Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 4 - Témoignages du 26 septembre 2006 - Séance du matin
SASKATOON, le mardi 26 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit ce jour à 9 h 2 pour étudier, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : En tant que président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, j'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à nos audiences d'aujourd'hui. Je veux tout d'abord remercier les peuples cris et métis sur les terres ancestrales desquels nous sommes ici réunis.
Honorables sénateurs, aînés, invités, membres de l'auditoire, notre comité a reçu mandat d'étudier la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada. Cette étude a commencé lors de la dernière législature sous la présidence de notre collègue, le sénateur Sibbeston, qui était alors le président du comité. Nous avons entendu quantité de témoins à Ottawa et tenu des audiences publiques l'automne dernier en Colombie-Britannique et en Alberta.
Le sénateur Sibbeston et moi-même avons visité quelques localités des Territoires du Nord-Ouest en mars 2005. Hier, nous étions en mission d'enquête à Lac La Ronge. Cette semaine, le comité entendra un certain nombre de témoins ici, à Saskatoon, puis se rendra à Winnipeg et Thunder Bay avant de retourner à Ottawa, où il poursuivra ses travaux.
L'objectif du comité dans cette étude est de cerner les facteurs qui facilitent ou entravent le développement économique des collectivités autochtones. Nous allons entendre aujourd'hui, comme premier témoin, M. Guy Lonechild, chef par intérim de la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Je crois savoir que la FSIN représente 75 nations de la province. Monsieur Lonechild, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à votre conseiller, Bob Kayseas.
Guy Lonechild, chef intérimaire, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan : Merci beaucoup, bonjour aux honorables sénateurs et à tous ceux qui se sont joints à nous ce matin pour cette réunion très importante. Je vous présente M. Bob Kayseas, qui travaille à sa thèse de doctorat sur l'entrepreneuriat. Nous sommes accompagnés également de deux observateurs de la Saskatoon Credit Union, soit son premier dirigeant et son vice-président des opérations de détails et du personnel de soutien. Certains des membres du personnel de la FSIN sont également dans la salle.
Au nom de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, du Sénat de la FSIN et des chefs et conseillers des Premières nations de la Saskatchewan, je suis très heureux et honoré d'aborder ces questions avec un comité aussi important.
Les chefs et conseillers de la Saskatchewan se sentent encouragés par la création du Comité sénatorial des peuples autochtones et les audiences publiques qu'il tient. Vos recommandations auront des répercussions importantes sur la politique gouvernementales dans les années à venir. C'est pourquoi il est primordial que votre comité se fasse notre porte-parole au Parlement. Nous travaillons très fort à défendre les intérêts des Autochtones de la Saskatchewan partout au Canada. Cependant, nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés sont très complexes et pluridimentionnels et requièrent de ce fait une action collective.
Statistique Canada a dénombré dans le Recensement de 2001 une population totale de 963 150 habitants en Saskatchewan. Au 31 décembre 2002, le nombre des Indiens inscrits de la Saskatchewan totalisait 111 635, dont 56 564 vivaient en réserve et 55 071 hors réserve.
Le vérificateur général du Canada a publié en 1997 un rapport sur les principaux facteurs socioéconomiques influant sur la santé des Premières nations. Parmi ces facteurs figuraient des niveaux de scolarité considérablement moindres chez les Premières nations de la Saskatchewan, ainsi que de mauvaises conditions de logement, un taux de chômage élevé, la faiblesse des revenus et la dépendance économique.
En 2006, la vérificatrice générale a effectué un suivi des 37 recommandations que son bureau avait adressé à cinq organisations travaillant sur la condition des Autochtones. Les 37 recommandations intéressaient le logement dans les réserves, le développement économique, les interventions de tiers, les soins de santé, le Programme d'approvisionnement alimentaire par la poste et le mécanisme des revendications territoriales globales. Le rapport de suivi faisait ressortir que les Premières nations souffrent toujours d'un fort chômage, de pauvreté et de problèmes de santé, et bien que le gouvernement fédéral ait consacré 8 milliards de dollars en 2004-2005 aux Premières nations, les conditions de vie de la plupart des Autochtones restent sensiblement inférieures à la moyenne nationale.
La vérificatrice générale a également indiqué que sur les 37 recommandations formulées, les 15 les plus importantes pour la vie et le bien-être des Autochtones n'ont pas été suivies de manière satisfaisante par le gouvernement fédéral.
Que cela signifie-t-il? Nous aussi considérons que l'action du gouvernement fédéral concernant les problèmes des Premières nations et des Autochtones laisse à désirer. La FSIN travaille pour 74 Premières nations de la Saskatchewan. Nous nous rendons régulièrement dans ces collectivités et pouvons constater de première main la vétusté et le surpeuplement des logements, l'ampleur du chômage, la forte dépendance à l'égard de l'assistance sociale et des transferts gouvernementaux. Nous faisons nôtre le sentiment de l'Assemblée des Premières nations exprimé par le chef régional Goodstriker, lorsqu'il a dit que le développement économique est un facteur primordial du bien-être social des collectivités autochtones et que des mesures indirectes produisent des résultats indirects.
Il nous attriste de voir que bien peu de choses ont changé dans nos collectivités. Nous voyons que le budget annuel d'Affaires indiennes et du Nord Canada a augmenté de 1,6 p. 100 entre 1999 et 2004, alors que le nombre des Indiens inscrits s'est accru de 11,2 p. 100. Chaque année, des milliards de dollars sont alloués aux Premières nations, et pourtant nous ne voyons pas de résultats. Il est clair qu'il faut formuler une nouvelle stratégie axée sur les besoins, les rêves, les objectifs et les aspirations des Premières nations.
De nombreuses Premières nations aspirent à devenir des participantes actives à l'économie locale, régionale et nationale. Elles sont résolues à créer de nouvelles institutions sociales et économiques adaptées à la culture et aux traditions de nos ancêtres. Nous pensons que la publication de l'Assemblée des Premières nations, First Nations Economic Blueprint, représente une bonne stratégie à l'échelle nationale. Cependant, nous sommes convaincus que la FSIN a un rôle prépondérant à jouer au niveau régional en Saskatchewan afin d'assurer que lorsqu'une stratégie nationale sera formulée, elle soit effectivement mise en œuvre dans la province.
Dans mon exposé, je vais décrire brièvement les entraves au développement économique et présenter des études de cas pour trois Premières nations qui ont bien avancé sur le chemin de l'autonomie économique. J'esquisserai ensuite les recommandations que nous souhaitons adresser à votre comité.
En 2003, un rapport du Conference Board of Canada décrivait ainsi les bienfaits de l'investissement dans le développement économique et social des Premières nations :
Les avantages de la solution des problèmes économiques et sociaux que connaissent les Autochtones l'emportent sur les coûts. Il faut pour cela un investissement et un engagement à long terme. La faiblesse du niveau d'instruction est un obstacle majeur à une plus forte participation à l'économie. L'éducation offre un meilleur rendement que la plupart des autres investissements. Il faudrait déployer des efforts pour créer des emplois afin de réduire le taux de chômage de la population indienne inscrite, taux trois fois supérieur à la moyenne canadienne... Si l'on veut combler les écarts au niveau de l'emploi, du revenu, de la condition économique et sociale, il faut combler d'abord l'écart au niveau de l'éducation des Autochtones (scolarité et formation professionnelle)... Le bien-être économique et social d'une société passe par une main-d'œuvre instruite et qualifiée.
L'accès au capital a toujours été et reste problématique pour de nombreuses collectivités autochtones et Premières nations cherchant à lancer, développer ou acquérir une nouvelle entreprise. La Loi sur les Indiens persiste à ériger des obstacles réels et apparents à l'accès au capital. Alors que les entrepreneurs vivant hors des limites des réserves ont la possibilité d'engager des biens fonciers pour obtenir du crédit, cela n'est pas possible pour la majorité des entrepreneurs autochtones. Le problème réside dans un cadre législatif qui s'applique exclusivement aux terres des réserves.
Sur le plan des terres et des ressources, l'Assemblée des Premières nations a fait savoir que, du point de vue du développement économique des Autochtones, l'accès à la propriété foncière et aux ressources naturelles constitue un problème crucial pour les Premières nations. Nombre d'entre elles souffrent encore d'un accès extrêmement limité aux ressources. Il n'existe aucun mécanisme pour conclure des accords formels permettant de transférer des avantages aux Premières nations en vue de conduire des activités de développement économique sur les territoires traditionnels. Plus important encore, il n'existe aucun mécanisme pour cerner les effets du développement sur les économies traditionnelles.
Le cadre législatif permet difficilement de promouvoir les intérêts économiques des Premières nations en dehors du régime de la Loi sur les Indiens. Les Premières nations sont exclues des processus décisionnels avant que soient conclues les ententes de mise en valeur des terres et des ressources.
Il faut privilégier un programme de développement économique doté de réels moyens financiers. L'enveloppe du développement économique en Saskatchewan va rétrécissant depuis plusieurs années. Lors de l'exercice 2003-2004, Affaires indiennes et du Nord a dépensé en Saskatchewan 17 288 100 $, soit 2,6 p. 100 de l'enveloppe totale du développement économique. En 2004-2005, AINC a dépensé 11 137 700 $, ou 1,7 p. 100 des dépenses totales dans ce domaine. En 2005-2006, la dépense du Ministère pour le développement économique n'a été que de 8 635 600 $, ou 1,3 p. 100 de ses dépenses totales pour l'année.
Le financement global au niveau national représente également un problème majeur. Le vérificateur général indique que les crédits ont augmenté de 1,6 p. 100 entre 1999 et 2004. Or, la population autochtone a augmenté de 11,2 p. 100 au cours de la même période.
Le contrôle des ressources représente un autre enjeu apparenté au financement. Le système actuel privilégie hautement les priorités ministérielles au détriment des objectifs et aspirations des Premières nations. Il faudrait mettre en place des structures pour assurer une meilleure reddition de comptes de la part des Premières nations, tout en leur donnant une plus grande influence sur la distribution et les modalités des fonds de développement économique.
Le cadre actuel ne fournit pas l'assistance dont les collectivités ont besoin pour trouver des façons de toucher les Autochtones vivant en dehors de leur territoire. Il faut envisager un programme d'expansion afin de donner une plus grande expression aux priorités des collectivités.
Cette liste est loin d'être exhaustive. Elle ne représente qu'un petit échantillon des obstacles auxquels se heurtent les Premières nations. À l'évidence, il est nécessaire d'œuvrer davantage vers la réalisation de cet objectif.
Quelle leçon pouvons-nous tirer des progrès accomplis par des collectivités telles que la bande indienne du Lac La Ronge, la Première nation de Membertou, la bande indienne Osoyoos, auparavant des collectivités autochtones ordinaires connaissant toute la panoplie des pathologies sociales et qui sont aujourd'hui souvent citées comme des modèles de développement économique? Un élément important à noter à cet égard, c'est que les dirigeants de chacune de ces collectivités partagent très volontiers leur expérience avec quiconque souhaite l'entendre. Il n'y a pas de secret, contrairement à beaucoup d'entreprises. Ils sont très ouverts et prêts à partager l'histoire de leur réussite.
Nous avons parlé aux dirigeants de chacune de ces collectivités au cours de l'année écoulée, et les notes d'information figurant dans votre documentation décrivent brièvement les conclusions que nous avons pu en tirer. Ces collectivités présentent un certain nombre de points communs qui peuvent être utiles aux autres Premières nations désireuses de leur emboîter le pas. Chaque collectivité a créé une structure organisationnelle/institutionnelle indépendante du chef et du conseil en vue de gérer les activités de développement économique. La séparation des affaires et de la politique a déjà été largement étudiée
Ce qui est propre à ces collectivités, c'est que les institutions qu'elles ont créées ne sont pas culturellement appropriées, ainsi que l'a fait ressortir le Harvard Project on American Indian Economic Development. L'organe de développement économique de chacune de ces collectivités a recherché et mis à profit toutes les sources de financement disponibles, et plus particulièrement celles prenant la forme de subventions. Ces capitaux ont apporté les moyens financiers qui manquaient à ces Premières nations pour mener leurs activités de développement économique. Chacune a noué plusieurs partenariats qui lui apportent le savoir-faire et le capital extérieur qui lui manquait.
Les partenariats ont apporté aux collectivités plus que du capital financier et humain externe. Les partenariats que chacune de ces collectivités a noués offrent quantité de possibilités d'édification de capacité aux dirigeants et membres de ces bandes. Les membres ont eu l'occasion d'apprendre petit à petit comment fonctionne une entreprise, jusqu'à devenir capables d'occuper des postes de gestion.
En ce qui concerne l'utilisation stratégique des ressources disponibles, chacune de ces collectivités a initialement exploité un créneau clé. Par exemple, la Première nation du Lac La Ronge, située dans le nord de la Saskatchewan, compte une population nombreuse, qui se traduit par une main-d'œuvre potentielle importante. Aussi a-t-elle monté des entreprises dans des secteurs à faible intensité de capital mais à forte participation de main-d'œuvre.
En conclusion, nous saluons le travail important accompli par l'Assemblée des Premières nations avec son document de 2004 intitulé First Nations and Economic Opportunities, qui est le fruit des efforts et des orientations de l'Assemblée générale des chefs de l'APN. Les objectifs qui y sont énoncés étaient valides et le sont encore davantage aujourd'hui. Le gouvernement a systématiquement failli à coordonner les actions et à collaborer avec les Premières nations à la réalisation des objectifs adoptés par leurs gouvernements. Nous réaffirmons les recommandations contenues dans ce document et vous invitons instamment à les examiner, et y avons ajouté plusieurs points dont nous pensons qu'ils permettraient de mieux s'attaquer aux problèmes régionaux.
La capacité des collectivités à pleinement déterminer leur économie est une considération primordiale. Alors que l'établissement coordonné d'une meilleure capacité au niveau local représente une priorité, l'infrastructure économique des Premières nations laisse toujours à désirer. Aussi, il importe d'investir dans l'infrastructure nouvelle, d'accroître les crédits et de développer le capital humain au niveau communautaire afin de réaliser tout le potentiel d'une collectivité. Il est nécessaire d'améliorer l'infrastructure économique des Premières nations, leur niveau d'information et d'éducation économiques. En outre, il faut une assistance pour coordonner l'accès à des services de soutien en partenariat, là où cela est nécessaire. Des efforts doivent en outre être déployés pour formaliser les rôles respectifs, les tâches communes et les relations.
Il importe de reconnaître et mettre à profit l'infrastructure existante au sein des Premières nations afin d'améliorer l'intégration des programmes et en accroître les budgets, plutôt que de créer des programmes concurrents. Les cadres de reddition de comptes et de rapport doivent être adaptés en tenant compte des conclusions du vérificateur général à l'effet que les collectivités autochtones et leurs structures sont encombrées de contraintes redditionnelles excessives. Les Premières nations doivent être responsables devant les Premières nations.
En ce qui concerne les structures de soutien aux Premières nations, aux particuliers et aux collectifs bénéficiaires de sommes importantes versées par le gouvernement, la FSIN et le Saskatoon Tribal Council représentent les Premières nations dont les membres individuels sont nombreux à toucher une indemnité financière relativement aux abus commis dans les écoles résidentielles. L'indemnité financière donne la possibilité à ces personnes de réaliser leurs objectifs et d'améliorer leur sécurité financière. La FNIS et le STC encouragent leurs membres à construire un futur plus prospère pour eux-mêmes, les collectivités autochtones et les générations futures, au moyen des indemnités perçues. Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les organisations autochtones pour organiser la réception de fonds tels que les indemnités relatives aux écoles résidentielles afin que les bénéficiaires puissent constituer un patrimoine durable.
Enfin, je tiens à faire savoir aux membres du comité sénatorial permanent que la FNIS, les aînés, les chefs et conseillers de la Saskatchewan sont honorés de votre invitation à comparaître devant le comité.
Lors de la réunion de la semaine dernière de la Commission de développement économique de la FNIS, le chef Irvin Starblanket a déclaré : « Je suis fatigué d'être pauvre et de juste survivre. Je veux participer au processus de création de richesse afin de pouvoir jouir moi aussi de la belle vie que d'autres tiennent pour normale. Nous n'avons pas de temps à perdre. Il faut agir tout de suite ».
