander aux personnes souffrant de maladie mentale si elles désirent partager les renseignements personnels sur leur santé avec leur famille, à leur remettre des exemplaires des formulaires de consentement requis et à les aider à les remplir.

 

Joan Nazif a proposé d’élargir encore davantage le rôle des professionnels de la santé. Elle a fait remarquer ceci :

À l’instar de nombreuses autres provinces, nous avons notre propre loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, la FOIPPA, mais contrairement à d’autres provinces, nous avons la chance que cette loi soit assortie de lignes directrices. Ces lignes directrices, rédigées par le ministère de la Santé de notre province, stipulent qu’un intervenant en matière de santé peut décider de communiquer de l’information à la famille ou à une autre tierce partie[109].

Le Comité est d’avis que, en cas de danger clair, sérieux et imminent, les professionnels de la santé pourraient être tenus en droit de prévenir les tiers et, ainsi, protéger le patient. Toutefois, le Comité n’est pas d’avis que les professionnels de la santé devraient assumer le rôle d’arbitres quasi-judiciaires entre les personnes atteintes de maladie mentale et les membres de leur famille ni de jouer le rôle de commissaire à la protection de la vie privée ou de juge  pour l’interprétation de la loi régissant le droit au respect de la vie privée. Par conséquent, le Comité recommande ceci :

 

 

3

Que les professionnels de la santé aient le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements personnels sur la santé, sans le consentement de l’intéressé, en cas de danger clair, sérieux et imminent afin de prévenir les tiers et de protéger le patient.

Que ce pouvoir discrétionnaire soit régi par une norme juridique clairement définie dans la loi et sujet à examen par les commissaires à  la protection de la vie privée et les tribunaux.

 

4.1.2.3  Subrogés et directives préalables

Le Comité était préoccupé du fait que de nombreuses familles semblaient ne pas savoir que, souvent, les lois provinciales anticipent l’incapacité des personnes atteintes de maladie mentale et contiennent des dispositions précises visant à leur faciliter la communication de renseignements personnels sur la santé. Par exemple, aux termes de la loi ontarienne, une personne mentalement capable peut désigner un subrogé et lui accorder le droit d’accès aux renseignements personnels sur sa santé, en tout en en partie. Les personnes ayant une expérience directe de la maladie mentale, comme Ron Carten, ont laissé entendre que cette façon de faire pourrait être une solution de remplacement à la diminution des mesures de protection de la vie privée :

Eh bien, vous mettez en doute que la personne diagnostiquée d’une maladie mentale puisse prendre une décision. Il existe par exemple des directives préalables. La Representation Agreement Act de Colombie-Britannique prévoit cette possibilité, mais exclut explicitement les malades mentaux. Si ce droit était accordé aux gens qui ont une maladie mentale, ceux-ci pourraient nommer quelqu’un à l’avance qui serait chargé de prendre des décisions en leur nom quand ils n’en sont plus capables[110].

La formulation de directives préalables et la nomination de subrogés s’inscrivent dans un processus relativement simple. Si ces mesures étaient largement utilisées, elles permettraient de donner accès aux renseignements personnels sur la santé à la famille tant en préservant l’autonomie et la dignité des personnes atteintes de maladie mentale. Pour cette raison, le Comité recommande ceci :

 

 

4

Que les gouvernements des provinces et des territoires donnent le pouvoir aux personnes capables mentalement, par le truchement de la loi, de désigner un subrogé et de donner des directives préalables concernant l’accès aux renseignements personnels sur leur santé.

Que les dispositions de toute loi provinciale ayant pour effet d’interdire de donner des directives préalables concernant les décisions sur les soins de santé mentale soient abrogées.

Que les gouvernements des provinces et des territoires offrent des formulaires et des trousses d’information expliquant la marche à suivre pour désigner un subrogé et donner des directives préalables.

Que les gouvernements des provinces et des territoires offrent des services juridiques communautaires pour aider les personnes à désigner un subrogé et à donner des directives préalables.

Que les gouvernements des provinces et des territoires réalisent des campagnes d’information publique pour informer les personnes atteintes de maladie mentale, et leur famille, concernant le droit de désigner un subrogé et de donner des directives préalables.

 

4.1.2.4  Combler les lacunes

Le Comité est conscient qu’il n’y aura pas de planification préliminaire dans tous les cas. Certaines personnes ne pourront peut‑être pas prévoir qu’elles tomberont malades et, par conséquent, nommer un subrogé ou donner des directives préalables. Après tout, il n’est pas rare que des personnes, notamment les jeunes, meurent sans avoir pensé à la planification de leur succession et surtout sans un testament valide.

Dans de tels cas, il est important qu’il existe un mécanisme légal pour combler les lacunes. Il est raisonnable de supposer que les personnes atteintes de maladie mentale voudraient et souhaiteraient que leur conjoint, leurs enfants, leurs parents ou d’autres membres de la famille prennent soin d’elles de la même manière qu’ils le feraient en cas de maladie physique imprévue. Il est aussi raisonnable de prévoir que les aidants membres de la famille devraient avoir accès à certains renseignements personnels sur la santé pertinents afin de mieux soigner le proche malade. Par conséquent, voici ce que le Comité recommande :

 

 

5

Que, lorsqu’une personne reçoit un diagnostic de maladie mentale et est de ce fait considérée comme mentalement incapable, lorsqu’il n’y a pas d’antécédent de maladie mentale ni incapacité mentale, et lorsque aucun subrogé n’a été désigné et qu’aucune directive préalable n’a été donnée, la loi établisse une présomption en faveur de la communication des renseignements personnels sur la santé aux aidants membres de la famille du malade.

Que les gouvernements des provinces et des territoires adoptent des lois uniformes établissant cette présomption.

Que la loi précise un « ordre de préséance » pour les parents (c’est‑à‑dire, si la personne est mariée ou vit en union de fait, les renseignements sont communiqués à son conjoint ou à son conjoint de fait et, en l’absence d’un conjoint ou d’un conjoint de fait, à ses enfants, etc.).

Que la loi précise les renseignements à communiquer, y compris le diagnostic, le pronostic, le plan d’intervention (y compris les options de traitement, le traitement prescrit et la gestion des effets secondaires), le niveau d’observation du régime de traitement et les questions de sécurité (par ex. risque de suicide).

Que la loi interdise expressément la communication des documents de counselling.

Que la loi oblige la personne qui communique les renseignements personnels sur la santé à informer la personne mentalement incapable, par écrit, de l’information qui a été communiquée et des personnes auxquelles cette information a été transmise.

 

Le Comité est conscient que cette solution n’est pas idéale et qu’il est peu probable que les familles qui prennent soin d’une personne atteinte de maladie mentale seront pleinement satisfaites. Cependant, il n’entre pas dans nos fonctions d’obliger les personnes atteintes de maladie mentale à prendre des décisions, quelles qu’elles soient.

