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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 27 septembre 2006 - Séance du matin


WINNIPEG, le mercredi 27 septembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : À titre de président du Comité permanent des peuples autochtones, j'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue aux audiences que nous tenons ici à Winnipeg.

Premièrement, je tiens à remercier les Métis et gens des Premières nations à qui appartiennent les terres ancestrales où nous nous sommes rassemblés aujourd'hui. Honorables sénateurs, aînés, invités, membres de l'auditoire, notre comité a pour mandat d'étudier la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.

Notre étude a été entamée au cours de la dernière législature sous la direction de notre collègue, le sénateur Sibbeston, qui est avec nous ce matin et qui était président du comité à ce moment-là. Nous avons entendu de nombreux témoins à Ottawa et tenu des audiences publiques, à l'automne, en Colombie-Britannique et en Alberta. En compagnie du sénateur Sibbeston, j'ai également visité certaines localités des Territoires du Nord-Ouest en mars 2005.

Cette semaine, nous nous rendus à Lac La Ronge, lundi, en mission d'information. Hier, le comité a tenu des audiences publiques toute la journée à Saskatoon. Nous entendrons plusieurs témoins ici même à Winnipeg, puis nous nous rendrons à Thunder Bay demain, avant de retourner à Ottawa, où nous accueillerons d'autres témoignages encore.

En entreprenant l'étude en question, le comité avait pour objectif de déterminer les conditions favorables ou encore nuisibles au développement économique dans les communautés autochtones.

Nos premiers témoins du jour proviennent de l'Aboriginal Chamber of Commerce. Ce sont Mme Bonnie Sypulski, membre du conseil d'administration, et M. Edward Kidd, directeur exécutif.

Madame Sypulski et monsieur Kidd, bienvenue aux audiences de notre comité. Vous avez la parole.

Bonnie Sypulski, membre du conseil d'administration, Aboriginal Chamber of Commerce : Bonjour, honorables sénateurs, et bienvenue à Winnipeg. Je vais vous donner rapidement l'historique de l'Aboriginal Chamber of Commerce, ou ACC. Nous fonctionnons à pleine capacité depuis un an et demi. Il nous a fallu toute l'année pour mettre au point la structure de l'organisme. Nous avons fait un grand bout de chemin pour arriver où nous en sommes aujourd'hui. Nous avons un bureau et du personnel, et nous travaillons maintenant avec acharnement à recruter des membres.

Certaines des coentreprises qui nous ont été présentées aux premiers stades de la mise sur pied de la chambre de commerce provenaient de la Chambre de commerce du Manitoba, de celle de Winnipeg, d'autres encore qui se sont manifestées et nous ont proposé de l'aide et des conseils pour veiller à ce que nos efforts portent fruit, et veiller à ce que nous atteignons un certain but du point de vue des entreprises au Manitoba.

Quand nous parlons de membres autochtones, nous faisons allusion aux Inuits, aux Métis et aux membres des Premières nations visés par des traités. Nous acceptons également les entreprises non autochtones, dans l'espoir que les deux secteurs vont croître, pour que nous puissions encourager toutes nos entreprises, au Manitoba, à se mettre en réseau et à créer un meilleur environnement pour les affaires, et aussi pour promouvoir — je ne parle pas seulement de ce que fait chacun d'entre nous individuellement... Mais, au bout du compte, pour promouvoir le Manitoba.

Nous constatons une croissance importante de la population autochtone. Nous constatons également que la jeune génération, celle qui nous suivra, est plus enthousiaste et plus encouragée à l'idée de créer une entreprise, de devenir entrepreneur.

Au stade où nous en sommes, l'ACC n'a pas créé de programmes qui aideraient nécessairement ces personnes à mettre sur pied une entreprise : ce n'est pas là notre mandat. Tout de même, nous favorisons certainement l'idée au sens où nous aiguillons les gens vers les bonnes organisations, pour qu'ils puissent bien trouver le chemin à suivre pour se lancer en affaires. À la fin, nous espérons qu'ils se joindront à notre Chambre de commerce, pour que nous puissions les mettre en réseau avec d'autres entreprises, que ce soit pour qu'ils puissent vendre leurs propres produits ou pour qu'ils trouvent des fournisseurs.

Nombre des grandes organisations que l'on trouve au Manitoba — par exemple Manitoba Telecom Services, Hydro-Manitoba, IBM, l'Assembly of Manitoba Chiefs et la Manitoba Metis Federation — nous accordent de très bons appuis. Nombre d'entre elles se sont manifestées et ont fait la preuve de leur appui en nous parrainant et en nous aidant à créer des séances pour que nous puissions entrer dans le réseau. Nous pouvons profiter de certains de leurs programmes pour économiser les sommes d'argent qu'il faudrait à l'Aboriginal Chamber of Commerce pour créer elle- même des programmes du genre. Encore une fois, comme nous sommes très nouveaux, nous ne tenons pas à engager des sommes d'argent pour créer des programmes qui existent déjà. Nous nous disons : pourquoi réinventer la roue? Si les programmes existent déjà, nous voulons établir un partenariat avec les organisations qui les appliquent et tirer parti des ateliers et des séances de réseautage qu'on y trouve. Les grandes organisations se sont manifestées et nous ont permis de procéder de cette façon.

Depuis un an, l'un des grands investissements de l'ACC est allé à la création d'un site Web phénoménal, site qui s'est révélé un merveilleux outil de travail. Nous pouvons y afficher des bulletins et des offres d'emplois, encore une fois, peut-être pas tant pour l'entrepreneur qui se lancerait en affaires en raison d'une offre d'emploi, mais pour nos entreprises et nos membres qui recrutent et qui font la promotion de leur entreprise.

Nous avons d'ores et déjà une ressource, une base de données. Nous avons passé une bonne partie de l'été à créer une liste qui est très à jour. Nous avons téléphoné à chacune des entreprises autochtones existantes et avons découvert qu'il y en a environ 350, en ce moment, au Manitoba, et ce n'est qu'une fraction. Nous devons travailler davantage à la préparation de cette base de données et investir davantage pour découvrir où se trouvent tous les autres propriétaires d'entreprises autochtones. On ne les trouve pas dans un répertoire quelconque que les gens pourraient consulter. On ne les trouve pas dans les annuaires téléphoniques. Tout de même, chaque fois que nous sortons et que nous exploitons nos réseaux, voilà que nous trouvons un autre propriétaire d'entreprise autochtone à qui nous disons : « Eh bien, vous n'êtes pas dans notre base de données. Quelles sont vos coordonnées? » Ils se trouvent dans le Nord, ils se trouvent dans les réserves, certains n'ont pas Internet, d'autres n'investissent pas dans le marketing pour faire la promotion de leur entreprise. Nous constatons ainsi que le site Web est une très bonne façon de transmettre sans cesse des informations, pour qu'ils puissent communiquer avec d'autres entreprises autochtones et leur parler de nous.

Le répertoire des membres sert à prouver que le Manitoba compte un grand réseau d'entreprises autochtones. Notre site Web est actualisé et tenu à jour, de sorte que les statistiques de l'Aboriginal Chamber of Commerce demeurent actuelles.

Au cours du dernier mois, nous avons fait d'Edward notre directeur exécutif et nous avons recruté une adjointe administrative. Encore une fois, les organisations dont je parlais se sont manifestées et nous ont permis de recourir à des étudiants, provenant de l'Université du Manitoba ou du Red River College, qui nous ont aidés à créer les bases de données qu'il nous faut pour prendre de l'expansion.

Nous reconnaissons tout de même que nos seuls droits d'adhésion ne suffisent pas à assurer les salaires et à absorber les dépenses quotidiennes. Nous comptons un grand réseau de membres bénévoles et avons créé plusieurs comités qui nous aident et mettent sur pied des colloques et des séances de réseautage, pour que nos membres se mettent en réseau avec d'autres entreprises. Les bénévoles nous ont fait don d'un temps et d'un savoir précieux, de sorte que notre projet porte fruit jusqu'à maintenant.

L'ACC promeut et appuie aussi d'autres organisations. Si nous savons qu'il existe un programme qui profiterait à un propriétaire d'entreprise, nous manifestons certes notre appui et encourageons nos membres à se concerter et à participer aux ateliers, colloques et programmes de réseautage.

Ce qui m'amène à parler du questionnaire que l'on m'a remis et de certaines des questions que vous y posez. La première vise à déterminer les principaux facteurs de succès et principaux obstacles à la participation des communautés autochtones.

Pour nous, à la Chambre de commerce, les principaux facteurs tiennent par exemple à l'objectif qui consiste à favoriser un environnement économique fort et compétitif qui profite aux entreprises autochtones de toutes tailles et de tous les secteurs. Nous essayons de dire que l'ACC peut servir de portail entre la Chambre de commerce de Winnipeg, la Chambre de commerce du Manitoba, entre les entreprises autochtones et non autochtones. Nous pouvons incarner cette zone de confort, car il est bien connu que les peuples autochtones sont très timides, mais là où ils ont un bureau où se rendre, où ils peuvent trouver une certaine zone de confort et des gens qui comprennent leurs besoins... voilà franchie la première étape dans une démarche qui vise à éliminer certains des obstacles dont il est question. Lorsque nous ne sommes pas présents, nous constatons que, s'ils assistent à une séance de réseautage, ils se tiennent à l'écart et demeurent très silencieux et très timides, et puis s'en vont sans lier connaissance avec d'autres propriétaires d'entreprises, sans établir le lien qui s'impose. À l'Aboriginal Chamber of Commerce, nous leur servons de guide tout au long de la démarche. Il y a toujours des membres du conseil d'administration aux séances de réseautage en question; il y a toujours d'autres membres. Chaque fois qu'un nouveau membre arrive chez nous, nous veillons à ce qu'il rencontre les gens qu'il faut pour mettre son entreprise sur les rails.

L'ACC finira par incarner la voix des propriétaires d'entreprise autochtone. Nous y croyons vraiment. La Chambre de commerce du Manitoba et la Chambre de commerce de Winnipeg sont très enthousiastes à ce sujet. Encore une fois, nous avons créé une association, nous pourrons faire tomber ces obstacles et travailler en réseau avec les entreprises autochtones ou non autochtones.

Notre succès en tant que Chambre de commerce importe pour la prochaine génération des propriétaires d'entreprise autochtone. En ce moment même, à titre d'entrepreneur, nombre de nos membres sont en affaires depuis longtemps. D'autres encore arrivent à peine dans le monde des affaires, mais la plupart d'entre nous oeuvrons dans le secteur des affaires depuis 15 à 20 ans; nous ne sommes donc pas si timides. Nous pouvons leur servir de guide et leur faire prendre conscience du fait qu'il importe de se lancer, de promouvoir son entreprise, de parler aux gens.

Les principaux obstacles auxquels nous faisons face sont l'insuffisance des fonds qu'il faudrait pour « vendre » l'ACC et l'insuffisance des ressources qui permettraient à la chambre de repérer les entreprises autochtones qui ne figurent actuellement pas dans notre répertoire ou annuaire téléphonique. Par conséquent, nous allons certainement envisager de créer un comité des finances dont la tâche consisterait à générer des recettes à l'avenir, pour que, encore une fois, nous puissions promouvoir l'ACC.

La question suivante visait à trouver et à diffuser des exemples de réussite autochtone ainsi que des études de cas afin de modifier l'opinion des décideurs. L'ACC compte en ce moment même 94 membres; or, nous n'avons pas mené une seule campagne de recrutement, ayant passé l'année à mettre sur pied la structure. C'est surtout grâce au bouche à oreille que nous avons réussi à recruter les membres. Nous demeurons optimistes sur ce point : si nous nous lancions dans une campagne de recrutement, nous pourrions aller en chercher bien davantage.

On nous demande toujours de donner un exemple de réussite d'un entrepreneur autochtone. Nous présumons que chacun des membres qui vient adhérer à la Chambre de commerce constitue lui-même une histoire de réussite. Nous n'avons affaire à aucun membre qui n'a pas manifesté la volonté de réussir, le désir de travailler au Manitoba et d'interagir et de travailler en réseau avec les autres propriétaires d'entreprise, et plus encore, avec le consommateur.

Une des principales recommandations que nous ferions à l'intention du gouvernement, ce serait de faire connaître l'ACC. Il faut vraiment que nous parvenions à nous faire connaître. En ce moment, nous commençons à obtenir la reconnaissance que nous recherchons ici au Manitoba, et nous commençons à aborder la Saskatchewan et l'Ontario. On nous a dit qu'il y aurait plus de 1 000 entreprises qui sont la propriété d'Autochtones au Canada, ce que nous avons pu confirmer grâce à l'étude menée cet été. Et ce n'est qu'une étude de très faible envergure.

Encore une fois, nous allons mettre plus de temps et plus d'effort à faire des recherches à ce sujet, à déterminer combien il y a d'entreprises exactement. Si je devais renvoyer un message, je dirais que notre message serait le suivant : appuyer tous les projets que nous lançons et encourager les entreprises autochtones et non autochtones à travailler en réseau. Je ne crois pas que nous soyons insignifiants; je crois que nous sommes très importants. Je crois que nous allons finir par jouer le rôle de catalyseur dans le monde des affaires, tout comme la Chambre de commerce de Winnipeg et la Chambre de commerce du Manitoba.

Thompson et The Pas se sont également joints à nous. Cela change tout quand nous y allons et que nous travaillons en réseau avec eux, car ils ont maintenant des contacts à Winnipeg. Les petites localités doivent se manifester et nouer des liens ici à Winnipeg, et même dans d'autres provinces, s'ils veulent s'approvisionner et traiter avec les grossistes afin de promouvoir leurs produits.

Le sénateur Sibbeston : Jusqu'à maintenant, notre étude a porté sur les peuples autochtones, habituellement les Premières nations, habituellement sur des groupes de personnes qui travaillent ensemble à brasser des affaires et, souvent, en rapport avec des ressources naturelles — exploitation minière et pétrolière et gazière. C'est le genre d'entreprises autochtones que nous avons vues. À l'inverse, vous évoluez en milieu urbain et vous comptez des particuliers qui sont en affaires. Il serait intéressant de savoir... qu'est-ce qui fait le succès d'un entrepreneur ici en ville? Pourquoi y a t-il des entreprises, et pourquoi n'y en a t-il pas plus? J'aimerais savoir... quels sont les facteurs qui, à votre avis, président au succès d'entrepreneurs autochtones ici en ville?

Mme Sypulski : Je crois que c'est le réseautage, l'occasion de se manifester. Que ce soit en petits ou en grands groupes, il nous faut travailler davantage en réseau et découvrir s'il y a des entreprises qui peuvent nous approvisionner ou auxquelles nous pouvons vendre nos produits. Nous devons offrir à nos membres un plus grand nombre d'occasions de réseautage, et c'est pour pourquoi nous nous sommes alliés à la Chambre de commerce de Winnipeg et à celle du Manitoba. La Chambre de commerce du Manitoba existe depuis longtemps, et son travail est un franc succès, mais, en même temps, si vous travaillez en réseau avec les mêmes gens, toujours, tout le temps, cela devient redondant. Il faut donc ouvrir les voies et les portes, et travailler en réseau avec tout le monde.

Ici à Winnipeg, les trois chambres de commerce commencent à travailler en réseau sur une plus grande échelle, entre elles, pour que leurs membres puissent rencontrer d'autres gens, des visages jamais vus, des produits tout nouveaux. Encore une fois, le marketing est horriblement cher. Si vous payez 4,99 $ pour aller dans une soirée et rencontrer peut- être 60 personnes, et revenez avec deux ou trois très bons contacts, c'est excellent pour promouvoir votre entreprise, pour bâtir votre entreprise.

Le sénateur Sibbeston : Je songeais à la question dans une optique beaucoup plus personnelle, à savoir ce qui motive quelqu'un à se lancer en affaires, à faire des affaires... à suer sang et eau, si vous voulez... ce qu'il faut pour lancer et faire fonctionner une entreprise, l'effort humain, l'inspiration.

Mme Sypulski : Quelle est la motivation?

Le sénateur Sibbeston : Oui.

Mme Sypulski : Personnellement, je suis en affaires depuis 20 ans, et j'ai constaté que je n'avais aucun problème à travailler pour un employeur. Par contre, j'ai constaté que, étant donné les salaires, qui augmentent rarement, et étant donné que mes employeurs m'ont été d'une aide indispensable car ils m'ont instruite et aidée à faire fonctionner leurs entreprises... j'ai décidé de me lancer moi-même en affaires. Vous allez faire beaucoup plus d'argent en menant votre propre barque qu'en travaillant pour un employeur, dans la plupart des cas.

Si vous avez accès à un mentor qui peut vous montrer comment financer les projets, comment exploiter une entreprise, comment voir la dynamique des ressources humaines, par exemple, c'est vaste, mais intrigant. Il y a une certaine satisfaction à avoir. Je constate que les jeunes qui arrivent sont plus motivés que les membres de ma génération à moi. Ils sont prêts à se lancer tout de suite et n'éprouvent aucune difficulté à manifester le désir de faire valoir leurs idées créatrices, alors que nous, nous sommes moins dynamiques; nos « et si [...] » nous ont tués. Les jeunes qui arrivent aujourd'hui sont prêts à se lancer tout de suite et ils vont le faire. S'il y a des programmes, ils savent que les programmes existent pour les aider et que nous sommes là pour les aider.

Le sénateur Sibbeston : Dans le monde, la plupart des gens se contentent de travailler pour quelqu'un. C'est la situation générale, mais il y a ceux qui se distinguent de ce groupe et deviennent entrepreneurs. J'essayais de savoir quels sont les facteurs, quels sont les éléments, quelles sont les caractéristiques. Qu'est-ce qui vous distingue des milliers de personnes qui travaillent simplement pour quelqu'un, qui se contentent d'un salaire?

Edward Kidd, directeur exécutif, Aboriginal Chamber of Commerce : Dans nombre de cas, vous parlez de la confiance, de l'absence d'habiletés en gestion ou en finances, de l'élément réseautage... et c'est là qu'entre en jeu l'Aboriginal Chamber of Commerce. Nous travaillons de concert avec les centres de services aux entreprises du Canada, qui comptent le Réseau des services aux entreprises autochtones. Par le passé, elles étaient souvent laissées à elles-mêmes, mais ce n'est pas si courant aujourd'hui; elles avançaient essentiellement dans le noir à la recherche d'appuis, d'un système de soutien quelconque, pour essayer de réussir.

Essentiellement, c'est à cela que revient le travail de l'Aboriginal Chamber of Commerce. Nous canalisons les informations sur le financement, les programmes, les habiletés en gestion des finances ou le mentorat. Par exemple, un de nos membres peut servir de mentor à un entrepreneur en herbe. Bon nombre de gens ne se lancent jamais en affaires en raison du facteur d'incertitude. Quant à moi, j'aime être autonome et travailler pour moi-même, mais, en même temps, l'incertitude du point de vue des revenus ne me convient pas. D'autres ont la force et la ténacité nécessaires pour continuer. Si ce n'était que de moi, je pourrais le faire moi-même, mais j'ai des enfants, de sorte que j'évalue mes options. Cela dépend donc de la personne; pour préciser de quoi il s'agit au juste, il faut connaître la personnalité de l'intéressé.