Encore une fois, c'est un privilège que de me trouver parmi vous et de saluer le bon travail que vous faites.
Le sénateur Sibbeston : Je veux commencer par vous remercier d'être venus nous rencontrer pour nous faire part des vues de la FNIS. Je suis curieux de savoir quel est l'état du développement économique des Premières nations, ici, en Saskatchewan. Nous avons eu la chance hier de nous rendre à Lac La Ronge et d'observer les entreprises commerciales qu'ils ont créées là-bas. Je soupçonne que ce n'est pas là une Première nation typique de la Saskatchewan. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre des Premières nations qui se sont réellement lancées dans le développement économique et qui y voient une perspective d'avenir?
M. Lonechild : La situation est plutôt positive en Saskatchewan. Quelque 2 780 entreprises autochtones y ont été créées. Selon le Recensement de 2001, au cours de la période de 1998 à 2000, les Autochtones et les Métis de la Saskatchewan ont été en tête du pays pour ce qui est du nombre de nouvelles entreprises créées. Les perspectives sont exceptionnellement bonnes, surtout lorsqu'un financement complémentaire du capital par AINC complète d'autres programmes favorisant le développement économique communautaire.
L'expérience de Lac La Ronge, comme vous avez pu le voir, témoigne d'une volonté claire des dirigeants et de la population de forger une relation nouvelle, et ce mouvement a pris naissance au sein de la Première nation elle-même. Il a fallu faire preuve d'initiative pour créer Kitsaki Management Limited Partnership, qui a donné lieu à la création d'environ 500 emplois à temps plein, dégagé 60 millions de dollars de contributions financières supplémentaires pour la collectivité et ouvert des débouchés à diverses entreprises telles qu'Athabasca Catering.
Il existe, je crois, de nombreux exemples où le modèle de la société en commandite et l'acceptation de la culture d'entreprise, a créé les conditions du développement, comme cela s'est passé à Lac La Ronge.
Ici, en Saskatchewan, de nombreuses jeunes femmes autochtones montent des entreprises, par exemple des pourvoiries, dans les régions isolées et rurales de la Saskatchewan. C'est un signal très positif.
Dans la ville de Saskatoon, nous pouvons nous targuer du plus grand nombre d'étudiants au postsecondaire sur une base per capita. Chaque année, en Saskatchewan, plus de 2 000 Autochtones obtiennent un diplôme postsecondaire.
De nombreuses conditions favorables existent en Saskatchewan que nous sommes prêts à réellement mettre à profit..
Le président : M. Doug McLeod, le directeur exécutif de la FSIN, s'est joint à nous.
Vous écrivez dans votre exposé :
Chaque collectivité a créé une structure organisationnelle/institutionnelle indépendante du chef et du conseil en vue de gérer les activités de développement économique. La séparation des affaires et de la politique a déjà été largement étudiée. Ce qui est propre à ces collectivités, c'est que les institutions qu'elles ont créées ne sont pas culturellement appropriées, ainsi que l'a fait ressortir le Harvard Project on American Indian Economic Development.
Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là? Le comité s'est penché sur le projet Harvard. Nous avons entendu ici le professeur Cornell, c'était je crois son nom. Pourriez-vous expliquer au comité ce que vous entendez par là, chef Lonechild?
M. Lonechild : Je demanderai à Bob Kayseas de répondre également, mais je dirai d'abord que, sur le plan de la création d'entreprises dans les réserves, il faut bien comprendre que les dirigeants des Premières nations, les conseillers de bande, n'ont tout simplement pas le temps, ou parfois les connaissances, pour siéger au conseil d'administration de sociétés d'envergure moyenne et parfois grande qui doivent opérer dans un secteur très concurrentiel, comme l'extraction minière, par exemple. Les entreprises sont gérées par des gens d'affaires et cela a fait une différence pour les Premières nations qui font appel à des experts pour prendre les décisions dans leurs sociétés. Qu'elles soient culturellement appropriées ou non, des structures d'entreprises telles que les sociétés en commandite ont été une réussite en Saskatchewan, et ce n'est pas nécessairement un modèle propre à notre culture autochtone. M. Kayseas ajoutera quelques mots.
Bob Kayseas, conseiller, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan : Nous avons formulé cette remarque concernant le projet Harvard parce que, au Canada, nous avons examiné le travail qu'ils ont effectué sur le plan de l'adéquation culturelle des structures d'entreprises et de gouvernance. Les auteurs du projet recommandent spécifiquement d'intégrer les modes de gouvernement et de prise de décisions traditionnels aux modes de fonctionnement du monde d'aujourd'hui. Mais cela sous-entend que notre culture serait statique, alors que nous pensons que les Premières nations canadiennes sont un peu plus dynamiques et adaptables et que nos structures, surtout dans le domaine commercial, doivent être en phase avec celles des autres entreprises au Canada et dans le monde. Il existe des exemples de Premières nations canadiennes qui font cela. L'une est Membertou, qui a structuré sa gouvernance de bande comme une société, avec de très bons résultats. C'est ce que nous voulions dire par cette remarque : le fait est que la structure de nos entreprises ne doit pas nécessairement être aussi culturellement appropriée que Stephen Cornell et ses disciples le pensent.
Le sénateur Dyck : Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui avec trois sénateurs de la Saskatchewan. Je pense que nous allons pouvoir bénéficier de leurs connaissances d'initiés.
Vous avez mentionné ce matin, entre autres, qu'en Saskatchewan environ la moitié de la population autochtone vit dans les réserves et l'autre moitié en dehors. Ma question est de savoir dans quelle mesure cela se répercute sur le développement économique. Je crois que Saskatoon serait un bon exemple de cela.
M. Lonechild : Je pense que cette importance est très apparente en Saskatchewan. De nombreux articles ont été publiés dans les journaux locaux, dont un encore aujourd'hui, qui traitent du logement des Autochtones et des conditions dans les réserves. Il existe aussi de nombreuses statistiques sur les conditions hors réserve, soit les Autochtones vivant dans des villes comme Saskatoon et qui sont à la recherche d'un emploi. Beaucoup de gens dans la province ont conscience du visage changeant de la Saskatchewan. Une mutation démographique est en cours. D'ici 2045, près de la moitié de la population de la province sera d'ascendance autochtone ou métisse. Le défi consiste à encourager de meilleurs niveaux d'éducation et d'opportunité économique, le développement économique urbain et l'acquisition de terrains dans les centres urbains. Le développement institutionnel est primordial et déterminera la prospérité économique d'ensemble et celle des Premières nations en particulier, et va se répercuter sur les conditions de vie tant dans les réserves qu'en dehors.
Le sénateur Dyck : Je sais qu'à Saskatoon nous avons probablement cinq ou six quartiers de la ville qui sont en fait des réserves urbaines. Nous avons notre station d'essence Creeway et cetera. Y a-t-il un moyen de développer ce secteur?
M. Lonechild : Si je peux offrir un conseil au comité, une stratégie importante consiste à mettre en place des programmes pour la succession dans les entreprises. Je songe, par exemple, aux chefs d'entreprise qui prennent leur retraite ou quittent le marché du travail, créant des ouvertures que peuvent occuper des petites et moyennes entreprises comme Creeway. Il y a dans ce domaine un gros potentiel de croissance.
Les quelque 110 magasins exploités par les Autochtones un peu partout en Saskatchewan totalisent un chiffre d'affaires de plus de 200 millions de dollars. C'est un bon début, mais il reste beaucoup à faire sur le plan de l'expansion commerciale et des programmes visant à appuyer cet effort.
Le sénateur Dyck : De toute évidence, il existe un lien entre l'éducation et le développement économique et avec notre population autochtone croissante, nous devons veiller à ce qu'un aussi grand nombre que possible de nos jeunes terminent au moins leur scolarité secondaire et poursuivent peut-être des études postsecondaires, ce qui représente un défi. Existe-t-il un moyen d'intégrer le développement économique à l'éducation?
M. Lonechild : C'est là où l'information et les indicateurs économiques sont cruciaux. Dans une province voisine, qui ne diffère guère de la Saskatchewan, des salaires très élevés sont offerts à la main-d'œuvre qualifiée, et des enfants quittent l'école parce que le Tim Horton local offre 14 $ de l'heure, et même plus que cela dans le nord de l'Alberta.
Nous sommes à la croisée des chemins s'agissant d'élaborer l'une des initiatives d'action les plus vitales de l'histoire canadienne. Dans l'Ouest du Canada, nous assistons à une création de richesse record tant dans les centres urbains que dans le secteur des richesses naturelles. Cependant, les Premières nations restent à l'écart de cette création d'emplois et de richesse. C'est pourquoi je pense qu'il est crucial que les Premières nations de la Saskatchewan et de tout le Canada deviennent des participantes à l'économie. Cela signifie qu'il faut identifier les lacunes sur le plan du capital et faire en sorte que nos diplômés accèdent à des emplois bien rémunérés. Nous n'insisterons jamais assez là-dessus.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Pourriez-vous nous dire votre opinion de la Loi sur les Indiens et si les Autochtones devraient collaborer avec le gouvernement fédéral? Faut-il abolir ou conserver la Loi sur les Indiens?
M. Lonechild : C'est une excellente question. Je vais vous donner mon opinion personnelle. Je crois qu'elle est partagée par beaucoup. La Loi sur les Indiens a imposé de nombreuses restrictions à la liberté des Autochtones, à leur faculté de gagner leur vie, à leur accès aux ressources et aux possibilités éducationnelles et économiques. Il faut reconnaître l'importance de la gouvernance des Premières nations, des institutions qui servent les Autochtones, de façon à mettre en place les ressources humaines et financières requises pour qu'elles puissent réaliser leur plein potentiel et élaborer des politiques qui soient adaptées aux espoirs et aux rêves des Autochtones, et non aux rêves des gouvernements provinciaux ou fédéral.
Le président : Bien dit.
Le sénateur Peterson : Préconisez-vous de séparer la gouvernance de la bande et le développement économique, en deux courants distincts?
M. Lonechild : Il est extrêmement important, en ce qui concerne les administrations du logement ou des services publics servant les membres, et même tout le développement économique, qu'il y ait une séparation claire entre l'exploitation de l'entreprise et les fonctions de gouvernance de la bande. Il faut à la table des experts pour prendre les décisions importantes sur l'avenir des entreprises et les activités de développement économique de la bande.
Le sénateur Peterson : Comment faire en sorte que les jeunes Autochtones reçoivent la formation dont ils ont besoin, non seulement pour satisfaire les besoins des Premières nations mais aussi ceux de l'industrie en général? Comme vous le savez bien, en Saskatchewan, la main-d'œuvre proviendra de la tranche d'âge de 18 à 25 ans. Dans quelle mesure y a- t-il là une difficulté et de quelle assistance avez-vous besoin pour assurer la disponibilité de tels employés?
M. Lonechild : L'une des ressources clés dont nous avons besoin pour les jeunes Autochtones et Métis, c'est le financement de la création d'entreprises. Pour vous donner un exemple précis, l'une de nos institutions dans la province est la Saskatchewan Indian Equity Foundation. Elle offre un prêt de 5 000 $ à des jeunes de 12 à 18 ans pour créer une exploitation d'élevage-naissage. Cela aide ces jeunes à acquérir des compétences telles que la comptabilité et l'autodiscipline requise pour exploiter une petite entreprise. Ce genre d'activité est très précieux dans la province de la Saskatchewan. Nous disons que nous cultivons des leaders en Saskatchewan. Ces jeunes entrepreneurs seront les décideurs de demain à Regina et Ottawa.
Le sénateur Merchant : Comment encouragez-vous les jeunes Autochtones à poursuivre leur scolarité alors que, souvent, leurs parents n'ont pas eu l'occasion d'apprécier les avantages de l'éducation? Que peut-on faire pour amener les jeunes à terminer les études secondaires? À Regina, nous avons maintenant la First Nations University of Canada, et je me demande dan quelle mesure elle peut contribuer à cet objectif. Est-ce que cette université exerce un attrait culturel suffisant pour les encourager à rester à l'école?
M. Lonechild : C'est une très bonne question et il convient de réfléchir à l'approche que nous suivons dans nos systèmes scolaires, du jardin d'enfants jusqu'à la 12e année. Nous devons rechercher des méthodes novatrices pour démontrer aux élèves, tant qu'ils sont encore à l'école, l'utilité pratique de l'éducation, leur montrer qu'elle est transférable sur le plan des emplois et opportunités. Cela exigera un profond remaniement des programmes d'enseignement, afin de les rendre concurrentiels, non seulement au niveau de la collectivité locale mais aussi de l'économie globale. Il nous faut des systèmes d'information géographique et un programme d'enseignement dans le cours moyen pour assurer que les conditions ambiantes soient prises en compte dans les processus pédagogiques. Il faut dispenser l'enseignement technique le plus avancé, mis au point par nos universités, pour leur permettre de travailler dans un secteur des ressources naturelles hautement concurrentiel. Nous devons veiller à ce que leurs études conduisent à des carrières intéressantes et des emplois bien rémunérés.
Notre université des Premières nations doit être culturellement adaptée mais doit pouvoir aussi dispenser une éducation de qualité qui puisse rivaliser avec celle offerte dans tout autre région ou pays.
Le sénateur Merchant : Quelles recommandations souhaitez-vous que ce comité formule pour vous aider à remplir tous vos objectifs?
M. Lonechild : J'aimerais que le comité recommande que nos jeunes soient mis en présence dans nos écoles de modèles de rôle venus de l'industrie, ingénieurs et autres spécialistes, et puis bénéficier de mesures d'éducation coopérative. Il importe également que des programmes soient en place pour soutenir les familles tout au long de la trajectoire. Il est essentiel que les parents soient là pour leurs enfants, car c'est probablement le facteur qui détermine le plus le succès ou l'échec des enfants autochtones.
Le sénateur Sibbeston : Je reconnais la différence entre les centres urbains et les régions rurales, et la plupart des Autochtones vivent en région rurale. Quelle est l'importance de l'exploitation de ressources telles que le pétrole et le gaz ou l'extraction minière pour la réussite des Autochtones?
M. Lonechild : Dans le sud de la Saskatchewan, les richesses naturelles, telles que le pétrole, le gaz et la potasse, sont vendues aux États-Unis. Il importe que les collectivités autochtones possèdent l'influence voulue pour non seulement participer à la mise en valeur de ces ressources mais aussi assumer la propriété de ces entreprises de grande envergure. À tous les niveaux, les gouvernements autochtones doivent avoir la possibilité de participer à tous les aspects de l'exploitation du pétrole et du gaz. Des ressources considérables quittent la province sans guère de transfert de valeur et de connaissances vers ces collectivités. La clé de la compétitivité future de ces collectivités réside dans le transfert des connaissances.
Le président : Vous dites que la Loi sur les Indiens continue d'ériger des barrières réelles et apparentes. J'ai tendance à être d'accord avec le sénateur Lovelace Nicholas pour ce qui est de la refonte de cette loi. Avez-vous des recommandations à formuler en vue du remaniement de la Loi sur les Indiens ou d'initiatives législatives qui pourraient aider les Autochtones sur le plan du développement économique?
M. Lonechild : La Loi sur les Indiens est désuète et présente des vices fondamentaux lorsqu'il s'agit de remplir les responsabilités fiduciaires envers les Premières nations. Elle ne fonctionne pas. Il faut un réoutillage des mécanismes législatifs touchant les Premières nations afin que ces dernières puissent construire sur un fondement qui leur est propre. S'il faut mettre au rebut la Loi sur les Indiens, alors que l'on réfléchisse à la manière de procéder. Ce qui se passe dans nos collectivités et en dehors n'est tout simplement pas acceptable.
Le président : Merci beaucoup. Malheureusement, il ne nous reste plus de temps. Je suis sûr que les membres du comité sont très satisfaits de votre présentation et de vos réponses franches et directes. Si vous avez d'autres renseignements à nous communiquer, veuillez les transmettre au comité et nous en tiendrons certainement compte lors de la rédaction de notre rapport. Je peux vous assurer que le rapport ne sera pas partisan et qu'il ira droit au cœur des défis qui confrontent nos Autochtones.