Le mieux que nous puissions espérer, c’est d’offrir aux Canadiens et à leur famille la possibilité de planifier au cas où ils seraient frappés d’incapacité à l’avenir et, à défaut de quoi, leur offrir une deuxième possibilité. Si, toutefois, après avoir recouvré sa capacité mentale, une personne décide de ne pas partager les renseignements personnels sur sa santé pertinents avec ses proches à partir de ce moment, le Comité comprend que la décision revient à la personne concernée.

4.2       CHARTE DES DROITS DU PATIENT

4.2.1     Toile de fond

Le Comité a examiné en long et en large les mesures nécessaires pour assurer que les patients reçoivent les soins et le soutien dont ils ont besoin. Dans un précédent rapport intitulé La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, le Comité a avancé l’idée de recourir à une charte des droits du patient « comme moyen de faire respecter des délais d’attente maximums[111] ». Cette option a finalement été rejetée en faveur d’autres approches moins légalistes, mais l’idée n’a pas disparu pour autant.

Au cours des audiences publiques qui ont précédé la publication des rapports provisoires du Comité sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie, un certain nombre de témoins ont soulevé dans ce nouveau contexte l’adoption possible d’une charte du patient. Le Comité a également noté la vision solide élaborée par le Groupe d’étude sur la mise en oeuvre de la réforme du système de santé mentale du district de Champlain en Ontario. Ainsi, ce groupe a préconisé une charte qui :

…ne se limiterait pas aux services de santé mentale, puisqu’elle engloberait également un vaste éventail de moyens de soutien sociaux. Voici, plus précisément, ce sur quoi elle porterait :

·         services de santé mentale sûrs, garantis, fondés sur l’expérience clinique, opportuns, culturellement adaptés et pertinents aux besoins du patient;

·         services et moyens de soutien incitant les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie à se prendre en main et qui soient fondés sur les principes du rétablissement, de l’effort autonome ainsi que de la vie et du fonctionnement en autonomie;

·         traitement respectueux des lois existantes (Loi sur la santé mentale, Charte canadienne des droits et libertés, etc.);

·         respect de la vie privée et des choix informés[112]


4.2.2    Consultation des intéressés

Compte tenu de l’intérêt suscité par une charte des droits des patients des services en santé mentale, le Comité a choisi d’examiner cette question plus à fond. Au cours de la deuxième consultation en ligne du Comité, les Canadiens ont été invités à se prononcer sur une « charte des droits des usagers-usagères » établie par la loi et à faire connaître leur opinion sur son contenu.

Les Canadiens ont dit appuyer l’adoption d’une charte des droits des patients établie par la loi mais cette idée suscitait un appui un peu moindre chez les membres de la famille et les fournisseurs de services que chez les personnes atteintes de maladie mentale[113]. De plus, l’inclusion de certains éléments a recueilli l’appui des répondants, par exemple :

  1. le droit à des services en santé mentale et en toxicomanie d’une qualité au moins égale à celle des autres services de santé offerts à tous les Canadiennes et Canadiens,
  2. le droit à un accès opportun à des services de santé mentale et de toxicomanie,
  3. le droit à des services de santé mentale et de toxicomanie offerts dans la langue choisie par l’usager-usagère et prenant en compte la dimension culturelle,
  4. le droit à une gamme adaptée de services médicaux et de services non médicaux en santé mentale et toxicomanie,
  5. une protection contre l’expression publique de propos discriminatoires ou de points de vue qui constituent des préjugés à l’endroit des personnes atteintes de troubles mentaux ou de toxicomanie[114].

Les résultats de la deuxième consultation en ligne ont été favorables mais la charte des patients proposée a quand même donné lieu à des critiques. Par exemple, deux participants anonymes ont écrit ceci :

Juste ce dont nous avons besoin ... une autre charte ... un bout de papier qui sera vraiment utile! NON! Au lieu d’enrichir davantage les avocats et d’accroître la popularité des groupes d’activistes spécialisés qui intentent des poursuites pour leur propre plaisir, le gouvernement devrait peut-être envisager de financer suffisamment ces services. Voilà qui serait une idée nouvelle!  —Anonyme

Le gouvernement fédéral ferait bien d’assurer l’application de l’actuelle Charte des droits et libertés plutôt que d’élaborer une autre charte pour des populations données. —Anonyme


4.2.3    Obstacles

Le Comité prend note de l’appui démontré à l’endroit d’une charte des patients dans la deuxième consultation en ligne mais il est également conscient des obstacles posés à l’application de celle‑ci. Ces difficultés entrent dans deux grandes catégories.

4.2.3.1  Obstacles théoriques

Le Comité n’est pas à l’aise avec l’idée d’un régime juridique distinct pour les personnes atteintes de maladie mentale. À notre avis, si l’on enchâsse les droits d’un segment donné de la population dans un instrument juridique distinct, le groupe en question risque davantage d’être aliéné et stigmatisé. Ceci est particulièrement vrai si la charte des patients proposée lie les obligations ou les « responsabilités » aux droits qu’elle cherche à protéger.

La Charter of Adult and Family Rights and Responsibilities[115] (charte des droits et des responsabilités des adultes et de la famille) permet de démontrer ce point. Cette charte consacre une section en entier à la « responsabilité » de maintenir une bonne hygiène personnelle. Elle se lit comme suit :

8.  Hygiène

 

§         Portez une attention spéciale à votre hygiène. Une mauvaise hygiène est offensante pour autrui.

§         Lavez-vous, brossez-vous les dents et lavez‑vous les cheveux régulièrement.

§         Si cela vous pose des difficultés, demandez de l’aide. Peut‑être voudrez‑vous en faire l’un de vos objectifs[116].

Le Comité ne désire pas critiquer exagérément les efforts d’un groupe de citoyens soucieux mais il met en doute l’utilité d’une charte des patients qui établirait un lien entre la violation de droits constitutionnels, par exemple la protection de toute détention arbitraire, et le défaut de ne pas agir de façon « responsable » (par ex. le fait de ne pas se laver les cheveux).

De même, le Comité est préoccupé par le fait qu’une charte des patients pourrait avoir comme conséquence involontaire la dilution, plutôt que l’augmentation, des mécanismes d’application existants. Si un droit légal était inclus dans une charte des patients, il pourrait arriver que l’on achemine des plaintes vers d’autres organismes qui rendront une décision plutôt que de recourir à des mécanismes d’application quasi judiciaires ou judiciaires assujettis à des critères juridiques uniformes.

La Charte des droits des clients[117] du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM) à Toronto est utilisée ici à des fins d’illustration. Ce document, à ne pas confondre avec la charte des droits et des responsabilités des adultes et de la famille, est un instrument exhaustif basé sur les droits qui, à notre avis, peut atteindre les objectifs prévus, à savoir promouvoir « … la dignité et la valeur de toutes les personnes qui se prévalent des services offerts par le Centre de toxicomanie et de santé mentale[118] ». La difficulté, toutefois, tient au fait qu’elle s’immisce dans le domaine des droits légaux antérieurs.

