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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 3 - Témoignages du 19 octobre 2006


OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 10 h 55, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Soyez tous les bienvenus à l'étude en cours de l'évolution de la politique des pêches et des océans. Nous examinons plus particulièrement aujourd'hui la gestion des pêches au-delà de la limite des deux cents milles marins.

Nous avons déjà entendu des témoins à ce sujet. Ainsi, le ministre a comparu et, en novembre, nous nous rendrons à Terre-Neuve pour y entendre des témoins. Aujourd'hui, toutefois, nous accueillons trois éminents ex-employés et hauts fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans. Pendant des années, ils ont contribué aux travaux du ministère à coups de suggestions, de conseils et de mesures de mise en oeuvre de la politique. Nous les accueillons en raison de leur expérience et de leurs connaissances. Nous savons que leurs témoignages nous seront très utiles.

Je vous demanderais donc de bien vouloir accueillir Bob Applebaum, qui travaillait dans le domaine international — peut-être l'ont-ils tous fait, d'une façon ou d'une autre —, Earl Wiseman et Bill Rowat qui, comme nous le savons, était également sur place durant la saisie dramatique de l'Estai et de tout ce qui a suivi.

Je m'appelle Bill Rompkey et je préside le comité. Je représente le Labrador, un territoire qui se trouve juste au nord de l'île de Terre-Neuve. Également assis à la table, le sénateur Gill, de la région du Lac-Saint-Jean, au Québec, le sénateur Watt qui connaît bien le Labrador puisqu'il représente le Nunavik, dans le nord du Québec, le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, une province elle aussi entourée d'eau et dotée d'un milieu biologique marin, et le sénateur Johnson, notre vice-président, de Winnipeg, soit tout près du lac Winnipeg.

Bob Applebaum, à titre personnel : Honorables sénateurs, en 1996, lorsque j'ai pris ma retraite, j'étais directeur général de la Direction internationale au ministère des Pêches et des Océans. Je n'ai pas eu beaucoup de contacts avec le ministère depuis lors, mais durant les quelques derniers jours, lorsque j'ai examiné les documents concernant les stocks de poissons chevauchants de l'Atlantique Nord-Ouest, je n'ai pas été étonné de voir que les enjeux n'ont pas vraiment changé depuis le début des années 1990.

J'ai lu le rapport de 1995 du groupe consultatif, présidé par M. May, qui témoigne du peu d'évolution du dossier dans l'intervalle en vue de mettre en oeuvre l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, autrement dit l'ANUP, auquel moi et bien d'autres avions consacré tant d'efforts et de temps et qui avait été salué comme la solution d'avenir à ces problèmes. Ensuite, j'ai eu l'agréable surprise d'apprendre qu'il y aurait eu une nette progression à la réunion de septembre 2006 de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO). On trouve des précisions sur cette réunion dans le communiqué émis par le MPO. Vous avez tous vu ces détails et en avez discuté, je crois, à une réunion récente de votre comité. On note, comme faits saillants, l'élaboration d'un mécanisme de règlement des différends, ce qui exige une modification de la Convention OPANO — ce qui pourrait ne pas être facile à faire — et pourrait instituer un régime radicalement amélioré qui assurerait la conformité aux règles de l'OPANO en matière de conservation. D'après le communiqué, cette dernière nouveauté semble inclure, dans le cas de bateaux observés à commettre certaines infractions graves, l'obligation pour les États dont ils battent le pavillon de leur ordonner de cesser de pêcher et de se rendre dans un port pour y être immédiatement inspectés. Cependant, d'après le texte du règlement adopté, cette exigence peut parfois être évitée et, bien sûr, tout dépend également de la bonne volonté de l'État du pavillon.

Le fait de suspendre l'exploitation d'un bâtiment au beau milieu de la pêche et de l'obliger à subir les pertes de revenu consécutives était un des principaux éléments de l'ANUP visant à vraiment dissuader les capitaines et les entreprises de commettre différentes infractions aux règlements de pêche. À cet égard, j'aimerais attirer votre attention sur une importante différence entre le texte adopté par l'OPANO et l'ANUP.

Le régime de l'ANUP reposait sur l'hypothèse qu'on ne peut compter sur l'État du pavillon pour prendre ce genre de mesure rapide et coûteuse contre ses propres bâtiments à moins de prévoir que d'autres États — membres de l'organisme régional de gestion des pêches compétent — puissent le faire s'il n'agit pas. Je vous renvoie au paragraphe 8 de l'article 21 de l'ANUP.

Si le nouveau régime de l'ANUP est efficace, l'État du pavillon a tout intérêt à prendre les mesures qui s'imposent plutôt que de laisser les autres États le faire. Le régime de l'ANUP, qui prévoit l'intervention au besoin d'autres États, l'encourage à le faire.

Je tenais simplement à souligner que la disposition de l'ANUP existe et que le Canada peut y recourir au besoin. Beaucoup d'efforts ont été déployés en vue de l'inclure dans l'ANUP, et je doute que le Canada aurait accepté l'issue des négociations en son absence.

J'aimerais conclure en faisant une observation d'ordre général sur les diverses propositions adoptées à la dernière réunion de l'OPANO visant à modifier sa convention, y compris sans s'y limiter le nouveau mécanisme de règlement des différends. Dans un sens large, il s'agit de nettes améliorations, mais vous connaissez l'adage selon lequel les difficultés surgissent dans les menus détails.

Il serait peut-être utile qu'un autre groupe consultatif soit établi, peut-être à nouveau sous la présidence de M. May, en vue d'examiner les modifications projetées à la convention et d'émettre une opinion sur les changements requis. Après tout, le Canada devra probablement vivre avec ces modifications pour les 25 prochaines années.

Earl Wiseman, à titre personnel : Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous suis reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée, ce matin, de prendre part au débat. Mes propos vont surtout porter sur l'Atlantique Nord-Ouest. Les améliorations des dernières années contribueront à régler plusieurs problèmes posés par la pêche en haute mer qui sévissent partout dans le monde. Mon exposé sera de nature générale. Je compte sur vos questions pour préciser ma pensée.

En tant que haut fonctionnaire, j'ai trouvé que la discussion des enjeux sur la tribune ouverte et constructive qu'offre votre comité est stimulante. Vos travaux ont produit une longue série de rapports complets et bien documentés qui jouent un rôle important pour mieux faire comprendre ces enjeux. J'ai pris ma retraite de la fonction publique depuis plus de quatre ans, et il a été fascinant pour moi de renouer avec les enjeux et de voir ce qui se passe. Il y a eu beaucoup d'améliorations, mais comme l'a mentionné M. Applebaum, il reste aussi de nombreuses sources de préoccupation.

Manifestement, ce que nous appelions la « surpêche étrangère » représente un problème de taille pour le Canada depuis plus d'un demi-siècle. Le rapport de juin 2003 du comité, intitulé Stocks de poissons chevauchants de l'Atlantique Nord-Ouest, fournit un excellent aperçu de l'historique des enjeux et des vues des nombreux principaux acteurs. La crédibilité des recommandations du comité est reflétée dans une grande partie des faits survenus depuis lors. De plus, j'ai lu le rapport de juin 2005 intitulé Rapport du Groupe consultatif sur la gestion durable des stocks de poissons chevauchants dans l'Atlantique Nord-Ouest. C'est une excellente analyse du problème et il propose de bonnes pistes de solution. Grâce à ces deux documents et à plusieurs rapports antérieurs, on peut voir ce qui s'est produit au cours des dernières années en droit international, au sein de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, dans les relations bilatérales du Canada en matière de pêche et en mer. De plus, j'ai lu le compte rendu de la comparution du ministre Hearn devant le comité, il y a quelques semaines. Sa description des progrès réalisés au sein de l'OPANO durant la réunion annuelle du mois dernier en vue de mettre la dernière main à la nouvelle convention et d'améliorer les mesures de conservation et d'exécution donne de l'espoir. On semble être sur la bonne voie, et les pourparlers semblent se dérouler de manière raisonnable. Le fait qu'il appuie et promeut l'importance de l'accord de 1995 des Nations Unies en matière de gestion des stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs, couramment appelé au Canada l'ANUP, c'est-à-dire l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, me réjouit. Malheureusement, au moment d'adopter cet accord, l'opposition d'alors avait mal jugé la valeur de la loi de mise en oeuvre. Les échecs du passé trouvent leurs origines dans de faibles instruments juridiques, un manque de bonne volonté, la piètre tenue des dossiers, un manque de connaissances scientifiques et des changements imprévus de l'écosystème. Nous en avons beaucoup appris depuis lors, mais il reste encore beaucoup à faire.