Collègues, nos prochains témoins représentent le Saskatoon Tribal Council. Il s'agit de M. Matthew Sherry, qui et le conseiller en développement économique, et de Wilma Isbister, directrice générale.
Matthew Sherry, conseiller en développement économique, Conseil tribal de Saskatoon : Monsieur le président, je remercie le comité sénatorial de son invitation à comparaître devant lui ce matin. J'apporte les salutations du chef tribal Joe Quewezance et des chefs des sept Premières nations qui composent le Saskatoon Tribal Council.
J'ai apporté des copies d'une présentation de diapositives que je passerai en revue une par une. La première diapositive montre notre logo et ceux des sept Premières nations qui composent le Conseil Tribal de Saskatoon : Whitecap Dakota, Muskoday, Mistawasis, One Arrow, Yellow Quill, Muskeg Lake Cree Nation et Kinistin Saulteaux First Nation. Nous comptons 10 000 membres visés par un traité qui se répartissent entre Saulteaux, Cris et Sioux, ce qui montre que nous sommes une organisation ouverte à la diversité.
Ma prochaine diapositive reproduit ce mot du chef Ovide Mercredi, ex-président de l'APN. Il a déclaré : « C'est le cheval économique qui tire la charrette sociale ». J'ai ici une photo d'une charrette qui représente le Conseil tribal de Saskatoon et mon cheval n'a aucune traction du tout. Notre conseil tribal administre un grand nombre de programmes sociaux. Malheureusement, notre cheval économique ne tire pas la charrette.
J'ai été embauché pour le Conseil tribal de Saskatoon en septembre 2004. Avant mon recrutement, le conseil a entrepris un travail de planification stratégique qui l'a amené à conclure : « Nous voulons être plus qu'une simple organisation de services sociaux. Nous voulons être un moteur du développement économique de la ville de Saskatoon et de la province de la Saskatchewan ». Il a élaboré un plan stratégique et, au cours des quatre mois suivants, j'ai mis sur pied une stratégie commerciale pour notre organisation.
En janvier 2005, j'ai soumis un plan de développement économique aux sept chefs, qui l'ont approuvé. Nous étions emballés et prêts à démarrer. Six semaines plus tard, AINC a annoncé la suppression de deux grands programmes de développement économique, le Programme d'initiatives pour l'acquisition des ressources et le Programme des grands projets. Cette décision a été un coup de poignard dans le cœur de notre plan de développement économique. Elle nous a très durement touchés. Il s'est écoulé un peu plus d'un an depuis.
Aujourd'hui, je vais vous faire part de certaines de mes opinions et expériences en milieu autochtone relativement à ce qui pourrait marcher et ce qui marche bien en matière de développement économique. Dans la prochaine diapositive, j'indique trois facteurs clés. Ces facteurs ne sont pas propres au développement économique des Premières nations, ils représentent simplement de bonnes pratiques commerciales qui mènent à la réussite. Il s'agit d'un leadership fort, d'une vision claire assortie d'objectifs réalistes, d'une gestion compétente, d'une bonne gouvernance d'entreprise et, dernier facteur, le capital, c'est-à-dire les dollars. Une entreprise pourrait réussir même en l'absence de l'un des quatre premiers facteurs. Autrement dit, vous pourriez ne pas avoir un leadership vraiment stable, mais si vous avez d'excellents gestionnaires, une vision et de l'argent, vous réussirez. Vous pourriez même supprimer deux de ces quatre premières conditions et réussir néanmoins, bien que le niveau de risque augmenterait considérablement. Cependant, si vous retranchez le capital, vous n'avez rien. Mon grand-père avait coutume de dire : « Matt, les paroles ne coûtent rien mais il faut de l'argent pour acheter du whisky ». Cela a l'air simple, mais voilà le défi auquel nous sommes confrontés.
Le premier des quatre facteurs clés est un leadership fort et stable. On trouve dans tout le pays des Autochtones présentant les qualités d'un leadership fort et stable qui ont conduit un développement économique vigoureux. Cependant, j'ai choisi comme exemple un homme proche de chez nous, le chef Harry Cook, qui a été chef de la Première nation de Lac La Ronge pendant 18 ans.
Le facteur suivant est une vision claire assortie d'objectifs réalistes. Si nous remontons 25 ans en arrière, il y avait beaucoup d'activité dans le nord de la Saskatchewan, au niveau provincial, avec l'expansion de l'industrie de l'uranium, et la bande indienne de La Ronge n'y a aucunement participé. La vision qu'elle avait était que la bande devait exploiter les possibilités commerciales à titre de propriétaire, si nous voulons guider le développement du nord d'une manière bénéfique pour nos collectivités. C'est réellement très simple.
Avec le chef Harry Cook, la bande a maintenu le cap et aujourd'hui, plus de 20 ans après, il existe une société du nom de Kitsaki Management qui compte 12 entreprises rapportant 70 millions de dollars et fournissant 450 emplois. Elle constitue un acteur économique important dans le nord de la Saskatchewan. Il n'a pas suffi pour en arriver là d'un simple vœu pieu, ou d'une vision forte ou d'un leadership stable : la société a engagé quelques bons gestionnaires et a bénéficié d'un apport de capitaux qui l'a aidée.
La première entreprise réussie était Northern Resource Trucking, et pour cela la bande a reçu l'aide du gouvernement provincial. Un certain nombre d'autres entreprises ont reçu un financement au titre de certains programmes d'AINC. Est-ce que Kitsaki a besoin d'une assistance aujourd'hui pour continuer à réussir? Probablement non, mais ce sont des gens d'affaires pas mal avisés et si un apport de capitaux lui était offert, je crois qu'ils sauraient quoi en faire.
La condition primordiale suivante est une gestion capable. Allan McLeod est le PDG du Tribal Council Investment Group of Manitoba, une société qui a vu le jour il y a 14 ans. Je pourrais chanter les louanges d'Allan mais d'autres que moi sont plus qualifiés pour décrire ses capacités. Il a récemment été choisi par KPMG et la Richard Ivey School of Business pour participer au programme Quantum Shift. C'est la reconnaissance par quelques véritables poids lourds du monde des affaires de son appartenance au groupe des 40 meilleurs jeunes entrepreneurs du Canada. C'est un Autochtone et cette société s'est réellement distinguée de par sa capacité à générer de la richesse pour son conseil tribal. Quatre-vingt-sept pour cent des cadres supérieurs sont autochtones, ce qui est plutôt étonnant. Ils ont pour vision de créer suffisamment de richesse pour assurer l'autosuffisance des Premières nations en devenant un acteur de premier plan dans l'économie du Canada et du monde. Allan voit grand. Si l'on ne voit pas grand, on ne deviendra jamais grand.
Vous voyez ensuite une liste des sociétés appartenant au Tribal Council Investment Group. La première qu'elle a achetée fut Arctic Beverages, un petit embouteilleur de Pepsi de Flin Flon dont nul ne voulait. Au cours des 12 années depuis que le groupe est propriétaire de la société, celle-ci a doublé son chiffre d'affaires. C'est la seule société d'embouteillage de Pepsi autochtone au monde. Depuis l'acquisition de cette compagnie, le groupe a investi dans 12 autres sociétés. Le groupe ne publie pas ses revenus mais je parie qu'ils sont proches du chiffre de 100 millions de dollars aujourd'hui.
Ils n'ont pas réalisé tout cela uniquement parce qu'Allan est un bon gestionnaire. Il avait une vision claire et il avait aussi le financement pour démarrer. Si Allan s'adressait aujourd'hui à AINC et demandait d'autres fonds parce qu'il a une autre bonne idée d'investissement, le ministère l'aiderait probablement parce qu'il n'a jamais commis d'erreur jusqu'à présent avec aucun investissement. Il va trébucher un de ces jours car personne n'est infaillible. Il n'a plus besoin du gouvernement fédéral aujourd'hui mais il en avait besoin alors, pour démarrer l'organisation.
Passant à la diapositive suivante, le Conseil tribal de Meadow Lake Tribal Council existe depuis 25 ans. Il possède 11 entreprises, 75 millions de dollars de revenu annuel et il a créé plus de 500 emplois directs. Il est le plus gros moteur du développement économique à Meadow Lake mais il n'y a rien de magique dans sa réussite. Ce sont toujours les mêmes facteurs à l'œuvre : ils avaient une vision, ils ont engagé quelques bons gestionnaires et ils ont obtenu un financement de démarrage. Aujourd'hui, ils n'ont probablement plus besoin d'une aide du gouvernement fédéral, mais ils en avaient besoin au début.
La diapositive suivante présente un certain nombre de points à considérer, et elle décrit la situation là où je vis en Saskatchewan et ce que nous faisons au Conseil tribal de Saskatoon. Il existe en Saskatchewan 74 Premières nations et sept conseils tribaux. Je dirais qu'il existe environ dix organisations qui réussissent et ont des programmes de développement économique viables. Si mon arithmétique est bonne, cela laisse 71 organisations autochtones qui n'ont même pas encore démarré. Bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire, il existe d'excellents modèles de réussite, dans l'Ouest du Canada, et quelques organisations qui ont connu un grand succès.
Notre conseil tribal est prêt à avancer, mais cela ne se fera pas tant que toutes les pièces ne seront pas en place.
Je formule quelques recommandations assez simples. Je pense qu'elles ne surprendront pas le comité après m'avoir écouté au cours des dix dernières minutes. Le capital est un ingrédient clé. Vous avez besoin de toutes les autres pièces mais sans l'argent, vous ne pourrez rien faire. Le gouvernement fédéral devrait rétablir le Programme des grands projets et le Programme des initiatives d'acquisition de terrains et de ressources afin d'assister les Premières nations avec leurs projets de développement économique.
AINC devrait maintenir son Programme des opportunités économiques communautaire qui a été introduit l'an dernier. C'est un très bon programme qui facilite le travail préparatoire nécessaire à l'acquisition d'une entreprise existante, soit toutes les vérifications et tout le difficile travail à effectuer en vue de prendre de bonnes décisions et monter des entreprises fructueuses, notamment plans d'affaires, études de faisabilité, expertise-conseil et formalités juridiques et structuration. Tout le travail à accomplir exige du temps, de l'énergie et de l'argent et ce programme est conçu pour faciliter cela. Nous en avons absolument besoin. Si le programme pouvait être assorti d'un financement du capital-actions, alors vous verriez se monter davantage de projets de développement économique autochtones couronnés par la réussite.
Je suis très fermement convaincu qu'il faut donner pouvoir aux administrations régionales d'intervenir dans le processus d'agrément. Si Ottawa devait débloquer encore 500 millions de dollars pour le développement économique au cours des sept prochaines années, j'espère que le ministère aurait la sagesse de confier le pouvoir de décision au niveau régional. Les administrateurs régionaux ne sont pas seulement dévoués, ils comprennent le caractère, la capacité et les besoins des Autochtones et ils sont les plus qualifiés à déterminer si un projet peut réussir en Saskatchewan.
Les initiatives de développement économique prennent du temps. Si vous me donnez un million de dollars pour démarrer mais pas de financement ultérieur, mon niveau de risque vient juste d'augmenter. Les engagements de financement à long terme sont essentiels.
Je vais citer le chef Harry Cook de la bande indienne La Ronge. Il a déclaré :
Le développement économique est une affaire de longue haleine; une entreprise prospère ne se construit pas en l'espace de quelques mois mais requière plutôt des années. Si la coopération entre les entreprises et les pouvoirs publics permet d'établir un climat économique propice pour les Premières nations, nous devons sans cesse nous rappeler que, en tant que dirigeants politiques, il nous incombe de formuler une vision à long terme pour un secteur commercial autochtone dynamique. Mais il ne nous appartient pas, à nous les politiciens, de gérer ces entreprises. Il faut laisser ce soin aux gestionnaires.
Je parlerai enfin du plan stratégique dressé par le Saskatoon Tribal Council avant mon engagement, et le plan d'activité formulé par la suite. Voici la vision que nous avons définie pour notre conseil tribal : mettre sur pied une société d'investissement sous propriété autochtone ayant pour but d'acquérir un groupe solide d'entreprises profitables qui puisse générer de la richesse et un développement économique viable pour le Conseil tribal de Saskatoon.
Je vais vous dire ce qui manque actuellement au Conseil tribal de Saskatoon : c'est l'ingrédient essentiel, le capital. Nous pouvons rivaliser avec le succès du Tribal Council Investment Group ou le Conseil tribal de Meadow Lake. Ils ont bénéficié d'une aide de démarrage; nous aussi en avons besoin.
Le président : Merci de votre exposé. Il n'est certes pas dénué d'enthousiasme.
Le sénateur Hubley : Je vous souhaite chaleureusement la bienvenue. Je suis de l'Est du Canada et c'est toujours un plaisir de visiter l'Ouest. L'accueil en Saskatchewan, et particulièrement à Saskatoon et La Ronge, a été exceptionnel. J'ai apprécié mon séjour et beaucoup appris.
Nous nous sommes rendus hier à La Ronge où l'on nous a beaucoup parlé du Kitsaki Management Limited Partnership. Lorsqu'une entreprise connaît la réussite, il est facile de regarder en arrière et de dire « C'était parce que nous avions une vision, nous avions la volonté, le leadership; nous comprenions les exigences de la gestion; nous avons construit des partenariats ». Ils ont aussi évoqué l'éducation.
Ce qui m'a le plus impressionné, c'est que, en dépit du succès, ils n'ont jamais perdu de vue la vision originale, soit d'améliorer le sort des membres des Premières nations avec lesquelles ils traitent. Leur prise de décisions ne s'est jamais écartée de cette vision.
J'aimerais que vous nous parliez du système éducatif en Saskatchewan et nous disiez si les écoles de formation professionnelle en sont un élément important. Je pense qu'il faut élargir notre vision de l'éducation de manière à identifier les compétences et donner une crédibilité éducationnelle à ces compétences par le biais de nos collèges techniques. La Première nation La Ronge a facilité l'éducation à distance de manière à rendre disponible l'enseignement dont ces jeunes ont besoin. Tout ce qu'ils ont fait est axé sur cette vision. La manière dont ils ont conçu tous leurs programmes doit être une source d'inspiration pour les 87 p. 100 des Premières nations qui n'ont pas encore commencé. J'ai trouvé ce nombre réellement surprenant vu que vous avez des exemples si brillants au sein de votre communauté. Pourrais-je avoir votre réaction?
M. Sherry : Je vais m'effacer devant Wilma Isbister car je la crois plus qualifiée que moi pour répondre à cette question.
Wilma Isbister, directrice générale, Conseil tribal de Saskatoon : Monsieur le président et sénateurs, le Saskatoon Tribal Council excelle dans l'exécution des programmes et la prestation des services. Nous fêtons cette année notre 25e anniversaire et c'est la tâche à laquelle nous nous sommes consacrés tout au long de ces 25 années. Nous appuyons nos Premières nations et les aidons à mettre en place les programmes et les services dans leurs réserves. L'éducation a toujours été une priorité pour nos dirigeants. Le Conseil tribal de Saskatoon, bien entendu, considère l'éducation comme un droit conféré par traité, mais nous avons également des responsabilités, individuelles et collectives, dans ce domaine.
Depuis tout juste un an, toutes les sept Premières nations membres ont des écoles dans leurs réserves. Mais toutes ne vont pas jusqu'à la 12e année. Certains élèves doivent encore quitter la réserve pour suivre l'enseignement des années supérieures. Nous reconnaissons que tout le monde n'est pas candidat à des études postsecondaires et nous avons travaillé fort, par le biais de notre programme de développement de la main-d'œuvre, pour mettre en place des programmes à l'intention de ceux qui ont besoin d'une formation technique et professionnelle et d'un apprentissage. Nous avons les programmes provinciaux Women in Trades qui donnent de très bons résultats. Je crois que 60 femmes ont trouvé des places d'apprentissage au cours des deux dernières années et accédé au rang de compagne d'apprentissage grâce à ce programme.