Aux termes du paragraphe 6(4) de la Charte des droits des clients, « chaque client a le droit de consulter son dossier clinique sans difficulté excessive[119] ». La raison pour laquelle cette disposition est incluse dans la charte n’est pas claire parce que, en Ontario, la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé établit : 

…un processus structuré qui permet aux particuliers d’accéder aux renseignements personnels sur leur santé et de les rectifier, dans des délais précis, et leur confère le droit de porter plainte si leur demande d’accès ou de rectification a été refusée[120].

Le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée/Ontario, qui dispose de vastes pouvoirs pour l’application de la Loi, statue sur les plaintes. De plus, la Loi prévoit des amendes pouvant atteindre 250 000 $ susceptibles d’être imposées aux organisations qui commettent une infraction prévue par celle‑ci. Le chevauchement inutile intrigue le Comité.

Le Comité croit fermement que tous les Canadiens devraient bénéficier de la même protection et des mêmes avantages en vertu de la loi, y compris le fait que leurs droits sont énoncés et appliqués de manière uniforme. Par conséquent, la mesure que nous préférons consiste à faciliter l’accès aux renseignements personnels sur la santé conformément aux procédures et aux critères énoncés dans les lois sur la protection de la vie privée existantes. C’est la raison pour laquelle la proposition voulant que les personnes atteintes de maladie mentale utilisent d’autres mécanismes de plainte nous rend mal à l’aise.

Le Comité reconnaît que la Charte des droits des clients n’empêche pas les clients du CTSM de se prévaloir des mécanismes d’application dont fait état la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé. Cependant, nous sommes préoccupés par le fait que les personnes qui choisissent cette voie seront considérées comme « difficiles » ou « chicanières ». De plus, nous nous demandons si des mécanismes de plainte internes, notamment en l’absence d’un règlement par une tierce partie et de sanctions clairement définies, donneront des résultats équivalents pour les plaignants.

4.2.3.2Obstacles pratiques

Il a été proposé un certain nombre de solutions pour mettre en place une charte des droits des patients concernant les services en santé mentale, notamment de créer une loi canadienne sur la santé mentale, de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne et d’élaborer une loi distincte qui serait adoptée et par le Parlement et par les législatures provinciales et territoriales.

4.2.3.3Loi canadienne sur la santé mentale

Une solution consisterait à mettre en place une Loi fédérale sur la santé mentale qui établirait les droits des personnes qui vivent avec la maladie mentale, en ce qui concerne les services en santé mentale. Cette solution pose toutefois un certain nombre de difficultés.

Le principal obstacle a trait à la division des pouvoirs dans la constitution canadienne. À quelques exceptions près, les provinces détiennent généralement la compétence en matière de santé, y compris sur les hôpitaux, la prestation directe de la plupart des services médicaux, la formation des médecins et d’autres fonctions connexes[121]. Les services en santé mentale relèvent principalement de la compétence des provinces.

En vertu du Transfert canadien en matière de santé (TCMS), le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral est utilisé pour influer sur le système canadien d’assurance-maladie[122]. Ce même pouvoir est également utilisé pour fixer des normes nationales par le truchement de la Loi canadienne sur la santé, dont la raison d’être est « d'établir les conditions d'octroi et de versement d'une pleine contribution pécuniaire pour les services de santé assurés et les services complémentaires de santé fournis en vertu de la loi d'une province »[123]. La Loi canadienne sur la santé permet que la compensation pécuniaire à transférer en vertu du TCMS soit réduite dans deux cas; premièrement, lorsqu’une province autorise la surfacturation[124] ou l’imposition de frais modérateurs[125]; deuxièmement, si le régime d’assurance-santé ne répond pas aux critères d’octroi quant à la gestion publique, l’intégralité, l’universalité et la transférabilité.

Parallèlement, il importe de souligner que la Loi canadienne sur la santé ne vise pas les services prodigués dans un hôpital ou un établissement principalement destiné à des personnes souffrant de maladies mentales. Cette réalité a été soulignée par le docteur Sunil Patel, lorsqu’il s’est présenté devant le Comité à titre de président de l’Association médicale canadienne. Il a fait valoir que la Loi canadienne sur la santé devrait être modifiée de manière à inclure de tels services psychiatriques[126].

Or le Comité estime qu’une telle modification serait surtout symbolique, pour deux raisons : premièrement, la plupart des établissements psychiatriques autonomes ont été fermés afin que les services en santé mentale soient offerts dans les hôpitaux où sont déjà fournis les services en santé physique; deuxièmement, les régimes provinciaux d’assurance-maladie couvrent peu ou pas du tout bon nombre des services essentiels aux personnes qui vivent avec la maladie mentale (p. ex., les services psychologiques ou les pharmacothérapies). Par conséquent, le Comité n’appuie pas une telle modification à la Loi canadienne sur la santé.

Il pourrait néanmoins être possible d’élaborer une Loi canadienne sur la santé mentale inspirée de la Loi canadienne sur la santé, c’est-à-dire de lier les transferts fédéraux à la conformité des gouvernements provinciaux ou territoriaux à certains principes guidant la prestation de services en santé mentale. Il est toutefois difficile d’imaginer la manière dont pourrait être contrôlée l’observance d’une telle loi, entre autres parce que les transferts aux provinces ne sont pas divisés en deux catégories : santé physique et santé mentale.

Également, il a été formulé à l’endroit de la Loi canadienne sur la santé un certain nombre de critiques qui illustrent quelques-unes des difficultés qui découleraient probablement d’une Loi canadienne sur la santé mentale. En 2002, la Vérificatrice générale a souligné que Santé Canada ne disposait toujours pas d’informations suffisantes pour déterminer la mesure dans laquelle les provinces et les territoires se conformaient aux critères et aux conditions de la Loi canadienne sur la santé[127]. La Vérificatrice générale se disait également troublée indisposée par les délais de résolution des cas de non-respect :

Santé Canada a tenté d'adopter une approche de non-ingérence pour administrer la Loi. Cette approche n'a toutefois pas permis de résoudre rapidement les problèmes liés au non-respect et à l'interprétation de la Loi. La majorité des cas de non-conformité relevés par Santé Canada au cours des dix dernières années sont demeurés en suspens pendant cinq ans ou plus[128].

De plus, il importe de reconnaître que les sanctions prises en vertu de la Loi canadienne sur la santé ont trait aux frais modérateurs et à la surfacturation et que la déduction pour non-conformité aux critères ou aux conditions de la Loi n’a jamais été utilisée. Étant donné que les questions touchant aux services en santé mentale tomberaient probablement  sous le coup des grands critères de l’intégralité et de l’universalité en vigueur sous le régime de la Loi canadienne sur la santé, l’expérience passée nous laisse supposer que l’on ne ferait pas davantage respecter une loi inspirée de la Loi canadienne sur la santé.