Le sénateur Sibbeston : L'environnement et le climat favorisent-ils l'entrée des peuples autochtones dans le monde des affaires?

M. Kidd : Pour vous parler de mon expérience à moi, je dirais que je comprends les choses de part et d'autre. J'ai été élevé à Halifax, adopté par une famille non autochtone, puis je suis revenu dans la communauté autochtone. Les gens croient que c'est semblable ou je ne sais quoi encore. C'est parfois semblable, mais c'est souvent très différent. J'ai vécu moi-même un choc culturel extrême. Je sais comment ça se passe d'un côté comme de l'autre. Il est difficile de se manifester et de parler aux gens. Peu d'Autochtones sont capables de le faire. Pour les autres que vous abordez ou à qui vous parlez, il est plus simple de s'adresser à quelqu'un de l'Aboriginal Chamber of Commerce : parce que nous connaissons quelqu'un qui fait partie de la famille, ou quelque chose du genre... c'est l'élément commun qui sert à rassembler les gens et à faire en sorte qu'ils puissent être à l'aise à l'idée de discuter. Si vous parlez à un Autochtone, vous verrez qu'il a une excellente idée, mais là où il est question de mettre cela sur papier ou d'en discuter avec quelqu'un qu'il ne connaît pas, l'Autochtone devient nerveux et n'arrive pas à trouver les mots qu'il voudrait bien prononcer. Il faut tenir compte de cela aussi.

Le sénateur Hubley : J'apprécie l'exposé que vous nous avez présenté ce matin. Je vous félicite du travail que vous accomplissez.

Madame Sypulski, pouvez-vous décrire l'entreprise que vous exploitez, puis nous dire de quelle façon d'autres femmes s'engagent dans cette voie? Des 94 membres de votre chambre de commerce, quel est le pourcentage de femmes entrepreneures, et y a-t-il des éléments qui nuisent particulièrement à l'activité des femmes à cet égard?

Mme Sypulski : En ce moment, je suis propriétaire d'une entreprise de construction. Nous faisons des rénovations domiciliaires, revêtements, soffites, panneaux de bordure, gouttières, surtout pendant l'été. L'hiver, nous rénovons des salles de jeu, par exemple. Nous faisons cela depuis une dizaine d'années. J'ai commencé il y a 18 ans en vendant des hot dogs dans la rue, et à l'époque, j'ai eu l'occasion d'investir dans une entreprise beaucoup plus grande, soit un centre de développement de photos en une heure. Je n'ai eu aucune difficulté à amasser les fonds nécessaires, mais, comme c'était une si grande entreprise, je n'avais pas la confiance nécessaire pour mener les choses moi-même. J'avais l'expérience, mais j'ai hésité. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à vendre les hot dogs, ma première entreprise, parce que c'était plus facile, et j'ai eu beaucoup de succès. Les profits étaient phénoménaux. Je n'arrivais pas à y croire, et c'était très amusant, en plus. En commençant par quelque chose de relativement simple, j'ai pu acquérir beaucoup de confiance et, en vérité, je n'ai pas vu tant d'obstacles pour moi, en tant que femme, sauf ceux que j'ai réussi à créer moi- même.

À partir de là, comme c'était un travail saisonnier, j'ai mis sur pied une entreprise de nettoyage. Il y a un bon marché au Manitoba pour les services de nettoyage, marché qui va continuer à croître, mais j'ai fini par éliminer, progressivement, cette entreprise. J'ai eu une entreprise de nettoyage pendant 15 ans, puis il y a eu chevauchement entre cette entreprise et la nouvelle, et puis l'entreprise de construction.

En parlant de mon cas à moi, encore une fois, je n'ai pas vu beaucoup d'obstacles. Si vous faites la preuve de votre sérieux, je crois que votre sexe, votre culture n'a pas d'importance. À mon avis, les gens finiront pas vous respecter; vous êtes là pour faire un travail, pour diriger une entreprise. Cela a probablement tenu pour une grande part au caractère, au sérieux avec lequel je me suis présentée. Les gens ne peuvent manquer d'égards pour vous ou vous maltraiter si vous ne les laissez pas faire.

Le sénateur Hubley : Avez-vous déjà eu l'occasion, en communiquant — pas nécessairement avec le travail en réseau faisant appel aux entreprises... avec des jeunes, leurs organisations, des foires sur les carrières organisées dans les écoles, avez-vous déjà eu l'occasion de leur raconter votre histoire et de les encourager à constater les succès des peuples autochtones dans le milieu des affaires?

Mme Sypulski : Une de mes passions, c'est l'enseignement du service à la clientèle, et je possède aussi une autre entreprise — une entreprise de consultation en formation à cet égard. Je ne cesse de dire aux jeunes qu'il importe d'être poli. Malheureusement, nous vivons dans une société où les jeunes sont de bons jeunes, mais étant donné leurs valeurs fondamentales, de manière générale, ils sont malpolis. Peu importe la province où vous vous rendez, le service à la clientèle s'est beaucoup détérioré, et il nous faut des programmes pour nous ramener aux principes élémentaires, par exemple dire : « bonjour, merci. » Encore une fois, ce sont les éléments fondamentaux que j'enseigne pendant mes ateliers.

Je ne vais pas perdre mon temps et celui d'un groupe de consultants à essayer de voir d'où vient le problème; nous prenons simplement les moyens voulus pour corriger le tir.

À la Chambre de commerce, les femmes entrepreneures sont nombreuses — du groupe de 94, je dirais que les femmes comptent pour le tiers. Les femmes sont de plus en plus motivées à foncer et à mettre sur pied leur propre entreprise. Dans nombre de cas, elles ont attendu que leurs enfants fréquentent l'école ou même qu'ils aient essentiellement terminé leurs études. Nous ne sommes pas encore mûres pour la retraite. De même, nous ne connaissons pas le syndrome du nid vide : nous restons occupées et viables. Encore une fois, c'est important dans le cas de l'Aboriginal Chamber of Commerce, car, pour une raison une autre, les femmes autochtones ne sont pas si timides; elles sont très dynamiques.

Le sénateur Peterson : Je voudrais une simple précision à propos de votre organisation. Sous l'égide de quelle organisation-cadre l'ACC fonctionne-t-elle?

Mme Sypulski : Nous sommes autonomes. Nous avons été classées sous l'égide de la Chambre de commerce du Manitoba, mais je ne sais pas quelle dynamique entre en jeu à ce point de vue-là. Je ne siégeais pas au comité, au moment où cela a été établi. Au meilleur de ma connaissance, nous sommes autonomes. Notre Chambre de commerce autochtone est la première du genre au Canada. Nous devons nous astreindre aux mêmes règles que toutes les autres chambres de commerce au Manitoba. Il y a des règles auxquelles nous devons nous plier, étant assujetties à la Chambre de commerce du Manitoba, mais nous sommes autonomes.

Le sénateur Peterson : Fonctionnez-vous à la manière d'une chambre de commerce? Tenez-vous des réunions mensuelles, des dîners avec conférenciers invités et ce genre de chose?

Mme Sypulski : Oui. Le conseil d'administration se réunit périodiquement. Nous venons de lancer notre programme d'activités avec des colloques et des déjeuners-conférences, mais, au début, faute de fonds, nous collaborons avec d'autres organisations pour réduire les coûts. Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne voulons pas réinventer la roue. Nous savons qu'il y a déjà des programmes, alors nous abordons les responsables et collaborons avec eux, et demandons que nos membres puissent tout au moins participer à leurs colloques ou à leurs programmes de réseautage. Essentiellement, ils se sont montrés ouverts à l'idée; ils adorent cela.

Le sénateur Peterson : Si j'étais entrepreneur autochtone et que je m'adressais à vous, est-ce que vous auriez accès à tous les différents ministères? Savez-vous qui sont les responsables, où se trouve l'argent, quelle marche à suivre il faut respecter? Est-ce là votre tâche?

Mme Sypulski : Oui, nous faisons cela.

Le sénateur Peterson : Faites-vous cela?

Mme Sypulski : Eh bien, nous ne nous occupons pas du tout de financement pour ce qui est de les aider à mettre sur pied leurs entreprises. Nous les dirigeons vers l'organisme touché. Par exemple, le Tribal Wi-Chi-Way-Win Capital Corporation, a aidé à établir, je crois, le financement du projet d'un entrepreneur. Cela ne fait pas partie de notre travail, mais si quelqu'un vient chez nous et demande comment on fait pour mettre sur pied une entreprise, nous le redirigeons vers le centre des services aux entreprises à Winnipeg, le Tribal Wi-Chi-Way-Win Capital Corporation, MMF ou une autre organisation susceptible de les aider à se lancer en affaires. Il est à espérer que les organisations en question nous renvoient à leur tour des propriétaires d'entreprises qui deviendront des membres de notre chambre de commerce autochtone, de sorte que nous allons pouvoir les aider à travailler en réseau.

Le sénateur Peterson : Il n'y a donc pas de dédoublement ni de chevauchement avec les autres entités des Premières nations?

Mme Sypulski : Non. Nous allons essayer d'éviter que les programmes se chevauchent. Les membres de notre conseil d'administration en ont déjà amplement parlé. On ne veut pas que toutes ces organisations trouvent des fonds pour mettre sur pied des séances et des ateliers si, essentiellement, il y a déjà un atelier qui existe... pourquoi refaire ce qui existe déjà? Nous n'avons pas à recréer ce qui est déjà là. Il faut seulement collaborer avec l'organisation, de façon à pouvoir en profiter. Nous n'avons pas à gaspiller des fonds pour recréer toute la structure.

L'ACC restera concentrée sur un mandat très précis, à organiser des campagnes de recrutement et à attirer des entreprises appartenant aux Autochtones. Ce sera notre but central pour que, en fin de compte, nous sachions combien il existe d'entreprises appartenant à des Autochtones... et nous pourrons encourager la Chambre de commerce de Winnipeg, la Chambre de commerce du Manitoba, le gouvernement et tout le monde à travailler en réseau avec ces entreprises.

Le sénateur Peterson : Vous êtes donc davantage axés sur les organisations établies, plutôt que les nouvelles, celles qui commencent, n'est-ce pas?

Mme Sypulski : Tout à fait.

M. Kidd : J'ajouterais à cela que j'ai assisté à nombre de réunions avec le centre des services aux entreprises du Canada et que nous avions un contrat avec le Réseau des services aux entreprises autochtones. Nous tenons aussi des rencontres avec des organismes gouvernementaux et diverses organisations autochtones pour passer en revue des idées et établir différents contacts. Nous avons eu des discussions avec divers organismes amateurs et le gouvernement pour voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, qui sont les principaux intervenants, quels sont ceux avec lesquels nous traitons et les principaux contacts pour le financement. Il peut s'agir du vice-président de l'une des banques et des Services bancaires aux Autochtones. Il peut s'agir de quelqu'un d'Entreprise autochtone Canada, il peut s'agir de la Banque de développement du Canada — tous les organismes qui s'occupent du financement au tout début d'un projet d'entreprise. Essentiellement, nous renvoyons les gens vers plusieurs organisations et, en même temps, nous leur donnons la main et leur disons : venez dans notre réseau aussi... et nous les présentons à d'autres gens qui pourraient leur servir de mentors ou leur venir en aide. Voilà ce que je fais depuis un certain temps.

Le sénateur Peterson : Je crois qu'un des problèmes est qu'ils se font renvoyer d'un organisme à l'autre et à l'autre encore, ce qui fait qu'ils se découragent et deviennent frustrés.

M. Kidd : J'ai déjà travaillé pour une banque où le service à la clientèle était considéré comme très important. Je leur disais : « Voici un organisme, allez voir les gens là-bas, parlez-leur. S'il y a une question ou un problème, revenez me voir, et nous allons travailler ensemble. » Ils ne sont donc plus laissés à eux-mêmes; ils peuvent compter sur quelqu'un. Ils peuvent y retourner et discuter avec Edward du problème, de la question et de ce qu'il faut faire pour trouver autre chose. Je ne les laisse pas eux-mêmes. Cela élimine le problème.

Mme Sypulski : Je voulais ajouter quelque chose. Lorsque les gens se présentent à la chambre de commerce autochtone, ils pensent immédiatement qu'il s'agit d'un centre de ressources. Or, ce n'est pas le cas. Tout de même, quand ils viennent chez nous, nous faisons pour eux l'appel téléphonique nécessaire de ce point de vue. Nous téléphonons au Centre de services aux entreprises et disons aux gens là-bas que nous envoyons quelqu'un qui a une idée ou un concept qu'il souhaite analyser... et nous l'orientons vers la personne là-bas, encore une fois pour que l'entrepreneur en herbe sache ce qu'il faut faire pour se lancer en affaires. Mais nous ne croyons pas que ce soit là le travail de la chambre de commerce autochtone. Il existe déjà des organismes qui s'occupent justement de cela. Si nous commençons à faire cela, il nous faudra alors créer les programmes de suivi qui s'imposent, et je ne crois pas que ce soit forcément ce que nous voulons faire.

Le sénateur Dyck : Vous parliez des localités éloignées et du recours à votre site Web, et on aurait dit qu'il est peut- être difficile pour les entrepreneurs des localités éloignées de communiquer avec vous. Comment feriez-vous pour communiquer avec une femme autochtone, dans le Nord, qui souhaite vendre à l'extérieur de sa propre collectivité des mocassins ou des broderies de perles?

Mme Sypulski : En ce moment, la plupart ont accès à un télécopieur; nous utilisons donc le télécopieur. Nous leur envoyons un message pour dire à quel moment nos séances de réseautage ont lieu. Si elle peut se libérer pour une des séances en question, c'est merveilleux. Sinon, nous passons à l'étape suivante et lui demandons de nous envoyer une brochure et une carte d'affaires, et lorsque nos membres assistent aux ateliers ou aux séances de réseautage, nous arrivons armés de cette information. À nos yeux, c'est comme un petit cadeau pour ceux qui ne peuvent assister aux séances de réseautage. Même s'ils n'ont pas payé les 4,99 $ pour y assister, nous ne nous en soucions pas forcément. Nous mettons toutes les brochures et cartes d'affaires dans notre petit sac à surprise, et quiconque arrive là a droit au sac entier. Quand il retourne chez lui, il a l'information voulue sur toutes les entreprises autochtones qui figurent actuellement parmi nos membres.

Le sénateur Dyck : Tenez-vous des réunions à The Pas ou à Thompson, par exemple, de façon à couvrir la partie nord de la province aussi?

Mme Sypulski : Oui, notre présidente, Pat Turner, a été présente à plusieurs séances à The Pas et à Thompson, cet été, séances qui ont connu un franc succès. Nous voulons encourager cela. De même, nous envoyons Edward dans différentes réserves pour qu'il puisse nouer des liens avec des propriétaires d'entreprise et les aider à exploiter le réseau et promouvoir leurs produits.

M. Kidd : De même, le Centre de services aux entreprises va mettre sur pied un système de vidéoconférences et, pour quelque chose comme cela, nous pourrions essentiellement y recourir sans frais pour faire de la promotion ou parler aux gens des régions rurales.

Le sénateur Dyck : Est-ce que vous pourriez créer des partenariats, peut-être avec les écoles secondaires ou je ne sais quoi, pour créer des services qui simplifieraient les communications?

Mme Sypulski : Nous avons créé un partenariat avec un organisme de Winnipeg baptisé Junior Achievement, qui travaille auprès des jeunes. Encore une fois, notre présidente se passionne pour la jeunesse et les jeunes entrepreneurs en herbe. Nous avons tenu diverses séances et divers ateliers avec des jeunes et leur avons demandé quelles sont leurs préoccupations, et avons cherché à voir quelle serait selon eux la place de la chambre de commerce autochtone dans tout cela, et ce que nous pouvons faire pour les aider à cheminer.

Bon, nous ne sommes peut-être pas les concepteurs de ces programmes, mais, en écoutant les jeunes, nous allons certainement nous mettre sur la bonne voie et communiquer avec les organismes qui appliquent déjà les programmes en question. Encore une fois, ce sera là un élément clé du travail de la chambre de commerce autochtone. Je n'envisage pas un avenir où nous allons créer beaucoup de programmes, car je ne saurais trop insister là-dessus : les programmes existent déjà, mais nous allons faire des recherches et travailler diligemment à repérer les organismes voulus, et nous assurer, que vous soyez membres de notre organisation ou non, que vous vous présenterez à nos locaux, pour que nous puissions vous mettre sur le bon chemin.

Le président : Je tiens à remercier Mme Sypulski et M. Kidd d'être venus comparaître devant le comité et d'avoir respecté les limites de temps accordées : c'est que nous avons un horaire chargé aujourd'hui.

Mme Sypulski : Merci et bon séjour à Winnipeg. L'épreuve n'a pas été aussi difficile que je l'avais anticipé.

Le président : Nous ne maltraitons pas les gens. Je suis chez moi ici. Je dois bien m'occuper de ma ville natale.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue au grand chef Sydney Garrioch, du Manitoba Keewatinook Ininew Okimowin, ou MKO, et sa délégation. Comme nous avons un horaire chargé aujourd'hui, je demanderais aux témoins de s'en tenir à un exposé de dix à 15 minutes, au plus, pour que les sénateurs puissent poser des questions et, nous l'espérons, en apprendre sur la façon d'améliorer le sort de nos peuples autochtones partout au pays, du point de vue du développement économique. Vous avez la parole.

Grand chef Sydney Garrioch, Manitoba Keewatinook Ininew Okimowin : Bonjour et bienvenue à Winnipeg. Font partie de la délégation, derrière le groupe, le chef Joe Danttouze de la Northlands First Nation et Richard Hart, notre directeur général, ainsi que Ashmede Asgarali du Keewatin Tribal Council, ou KTC. À la table, à ma gauche, il y a Mike Anderson, du Natural Resources Secretariat, et Joe Guy Wood, notre conseiller.

Nous nous excusons du fait qu'il n'y a pas suffisamment de temps pour écouter notre exposé dans la deuxième langue officielle.

Au nom des 30 Premières nations du Nord du Manitoba et des 53 000 citoyens membres des Premières nations représentés par le MKO, je tiens à vous remercier de l'occasion que vous nous offrez de présenter un court exposé sur la participation des collectivités et des entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada et dans la région du MKO.

Pris ensemble, les terres natales et territoires traditionnels des Premières nations du MKO couvrent presque les trois quarts des terres et des eaux de la province du Manitoba. Nous, citoyens des Premières nations du MKO, continuons d'occuper et d'habiter nos terres traditionnelles comme nous l'avons fait pendant de nombreux siècles avant l'arrivée des commerçants de fourrure européens en 1680. Pendant tout ce temps, notre force, notre sentiment de paix et notre bien-être provenaient de la foi que nous inspire le Créateur, depuis l'application de notre droit coutumier jusqu'à notre responsabilité à l'égard des terres, des eaux et de ressources, en passant par notre sentiment de communauté. Nous avons pu survivre grâce au savoir collectif de nos ancêtres, de nos aînés et des membres de notre communauté, savoir passé de génération en génération et devenant de plus en plus précieux avec chaque nouvelle expérience.

C'est un honneur de rencontrer le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones afin de faire part des objectifs de développement économique des Premières nations du MKO et de discuter des exigences particulières qui s'appliquent à notre fiduciaire et cosignataire de traité, le Canada, pour ce qui est de la réalisation des objectifs en question.