Nous focalisons sur la jeunesse de nos collectivités et nous avons depuis dix ans un programme qui donne de très bons résultats, du nom de Super Saturday, qui est un partenariat avec l'Université de la Saskatchewan. Récemment, le Saskatchewan Institute of Arts, Science and Technology nous a rejoint et certaines des sociétés d'État sont devenues des partenaires dans cette initiative. Nous avons placé 4 000 jeunes au cours des dix dernières années grâce à ce programme. Ce dernier consiste à prendre des enfants à partir de la troisième année pour leur donner une expérience dans le cadre universitaire, en combinant l'apprentissage académique et une composante culturelle. Nos aînés ont une grande place dans ce programme. Nous avons constaté que lorsque nos jeunes vivent cette expérience, ils acquièrent la confiance et la faculté de décider l'orientation académique qu'ils veulent suivre et il leur est plus facile, à la fin de leur 12e année, de suivre les études nécessaires à la réalisation de leurs objectifs. C'est un programme très fructueux. Je crois que le sénateur Dyck peut l'attester, puisqu'elle en a été partie prenante au fil des ans.
L'éducation est une priorité. Il existe des listes d'attente pour l'inscription des Autochtones dans les établissements postsecondaires, vu que nous ne pouvons former qu'un nombre limité chaque année. L'éducation, la formation et le perfectionnement professionnels représentent l'une de nos initiatives stratégiques, car nous voulons aider chaque Autochtone qui a le désir de suivre une formation professionnelle et technique ou d'autres études postsecondaires.
Le sénateur Peterson : J'ai apprécié votre dissertation sur le développement économique et je conviens pleinement que vous aurez beau avoir toute la vision et toute la planification stratégique et commerciale du monde, sans capital vous ne pouvez rien faire. J'appuie votre recommandation demandant le rétablissement des programmes de développement économique d'AINC.
Je crois savoir également que le ministère a en main beaucoup d'argent appartenant aux Premières nations. Avez- vous un plan stratégique pour récupérer cet argent qui vous appartient et l'utiliser pour le développement économique?
M. Sherry : Je ne sais pas où se trouve ce magot. Au niveau des bandes, quelques fonds ont été alloués aux Premières nations au titre des droits fonciers issus des traités, fonds qui ont été utilisés pour acheter des terrains.
Le sénateur Peterson : On nous a dit à d'autres réunions qu'AINC détient de l'argent qu'il conserve depuis des années et qu'il est très difficile d'y avoir accès; le Ministère semble considérer qu'il vaut mieux le conserver simplement en dépôt. Il me semble que si cet argent existe, il faudrait formuler un plan politique, peut-être pas à votre niveau mais certainement à celui de la FSIN, pour mettre la main sur cet argent.
M. Sherry : Je suis d'accord avec vous, et ce n'est pas bien compliqué. J'ai mentionné que 87 p. 100 des Premières nations de la Saskatchewan ne sont pas prêtes à mettre à profit les fonds pouvant être mis à disposition et à commencer immédiatement le développement économique, mais lorsqu'elles seront prêtes, elles auront besoin de financement. Il n'est bénéfique ni pour les Premières nations, ni pour la Saskatchewan ni pour le Canada de temporiser, avec tout un segment de notre société qui ne contribue pas à l'économie. Bien que toutes les Premières nations ne soient pas prêtes à ce stade, je sais que s'il y avait des programmes de financement, certaines seraient prêtes à démarrer.
Le sénateur Peterson : Pensez-vous que vos membres et les entreprises qu'ils exploitent obtiennent leur juste part des marchés du gouvernement fédéral?
M. Sherry : Non.
Le sénateur Peterson : Pourquoi?
M. Sherry : Je n'ai pas de réponse simple. Je peux formuler une observation : je pense que lorsque les Premières nations envisagent une possibilité commerciale, elles pensent qu'à titre d'Autochtones ils pourront faire affaires avec toutes les autres Premières nations de la Saskatchewan et que les sociétés de ces dernières voudront soutenir une organisation autochtone. Peut-être n'ont-elles pas de besoins spécifiques mais elles voudraient allouer une partie de leurs achats à d'autres entreprises autochtones. Par exemple, beaucoup pensent pouvoir monter une société qui vendrait du papier de toilette à toutes les autres Premières nations, toutes les sociétés et sociétés d'État de cette province et gagner ainsi beaucoup d'argent, simplement parce qu'ils sont Autochtones.
Malheureusement, ce modèle n'a pas très bien marché parce que certains ingrédients sont absents, tels que la qualité de la gestion et suffisamment de capitaux pour exploiter le créneau. En outre, une vision consistant à être une grosse société de distribution n'est pas réellement une vision, ce n'est que de l'ambition. Jusqu'à présent, les autres éléments manquaient à l'appel. L'occasion est mûre et attend d'être saisie, mais à quelques exceptions près, l'organisation laissait à désirer.
Mme Isbister : J'aimerais ajouter un mot à cela. Je sais que l'un des gros obstacles pour les entrepreneurs autochtones est la caution requise pour pouvoir soumissionner dans les appels d'offres lancés en Saskatchewan.
M. Sherry : Oui, c'est un gros obstacle. En outre, la communication et les contacts, la présence sur l'écran radar, laissent à désirer.
Le président : J'ai une question concernant l'accès au capital. Est-ce que vous pourriez trouver auprès d'AINC des capitaux si une bonne occasion commerciale se présentait à votre Conseil tribal de Saskatoon?
M. Sherry : Non. Il existe quelques programmes infrastructurels au niveau du logement et quelques autres programmes que l'on pourrait peut-être manipuler un peu pour faire un peu de développement commercial dans une réserve. Mais non, il n'existe pas de programme permettant d'acquérir une entreprise existante, ou de lancer une entreprise nouvelle ou de s'associer avec quelqu'un qui vient vous voir et a une excellente idée commerciale et veut s'associer avec vous mais a besoin d'un million de dollars.
Le président : Je crois savoir que sept ministères financent des initiatives autochtones au Canada. Industrie Canada en est un. Y aurait-il là des possibilités d'aide financière? Avez-vous essayé auprès de ce ministère ou bien vous limitez- vous à AINC?
M. Sherry : En fait, Entreprise Autochtone Canada offre des fonds mais ce n'est pas réellement un financement direct du capital-actions pour l'acquisition d'équipements fixes.
Un exemple est English River, qui vient de construire une nouvelle station d'essence urbaine à la périphérie est de la ville, sur la route de Regina. Au titre du volet technologique d'Entreprise Autochtone Canada, elle a pu obtenir des crédits pour mettre en place des systèmes de points de vente dernier cri qui autorisent la communication avec l'administration fiscale à Regina, ou l'installation d'un système de sécurité dernier cri pour surveiller les employés et les clients. Un financement est disponible pour ce genre de choses. Cependant, il n'y a réellement rien pour la construction de bâtiments. Vous ne pouvez utiliser ce type de financement pour construire la structure physique ou acheter des stocks. Vous pouvez faire certaines choses avec le financement d'EAC mais les montants disponibles sont minces. Je crois que, au total, EAC ne dispose que d'environ 16 millions de dollars pour tout le Canada, et environ 3 millions de dollars aboutissent dans l'Ouest.
Le président : Qu'en est-il des grandes institutions financières? Est-ce que les banques et caisses de crédit répondent aux besoins des collectivités autochtones? Elles le devraient, puisque toutes en tirent profit. Je sais que l'une des six grandes banques, à un moment donné, avait une initiative pour canaliser une partie de ses ressources vers le développement économique autochtone. Pouvez-vous nous en parler?
M. Sherry : Peu de choses ont changé au niveau des banques proprement dites. Toutes ont des départements autochtones et toutes veulent faire des affaires avec des entreprises autochtones, mais elles veulent le faire sur la base des modèles qu'elles ont créé pour le monde des blancs et qui ne sont pas réellement adaptés à nos besoins. Elles offrent des prêts adossés sur l'actif et ne veulent pas prendre de risque. Il leur faut un remboursement de source primaire, c'est- à-dire provenant de l'encaisse de l'entreprise ou de la liquidation de l'actif, ou s'il s'agit d'une entreprise de distribution, de la vente des stocks. Elles veulent également une source de remboursement secondaire, qui sera la liquidation de l'actif commercial et elles veulent être couvertes à un niveau deux fois supérieur à la valeur de l'actif. Je pourrais avoir 2 millions de dollars d'actif dans mon bilan, d'excellents stocks, un excellent parc roulant, mais la banque ne me prêtera qu'un demi-million de dollars sur un million parce qu'elle veut avoir une double garantie. Il n'existe réellement rien comme financement du capital propre.
Cependant, dans le secteur privé, beaucoup de sociétés sont très intéressées à devenir partenaires des Premières nations et à exploiter de bonnes possibilités commerciales si les Premières nations veulent bien leur faire un chèque. Cependant, personne ne veut être votre partenaire si vous ne vous engagez pas financièrement.
Le sénateur Merchant : Madame Isbister, le chef Lonechild nous a dit tout à l'heure que beaucoup de femmes montent des entreprises dans le nord de la Saskatchewan. Pourriez-vous peut-être nous brosser un tableau en nous indiquant si les jeunes femmes sont plus nombreuses que les jeunes hommes à faire des études et à terminer leur scolarité secondaire? En outre, quels sont les obstacles particuliers que rencontrent les jeunes femmes autochtones lorsqu'elles veulent monter une entreprise?
Mme Isbister : Les statistiques démontrent que les femmes parviennent mieux à combler leurs aspirations éducationnelles. Nombre de nos femmes ont dû quitter l'école à un jeune âge pour des raisons personnelles, et nous voyons beaucoup de femmes adultes reprendre les études. Nous avons beaucoup de mères célibataires de jeunes enfants qui suivent des études postsecondaires, notamment des cours de formation professionnelle et technique. L'aide financière est très limitée; je crois que l'allocation de formation qu'une personne peut recevoir de sa bande n'est que de 800 $ par mois. À Saskatoon, ou Toronto ou Vancouver, ces 800 $ ne vous mènent pas loin.
Je suis retournée à l'université il y a quelques années. À Saskatoon, la Banque Scotia a financé un centre d'études autochtones au College of Commerce. Lorsque je me tenais dans cette salle après les cours ou en soirée, je voyais arriver des jeunes femmes qui pleuraient et s'inquiétaient pour leurs enfants et qui n'avaient pas assez d'argent pour acheter de la nourriture en fin de mois. Elles ont des problèmes de transport et de garde d'enfants. Je ne pense pas qu'elles devraient connaître de tels soucis. Elles devraient pouvoir se concentrer sur les études et disposer des soutiens nécessaires pour traverser ce qui est pour elles une période très difficile.
Le taux de réussite des femmes qui se lancent dans les métiers techniques est très élevé. Comme je l'ai mentionné, notre programme Women in Trades marche très bien. Nous avons des femmes qui ont suivi ce programme après avoir passé dix années de leur vie dans le système correctionnel et qui ont réussi à terminer leur formation et travaillent actuellement pour des entrepreneurs en construction de Saskatoon, suivant un apprentissage pour obtenir le statut d'ouvrière qualifiée.
Les femmes autochtones rencontrent beaucoup d'obstacles et de défis. Il est difficile d'élever des enfants lorsqu'on est mère seule et la pauvreté est un gros problème dans la ville de Saskatoon. Il faut s'attaquer à cette pauvreté et nous pouvons le faire en veillant à ce que les femmes autochtones aient la possibilité de faire des études et d'acquérir une formation et, ensuite, de trouver un emploi.
Le président : Je vous remercie de votre participation aujourd'hui.
Accueillons maintenant le chef Darcy Bear, de la Première nation Whitecap Dakota, et M. Darrell Balkwill, directeur du Développement économique. Bienvenue au comité.
Le chef Darcy Bear, Première nation Whitecap Dakota : Merci de l'invitation à venir comparaître devant vous. Notre Première nation se trouve à 20 minutes du centre-ville de Saskatoon, vers le sud. Nous sommes implantés à cet endroit depuis 1879 et entretenons avec la Ville de Saskatoon un solide partenariat qui remonte à 1882. Lorsque John Lake, le fondateur de la ville de Saskatoon, cherchait un endroit où établir son centre administratif de colonie anti-alcoolique, il a rencontré le chef Whitecap et c'est ce dernier qui l'a en fait aidé à choisir l'emplacement. L'an prochain, cela fera 125 années depuis cette rencontre. La Ville de Saskatoon fête son centenaire cette année, mais son histoire remonte plus loin encore.
En ce qui nous concerne, parlant de développement économique, si vous regardez la façon dont ont été structurées les communautés des Premières nations, nous avons été placés à l'intérieur de petites îles appelées réserves et n'avons pas du tout participé à l'économie générale. Les seules activités économiques que nous avions étaient contenues à l'intérieur de nos frontières. J'ai été élevé par mes grands-parents, et lorsque mon grand-père voulait quitter la réserve, il lui fallait obtenir un laissez-passer. S'ils voulaient vendre leur récolte ou même abattre leur propre bétail qu'ils avaient dans la communauté, il leur fallait obtenir un permis auprès de l'agent des sauvages.
Un changement législatif est survenu récemment avec l'adoption du projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des premières nations. Notre collectivité a tenu un vote de ratification t nous avons adopté la Loi sur la gestion des terres des premières nations. On nous a dit que l'objet de cette loi est d'éliminer 25 p. 100 de la Loi sur les Indiens et de permettre aux collectivités de Premières nations de commencer à s'occuper du zonage de leurs propres terres et de signer des baux commerciaux à long terme et des baux résidentiels de 99 ans. Notre collectivité a en fait déjà vécu cet exercice.
En tant que petite Première nation, ne disposant que d'environ 4 700 acres, l'une des premières choses que nous avons faites a été d'envisager l'élaboration d'un plan d'occupation du sol : en d'autres termes, de déterminer le meilleur usage à faire de nos terres. On dit toujours que c'est le ministère de la Défense nationale qui se retrouve avec les pires terres au pays, et notre réserve est adjacente à une base militaire. Dans nos terres basses, nous avons beaucoup d'argile et c'est alcalin; dans nos terres de la partie supérieure, il n'y a que des dunes de sable. Ces terres sont inutilisables à des fins agricoles. Étant donné notre histoire en tant que peuple Dakota, et les Dakota étaient connus pour leur prouesse à cheval sur les plaines, l'une des choses qu'a faites notre collectivité a été de se lancer dans l'élevage bovin, activité qui s'est avérée être très productive. Dans les années 1930, nous comptions parmi les plus importants producteurs dans la région, avec plus de 500 têtes de bétail, tous des herefords de race pure. Malheureusement, en 1935, avec la Convention sur le transfert des ressources naturelles, nous avons perdu dix sections de terrain, ce qui nous a obligés à liquider notre troupeau.
En ce qui concerne la situation aujourd'hui, nous avons fait le zonage de toute la collectivité et ce par le biais d'un processus de consultation communautaire. Notre communauté tient chaque année à un minimum de quatre réunions avec nos membres — nous en avons d'ailleurs une prévue pour ce soir. Ces réunions ont pour objet de tenir nos membres au courant de ce qui se passe. Les différents secteurs sont explicités dans les trousses de renseignements qui vous ont été remises. Nous avons délimité des zones commerciales et de villégiature, et nous avons également créé un district commercial juste de l'autre côté de l'autoroute.
Nous avons également au sein de notre collectivité des zones que nous voulons protéger et maintenir dans leur état naturel. Les zones de conservation des ressources sont les espaces en vert foncé situés en bordure de rivière. Nous avons également certaines terres agricoles que nous utilisons. Celles-ci sont en vert pâle. Les zones de couleur jaune sont les zones résidentielles de notre collectivité.
Lors de la délimitation des zones de conservation des ressources, des zones commerciales et de villégiature et du district commercial, nous avons veillé à ce qu'il y ait une séparation entre le village même et l'activité commerciale, ce afin de respecter la vie privée des résidents dans leur quotidien. Il y a néanmoins de nouvelles possibilités qui arrivent dans la localité.