Les difficultés et les préoccupations évoquées ci-dessus laissent supposer qu’il serait malavisé de s’inspirer de la Loi canadienne sur la santé pour établir une Charte des droits des patients.

4.2.3.4Modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne

Une autre solution pour mettre en œuvre une Charte des droits des patients consisterait à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne, dont l’objet est énoncé à l’article 2 :

La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée[129].

Voici des actes discriminatoires en vertu de la Loi :

§         le fait, pour un fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public d’en priver un individu sur un motif de distinction illicite (art. 5);

§         le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu en raison d’un motif de distinction illicite (art. 7);

§         le fait de publier ou d’exposer en public des affiches, des écriteaux, des insignes, des emblèmes, des symboles ou autres représentations qui expriment ou suggèrent des actes discriminatoires ou en encouragent ou visent à en encourager l’accomplissement (art. 12);

§         le fait de communiquer des messages de haine (art. 13).

La Loi canadienne sur les droits de la personne s’applique uniquement aux domaines de compétence fédérale. Par conséquent, elle ne serait pas le bon instrument pour exiger des modifications aux lois provinciales en santé mentale ou pour améliorer les services aux personnes atteintes de maladie mentale. La Loi s’applique toutefois aux services en santé aux Premières nations et aux Inuits, aux anciens combattants et aux délinquants sous responsabilité fédérale, des populations qui reçoivent certains services de santé du gouvernement fédéral.

Hormis l’obligation faite aux fournisseurs de services sous compétence fédérale d’éviter toute discrimination dans la prestation de leurs services, aucune disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne précise la manière dont des services donnés doivent être fournis. L’on pourrait modifier la loi afin d’y incorporer des références à la prestation de services. Cependant, une telle modification aurait une application limitée, étant donné qu’elle s’appliquerait uniquement à des populations particulières et dans des circonstances précises.

 

4.2.3.5    Créer une loi distincte qu’adopteraient le Parlement et les législatures provinciales et territoriales

Étant donné que les gouvernements provinciaux sont compétents en matière de santé (à l’exception des lois qui déclarent le droit à des services en santé mentale et d’autres groupes de populations dont le gouvernement fédéral est responsable), une loi adoptée par le Parlement se limiterait vraisemblablement à des transferts pécuniaires aux provinces, à la condition que celles-ci respectent certains critères, à la manière connue de la Loi canadienne sur la santé.

Le gouvernement fédéral pourrait cependant inviter les provinces et les territoires à participer à un processus d’examen des lois existantes en matière de santé mentale. Cet examen aurait pour but d’élaborer une loi-cadre établissant des droits précis à des services en santé mentale qui pourrait être adoptée par les gouvernements provinciaux et territoriaux et par le gouvernement fédéral, pour les populations dont il est responsable. Un tel examen fédéral-provincial-territorial des mesures législatives pourrait s’inscrire dans la Conférence annuelle des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé.

On pourrait également proposer que la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada élabore une loi-type établissant les droits uniformes des consommateurs d’obtenir des services en santé mentale. En 1987, la Conférence a appuyé une Loi uniforme sur la santé mentale, élaborée afin que des lois provinciales n’enfreignent pas la Charte canadienne des droits et libertés.

La Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada possède une section pénale et une section civile; elle a été chargée d’harmoniser les lois des provinces et des territoires et, le cas échéant, celles du gouvernement fédéral aussi. La section civile réunit des avocats et des analystes s'occupant des politiques gouvernementales, des avocats du secteur privé ainsi que des personnes chargées de la réforme du droit. Elle examine les domaines dans lesquels il serait avantageux d'harmoniser les lois provinciales et territoriales[130]. Après avoir fait l’examen d’un domaine et rédigé un projet de loi, la section civile l’adopte et recommande son édiction par toutes les autorités compétentes du Canada.[131]

Comme nous l’avons vu plus haut, il est pratiquement certain que les provinces et les territoires réfuteraient une loi fédérale établissant les droits des personnes atteintes de maladie mentale à des services en santé mentale. Comme nous l’avons vu lors de l’analyse de la Loi canadienne sur la santé, la solution consistant à faire des paiements de transfert moyennant le respect de certains critères relatifs aux services en santé mentale pose des difficultés. L’élaboration d’une loi-type harmonisée qui pourrait être adoptée par les provinces et les territoires semblerait être la solution la plus susceptible de conduire à la création d’une charte des droits des personnes atteintes de maladie mentale. Or, vu les arguments avancés par le Comité contre la mise en place d’un régime distinct pour la santé mentale, cela n’est pas une piste qu’il recommanderait de suivre.

4.3       LES DISPOSITIONS DU CODE CRIMINEL RELATIVES AUX TROUBLES MENTAUX

4.3.1     Toile de fond

La partie XX.1 du Code criminel établit un régime exhaustif indépendant pour les personnes accusées qui sont jugées inaptes à subir leur procès ou qui bénéficient d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Bien que cela ne fut pas son intention, le Comité s’est vu attiré dans le débat récent sur ce régime. Étant donné que ce régime a fait l’objet récemment d’un examen et d’une modification par le Parlement, nos commentaires se limiteront aux questions qui n’ont pas été résolues par l’adoption du projet de loi C-10[132].

4.3.2    Pouvoir des Commissions d’examen de rendre une ordonnance d’évaluation

Les commissions d’examen ont deux fonctions principales. Premièrement, lorsqu’une personne accusée est jugée par un tribunal inapte à subir son procès :

… il peut au départ ordonner uniquement la détention dans un hôpital ou la libération conditionnelle, mais non la libération inconditionnelle. À chaque audience de révision de la décision, la commission d’examen doit décider si l’accusé est devenu apte à subir son procès, auquel cas elle doit le renvoyer devant le tribunal. Si le tribunal conclut que l’accusé est devenu apte à subir son procès, ce dernier peut alors avoir lieu. Si l’on conclut que l’accusé est toujours inapte, celui-ci demeure assujetti à d’autres audiences de la commission d’examen[133].

Une commission d’examen peut également recommander qu’une cour tienne une enquête lorsqu’une personne ne pose pas de risque significatif pour le public et a peu de chance de jamais être apte à subir un procès. Une telle enquête peut aboutir à un sursis de procédures.

Deuxièmement, lorsqu’un tribunal rend un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux,

… il peut rendre une des trois décisions suivantes : la libération inconditionnelle, la libération avec conditions (autorisation de vivre dans la collectivité, à certaines conditions) ou la détention dans un hôpital (avec ou sans conditions). Le tribunal peut aussi, et le trait très souvent, laisser à la commission d’examen du gouvernement provincial ou territorial concerné le soin de décider. Toute décision autre que la libération inconditionnelle doit être révisée chaque année par la commission d’examen jusqu’à ce que celle-ci décide que l’accusé ne présente pas un risque important pour la sécurité du public et lui accorde alors sa libération inconditionnelle[134].