L'évolution de la gestion durable des stocks de poissons chevauchants a été lente. Toutefois, elle semble s'orienter plus rapidement dans la bonne voie. Fait plus important, les quantités énormes d'énergie consacrées au cours des dernières décennies à renforcer le droit international et les instruments existants afin de régler les problèmes commencent à porter fruit. De plus, les connaissances scientifiques ont permis d'élaborer des moyens plus perfectionnés et fiables de prodiguer des conseils.

L'élimination d'un obstacle majeur a représenté un important facteur dans la gestion durable des stocks de l'Atlantique Nord-Ouest. Le Canada et les principaux membres de l'OPANO ont maintenant ratifié tant l'UNCLOS que l'ANUP. Le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable, y compris l'accord de conformité et divers plans d'action internationaux, a aussi été adopté, de sorte que les organismes régionaux de gestion des pêches, comme l'OPANO, peuvent se tourner vers un cadre de gestion durable plus réaliste. Un facteur critique pour le Canada est la négociation de la nouvelle convention de l'OPANO. Les travaux relatifs à certains éléments de cette convention sont en cours depuis de nombreuses années en vue de surmonter certaines failles fatales du régime existant. Maintenant que les principaux intervenants sont parties à l'UNCLOS et à l'ANUP, on semble plus déterminé à conclure la nouvelle convention.

Dans le passé, il était difficile de convaincre des États non signataires d'un accord international de vraiment s'engager à apporter les changements préconisés par l'OPANO dans ces accords. Ce n'est qu'une fois le texte ratifié qu'ils étaient vraiment en mesure, sur le plan juridique, de mettre en oeuvre les nouveaux accords.

Nous avons réussi à faire accepter l'idée qu'il fallait signer une nouvelle convention et les dispositions qu'elle devait inclure. Comme l'a dit M. Applebaum, les difficultés surgissent dans les menus détails. Quand tous les intéressés auront pris conscience des répercussions de la nouvelle convention, on peut s'attendre à une plus grande résistance et à plus de questions.

On a entendu dire que l'OPANO a les plus strictes mesures de contrôle de tous les organismes régionaux de gestion de la pêche. C'est vrai. Il y a longtemps que l'OPANO est un leader. En 1995, les mesures de surveillance, de contrôle et d'exécution qu'elle a adoptées, à la suite de la signature d'une entente entre le Canada et les États-Unis après l'affaire de l'Estai, faisaient oeuvre de pionnier et laissaient présager des dispositions analogues qui seraient incluses dans l'ANUP. En dépit de certains contrôles les plus rigoureux sur papier, nous avons vu qu'en l'absence d'une volonté politique de la part des autorités, les progrès réalisés en mer et leur influence sur les stocks de poissons sont trop lents. La volonté politique représente beaucoup plus qu'une simple profession de foi. Elle exige de reconnaître le besoin de faire une utilisation durable des ressources halieutiques de la planète, la vision et la volonté de prendre des décisions épineuses et, fait encore plus important, la répartition nécessaire des ressources pour effectuer les changements et faire respecter les règles. L'ANUP montre aux gouvernements comment faire. Il n'est pas parfait, mais il n'existe pas d'accord négocié qui réponde à tous les objectifs de chaque partie. Par contre, le Canada a beaucoup accompli. Il faut faire en sorte que l'accord est pleinement mis en oeuvre. Lorsque nous aurons de véritables preuves de son efficacité, nous pourrons proposer d'autres améliorations. Il faut donner la chance au coureur. Comme l'a souligné M. Applebaum, il importe de reconnaître ce que nous avons accompli dans le cadre de l'ANUP et ne pas céder quoi que ce soit sans être conscient des conséquences.

Contrairement à l'opinion et aux mythes actuels, le Canada est une puissance influente dans la gestion des pêches. Le gouvernement du Canada a longtemps été un leader en droit international des pêches. Bien que nous n'ayons pas réussi à faire évoluer l'OPANO aussi rapidement que bon nombre l'aurait souhaité, nous avons gagné presque tous les votes critiques sur des mesures que nous avons proposées. Certains de nos objectifs secondaires n'ont pas été atteints aussi vite que certains auraient aimé, ce qui a parfois entraîné des commentaires négatifs de la part de quelques intéressés au franc parler ou dans les médias, en dépit d'une issue largement favorable. Notre principal obstacle était les limites imposées par l'UNCLOS.

Nous nous en sommes pris à beaucoup plus gros que nous pour obtenir des gains significatifs au sein des institutions internationales. Toutefois, il importe que le Canada, pour conserver sa crédibilité, respecte le cadre international. Toute tentative en vue de faire reconnaître des besoins spéciaux pour justifier l'adoption de mesures non conformes par le Canada ne fera qu'ouvrir la porte à plus de demandes d'assouplissements de la part d'autres parties et minera notre crédibilité. Pour arriver à des résultats dans l'Atlantique Nord-Ouest, il faut que le Canada conserve son leadership. Il faut qu'il soit perçu comme prêchant par l'exemple et il faut que nous poursuivions nos efforts de progression par étapes. Je sais à quel point le processus de l'OPANO a été lent, et comme c'est frustrant. Les échecs antérieurs ont causé bien des préjudices, mais nous avons atteint le point charnière et sommes en train d'adopter les pratiques plus durables que nous souhaitons tous.

Ce serait merveilleux d'avoir le pouvoir que souhaitent certains — de créer, à partir de rien, dans l'Atlantique Nord- Ouest l'organisme idéal pour répondre aux besoins du Canada. Ce n'est pas si facile quand on a besoin de la coopération de douze autres parties. Les efforts déployés par le Canada semblent aboutir à ce dont nous rêvons depuis si longtemps, soit à une nouvelle convention de l'OPANO reposant sur les principes de l'ANUP. L'acquisition de connaissances scientifiques continuera de faire mieux comprendre la situation et offrira d'autres choix, à mesure que s'accumuleront le savoir et l'expérience. Il faut que le gouvernement du Canada fasse en sorte que nous ne lâchions pas le ballon.

Bill Rowat, à titre personnel : Monsieur le président, je remercie le comité de m'avoir invité à me joindre au groupe de témoins d'aujourd'hui pour parler de la gestion des pêches dans l'Atlantique Nord-Ouest. Je suis d'ailleurs ravi de me retrouver aux côtés d'anciens amis, bien que je déplore l'absence de M. Parsons.

Durant mes trente années de carrière dans la fonction publique, j'ai travaillé deux fois au ministère des Pêches et des Océans. Durant ma première affectation d'une durée de neuf ans, soit de 1979 à 1988, j'ai commencé comme spécialiste de l'économie des pêches à l'Île-du-Prince-Édouard et fini sous-ministre adjoint pour l'Atlantique. La deuxième fois, j'y ai travaillé comme sous-ministre de 1994 à 1997. C'est durant cette période qu'a eu lieu la fameuse guerre du flétan noir dans laquelle mes collègues et moi avons tenu un rôle central. Depuis neuf ans, je ne suis plus associé directement aux dossiers des pêches. Par contre, c'est un sujet fascinant et quand on quitte, on a tendance à continuer d'observer la scène, de loin. Avant la réunion d'aujourd'hui, le greffier du comité m'a envoyé plusieurs rapports, dont deux étaient d'un intérêt particulier pour le débat d'aujourd'hui. Le premier était le rapport de 2003 du comité sur les stocks de poissons chevauchants et le second, le rapport de juin 2005 du groupe consultatif de M. May portant également sur les stocks chevauchants. Les deux font une évaluation complète de tous les principaux paramètres touchant les pêches au- delà de la limite des deux cents milles marins.

Hier, nous avons été breffés par de hauts fonctionnaires du MPO sur les événements survenus depuis la rédaction de ces deux rapports. On nous a plus particulièrement renseignés sur l'issue des derniers pourparlers de l'OPANO en septembre 2006. L'évaluation de l'OPANO faite par l'équipe de M. May, dans son rapport, était particulièrement accablante. Elle a ainsi fait ressortir les principales lacunes de l'OPANO qui existent depuis ses tout débuts, notamment l'absence d'une approche préventive et d'une politique de gestion durable, de même que l'actuelle procédure de vote qui permet à des intérêts minoritaires d'avoir sur les événements une influence disproportionnée par rapport à leur participation à la pêche, l'existence d'une procédure d'opposition qui permet de se soustraire à une décision majoritaire, quatrièmement, l'absence d'un mécanisme obligatoire de règlement des différends, cinquièmement, l'inefficacité des sanctions et des mesures d'exécution des États du pavillon lorsque de graves infractions sont commises par leurs flottilles de pêche. Le groupe estime que l'OPANO est un échec retentissant. Il conclut également qu'étant donné le rythme auquel évolue le droit international, la seule option réaliste pour corriger la situation serait de modifier les organisations régionales de gestion des pêches.