Les projets que met en œuvre le MKO pour promouvoir le développement économique dans sa région reposent sur les principes suivants :

Le développement économique doit améliorer et renforcer notre identité en tant que Première nation et refléter nos connaissances traditionnelles et les principes de notre droit coutumier, notamment les notions propres à notre relation avec le Créateur et notre devoir sacré consistant à protéger le Keewatinak Askiy et le Denesuline Nene, nos terres et territoires traditionnels;

Le développement économique doit concorder avec la relation établie par traité, défendre l'honneur de la Couronne et être conforme à l'obligation fiduciaire de la Couronne à l'égard des Premières nations du MKO;

Le développement économique doit être marqué par la reconnaissance, le respect, l'engagement et l'accommodement, et doit reposer sur un partage équitable des recettes et des avantages;

L'objectif du développement économique consiste à répondre aux besoins des gens, à améliorer la qualité de vie et à rétablir et entretenir le bien-être collectif;

L'existence et la qualité des services communautaires tiennent lieu de mesures du succès des projets de développement économique — il s'agit d'améliorations mesurables de la qualité de vie et du bien-être de nos habitants;

Les projets de développement économique, y compris les lois, politiques et programmes, doivent servir à reconnaître et à améliorer nos compétences en tant que gouvernement, soutenir le renforcement de notre capacité de gouverner et être adaptés au contexte culturel;

La conception et l'exécution des projets et programmes de développement économique sont soumis à la direction et à la consultation de nos habitants, et ce sont eux qui déterminent dans quelle mesure les programmes et projets sont appropriés et pertinents;

Éléments de l'évaluation environnementale de tout développement économique, les connaissances scientifiques traditionnelles et les connaissances scientifiques occidentales doivent être considérées comme ayant une valeur et une importance égales.

L'examen par le comité de la participation des collectivités et entreprises autochtones aux activités de développement économique du Canada, et le rapport qui s'ensuit, devraient refléter les quatre composantes de la notion qui existe entre les Premières nations du MKO et Sa Majesté du chef du Canada : le lien établi par traité et l'honneur de la Couronne; la relation fiduciaire; les relations économiques et financières; et les relations d'affaires.

Les Premières nations du MKO ont conclu plusieurs traités, soit ceux qu'on appelle le Traité no 4 de 1874 (Traité des lacs Qu'Appelle), le Traité no 5 de 1875-1910, (Traité de Winnipeg), le Traité no 6 de 1876 (les Traités de Fort Carlton et de Pitt) et le Traité no 10 de 1906-1908.

Lorsque nos ancêtres, à titre de représentants de nos nations souveraines, ont engagé avec Sa Majesté des négociations en vue de la conclusion d'un traité, la démarche était fondée sur la reconnaissance expresse de notre statut de nation souveraine et de détenteur du titre autochtone sur nos terres, nos ressources et nos eaux ancestrales. Nous avons accepté de négocier les traités dans la mesure où il était entendu que nous allions collaborer « pour délibérer sur certaines matières d'intérêt pour Sa Très-Gracieuse Majesté, d'une part, et (nos ancêtres) de l'autre ». Lorsque nous avons poursuivi les négociations à cet égard, il était également établi que Sa Majesté reconnaissait la nécessité d'« obtenir le consentement » de nos ancêtres afin d'« ouvrir pour la colonisation, l'immigration, le commerce [...] » nos terres au profit « d'autres sujets » de Sa Majesté.

Sa Majesté a voulu que nos ancêtres consentent au partage de nos terres et ressources ancestrales avec les colons, et il demeure aujourd'hui que nous devons consentir à toute modification des conditions de nos traités pour qu'ils soient acceptés par nos nations ou notre peuple. Le consentement mutuel est le principe directeur du traité.

Aujourd'hui, le MKO est représenté par la médaille commémorative fournie à l'époque par les commissaires aux traités de Sa Majesté. C'est le symbole de la relation sacrée qui existe entre nos nations et Sa Majesté. La médaille fait voir clairement un commissaire qui arrive sur les terres des Premières nations, à titre d'invité, pour négocier et conclure un traité, pour rencontrer, en vue de s'entendre avec eux les dirigeants des gouvernements des divers territoires des Premières nations. La médaille représente notre engagement commun en ce qui concerne l'édification d'un pays et la réalisation des objectifs que constituent le partage, la paix et la bonne volonté, et une relation fondée sur les principes que constituent le respect, l'honneur, la reconnaissance et la confiance réciproques.

Nos traités reflètent l'engagement solennel contracté par les Premières nations, la foi mise dans l'idée d'édifier avec le gouvernement de Sa Majesté un pays tant que le soleil brille, que l'herbe pousse et que les fleuves coulent. L'engagement en question englobe l'obligation de renouveler, de renforcer et de faire évoluer notre relation de nation à nation au fil du temps. Notre relation et notre engagement commun face à l'édification d'un pays ne sont pas figés dans l'histoire. Il faut les situer plutôt dans leur contexte moderne, en regard des événements qui se produisent et de l'évolution de nos nations respectives.

Michael Anderson, directeur de la recherche, Manitoba Keewatinook Ininew Okimowin : Monsieur le président, j'aimerais attirer l'attention du comité sur la décision rendue dans l'arrêt Marshall de 1999, où la Cour suprême du Canada a évoqué les relations économiques et financières entre Sa Majesté et les Premières nations dans le contexte qui aurait été admis au moment de la conclusion des premiers traités, dans le cas qui nous occupe, avec les Micmacs. La Cour suprême a déclaré :

La clause relative au commerce n'aurait pas favorisé les objectifs des Britanniques (des relations harmonieuses avec un peuple micmac) ni ceux des Micmacs (l'accès aux « biens nécessaires » européens, sur lesquels ils étaient venus à compter) si les Micmacs n'avaient pas été assurés, implicitement ou explicitement, d'avoir un accès continu aux ressources de la faune pour en faire le commerce [...] si le droit est disposé à suppléer aux lacunes de contrats écrits — préparés par des parties bien informées et leurs conseillers juridiques — afin d'en dégager un résultat sensé et conforme à l'intention des deux parties, quoiqu'elle ne soit pas exprimée, il ne saurait demander moins de l'honneur et de la dignité de la Couronne dans ses rapports avec les Premières nations...

Nous sommes maintenant au XXIe siècle, mais ni Sa Majesté, ni le gouvernement du Canada ni le ministre ne saurait contester le fait que les dispositions et promesses formulées dans le traité n'ont pas encore été pleinement mises en œuvre et que le droit à l'autonomie et à l'autodétermination prévu dans le traité reste à exercer.

Ce passage de l'arrêt Marshall nous paraît capital — même s'il porte sur le Traité maritime, qui est sans lien avec nos traités numérotés dans les Prairies —, car l'histoire orale de nos Premières nations confirme aussi l'objectif et la promesse qui sont au cœur des traités conclus entre nos Premières nations et Sa Majesté, soit d'établir des relations pacifiques avec les peuples autonomes des Premières nations.

Pour que nous puissions réaliser les objectifs dont il est question, le MKO recommande que le comité étudie chacun des éléments que nous avons présentés sous les quatre rubriques centrales qu'elle a énoncées, du point de vue des politiques gouvernementales, et de formuler des recommandations à cet égard.

La première — et je sais que les comités du Sénat et des Communes ont entendu nos discussions à ce sujet, nous sommes le MKO, après tout — consisterait à reconnaître et à protéger les économies et moyens de subsistance fondés sur la récolte, de nature commerciale et prévue par traité, particulièrement les avantages non financiers des denrées récoltées au pays même ainsi que les avantages d'autres points de vue — social, culturel, santé, autres. Ce que nous entendons par là, c'est qu'à l'intérieur du territoire autour de nos collectivités, sur ce territoire — les trois quarts environ de la superficie du Manitoba, comme le Grand chef a pu le mentionner —, 15 de nos collectivités sont isolées, c'est-à-dire qu'elles sont seulement accessibles par les airs ou par des routes praticables l'hiver, et, étant donné les changements climatiques, cette accessibilité varie nettement davantage et est de nature à inquiéter.

Ce qu'il faut savoir, en fait, c'est qu'une bonne proportion de la population de notre nation, tire son revenu et sa subsistance des ressources tout autour, au moyen de diverses activités de récolte traditionnelles, commerciales et non financières, aux côtés des grandes Premières nations qui, elles aussi, continuent d'exercer leurs activités traditionnelles.

Selon les estimations, au total, les sociétés commerciales de chasse et de piégeage au Manitoba comptent pour moins de 20 millions de dollars; mais la valeur de remplacement du gibier et du poisson pris au pays, s'il fallait l'acheter en espèces, se situerait entre 35 et 50 millions de dollars par année dans la région du MKO. Voilà qui est énorme et qui, quelle que soit la mesure adoptée, constitue un pilier des économies de nos nations, mais qui est souvent ignoré et n'est pas protégé officiellement par les politiques gouvernementales.

Nous remarquons que, dix ans après la mise en place de la Convention sur le transfert des ressources naturelles — dont je parlerai dans une minute —, la province du Manitoba a commencé à attribuer de vastes secteurs des territoires traditionnels des Premières nations à diverses franchises, par exemple les élevages de rats musqués à Opaskwayak et Waboden et créé ce qu'on a appelé à l'époque le district central du piégeage. Eh bien, le secteur en question a été pris à même les terres traditionnelles des Premières nations, et Sa Majesté du chef du Canada a commencé à vraiment s'inquiéter de l'éventualité que les Premières nations se voient dépossédées de leur base de ressources — pour des fins alimentaires, commerciales, économiques et autres — comme dans le cas de la Compagnie de la Baie d'Hudson.

En fin de compte, le Canada a conclu avec le Manitoba une série d'ententes visant à créer ce que nous reconnaissons aujourd'hui, dans la province, comme étant le système moderne de piégeage. La promesse faite à l'époque, comme en font foi les ententes conclues à la fin des années 40, consistait à donner aux Premières nations un droit exclusif d'accès et d'utilisation une fois nommées les concessions de piégeage. Le lien entre l'économie traditionnelle et la viabilité économique de nos nations a été reconnu par le Canada dès le début des années 40, et inscrit dans des ententes conclues entre la province et le Canada au cours des années 40 et au début des années 50. Ce système de gestion — le système de territoires de piégeage enregistrés — demeure aujourd'hui le premier moyen employé pour délimiter les territoires, préciser l'intérêt foncier des Premières nations et ainsi de suite.

Quand nous parlons de valeurs sociales, de culture, de santé et d'autres valeurs, nous parlons des jeunes qui continuent de s'activer avec leurs parents et leurs grands-parents, leurs tantes et leurs oncles, à récolter les fruits de la terre — nous parlons des avantages de la nourriture traditionnelle pour la santé. Nous savons tous que le taux de fréquence du diabète est extrêmement élevé dans la région du MKO. Les aînés et les guérisseurs disent tous : « Mangez de la nourriture traditionnelle et restez actif. » S'il fallait établir la valeur directe et indirecte de l'économie traditionnelle, il est certain que ce serait bien des fois supérieur à la simple mesure du rendement commercial.

Quant à la politique de Sa Majesté, garder les gens sur les terres représente l'élément central de la politique, particulièrement dans les régions éloignées du Canada. Essentiellement, c'est le premier élément de la politique que nous faisons perdurer. Bien entendu, l'accès à la terre, les activités en question souffrent de considérations liées à la concurrence du développement économique à grande échelle, par exemple les projets d'exploitation forestière, minière et hydroélectrique. Il y a donc là des intérêts contradictoires qui font que les mesures de dédommagement prévues dans les diverses ententes ne suffisent pas à contrer les effets néfastes des activités en question sur les économies traditionnelles et les revenus qui en découlent.

En deuxième lieu, il y a la question générale de la mise en œuvre des rapports instaurés par les traités et la défense de l'honneur de la Couronne. Un des dossiers qui attire l'attention, surtout ces derniers temps, vise à savoir si le traitement distinctif des Premières nations dans le cadre de projets économiques découle de la politique gouvernementale, comme l'affirment souvent les autorités, ou encore de l'application d'un traité.

Nous somme d'avis que le traitement distinctif ainsi prévu dans les ententes de cogestion, dans les ententes sur les projets de développement économique conclues avec les Premières nations qui sont touchées par les projets hydroélectriques comme le projet Wuskwatim et d'autres ententes conclues avec des Premières nations en rapport avec divers projets représentent, à la base même, un élément du titre autochtone prévu dans les traités. Ce sont des mesures qui se situent en dehors des politiques gouvernementales; elles relèvent d'un traité et, par conséquent, sont reconnues et affirmées comme droits et sont protégées par les articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Nous recommandons que le Canada adopte des dispositions législatives pour reconnaître expressément que les mesures fédérales — pour le développement de l'économie et des entreprises, l'exemption de l'impôt, les préférences en matière d'emploi et d'approvisionnement, les autres mesures conçues à l'intention et à l'avantage des Premières nations — ont pour fondement le titre autochtone; qu'elles sont conformes à un traité et, par conséquent, qu'elles sont reconnues, affirmées et protégées par Loi constitutionnelle de 1982.

Nous croyons que la recommandation à cet égard aura une plus grande importance à l'avenir, à mesure que le dossier est examiné... les mesures seront considérées comme relevant de la politique gouvernementale ou encore des traités, et nous voulions porter cette question importante à l'attention du comité.

L'autre recommandation vise certainement à contrer les effets néfastes de la Convention sur le transfert des ressources naturelles sur les entreprises commerciales, l'accès aux ressources, la répartition des avantages découlant des ressources et les ententes de partage des recettes conclues entre le gouvernement et les Premières nations. Les Premières nations du MKO ne sont pas d'accord pour dire que le transfert du pouvoir de gestion des ressources du Canada à la province était conforme aux modalités des traités. Nos rapports avec la province dans le secteur des ressources sont marqués par une objection de notre part, soit que, à notre avis, cela est incompatible avec les modalités du traité. Néanmoins, si vous en étudiez les effets, par exemple à la suite de décisions de la Cour suprême comme dans l'arrêt Horseman... vous voyez que, selon le tribunal, le Parlement entendait modifier les droits établis dans les traités numérotés et, dans le cas de l'arrêt Horseman, le traité no 8. Le tribunal a convenu du fait que le droit confirmé dans le traité no 8 comportait un élément commercial, mais que le Parlement entendait modifier ce droit par la voie de la Convention sur le transfert des ressources naturelles et la loi habilitante qui a suivi.

Pour dire les choses le plus simplement possible, au bout du compte, nos Premières nations ont été consignées dans des îlots de pauvreté entourés par nos terres traditionnelles, du fait de la perte de l'accès direct aux ressources et du fait que le Parlement a mis fin intentionnellement au droit commercial à la pêche, à la chasse et au piégeage, à la coupe du bois et ainsi de suite, en le remplaçant par un droit plus vaste de chasser pour se nourrir, selon la décision du tribunal.

Dans les trois provinces des Prairies — l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba —, c'est un aspect central, capital de nos rapports en ce qui concerne l'accès aux ressources, le partage des avantages et le partage des recettes... le Parlement a intentionnellement éliminé le droit commercial soumis au regard du tribunal dans l'affaire Marshall pour mettre à sa place le droit de chasser pour se nourrir, plus vaste, ce qui me ramène à ma première recommandation concernant l'importance de l'économie traditionnelle.

Nous aimerions que le comité se penche sur d'autres questions — par exemple, le rétablissement de l'exemption d'impôt sur le revenu des Premières nations pour la pêche, le piégeage, la récolte de riz sauvage, la coupe de bois et d'autres activités traditionnelles. Du fait de la décision de la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Marshall, la création du critère des facteurs de rattachement et ce qui revient essentiellement à une infirmation de la décision précédente dans l'affaire Nowegijick... le revenu des pêcheurs commerciaux des Premières nations a été imposé pour la première fois depuis le début de ce commerce durant les années 1680. Pendant plus de trois cents ans, nos pêcheurs ont poursuivi leurs activités sans voir s'appliquer à eux quelque droit ou impôt, jusqu'à ce que l'Agence du revenu du Canada le fasse pour la première fois en 1995. Entre 1680 et 1982, et 1995, nos pêcheurs ont pratiqué des échanges commerciaux avec les Européens sans être assujettis à l'impôt.

Conjugué à d'autres facteurs externes, cela a eu l'effet, essentiellement, de réduire de 45 p. 100 le revenu net des pêcheurs commerciaux dans la région du MKO. Il est donc extrêmement important que le Parlement examine les répercussions de l'arrêt Williams et qu'il agisse, par voie de règlement sous le régime de la Loi sur les Indiens ou d'autres lois, pour pallier à ce méfait dû, dans les faits, à une certaine interprétation de la Loi sur les Indiens par les tribunaux. Or, il est du ressort du Parlement de remédier à cette situation; ce faisant, il améliorerait sensiblement la situation économique de tous ceux parmi nous qui vivent de cette récolte.

L'autre consisterait à accélérer le transfert des terres conformément à l'Entente cadre sur les droits fonciers issus des traités du Manitoba. Dans de nombreux cas, nos Premières nations attendent depuis plus de 100 ans d'avoir un territoire en application de la disposition d'attribution par habitant du traité. Le dossier n'avance pas. Moins de 5,6 p. 100 de l'ensemble des terres promises dans l'entente de 1997 ont été transformées en réserves. Bien entendu, la vérificatrice générale s'est inquiétée de la lenteur des progrès à cet égard dans son rapport, et nous nous faisons l'écho de ses commentaires.

De même, nous invitons vivement le comité à proposer des dispositions législatives pour s'assurer que le Canada fait du partage des recettes, du partage des revenus et de l'accès aux ressources un élément obligatoire des politiques gouvernementales et une condition légale de l'attribution par les autorités fédérales d'approbations ou de permis pour les projets de production d'électricité, d'exploitation des richesses en eau ou autres richesses naturelles, là où l'approbation des autorités canadiennes est requise — par exemple, l'aménagement de centrales hydroélectriques doit être approuvé à la fois par Pêches et Océans Canada, et Transports Canada — et dans tout autre cas où doit s'exercer le pouvoir fédéral. Nous y voyons un moyen concret pour donner effet à la promesse du partage établie dans les traités et à l'engagement, également établi dans les traités, quant à l'établissement de l'autonomie et de relations pacifiques entre Sa Majesté et nos nations. Il n'en a pas été question, mais nous savons que l'Office national de l'énergie prend constamment en considération de tels impacts et les ententes sur le partage des avantages et les autres moyens adoptés pour établir la répartition des avantages tirés d'un projet au profit de la population locale des Premières nations. Son approbation des pipelines aménagés au nord du 60e parallèle, entre Norman Wells et Zama, constitue un bon exemple pour ce qui est des projets gaziers en mer et ainsi de suite. Là où il a le pouvoir de le faire, le Canada — pour les projets en mer et au nord du 60e parallèle —, choisit d'appliquer des ententes semblables à celles-là par la voie des autorisations réglementaires et légales.