Pour faciliter tout ceci, nous avons non seulement établi le zonage de toutes nos terres, mais également élaboré un grand nombre de politiques et de règlements. Nous avons établi un droit de tenure à bail commercial de 49 ans, qu'une entreprise peut montrer à sa banque pour obtenir du financement pour ses activités. Cela est enregistré dans le registre des biens fonciers fédéraux. Nous avons par ailleurs adopté un règlement de taxe foncière et instauré un taux par mille proche de celui de la municipalité rurale de Dundurn, qui nous entoure. Nos évaluateurs sont les mêmes que ceux de la municipalité rurale de Dundurn. C'est la Saskatchewan Assessment Management Agency qui fait nos évaluations foncières, de telle sorte que c'est un terrain de jeu égal, que vous vouliez vous établir à Whitecap ou dans la municipalité rurale de Dundurn. Ce système a très bien fonctionné pour nous.
Nous avons par ailleurs adopté des règlements en matière de permis d'affaires et des ententes relatives à l'entretien des infrastructures. Toutes ces choses sont en place. L'étape suivante, bien sûr, a été d'offrir une infrastructure aux entreprises, et notre collectivité a dû investir 11 millions de dollars aux fins de l'installation d'aqueducs et d'égouts, d'un service Internet haute vitesse, d'un réseau élargi de distribution du gaz naturel et d'un réseau électrique triphasé. Ce sont là des choses qu'un grand nombre de villages et de petites villes considèrent comme essentielles mais qui sont en règle générale absentes des collectivités des Premières nations. Il y a eu un programme d'infrastructure et le gouvernement y a investi des ressources se chiffrant à environ 2,1 millions de dollars. Les gens ont parfois l'impression que les Premières nations continuent de recevoir tout le temps de l'argent. Or, partout au pays, villes et villages continuent de recevoir des ressources d'infrastructure. Je ne sais pas très bien pourquoi il y a cette perception; il faudrait que les gens comprennent que cet argent est destiné à de l'activité commerciale et à de la création de développement économique et de possibilités d'emploi.
Tout progresse bien et toute notre infrastructure sera en place d'ici l'automne. Tout ce qui restera à faire, ce sera le pavage des routes, qui sera fait au printemps.
Près de 100 millions de dollars ont été investis dans notre communauté. L'une des premières entreprises que nous avons implantées a été la Dakota Dunes Golf Links. Notre parcours de golf a été classé par le Golf Digest parmi les meilleurs au Canada pour 2005, et c'était la première fois qu'un terrain de golf de la Saskatchewan était ainsi honoré. Nous avons forgé un partenariat tout à fait unique. En tant que collectivité des Premières nations, nous ne disposons pas de beaucoup de capitaux, et nous avons eu cette chance que le MAINC ait eu à l'époque en place un programme de développement économique en vertu duquel nous avons obtenu 1,39 million de dollars pour lancer le projet. Il nous manquait encore de l'argent et c'est ainsi que nous sommes partis à la recherche de partenaires comme la bande indienne de Lac La Ronge, la Première nation Muskeg Lake ainsi que le Grand Conseil de Prince Albert. Nous quatre ensemble avons lancé ce projet, qui emploie aujourd'hui près de 60 personnes dont environ 70 p. 100 sont membres de Premières nations. Le terrain de golf est dans sa troisième année d'activité. Dans notre plan d'affaires, nous avions au départ prévu une petite perte pendant les deux premières années, après quoi nous espérions enregistrer un profit. Or, nous avons eu le bonheur de réaliser chaque année un profit.
Non seulement ce projet a créé de l'emploi pour des membres des Premières nations, mais il a également été un tremplin. Nombre de nos membres qui ont commencé à travailler là ont pu ensuite intégrer d'autres métiers et faire des apprentissages. Cette initiative a offert à nous tous dans la région de Saskatoon des possibilités formidables. Whitecap est une petite localité d'environ 230 habitants, dont 15 seulement sont sans emploi.
Un nouveau casino a été annoncé pour la Saskatchewan. Ce sera le cinquième casino exploité par la Saskatchewan Indian Gaming Authority et il est en train d'être construit sur nos terres des Premières nations. Il s'agit d'un partenariat entre le Conseil tribal de Saskatoon, la Federation of Saskatchewan Indian Nations et Whitecap. Ce projet créera encore 550 emplois dans la région. Il est également prévu de construire un hôtel, ce qui créera 100 emplois de plus. Nous comptons par ailleurs monter un parc industriel et un centre commercial. Nous aurons alors au-delà de 800 emplois a l'intérieur de notre réserve, tout à côté de Saskatoon.
Nous avons également établi des partenariats stratégiques avec la Ville de Saskatoon ainsi qu'avec les municipalités rurales situées entre Saskatoon et le lac Diefenbaker, à environ une heure et quart d'ici. C'est l'un des plus grands lacs de la région. Nous avons travaillé collectivement avec la Ville de Saskatoon, la municipalité rurale de Corman Park, la municipalité rurale de Dundurn, la municipalité rurale de Rudy et la municipalité rurale de Rosedale ainsi que les villes d'Outlook et de Dundurn, en vue de l'élaboration d'une stratégie de développement économique régional. Le corridor touristique que nous avons créé est bon non seulement pour les communautés des Premières nations, mais également pour les autres collectivités. Grâce à ce corridor touristique, nous pouvons examiner ensemble les possibilités touristiques et de services des régions rurales de la Saskatchewan. Ces collectivités non autochtones œuvrent ce moment même à leurs plans d'affaires. Cela a été très porteur pour toute la région. Au lieu de travailler l'un contre l'autre isolément, nous avons commencé à œuvrer ensemble, collectivement, en vue d'un solide développement économique.
Comme je l'ai dit, la Loi sur la gestion des terres des premières nations a été bonne pour notre collectivité. Elle était censée éliminer 25 p. 100 de la Loi sur les Indiens et faire quantité des choses merveilleuses. Or, elle est aujourd'hui en train de revenir aux mains du MAINC, qui y voit davantage une initiative de gestion de terres des Premières nations. Notre entente de financement initiale s'était chiffrée à 153 000 $, car nous prenions le contrôle de l'entière administration de nos terres. Auparavant, notre financement avait été de 91 000 $; on a depuis ramené notre financement à 85 000 $, soit moins que ce que nous recevions avec l'ancien système. Ce montant doit suffire pour la gouvernance de toutes nos terres, la gestion de tous nos baux et la rémunération d'un chef des terres. Il nous a fallu faire appel à des avocats et faire faire du travail d'arpentage. Nous sommes par ailleurs responsables de nos propres dossiers environnementaux. La prise en main de la gestion de nos propres terres a amené beaucoup de travail.
Il est question, à la page 25 de notre Accord de code foncier avec le Canada, de lois et de normes environnementales et de l'obligation d'œuvrer à une entente tripartite avec les gouvernements provinciaux et fédéral. Cela n'a cependant pas été abordé à ce jour. Je vais vous donner un exemple des normes environnementales en place chez nous. Il y a de cela quelques années, une personne qui se considérait entrepreneur a négocié une entente avec une sidérurgie ici en ville. Ils prenaient du fil de cuivre recouvert de plastique et provoquaient des incendies énormes dans notre collectivité. Les coûts de nettoyage se sont chiffrés à environ un demi-million de dollars et c'est bien sûr le MAINC qui a payé. Or, la peine maximale pouvant être imposée en vertu de la Loi sur les Indiens est de 1 000 $. Cette personne s'est alors rendue dans une autre localité, qui est également membre de notre conseil tribal, et y a fait la même chose. Cela a coûté un million de dollar encore en frais de nettoyage.
Nous devrions être en mesure de nous occuper de ces questions. Le gouvernement provincial a des lois plus exigeantes et des sanctions plus sévères pour protéger l'environnement. Pourquoi ne pourrions-nous pas en arriver à une entente tripartite sur les normes environnementales au lieu de reprendre de nouveau à zéro l'élaboration de lois? Les gouvernements fédéral et provincial ainsi que des Premières nation devraient être en mesure d'élaborer une entente tripartite qui protège l'environnement de telle sorte que ce genre de personne ne puisse pas s'en tirer avec une amende d'à peine 1 000 $. Voilà un cas de figure découlant de la Loi sur la gestion des terres des premières nations.
Je crois que cette année est la dernière de la Décision quinquennale du Conseil du Trésor de financer la Loi sur la gestion des terres des premières nations, et que celle-ci expire en mars 2007. Nous recommandons qu'il y ait une nouvelle formule de financement en vue d'aider les Premières nations qui veulent progresser, formule qui soit plus raisonnable et qui soit liée aux ressources et aux exigences en matière de dotation de personnel. Nous espérons que le gouvernement fédéral examinera sérieusement cette question et y consacrera les fonds requis. C'est une bonne initiative qui correspond à nombre de nos besoins.
A paru cette fin de semaine dans le journal un article disant que le ministre des Affaires indiennes, M. Prentice, parlait de changer les règles relativement aux terres de réserve en vue d'en faire des terres en fief simple. Nous ne sommes certainement pas favorables à cela. Nous estimons que cette propriété devrait demeurer collective. La Loi sur la gestion des terres des premières nations prévoyait un processus qui fonctionne et en vertu duquel vous pouvez offrir des droits de tenure à bail commercial à long terme. Vous pouvez également consentir des tenures à bail de 99 ans de telle sorte que les membres puissent détenir en propriété privée leurs propres habitations, et c'est ce qui se fait à l'heure actuelle. Nous avons obtenu tout récemment l'autorisation pour la construction d'un lotissement de 27 lots à Whitecap, avec des baux de 99 ans. Les membres de la collectivité peuvent aller à la banque et obtenir leur propre hypothèque et construire leur propre maison. Ce sera pour eux un actif car ils pourront vendre leur bien sur le marché libre. La terre continuera d'appartenir à la réserve collectivement, étant donné qu'il y aura un bail de 99 ans. Ce n'est pas différent des parcs nationaux, à l'intérieur desquels l'on consent, je pense, des baux de 49 ans pour des chalets.
D'un point de vue commercial, cela paraît tout à fait logique. Ici même à Saskatoon, nous avons un exemple parfait. Prenez Preston Crossing, qui compte tous ces commerces grande surface; ceux-ci ont été érigés sur des terres qui appartiennent à l'Université de la Saskatchewan et sont couverts par des baux de 49 ans pour le développement commercial. Cela existe et cela fonctionne. Le ministère des Affaires indiennes a déjà en place un système avec lequel il peut travailler, même si davantage de ressources seraient nécessaires en vue du perfectionnement du système.
Un autre problème que nous avons relativement à l'accession à la propriété est qu'en tant que Première nation, du fait de l'article 89 de la Loi sur les Indiens, nous ne pouvons pas posséder de biens immobiliers dans la réserve du fait que ceux-ci ne puissent pas être saisis par la banque. Il nous faut donc nous adonner à un petit jeu : nous créons une société que nous possédons et c'est la société qui détient les titres pour notre habitation. Voilà ce qu'il nous faut faire pour être en mesure de bâtir sur les 27 lots visés dans le plan actuel. Ces types d'obstacles existent toujours et il devrait y avoir une loi qui permette à une Première nation d'adhérer à un tel régime ou de s'y soustraire. Si je veux faire construire une maison dans ma localité et que j'ai un bail de 99 ans, pourquoi devrais-je créer une société propriétaire du titre correspondant à ce lot visé par un bail de 99 ans? La même chose s'applique d'ailleurs aux entreprises, du fait de l'article 89 de la Loi sur les Indiens. Vous ne pouvez pas, cela est clair, être propriétaire unique dans la localité. Il vous faudrait avoir une société pour pouvoir louer des terres auprès de la collectivité.
Il y a un certain nombre de choses que je voulais porter à votre attention. La Loi sur la gestion des terres des premières nations a, certes, été bonne pour notre collectivité. Elle permet aux peuples des Premières nations de vendre sur le marché des produits de classe mondiale, de participer à l'économie, et je veux parler ici non seulement des économies régionales et nationale, mais bien de l'économie internationale. Il y a des gens d'Irlande, de Nouvelle- Zélande et d'Australie qui viennent jouer au golf sur notre terrain. Notre parcours de golf est international et il est d'excellente qualité.
L'autre chose que je devrais mentionner est qu'il est très malheureux qu'il n'y ait plus de programme d'équité au MAINC. Le financement reçu par les communautés des Premières nations est très limité et n'a jamais été suffisant face à nos besoins. Nous avons cette chance qu'il y ait un accord de transfert financier avec le Canada, de façon à disposer de ressources flexibles, et si nous parvenons à économiser de l'argent sur les services sociaux, alors nous pourrons réinvestir ces fonds dans le logement. Nous ne disposons cependant pas de ressources suffisantes. Il y a de nombreuses initiatives auxquelles nous ne pourrons pas participer du fait que nous ne disposions pas des capitaux de démarrage nécessaires. Lorsque le gouvernement fédéral, par le biais du MAINC, avait un programme de développement économique, les choses fonctionnaient en fait très bien ici, en Saskatchewan. La FSIN avait un comité qui examinait tous les plans d'affaires et qui éliminait les initiatives qui ne pouvaient pas être viables. Le système commençait à bien fonctionner et un grand nombre d'entreprises, y compris les Dakota Dunes, ont pu se réaliser grâce à ce processus.
Il serait certainement bon de voir implanter à l'avenir quelque programme de développement économique pouvant consentir les capitaux d'amorçage, étant donné que les Premières nations ont un accès limité au capital. Cela aiderait en tout cas beaucoup à faire avancer les choses. Je pense que l'ancien programme pouvait financer jusqu'à 25 p. 100 du projet. Si cela ne dépassait pas le demi-million de dollars, on en traitait à l'échelle régionale, sans quoi le dossier était renvoyé au siège social. Il existe un programme d'infrastructure qui est toujours en place et qui est très important, lui aussi, pour les Premières nations.
Le sénateur Peterson : Merci, chef, de votre exposé. Vous méritez en tout cas d'être félicité pour votre vision et votre esprit d'entreprise.
J'aimerais vous poser une ou deux questions afin de mieux comprendre votre façon de fonctionner. Quel est l'organe responsable dans toute cette entreprise? Est-ce la bande ou une société?
M. Bear : C'est la Première nation elle-même. En vertu de la Loi sur la gestion des terres de premières nations, Whitecap peut négocier directement des baux. Par le passé, en vertu de la Loi sur les Indiens, il nous fallait passer par l'intermédiaire de la Dakota Land Holdings, une société, pour gérer nos affaires.
Le sénateur Peterson : Le MAINC a-t-il un droit de regard? Dans quelle mesure tout cela est-il garanti? Peut-il y avoir des changements et, dans l'affirmative, qui peut les apporter?
M. Bear : Il s'agit d'une entente-cadre entre le Canada et la Première nation, et chaque collectivité doit voter sur son propre code foncier, de telle sorte que le code foncier fait l'objet d'un vote et le nôtre a été ratifié par les membres mêmes de la communauté de Whitecap. C'est à chaque collectivité qu'il revient de déterminer quoi inclure dans son code foncier. Nous avons quant à nous inclus des intérêts de tenure à bail de 99 ans car l'entente-cadre autorise cela, est les membres de notre communauté étaient en faveur. Nous y avons également inclus des intérêts de tenure à bail commercial de 49 ans. Nous pouvons consentir des baux de plus de 49 ans. Si, par exemple, une société voulait un intérêt de tenure à bail commercial de 75 ans, ce serait chose possible, mais il faudrait que ce soit ratifié lors d'une réunion communautaire.
Le code foncier lui-même est constitué des règles élaborées par la collectivité. L'entente-cadre est l'entente intervenue entre le Canada et les Premières nations. Cet accord établit simplement ce qui peut et ce qui ne peut pas être inclus dans nos codes fonciers. Ce à quoi l'on n'a cependant pas songé c'est la façon dont une Première nation peut modifier son code foncier. Nous appliquons le nôtre depuis 2003, et ce tous les jours, et nous voyons donc quelles choses doivent être changées. Il s'agit de changements mineurs, mais pour modifier l'accord, il faut rependre à nouveau tout le processus de ratification. Il devrait exister une façon de modifier l'accord à l'intérieur de l'entente-cadre.