Dans tous les cas, la loi exige que la commission d’examen impose la décision la moins restrictive. Cependant, le Comité a été sensibilisé au fait que l’information requise par les membres de la commission pour rendre une décision éclairée n’est pas toujours disponible. Le juge Schneider, président suppléant de la Commission d'examen de l'Ontario et de la Commission d’examen du Nunavut, a déclaré ce qui suit lors de son témoignage :

… parce que les tribunaux prennent rarement une décision initiale quand on conclut que la personne est inapte à subir son procès ou qu'elle n'est pas criminellement responsable, et qu’ils s'en remettent alors à la Commission... Laisser la Commission d’examen sans le pouvoir, dans l'esprit de Winko, d’ordonner une évaluation serait tout à fait contraire au raisonnement de la Cour suprême. 

Il me semble évident que le texte a été rédigé par quelqu'un qui ne comprenait pas comment fonctionne le système. Il y a souvent un rapport qui a été produit dans les 12 derniers mois. La question est savoir s’il porte bien sur les questions au sujet desquelles nous serons appelés à prendre une décision.

[…] Le rapport joint à la mise en accusation porte normalement sur l’aptitude à subir le procès ou sur la responsabilité criminelle, pas sur le choix de la solution la moins onéreuse et la moins restrictive, ce qui est précisément ce que doit décider la Commission[135].

Le projet de loi C-10 ayant été adopté, les commissions d’examen peuvent maintenant ordonner des évaluations quand un rapport d’évaluation n’est pas disponible ou qu’aucune évaluation n’a été réalisée au cours des 12 derniers mois[136]. Toutefois, comme le souligne le juge Schneider :

En ce qui concerne les inaptes, le fait que quelqu'un les ait examinés et ait donné un avis au cours des 12 derniers mois sur leur inaptitude n’est pas pertinent parce que l’inaptitude est une chose qui fluctue avec l'état clinique du patient. Elle peut changer de jour en jour, d’heure en heure. Donc, limiter le pouvoir de la Commission d’ordonner une évaluation comme on le fait dans le projet de loi est inutilement restrictif.

Je pense qu'il aurait suffi de modifier légèrement le texte de l'article 672.11 en ajoutant « ou commission d’examen » après le mot « cour ». C'était la solution la plus simple[137].

Les tribunaux ont le pouvoir d’ordonner une évaluation à n’importe quelle étape des procédures à l’endroit de l’accusé. Le Comité est convaincu par les arguments présentés de la nécessité d’accroître les pouvoirs des commissions d’examen et recommande par conséquent :

 

 

6

Que le Code criminel soit modifié de manière à conférer aux commissions d’examen les pouvoirs dont disposent déjà les tribunaux pour ce qui est d’ordonner une évaluation de la santé mentale.

 

4.3.3    Pouvoir de la Commission d’examen d’ordonner un traitement

Les commissions d’examen n’ont pas le pouvoir d’ordonner qu’une personne accusée atteinte de troubles mentaux suive un traitement. Les tribunaux, en revanche, sont habilités à le faire par le Code criminel, dans des circonstances très limitées. Dans son témoignage devant le Comité, le juge Schneider a fait valoir ce qui suit.

Le plus gros problème du projet de loi, à part la possibilité d’ordonner des évaluations, concerne la possibilité pour la Commission de traiter l’accusé comme une personne inapte. Nous faisons cela de manière très agressive à la Cour de la santé mentale parce que nous avons des praticiens qui connaissent très bien la législation et qui savent comment l'appliquer mais, si vous sortez de ce petit domaine, vous constaterez que les ordonnances de traitement ne proviennent généralement pas du tribunal, ce qui signifie que l’accusé est jugé inapte par la Commission d’examen provinciale ou territoriale et qu’il reste sous sa juridiction jusqu’à ce qu'il devienne apte à subir son procès.

Si la Commission n'a pas la possibilité d’ordonner un traitement, comme le tribunal peut le faire en vertu de l'article 672.58, cela signifie que la province ou le territoire où réside l'accusé dépend de la législation civile locale pour pouvoir le faire traiter. Donc, vous avez une personne inapte qui restera dans le système 3, 4 ou 5 fois plus longtemps que si la Commission avait le pouvoir d'ordonner qu'elle soit traitée pendant une période pouvant atteindre 60 jours comme les tribunaux peuvent le faire en vertu de .58.

Si la Commission — qui, comme vous le savez, est composée d'experts — avait les mêmes pouvoirs que les tribunaux en vertu de .58, vous constateriez que les personnes inaptes resteraient beaucoup moins longtemps dans le système. Nous recommandons vigoureusement cette solution mais elle a à peine été prise en considération[138].

La question du traitement involontaire est très controversée. Le Comité a entendu le témoignage de nombreuses personnes atteintes de maladie mentale qui s’opposent vigoureusement à l’intervention psychiatrique forcée. Leur message était clair : le traitement imposé porte grandement atteinte à l’autonomie et à la dignité des personnes touchées :

En plus des infractions de nature criminelle dont ils sont victimes, les patients du système de santé mentale sont aussi privés de leurs droits fondamentaux, de façon plus constante. Nous avons droit à une certaine protection devant la loi; ce droit est constamment violé.

Parlons par exemple du consentement éclairé. Étude après étude, les chercheurs montrent que peu d’utilisateurs sont renseignés sur les effets indésirables des médicaments psychotropes qu’on leur prescrit. Le droit correspondant au traitement le moins restrictif possible est fréquemment violé. Le droit de refuser un traitement correspond maintenant à un exercice d’évaluation de la compétence d’un patient du système de santé mentale qui ose refuser le traitement qu’on lui offre. — Jennifer Chambers[139]


Si les traitements psychiatriques étaient efficaces et parvenaient à soulager la souffrance, notre système de santé ne serait pas dans la situation de crise qu'on lui connaît actuellement. Les gens adoreraient leurs médecins. Nous en sommes venus à imposer les traitements psychiatriques parce que les patients, trop souvent, ne se sentent pas mieux, ou parce qu'ils en viennent à détester les médicaments et leurs terribles effets secondaires.

... Il suffit d'un seul traitement imposé qui ne donne aucun résultat pour perdre la confiance d'une patiente, pour ancrer à jamais ses craintes, amplifiées. C'est une question cruciale pour la grande majorité des patients et des anciens patients que j'ai interrogés. Beaucoup ont été terrifiés par le système de santé. —Rob Wipond [140]


On m'a offert le choix d'une électroconvulsothérapie en échange d'une libération précoce pour me forcer à signer le formulaire de consentement. À mes yeux, ce n'est pas un consentement, c'est de la coercition. Beaucoup d'aspects sont « volontaires », mais il arrive souvent que nous donnions notre consentement de façon involontaire. C'est comme si on m'avait mis un fusil sur la tempe pour me faire signer une cession de biens. On ne pourrait pas dire que j'ai donné mon consentement — c'est pourtant ce que font les médecins avec les patients.