De même, nous recommandons que les autorités appliquent dans leur intégralité les droits issus de traités concernant l'éducation, les soins de santé, et d'autres droits et promesses découlant de traités en matière d'autosuffisance et de bien-être des collectivités. Nous en traitons longuement, mais, bien entendu, la capacité et l'éducation des personnes ainsi que la santé sont des fondements essentiels de projets économiques fructueux.

Du point de vue des relations économiques et financières, il y a là plusieurs recommandations. Un des aspects en question consiste à établir, par un examen des politiques, les inégalités qui existent — particulièrement entre les Premières nations des régions éloignées et les autres. Par exemple, la politique du Canada, ou plutôt la politique du ministère des Affaires indiennes et du Nord, prévoit le fonctionnement et l'entretien dans les réserves d'installations établies sous le régime d'une politique qui existait avant 1983, qui a été codifiée en 1983 et qui a continué de s'appliquer à la suite d'une modification apportée en 1998. De ce fait, le Canada recourt à la fois à une formule et à un calcul par habitant pour établir les contributions et les actifs de soutien. Par exemple, la formule prévoit 20 cents de chaque dollar compté dans le coût estimatif de fonctionnement d'un élément d'actif de catégorie trois, c'est-à-dire un bureau de bande, un centre sportif ou une installation semblable. Les 80 p. 100 restants sont censés provenir des recettes générées sur place, mais la capacité à cet égard varie d'une nation à l'autre, particulièrement en région éloignée, par rapport au milieu urbain, de sorte que cela crée ce qui équivaut à une discrimination systémique en ce qui concerne la politique de fonctionnement et d'entretien, qui a un effet néfaste sur les Premières nations des régions éloignées, par exemple comme celles de la région du MKO.

C'est une question d'importance critique, car, bien entendu, comme bon nombre de témoins l'ont déjà fait valoir, l'infrastructure est cruciale comme élément et fondement d'un développement économique fructueux au sein des communautés des Premières nations.

À la page sept de notre mémoire, vous trouverez une série d'exposés sur des questions touchant les relations d'affaires et les projets économiques. Je demanderais à Joe Guy Wood de vous en parler.

Joe Guy Wood, coordonnateur du développement économique, MKO, Manitoba Kewatinook Ininew Okimowin : Merci. Je suis président de la MKO Economic Development Corporation. Je suis accompagné de Ashmede Asgarali, qui est également membre du conseil d'administration de la MKO Development Corporation.

Durant les quelques minutes qui me sont allouées, j'aimerais parler de ce que nous faisons dans le Nord du point de vue du développement économique.

Premièrement, je tiens à mentionner que les conditions socio-économiques vécues dans nos communautés sont des conditions propres au tiers monde et qu'une quinzaine d'entre elles sont uniquement accessibles par voie aérienne pour la majeure partie de l'année, sauf par chemin de glace et pendant quatre semaines environ. Les taux de suicide sont élevés, les taux de mortalité infantile sont élevés, les taux de chômage et de décrochage scolaire sont tous élevés — toutes nos communautés ont cela en commun. Il y a une pénurie d'écoles, d'autres infrastructures aussi, les conditions de logement sont inadéquates, les gens sont entassés, les routes sont de mauvaise qualité, l'approvisionnement en eau potable est inadéquat, l'infrastructure technique — les télécommunications, l'accès à haute vitesse sur large bande et ainsi de suite — sont mauvaises et inadéquates.

Dans le Nord, nous avons d'abondantes ressources, et les ressources principales à notre disposition dans le nord du Manitoba, ce sont les ressources humaines. La population des communautés du MKO s'élève à quelque 60 000 habitants. Le taux de naissances est supérieur de 10 p. 100 à celui de la population générale, et quelque 80 p. 100 des gens sont aptes à l'emploi et à la formation.

Dans certaines communautés, tout n'est pas sombre; certains ont une pensée progressiste. Certaines communautés des Premières nations se sont donné la capacité de mettre en place de grands projets économiques malgré les obstacles, ce dont je vais vous parler. Les communautés en question montrent la voie et conçoivent des projets de développement économique au caractère innovateur et servent de modèles à d'autres communautés, par exemple la nation crie d'Opaskwayak, Norway House et Nelson House.

Bien entendu, il y a également l'abondance de terres et de ressources naturelles prêtes à être mises en valeur dans le Nord du Manitoba. Les deux tiers du territoire manitobain correspondent aux territoires traditionnels des Premières nations du MKO. Soixante-dix pour cent sont des segments isolés dont les ressources ne sont nullement mises en valeur. Les Premières nations pourraient encore prendre en main le contrôle et la mise en valeur des ressources — forêts, mines, produits animaux, plantes, terres, eaux et air.

Il y a de grandes occasions à saisir dans le Nord du Manitoba, et les possibilités de développement économique sont illimitées. Parmi les occasions à saisir dont il a été question dans le forum de 2003 sur le développement économique, citons l'hydroélectricité, le transport, le tourisme, la construction, les ressources naturelles, la vente au détail et l'enseignement.

Bon, il y a des obstacles au développement. Les Premières nations du Nord du Manitoba éprouvent de grandes difficultés à participer convenablement aux économies du Nord. Citons quelques obstacles : la discrimination raciale; une capacité et une scolarité insuffisantes; les Premières nations ne participent pas à l'élaboration des politiques; les compressions budgétaires touchant les programmes de développement économique d'Affaires indiennes et du Nord Canada; le taux d'inflation qui augmente, et puis le coût de la vie; l'accès quasi impossible aux fonds d'Entreprise autochtone Canada; l'approche unique qu'applique le gouvernement fédéral à l'ensemble des Autochtones, ce qui restreint l'accès aux fonds du point de vue des Premières nations; la relation particulière entre les Premières nations et le gouvernement fédéral reste à être réalisée; les gens des Premières nations sont assimilés à des groupes d'intérêt et opposés aux autres Canadiens par les gouvernements, pour des raisons politiques; l'attitude et l'indifférence des bureaucrates envers les Premières nations ne sont pas propices au développement; les restrictions de la Loi sur les Indiens empêchent le développement; et il n'y a pas de fonds de développement des Premières nations au Manitoba, contrairement à ce qui existe dans d'autres provinces.

Dans le Nord du Manitoba, nous avons créé une société de développement économique : l'Economic Development Corporation. Les dirigeants locaux ont déterminé que le développement économique serait un instrument pour créer de la richesse et acquérir l'autonomie financière nécessaire pour pallier aux conditions socio-économiques que j'ai mentionnées. Le ministre des Affaires indiennes a invité les dirigeants du MKO à concevoir une stratégie de développement économique et a promis des appuis moraux et financiers. Le MKO a organisé en 2003 un forum pour réunir les gens du Nord et les secteurs privé et public, afin de mettre au jour les occasions, les objectifs, les priorités et les méthodologies applicables; nous avons donné un compte rendu à ce sujet.

La stratégie mise au point au forum en question est la suivante : il faudra un solide partenariat faisant appel aux Premières nations elles-mêmes, à tous les ordres de gouvernement et au secteur privé pour que puisse se concrétiser une union commerciale fructueuse susceptible de créer de la richesse et de déboucher sur l'autonomie financière nécessaire à toutes les entreprises.

Quant à la mise sur pied de la MKO Economic Development Corporation et à la création d'un plan d'affaires entièrement intégré, nous croyons que le projet économique dont il est question conduira les Premières nations dans le Nord à participer pleinement à l'économie générale; à saisir les possibilités de partenariat qui existent avec le secteur privé; et à atteindre le degré d'autonomie financière nécessaire pour avoir des répercussions positives et concrètes sur les communautés et les gens des Premières nations du Nord. À cet égard, nous avons obtenu un minimum de fonds des administrations fédérale et provinciale, et également d'Hydro-Manitoba, pour la mise en valeur du projet.

Nous avons un plan d'affaires, et vous pourrez y voir les possibilités d'affaires concernant les projets d'Hydro- Manitoba; le transport, par voie aérienne et par la route; et les activités des fournisseurs de services; les finances, les soins de santé, l'emploi et la formation, la mise au point de la technologie; les projets touchant la chaîne d'approvisionnement, les produits pétroliers, les aliments, les vêtements, les produits du bois, le ciment et ainsi de suite; et la mise en valeur de ressources naturelles renouvelables et non renouvelables.

L'état actuel du projet : en ce moment, le projet est tout à fait bloqué à l'étape de la mise en œuvre, étant donné un grave manque de financement qui permettrait de soutenir l'administration de base de notre société de développement. Il y a sur la table d'intéressants partenariats proposés avec le MKO. Les projets sont prêts à être mis en œuvre.

L'un d'entre eux, baptisé Fire Spirit, provient d'une coentreprise faisant appel au MKO et à une entreprise de technologie de pointe de Winnipeg. Il s'agit de conclure avec le gouvernement manitobain un contrat pour des services de présentation de candidats en vue d'un projet à venir d'Hydro-Manitoba.

Il y a une coentreprise de distribution de pétrole qui est en cours de formation. Elle fait appel au MKO et à certaines Premières nations du Nord du Manitoba et vise à établir un centre de distribution de produits de pétrole à destination des comités du Nord du Manitoba et du secteur privé.

Il y a également un projet de gardiens de sécurité, coentreprise envisagée avec une entreprise de sécurité manitobaine bien connue. Il s'agirait de fournir des services de sécurité au projet de Hydro-Manitoba. Il y a un fournisseur de ciment, des services financiers, et également la commercialisation de services de santé là où il y a beaucoup d'argent.

Notre recommandation est la suivante : nous avons besoin des appuis financiers du gouvernement pour poursuivre le projet. L'autre, c'est que les peuples des Premières nations doivent participer pleinement à la conception, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques fédérales ayant une incidence sur les peuples des Premières nations. Les budgets de développement économique du ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada doivent être rétablis. L'approche unique appliquée à l'ensemble des Autochtones doit être révisée, et un programme de développement économique conçu expressément à l'intention des Premières nations, remis sur pied. Le développement économique doit être remis sur pied à cet égard et figurer parmi les priorités du gouvernement du Canada.

Il faut réviser les politiques fédérales afin de reconnaître le lien unique qui existe entre les Premières nations et le Canada. Il faut établir un processus d'examen des conséquences négatives de la Loi sur les Indiens pour le développement économique et élaborer conjointement des politiques fédérales qui sont acceptables aux yeux des deux parties. Il faudrait établir un fonds de développement du Nord du Manitoba pour les peuples des Premières nations. Le Canada devrait élaborer des politiques et adopter des lois pour s'assurer que l'accès aux ressources, le partage des avantages et le partage des recettes tirées de l'exploitation des ressources prévus dans les ententes avec les Premières nations figurent comme conditions d'approbation des projets énergétiques et projets de mise en valeur de l'eau et des ressources naturelles. Le Canada devrait revoir ses politiques de gouvernance concernant les Autochtones et établir un nouveau ministère sous l'égide du Bureau du Conseil privé. Merci.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez mentionné l'autosuffisance à plusieurs reprises, durant votre exposé. Si vous aviez l'autonomie gouvernementale, est-ce que cela améliorerait la vie des membres des Premières nations?

M. Wood : Pour répondre brièvement, oui. Bien entendu, cela tient à des critères financiers et autres; brièvement, oui, ce serait utile.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez également affirmé qu'il y a d'abondantes ressources ici — vous parlez de la pêche, de la chasse, des forêts?

M. Wood : Une ressource est une ressource lorsque quelqu'un en a besoin. Si personne n'est prêt à payer pour s'en procurer, c'est inutile. La ressource existe, mais on ne saurait en dire autant de l'argent nécessaire au développement et aux ententes qui doivent être conclus avec les Premières nations; celles-ci doivent participer également à la démarche. Les Premières nations n'ont pas d'argent. Nous souffrons de sous-financement lamentable. Sans le partenariat dont il est question, nous ne pourrons réaliser nos aspirations à l'autonomie gouvernementale.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Quels sont les conseils que vous donneriez à un membre d'une Première nation qui, en région éloignée, souhaite mettre sur pied sa propre entreprise?

M. Wood : Il faut de l'éducation, de l'éducation, de l'éducation, cela d'abord et avant tout : c'est une des graves lacunes dont on souffre dans le Nord. Ensuite, comme le taux de chômage se situe à 90 p. 100, les capitaux propres posent une grande difficulté. L'accès aux prêts en est une autre. Les gens ont donc besoin d'aide sur tous les plans. La volonté y est, le moral aussi, la volonté d'indépendance y est, mais le soutien général n'est pas aussi fort qu'il pourrait l'être.

Le sénateur Peterson : Êtes-vous parvenu à mettre l'administration du MKO à l'abri des jeux politiques de la bande?

M. Garrioch : À l'échelle de la communauté, ils ont leurs propres dirigeants et ils ont mis sur pied leurs propres entreprises. Le MKO appuie notamment l'adoption d'une approche collective, pour en arriver à une régionalisation... certaines composantes de notre plan d'affaires sont l'œuvre commune des Premières nations, si j'ai bien compris votre question. Il y a donc diverses catégories de développement, à l'échelle de la communauté et à l'échelle de la région du MKO; il y a deux échelles.

Le sénateur Peterson : À quelle étape êtes-vous rendu pour ce qui est de parachever l'acceptation des traités, étant donné qu'il semble s'agir d'une grande question?

M. Garrioch : Le lien que nous cultivons en rapport avec le traité est particulier, tout comme l'obligation fiduciaire du gouvernement. La responsabilité du gouvernement est grande. Nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral se décharge de cette responsabilité sur les provinces — et, encore une fois, il est injuste pour lui d'agir ainsi. Nous avons établi cette relation avec le gouvernement fédéral, et nous voulons que ce soit le fondement de notre approche en matière d'entreprise. Il nous faut tant de choses pour combler la lacune relevée... nous ne pouvons mettre à exécution la relation d'affaires, certaines choses doivent faire l'objet d'un suivi et c'est d'une importance capitale. De la façon dont c'est structuré en ce moment, ce sont les politiques et les programmes qui déterminent l'action, et non pas le traité.

Le sénateur Peterson : Mais tout le problème est là, n'est-ce pas? Vous passez tout votre temps à essayer de parachever les traités qui vous permettront de faire ce que vous devez faire? C'est vraiment un dilemme et jusqu'à ce que vous parveniez à régler cela... à moins d'essayer de le faire conjointement, et sans que les traités ne soient reconnus. Puisque tout en découle, tous vos droits, tout votre financement, tout en découle. Si vous passez tout votre temps à essayer de parachever cela, comment faites-vous pour vous occuper de développement économique?

M. Garrioch : Si nous créons une certaine ambiance et adoptons un processus sur lequel nous nous entendons, nous et le gouvernement fédéral, les approches parallèles peuvent porter fruit. Nous devons donc créer un processus qui nous convient.

Le sénateur Peterson : Qu'est-ce qui retarde la publication du cadre sur les droits fonciers?

M. Anderson : Le MKO est d'avis que les Couronnes provinciale et fédérale s'adonnent à ce que le grand chef a qualifié plus tôt dans ses lettres aux parties respectives d'abus de pouvoir, ce que la vérificatrice générale n'a pas relevé. Nous sommes d'avis que le Manitoba et le Canada adoptent à l'égard de la mise en œuvre des positions qui ne concordent tout simplement pas avec une interprétation simple et franche de l'entente, et ni l'une ni l'autre des parties est...

Le président : Vous vouliez dire du traité?

M. Anderson : Je m'excuse, sénateur. Pour le compte rendu, je dirai que c'est l'Entente cadre sur les droits fonciers issus des traités du Manitoba du 29 mai 1997. L'entente énonce clairement un mécanisme pour la sélection et le transfert des terres par habitant. Les deux parties ont apporté à la démarche des idées, des politiques et des préoccupations nouvelles qui n'ont pas été intégrées aux dispositions de l'entente. Comme le Canada est le Canada et qu'il sait bien se servir des manœuvres dilatoires, il met en œuvre les nouvelles initiatives de politique en insistant simplement pour que cela se fasse, que cela concorde ou non avec une interprétation franche et simple de l'entente.

Nous nous inquiétons également de ce que le Manitoba et le Canada ne soulèvent pas les questions qui les intéressent dans les formes, car, bien entendu, pour régler un différend entre diverses parties, il faut savoir quelles sont les questions en jeu pour les parties. Or, ni le Canada ni le Manitoba n'a exposé en détail le bien-fondé de sa position.

Le président : Le Sénat nous a remis un ordre de renvoi qui nous donne pour tâche d'établir pourquoi il faut 14 ou 15 ans pour qu'aboutisse le processus appliqué aux droits fonciers issus des traités dans le cas des revendications particulières dont il est question ici. Je ne sais pas si vous en êtes conscients, grand chef, monsieur Anderson, mais nous sommes à réaliser une étude au Sénat et nous travaillons de concert avec l'actuel ministre des Affaires indiennes et du Nord. Celui-ci est tout à fait conscient de ce que nous faisons et nous manifeste son appui. Il faut neuf ans pour que certaines des demandes en question arrivent à bon port au ministère de la Justice. D'abord, il faut trois ans pour établir que la demande est légitime, puis la justice s'en saisit pendant neuf ans encore. À titre de comité, nous faisons de notre mieux pour ne pas donner dans la politique sectaire et essayons d'être au service des commettants, c'est-à-dire des peuples autochtones partout au Canada. Il est à espérer que nous réussirons à faire quelques progrès.

Dans le cas d'Hydro-Manitoba et de l'aménagement des barrages dans le Nord, y a-t-il des cas où le barrage est aménagé sur un territoire traditionnel ou un territoire visé par un traité?

M. Anderson : Je dirais que tous les grands projets, que ce soit dans le domaine des mines, de la foresterie ou de l'hydroélectricité, ont été réalisés sur les territoires traditionnels des Premières nations MKO.

Le président : Est-ce que les Premières nations MKO profitent directement de l'exploitation des ressources par le moyen de...

M. Anderson : Monsieur le sénateur, en ce qui concerne la comparaison de la valeur des projets au chapitre des avantages et du nombre d'emplois, la réponse serait non, elle n'a rien à voir avec la proximité des citoyens des Premières nations et avec l'engagement dont ils ont fait preuve quand est venu le temps de contribuer aux projets. Les effets négatifs et irréversibles des projets étaient justifiés dans les années 70 et 60 par les besoins du pays — c'est-à-dire, les avantages pour le Canada et, surtout, pour le Manitoba.

Depuis, Hydro-Manitoba a modifié son profil, en se tournant vers l'exploitation. En 1991, par exemple, lorsque l'entreprise a conclu une entente avec la Première nation de Grand Rapids au sujet de Cedar Lake et de la centrale de Grand Rapids, sur la rivière Saskatchewan, les recettes nettes d'Hydro-Manitoba étaient de 18 millions de dollars. Pour le dernier exercice, les recettes nettes consolidées sont de 415 millions de dollars. L'indemnisation versée aux citoyens de Grand Rapids pour la perte du delta de la rivière Saskatchewan, près du Cedar Lake, et du poisson qui traversait Grand Rapids — qu'un rapport du ministère des Pêches présenté au Parlement en 1894 a reconnu comme l'un des meilleurs lacs au monde pour la pêche au corégone — n'est pas à la hauteur de la valeur actuelle. Hydro- Manitoba exporte actuellement plus de la moitié de l'énergie qu'elle produit et elle est à l'origine d'au moins la moitié des exportations canadiennes d'électricité. Les ententes et les indemnisations compensatoires de l'époque ne se comparent donc plus aujourd'hui avec la valeur de la production d'électricité d'Hydro-Manitoba, et elles ne sont plus adéquates.