Le sénateur Hubley : Hier, nous avons visité la région de La Ronge et avons entendu dire que l'un des défis des gens là-bas est le partage des pouvoirs entre Autochtones en réserve et Autochtones hors réserve vivant au sein de ces collectivités et le fait que dans certains cas il y a intégration des deux. L'exemple qu'on nous a donné était celui d'un groupe de jeunes se rendant à une partie de hockey. Un bus arrivait d'un côté de la route et la moitié des enfants montaient à bord pour se rendre à la patinoire. Un autre autobus venait ramasser les enfants de l'autre côté de la rue pour les y emmener. Les enfants montaient dans l'un ou l'autre des deux autobus selon qu'ils vivaient en réserve ou hors réserve. J'aimerais savoir comment vous avez géré votre projet et comment vous traitez ce genre de situation.
M. Bear : Dans quel contexte? En réserve et hors réserve?
Le sénateur Hubley : Est-ce que ce sont des terres de la réserve que vous avez divisées en différentes sections?
M. Bear : Il ne s'agit pas uniquement de terres de réserve. La Loi sur la gestion des terres des premières nations nous accorde le pouvoir de zoner nos propres terres et de consentir ces droits de tenure à bail commercial à long terme. Nous sommes également en fait propriétaires en fief simple de certaines terres. Nous avons acheté autour de notre collectivité environ sept quarts de section en fief simple, mais nous n'en avons pour le moment encore rien fait.
Le sénateur Hubley : Si toutes ces terres sont contenues dans la réserve, vous n'avez pas à vous inquiéter des services à y installer, comme ce serait le cas si une partie des terres était hors réserve.
M. Bear : Nous n'avons jusqu'ici pas été confrontés à une telle situation, mais nous possédons un terrain adjacent que nous envisageons de développer. Du fait qu'il soit adjacent, tous nos services y seraient accessibles. Nous ne toucherions pas de taxes y correspondant; les taxes seraient versées à la municipalité rurale du fait que ces terres soient détenues en fief simple. Le régime fiscal est encore un autre élément auquel nous avons travaillé. Nous comptons, par le biais de notre règlement relatif à l'impôt foncier, bâtir une collectivité durable avec notre taux par mille et percevoir les taxes. Comme c'est le cas de n'importe quelle collectivité, une partie de l'argent perçu sous forme de taxes est utilisée pour offrir des services aux entreprises, assurer le déneigement des routes et d'autres choses du genre, et une partie est réservée à des programmes communautaires, et nous comptons ainsi financer certains volets qui sont à l'heure actuelle sous-financés.
Nous sommes par ailleurs l'une des seules Premières nations en Saskatchewan qui ait une entente relative à la TPS pour le carburant, les produits du tabac et les boissons alcoolisées. En gros, les commerçants continuent de verser cet argent à l'Agence du revenu du Canada, puis, en vertu d'une entente que nous avons avec elle, cet argent est reversé à Whitecap. Il ne s'agit pour le moment pas d'un gros montant, mais, selon des estimations plutôt conservatrices, nous comptons accueillir dans notre collectivité quelque 1,4 million de visiteurs, et ces revenus vont donc aller en augmentant. À l'heure actuelle, nous recevons entre 40 000 $ et 60 000 $ et le montant devrait au bout d'un certain temps atteindre environ un demi-million de dollars annuellement. Nous n'appelons pas cela la TPS; nous appelons cela une redevance, la Whitecap Community Improvement Fee, et les revenus que celle-ci nous procurera seront utilisés pour assurer une meilleure qualité de vie aux membres de notre collectivité. C'est ce à quoi cet argent sera destiné : la construction de centres de loisirs, de patinoires, et d'autres choses du genre que ne possèdent pas les collectivités des Premières nations du fait qu'elles n'obtiennent pas de financement pour ces genres de choses.
Le sénateur Merchant : De quelle façon la qualité de vie dans votre réserve a-t-elle été améliorée grâce aux réussites que vous venez de décrire? Avez-vous un bon approvisionnement en eau potable, des logements de bonne qualité et parvenez-vous à retenir vos jeunes gens grâce aux emplois que vous créez? Ces jeunes gens acquièrent-ils des compétences? De quelle façon tout ce bon travail que vous faites se traduit-il en une amélioration de la qualité de vie des résidents?
M. Bear : Il est dommage que vous n'ayez pas visité notre collectivité, car elle n'est qu'à 20 minutes d'ici. Si vous vous étiez rendu, vous auriez constaté la différence sur le plan qualité de vie. Pour ce qui est de notre parc résidentiel, celui-ci compte à l'heure actuelle environ 65 unités et nous sommes en train d'en construire 20 autres, et il y en aura encore 27 autres qui seront détenus par des particuliers. Le stock de logements est bien entretenu. Si vous alliez vous promener dans nos rues, vous verriez que nous avons modernisé et rénové toutes les maisons et veillé à ce que soient réglés les problèmes de salubrité qui pouvaient exister. Il nous a fallu recourir au programme de l'article 95 pour les logements en location en réserve, qui représentent la majorité de nos logements car les gens n'ont pas l'argent qu'il faut pour se faire construire des maisons. Le gros de ces maisons ont donc bénéficié du Programme d'aide à la remise en état des logements.
Les fonds d'immobilisations pour le logement sont plafonnés depuis 1989. À l'époque, on utilisait une formule qui prévoyait 33 000 $ pour la construction d'une maison. Selon cette formule, nous ne recevons que le financement requis pour environ 2,5 maisons. Bien sûr, aujourd'hui vous ne pouvez pas bâtir une maison pour 33 000 $. Il en coûte un minimum de 100 000 $ par unité. Face aux besoins qui existent en matière de logement, cette formule doit être modifiée pour refléter les prix d'aujourd'hui. Si un financement suffisant était consenti, il serait possible d'utiliser cet argent comme levier pour construire davantage d'unités.
En ce qui concerne les possibilités d'emploi, nous avons en fait constaté ce que j'appellerais une pression de conformité par les pairs inverse. Par le passé, lorsqu'il y avait chez nous beaucoup de chômage, les gens se contentaient de demeurer chômeurs. Maintenant que nous avons beaucoup d'activité, par exemple dans la construction — nous avons le chantier du casino et des projets d'infrastructure —, les gens commencent à dire : « Eh bien, je travaille, pourquoi ne travailles-tu pas? » Aujourd'hui, toutes les personnes capables de travailler ont un emploi. Des 15 personnes qui sont à l'heure actuelle au chômage, je pense que cinq d'entre elles ne travailleront jamais. Toutes les collectivités ont, je pense, des gens comme cela. Nous œuvrons aux côtés de ces 15 personnes pour les inscrire à quelque programme. Nous leur avons tout récemment offert un programme de dynamique de la vie et certaines d'entre elles ont depuis suivi des cours de perfectionnement et seront un jour de précieuses ressources humaines.
Nous avons beaucoup de bons partenariats dans le secteur de l'éducation. Nous en avons un avec la Saskatoon School Division, avec laquelle nous partageons un agent de liaison autochtone. Nous avons à Whitecap une école qui accueille des élèves de la maternelle à la 6e année, et nos élèves de la 7e à la 12e années sont transportés par autobus à Saskatoon. L'agent de liaison autochtone suit nos étudiants et leurs résultats scolaires en ville. Nos enfants des 7e et 8e classes vont à Victoria School, les enfants de la maternelle à la 6e année de la Victoria School viennent en visite à Whitecap, et nos enfants de la maternelle à la 6e année se rendent en visite à la Victoria School, de telle sorte que lorsque nos jeunes vont à cet établissement pour les 7e et 8e années, les élèves se connaissent déjà entre eux. Cela fonctionne très bien pour nous et notre taux de rétention a augmenté. Côté postsecondaire, nous commençons à produire des diplômés des programmes d'études de commerce et de soins infirmiers. Nous ne produisons plus seulement des diplômés en enseignement et en travail social.
Notre conseil tribal a également, avec l'Université de la Saskatchewan, un projet appelé Super Saturday. L'objet de ce projet est d'intéresser les étudiants à la mathématique et aux sciences et ce programme a été très efficace. L'on y apprend aux étudiants qu'ils n'ont pas à avoir peur des maths et des sciences et que s'ils étudient ces matières, cela leur ouvrira quantité d'autres portes.
En ce qui concerne les métiers, nous avons un bon partenariat avec le Saskatchewan Indian Institute of Technology, ici à Saskatoon. Le Saskatoon Tribal Council, la FSIN et la SIGA travaillent avec cet institut. Il nous faut quantité de gens de métier et le SIIT offre aux gens des cours accélérés de deux semaines et les finissants sont alors embauchés comme apprentis par les entrepreneurs travaillant à Whitecap. Cela nous est d'une aide énorme pour ce qui est des métiers. Les gens disent qu'il y a une pénurie de main-d'œuvre à Saskatoon, mais nous avons la chance de pouvoir puiser dans une importante population autochtone urbaine. Il y a environ 20 000 membres des Premières nations vivant ici et il y a parmi ce groupe un taux de chômage élevé, problème auquel nous devons sérieusement nous attaquer. En Saskatchewan, les employeurs comptent sur l'immigration. Or, il y aurait lieu de songer également aux Autochtones pour pallier la pénurie de main-d'œuvre dans cette province.
Pour ce qui est de l'approvisionnement en eau, nous comptons vraisemblablement parmi une poignée seulement de Premières nations qui comptent des opérateurs de station de traitement d'eau accrédités, et nous venons en fait tout juste de monter une deuxième usine de filtration d'eau pour activités commerciales, la station de traitement existante étant trop petite pour satisfaire les plus importants besoins commerciaux. Elle sera mise en service plus tard cette année, et nous allons donc faire du recrutement pour elle. Il s'agit d'une entreprise de service d'utilité publique détenue par la Première nation, et c'est donc encore une autre initiative qui nous appartient. Nous allons facturer au compteur pour la totalité de l'eau, car il n'y a aucune entente avec le MAINC pour le financement de stations de traitement d'eau commerciales et il faudra donc qu'il s'agisse d'une opération autonome. Tout comme la Ville de Saskatoon vend de l'eau à ses citoyens, nous allons, nous, vendre de l'eau aux entreprises, et l'argent que cela nous rapportera sera réservé à des fins de dépenses de capital et de salaire. D'après le modèle que nous avons préparé, nous sommes confiants que ce sera une réussite.
Le sénateur Dyck : Chef Bear, vous nous avez fait un excellent exposé. Je serais curieuse de savoir ce que vous jugez être les facteurs clés dans votre réussite. Il semblerait que la Loi sur la gestion des terres des premières nations ait joué un rôle important. Les terres sont en vérité votre ressource et vous vous en servez pour lancer diverses initiatives. On nous a dit plus tôt ce matin et hier qu'il faut déjà avoir de l'argent pour pouvoir réaliser quoi que ce soit, et je ne sais trop d'où est venu votre capital initial.
M. Bear : Oui, la Loi sur la gestion des terres des premières nations a été un élément clé de notre réussite sur les plans développement économique et développement communautaire, car nous ne pouvons pas oublier le volet résidentiel. Les nouvelles possibilités de propriété privée résidentielle viennent renforcer l'autonomie de nos membres, qui peuvent maintenant construire les maisons qu'ils veulent avoir. Au fur et à mesure qu'ils s'instruisent et gagnent de meilleurs salaires, ils acquièrent les moyens de se payer une hypothèque et de se faire construire le genre de maison qu'ils veulent. S'ils veulent ajouter à leur unité un garage à deux places, alors pourquoi ne devraient-ils pas pouvoir le faire?
Pour ce qui est du financement initial, nous avons élaboré un règlement en matière de droits d'aménagement. Dans le cas de toute nouvelle entreprise désireuse de s'implanter à Saskatoon dans une zone sous-développée, l'entreprise et la ville négociaient la part d'investissement devant venir de la municipalité et la part devant être contribuée par l'entreprise en vue de l'installation des éléments d'infrastructure nécessaires. Nous nous sommes, de la même façon, dotés d'un règlement en matière de droits d'aménagement et nous assoyons avec les intérêts commerciaux pour négocier leur part et celle devant revenir à la collectivité.
Par exemple, dans le cas du casino, nos coûts d'infrastructure se chiffrent à environ 11 millions de dollars, et la part revenant à la SIGA est de 4,7 millions de dollars. Le gouvernement fédéral y a mis 2,1 millions de dollars et la balance sera payée par Whitecap grâce à un prêt qui sera remboursé sur plus de 15 ans par les recettes fiscales. Voilà comment nous avons financé l'infrastructure nécessaire pour attirer dans la collectivité de nouvelles entreprises.
Le sénateur Dyck : Pour ce qui est de la propriété résidentielle par les particuliers, je sais qu'il y a certains conflits entre la loi provinciale et la Loi sur les Indiens. Dans les cas de rupture de mariage, la Loi fédérale sur les Indiens l'emporte sur les lois provinciales pour ce qui est des biens matrimoniaux. Quelle est la situation pour ce qui est de votre Première nation?
M. Bear : En vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations et des arrangements en matière de codes fonciers entre le gouvernement fédéral et les Premières nations, chaque collectivité qui ratifie un code foncier doit avoir une loi sur les biens immobiliers matrimoniaux. Whitecap a un règlement sur les biens matrimoniaux qui a été approuvé par le gouvernement fédéral.
Le sénateur Dyck : Vous avez un règlement qui serait l'équivalent de la loi provinciale?
M. Bear : Notre règlement l'emporterait certainement sur la loi provinciale, mais elle a de toute façon été approuvée par le gouvernement fédéral; elle est juste. Que vous soyez une femme ou un homme, il est clair qu'il faut un équilibre entre les droits. Qu'advient-il des enfants? Qui détiendra la maison? Toutes ces choses sont abordées dans le règlement.
Le sénateur Dyck : Je suis heureuse d'entendre cela.
Le sénateur Sibbeston : Je suis intéressé par l'esprit et la motivation de vous-même et de vos membres s'agissant de votre lancement dans les affaires. Est-ce un intérêt qui a toujours animé votre peuple ou bien s'agit-il d'un phénomène survenu au cours des dernières années? Qu'est-ce qui vous a lancés sur cette voie de recherche de développement économique? Nous avons entendu dire plus tôt que 87 p. 100 des Premières nations de la Saskatchewan ne participent à aucun programme de développement économique. Nous sommes allés à La Ronge et y avons constaté la participation des gens à l'activité commerciale, mais il est clair que ce ne sont pas toutes les Premières nations de la Saskatchewan qui font de même. Je serais curieux de savoir quand vous avez commencé à vous lancer en affaires, y voyant un moyen pour vous et pour votre peuple d'améliorer vos vies et d'asseoir votre avenir.
M. Bear : J'en suis à ma douzième année comme chef de Whitecap, et j'avais servi pendant trois années avant cela. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Lorsque j'ai pour la première fois été élu, notre Première nation connaissait une situation financière catastrophique. Nous avions énormément de comptes débiteurs en retard et une lourde dette par rapport au financement que nous recevions. Il nous a tout d'abord fallu déterminer à qui nous devions de l'argent, et pourquoi; certaines des factures n'étaient même pas légitimes. Il n'y avait en place aucune politique financière. Il nous a fallu mettre en œuvre un plan de gestion financière pour nous sortir de notre situation d'endettement. C'est ainsi que nous avons mis en œuvre un plan de gestion financière triennal et il ne nous a en fait fallu que deux années pour éponger nos dettes.
À partir de ce moment-là, nous avons commencé à élaborer des politiques financières et de gouvernance. Par exemple, devrais-je avoir le pouvoir de prendre seul un engagement pour le compte de ma bande? Non, je ne le devrais pas; il faut que soient en place des freins et contrepoids. J'estime que pour qu'une quelconque collectivité puisse progresser, il lui faut, pour commencer, des bases financières saines et solides. Malheureusement, le financement que nous obtenons pour les services essentiels, appelé financement du soutien des bandes, est très insuffisant, de telle sorte que nombre de Premières nations n'ont les moyens que d'embaucher des commis. Nous avons la chance d'avoir dans notre bureau un comptable général licencié. Toutes les collectivités ont besoin de services professionnels.