Dans ce contexte, le groupe a examiné trois options de réforme ou de remplacement de l'OPANO. Il a tout d'abord examiné les divers arguments en faveur d'une gestion axée sur la conservation et l'a essentiellement rejetée. Je souscris à l'analyse et à la conclusion du groupe. Ensuite, le groupe a analysé l'option de réforme de l'OPANO en vue de la moderniser et de l'aligner sur les principes et les méthodes de gestion décrits dans le nouvel Accord des Nations Unies sur les pêches, l'ANUP, entré en vigueur en décembre 2001. Le groupe a conclu qu'une pareille réforme ne serait pas un succès puisque de nombreux membres existants ont peu à gagner des efforts de conservation, qui profiteraient surtout à quelques-uns des principaux membres de l'organisme.

Le groupe s'est alors penché sur une troisième option qu'il a recommandée, soit la négociation au plus tôt d'un nouvel organisme régional de gestion des pêches pour remplacer l'OPANO qui intègrerait les principes et approches contemporains de gestion durable de l'écosystème adoptés dans le nouvel ANUP et d'autres ententes récentes.

Je ne partage pas l'enthousiasme du groupe au sujet de la création d'une nouvelle organisation régionale de gestion des pêches pour remplacer l'OPANO. Il nous faudrait énormément de temps pour négocier entre les parties qui sont ou qui ont été actives dans l'Atlantique nord-ouest. De plus, il y a lieu de se demander si les gains d'une réforme de l'OPANO seraient vraiment si grands en bout de ligne.

Depuis la naissance de l'OPANO, juste avant la création de l'UNCLOS en 1982, il y a eu beaucoup de changements annuels à l'OPANO elle-même, dont beaucoup sont issus de la guerre du flétan noir qui a fait rage en 1995, comme M. Wiseman l'a mentionné. Cependant, la plus grande incidence de la guerre du flétan noir, c'est qu'elle a mis la table pour la réussite des négociations de l'ANUP. Les discussions sur l'ANUP, qui ont commencé en 1993, sont soudainement devenues très ciblées en 1995, compte tenu de toute l'attention internationale accordée à la guerre du flétan noir. L'ANUP est une évolution et une amélioration par rapport à l'UNCLOS d'avant.

Le 4 décembre 1995, six mois après la guerre du flétan noir, le nouvel accord de l'ONU sur la conservation et la gestion des stocks chevauchants était fin prêt pour la signature. Cet accord, qui est entré en vigueur le 11 décembre 2001, 30 signatures plus tard, a jeté les bases nécessaires pour la réussite du Canada dans les négociations à l'OPANO cet automne.

Après la guerre du flétan noir, les membres de l'OPANO se sont assez bien conduits pendant environ cinq ans, puis certains sont revenus tranquillement à leurs anciennes habitudes. Depuis quelques années, le Canada exprime à nouveau sa frustration à l'OPANO à l'égard des parties contrevenantes et de leurs flottes. Le Canada déploie un effort de diplomatie et d'éducation d'envergure depuis quelques années auprès des parties de l'OPANO et du public. Le Canada a également augmenté son financement pour les sciences et les activités d'application de la loi, ce qui semble porter fruit. Cependant, il était vraiment temps de faire encore preuve de force à l'OPANO, comme je crois que c'est arrivé cet automne, pour voir si l'on pourrait inclure des mesures plus progressives de l'ANUP dans la convention de l'OPANO ou s'il fallait, comme M. May l'avance, remplacer l'OPANO par une nouvelle ORGP.

Prenons la liste des objectifs qu'une nouvelle organisation permettrait d'atteindre selon le rapport du groupe de M. May. Il convient de remarquer que la délégation canadienne a atteint les principaux objectifs de cette liste à la réunion de l'OPANO de septembre dernier. D'abord, le rapport du groupe recommandait une gestion durable, une approche écosystémique. Depuis la réunion de l'OPANO de septembre, les activités de gestion des pêches de l'OPANO doivent tenir compte du principe de la précaution et de l'approche écosystémique. Les décisions devront se fonder sur les avis scientifiques sur l'habitat du poisson dans les zones marines sensibles, comme celle des monts sous-marins de l'Atlantique nord-ouest. Ensuite le groupe a souligné la nécessité d'établir un mécanisme de règlement des litiges pour rendre plus contraignante la procédure d'opposition de l'OPANO qui existe. En septembre, les membres de l'OPANO ont accepté d'inclure un mécanisme de règlement des litiges, tel que prévu dans l'accord de l'ONU sur les stocks de poissons, dans la convention de l'OPANO pour que les pays qui s'opposent aux décisions de l'OPANO ne puissent pas utiliser des quotas établis unilatéralement. Ils doivent désormais recourir au mécanisme de règlement des litiges et comparaître devant un tribunal impartial. Le nouveau mécanisme rend la procédure d'opposition beaucoup plus difficile à invoquer.

L'une des prochaines mesures utiles consistera à trouver les moyens de faire en sorte que les pays ayant formulé une objection ne soient pas libres de pêcher avant que le processus de résolution du litige ne soit terminé, ce qui pourrait se traduire par une pénalité sur le quota de l'année suivante.

Le groupe de M. May déplore la difficulté de l'OPANO à détecter les infractions, à faire respecter les lois et à imposer des sanctions graves et actuelles aux États du pavillon des bateaux contrevenants.

Que la délégation canadienne a-t-elle obtenu? Les navires interceptés pour des infractions graves seront dirigés vers le port pour inspection immédiate. Les infractions graves comprennent les fausses déclarations sur les prises, l'exploitation d'espèces visées par un moratoire et les récidives.

L'OPANO vient d'adopter des lignes directrices sur les sanctions qui s'appliqueront lorsque des propriétaires de navires seront pris en train d'enfreindre les règles. Les pays seront obligés d'imposer une amende, de suspendre ou de retirer le permis ou le quota ainsi que de confisquer le matériel de pêche et les prises illégales. Le principe est que la punition sera proportionnelle au crime. L'étape suivante sera l'établissement de normes communes pour que chaque État n'ait pas à définir ce que les tribunaux considèrent proportionnel au crime.

Le fin mot de l'histoire sur l'application de la loi, cependant, c'est que ce sont toujours les États du pavillon qui la font respecter. Seul l'État du pavillon peut poursuivre ses propres navires pour des infractions. Cela va demeure un talon d'Achille jusqu'à ce que les États acceptent de céder leur souveraineté, ce qui est peu probable.

Les nouvelles règles d'application de la loi constituent assurément une amélioration en ce sens qu'elles limitent davantage le risque d'abus flagrants. Il nous faudra quelques années avant de voir comment elles vont s'appliquer dans la pratique. Le véritable test viendra quand les stocks vont commencer à se rétablir.

En résumé, je ne partage pas le point de vue du groupe que le meilleur moyen d'atteindre les objectifs du Canada en matière de gestion efficace au-delà de la limite des 200 milles marins est de remplacer l'OPANO par une nouvelle ORGP. En fait, selon la façon dont l'OPANO évolue, il y aura une révision de la convention et l'OPANO sera renouvelée.

La délégation canadienne à l'OPANO, cette année, a réussi à apporter des améliorations importantes au régime de gestion de l'OPANO en y intégrant des mesures fondamentales de l'ANUP. Ces mesures vont nuire davantage au pouvoir des membres de l'OPANO de transgresser les principes de base. Les nouvelles mesures limitent davantage le pouvoir discrétionnaire des États du pavillon et de leurs flottes de défier les principes de base de la conservation, d'invoquer la procédure d'opposition et d'échapper à leurs responsabilités d'application de la loi.

Le président : J'aimerais avoir quelques précisions avant de prendre des questions.

Concernant les États du pavillon, M. Applebaum dit que le diable est dans les détails. L'une des choses qui nous embête depuis le début, c'est le droit de l'État du pavillon d'imposer une sanction.

Peut-être les témoins voudraient-ils tous s'exprimer sur l'effet de l'Estai, parce que cette affaire a clairement eu l'effet immédiat d'ébranler l'UNCLOS et les accords internationaux du genre.

M. Rowat a dit qu'à long terme, les pays seraient obligés d'imposer une amende. L'Estai a-t-il fini par recevoir une amende? Y a-t-il eu une résolution diplomatique qui a pu faire avancer les accords internationaux, mais qui n'a pas obligé l'Espagne à prendre ses propres mesures?

M. Rowat a dit que seul l'État du pavillon pouvait poursuivre ses propres navires pour infraction. Il peut être confronté au droit international. Il est peut-être difficile d'éviter le problème, mais il me semble central. Que nous ayons un nouvel organisme ou un vieil organisme qui a changé, comment gérerons-nous le fait que c'est l'État du pavillon qui impose la peine et régit son propre peuple? Je pense que c'est le principal problème que nous devons résoudre.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, s'il vous plaît.

M. Rowat : Après l'arrestation de l'Estai, nous avons porté des accusations, mais nous avons fini par y surseoir. L'histoire remonte à il y a longtemps, mais je crois que nous avons accusé le capitaine. Il s'est fait imposer une amende de 10 000 $, mais je ne suis pas certain si nous avons accepté son chèque ou si nous lui avons rendu.