Le président : Parmi nous, Autochtones, quelle est la proportion qu'emploie Hydro-Manitoba dans ces régions, et est-ce qu'il y a là-bas des entreprises autochtones qui profitent de la stimulation des activités commerciales entre Hydro-Manitoba et les gens qui utilisent des ressources ou en profitent?

M. Anderson : C'est relativement faible, même si Hydro-Manitoba a des politiques d'approvisionnement que je peux publier et faire circuler. L'un des documents que Joe Guy vous a fournis, qui porte sur le plan d'activité, comporte un appendice à la toute fin qui décrit les politiques d'approvisionnement. Le taux d'emploi varie en fonction des projets, il est d'un peu moins de 6 p. 100 dans l'ensemble, et il monte et descend avec les embauches d'été. Mais le personnel permanent chargé d'exploiter les centrales est presque entièrement constitué de non-Autochtones, même si les barrages sont situés juste à côté des collectivités.

Le sénateur Sibbeston : Il se peut que je ne comprenne pas bien le contexte dans lequel vous exercez vos activités, mais en lisant votre mémoire, surtout les principes, est-ce que vous dites que c'est la démarche que vous adopterez pour traiter avec des gens d'affaires et avec le gouvernement? Je sais que les entreprises ont une démarche et une philosophie qui diffèrent de la manière dont les Premières nations et le gouvernement fédéral peuvent agir. Les entreprises agissent rapidement, elles ont leur propre ethos et leur propre démarche, et leur objectif est de réaliser des profits. Elles ne sont pas vraiment sensibles, elles veulent seulement faire de l'argent et être efficaces, et, en travaillant fort, réaliser leurs objectifs. Les principes que vous avez énoncés sont tous bons sur le plan philosophique, mais je me demande si les entreprises vont les adopter. Vous dites que nous voulons la croissance économique, que nous voulons faire des affaires, puis que nous insistons sur le respect de ces principes. Lorsque vous en venez à faire des affaires, je doute du fait que les entreprises soient sensibles; elles ne souhaitent que faire des affaires, réaliser des travaux et faire de l'argent. Lorsqu'elles seront confrontées aux principes que vous avez énoncés — le concept d'une relation avec le Créateur et notre devoir sacré de protection des terres, les relations conventionnelles, la croissance économique conforme aux relations conventionnelles, le respect de l'honneur de la Couronne — il se peut qu'elles ne soient pas sensibles à ces choses, qu'elles ne se soucient pas de la relation que vous entretenez avec le gouvernement fédéral et du fait qu'il existe un traité. Tout ce qu'elles veulent, c'est faire des affaires et de l'argent.

Je me demande simplement pourquoi vous énoncez tous ces principes, qui sont louables et bons, mais, seront-ils acceptés dans le monde des affaires et vous permettront-ils d'établir de bonnes relations avec les gens d'affaires?

M. Anderson : Il s'agit de quelques réponses que je voulais donner, et je remercie le grand chef de me permettre de le faire. Il s'agit des principes d'affaires des Premières nations. Le dernier principe présenté à la page 2 porte sur la valeur égale et sur l'importance du recours au savoir traditionnel pour l'évaluation environnementale; c'est pratiquement à la fine pointe de la science à l'heure actuelle. CEA et d'autres organisations en parlent. Six lois fédérales parlent de l'intégration du savoir traditionnel dans l'évaluation environnementale. Nous pouvons fournir au comité un tableau que nous avons préparé à ce propos. Je peux aussi dire, concernant le Wuskwatim Project Development Agreement, qu'on mentionne le droit coutumier de la Nisichawayasihk Cree Nation dans le texte de l'accord. Si je peux formuler un commentaire rapide, il y a des exigences précises d'intégration du droit coutumier dans les plans de protection de l'environnement et de surveillance du patrimoine, et ainsi de suite.

Ce n'est là qu'un début, mais l'idée est de concilier deux façons de voir la croissance. Pour que cela soit pertinent... et je crois savoir que M. Bombay vous a présenté son témoignage lorsque vous avez reçu votre groupe de témoins de l'ANFA. Il a parlé de deux modes de tenure forestière, l'un étant administré par l'entreprise privée, l'autre, par les Autochtones. M. Cornell vous a aussi fourni des renseignements et une description d'institutions adéquates sur le plan culturel, et ainsi de suite. Il s'agit de la frontière avec le monde des affaires, le point de contact entre les Premières nations et les entreprises. Ce que nous apportons au milieu des affaires, ce sont nos lois coutumières et nos normes et nos politiques, et, dans ce cadre, la volonté de nous enrichir et de faire croître nos collectivités et nos entreprises.

Il s'agit d'une excellente question, et c'est réellement là que se trouve le point de contact, et la raison pour laquelle nous demandons au comité de tenir compte de ces recommandations pour la réforme législative, et ainsi de suite, de façon à créer un milieu dans lequel nous pouvons nous épanouir.

À titre d'exemple concret pour le Manitoba, je suis fier de dire que Garth Flett, membre du conseil de l'Opaskwayak Cree Nation, est ici. L'Opaskwayak Business Development Corporation possède le IGA de The Pas, le Kikiwak Inn, hôtel du nord du Manitoba, l'Otineka Mall, le Shell de l'OCN, le Redi-Mix, le Dollar Store et le Food Town. Toutes ces entreprises sont dirigées par la Development Corporation. La Cour canadienne de l'impôt a reconnu que, puisque l'ensemble des bénéfices de ces entreprises reviennent à la collectivité, ils ne sont pas imposables, au même titre que les recettes d'une municipalité, à ses yeux, en vertu non pas de l'autonomie gouvernementale ou d'autre chose du genre, mais bien des règles fiscales. Ces entreprises sont exemptées d'impôts aux yeux de l'Agence du revenu du Canada parce qu'elles remettent l'ensemble de leurs bénéfices à la collectivité, ce qui constitue le but précis des principes présentés à la page deux du mémoire. L'Opaskwayak Business Development Corporation nous offre un exemple concret de réussite.

L'une des choses que j'ai oublié de mentionner tout à l'heure au sujet des DFIT, c'est que sept des 15 droits fonciers issus de traités des Premières nations du Manitoba n'ont encore donné lieu à aucun transfert de propriété des terres. L'un des problèmes que je n'ai pas abordés auparavant est, au chapitre des pertes économiques, les pertes liées à la non-utilisation de ces terres. De nombreux témoins vous ont parlé de l'assise territoriale comme d'une condition essentielle de la croissance économique. Nous avons un accord qui nous offre au moins partiellement une assise territoriale, et l'application de cet accord est retardée, ce qui entraîne des coûts considérables pour les collectivités.

Sur ce, je souhaite remercier de nouveau le grand chef Garrioch de m'avoir permis de formuler les commentaires sur les différents aspects de la relation entre nos lois et principes coutumiers et la création d'entreprises viables.

Le président : J'aimerais remercier nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui et de nous avons fait part de leurs préoccupations, que nous allons examiner de près. Vous vous trouvez dans une situation un peu complexe du fait que vous négociez encore certains droits dans le cadre de traités, et c'est, je pense, ce qui préoccupe véritablement le sénateur Sibbeston. Si ces droits ne sont pas clairs, il est vraiment difficile pour les entreprises de venir travailler. Nous allons cependant examiner votre mémoire avec sérieux, et nous vous remercions encore une fois.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nos prochains témoins sont les représentants de la fédération des Métis du Manitoba

Jack Park, président du Développement économique, Fédération des Métis du Manitoba : Au nom de la Fédération des Métis du Manitoba, MMF, et de la Metis Nation of Manitoba, nous vous remercions de l'invitation et de l'occasion que vous nous offrez de nous présenter devant le comité. Je représente le conseil d'administration, la FMM. Oliver Boulette, le directeur exécutif de la FMM, m'accompagne ce matin ainsi que Don Boulette, du service des projets spéciaux.

La Manitoba Metis Federation joue le rôle de représentant politique de la Metis Nation of Manitoba, et elle parle au nom de tous les Métis de la province. La FMM représente par ailleurs les Métis du Manitoba à l'échelle nationale, et elle est affiliée au Ralliement national des Métis.

La FMM a une longue tradition au chapitre de la reddition de comptes et de la transparence. Le président et le conseil d'administration de la FMM sont élus, et toutes les organisations et les entreprises affiliées à la FMM produisent des états financiers vérifiés que le public peut consulter. Il y a des membres et des représentants de la FMM partout dans la province, répartis dans sept régions et plus de 130 sections locales.

Au nom des Métis du Manitoba, je vous souhaite la bienvenue chez nous.

Il convient de signaler que le contenu de notre mémoire n'est d'aucune façon exhaustif. Nous avons tenté d'aborder le plus de questions possible compte tenu du temps et de l'espace permis, et, ce faisant, nous n'avons sans doute fourni qu'un aperçu de nombreuses questions très complexes, tout en en négligeant d'autres. Ainsi, les politiques de croissance économique des Métis ne se limitent pas aux questions abordées dans le mémoire.

Le contenu de notre exposé reflète l'opinion des Métis du Manitoba. Il ne s'agit pas de la politique de croissance économique des Métis à l'échelle nationale. Cette politique est définie par le Ralliement national des Métis.

Oliver Boulette, directeur exécutif, Fédération des Métis du Manitoba : Pour commencer, la nation métisse est née dans des circonstances très particulières. Voici ce qui est dit à ce sujet dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, la CRPA :

Historiquement, les cultures métisses sont issues des modes de vie imposés par le rôle des premiers Métis dans l'économie fondée sur les ressources. Les Métis qui pratiquaient la traite des fourrures et qui utilisaient à la fois les langues indiennes et le français ont contribué à la naissance du michif, la langue propre aux Métis. La nécessité de se déplacer a inspiré des formes mobiles d'expression artistique : le chant, la danse, la musique de violoneux, les vêtements ornementaux. Les retours périodiques aux postes de traite, le caractère saisonnier de la chasse au bison et les attitudes discriminatoires ont façonné les modes d'établissement... (Les cultures métisses) se sont développées de manière organique, leurs caractéristiques étant déterminées par les circonstances sociales et économiques qui les firent naître et favorisèrent leur épanouissement.

La culture métisse est tout à fait distincte et unique. Les Métis ont leurs coutumes, leurs traditions, leur langue, leur territoire et leur gouvernement. En réalité, ce sont les Métis, avec Louis Riel à leur tête, qui ont négocié l'entrée du Manitoba dans la Confédération et qui sont les fondateurs de la province. L'apport des Métis au Manitoba et au Canada en général est irréfutable.

De nos jours, les Métis forment une communauté dynamique et diversifiée, habitant les quatre coins du Manitoba et participant à tous les secteurs économiques. Le degré de scolarité et le revenu des Métis varient, comme leur mode de vie, très différent d'une personne à l'autre. Il y a des membres de la communauté métisse qui sont pêcheurs ou trappeurs comme leurs ancêtres, et il y en a qui sont avocats, architectes ou qui occupent une autre profession. Les communautés métisses sont tout aussi diverses, et elles couvrent l'ensemble du spectre qui va des collectivités éloignées du Nord aux grands centres urbains.

À l'heure actuelle, on estime qu'il y a 100 000 Métis dans la seule province du Manitoba, une population jeune qui se renouvelle plus rapidement que la population non autochtone. En 1996, la population métisse était de 204 120 personnes; en 2001, elle atteignait 292 305 personnes, ce qui représente une augmentation de 30 p. 100. Comparativement, la population canadienne est passée de 28 847 758 personnes en 1996 à 30 007 094 en 2001, et elle n'a donc augmenté que de 4 p. 100. L'accroissement de la population métisse s'assortit à la fois de nouvelles possibilités et de défis à relever. Au cours des années à venir, la population métisse constituera une proportion de plus en plus grande de la main-d'œuvre manitobaine et canadienne, et elle sera un facteur important au chapitre du succès économique du pays. Cependant, les Métis font face à un certain nombre de problèmes qui ont des répercussions négatives sur leurs activités au sein du marché du travail.

La population manitobaine fait face à certains nombres de problèmes de croissance économique, particulièrement dans les collectivités rurales du nord de la province. Ces collectivités doivent assumer des coûts de transport et de production plus élevés et composer avec des marchés difficilement accessibles et une main-d'œuvre réduite. Cependant, un autre ensemble de problèmes s'ajoutent à ceux-ci pour les Métis du Manitoba.

On peut regrouper ces problèmes, comme nous l'avons fait, sous cinq thèmes : les sphères de compétence, l'infrastructure et la géographie, les finances, les ressources humaines et les marchés.

Je vais commencer par les sphères de compétence. Malgré l'accord de Kelowna, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne sont pas prêts à assumer la responsabilité des Métis. Les Métis vivent dans une espèce de zone grise, et il arrive trop souvent qu'ils s'y perdent.

Le gouvernement fédéral, comme les gouvernements provinciaux, a recours à une démarche générale quand il s'agit d'aborder les questions relatives aux Autochtones. Cependant, cette démarche ne permet pas de reconnaître les besoins propres des Métis. Les gouvernements ne reconnaissent pas les Métis comme un peuple autochtone distinct. Il y a absence de consultations significatives entre les gouvernements et les Métis au sujet de la croissance économique chez les Métis. Je dois féliciter le comité sénatorial de nous entendre aujourd'hui, nous en sommes très heureux.

Les nombreuses recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones restent à être appliquées. Cette Commission a dit certaines choses au sujet des Métis, en ce qui concerne la croissance économique, comme on a dit certaines choses dans le cadre de l'accord de Kelowna, et comme nous le faisons aujourd'hui encore. Nous disons ces choses, et, très souvent, dans toute tribune dans laquelle nous nous exprimons, nous continuons de dire les mêmes choses, peu importe la tribune ou l'arène en question.

J'aimerais maintenant parler de l'infrastructure et de la géographie. L'isolement, ainsi que la taille limitée de nombreuses collectivités métisses, empêchent qu'on se dote des infrastructures nécessaires pour la croissance économique. Les Métis ne disposent pas d'une assise territoriale qui leur permette de conclure des partenariats avec l'industrie pour la croissance. Les possibilités de faire des études et d'acquérir de l'expérience de travail sont réduites. En ce qui concerne les marchés, ils sont limités pour de nombreuses collectivités métisses, et ces collectivités n'ont souvent pas accès à l'économie d'échelle nécessaire à la croissance. Le marché limité et l'absence d'économie d'échelle font souvent augmenter le coût des activités commerciales dans les collectivités métisses, ce qui fait diminuer la probabilité de réaliser des investissements offrant un bon rendement.

Les collectivités métisses ne disposent pas des fonds nécessaires pour investir dans la R-D, ce qui fait qu'il est difficile de cerner les nouvelles possibilités qu'offrent les marchés.

Au chapitre des ressources humaines, les Métis qui participent aux économies traditionnelles ne disposent pas du filet de sécurité qui compenserait les mauvaises récoltes, c'est-à-dire un filet comparable à l'assurance-récolte dont profitent les fermiers. Il y a des obstacles qui naissent d'une discrimination institutionnalisée et systématique au sein de la société canadienne. Les Métis sont sous-représentés chez les travailleurs à temps plein, mais ils sont surreprésentés chez les travailleurs saisonniers et à temps partiel.

Enfin, en ce qui concerne les finances, les collectivités métisses ont un accès très réduit aux fonds de croissance économique, et ces fonds ne permettent pas du tout de régler des problèmes de capitaux auxquels font face les collectivités métisses. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont jusqu'à maintenant refusé de conclure des ententes concernant le partage des ressources avec les Métis. Les Métis sont mis dans le même sac que tous les autres Autochtones, et il leur manque donc les modèles de financement qui refléteraient leurs spécificités et leur situation particulière.

Pour parler de nos succès, je peux dire que la Fédération des Métis du Manitoba, la FMM, a une longue tradition de saine gouvernance. Grâce à une gestion minutieuse et à une vision positive, la FMM a accumulé des ressources et bâti son infrastructure, dont son siège social à Winnipeg, sept bureaux régionaux et de nombreux établissements locaux. La FMM a par ailleurs fait passer son effectif à plus de 250 employés.

De plus, la FMM a donné de l'ampleur à ses services et programmes. La Fédération a réussi à mettre sur pied des services à l'enfance et aux familles ainsi qu'un établissement de l'enseignement. La Louis Riel Institute et les Metis Child and Family Services offrent, en vertu des lois provinciales, des services particuliers aux Métis.

La FMM a par ailleurs un certain nombre de sociétés affiliées, dont Pemmican Publications, Community Housing Managers of Manitoba, ou CHMM, ainsi que la Louis Riel Capital Corporation, ou LRCC, pour n'en nommer que quelques-unes. CHMM est l'institut du logement de la FMM, organisation qui administre et gère plus de 1 400 logements abordables offerts aux Métis un peu partout dans la province. La LRCC a le mandat d'offrir des services de consultation aux entreprises et de consentir des prêts de croissance aux entrepreneurs métis ou qui sont des Indiens non inscrits. Il s'agit de l'un des 58 établissements financiers autochtones qui devaient au départ devenir autonomes. À une époque où la plupart des autres établissements financiers autochtones tendaient à abandonner le concept d'autonomie, la LRCC a réalisé cet objectif malgré son financement limité. Ce succès témoigne de la valeur de pratiques commerciales prudentes.

Les pratiques commerciales qui ont fait le succès de la LRCC sont transmises à ses clients, ce qui a pour résultat de faire diminuer le taux d'échec de façon importante. Ce taux tourne autour de 80 p. 100, en général, pour les petites entreprises canadiennes, tandis que les clients de la LRCC présentent un taux de succès de près de 50 p. 100.

Le succès qu'a connu la LRCC est peut-être attribuable au fait qu'elle offre aux entrepreneurs métis des solutions adaptées aux Métis. De nombreux programmes de croissance économique offerts aux Métis par les organismes fédéraux et provinciaux sont le fruit de lignes directrices et de motifs préconçus. Il arrive souvent que ces lignes directrices soient trop contraignantes ou ne reflètent pas les besoins réels ou la manière dont les ressources sont le mieux mobilisées et utilisées. Ainsi, les entrepreneurs métis sont forcés de modifier leurs plans d'affaires ou autres pour les adapter à un moule défini par le programme. Au bout du compte, les effets de l'initiative s'en trouvent dilués, et les chances de succès, diminuées.

Les initiatives communautaires sont extrêmement utiles aux collectivités métisses, et elles offrent un fondement économique beaucoup plus solide qu'une seule grande entreprise de l'industrie. D'après la Commission royale sur les peuples autochtones :

Le développement économique de n'importe quelle communauté ou nation est un processus continu — d'ailleurs difficile et complexe — qu'il est possible de soutenir, mais également de contrecarrer. Il ne peut pas être livré tout prêt par Ottawa ou les capitales provinciales ou territoriales. Les principaux participants, soit ceux dont dépend directement le succès de ce développement, sont les individus et les collectivités des nations autochtones. Les gouvernements autochtones et non autochtones doivent donc soutenir ce processus, aider à créer les conditions qui y sont propices et supprimer les obstacles qui s'y opposent.