[…]

Un psychiatre m'a déjà appelée chez moi pour me dire que je devais suivre ses indications, c'est-à-dire ajouter une pilule à mon cocktail médicamenteux déjà bien garni — je prenais quatre médicaments différents à fortes doses. Il m'a dit que si je refusais de me conformer, il m'enverrait la police, qui me traînerait à l'hôpital menottes aux poignets. C'est exactement ce qu'il m'a dit. Je me portais tout à fait bien à ce moment. — Francesca Allan[141]


J'aimerais maintenant citer le directeur de l'Organisation mondiale de la santé qui a officiellement déclaré que le monde est au bord d'une crise en matière de droits de la personne et de santé mentale; il a notamment fait l'observation suivante, qui est très révélatrice :

Il y a violation des droits de la personne non seulement quand on refuse l'accès au traitement; de plus, et souvent, le traitement en soi constitue une violation des droits de la personne...

J'aimerais que vous y réfléchissiez. Tout cela pour dire que nous avons tendance à nous précipiter vers les solutions les plus coûteuses plutôt que d'écouter les intéressés nous dire ce dont ils ont besoin. Cela ne devrait pas être compliqué, mais, pour une raison quelconque, nous compliquons les choses. — Eugene LeBlanc[142]


…vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela m'a horrifié — à la lecture de l'exposé de la société de schizophrénie, qu'il est recommandé de retirer aux patients de psychiatrie légiste le droit de refuser un traitement en vertu du Code criminel. — Randy Pritchard[143]

À la lumière de ces témoignages et d’autres communications, le Comité a des réserves au sujet du traitement involontaire, malgré que cela peut être nécessaire dans de rares cas. Nous reconnaissons que le fait de forcer des personnes à se soumettre à une intervention psychiatrique en l’absence de leur consentement ou du consentement des personnes habilitées à prendre des décisions à leur place a des conséquences réelles et profondes sur leur autonomie et leur dignité. De plus, une telle intervention pourrait enfreindre leurs droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

Cela dit, les pouvoirs conférés aux tribunaux par le Code criminel permettent le traitement involontaire dans des circonstances très limitées. Un tribunal peut rendre une décision de traitement à la demande d’un procureur dans le seul but de rendre une personne atteinte de troubles mentaux apte à subir son procès. Des preuves médicales doivent être produites, la décision est limitée à 60 jours et elle ne peut prescrire ni la psychochirurgie ni l’électroconvulsothérapie. De plus, l’accusé a le droit de contester la décision concernant le traitement.

Nous prenons acte des objections à l’intervention psychiatrique forcée, présentées au Comité par des personnes atteintes de maladies mentales et nous les respectons. Cependant, nous reconnaissons également qu’il importe et qu’il est urgent de réduire la période pendant laquelle des personnes jugées inaptes à subir leur procès demeurent dans le système. La décision suivante n’a pas été prise à la légère ni avec facilité. Cependant, la nature particulière de la décision concernant un traitement, combinée à la brève limite de temps, à l’interdiction de certains thérapies très invasives et aux garanties intégrées aux procédures donnent au Comité les assurances voulues. Par conséquent, nous recommandons :

 

 

7

Que le Code criminel soit modifié de manière à conférer aux commissions d’examen les pouvoirs dont disposent déjà les tribunaux pour ce qui est d’ordonner un traitement.

 

4.3.4    Aptitude à recevoir une sentence

Actuellement, il existe une faille dans la loi en ce qui concerne l’aptitude à subir son procès. Cette faille se manifeste lorsqu’une personne devient inapte après qu’un verdict est rendu. Autrement dit, cette personne n’est pas « inapte à subir son procès » mais bien « inapte à recevoir une sentence ». Le juge Schneider explique la situation en ces termes :

L'autre problème majeur du projet de loi C-10, je crois, est que l'on pas modifié la définition de l'inaptitude à subir le procès de façon à y inclure la période allant jusqu'à la fin du processus sentenciel. Je pense que l'on a conservé la définition qui dit que c'est jusqu'à la fin du verdict, ce qui laisse un vide juridique dans les cas où l'accusé devient inapte après le verdict mais avant la sentence.

Dans l'arrêt Balliram de la Cour supérieur de l'Ontario, le juge McWatt a interprété l'article 2 en élargissant la définition de l'inaptitude à subir le procès. Nous avions espéré que le législateur s'en inspire mais il ne l'a pas fait[144].

Ces préoccupations sont reprises par le juge Carruthers, président de la Commission d’examen de l’Ontario, qui a déclaré ceci lors de son témoignage :

En pratique, il arrive souvent qu'une personne ait décompensé après le verdict, par exemple en attendant une demande de déclaration de délinquant dangereux. Vous êtes alors coincé car la personne est inapte à recevoir une sentence mais elle a été condamnée, et il est complètement absurde de ne pas étendre la définition, comme le propose Richard, de « verdict » à « sentence », ce qui réglerait tout le problème[145].

Cette question n’a pas été abordée par le projet de loi C-10 mais elle a été soulevée et commentée par Irwin Cotler, ministre de la Justice et Solliciteur général du Canada, qui s’est présenté devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour s’exprimer sur le projet de loi :

En ce qui concerne la question de l'aptitude à se voir infliger une peine, puisqu'on en a parlé, le projet de loi C-10 ne comporte pas de modification prévoyant un verdict d'inaptitude à se voir infliger une peine ou une ordonnance d'évaluation au moment de la détermination de la peine. Cette question très importante devra faire l'objet d'études et de consultations approfondies. C'est pourquoi j'en fais part à votre comité.

Les modifications précises susceptibles de s'imposer touchent autant aux principes en matière de détermination de la peine qu'aux règles de droit régissant les personnes souffrant de troubles mentaux. Le ministère de la Justice a demandé la réalisation de recherches universitaires sur cette question dont les résultats donnent à penser que l'inaptitude au moment de la détermination de la peine exige une conceptualisation ou un test d'aptitude distinct et des conséquences différentes de celles découlant du verdict d'inaptitude à subir son procès.

Bien que je reconnaisse qu'il faut procéder à un examen de cette question, nous n'avons pas inclus de modifications précises dans le projet de loi C-10. On pourrait envisager des modifications à ce sujet dans un prochain projet de loi modifiant le droit criminel, après examen et consultation, de concert avec les ministres provinciaux et territoriaux responsables de la justice, à qui nous en avons parlé[146].