Le financement devrait être axé sur les services essentiels, les professionnels essentiels dont la collectivité a besoin pour être bien conseillée. Pour une petite Première nation, il faut X postes pour que les choses tournent bien. Il vous faut certainement un comptable général licencié, il vous faut quelqu'un qui s'occupe du développement économique, des travaux publics, du logement et de l'éducation. Il vous faut des directeurs professionnels de tous ces volets. Chaque bande a besoin de tout un menu de services; une bande de taille moyenne a besoin de cela et de plus encore, et les bandes de plus grande importance ont besoin d'encore plus. Voilà le genre de financement qui est nécessaire pour administrer comme il se doit, et de façon professionnelle, une collectivité. Si vous ne pouvez pas compter sur des services et des conseils professionnels, alors comment pouvez-vous prendre de bonnes décisions?
Nous avons eu de la chance. Nous nous sommes entourés de professionnels et sommes en mesure de prendre de bonnes décisions. Nous tenons mensuellement des réunions financières et savons à tout moment quelle est notre situation précise. Cela nous a vraiment aidé avec nos prises de décisions. Nous avons élaboré toutes nos politiques en matière de gouvernance et tout est axé sur la collectivité. Comme je l'ai indiqué, nous tenons au moins quatre réunions communautaires chaque année et c'est la collectivité qui élabore les politiques, et non pas moi, ni mon conseil. Ce sont les membres qui inscrivent dans nos politiques financières, de logement, de santé, d'éducation et d'éducation postsecondaire ce qu'ils veulent y voir, et c'est ensuite à nous de les réaliser. Ils les adoptent et le conseil les ratifie. Le processus a bien fonctionné. Il vous faut la reddition de comptes, il vous faut la gouvernance puis, bien sûr, il vous faut une infrastructure.
Je suis né à Saskatoon, mais j'ai été élevé à Whitecap par mes grands-parents. Lorsque j'étais jeune, je coltinais l'eau; il nous fallait couper du bois, car nous avions un poêle à bois. Il nous fallait creuser des trous pour les bécosses et ainsi de suite. Nous n'avions ni eau courante ni égouts. J'ai 38 ans, mais c'est comme si j'avais été pionnier. Pourtant, nous vivions à côté d'une ville qui jouissait de tous ces services et qui les tenait pour acquis. Les choses ont changé grâce à une autre stratégie que nous avons mise en place. Nous avons réfléchi à la façon de fournir à la collectivité eau, égouts, une nouvelle école, un centre de santé, et d'autres choses du genre. Les choses ont évolué lentement.
Une fois que nous avions réuni tous les morceaux et installé les fondations, nous avons commencé à réfléchir à l'élaboration d'un plan de développement économique et à la façon de nous y prendre pour financer le développement économique. Nous avons, bien sûr, commencé par examiner nos forces et nos faiblesses. Notre base territoriale, située à côté d'une base militaire, comme je l'ai déjà dit, compte parmi les pires terres agricoles qui soient. Cependant, ces terres sont parfaites pour un parcours de golf. Elles se drainent très bien. Il peut pleuvoir, mais la terre absorbe le tout et les gens peuvent aussitôt ressortir jouer. Cela a véritablement été merveilleux.
Nous avons récemment parcouru le pays et forgé un certain nombre de très bons partenariats avec d'autres Premières nations. Nous allons à Kamloops et les gens de là-bas viennent ici — ils arrivent en fait la semaine prochaine. Nous entretenons également des relations avec d'autres Premières nations de cette province qui réussissent bien. Lorsque vous commencez à rencontrer d'autres Premières nations qui réussissent et à discuter de stratégies et à partager vos idées, cela peut vraiment amener des retombées pour votre localité. Nous avons emprunté beaucoup d'idées à Kamloops, dont Manny Jules était le chef il y a des années. En fait, Manny vient nous rendre visite le 18 octobre, mais le chef actuel vient la semaine prochaine pour assister à cette conférence du Conseil pour l'avancement des agents de développement autochtones ou CAADA, et ils souhaitent nous rencontrer également, et c'est ainsi que nous maintenons cette bonne relation.
Nous avons également des relations avec la Première nation Westbank, à Kelowna, avec le chef Robert Louie et le chef Sandford Bigplume, et avec la Première nation Tsuu T'ina, à Calgary. Nous avons parcouru la région et rencontré d'autres Premières nations pour voir ce qu'elles font, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et pour recueillir des idées. C'est pourquoi certains des baux que nous avons conçus sont, je pense, parmi les meilleurs baux que l'on puisse trouver aujourd'hui. Même le bail résidentiel de 99 ans compte une clause de renouvellement et une formule de renouvellement, de sorte que vous puissiez renouveler à tout moment et repartir avec un bail de 99 ans ou alors vendre le bien à sa pleine valeur marchande. C'est ainsi que les maisons ne vont pas perdre de valeur; elles devraient, au contraire, en prendre. Malheureusement, à Tsuu T'ina, il n'y a pas de clause de renouvellement, de telle sorte qu'au fur et à mesure que les baux approchent de leur date d'expiration et passent en dessous du cap de 40 ans, les maisons perdent de leur valeur.
Voilà les genres de choses que nous avons examinées. Nous nous sommes également rendus aux États-Unis et avons rencontré la Première nation Choctaw pour voir ce qu'elle fait. Cette Première nation a réussi à renverser la vapeur en se lançant dans le secteur manufacturier. Elle compte plus de 8 000 emplois et elle est le deuxième employeur en importance dans l'État du Mississippi. Lorsque nous voyons ce que d'autres localités de Premières nations ont réalisé, nous nous efforçons d'adopter certaines de leurs idées et de les appliquer chez nous. Cela a été une excellente chose pour nous.
Quant à notre cheminement jusqu'à notre situation d'aujourd'hui, cela a été une lente évolution. Nous voulons continuer d'avancer et créer une collectivité durable.
Le sénateur Sibbeston : Certains seront surpris que vous vous lanciez dans le jeu avec votre casino. Ils diront que cela amènera beaucoup de problèmes sociaux. J'imagine que vous avez, au sein de votre collectivité, eu ce débat sur les mérites et les avantages d'exploiter un casino, reconnaissant que cela présente également ses inconvénients, mais du côté positif, cela pourrait être pour vous un important atout économique. Pourriez-vous nous dire comment vous en êtes arrivés à vous lancer là-dedans et s'il existe beaucoup de casinos en Saskatchewan?
M. Bear : En Saskatchewan, nous avons, par le biais de la FSIN et du gouvernement provincial, une entente-cadre sur le jeu qui permet à la SIGA d'exister. Elle exploite présentement quatre casinos, aux Premières nations de Prince Albert, North Battleford, Yorkton et Whitebear. Le gouvernement provincial exploite à l'heure actuelle deux casinos : l'un à Regina et l'autre à Moose Jaw. En vertu de cette entente-cadre, 37,5 p. 100 des profits vont aux 74 Premières nations de la Saskatchewan, 37,5 p. 100 sont versés aux recettes générales du gouvernement provincial, et 25 p. 100 sont distribués à des organismes de bienfaisance. Voilà de quelle façon cela est structuré en Saskatchewan.
Nous avons examiné le marché à Saskatoon. Il existe aujourd'hui un casino appelé Prairieland Exhibition Casino. Nous avons fait toutes les études de marché requises pour vérifier qu'il s'agissait bien d'un projet viable. Comme vous le dites, il y a des avantages et des inconvénients et des gens dans chaque camp. Nous vivons dans un pays libre et les gens ont la liberté de choix et, que vous vous adonniez au jeu à Las Vegas ou ici en Saskatchewan, c'est votre choix. Il importe d'éduquer les gens afin de les encourager à être responsables. Ce n'est pas différent des magasins d'alcools exploités par le gouvernement alors qu'il y a des gens qui ont des problèmes de boisson.
Saskatoon a plusieurs fois discuté de la question des casinos; il s'y est tenu un plébiscite. Nous avons présenté l'idée à notre collectivité, les membres ont examiné le pour et le contre et en bout de ligne, ce sont eux qui ont décidé, et ils ont été très en faveur de la construction par le conseil tribal dans notre réserve d'un casino devant être exploité par la SIGA.
Du point de vue emplois, la SIGA compte à l'heure actuelle environ 1 200 employés, dont 75 ou 80 p. 100 sont des Autochtones. Pour beaucoup de gens, c'est un tremplin. Ils gagnent en confiance et leur estime de soi s'améliore lorsqu'ils ont un emploi, et ils souhaitent par la suite poursuivre leurs études et partir à la recherche d'autres possibilités. À notre avis, cela a été bon pour la Saskatchewan. Le marché n'a pas été saturé. Les profits de la SIGA augmentent chaque année. Mais il est certain qu'il y a toujours du pour et du contre dès qu'il y a risque de vice.
Le président : Merci beaucoup, chef Darcy Bear. J'avais compté vous demander si vous aviez des recommandations, mais vous en avez fournies dans vos deux dernières réponses.
J'ai œuvré à l'élaboration du projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des Premières nations, et je suis vraiment très heureux que cette loi fonctionne. Harold Calla, de la Première nation Squamish, et Manny Jules et tous ces gens de la Colombie-Britannique, d'où je viens, ont travaillé main dans la main avec nous pour veiller à ce que cela fonctionne, et il est donc vraiment encourageant d'entendre dire que c'est bel et bien le cas.
Votre leadership est illustré par la réussite que vit votre bande. Poursuivez ce bon travail. Si vous avez d'autres recommandations à faire, n'hésitez pas à contacter notre comité, car nous aimerions réunir un maximum d'information afin de pouvoir porter tous nos frères et sœurs autochtones au niveau de réussite qu'ils méritent. Merci encore.
Le témoin suivant est le chef Helen Ben du Meadow Lake Tribal Council.
Le chef Helen Ben, Conseil tribal de Meadow Lake : Merci de l'invitation de venir comparaître ici. C'est un important projet que celui que vous avez entrepris. Le développement économique est une réponse que nous avons au niveau des Premières nations face à certains de nos problèmes.
Je pense que vous avez tous reçu copie de ma déclaration, alors je vais la parcourir, après quoi je serai prête à répondre aux questions que vous voudrez me poser.
Une question que nous nous sommes posée est la suivante : comment se fait-il que certaines Premières nations se débrouillent mieux que d'autres? Les Premières nations sont pauvres, mais pas uniformément; certaines connaissent un meilleur sort que d'autres. Chacun a une théorie et une opinion quant aux raisons à cela. Le Harvard Project on Indian Economic Development a entrepris des recherches pour trouver une réponse à cette question.
Pourquoi une Autochtone, chef tribal du nord de la Saskatchewan, invitée à prendre la parole devant le sous-comité ici réuni, commencerait-elle par parler du Harvard Project? C'est parce que lorsque nous avons pour la première fois entendu parler de ce travail de recherche, nous nous sommes rendus compte que le gros de notre parcours et de notre histoire pourrait être caractérisé et résumé par cette recherche.
Permettez-moi de vous parler un petit peu du Conseil tribal de Meadow Lake. Notre vision est d'apporter aux nôtres la santé, une collectivité riche et une bonne gouvernance. Pour réaliser cette vision, notre organisation compte trois volets : le volet politique, destiné à assurer une bonne gouvernance; le volet programmes et services, qui a pour objet d'aider les communautés à atteindre un bon niveau de santé; et le volet entreprise privée, qui vise à aider nos communautés à créer leurs propres revenus et leurs propres emplois.
Vous verrez dans le texte écrit les logos des neuf communautés des Premières nations Meadow Lake du nord-ouest de la Saskatchewan qui composent le MLTC. Les Premières nations Meadow Lake sont signataires des Traités 6, 8 ou 10, selon le cas. Nous comptons quatre communautés dénées et cinq communautés cries, avec une population totale d'environ 11 000 âmes. Notre population est très jeune et elle est en croissance et nous vivons nombre des défis en matière de développement que connaissent la plupart des Premières nations canadiennes.
Les Premières nations Meadow Lake/MLTC offrent un plein panier de programmes et de services destinés à créer des collectivités saines. Il y a des programmes en matière d'éducation, de santé et de développement social, de développement économique, de développement d'infrastructure, de ressources naturelles, de justice, de programmation culturelle ainsi que des programmes destinés aux aînés. L'objectif du conseil tribal est de réaliser la parité sociale et économique.
Nous avons œuvré assidûment à la séparation de nos structures de gouvernance politique et de gouvernance des affaires, et cela fonctionne efficacement dans l'ensemble.
Le MLTC a adopté une stratégie voulant que l'on recherche principalement dans notre propre cour les possibilités en matière de ressources. Nous avons adopté une approche conservatrice en ce qui concerne notre structure financière. Chaque entreprise est autofinancée, sans garantie aucune consentie par quelque autre entreprise. Nous avons complètement séparé nos entreprises de nos programmes, car nous ne voulons pas mettre en péril nos programmes du fait d'un échec commercial. Nos entreprises sont à l'écart de nos finances des Premières nations; nos Premières nations n'ont consenti aucune garantie. Les profits sont réinvestis dans de nouveaux projets ou dans des programmes ou services sous-financés au niveau communautaire.
Il y a dans le document que je vous ai fourni un petit tableau montrant la MLTC Resource Development Inc. et certaines des industries dans lesquelles nous sommes actifs : exploitation forestière, énergie, transports, agriculture à valeur ajoutée et immobilier. Les lignes continues autour de certaines entreprises indiquent que nous les détenons à 100 p. 100. Les pointillés indiquent que nous n'en possédons qu'une partie.
Lorsque les responsables du Harvard Project ont entrepris leur recherche en vue de déterminer pourquoi certaines tribus indiennes aux États-Unis se portent mieux que d'autres, ils ont avancé une hypothèse fondée sur des réponses issues du gros bon sens. Ils ont établi comme hypothèse que les trois facteurs que voici expliqueraient les différences : niveau d'instruction, situation géographique — ou accès aux marchés — et(ou) présence de ressources naturelles. Ce qu'ils ont constaté c'est que la situation était très différente de ce qu'ils avaient pensé. Il importe qu'il se fasse de bonnes recherches dans ces domaines, car il est trop facile pour chacun d'avoir ses petites théories et opinions préférées.
Vous verrez en dessous un tableau de leurs constatations dans le cas de sept des Premières nations visées par leur recherche. Les signes plus indiquent une situation supérieure à la moyenne, tandis que les signes moins indiquent une situation inférieure à la moyenne.
Si l'on prend le cas de Flathead, il y a un plus sous ressources naturelles; pour l'éducation, il y a un plus/moins, indiquant que cela correspond à la moyenne; pour les critères situation géographique et développement économique, l'on voit des plus.
Pour la Première nation Crow : des plus partout, sauf pour le développement économique.
Pour White Mount Apache : un plus pour les ressources naturelles, un moins pour l'éducation, et des plus pour la situation géographique et le développement économique.
Les chercheurs se sont demandés pourquoi certaines Premières nations, qui disposaient de ressources naturelles, étaient dotées d'un bon système d'éducation et jouissaient d'une situation géographique favorable, se trouvaient avec un moins pour le développement économique. Par exemple, la Première nation Crow avait des plus pour les ressources naturelles, l'éducation et la situation géographique, mais n'affichait rien côté développement économique.
La Première nation Mississippi Choctaw avait des moins pour les ressources naturelles, l'éducation et la situation géographique, mais enregistrait un plus pour le développement économique, et faisait donc quelque chose. White Mount Apache et San Carlos Apache, même situation pour les deux. Même situation géographique — elles sont côte à côte — et ce que l'on constate c'est que l'une a un plus et l'autre a un moins pour le développement économique. Cochiti Pueblo avait un moins pour les ressources naturelles. Ces Premières nations étaient à égalité pour l'éducation et la situation géographique et affichaient un plus pour le développement économique.
Il y a certaines caractéristiques qui sont communes aux Premières nations qui réussissent. Elles affirment leur droit de se gouverner elles-mêmes et exercent ce droit de façon efficace en établissant des institutions de gouvernance capables et qui correspondent à leur culture. Leadership et réflexion stratégique sont essentiels; il s'agit de bâtir une nation. Voilà quelles sont les caractéristiques des collectivités autochtones qui affichent de bons résultats économiques. Il s'agit d'un ensemble de principes plutôt que d'une fiche de recette. Le rôle du chef et du conseil en matière de bonne gouvernance est de veiller à ce qu'ils soient considérés comme étant des gouvernements.