L'Entente sur le développement des ressources humaines métisses est renouvelée annuellement, et il s'agit d'un autre moyen pour offrir des programmes propres aux Métis. Avec un budget de 12,3 millions de dollars, l'Entente fournit aux Métis toutes les compétences et la formation qui leur permettent de réussir sur le marché du travail, de gagner de l'estime de soi et d'accroître leur autonomie sur le plan économique. En 2005-2006, l'Entente est venue en aide à plus de 1 500 Métis, dans le cadre de 1 126 interventions auprès d'environ 500 personnes, qui ont pu décrocher un poste intéressant. L'Entente est un succès incroyable pour la nation métisse. La responsabilisation et la transparence n'ont pas fait défaut dans le cadre de cette entente, alors que des programmes autochtones du même type sont en difficulté.

La FMM et la communauté métisse excellent lorsqu'on leur donne l'occasion de le faire. Autre exemple de succès chez les Métis : le partenariat conclu entre la FMM et la Commission du canal de dérivation du Manitoba. La Fédération a obtenu une provision de 20 p. 100 pour l'équité en emploi et un montant réservé aux entreprises autochtones dans le cadre de la construction du canal de dérivation. Les Métis, et particulièrement les entreprises métisses, ont connu un succès retentissant grâce à ces mesures.

Je vais maintenant parler de nos recommandations. La Commission royale sur les peuples autochtones a consisté en une consultation approfondie auprès des peuples autochtones de l'ensemble du pays. Le rapport final de la Commission est un gros document de 1 500 pages qui comporte de nombreuses recommandations éclairées. Jusqu'à maintenant, très peu de ces recommandations ont été appliquées, même si on aurait dû le faire depuis longtemps. Le gouvernement fédéral doit mettre les recommandations de la Commission en œuvre.

La FMM encourage le gouvernement fédéral à poursuivre dans l'esprit de la rencontre des premiers ministres à Kelowna et à soutenir les politiques et les programmes dont on a convenu. En outre, la FMM encourage le gouvernement fédéral à donner suite à la volonté exprimée par le gouvernement précédent d'accepter la responsabilité à l'égard du peuple métis.

Les Métis forment une nation, et ils méritent qu'on les reconnaisse comme telle. À cette fin, la FMM implore le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux d'entreprendre des négociations avec les Métis qui soient des négociations de nation à nation, et dont l'objectif soit d'établir une assise territoriale pour le peuple métis.

Il est difficile de sous-estimer le besoin de politiques, de programmes et de services propres aux Métis. Les Métis se sont perdus quelque part dans la démarche générale que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont adoptée en ce qui concerne les Autochtones, et cela a eu des effets négatifs sur la croissance économique des collectivités métisses. Il est impératif de créer des programmes propres aux Métis visant l'amélioration de leur accès à la formation et l'augmentation de leur taux de réussite. Les Métis ont besoin d'un soutien supplémentaire de la maternelle jusqu'aux études postsecondaires qui répond aux besoins particuliers des Métis et qui reflète leur culture.

Les Métis ont besoin d'un plus grand accès aux ressources nécessaires à la croissance économique, notamment aux fonds de démarrage et aux fonds de placement en actions ordinaires. Le meilleur moyen pour les gouvernements fédéral et provinciaux d'offrir cet accès aux Métis est de reconnaître leurs spécificités et de négocier avec eux en tant que nation. Ainsi, les Métis pourront élaborer leurs propres programmes et politiques de croissance économique, ce qui permettra à leur collectivité de progresser.

La croissance économique passe, chez les Métis, par l'investissement dans les collectivités métisses. Cependant, ces investissements ne doivent pas être limités au capital financier; il doit s'agir aussi de capital social.

L'un des moyens de croissance économique qui a réussi chez d'autres peuples autochtones est le partage des ressources. La FMM souhaite se servir de ces modèles et négocier des ententes spécifiques concernant les Métis avec les gouvernements fédéral et provinciaux en y incluant des dispositions concernant le partage des ressources. Le partage des ressources permettra aux Métis d'obtenir le capital nécessaire à la croissance économique et à la prospérité des collectivités.

Il faut encourager et soutenir les secteurs économiques traditionnels. De nombreux Métis choisissent de rester dans leur collectivité d'appartenance et de passer leur vie à acquérir les compétences qui leur permettront de participer à un secteur traditionnel de l'économie. Ces personnes sont les experts de leur domaine et possèdent de nombreuses compétences très spécialisées. Ils lèguent à leur collectivité un savoir traditionnel et une compréhension approfondie des coutumes métisses qui définissent l'identité métisse et un lien fort avec la terre.

La FMM représente la nation métisse du Manitoba, et elle cherche à établir des relations de nation à nation avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Grâce à des relations de ce type, la nation métisse aurait accès à des ressources supplémentaires pour la croissance économique, ce qui contribuerait à l'accroissement de ses capacités et de son autonomie.

À l'heure actuelle, la nation métisse manque parfois des ressources et des capacités nécessaires pour lancer ses propres initiatives économiques. Dans ces cas, la FMM recommande des projets conjoints. Ce type de projet permet à la nation métisse d'accéder à une proportion plus importante du capital financier et social disponible, et il lui offre de bonnes occasions d'établir des relations de travail et de faire grossir son répertoire organisationnel.

La FMM cherche à mettre de l'avant ses succès antérieurs et à leur donner suite. À cette fin, la FMM croit qu'on doit s'inspirer du modèle de l'Entente sur le développement des ressources humaines métisses. Cette entente a connu un important succès en raison de la reconnaissance du caractère distinctif de la nation métisse. Des programmes, des politiques et des services propres aux Métis sont essentiels à la croissance économique chez les Métis. Le modèle de l'Entente comporte une disposition de financement adaptée pour les Métis, et la Fédération aimerait voir cette disposition appliquée à d'autres secteurs.

Pour favoriser la croissance économique des collectivités métisses, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent faciliter et appuyer des consultations significatives auprès de la nation métisse. Les Métis ont l'intérêt direct le plus important envers les collectivités métisses, et ils sont les gens les plus au courant des problèmes particuliers des Métis et des solutions qu'on pourrait apporter à ces problèmes. La croissance économique des collectivités métisses passera par le peuple, et les gouvernements fédéral et provinciaux doivent reconnaître et respecter cette réalité.

La croissance économique passe par l'innovation et l'imagination. La communauté métisse sait faire preuve des deux. La FMM cherche à saisir toutes les occasions qui se présentent en encourageant l'industrie à « valeur ajoutée » de la communauté métisse. La création d'emplois est le fondement du progrès économique et social, et la « valeur ajoutée » favorisera la création d'emplois supplémentaires.

Il faut chercher et cerner les occasions de croissance économique. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer de la capacité de R-D voulue. La FMM exige la création d'une telle capacité par l'intermédiaire de l'élaboration de politiques propres aux Métis de promotion de la R-D auprès des collectivités métisses.

De façon générale, la croissance économique des collectivités métisses passe par le renforcement des capacités au sens large. La meilleure façon de renforcer les capacités est l'élaboration de politiques, de programmes et de services propres aux Métis. La reconnaissance de la spécificité des Métis est l'une des premières étapes du renforcement des capacités de la nation métisse.

Pour conclure, la croissance économique des collectivités métisses commence par des consultations à l'échelle communautaire. Les collectivités métisses comprennent leurs besoins particuliers et peuvent facilement déterminer les conditions nécessaires à la croissance économique. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent poursuivre dans l'esprit de la rencontre des premiers ministres et travailler à la mise en œuvre des politiques et des programmes dont il a été question à Kelowna. Parallèlement, il est impératif d'évaluer et de mettre en œuvre les conclusions de la Commission royale sur les peuples autochtones.

Il faut comprendre qu'il n'y aura pas de panacée en ce qui concerne la croissance économique des collectivités métisses. Celle-ci exigera qu'on adopte une démarche globale, multidimensionnelle et adaptée aux Métis. Cette démarche entraînera sans doute des dépenses. Cependant, les coûts liés au fait de maintenir le statu quo et de ne rien faire sont encore plus élevés. La meilleure façon d'assurer la croissance économique et, par extension, le progrès social des collectivités métisses est d'élaborer des politiques pour la croissance économique propre aux Métis. Cela vaut la peine d'être répété : la croissance économique des collectivités métisses exige une démarche propre aux Métis.

M. Park : Voici qui conclut notre exposé, et, encore une fois, au nom de la Manitoba Metis Federation, des gens qui en font partie et de notre président, David Chartrand, qui s'excuse de son absence, nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion de présenter nos idées. Nous serions heureux d'entendre vos commentaires et vos impressions.

Le président : J'ai grandi ici, au Manitoba, et j'ai quelques questions rapides à poser. Quelle est la proportion de Métis vivant dans les régions urbaines?

Donald Roulette, conseiller exécutif en développement stratégique, Fédération des Métis du Manitoba : D'après ce que je sais, à Winnipeg, de la population moyenne, environ 52 à 56 p. 100 des Métis vivent à Winnipeg.

Le président : De la population métisse de l'ensemble du Manitoba?

M. Roulette : Je crois que c'est 33 p. 100.

Le président : Qui vivent dans la région de Winnipeg?

M. Roulette : Je n'ai pas ce chiffre. Les chiffres que je vous ai donnés concernent le Manitoba.

Le président : Ma question porte sur le fait que vous demandez un soutien à l'éducation dans ces régions. Parlez- vous des Métis qui ne vivent pas en région urbaine? Je suis passé par le système scolaire régulier, ici, au Manitoba. Y a- t-il des restrictions, ou quelque chose dont vous pensez que la population métisse a besoin et qui dépasse les besoins des non-Autochtones?

M. Roulette : Ce que nous avons constaté, c'est que lorsqu'il y a un mouvement des régions rurales vers les régions urbaines, le degré de scolarité des jeunes varie pas mal. Il est nécessaire de mettre sur pied des programmes adaptés qui encourageront les gens à terminer leurs études et qui les aideront à le faire. Les taux de décrochage sont encore inacceptables.

Le sénateur Sibbeston : Dans les Territoires du Nord-Ouest, d'où je viens, l'histoire et l'héritage des Métis est assez extraordinaire. Ce sont eux qui ont été à l'avant-garde de la colonisation du Nord, comme pilotes d'embarcation, interprètes et tant d'autres choses encore. De manière générale, nous sommes très indépendants, et il y a donc beaucoup de Métis du Nord qui ont connu de grands succès en affaires, dans leur domaine professionnel et ainsi de suite.

Il m'arrive parfois de penser que le plus grand obstacle auquel nous, les Métis, devons faire face, c'est notre si grande indépendance. Nous n'avons pas besoin du gouvernement. Nous ne faisons que tracer notre chemin dans la vie, et c'est ainsi que nous réussissons. Ici, au Manitoba, j'imagine qu'il y a beaucoup de Métis qui connaissent le succès professionnel et en affaires et qui ne dépendent pas d'organisations pour les représenter et ainsi de suite. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

Aussi, avez-vous des commentaires sur la Louis Riel Capital Corporation? Il semble qu'il s'agisse de l'entreprise par laquelle vous fournissez des conseils, de l'argent aux gens d'affaires métis. Combien y a-t-il d'entreprises métisses?

M. Roulette : Laissez-moi tenter de répondre à la première question. Je suis d'accord avec vous pour dire que notre indépendance nous a parfois coûté cher. Il ne fait pas de doute que de nombreux Métis réussissent très bien. Cependant, il y a eu un temps où on n'était pas à l'aise de se dire Métis. Ce n'est qu'au cours des dix dernières années, ou à peu près, qu'on a pu commencer à le faire.

Les chiffres concernant le nombre de membres de la FMM et, en fait, les chiffres qu'on trouve dans les statistiques canadiennes l'indiquent. De plus en plus de gens souhaitent se déclarer ouvertement Métis. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que notre indépendance a quelquefois eu cet effet, mais je pense que les choses peuvent encore s'améliorer.

Je vais m'occuper de vous fournir les renseignements sur les succès connus par la LRCC, et sur le nombre de personnes qui font partie de cette organisation. Je vous donnerai des précisions sur ce rapport. Je ne l'ai pas avec moi, mais je peux vous en obtenir un exemplaire.

Le président : S'agit-il d'une coopérative d'épargne et de crédit?

M. Roulette : Non, c'est une société de crédit autochtone. C'était...

Le président : Est-ce qu'elle joue le rôle d'une banque?

M. Roulette : Elle prête de l'argent.

Le président : Du capital-risque?

M. Roulette : Oui, du capital-risque, et nos intérêts sont un peu plus élevés, notre taux d'intérêt est de 10 p. 100. À l'époque, c'était une banque de dernier recours, mais plus maintenant. Il semble que nous soyons très concurrentiels en ce qui concerne les taux d'intérêt, qui ont déjà constitué un gros problème. On devait verser 7,5 millions de dollars dans ce fonds au début des années 90, mais ils n'ont versé que 3,5 millions de dollars. Il y a de cela environ un an, ils ont fait passer ce montant à cinq millions, mais ils sont encore sous-financés par rapport au début. À l'époque, c'était 7,5 millions de dollars. Mais le taux de succès est très bon, et beaucoup de gens ont reçu de l'aide.

Le sénateur Lovelace Nicholas : D'après Statistique Canada, chez les Métis, les taux de chômage sont plus faibles chez les femmes que chez les hommes. Qu'est-ce qui, selon vous, explique cette différence?

M. Roulette : Les taux de chômage plus faibles?

Le président : Les taux de chômage sont plus faibles chez les femmes que chez les hommes, au sein de la population métisse.

M. Boulette : Si l'on envisage notre bureau seulement, qui compte environ 250 à 300 personnes, 60 p. 100 sont des femmes. Nous n'avons pas d'explications à fournir à ce sujet.

M. Roulette : Nous avons tenté de trouver le moyen par lequel ces chiffres peuvent refléter l'égalité entre les sexes dans notre exposé. Nous n'avons tout simplement pas été en mesure de le faire.

Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ai une petite question. Le Canada reconnaît toutes les autres nations. Comment se fait-il que les gouvernements fédéral et provinciaux ne reconnaissent pas les Métis comme un peuple autochtone? Est- ce parce que vous vous distinguez en tant qu'Autochtones ou est-ce en raison de l'assise territoriale?

M. Boulette : Je crois qu'il pourrait y avoir deux ou trois choses. Nous sommes probablement le petit nouveau, puisque nous n'existons, dans la Constitution, que depuis 1982. Je pense que les institutions et les systèmes ont besoin de beaucoup de temps pour s'adapter et se faire une idée de ces choses. Je le sais d'expérience, vu que je suis fonctionnaire depuis longtemps, que dans mon autre vie j'ai été sous-ministre au Manitoba pendant quatre ans et demi dans deux ministères différents et sous-ministre adjoint pendant 12 ans. Les fonctionnaires ont besoin de beaucoup de temps pour se faire une idée de ces questions, de façon à conseiller au mieux leurs maîtres politiques. Je pense que cela tient simplement à l'inertie du système lorsqu'il s'agit de réagir à cela, lorsque les ressources publiques sont limitées et que l'on essaie de déterminer la manière de partager ces ressources. Personne ne veut enlever quoi que ce soit à personne, et personne n'est prêt à contribuer davantage à la cagnotte, ce qui, à mon avis, est peut-être la solution. Pour répondre à votre question, je pense que le problème est que les gens ont besoin de temps pour l'accepter, mais la Constitution dit clairement que nous sommes l'un des groupes autochtones du pays.

M. Roulette : Les tribunaux ont aussi reconnu nos droits, et j'ai sincèrement cru que, avec l'Accord de Kelowna, la volonté politique de commencer à faire bouger les choses y était. La règle bureaucratique, comme Oliver l'a dit, semble un peu en retard. Je ne sais pas s'ils se sentent menacés par nous.

L'entente sur le développement conclue avec RHDC a créé beaucoup d'emplois pour notre peuple, et certaines personnes ont perdu leur emploi au sein de la bureaucratie. Je ne sais pas si c'est la cause, je ne suis pas sûr. Les choses se sont passées lentement. Encore une fois, j'espère que la volonté politique existe. J'espère que les techniciens et les bureaucrates suivront aussi. Les tribunaux ont reconnu notre identité, il n'y a aucun doute là-dessus.

Le président : Question de préciser, j'aimerais dire que l'affaire Powley est celle que j'ai suivie de près à l'époque où j'étais à Ottawa et à la Chambre des communes. L'affaire Powley, qui va dans le sens de ce que vous dites, est celle qui a vraiment reconnu le fait que l'article 35 de notre Constitution concerne entre autres les Métis.

M. Roulette : Il faut aussi redire que nous avons des droits, en tant qu'Autochtones. C'est la définition, ou le fait de définir ces droits qui prend du temps. Cependant, nous avons des droits, en tant qu'Autochtones, l'article 35 de la Constitution le dit.

Le sénateur Peterson : J'aimerais que vous éclaircissiez une chose que vous avez dite au cours de votre exposé. Cela concernait les Métis qui oeuvrent dans des secteurs économiques traditionnels et l'absence de filet de sécurité pour compenser les mauvaises récoltes, comme celui qu'on fournit aux fermiers par l'intermédiaire de l'assurance-récolte. Ces gens ne peuvent-ils pas souscrire une assurance-récolte?

M. Roulette : Non, pas du tout. Si vous avez 80 filets et que le marché est défavorable, vous n'en utilisez que 40. Si vos filets sont endommagés par le vent, ou peu importe la raison pour laquelle ils sont endommagés, vous êtes livré à vous-même. Il y a de cela quelques années, le vent a soufflé tôt sur le lac Manitoba et détruit tous les filets des gens. Nous avons finalement dû les aider. Il n'y avait pas d'autres solutions. Ce ne sont pas seulement des filets de sécurité comme ceux dont disposent les fermiers; il n'y a pas d'ensembles d'avantages sociaux pour les jeunes du coin qui oeuvrent dans les secteurs traditionnels de l'économie. Ils n'ont pas accès aux soins de santé, aux régimes de pension et à toutes ces choses; il n'y a rien de cela là-bas. De nos jours, ce serait pourtant normal qu'ils y aient accès.

Le sénateur Peterson : Je ne comprends pas en quoi cela est différent de la situation de n'importe qui d'autre. Si j'étais dans cette situation moi-même, est-ce que je n'aurais pas le même problème?

M. Roulette : J'imagine que oui.

Le sénateur Peterson : Ce n'est donc pas différent. Vous n'êtes pas en train de dire que c'est parce que vous êtes métis que vous êtes exclu?

M. Roulette : Exactement, mais nous n'avons pas accès à l'assurance-récolte. Dans certaines de nos collectivités, il nous est très difficile d'assurer nos immeubles.

Le sénateur Peterson : Pourquoi?

M. Roulette : Il n'y a que des pompiers volontaires; pour une raison ou pour une autre, il est difficile de s'assurer.

Le sénateur Peterson : La situation est la même pour n'importe qui là-bas. Je me demandais simplement si vous étiez différent.

M. Roulette : Nous avons tenté de ne formuler des commentaires qu'au sujet de ce que nous croyons qui était propre aux Métis. En ce qui concerne les choses générales, nous comprenons que tout le monde a le même problème. C'est pourquoi nous avons tenté de nous en tenir à ce qui est propre aux Métis.