Le Comité est préoccupé par le fait que le Code criminel n’offre pas de moyen de traiter les personnes reconnues coupables qui deviennent inaptes à recevoir une sentence après qu’un verdict a été rendu. Toutefois, étant donné la complexité de la question et le fait que le gouvernement du Canada prend des mesures pour la résoudre, nous considérons qu’il serait prématuré de faire une proposition précise à ce moment-ci; nous recommandons plutôt ce qui suit :

 

 

8

Que le gouvernement du Canada, en consultant les ministres provinciaux et territoriaux de la Justice, élaborent des projets de modifications au Code criminel afin de résoudre la question des personnes reconnues coupables qui deviennent inaptes à se voir infliger une peine après que le verdict a été rendu.

Que ces modifications soient soumises au Parlement dans l’année qui suivra le dépôt du présent rapport au Sénat.



[3]  14 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[4]  Comme l’indique le rapport provisoire du Comité (novembre 2004), le caractère très fragmenté de la prestation des services de santé mentale au Canada ne permet pas de dire qu’il existe vraiment un système cohérent et intégré de santé mentale. Dans le présent rapport, nous parlons de système pour indiquer simplement qu’une multiplicité de types de services et de soutiens, tant officiels qu’informels, sont offerts aux personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie, aussi insuffisants que soient ces services et soutiens.

[5]  14 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[6]  15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[7]  7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[8]  15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[9]  6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[10]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[11]17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[12]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[13]17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[14]14 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[15]16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[16]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[17]14 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[18]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[19]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[20]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[21]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[22]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[23]16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[24]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[25]16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[26]6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[27]6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[28]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[29]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[30]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[31]31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[32]2 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/17eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[33]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[34]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[35]1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[36]6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[37]6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[38]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[39]31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[40]1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[41]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[42]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[43]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[44]5 juillet 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/25ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[45]16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[46]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[47]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[48]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[49]6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[50]16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[51]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[52]9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[53]15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[54]31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[55]16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[56]Participant anonyme, seconde consultation électronique

[57]    W. Skinner, C. O’Grady, C. Bartha et C. Parker, (2004), « Concurrent substance use and mental health disorders: An information guide », Toronto : Centre for Addiction and Mental Health.

[58]15 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/22evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[59]Statistique Canada (2003), Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, Cycle 1.2, Santé mentale et bien‑être.

[60]    Voir Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, (novembre 2004), Rapport 1— Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre 3.

[61]Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, (novembre 2004), Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre  4, p. 87.

[62]  C. Harding,(1987), « The Vermont Longitudinal Study of Persons With Severe Mental Illness », II. American Journal of Psychiatry, vol. 144, pp. 727‑735.

[63]M. Moran, (2004),« Schizophrenia Treatment Should Focus on Recovery, Not Just Symptoms », Psychiatric News (American Psychiatric Association), vol. 39, no 22.Également N. Jacobson et L. Curtis, (2000),« Recovery as Policy in Mental Health Services: Strategies emerging from the States », Psychiatric Rehabilitation Journal,vol. 23, no 4.

[64]D. Fisher et L. Ahern, (1999),« People can recover from mental illness »,  National Empowerment Centre, http://www.power2u.org/recovery/people_can.html. Il est intéressant de noter dans ce contexte les résultats d’études effectuées par l’Organisation mondiale de la santé en 1979 et en 1992 qui ont comparé les taux de rétablissement des schizophrènes dans des pays en développement et dans des pays industrialisés. À l’aide de contrôles appariés, ils ont constaté que les taux de rétablissement dans les pays en développement étaient deux fois supérieurs à ceux des nations industrialisées. Certains commentateurs ont émis l’hypothèse que l’approche plus sociale des pays en développement qui cherchait à maintenir les gens en contact avec leurs collectivités contribuait à leur rétablissement.

[65]Le Comité reconnaît qu’il y a un vaste débat entourant l’applicabilité du terme « rétablissement » à certains troubles, en particulier l’autisme. Un certain nombre d’ardents défenseurs des autistes lui ont expliqué que le rétablissement n’est pas leur objectif, parce qu’ils ne considèrent pas l’autisme comme une maladie dont il est nécessaire de se rétablir (voir le Chapitre 6 portant sur les enfants et les jeunes pour d’autres aspects de la question). Ce n’est pas une question que le Comité peut trancher. Il utilisera donc le terme rétablissement comme il est dit dans le présent chapitre.

[66]14 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/22eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[67]9 mai 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/15evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[68]D. Macfarlane, (juin 2005), « État actuel des soins de santé mentale axés sur la collaboration »,p. 5,rapport rédigé pour l’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale, Mississauga, Ontario. http://www.ccmhi.ca.

[69]17 février 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/07ev‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[70]Forum provincial des présidents de groupes d’étude sur la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale, (décembre 2002), « The Time Is Now: Themes And Recommendations For Mental Health Reform In Ontario ». http://www.santé.gov.on.ca/english/providers/pub/mhitf/provincial_forum/provincial_forum.pdf.

[71]Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, (novembre 2004), Rapport 2 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Politiques et programmes de certains pays en matière de santé mentale, chapitre  4, p. 71.

[72]Association canadienne pour la santé mentale, division de l’Ontario, (mars 2003), « Recovery Rediscovered ».

[73]Voir l’annexe au présent chapitre. Également N. Jacobson et L. Curtis, (2000),« Recovery as Policy in Mental Health Services: Strategies emerging from the States », Psychiatric Rehabilitation Journal,vol. 23, no 4.

[74]6 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/18evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[75]Dans le domaine plus vaste des soins de santé, la question de la réforme des soins primaires peut constituer une bonne mise en garde. Depuis plus d’une décennie, chaque rapport d’envergure portant sur le système hospitalier et médical au Canada a souligné la nécessité d’une importante réforme des modes de prestation des soins de santé primaires, mais les progrès ont été très lents sur le terrain.

[76]2 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/17eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[77]Voir Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, (octobre 2002), La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, volume six : Recommandations en vue d’une réforme, chapitre 17. Veuillez noter que les hôpitaux psychiatriques spécialisés ont été explicitement exclus de la portée de la Loi canadienne sur la santé parce qu’ils sont jugés être des établissements de soins de longue durée que la Loi n’avait pas l’intention de réglementer.

[78]15 février 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/05evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[79]15 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/22evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[80]17 février 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/07ev‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[81]Community Mental Health Evaluation Initiative de l'Ontario, (octobre 2004), « Making a Difference », p. 5 [traduction].

[82]Ibid., p. 9.

[83]  Trudel, J.‑F. et Lesage, A. (2005) Le sort des patients souffrant de troubles mentaux très graves et persistants lorsqu'il n'y a pas d'hôpital psychiatrique : étude de cas. Santé mentale au Québec, Vol. XXX, No 1, pp. 47‑71.

[84]Centre de toxicomanie et de santé mentale, (2001), « Strategies for Mental Health Integration: A Review », p. 13.

[85]Ibid.