M. Wiseman : Il fallait le relâcher, mais nous avons répliqué à cette obligation.

Le président : Qui l'a fait?

M. Wiseman : Le Canada. Le Canada a arrêté le navire en haute mer. L'Espagne n'a jamais porté d'accusations contre le navire ni reconnu que son équipage avait fait quoi que ce soit de mal. Par conséquent, le pays a poursuivi le Canada pour ses actes.

M. Rowat : En gros, le sursis aux accusations faisait partie de l'entente que nous avons conclue avec l'Union européenne. C'était l'un de ses éléments essentiels.

Pour ce qui est du reste de votre question sur la situation d'aujourd'hui, ce que la délégation canadienne a réussi à faire en septembre pour l'établissement de lignes directrices sur les sanctions est excellent. Elle a réussi à faire adopter le principe que la punition doit être proportionnelle au crime. Ainsi, on dissuade les contrevenants de récidiver. C'est très contraignant. La délégation a essentiellement établi les paramètres des sanctions qui peuvent s'appliquer, les amendes et le reste, je vous en ai déjà donné la liste.

Ce qu'il reste à faire et qui a été fait ailleurs — nous l'avons fait pour les pêches dans les années 70 et 80 — c'est de définir le type et la hauteur des amendes, d'établir un barème. Par exemple, si quelqu'un se fait prendre à poser trop de casiers à homards, il s'expose à une suspension de 30 jours de la pêche et à une amende de 5 000 $. Si la personne se fait prendre deux fois, son permis sera suspendu complètement et ainsi de suite.

L'une des prochaines étapes, qui me semble plutôt réalisable, serait de prendre ces principes généraux et la liste des diverses sanctions et d'établir un barème ou des normes pour que les divers pays comprennent la gravité des sanctions nécessaires pour une infraction particulièrement grave. Le principe est très bon; la peine doit être proportionnelle au crime. Cependant, des juges espagnols pourraient estimer qu'une amende de 5 000 $ est suffisante, alors que des juges canadiens pourraient déterminer qu'il faut imposer une amende de 100 000 $ et une suspension de 30 jours pour une certaine infraction. Il faut établir un barème pour mieux définir « proportionnelle ». C'est très réaliste. Il serait possible de proposer une mesure du genre au cours des prochaines années à l'OPANO.

Le président : Qui élaborerait ce barème et qui le ferait appliquer? Est-ce que ce serait encore l'État du pavillon?

M. Rowat : C'est la clé. L'un des participants à l'OPANO pourrait élaborer le barème. Il est à espérer qu'il serait adopté. Ce pourrait être difficile, particulièrement avec des pays comme l'Espagne et le Portugal. Il reviendrait à chaque État du pavillon de prendre le barème et de décider s'il va l'utiliser comme lignes directrices ou s'il va le laisser de côté. L'application de la loi par l'État du pavillon demeure le talon d'Achille, et c'est la faiblesse de l'ANUP.

M. Applebaum : Vous parlez d'un talon d'Achille, mais nous ne pouvons pas éviter le fait que quels que soient le régime d'amende ou les accords, c'est le tribunal de l'État du pavillon qui prendra une décision en fonction des preuves qui lui sont présentées. Il est encore et il sera toujours assez facile pour un capitaine de bateau et un équipage de traverser l'océan Atlantique pour rentrer à la maison, où ils comparaîtront devant ce tribunal. Il est toujours facile de trouver des moyens de cacher et d'éliminer les preuves, afin de pousser le tribunal à dire : « Si nous pouvions les trouver coupables, oui, nous le ferions; cependant, nous ne pouvons pas les trouver coupables, parce que notre personnel a fait l'inspection voulue et que le bateau est en ordre. Aucun des problèmes relevés en mer il y a quelques mois n'apparaît lorsque nos inspecteurs l'examinent en toute honnêteté. » Le problème restera le même. C'est un véritable problème, et ce n'est pas terminé.

Pour répondre à votre question sur l'incidence de l'Estai sur la convention de l'ANUP et la façon dont les choses se sont passées, je pense que je peux vous donner des explications, parce que je faisais partie de la délégation qui a créé l'ANUP et que je l'ai même présidée pendant une séance.

Pendant la conférence de l'ANUP, l'équipage de l'Estai était devant tout le monde. Vous vous rappelez peut-être que le ministre Tobin était là avec son filet et tous les journalistes.

Le président : Le dernier flétan noir des Grands Bancs lui pendait au bout des doigts, oui.

M. Applebaum : Cette question attirait toute l'attention des personnes qui se trouvaient là, non seulement parce que c'était un véritable problème actuel à l'époque, mais aussi parce qu'il allait inévitablement se représenter à l'avenir, peut-être au Canada, peut-être ailleurs. On se demandait si l'État côtier voudrait si désespérément mettre fin à un problème qu'il irait en haute mer arrêter un navire battant pavillon étranger. Les personnes autour de la table savaient que l'une des solutions à laquelle ils devaient en arriver et à laquelle ils sont arrivés était une disposition voulant qu'au besoin, ce ne soit pas seulement l'État du pavillon qui puisse arrêter un bateau et ses activités. Dans une organisation régionale, d'autres membres devraient avoir le droit, dans des circonstances particulières, de faire ce que l'État du pavillon omet de faire. C'est la disposition dont je vous ai déjà parlé, l'article 22 de cette convention. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que c'était un objectif extrêmement important, mais difficile à réaliser. Cependant, il était entendu que le Canada l'avait fait et que d'autres pays le feraient lorsque le besoin s'en ferait sentir. Nous devons prévoir une disposition qui leur permet d'intervenir.

Le président : Elle est toujours en vigueur, et l'on peut l'éviter en vertu du droit international si l'on intervient, n'est- ce pas?

M. Applebaum : Je ne dirais pas qu'on peut l'éviter. Elle est là. Ces dispositions dictent que les parties peuvent l'utiliser.

Le président : Je n'utilise pas les bons termes. Nous sommes encore en train d'apprendre l'anglais là d'où je viens. Le fait est que cette disposition est là et qu'elle se défend. Nous serions dans notre droit d'agir ainsi, n'est-ce pas?

M. Applebaum : Absolument, oui, et lorsque je le dis, je tiens aussi à préciser, comme tous les avocats le savent — j'ai moi-même été avocat pendant longtemps —, qu'il y a toujours un contre-argument juridique à tout. L'UE nous a déjà avisés à maintes reprises que si nous essayions de nous en prévaloir, elle n'interviendrait pas.

Il faut ce qu'il faut toujours. Il faut avoir la volonté de dire : « C'est ce que dicte la loi. Nous avons le droit de l'utiliser et nous allons l'utiliser. Si quelqu'un s'y oppose, il peut nous poursuivre devant les tribunaux. »

Le président : Vous concluez donc que lorsque le Canada est intervenu, il y a des choses qui se sont passées avec le temps. Y a-t-il des mesures prises par le Canada en tant que membre de l'OPANO qui ont précipité la réforme?

M. Applebaum : Cela ne fait aucun doute. On peut en donner toute une liste, y compris la dernière affaire dont je viens vous parler, celle de l'Estai. Pendant toutes les années 80 et 90, les mesures prises par le Canada ont provoqué des réactions qui ont fini par améliorer le système.

Le président : Il est important que nous le comprenions, que nous saisissions que ces réformes se concrétisent parce que le Canada est intervenu.

M. Applebaum : Je l'affirme sans l'ombre d'un doute.

M. Wiseman : Je suis tout à fait d'accord avec ce que M. Applebaum a dit, et je ne pense pas seulement à nos interventions en mer, mais aussi à nos interventions sur la scène internationale. Le Canada, en se rendant à Rio, a réussi à inscrire toute la question des stocks de poissons chevauchants parmi les grands enjeux internationaux de l'environnement, ce qui a mené à la création des négociations en vue de l'ANUP. Dans nos rencontres diplomatiques et ailleurs, nous avons toujours défendu cette cause.

Bon nombre des opinions actuelles sur la mise en œuvre de l'ANUP viennent aussi de réunions dirigées en grande partie par le Canada. Il y a eu une réunion à St. John's il y a quelques années, qui a rassemblé les ministres et a mené à la production d'une déclaration qui a été reprise par d'autres ministres d'un groupe de travail établi pour les ministres des pêches en Europe et les a inspirés. Les ministres des pêches de l'Atlantique nord se sont réunis. Ces idées se précisent. Il y a eu une réunion importante à Johannesburg il y a quelques années aussi. Non seulement le Canada fait- il valoir ces idées, mais il dirige le débat et l'alimente.