Le sénateur Peterson : Peut-être devrions-nous poursuivre dans cette direction, parce que vous en parlez beaucoup. Pourriez-vous me donner un exemple de ce que serait un programme économique propre aux Métis, par opposition aux autres, et pourriez-vous aussi me donner un exemple d'un besoin propre aux collectivités métisses? Avez-vous un exemple de cela à me donner?

M. Boulette : Si je peux commencer par la question de ce qui est propre aux Métis, je dirais que nous ne disposons pas de financement particulier affecté aux besoins des Métis, mis à part l'argent provenant d'autres sources publiques. Lorsque nous nous adressons aux gouvernements, ils nous répondent qu'ils n'ont rien pour nous. Ils ont quelque chose pour la population en général, ils ont quelque chose pour les Premières nations, mais ils n'ont rien pour nous. C'est donc cela que nous disons — si nous disposions d'un montant affecté à notre capacité de croissance économique, cela serait propre aux Métis.

Le sénateur Peterson : Vous parlez d'argent?

M. Boulette : D'argent et de ressources humaines.

Le sénateur Peterson : Pas un programme propre aux Métis, seulement l'accès à de l'argent?

M. Roulette : Pas seulement de l'argent — Je ne veux pas vous donner cette impression. Il faut qu'il y ait des terrains ou des endroits où ils peuvent travailler. Il faut qu'il y ait de meilleures infrastructures dans ces choses. Ces besoins sont propres à bon nombre de nos collectivités, et ils sont uniques. L'argent n'est pas la seule solution. Il y a des ressources existantes qu'on pourrait réaffecter, et il y a différentes manières de le faire.

Le président : Vous avez une affaire judiciaire en cours au sujet des terres?

M. Roulette : Oui, nous en avons déjà parlé. Encore une fois, cette affaire relève du système judiciaire, et nous ne croyons pas que ce soit le moment de parler précisément de cela, parce qu'il y a beaucoup de choses dont il faut parler en même temps. Cependant, en ce qui concerne les programmes propres aux Métis au sujet desquels vous nous posez des questions, la force de nos collectivités, elle vient en grande partie de nos industries traditionnelles. En réalité, elles sont un atout non seulement pour nos collectivités, mais aussi pour l'ensemble de la population canadienne. Nos activités de pêche, de trappe et de cueillette des petits fruits, toutes ces choses sont bénéfiques pour le secteur économique ou les écosystèmes. Ces activités sont un avantage. Elles doivent avoir lieu. Nous comblons un vide en faisant cela, et les gens aiment vraiment le travail qu'ils font là-bas. On ne leur ferait pas faire autre chose. Malheureusement, une grande partie de cela n'est plus qu'un travail qu'on fait pour le plaisir. On ne fait plus la grande vie grâce à cela. Trop de choses nous retiennent, que ce soit les groupes environnementaux qui font arrêter la trappe ou l'industrie de la fourrure et toutes ces choses.

Le sénateur Peterson : Si vous permettez que je vous donne un exemple pour répondre à votre question sur ce qui est propre aux Métis — le gouvernement provincial a une entente de partage des recettes avec les municipalités et les municipalités régionales en ce qui concerne les revenus des casinos, aux fins de la croissance économique. Ils ont une telle entente avec les Premières nations, qui est propre à elles. Nous n'avons pas d'entente de ce genre pour la Manitoba Metis Federation.

M. Roulette : Nous n'avons pas accès à une partie du budget du gouvernement du Manitoba réservée à la croissance économique des collectivités métisses comme cela se fait au sein d'autres administrations ou gouvernements. Voilà un exemple de ce que nous disons lorsque nous parlons des choses propres aux Métis qui manquent.

Le sénateur Peterson : D'accord. Alors vous n'avez pas de cadre ou d'entente ou d'accord avec le gouvernement fédéral — êtes-vous vraiment à la case de départ? Pour obtenir toutes ces choses...

M. Roulette : C'est sûr. Ils jouent avec nous comme avec un yoyo. À Kelowna, nous avons pensé que ça y était finalement. Le premier ministre du pays a dit aux premiers ministres des provinces et autres chefs que le gouvernement fédéral était prêt à assumer la première responsabilité de tous les peuples autochtones, y compris les Métis. Nous avons cru qu'il s'agissait du début d'un temps nouveau. Je crois que cela va se produire. Je crois seulement que cela va prendre un peu de temps, c'est tout.

Le sénateur Hubley : Je viens de la côte est, et je ne voudrais laisser croire d'aucune manière que je comprends la situation qui existe dans l'Ouest. Je dois dire que grâce au président de notre comité et à l'ex-sénateur Chalifoux, les souffrances et l'histoire des Métis ont reçu une attention soutenue au Sénat et au Parlement. Le problème est qu'un bon plan d'affaires est un bon plan d'affaires, et que cela devrait être vrai sans égard à l'appartenance ethnique des participants. Je me demande si, en cherchant une solution propre aux Métis ou une façon métisse de créer votre économie, vous avez peut-être raté certaines des occasions qui pourraient être offertes de manière générale à l'ensemble du pays? C'est ma première question.

Comme je viens des Maritimes et que nous avons une culture dynamique, lorsque je pense aux Métis, je pense à une histoire dynamique faite de culture, de musique et de danse, que vous avez décrite de façon tout à fait adéquate comme étant très différente. Avez-vous été en mesure de faire de votre patrimoine un facteur économique en soi, de quelque manière que ce soit, et dont il serait possible de faire la promotion touristique? Je ne veux pas m'étendre sur le sujet, mais je me demandais si vous pourriez m'éclairer sur ces deux points qui me préoccupent.

M. Roulette : Permettez-moi de répondre d'abord à la question du tourisme. Il semble que les Européens aiment les powwows, les tambours, les danses du soleil et toutes ces autres choses autochtones. Ce qui est le plus connu chez les Métis, c'est la gigue de la rivière Rouge, ainsi que certaines autres danses. Chez les Métis, le tourisme n'est pas aussi important; cela fait moins longtemps que l'image des Métis est diffusée que celle des Premières nations. En réalité, ces dernières ont accès à des fonds réservés à la promotion, ce qui n'est pas notre cas. Je pense que, lorsque nous obtiendrons cela, nous serons peut-être en mesure de faire les mêmes choses que les Premières nations. Ce bon plan d'affaires dont vous parlez devrait permettre de surmonter certains des obstacles au démarrage. Il faut de l'aide au début, et je crois qu'à la fin, il y aurait quelque chose. Il y a cependant des limites concernant bon nombre de ces choses aussi.

Par ailleurs, combien de stations d'essence ou de dépanneurs pouvons-nous construire? Ces marchés sont déjà comblés principalement par les Premières nations. Ils ont la capacité de lancer ce type de commerce, alors que nous ne l'avons pas. Même si nous avions l'argent, ça n'aurait pas de sens d'ouvrir une autre station d'essence ou un autre dépanneur quelque part. On ne parviendrait qu'à faire du tort à ceux qui existent déjà.

Faute de pouvoir le dire mieux, la promotion sociale doit être intégrée aux premières étapes des projets de croissance, évidemment avec une disposition délicate qui y mettrait fin. Nous devrions dire que les Métis sont des contribuables. Nous ne récupérons pas en taxes ce que nous payons. Notre organisation a remboursé trois millions de dollars l'an dernier en déductions à la source. Notre nation contribue à hauteur d'environ 50 millions de dollars au système, et nous sommes loin d'en recevoir autant. Le financement de base de la MMF est de 440 000 $ provenant du gouvernement fédéral et de 220 000 $ provenant de la province.

Le sénateur Dyck : L'une des choses que vous avez mentionnées au cours de votre exposé est que vous aimeriez avoir accès au partage des ressources, comme les autres groupes autochtones. Pourriez-vous nous donner un exemple précis de cela?

M. Boulette : Le Manitoba se prépare à construire deux ou trois barrages, des mégaprojets. Les Premières nations ont eu l'occasion d'avoir une participation à ces projets, en partageant les recettes avec le gouvernement du Manitoba par l'intermédiaire de sa société d'État. Nous aimerions qu'on nous offre la même possibilité. À l'heure actuelle, nous examinons aussi les possibilités de partage des ressources naturelles du pays.

Le sénateur Dyck : Lorsque vous pensez à ces collectivités qui se trouvent près de ces barrages, par exemple, est-ce que les Métis et les Premières nations sont mélangés, ou est-ce qu'il y en a certaines qui sont mixtes et d'autres ensemble? Comment décrivez-vous ces collectivités, sur le plan géographique?

M. Boulette : Ils sont ensemble, mais séparés. Il y a généralement une petite collectivité métisse à côté de chacune des collectivités de Premières nations, parce qu'ils ne peuvent vivre dans la réserve parmi nos collectivités autochtones, mais ils partagent le Nord et ils ont des liens de parenté. Ils ne vivent pas nécessairement au même endroit. Ils sont touchés les uns comme les autres par les projets hydroélectriques réalisés dans le Nord, mais ils ne partagent pas toujours les bénéfices liés à ces projets.

M. Roulette : L'autre chose dont on doit tenir compte en ce qui concerne les collectivités métisses, c'est le facteur lié au projet de loi C-31, parce que les enfants de bon nombre de ces familles reviennent parmi les Métis. Il va y avoir un problème d'immigration entre les deux communautés. Précisément, le logement va devenir un gros problème.

L'autre exemple que je veux donner au sujet du partage des ressources est la Saskatchewan, où les recettes provenant des jeux sont en partie réservées aux Métis. Les recettes ne vont pas à la nation métisse de la Saskatchewan, mais il y a un groupe qui reçoit de l'argent au nom des Métis, auquel les Métis ont accès. C'est ce genre de choses que nous commençons à envisager. Cela nous aiderait à nous en sortir et à devenir de plus en plus autonomes, ce qui est l'objectif final.

Le président : Comme je l'ai dit auparavant, le temps est notre pire ennemi. Malheureusement, nous n'avons plus de temps. Personne ne connaît mieux les problèmes auxquels font face les Métis de notre pays que ceux d'entre nous qui ont travaillé à ce dossier.

J'aimerais vous remercier d'être venus et de nous avoir exposé vos idées. Malheureusement, le temps dont nous disposions est écoulé. Veuillez transmettre mes salutations à votre président.

Notre prochain témoin est Ian Cramer, conseiller principal d'affaires, et il représente l'Assemblée des chefs du Manitoba.

Ian Cramer, conseiller principal d'affaires, Assemblée des chefs du Manitoba : Au nom de l'Assembly of Manitoba Chiefs, je vous remercie de nous offrir l'occasion de témoigner aujourd'hui. Le grand chef Ron Evans n'a pas pu venir présenter un exposé lui-même, parce que nous organisons un rassemblement aujourd'hui à Winnipeg pour protester contre le manque de financement pour la santé des Premières nations. Il est occupé à cause de ce rassemblement. Si vous avez une pause pour dîner, vous pouvez vous rendre à la salle de l'assemblée législative pour entendre ce qui se passe; c'est là que le grand chef sera.

Je pense que vous avez tous un exemplaire de notre mémoire. Je vais seulement le parcourir avec vous. Je vais lire le document, ce qui fait que tout ce que je dirai s'y retrouve.

Il y a 64 Premières nations au Manitoba, ce qui représente 120 000 personnes et environ 11 p. 100 de la population de la province. Fait important, la population des Premières nations est la plus jeune et celle qui s'accroît le plus rapidement au Manitoba.

La population du Manitoba est stable, mais la population des Premières nations continue de croître rapidement.

Voici quelques statistiques provenant du gouvernement du Manitoba :

23 p. 100 des enfants de 0 à 14 ans du Manitoba sont des Autochtones;

Entre 1996 et 2001, la population autochtone du Manitoba a augmenté de 17 p. 100, tandis que la population non autochtone a diminué de 2 p. 100;

Le taux de croissance annuel de la population de Premières nations projeté jusqu'à 2016 est de 2 p. 100 par année, tandis que le taux de croissance projeté de la population non autochtone du Manitoba est de 0,2 p. 100;

D'ici 15 ans au maximum, les Autochtones représenteront environ 25 p. 100 de la main-d'œuvre du Manitoba.

La question qui s'impose à notre époque est celle de la population grandissante et jeune des Premières nations. La population du reste du Canada vieillit et est préoccupée par les questions liées à la retraite et à la vieillesse, tandis que les Premières nations sont jeunes, pleines d'espoir et elles se préoccupent des questions liées à l'éducation, la formation, les carrières, l'entrepeneurship et la préservation des milieux naturels.

Un secteur des affaires et de la croissance économique des Premières nations grandissant, diversifié et sain sera essentiel à l'avenir des Premières nations et de l'ensemble du pays.

Une chaîne ne peut être plus solide que le plus faible de ses maillons, et, à moins que nous ne renforcions de façon significative l'économie des Premières nations du pays, l'économie globale du Canada ne sera pas aussi forte qu'elle pourrait être et qu'elle devrait être. C'est d'autant plus important dans des provinces comme le Manitoba, où les Premières nations représentent une proportion importante de la population, proportion qui augmente rapidement.

Au chapitre de la croissance économique, et plus précisément de la création d'entreprises, de nombreuses organisations et de nombreux ministères ont récemment documenté la progression rapide de l'entrepreneuriat autochtone au Canada. Industrie Canada a dit que, depuis 1981, le nombre d'Autochtones qui sont travailleurs indépendants a augmenté de 170 p. 100, ce qui est deux fois et demi plus rapide que l'augmentation à l'échelle nationale.

Ce taux de croissance impressionnant se faisait attendre depuis longtemps, et il fait partie de la renaissance économique des Premières nations. En 1996, Industrie Canada a constaté qu'environ 20 000 Autochtones étaient travailleurs indépendants, et, récemment, on a estimé qu'il y avait au Canada 27 000 travailleurs indépendants autochtones. Au Manitoba, on a estimé qu'il y avait en 2003 environ 1 000 entreprises autochtones dont la propriété ou l'exploitation était le fait d'Autochtones ou d'organisations autochtones, ou encore d'un partenariat avec eux. Cette enquête a été effectuée par Aboriginal Business Leaders and Entrepreneurs. Cette organisation n'existe plus, mais on a créé une nouvelle organisation au Manitoba, l'Aboriginal Chamber of Commerce.

L'Aboriginal Chamber of Commerce fait actuellement partie de la Manitoba Chamber of Commerce, et elle cherche à paver la voie pour devenir une chambre de commerce autochtone à l'échelle du Canada. Elle établit par ailleurs des relations avec le milieu des affaires du Nunavut et amérindien.

Ces relations économiques est-ouest et nord-sud ressemblent à l'économie des populations indigènes de l'Amérique du Nord avant la venue des Européens. Les progrès de l'entrepreneuriat et de la création d'entreprises ont été importants au cours des 25 dernières années, et le défi que nous devons relever est de conserver cet élan pour les 25 années à venir au moins. Cela est essentiel, surtout en raison du fait que la population de Premières nations est très jeune et qu'elle augmente rapidement. Cependant, la croissance de la population n'est que l'une des raisons. Nous devons examiner le paysage économique plus à fond pour voir ce qui se passe d'autre.

En ce qui concerne les taux d'emploi, la province fait état d'un taux d'emploi des Autochtones de 38 p. 100 en 2001, ce qui représente environ la moitié de la moyenne canadienne de 65 p. 100. Au Manitoba, le taux de chômage est de 18 p. 100 chez les Autochtones possédant un diplôme d'études collégiales, mais de 5,2 p. 100 seulement chez les non- Autochtones qui ont le même degré de scolarité.

À Winnipeg, où un nombre important de membres des Premières nations vivent, les taux d'emploi sont un peu mieux. Le recensement de 2001 indique un taux d'emploi de 55 p. 100 chez les Autochtones de Winnipeg, comparativement à 65 p. 100 chez les non-Autochtones. Le taux de chômage était d'environ 15 p. 100 chez les Autochtones de Winnipeg en 2001, soit trois fois plus que chez les non-Autochtones, dont le taux de chômage était de 5 p. 100.

Ces deux chiffres révèlent une profonde amélioration de la situation depuis 1996, mais aussi des vérités crues. Si les statistiques concernant Winnipeg sont exactes, alors les chiffres concernant les Autochtones qui vivent dans les réserves ou en région rurale doivent être de loin inférieurs au taux d'emploi moyen des Autochtones pour l'ensemble du Manitoba, soit 38 p. 100.

Qu'est-ce qui explique que les taux d'emploi de la population autochtone de Winnipeg et des diplômés des collèges ne soient équivalents qu'à la moitié des taux d'emploi des non-Autochtones? Notre étude n'examine pas le racisme comme un facteur en soi. Nous tentons d'examiner et d'expliquer certains des autres facteurs qui expliquent ces chiffres défavorables, mais il ne faut pas oublier que le racisme constitue l'une des raisons qui expliquent cette situation.

Cependant, avant d'examiner ces raisons, nous devons jeter un coup d'œil sur d'autres statistiques, qui concernent le revenu. Selon la province du Manitoba, au cours des années 90, le revenu annuel moyen des Autochtones n'était que de 13 000 $, comparativement à la moyenne manitobaine de 21 000 $. On a obtenu des résultats similaires à Winnipeg dans le cadre du recensement de 2001. Le revenu médian de la population autochtone était de 14 500 $, alors qu'il était de 23 000 $ pour les non-Autochtones de Winnipeg.

La situation est claire, et la Commission canadienne des droits de la personne l'a résumé dans un rapport publié en 2001 : les Autochtones comptent parmi les groupes les plus défavorisés du pays.

En outre, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a mis au point un indice du développement humain, IDH, qui sert à établir des rapports au sujet des Premières nations de l'ensemble du Canada. À l'origine, cet indice servait aux Nations Unies pour comparer le développement à l'échelle internationale. Affaires indiennes a eu recours à l'IDH pour comparer les populations autochtones et non-autochtones du Canada. Le ministère a aussi comparé l'IDH des Premières nations à d'autres Premières nations du pays.

L'IDH est constitué de trois éléments : le revenu, l'espérance de vie et le degré de scolarité. Il est intéressant de constater que, entre 1981 et 2001, l'écart entre le degré de scolarité des citoyens de Premières nations et des citoyens non autochtones du Canada a diminué de 59 p. 100, tandis que l'écart entre les revenus des deux groupes n'a diminué que de 19 p. 100.

Ces chiffres appuient les statistiques provenant de la province du Manitoba et qu'on a déjà citées, selon lesquelles, même si les citoyens des Premières nations sont de plus en plus instruits, on ne les embauche toujours pas pour les postes qui donneraient lieu à une augmentation de leur niveau de revenu. En outre, l'étude réalisée à partir de l'IDH montre que, au cours des dix prochaines années, 43 000 nouveaux emplois seront nécessaires pour maintenir le taux d'emploi actuel et que les Premières nations du Canada doivent obtenir 174 000 nouveaux emplois pour atteindre le même taux d'emploi que les autres Canadiens.