[86]Glouberman, S. et Mintzberg, H. (Hiver 2001) Managing the Care of Health and the Cure of Disease, Parties I et II. Dans Health Care Management Review, Vol. 26, numéro 1, pp. 72‑4 (soulignement ajouté). Everett, B., Lurie, S. et Higgins, C. (2001). The Whole Picture: A provincial framework for redesigning the Ontario mental health system. Association canadienne pour la santé mentale, division de l’Ontario, et Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario.

[87]Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario. (2000) Regard sur le passé, regard vers l’avenir : Rapport de travail. Cité dans Everett, Lurie et Higgins (2001).

[88]Lurie, S. (Juin 2002) Mandated Collaboration: Command and Control or Emergent Process. Association canadienne pour la santé mentale, succursale du Toronto métropolitain, p. 37.

[89]À cet égard, le Comité prend note du fait que, même dans des pays comme l’Australie qui ont établi une norme internationale en matière de planification de la santé mentale, il y a des indices de la difficulté à soutenir l’élan d’une réforme. Dans un rapport récent (mai 2005) adressé à un comité parlementaire et intitulé Not a Failure of Policy, It Is a Failure of Implementation and Delivery, la Mental Health Commission of Australia écrit que «les cinq ou six dernières années ont vu une importante initiative de politique perdre son orientation et montrer des signes de stress et même de crise». Elle identifie un certain nombre de causes pour cette évolution, notamment : (a) «le fardeau de la maladie mentale et de l’incapacité connexe au sein de la collectivité n’est pas compensé par le financement alloué pour prévenir, soulager et réadapter les personnes atteintes d’une maladie mentale»; (b) «il y a un décalage important entre le modèle communautaire de services de santé mentale et le système actuel qui affecte encore le financement largement selon l’ancien modèle de services ‘des lits et des édifices’»; et (c) «l’incapacité à s’entendre sur un cadre national d’imputabilité et à le mettre en œuvre».

[90]Jacobson, N. et Curtis, L. (2000) Recovery as Policy in Mental Health Services: Strategies emerging from the States. Psychiatric Rehabilitation Journal, Vol. 23, No 4.

[91]Ibid.

[92]Initiativecanadienne de collaboration en santé mentale.(2004) Consultations auprès des consommateursde l’Ontario.

[93]Anthony, W. A. (1993) Recovery from mental illness: The guiding vision of the mental health service system in the 1990s. Psychosocial Rehabilitation Journal, Vol. 16, pp. 11‑23.

[94]Anthony, W. A. (2003) The Decade of the Person and the Walls that Divide Us. Behavioural Healthcare Tomorrow. http://www.bu.edu/cpr/catalog/articles/2003/anthony2003c.pdf.

[95]Fisher, D. B. (1999) A New Vision of Recovery: People can fully recover from mental illness; it is not a life‑long process. National Empowerment Centre. http://www.power2u.org/rétablissement/new_vision.html.

[96]Ibid.

[97]http://www.empowermentconnection.com/approach.html [traduction]

[98]« An Empowerment Model of Recovery from Severe Mental Illness: An Expert Interview with Daniel B.  Fisher, MD, PhD », (janvier 2005), Medscape, Psychiatry & Mental Health,vol. 10, no 1.

[99]    Deegan, P. (1996) Recovery and the Conspiracy of Hope. 6e Conférence annuelle sur les services de santé mentale en Australie.

[100]   A. Gordon, (2005), « Combating the stigma of mental disorders: New initiative to kick off mental health week », Toronto Star, 29 avril 2005.

[101]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[102]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. (Novembre 2004) Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, Chapitre 11, Section 11.3, p. 238.

[103]   Ibid., Chapitre 11, Section 11.7, p. 246.

[104]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. (Novembre 2004) Rapport 3 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Problèmes et options pour le Canada, Chapitre 6, Section 6.5, p. 45.

[105]   6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/42471-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47

[106]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47

[107]   11 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evf-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[108]   11 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evf-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[109]   6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/42470-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[110]   6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/42471-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[111]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. (Avril 2002) La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, Volume 5, Chapitre 2, Section 2.5, p. 60.

[112]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. (Novembre 2004) Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, Chapitre 8, Section 8.2.7, pages 164-165.

[113]   Ascentum Incorporated. (Juin 2005) Rapport sur la consultation en ligne par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 40.

[114]   Ibid., p. 38.

[115]   La charte des droits et des responsabilités des adultes et de la famille a été élaborée par le comité de la charte des droits et des responsabilités des adultes et de la famille, Cranbrook (Colombie‑Britannique).

[116]   Le comité de la charte des droits et des responsabilités des adultes et de la famille. (Mai 2003) — Charte des droits et des responsabilités des adultes et de la famille, p. 12.

[117]   La Charte des droits des clients a été élaborée par les clients, les familles et le personnel du Centre de toxicomanie et de santé mentale à Toronto (Ontario) et entérinée par le Conseil d’administration.

[118]   Centre de toxicomanie et de santé mentale, Charte des droits des clients.

[119]   Ibid., Droit no 6(4), p. 5.

[120]   Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée/Ontario. Questions fréquentes :  Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé -  Quels sont les droits des particuliers?         http://www.ipc.on.ca/scripts/index_.asp?action=31&P_ID=15371&N_ID=1&U_ID=0&LG_ID=2.

[121]   Young, M. (décembre 2000) Le rôle fédéral dans le domaine de la santé et des soins de santé. TIPS-59F, Service d’information et de recherches parlementaires, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, p. 1.

[122]   Ibid., p. 2.

[123]   Loi canadienne sur la santé, c. 6, art. 4.

[124]   La surfacturation est définie dans la Loi canadienne sur la santé comme suit : « Facturation de la prestation à un assuré par un médecin ou un dentiste d'un service de santé assuré, en excédent par rapport au montant payé ou à payer pour la prestation de ce service au titre du régime provincial d'assurance-santé. »

[125]   Les frais modérateurs sont définis dans la Loi canadienne sur la santé comme suit : « Frais d'un service de santé assuré autorisés ou permis par un régime provincial d'assurance-santé mais non payables, soit directement soit indirectement, au titre d'un régime provincial d'assurance-santé, à l'exception des frais imposés par surfacturation. »

[126]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie; (novembre 2004) Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, Chapitre 3, Section 3.4.1, p. 58.

[127]   Rapport du Vérificateur général du Canada — Septembre 2002, Chapitre 3, Santé Canada — L’appui fédéral à la prestation des soins de santé, paragraphe 3.2.

[128]   Ibid., paragraphe 3.76.

[129]   L.R.C. (1985), c. H-6, art. 2.

[130]   Site Web de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, http://www.chlc.ca/fr/civil.

[131]   Ibid.

[132]   Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d’autres lois en conséquence, L.C. 2005, c. 22.

[133]   Raaflaub, W. (juin 2005) Dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, Ottawa.