Pour ce qui est des sanctions, M. Rowat a raison de dire qu'il n'y a toujours pas de liste officielle selon laquelle si l'on commet l'infraction A, la sanction sera B, mais la transparence sera dorénavant beaucoup plus grande et cela améliore l'OPANO. Les parties devront faire rapport plus rapidement et plus exactement de ce qu'elles font si un bateau est intercepté pour infraction et des sanctions qu'elles imposent. Un comité de l'OPANO examinera ces rapports chaque année et produira un rapport général sur le degré de conformité. Ce pourrait être embarrassant si un État du pavillon avait plusieurs infractions à son actif, mais qu'il ne semblait pas imposer de sanctions importantes. Je pense que les autres membres de l'OPANO voudraient se concentrer là-dessus et qu'il y aurait des discussions à l'OPANO.

M. Rowat : J'aimerais ajouter une chose. Je suis d'accord avec M. Wiseman que le Canada est un leader dans l'élaboration de concepts, les grands efforts diplomatiques et le reste, mais je pense aussi que de temps en temps, il faut se mouiller pour se rendre crédible. Avant l'incident de l'Estai, le Canada n'a jamais été jugé crédible dans le domaine des pêches. En passant, nous ne nous attendions jamais à devoir faire feu sur l'Estai. Nous étions prêts à le faire, mais nous ne nous attendions jamais à aller si loin.

Je crois que le sous-ministre Murray a fait un excellent geste du point de vue symbolique en acceptant de faire intervenir la marine canadienne pour que notre pavillon soit bien en vue, dans le contexte des efforts importants que nous avons déployés depuis trois ou quatre ans pour la mise en application du nouvel ANUP. La présence de quelques navires supplémentaires de la marine auprès de notre Garde côtière n'a certainement pas nui. C'est une autre indication du niveau de frustration atteint avec tous ces facteurs qui militent en faveur d'une conclusion dans le dossier de l'OPANO cette année.

Le sénateur Hubley : Si un pays ne cesse de contrevenir aux règles établies, y a-t-il moyen de l'amener à changer son comportement, ou est-ce que ce système est simplement à la merci de n'importe quel État du pavillon qui souhaite agir à sa guise?

M. Applebaum : C'est une question juridique. Je vous répondrai qu'il y a moyen d'intervenir, mais que ce n'est pas chose facile. Il faut s'en remettre à la Convention des Nations Unies sur les droits de la mer qui s'applique à la plupart des pays. Pour les questions touchant la pêche hauturière, il y a un mécanisme obligatoire de règlement des différends qui permet d'amener le contrevenant devant le tribunal. À cet effet, il existe plusieurs tribunaux internationaux dont la Cour internationale de justice et le Tribunal international du droit de la mer. Ainsi, un pays qui cause sans cesse des problèmes et qui ne respecte pas les règles peut, en principe, faire l'objet de poursuites et être tenu d'obtempérer. Il existe bien sûr d'autres solutions dont l'avenue diplomatique et les approches par le truchement des Nations Unies, notamment. C'est toutefois un processus qui exige beaucoup d'investissements et de temps et, comme de raison, les pays hésitent généralement à consentir autant d'efforts, de temps et de ressources pour amorcer des procédures, supposons, devant la Cour internationale de justice afin d'amener un autre pays à modifier son comportement.

Le sénateur Johnson : Il ne fait aucun doute que nous recevons aujourd'hui des témoins cumulant une masse incroyable d'expérience. Pouvez-vous puiser dans cette vaste expérience collective pour nous indiquer quelles nations se comportent le mieux en matière de développement durable des stocks de poisson de haute mer?

M. Rowat : Le Canada est parmi les meilleurs pays à ce chapitre.

M. Wiseman : Je crois que la Norvège serait également en tête de liste.

Le sénateur Johnson : C'est tout; seulement ces deux pays-là?

M. Wiseman : Je pense à la situation dans l'Atlantique du Nord-Ouest.

Le sénateur Johnson : Je ne vous demanderai pas de nommer les pires contrevenants.

Concernant le mécanisme d'objection et de règlement des différends, certaines réformes touchant l'OPANO, au chapitre notamment des mesures de surveillance et de contrôle, doivent entrer en vigueur en janvier 2007. Le nouveau mécanisme d'objection et de règlement des différends proposé doit être ratifié par les législatures des pays membres de l'OPANO parce qu'il exige une modification du libellé du traité qui a été établi en 1978. Est-ce que la modification de la convention de l'OPANO nécessite l'accord du trois quart des membres?

M. Wiseman : Oui.

Le sénateur Johnson : À votre avis, y a-t-il volonté politique de la part des parties contractantes à l'égard des réformes annoncées en septembre 2006? Vous avez d'ailleurs parlé de volonté politique dans votre déclaration préliminaire, monsieur Applebaum. En dernière analyse, n'est-ce pas ce qui décide de tout? En quoi ces nouvelles réformes vont-elles faire une différence?

M. Applebaum : Il est bien évident qu'il faut d'abord se demander si la volonté politique est là. Nous ne sommes plus dans le feu de l'action ni l'un ni l'autre. Nous nous retrouvons à l'extérieur du système et nous pouvons seulement observer ce que les autres font et nous en remettre à ce qu'ils prétendent faire. Il semblerait que dans l'état actuel des choses à l'OPANO, les pays participants que ces questions intéressent au premier chef seraient maintenant disposés à adopter ces amendements. Il y a toutefois bien des étapes à franchir pour en arriver là. Ils doivent d'abord s'entendre pour lancer le processus, puis accepter de ratifier ces amendements.

D'après ce que je me souviens des procédures de la convention OPANO à ce sujet, c'est encore plus difficile que vous pourriez le croire. Il y a effectivement une règle exigeant l'assentiment des trois quarts des pays, ce qui signifie que tous les membres de l'OPANO doivent consentir à ces amendements pour qu'ils entrent en vigueur. Dans à peu près tous les cas, et je crois même que c'est dans tous les pays, il faudra pour ce faire obtenir la sanction de la législature en place, et il ne serait guère surprenant que l'ensemble des législatures et l'Union européenne aient leur mot à dire le moment venu.

Lorsque j'ai indiqué au départ qu'il était très difficile, une fois le processus enclenché, d'obtenir des amendements à la convention OPANO, c'est un peu ce que je voulais dire.

M. Wiseman : Il a fallu environ 10 ans à l'Union européenne pour ratifier l'ANUP.

Le sénateur Johnson : Le temps presse pour nos océans. Bien que je ne sois pas experte en la matière, je fais partie de ce comité depuis plusieurs années et nous entendons toujours les mêmes arguments. Mais voilà que vous nous affirmez que le Canada est l'un des meilleurs pays pour ce qui est du développement durable en haute mer. Pourriez-vous encore une fois puiser dans votre expérience collective pour nous préciser à partir de quel moment il deviendra impossible de sauver les océans des ravages de la surpêche et de tous les autres éléments néfastes?

Tout ce processus législatif s'apparente à un changement de la constitution. Machiavel a déjà dit que c'était la chose la plus difficile à faire au monde et il me semble qu'il en va de même avec la situation dans laquelle nous nous retrouvons.

M. Rowat : J'ai l'impression qu'il règne un esprit de coopération entre les parties et que nous réalisons des progrès très intéressants. Là où le bateau continue de prendre l'eau, c'est au niveau de l'application des règles par l'État pavillon. S'il devrait être possible de s'assurer une certaine coopération à ce chapitre au cours des prochaines années, je pense que le véritable problème se manifestera beaucoup plus tard lorsque la reprise des pêches s'amorcera. Comme Bob l'a souligné, vous êtes en train de revoir une convention qui va être en vigueur pendant 25 ans et nous avons tous pu constater, au fil des 25 dernières années, que l'OPANO a connu une période de coopération à compter de 1979 jusqu'au début des années 80 alors qu'un événement est survenu pour complètement renverser la vapeur.

Lorsque la flotte espagnole a été expulsée des côtes de la Namibie au début des années 80, l'Union européenne s'est soudainement trouvée dans l'obligation de trouver une nouvelle destination pour ses navires. Du jour au lendemain, la conjoncture était entièrement transformée et toute forme de coopération a été totalement expurgée de l'OPANO.

Nous traversons actuellement une période où la coopération est excellente. L'OPANO réalise de nombreux progrès, mais il faut toujours craindre qu'un changement de la conjoncture d'ici cinq ou dix ans pourrait faire ressortir des lacunes qui rendront nécessaires des interventions plus musclées.