Il est intéressant qu'il nous faille de la recherche pour nous dire ce que nous savons déjà, soit que ce qui est pratiqué à l'heure actuelle est très différent de ce à quoi l'on pourrait s'attendre.
Les Premières nations du Canada se trouvent confrontées à plusieurs problèmes. L'on s'attend des gouvernements des Premières nations qu'ils établissent les règles en vertu desquelles fonctionnera la collectivité dans le contexte de la Loi sur les Indiens. L'on s'attend également d'eux qu'ils soient experts en matière de prestation de services d'éducation, de soins de santé et autres. Par ailleurs, l'on s'attend à ce que les gouvernements des Premières nations soient des experts en matière d'exploitation d'entreprise. S'attend-on d'autres gouvernements qu'ils fassent des lois, livrent des programmes et gèrent des entreprises commerciales?
Qu'on laisse les politiciens représenter le peuple, fixer les règles dans le cadre desquelles fonctionnera la collectivité et établir l'orientation stratégique des programmes et des entreprises, et comptons sur les experts en matière de programmes pour gérer les programmes et sur les gens d'affaires pour gérer les entreprises. Une bonne gouvernance n'est pas une garantie de réussite commerciale, mais au moins vous pouvez vous ranger sur la ligne de départ. En l'absence d'une bonne gouvernance, vous démarrez à des milles de vos concurrents. La réussite en affaires est au bout du compte fonction de la gestion et du marché.
Le président : D'après l'étude de Harvard, l'autonomie gouvernementale est sans équivoque un facteur déterminant de la prospérité économique. Il existe parmi nos peuples autochtones 70 groupes linguistiques et un certain nombre de très petites bandes. Nous nous sommes rendus dans le nord de la Colombie-Britannique et il s'y trouve une bande qui n'a qu'une cinquantaine de membres, dont la moitié sont des jeunes et le quart des aînés, ce qui laisse 10 ou 15 personnes sur lesquelles compter financièrement.
Auriez-vous quelque recommandation quant à la façon dont nos bandes indiennes pourraient se regrouper? C'est manifestement ce que vous avez fait à Meadow Lake : vous avez quatre collectivités dénées et cinq communautés cries. Comment avez-vous fait pour réaliser cela? Je pense que c'est là l'un des défis auxquels nous sommes confrontés. Il existe un certain nombre de collectivités très pauvres qui n'ont pas la capacité requise, à moins de se regrouper avec d'autres Premières nations. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous livrer vos idées là-dessus?
Mme Ben : Il est bien connu qu'il existe entre Premières nations des disparités sur le plan développement économique et même en matière de gouvernance. Elles ont besoin d'un modèle qu'elles puissent appliquer. C'est ce que nous nous sommes efforcés de bâtir au MLTC avec notre modèle de gouvernance, en tenant compte de l'état de préparation de la bande. L'une des choses que le gouvernement ne fait pas c'est permettre aux bandes d'avancer à leur propre rythme, et cela est important. Certaines Premières nations sont très progressistes, alors que d'autres se trouvent confrontées à de nombreux défis qui entravent leur progression. Il doit y avoir au moins un concept d'autonomie gouvernementale de base, de telle sorte qu'au fur et à mesure que les bandes s'arment pour relever les défis, elles puissent avancer.
Le président : Connaissez-vous le projet de loi S-216 sur l'autonomie politique?
Mme Ben : Pas autant que je le devrais.
Le président : J'en fais état en guise de commentaire, car il s'agit d'un projet de loi auquel j'œuvre depuis une quinzaine d'années environ. Il y est question d'autonomie politique; ce n'est pas quelque chose qui serait jamais imposé aux Autochtones, mais une loi habilitante que ceux-ci pourraient appliquer s'ils le veulent.
Le sénateur Dyck : Vous avez parlé du fait que l'on s'attend, dans le contexte de la Loi sur les Indiens, à ce que les Premières nations établissent les règles en vertu desquelles fonctionneront les collectivités. Pour ce qui est de règles communautaires, y a-t-il des choses dans la Loi sur les Indiens qui ont une incidence différente sur les hommes et sur les femmes et que votre collectivité aurait peut-être contré avec des règlements, comme par exemple le critère de la deuxième génération ou des modalités en matière de biens matrimoniaux? Avez-vous dans votre collectivité des logements appartenant à des particuliers et reconnaissez-vous l'équité entre l'homme et la femme en cas de rupture de mariage?
Mme Ben : Vous évoquez là tout un sujet à problèmes. Au niveau des Premières nations, il existe différentes désignations et différents droits et obligations en résultant. Il y a également des différences selon que vous viviez en réserve ou hors réserve. Ce sont là quelques-unes des classifications qui existent dans le système des réserves et, bien sûr, vous voulez traiter toutes les personnes et leurs besoins de la façon la plus équitable qui soit, mais vous vous retrouvez malgré tout avec ces différentes classifications. Dans certains cas, il y a des gens qui n'ont pas accès à l'infrastructure qu'ils veulent, ou au logement ou à autre chose dont ils ont besoin. Les différentes désignations sont un problème pour les dirigeants : comment faire pour satisfaire les besoins de la collectivité dans son entier? Il y a des membres vivant en réserve qui sont des résidents de longue date et il y a les nouveaux arrivants. Comment faire pour offrir des logements à ceux et celles qui arrivent dans la collectivité? La capacité de traiter de certaines de ces questions n'existe pas toujours au niveau des Premières nations.
Le sénateur Dyck : Pour ce qui est du développement économique du Conseil tribal de Meadow Lake, quels sont selon vous vos plus importants atouts financiers en matière de projets de développement? Vers quoi vous dirigez-vous?
Mme Ben : Si vous regardez notre structure d'affaires dans le document fourni, vous constaterez que notre plus gros atout est notre scierie. Elle a produit beaucoup de revenus et nous avons pu réinvestir ces dividendes dans les collectivités. Au cours des dernières années, quelque 25 millions de dollars ont été distribués aux communautés. Cela a aidé. Les communautés prennent leurs propres décisions quant à l'utilisation qu'elles font de ces fonds : certaines s'en servent pour du logement, d'autres pour des programmes non financés, comme des initiatives de loisirs, culturelles et autres.
Le sénateur Dyck : Dans l'économie actuelle, cela fonctionne-t-il toujours bien?
Mme Ben : Nous sommes en situation de crise. Vous savez sans doute très bien que l'industrie forestière est à l'heure actuelle en situation de crise et que nous vivons en mode survie, tâchant de faire de notre mieux dans les conditions de marché actuelles.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Ma question pour vous est la suivante : pensez-vous que le règlement des revendication territoriales soit une clé à l'autonomie politique et au développement économique de toutes les Premières nations?
Mme Ben : Dans une certaine mesure, oui. Dans certains cas, bien sûr, il y a des bandes qui achètent des terres et leur base territoriale ainsi élargie leur permettra de monter des entreprises, comme par exemple des pourvoiries. Cela a permis la création de certaines nouvelles entreprises, mais tout dépend de la capacité de la Première nation, car il lui faut des gens pour poursuivre ces possibilités d'affaires. À moins d'avoir la capacité requise, certaines de ces activités ne pourront pas se réaliser tout de suite; cela demande du temps pour les mettre en place.
Le sénateur Peterson : Chef Ben, comment coteriez-vous la réussite du Meadow Lake Tribal Council, et quels éléments devraient selon vous être résolus pour que votre réussite puisse s'affirmer à l'avenir?
Mme Ben : Je suis très fière du MLTC. Je constate que mon homologue, Richard Gladue, est assis dans la salle. Il a été l'un des premiers amorceurs du MLTC, aux côtés d'un certain nombre d'autres chefs. Nous continuons de progresser. Nous continuons de travailler à notre structure de gouvernance; nous nous efforçons d'être davantage axés sur l'entreprise et de faire en sorte que notre structure soit moins politique. Nous essayons de profiter au maximum des occasions qui se présentent, et nous continuerons de le faire.
Cela nous rendrait toujours service de bénéficier d'une aide supplémentaire de la part du gouvernement, sous forme de financement. C'est toujours là le plus gros problème : veiller à disposer des dollars nécessaires pour saisir les occasions pouvant se présenter. Il existe certaines restrictions du fait de la Loi sur les Indiens et c'est pourquoi nous essayons de créer un modèle de gouvernance qui nous pousse vers notre objectif, soit l'indépendance. Certaines des restrictions découlant de la Loi sur les Indiens imposent des barrières qu'il nous faut écarter, ce qui crée encore davantage de problèmes pour nous. Encore une fois, notre objectif est de veiller à obtenir du gouvernement le financement dont nous avons besoin afin de pouvoir continuer d'avancer.
Une chose que nous avons toujours faite a été de réinvestir une partie de notre argent. Au fur et à mesure que nous encaissons des dollars, nous les réinvestissons pour créer de nouvelles entreprises ou examiner de nouvelles possibilités.
Le sénateur Peterson : Nous avons maintes fois entendu dire que la Loi sur les Indiens est un obstacle. Peut-être que les Premières nations devraient, collectivement, examiner cette question.
Le sénateur Hubley : Les différents conseils de bande suivent-ils l'évolution des taux d'emploi?
Mme Ben : Nous n'avons pas encore fait cela, bien que ce soit quelque chose que nous envisageons de faire. À l'heure actuelle, environ 40 p. 100 de nos membres sont âgés de 15 à 29 ans. Cela a des ramifications pour l'avenir : comment faire pour que ces personnes soient formées, pour que nous disposions des ressources nécessaires pour les former? Nous regardons ce que font nos voisins en Alberta pour trouver des emplois, et nous pourrions peut-être diriger nos jeunes dans la même direction. Nous sommes également intéressés par ce que nous pouvons faire dans la province de la Saskatchewan : quels sont certains des emplois que nous pourrions créer? J'ai travaillé dans le système éducatif pendant quelque temps et l'une des choses que j'ai apprises est qu'il y a des défis et qu'il arrive que des étudiants ne voient pas la lumière au bout du tunnel parce qu'ils n'arrivent pas à s'imaginer qu'ils puissent un jour se trouver un emploi, peut-être à cause de crainte de racisme.
Je pense que l'industrie doit elle aussi jouer un plus grand rôle dans tout cela et s'efforcer de veiller à ce qu'il y ait un certain mentorat et une communication entre les écoles et les différentes Premières nations. Nous examinons le tableau dans son entier pour déterminer de quelle façon traiter de ces différences et défis confrontés par ces 40 p. 100 et comment régler cette situation. Il nous faut avoir en place des stratégies, et c'est à cela que nous œuvrons sans répit. J'espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Hubley : Oui, tout à fait. Il y a de nombreuses questions au sujet de l'éducation. Je pense que vous avez identifié la plus grosse, celle de l'offre aux jeunes gens de modèles à suivre, afin qu'ils aient l'assurance qu'après avoir suivi la formation il y aura pour eux un emploi qui les attend. Je pense que ce sont toutes là d'importantes préoccupations pour vous.
Vous dites dans votre déclaration, et je cite : « Nous avons œuvré assidûment à la séparation de nos structures de gouvernance politique et de gouvernance des affaires ». Nous avons été témoins d'un exemple de relations relativement proches dans le cadre de notre voyage en Saskatchewan. Je suis certaine que vous avez de bonnes raisons de faire cela et j'aimerais bien entendre vos commentaires en la matière.
Mme Ben : Il y a parfois conflit entre les rôles lorsqu'il vous faut porter deux chapeaux à la table : votre chapeau politique et votre chapeau de gens d'affaires. Les deux ne sont pas toujours compatibles. Nous avons adopté un modèle qui sépare les deux. Nous avons établi une organisation appelée la RDI Investment Company, qui est le volet entreprise privée du MLTC. Nous fonctionnons par consensus avec nos neuf Premières nations, ce qui fait qu'il est parfois difficile de prendre des décisions d'affaires lorsque vous voulez tenir compte des avis de chacun tout en visant un consensus autour de la table. Nous avons constaté qu'il est préférable pour nous de dire, mettons notre chapeau de gens d'affaires lorsque nous parlons de notre volet affaires, et mettons notre chapeau politique lorsque nous traitons d'autres choses. Cela a été utile dans le cas de certains des défis auxquels nous nous trouvons confrontés, par exemple les préoccupations environnementales. Il nous faut maintenir un équilibre dans la façon dont nous traitons de ces choses.
Le sénateur Sibbeston : Ma question concerne votre organisation. Comment faites-vous pour que vos quatre communautés dénées et vos cinq communautés cries travaillent ensemble, restent motivées et avancent dans la même direction? Je suis certain que c'est là tout un défi et j'aimerais bien savoir comment vous vous y prenez.
Mme Ben : J'aimerais croire que c'est parce qu'elles sont dirigées par une femme, mais je ne pense pas que ce soit là la raison. Elles se côtoient et travaillent très bien ensemble depuis plus de 30 ans. Comme je l'ai dit, elles portent parfois leur chapeau politique et parfois leur chapeau de gens d'affaires. Elles ont commencé à bénéficier des dividendes de certaines des entreprises, ce qui est vraiment encourageant. Elles sont éparpillées dans le nord de la Saskatchewan, ce qui fait qu'il est parfois difficile de les réunir, mais la communication et le partage d'une vision commune aident beaucoup. Elles tiennent toutes à livrer un maximum à leur Première nation et elles bâtissent sur les réussites qu'elles ont déjà enregistrées.
Le sénateur Sibbeston : D'où vient selon vous cette motivation ou cet intérêt pour les affaires? Dans les Territoires du Nord-Ouest, d'où je viens, il y a certaines collectivités qui ont fait la transition d'une vie rustique axée sur la chasse et le trappage à un mode de vie industrialisé, et cela a été très difficile, car les façons de penser et les mentalités ne sont pas les mêmes. Que les membres d'un groupe comme le vôtre voient tous les choses de la même façon est à mon sens tout à fait exceptionnel. Selon vous, où vos membres ont-ils puisé la motivation et l'idée que l'entreprise était la solution?
Il y a parmi les Autochtones, surtout ceux qui ont vécu de la terre, un certain cynisme à l'égard du mode de vie industrialisé, et les gens qui s'intéressent aux affaires sont perçus comme étant avides. L'argent signifie plus pour certains que pour d'autres. J'imagine qu'il a dû y avoir beaucoup de défis et de différences d'opinions; or, vous avez réussi à accomplir beaucoup de choses. Cela m'intéresserait de savoir comment tout cela est né.
Mme Ben : Il y a des différences d'opinions, et je suis certaine qu'il y en aura toujours. Je pense que notre force est le résultat de la réflexion stratégique de certains des anciens membres du MLTC, qui se sont tournés vers l'avenir et qui ont voulu offrir davantage à leurs Premières nations. Ces personnes savaient qu'elles ne pouvaient pas tout simplement se permettre de s'asseoir et d'attendre que les choses se passent. Je crois que c'était là le point de départ : elles se sont retrouvées ensemble et ont dit : « Il nous faut générer une partie de notre développement économique », et c'est ce qu'elles se sont attachées à faire. Elles ont pu obtenir un prêt pour la scierie et elles l'ont payé à même leur propre argent, grâce à leur travail acharné. Elles ont également constaté qu'il fallait avoir de bons gestionnaires et un bon modèle d'entreprise. J'attribue notre réussite au leadership passé du MLTC.
Le président : Je tiens à vous remercier, chef, de votre exposé aujourd'hui et de votre leadership et de l'exemple que vous donnez à nos peuples autochtones. Vous méritez nos félicitations. J'ai deviné à vous entendre que vous avez des antécédents dans l'éducation. Poursuivez votre bon travail. Si vous avez des recommandations dont vous pensez qu'elles pourraient nous aider à formuler quelque chose qui puisse aider les peuples autochtones du pays, nous vous serions reconnaissants de prendre le temps de nous les communiquer. S'il y a quoi que ce soit que le comité puisse faire pour vous, dites-nous-le et nous nous ferons un plaisir de donner suite. Merci beaucoup, et que Dieu vous bénisse.
La séance est levée.