Fait très important, la qualité de vie des Premières nations du Manitoba est la plus faible du Canada. L'IDH montre que les Premières nations du Manitoba sont non seulement au dernier rang en chiffres absolus, mais que l'écart entre les Premières nations du Manitoba et le reste des citoyens de la province est le plus grand qu'on observe à l'échelle de l'ensemble du pays.

Le Manitoba présente aussi les écarts les plus importants au chapitre de l'éducation, du revenu et de l'espérance de vie.

Je souhaite maintenant parler du facteur éloignement. Il y a 64 Premières nations au Manitoba, dont six des 20 bandes les plus importantes du Canada. Dix-neuf collectivités des Premières nations ne sont pas accessibles par route tout temps, et on compte là-bas sur le transport aérien et une route d'hiver qui est ouverte pendant très peu de temps. Chez nos voisins de l'Ouest, en Saskatchewan, les collectivités des Premières nations ne sont pas aussi isolées que chez nous. Un autre facteur qui contribue à l'isolement est l'absence de services Internet à haute vitesse dont profitent le reste des Canadiens.

En conséquence de l'isolement géographique, ainsi que de l'absence de certaines infrastructures de base qui sont offertes à la vaste majorité des Canadiens, les collectivités des Premières nations du Manitoba sont isolées, sur les plans social et économique, de la masse des Manitobains, et l'économie de ces collectivités a dépendu, historiquement — et par historiquement, j'entends au cours des 50 à 75 dernières années — des transferts fédéraux.

En ce qui concerne les questions de nature proprement économique, bien qu'il ressorte de façon évidente des statistiques que le paysage économique des Premières nations s'améliore un peu, il est aussi évident que nous sommes très loin du niveau de vie du reste des Canadiens.

La Commission royale sur les peuples autochtones, dans la section de son rapport intitulée Les leviers du changement économique, dit :

Il ne sera pas facile de transformer les économies autochtones pour qu'elles passent de la dépendance à l'autosuffisance. Pour la plupart des nations, l'élan viendra principalement de l'accès à une juste part des terres et des ressources.

En plus des terres et des ressources, les Premières nations ont besoin d'accéder au capital qui leur offrira l'occasion de jouer un rôle important dans la croissance économique liée à ces terres et ces ressources.

Les compressions budgétaires au chapitre de la croissance économique, surtout au ministère des Affaires indiennes, sont une question d'intérêt national. Il n'y a pas eu récemment de questions qui aient causé autant de dégâts dans les secteurs de la croissance économique et de la création d'entreprise que les récentes compressions relatives au financement de la croissance économique par Affaires indiennes. Récemment, le ministère a réduit de 29 millions de dollars le montant réservé dans son budget annuel à la croissance économique. Les entrepreneurs et les collectivités des Premières nations se servaient beaucoup de ce financement comme capital d'amorçage pour la création d'entreprise. Ils utilisaient ce capital d'amorçage pour obtenir des fonds, des prêts et d'autres formes de financement de la part des gouvernements, comme des partenariats, pour permettre aux entreprises des Premières nations de voir le jour et de prendre de l'expansion. La diminution du budget de cet important programme de capitaux a été un choc pour les Premières nations, puisque, au cours de plusieurs séances de consultation, ateliers et tables rondes, on a recommandé fortement, maintes et maintes fois, l'augmentation des capitaux d'amorçage et des capitaux propres.

Les Premières nations ont besoin d'un programme de financement propre à elles, qui dispose de ressources adéquates pour répondre aux besoins de croissance économique. Ce programme et ces fonds doivent être affectés à la croissance des Premières nations, et ils devraient être gérés par des organisations des Premières nations. Il s'agit d'un facteur essentiel à l'augmentation du niveau de vie.

La Commission royale sur les peuples autochtones ayant reconnu cela, elle a formulé sa recommandation 2.51, à la page 840, qui se lit comme suit : « que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux concluent des ententes de développement économique à long terme avec les nations autochtones (ou des institutions représentant plusieurs nations), afin de fournir un financement pluriannuel à l'appui [du] développement économique. » La réduction du financement a des répercussions négatives importantes sur la croissance économique dans tous les secteurs, que ce soit l'agriculture, la pêche, la foresterie, le tourisme, les services et les ressources naturelles, pour ne nommer que ceux-là.

Les ressources naturelles sont une question importante au Manitoba. Comme on l'a déjà mentionné, la Commission royale sur les peuples autochtones a reconnu l'importance des terres et des ressources pour la croissance économique future des Premières nations. La Commission poursuit en disant :

La richesse du Canada doit être équitablement partagée avec les premiers occupants du territoire. L'engagement à l'égard de l'autonomie gouvernementale autochtone ne prendra vraiment tout son sens que lorsque les nations autochtones auront accès à une assise territoriale convenable et aux ressources correspondantes.

Depuis l'arrivée d'Européens, la gestion des ressources et des terres, ainsi que l'accès à celle-ci a été de moins en moins le fait des Premières nations. L'Accord de transfert des ressources naturelles de 1930 a été un autre coup porté aux Premières nations au chapitre de leur participation à la gestion des ressources naturelles. Les provinces gérant désormais les ressources naturelles, les Premières nations, dont le gouvernement fédéral est responsable, sont littéralement chassées du décor. Cela doit changer. Le partage des recettes découlant de l'exploitation des ressources et l'accès aux ressources naturelles doivent être placés à l'avant-plan des relations entre les Premières nations et le Canada et le Manitoba.

Un exemple concret de la manière dont la gestion des ressources naturelles par notre province a des conséquences négatives pour les Premières nations est le reclassement de lacs réservés à la pêche commerciale pour en faire des lacs réservés à la pêche sportive, sans consultation adéquate des Premières nations, et certainement sans leur approbation. Ce reclassement a eu des conséquences pour de nombreux pêcheurs des Premières nations pour qui c'était le gagne- pain. On pourrait aussi citer des exemples concernant d'autres secteurs primaires comme la foresterie, l'énergie, les mines et ainsi de suite, et des industries secondaires comme le tourisme.

Dans un document rédigé à la demande de l'Assemblée des chegs du Manitoba en 2004, on fait état de ce que la part globale du produit intérieur brut du Manitoba qui est attribuable aux ressources naturelles, selon les prix de base de 2001, est estimée de façon conservatrice à 3,3 milliards de dollars par année. La figure présentée dans notre document décrit la manière dont on obtient ce chiffre de 3,3 milliards de dollars.

Pour cette figure, nous avons utilisé un facteur conservateur de 5 p. 100 d'industries connexes choisies pour indiquer la part de ces industries connexes qui est attribuable aux ressources naturelles, exception faite du secteur de l'hydroélectricité, pour lequel, bien entendu, nous avons utilisé un facteur de 80 p. 100.

En plus des facteurs économiques que nous décrivons dans le document, la capacité des Premières nations de saisir les occasions qui se présentent sur le plan économique est aussi liée à d'autres facteurs comme l'éducation, la santé, les infrastructures, le logement et la capacité d'accéder au capital en temps opportun. Le temps ne nous permet pas d'aborder chacun de ces domaines, mais il convient de signaler que Affaires indiennes et du Nord Canada est en mesure d'aider les Premières nations à élaborer des efforts coordonnés pour mettre ces autres facteurs en lien dans le cadre des stratégies de croissance économique de toutes les régions du pays, surtout au Manitoba, et que le ministère devrait le faire.

Nous voulons aussi faire remarquer que l'accès au capital est l'un des facteurs essentiels qui permettent de saisir les occasions qui se présentent. Il y a deux formes fondamentales d'accès — l'accès à des investissements en capitaux provenant de l'extérieur ou le fait de disposer de notre propre source de revenu. Nous traitons de cette question en détail dans le document, à la section des recommandations, dont je vais maintenant parler.

J'aimerais d'abord citer un jeune homme, Albert Einstein, qui a dit : « nous ne pouvons résoudre les problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui en nous situant au même niveau de pensée que celui auquel nous étions lorsque nous avons créé ces problèmes. »

Il est nécessaire de déployer des efforts importants et coordonnés pour réduire de façon significative l'écart entre le niveau de vie des Premières nations et celui des autres Canadiens. Cela est d'autant plus important au Manitoba, où l'IDH est le plus faible. Ces efforts toucheront tous les aspects liés aux terres et aux ressources, à l'accès au capital, au développement des ressources humaines et à la création de partenariats. Chacun d'entre nous a un rôle à jouer pour s'assurer de créer un milieu qui permet et favorise la croissance et la prospérité de la communauté des gens d'affaires des Premières nations et de la collectivité en général. Dans cette optique, nous formulons les recommandations suivantes :

Première recommandation : une augmentation importante du financement de la croissance économique des Premières nations. Le nouveau financement doit être de bonne ampleur, assorti de critères souples et prévoir des résultats mesurables. Les fonds doivent être versés à une organisation propre aux Premières nations, et, au bout du compte, ils devraient être gérés par une organisation des Premières nations. Le financement doit être pluriannuel de façon à témoigner d'un engagement à long terme envers l'amélioration du niveau de vie de l'ensemble des Premières nations. Nous recommandons en outre que les discussions commencent au Manitoba, où le problème est le plus criant. Les Premières nations doivent participer à l'élaboration du programme. Pour mettre rapidement les choses en train, Affaires indiennes devrait rétablir le programme d'apport de capitaux pour la croissance économique immédiatement — on a déjà mentionné ce programme d'une valeur de 29 millions de dollars par année — et maintenir ou majorer le financement direct à la croissance économique des collectivités que le ministère fournit à l'heure actuelle.

Enfin, il faut augmenter le financement du programme de croissance économique des Premières nations, de façon qu'il représente une proportion beaucoup plus importante du budget fédéral, et il faut que ces fonds deviennent ciblés plutôt que discrétionnaires.

Notre deuxième recommandation concerne un meilleur accès au capital. Il faudrait offrir des crédits d'impôt afin d'inciter les particuliers et les sociétés à investir dans les entreprises et stimuler la création d'emplois dans les réserves. Ce coup de pouce favoriserait l'accès au capital du secteur privé. Cette mesure est un complément naturel à l'augmentation du financement pour la croissance économique et à la réduction des coûts de l'aide sociale. Il serait également souhaitable que les Premières nations fassent leur part.

En outre, les secteurs privé et public devraient s'associer pour créer un fonds de capital à risque et de croissance pour les Premières nations du Manitoba. Non seulement ce fonds deviendrait une source de capital dont ont grandement besoin les entreprises de Premières nations, mais il permettrait aussi d'obtenir des compétences en gestion au besoin.

Des partenariats directs et des entreprises conjointes avec les organisations et les entreprises des Premières nations permettront aux initiatives économiques de réussir, puisque chacun des partenaires apporte son propre ensemble de compétences importantes à l'entreprise. Il faudrait aussi mettre en place des incitatifs financiers de façon à favoriser ces formes de partenariats, surtout dans les régions défavorisées sur le plan économique, comme le Manitoba.

Enfin, il faut déployer des efforts particuliers au Manitoba pour faire augmenter le revenu de l'ensemble des Premières nations, de façon qu'elles disposent de leurs propres sources de fonds, ce qui leur permettra d'investir et de diversifier leurs propres économies. On pourrait arriver à faire cela en appliquant l'une des recommandations de la commission royale, portant sur le partage des bénéfices tirés des ressources naturelles de ce grand pays. Par exemple, si les Premières nations avaient accès à la part qui leur revient des 3,3 milliards de dollars du PIB du Manitoba qui découlent chaque année de l'exploitation des ressources naturelles, elles seraient en mesure d'atteindre le même niveau de vie que le reste des Manitobains, par l'intermédiaire d'investissements dans les communautés économiques, et donc en créant des emplois, de la richesse et des collectivités en santé.

Au chapitre des ressources humaines, il faudrait mieux coordonner les investissements dans l'éducation et la formation, et il faudrait augmenter ces investissements de façon à soutenir la très jeune population des Premières nations, qui est en croissance rapide. L'éducation et la formation menant à de meilleurs emplois, à une augmentation des revenus personnels et familiaux et à une plus grande stabilité, cela contribuerait pour beaucoup à combler l'écart entre nantis et démunis dans notre province et dans notre pays. En fournissant une main-d'œuvre nécessaire pour répondre à la demande actuelle et future, cela contribuerait aussi à la force de l'économie manitobaine.

En outre, il est nécessaire d'améliorer le soutien aux organisations qui tentent, à l'heure actuelle, de promouvoir les partenariats et l'équité en emploi.

Par exemple, l'Assemblée des chefs du Manitoba a maintenant conclu plus d'une vingtaine d'ententes avec de grandes entreprises, des sociétés d'État et des ministères, dans le cadre desquelles elle aide ces organisations au chapitre du recrutement, de la formation, du maintien en poste et de l'avancement des employés membres des Premières nations. Ces ententes, ou partenariats, comme nous les appelons, contribuent à créer une situation dont tous profitent, ainsi qu'une relation de travail productive à long terme entre le milieu des affaires et les Premières nations.

L'Assemblée des chefs du Manitoba a récemment poussé ce partenariat un peu plus loin avec Manitoba Telecom Services, en ce sens que notre entente dépasse le cadre de l'emploi. L'entente porte aussi sur la création d'entreprise et l'approvisionnement, les télécommunications, l'infrastructure, l'éducation et la formation.

À l'heure actuelle, la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones, la SAEA, ne fonctionne pas. Il faut la revoir et l'améliorer pour permettre aux Premières nations d'accéder aux marchés gouvernementaux pour l'approvisionnement en biens et services. De plus, cette politique doit être élargie pour encourager le secteur privé canadien à participer à ces initiatives d'approvisionnement. Nous aimerions voir toutes les entreprises mettre au point une politique d'approvisionnement auprès des Premières nations, de façon qu'une part de l'ensemble des biens et services soit fournie par des entreprises qualifiées de Premières nations, lorsque c'est possible.

En ce qui concerne les terres et les ressources, d'abord, le processus de revendications territoriales devra être réglé rapidement au Manitoba. Jusqu'à maintenant, les terres visées par un traité et converties en réserves représentent 6 641 acres, sur 197 015 acres. En régions urbaines, ces terres doivent être utilisées pour le commerce, ce qui crée une autre occasion de partenariat économique avec le secteur privé.

Au chapitre des ressources, le Manitoba et le gouvernement fédéral doivent appuyer les positions prises par les Premières nations au sujet de l'accès aux ressources et au partage des recettes découlant de l'exploitation des ressources dans la province. Nous avons aussi besoin d'incitatifs financiers qui favoriseront la création de partenariats entre les entreprises du secteur privé qui dominent les diverses industries de ressources et les Premières nations.

L'industrie de l'énergie est l'une des plus importantes du Manitoba, et les projets devraient être élaborés en partenariat avec les Premières nations, comme moyen de contribuer à lancer la croissance des économies des Premières nations. Nous recommandons que tout nouveau projet visant la production d'énergie au Manitoba soit réalisé en partenariat, dans le cadre d'un protocole d'entente avec les Premières nations du Manitoba.

Pour conclure, la population des Premières nations étant jeune et en croissance, le Canada et les provinces ne peuvent plus exclure celle-ci des principaux secteurs de l'économie canadienne, ou limiter leur intervention. Le gouvernement, le secteur privé et les organisations des Premières nations doivent travailler ensemble à définir et à appuyer un objectif de croissance économique importante pour l'avenir. Cela commencera par l'augmentation du niveau de vie des Premières nations du pays et la diminution de l'importance de l'aide sociale dans la vie des membres des Premières nations.

Nous aurions peut-être dû faire une recommandation — et c'est quelque chose que nous tentons de mettre de l'avant chaque fois que nous rencontrons une organisation de l'extérieur — du fait que, à l'Assemblée des chefsf du Manitoba, nos portes sont ouvertes et nous sommes prêts à vous accueillir, nos oreilles sont ouvertes et nous sommes prêts à vous écouter et nous sommes prêts à faire des affaires avec vous. Je vous encourage à venir discuter avec nous de la manière dont nous pouvons travailler ensemble pour atteindre nos objectifs, et même les dépasser.

Le sénateur Dyck : Vous avez formulé un certain nombre de recommandations. Si vous deviez réduire la liste à une ou deux recommandations, lesquelles choisiriez-vous?

M. Cramer : L'une des plus importantes est certainement celle qui concerne le partage des recettes découlant de l'exploitation des ressources. Il s'agit d'un élément essentiel à la croissance des Premières nations à long terme et d'un meilleur accès au capital.

Le sénateur Dyck : En ce qui concerne les terres visées par un traité, quel rôle cela a-t-il à jouer pour votre croissance économique? Il semble que, à l'heure actuelle, environ 3,5 p. 100 seulement de vos terres vous ont été rendues dans le cadre d'entente.

M. Cramer : Oui. C'est un élément essentiel, puisque de nombreux membres des Premières nations attendent d'avoir accès à des terres auxquelles ils peuvent accéder dans le cadre de ses ententes à des fins économiques. En région urbaine, c'est certain, nous croyons que cela offre de très grandes possibilités sur le plan économique. Le principal problème est que les Premières nations ont été mises à l'écart, pour ainsi dire, si l'on envisage les endroits où les réserves se trouvent, pour laisser d'autres personnes exploiter les ressources de ces terres et bâtir l'économie. En reprenant certaines des terres, les Premières nations espèrent accéder à des terres qui ne sont pas trop éloignées, qui ont une valeur économique et qui peuvent créer une richesse dont les Premières nations ont grandement besoin.

Le sénateur Peterson : Je pense que nous comprenons les problèmes et les défis auxquels vous faites face, mais avez- vous vraiment l'impression qu'il est possible de les résoudre sans régler d'abord les questions relatives aux traités et aux droits fonciers issus de ceux-ci? Où faut-il commencer, pour être réaliste? Vous parlez du partage des recettes tirées de l'exploitation des ressources, mais sans régler ces choses, est-ce que cela peut vraiment se produire?

M. Cramer : Oui, d'abord et ça se produit à l'heure actuelle. Ensuite, au Manitoba du moins — mais je pense que c'est partout au pays — il y a une moyenne. Il faut en moyenne 27 ans pour régler les questions de revendications territoriales. Nous ne pouvons pas attendre si longtemps. Tout cela est important et absolument essentiel, mais je ne crois pas que l'une devrait être réglée avant l'autre; elles peuvent se produire en même temps, et elles devraient se produire plus rapidement. La création d'entreprises est habituellement un facteur de croissance économique et elle n'a pas à dépendre d'ententes majeures. Certaines Premières nations le prouvent et l'ont prouvé au cours des années. C'est seulement que nous sommes déprimés au Manitoba et que nous avons besoin d'un peu d'encouragement.

Le président : Merci, monsieur Cramer, de vous être présenté devant le comité aujourd'hui. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le Sénat nous a demandé par renvoi de tenter de déterminer pourquoi le règlement de ces revendications territoriales prend tant de temps. Le Sénat enquête et formulera des recommandations à l'intention du gouvernement.

J'espère que le premier point que vous avez abordé, concernant les terres et les ressources, pourra être réglé et que nous pourrons accélérer ce processus, ce qui, je crois, contribuerait à la croissance économique du Manitoba.

Merci encore une fois de votre exposé, et transmettez nos salutations au grand chef Evans. Nous lirons attentivement toute recommandation supplémentaire que vous souhaiterez présenter par écrit au comité.

Le comité suspend ses travaux.


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