M. Applebaum : Je conviens avec M. Rowat qu'il faut établir la distinction entre la réforme de la convention OPANO et l'adoption des nouvelles mesures proposées, d'une part, et l'interrogation globale que vous soulevez quant au temps qu'il faudra pour faire le nécessaire en haute mer afin d'assurer la reconstitution des stocks et leur préservation, d'autre part. Ce sont deux choses différentes. M. Rowat a raison de dire qu'il règne actuellement un climat de coopération qui est attribuable au fait que les stocks sont appauvris. Selon ce qui va se passer au sein de l'organisation, la ratification de ces réformes pourrait exiger 10 ans, mais c'est ce que l'organisation va accomplir au cours de ces 10 années, supposons, avant que ces réformes ne soient mises en place, qui déterminera si ces stocks pourront effectivement être reconstitués. Comme M. Rowat l'a souligné, si les stocks en viennent à se rétablir — et espérons que ce sera le cas — nous pouvons prévoir certains problèmes.

Le président : Il y a un vieux dicton qui dit que les débats politiques sont très intenses dans les universités parce que les enjeux sont très faibles. Il me semble que c'est un peu la même chose dans le cas qui nous intéresse. Il n'y a presque plus de poisson. Ce serait tout un exploit que d'arriver à s'entendre sur quelque chose qui n'existe plus.

Le sénateur Johnson : À votre connaissance, le Canada a-t-il déjà émis une objection à l'égard d'une décision de l'OPANO?

M. Wiseman : Non.

Je pourrais peut-être ajouter un élément de réponse à la question posée précédemment par le sénateur Johnson. Peut-être suis-je un peu naïf ou trop optimiste. Je suis d'accord avec ce qu'ont dit MM. Rowat et Applebaum : lorsque les stocks sont appauvris, tout le monde est prêt à coopérer et tout semble bien aller; lorsque les stocks se reconstitueront, les guerres d'antan risquent de reprendre de plus belle. Je pense toutefois que la situation n'est peut- être pas nécessairement la même.

Auparavant, on avait l'impression que les stocks étaient indestructibles et qu'on pouvait se livrer à la surpêche sans faire trop de dégâts. Peut-être que cela pouvait ralentir la reconstitution des stocks, mais ce n'était pas très grave. Aujourd'hui, les gens se rendent compte que les écosystèmes sont plus fragiles qu'on ne le croyait il y a 25 ans. On est maintenant conscients qu'une action concertée est requise pour mettre en place les mesures de protection voulues. Le droit international et les mécanismes diplomatiques ont fait de grands progrès en ce sens. J'estime également que les gens sont beaucoup plus sensibilisés à cette situation et qu'ils comprennent mieux la problématique. J'ai bien l'impression que l'on devra renoncer au genre de manœuvres auxquelles on s'est livré dans le passé.

Le sénateur Johnson : L'examen public joue un rôle dans ce dossier. En outre, les gens sont plus sensibilisés aux questions touchant l'environnement.

À l'échelle nationale, le Canada a-t-il toujours observé les mesures de conservation et les niveaux de capture établis par l'OPANO?

M. Wiseman : À l'échelle nationale, je crois que oui. Il y a toutefois eu des infractions et nous avons toujours fait le nécessaire.

M. Rowat : C'est ce qui compte. Dans le cadre de l'OPANO, nous avons généralement observé les règles. Certains capitaines ont fait de la surpêche et leurs infractions ont été signalées. Nous avons toujours imposé de fortes pénalités dans les cas de surpêche.

À l'intérieur de la limite des 200 milles, il se peut que la situation ait été différente au cours des 20 dernières années. Quoi qu'il en soit, un véritable processus d'apprentissage s'est amorcé quant à la gestion des pêches en 1977 après l'établissement de cette limite qui exigeait sans tarder la mise en place d'un régime national. Il nous a fallu une dizaine d'années pour en arriver au mode de gestion requis.

Le sénateur Johnson : J'ai un dernier commentaire personnel à formuler. Ne vous êtes-vous pas réjouis des mesures prises par l'Islande? Ma famille vient de ce pays. Ces mesures n'ont-elles pas eu un effet considérable sur l'évolution de ce dossier? C'est extraordinaire ce que l'Islande a fait. À votre avis, où se situe l'Islande au chapitre de la conservation? Laissons de côté la chasse à la baleine pour un instant. L'Islande se classe-t-elle aussi bien que la Norvège?

M. Wiseman : C'est le cas à bien des égards, mais l'Islande est devenue un pays de pêche en eaux lointaines. Historiquement, ce pays a toujours concentré ses activités sur ses eaux territoriales. Maintenant que ses intérêts sont plus larges, son point de vue sur la pêche hauturière a tendance à évoluer quelque peu.

[Français]

Le sénateur Gill : Pour un profane, la perception ou la compréhension qu'on peut avoir suite à vos explications — et ce qu'on sait actuellement par les informations qui nous sont transmises — donne l'impression que c'est très lent. D'après ce que j'ai pu comprendre, l'évolution de l'application des normes d'entente entre les différents pays se fait à pas de tortue ou, souvent, après dix ans. On a alors des chances d'oublier les concepts qui ont été suggérés dix ans auparavant. J'imagine qu'il se dépense beaucoup d'argent et que les budgets sont assez importants pour faire cela.

J'imagine que les principes qui ont guidé certaines ententes sont des principes qui étaient reliés à la souveraineté de chaque pays. Est-ce que c'était aussi relié à une idée réelle de conservation des stocks? Est-ce qu'on a tous la même information au moment où on veut l'avoir sur les stocks migratoires et autres? Dans d'autres pays, est-ce qu'il y a une structure qui permet d'avoir un échange d'informations réel, vérifié et crédible? Autrement dit, est-ce qu'on a la même information à la base?

[Traduction]

M. Wiseman : Dans une organisation régionale de gestion des pêches comme l'OPANO, tous les pays participants sont membres du conseil scientifique. Ces pays ont la responsabilité et l'obligation de fournir au conseil scientifique toutes les données qu'ils ont recueillies par divers moyens quant à l'état des stocks dans la région relevant de l'organisation.

Pour prendre l'exemple de l'OPANO, tous ces renseignements sont mis en commun. Ainsi, toutes les parties contractantes ont accès à une vaste base de données informatisée. Dans le cas de l'Atlantique du Nord-Ouest, il s'agit d'une base de données très volumineuse.

Il est bien évident que chacune des parties contractantes, chacun des pays, peut compter sur ses propres scientifiques qui effectuent des recherches. Les différents pays sont censés communiquer les résultats de ces recherches. En l'espèce, il y a un véritable échange d'information de telle sorte que chacun peut comprendre ce qui se passe.

Il est peut-être encore plus important maintenant de s'intéresser non seulement à l'état des stocks, mais aussi à l'interrelation entre les stocks, c'est-à-dire à l'ensemble de l'écosystème. Il y a encore énormément de travail à faire à ce chapitre. Une grande partie de ce travail est effectué au Canada. Il faudra consacrer énormément de temps et d'efforts pour simplement comprendre les interactions complexes qui interviennent dans nos eaux territoriales. Les résultats de ces travaux iront alimenter le processus de l'OPANO. Les travaux des scientifiques des différents pays sont vérifiés par leurs pairs. Tous se concertent ensuite pour formuler des conseils et des recommandations à l'intention de la Commission des pêches.

[Français]

Le sénateur Gill : On peut donc dire qu'il y a une structure en place pour échanger l'information. Cependant, est-ce qu'on donne à cette information la crédibilité qu'elle mérite dans les différents pays, de façon à accepter les mêmes informations ou la crédibilité de ces informations afin d'en arriver à des solutions à peu près semblables sur la conservation des stocks d'un écosystème?

[Traduction]

M. Wiseman : Le degré de crédibilité est meilleur qu'auparavant. L'un des principaux problèmes que nous avons connus avec l'OPANO dans le passé pourrait se résumer à l'expression bien connue : à données inexactes, résultats erronés. Les scientifiques obtiennent des données de piètre qualité, y compris des déclarations erronées quant aux captures. Ils utilisent ces données inexactes pour appliquer une formule et les résultats obtenus sont loin de la réalité. Il existe des méthodes plus efficaces pour effectuer des relevés. On peut exercer des contrôles plus serrés sur les déclarations et assurer une plus grande exactitude des données produites pour les scientifiques. Les données dont on dispose sont ainsi plus fiables qu'il y a 20 ans.

M. Rowat : Il y a une autre réponse à votre question. Quant à la disponibilité de l'information, je vais en rester à ce que M. Wiseman vous a répondu. Pour ce qui est de savoir si les différents pays croient en la gestion de l'écosystème et au principe de précaution notamment, on est de plus en plus sensibilisé à la nécessité d'aller dans cette direction et on comprend mieux les enjeux. La plupart des pays sont d'accord avec les principes, mais bon nombre sont confrontés aux pressions politiques qui s'exercent au quotidien. On est conscient par exemple de la très grande importance de l'écosystème océanique, mais on est aussi désireux de déployer toute la capacité de sa flotte, comme c'est le cas pour l'Espagne et le Portugal. Vous connaissez tous le milieu politique depuis assez longtemps pour savoir qu'il faut trouver un juste équilibre entre ces pressions et qu'il arrive souvent que la décision prise ne soit pas conforme aux principes convenus.

Par ailleurs, même si un pays adhère à un ensemble de principes, les capitaines de sa flotte n'ont pas nécessairement la même motivation. Le pays peut toujours affirmer qu'il accepte ces principes, mais les capitaines doivent rentrer au port avec un navire rempli de poisson. Si certains règlements leur permettent de tourner les coins ronds, il est presque certain qu'ils vont en profiter parce que le poisson est une ressource qui appartient à tous. C'est pour cette raison que la nouvelle réglementation doit être plus musclée.

[Français]

Le sénateur Gill : A-t-on les moyens de savoir qui sont ceux qui font défaut?

[Traduction]

M. Wiseman : Je crois qu'il y a au moins trois navires qui patrouillent, deux du Canada et un de l'Union européenne, en plus d'un navire militaire de temps à autre. Le niveau de surveillance est très élevé. Lorsque des contrevenants sont pris en faute, on en informe toutes les parties contractantes ainsi que l'État pavillon. Les navires doivent déclarer leurs activités. Les navires sont équipés de dispositifs de localisation de telle sorte que toutes les parties contractantes disposant de moyens d'application de la loi puissent en suivre les déplacements. En vertu du nouveau régime, les navires n'ayant pas d'observateurs à leur bord doivent déclarer leurs prises en temps réel. Chaque fois qu'ils relèvent leurs filets, ils doivent déclarer leurs captures. Toutes ces données sont compilées de telle sorte qu'au retour du navire, on est mieux en mesure de comparer sa cargaison réelle par rapport à ce qu'elle est censée être. Le problème vient du fait que les autorités portuaires n'appliquent pas toujours les règles avec la même rigueur. Dans le passé, un capitaine espagnol qui rentrait à la maison pouvait débarquer de son navire après l'avoir déchargé, aller voir les responsables de l'autorité portuaire et leur présenter son rapport pour le faire estampiller. Les choses ne se passent plus vraiment de cette façon.

[Français]

Le sénateur Gill : J'imagine qu'il est très difficile de savoir si c'est le capitaine ou le pays en question.

[Traduction]

M. Applebaum : Peut-être est-ce une chose difficile à concevoir pour vous, mais au sein du système de l'OPANO, chacun des membres déclare chaque année toutes ses captures. Tous les intervenants de l'OPANO, y compris les scientifiques, ont accès aux rapports sur les prises qui indiquent généralement, dans une période de coopération comme celle que nous vivons actuellement, que les captures ne dépassent pas les limites prévues. Il n'y a aucune raison de mettre en doute l'intégrité des différents pays quant à ces rapports. Cependant, si certaines infractions sont commises pour en arriver aux chiffres qui sont déclarés par un pays, il y a dépréciation des stocks. Il faut s'assurer d'empêcher ce genre de manœuvres afin de garantir l'exactitude des rapports si l'on veut vraiment reconstituer les stocks.

[Français]

Le sénateur Gill : Selon votre expérience, ces rapports sont-ils crédibles? Pouvez-vous vous y fier?

[Traduction]

M. Wiseman : On peut s'y fier beaucoup plus qu'auparavant.

Le sénateur Hubley : L'ANUP exige qu'il y ait compatibilité entre les mesures de conservation et de gestion établies pour la pêche en haute mer et celles adoptées pour les zones relevant de la juridiction d'un pays, afin d'assurer la conservation et la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs dans leur totalité. Est-ce que cela représente un problème pour le Canada ou pour d'autres pays? Est-ce que le régime de gestion des pêches appliqué à l'intérieur de la zone de 200 milles du Canada est compatible avec celui qui prévaut à l'extérieur de cette zone?

M. Rowat : Depuis l'établissement de la zone de 200 milles, le Canada a mis sur pied un système de gestion des quotas et l'a perfectionné considérablement en y intégrant notamment des allocations aux entreprises et des quotas interchangeables. Comme le Canada s'est révélé un chef de file en la matière, l'OPANO a adopté une approche similaire en fixant un total autorisé des captures et des quotas pour chaque pays. Ce mode de gestion est à peu près identique à celui que nous avons mis en œuvre à l'intérieur de notre zone de 200 milles.

Lors d'une récente réunion, vous avez posé quelques questions concernant la suggestion des États-Unis en faveur d'une interdiction du chalutage par le fond dans les eaux internationales. Certains ont demandé pour quelle raison le Canada n'avait pas pris en compte cette question importante dans le cadre de son régime. Il faut notamment assurer la compatibilité entre les régimes intérieurs et extérieurs. Si vous acceptez une telle interdiction pour les eaux internationales, il faut que votre système national soit compatible. Il faudrait investir plusieurs millions de dollars pour modifier toute la technologie de la flotte pêchant dans nos eaux territoriales. Compte tenu du niveau de perfectionnement atteint à ce chapitre, il faut se demander dans quelle mesure l'interdiction du chalutage par le fond pourrait être rendu aussi efficace que les dispositions actuellement en vigueur.

M. Applebaum : Une disposition semblable à celle que vous avez tirée de l'ANUP a toujours existé au sein de l'OPANO. L'article 11 traite de la cohérence entre les mesures prises à l'intérieur et à l'extérieur de la zone de pêche. Pendant toute la période où j'ai travaillé pour l'OPANO, à compter de sa création en 1996, le problème de la compatibilité ne s'est jamais posé. Tout le monde convenait de sa nécessité et ces questions étaient réglées lors des discussions entre le Canada et les autres pays.

La seule occasion où il y a eu incompatibilité, c'est à la fin des années 80 lorsque l'Union européenne a refusé de respecter les règles de l'OPANO. L'OPANO proposait des règles uniformes, mais l'une des parties refusait d'y adhérer. C'est le seul cas où il y a eu un problème à l'OPANO quant à ce processus technique visant à assurer la cohérence entre les règles appliquées à l'intérieur de la zone et à l'extérieur de celle-ci.

Le sénateur Hubley : Pourriez-vous nous parler un moment de la question des stocks distincts? Qu'entend-on exactement par là et dans quelles circonstances peut-on utiliser ce terme?

M. Applebaum : Si on fait exception du flétan du Groenland, il a toujours été convenu au sein de l'OPANO que les stocks distincts étaient ceux se retrouvant les zones 3M et du Bonnet flamand parce qu'ils ne font pas partie des stocks chevauchants de part et d'autre de la limite de 200 milles. Au fil des ans, trois stocks distincts ont ainsi été définis, et il y a maintenant la crevette.

Lorsqu'on a entrepris l'exploitation du flétan du Groenland, les stocks de ce poisson ont commencé à déborder sur la zone du Bonnet flamand. Il ne s'agissait donc plus de stocks distincts, mais bien de stocks chevauchants. Les crevettes transitent de part et d'autre de la limite, mais il reste quand même trois stocks distincts, comme je l'ai mentionné, étant donné qu'une zone d'eau profonde les sépare du secteur des Grands Bancs que les gens considèrent généralement comme une zone de stocks chevauchants. La surpêche de ces stocks n'influe en rien sur la survie des poissons de la même espèce vivant plus près des côtes canadiennes, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il faille les oublier. Il s'agit de ressources précieuses. Ces stocks sont visés par l'OPANO, mais ce ne sont pas des stocks chevauchants. Il s'agit de stocks distincts dont le sort n'influe pas sur celui des stocks chevauchants.

Le sénateur Hubley : Est-ce que tous les pays ont des stocks distincts ou est-ce seulement le Canada?

M. Wiseman : D'un point de vue technique, ces stocks distincts ne sont pas, selon l'OPANO, des stocks canadiens parce qu'ils ne traversent pas la limite de la zone de 200 milles. C'est en haute mer que l'on retrouve ces stocks, plutôt qu'à l'intérieur des limites des eaux territoriales de n'importe quel État côtier. Ils n'appartiennent donc à aucun pays.

Le sénateur Hubley : Je me demandais si en les désignant comme « distincts », on ne protégeait pas ces stocks au bénéfice d'un pays donné, mais ce n'est pas le cas. C'est bien.

M. Wiseman : Dans certains secteurs, il existe des organisations internationales qui protègent les stocks distincts. L'OPANO a la responsabilité de gérer et de conserver ces stocks.

Le président : M. Rowat a soulevé l'importante question du chalutage par le fond. Nous avons reçu à notre dernière réunion les représentantes de la Living Oceans Society qui préconise une interdiction temporaire parallèlement à une poursuite des activités de chalutage par le fond dans certaines zones réglementées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la limite, je présume. Qu'en pensez-vous? Plutôt qu'une interdiction totale du chalutage par le fond, pourrait-on envisager une interdiction temporaire ne s'appliquant pas aux zones actuellement réglementées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur? Est-ce une solution logique? Devrions-nous nous pencher sur cette possibilité? Le chalutage par le fond pose un problème important auquel nous devrions nous attaquer. Certains soutiennent qu'une interdiction totale s'impose, et M. Rowat nous précise que cela entraînera des coûts considérables. Quelqu'un a déjà dit : Si vous croyez que l'éducation coûte cher, optez pour l'ignorance. Je vous dis : Si vous pensez qu'il en coûte cher de mettre fin au chalutage, optez pour la destruction de nos fonds océaniques.

J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, parce que cette question est importante pour nous.

M. Wiseman : Il est difficile de comprendre que l'on puisse souhaiter une interdiction temporaire là où il n'y a pas de règlement. Les règlements de l'OPANO s'appliquent partout. Techniquement, il y a des règlements. Je ne comprends pas cette partie.

Par ailleurs, si vous voulez une interdiction temporaire, quel en sera le fondement? Existe-t-il des données scientifiques ou autres qui justifient une interdiction partout?

M. Rowat : Vous soulevez un point intéressant. En 1995 ou en 1996, bien indépendamment de ce qui se faisait à l'OPANO, la crise était si forte que nous avions envisagé, au ministère, d'imposer la pêche aux lignes partout au Canada. On y réfléchissait à ce moment-là, mais les circonstances créées par le déclin des stocks internes et externes étaient si dramatiques que c'était l'une des options que nous avions envisagées.

Selon les avis que nous avons reçus à cette époque — et on ne se préoccupait peut-être pas autant de l'avenir qu'aujourd'hui —, il n'était pas nécessaire d'adopter cette mesure, de meilleures méthodes de chalutage par le fond pouvaient être mises au point et les captures accessoires pouvaient être réduites, et cetera. Nous avons conclu de maintenir et d'améliorer le chalutage par le fond.

Je n'ai pas vraiment suivi ce dossier pour voir ce qu'on a fait depuis ce temps et pour déterminer si c'était la bonne décision ou non. Toutefois, nous avions discuté de cette question.

Le sénateur Watt : J'aimerais obtenir certaines précisions sur la réglementation de l'OPANO. Cette organisation a-t- elle été créée pour jouer un rôle à l'intérieur et à l'extérieur de la zone des 200 milles?

M. Applebaum : La convention de l'OPANO a été précisément conçue pour remplacer celle de la CIPAN, pour qu'il soit clair que l'OPANO ne réglemente pas les pêches en deçà de la limite des 200 milles, mais seulement au-delà de cette zone.

La compatibilité dont nous parlons, la règle de compatibilité ou de cohérence exige que les États côtiers, parmi lesquels le Canada est le plus important, travaillent en collaboration avec l'OPANO pour garantir une certaine cohérence, mais le Canada n'est pas obligé de suivre les règles fixées par l'OPANO parce que cette organisation n'est pas autorisée à fixer des règles en deçà de la limite des 200 milles.

Le sénateur Watt : De quelle façon sommes-nous influencés par d'autres pays pour ce qui est de la réglementation en deçà des 200 milles? Quelle concession faisons-nous?

M. Applebaum : Je dirais que nous ne faisons aucune concession, mais permettez-moi de vous donner un exemple concret du fonctionnement de ce système pour vous aider à comprendre ce que je veux dire. Avec le Canada et les autres pays autour de la table, l'OPANO fixe un TAC pour un stock chevauchant. Disons qu'il s'agit de la morue de la zone 3NO pour l'ensemble du stock, en deçà et au-delà des 200 milles. Le Canada accepte ce TAC, l'OPANO décide alors de l'attribution des quotas pour l'ensemble du stock à l'intérieur et à l'extérieur de la zone. Le Canada exerce un contrôle sur ses pêches, même si ce n'est qu'à l'intérieur de la zone de 200 milles. Le Canada accepte de ne pas dépasser le quota fixé par l'OPANO. L'OPANO fixe donc le TAC et les quotas pour l'ensemble du stock, mais il revient au Canada de s'insérer dans le système.

Le sénateur Watt : Est-ce à dire qu'il revient au Canada de se conformer?

M. Applebaum : Non pas de se conformer dans le sens d'avoir une obligation légale.

S'il pêche au-delà de la limite de 200 milles, son obligation légale consiste à contrôler l'ensemble des pêches en deçà et au-delà de la zone afin de respecter le quota qu'il a accepté pour ce stock.

Le président : Est-ce à dire qu'il existe un quota pour le stock à l'intérieur de la zone et un quota combiné pour le stock à l'intérieur et à l'extérieur?

M. Applebaum : Les quotas fixés par l'OPANO visent l'ensemble du stock.

M. Wiseman : Vous avez un stock, et il s'agit d'un stock chevauchant.

Le président : Prenons la morue en guise d'exemple.

M. Wiseman : Tout le stock de morue fait l'objet d'un moratoire, alors il est difficile de s'en servir comme exemple. Je vais avancer un chiffre.

Les scientifiques canadiens consultent leurs homologues de l'OPANO, et le Canada est d'avis que le TAC pour ce stock devrait s'élever à 100 000 tonnes. Puisqu'il fait partie de l'OPANO, le Canada a l'obligation, à titre d'État côtier, d'informer l'OPANO avant la réunion qu'à son avis, il convient de fixer ce TAC pour ce stock. Pour que les pays membres de l'OPANO se conforment aux mesures adoptées par l'État côtier, l'OPANO doit adopter un TAC de 100 000 tonnes. Ce TAC est alors réparti selon une formule ou par décision de l'OPANO, et le Canada et les autres parties en obtiennent une part. Le Canada a le droit de prendre toute sa part à l'intérieur de sa zone, ou encore à l'intérieur et à l'extérieur de cette zone pourvu qu'il ne dépasse pas la part qui lui a été attribuée.

Le sénateur Watt : Qu'arriverait-il si l'OPANO décidait de ne pas acquiescer à une demande du Canada? Qu'arrive- t-il si l'accord est paralysé et renvoyé au gouvernement du Canada, qui fixe la réglementation? Que faites-vous dans cette situation? Comment composez-vous avec la tension que génère l'OPANO?

M. Wiseman : Je ne crois pas que le Canada ait déjà rejeté une décision de l'OPANO.

Le sénateur Watt : Cela pourrait arriver.

M. Wiseman : Oui.

Le sénateur Watt : J'essaie de voir quels sont les moyens dont nous disposons si nous n'aimons pas nécessairement ce que fait l'OPANO. Quelle influence pouvons-nous exercer pour surmonter les problèmes que pourrait créer l'OPANO si elle cède à la pression politique, non pas du Canada, mais de la communauté internationale?

M. Rowat : Je ne crois pas que cette situation se soit déjà présentée. Nous avons eu beaucoup de succès avec l'OPANO au fil des années. Les propositions et les TAC que nous avons suggérés ont largement été acceptés par consensus. Même en 1995, lorsque les positions étaient implacables, tous les votes ont été tenus en notre faveur. Nous n'avons jamais contesté l'ensemble de l'OPANO. Ce fut habituellement l'inverse. L'OPANO se mettait d'accord avec nous, et un des pays membres — c'était l'Union européenne à l'époque — faisait bande à part dans la poursuite de son objectif. La décision revenait alors à nous et à l'OPANO, ou dans ce cas, c'était à nous d'agir. Nous sommes intervenus et nous avons arrêté l'Estai. C'est habituellement un autre pays membre de l'OPANO qui conteste l'OPANO et implicitement le Canada. Je ne vois pas dans quelles circonstances l'OPANO dans son ensemble se liguerait contre l'État côtier.

M. Wiseman : Ce serait possible. Nous pourrions avoir un litige. La convention de l'OPANO précise que les décisions doivent être cohérentes avec celles de l'État côtier. Si une décision contraire était prise, nous aurions recours au mécanisme de règlement des litiges.

Le sénateur Watt : Le plus grand problème à l'heure actuelle, c'est que les pêcheurs eux-mêmes, les chalutiers ou peu importe, ne se conforment pas aux règles établies par l'OPANO. C'est un de nos plus grands problèmes aujourd'hui. C'est une situation très complexe, et il n'y a pas de solution facile. Le problème perdure depuis un certain nombre d'années. Il nous reste encore beaucoup à faire.

Je n'ai aucune idée de ce que nous pourrions recommander pour améliorer la situation. Il faudrait peut-être s'y attarder davantage. Je soulève cette question ici parce qu'un instrument a été établi pour l'aspect scientifique. Tant que l'aspect scientifique ou la communauté scientifique intervient, il y a une certaine harmonie. Les problèmes commencent lorsque d'autres personnes entrent en jeu, comme le secteur des affaires. C'est là où les gens s'intéressent aux résultats financiers. S'ils commencent à jouer un rôle plus important au sein de l'OPANO, je crois que nous allons commencer à avoir certains problèmes. Nous en avons déjà avec le dépassement des captures autorisées.

M. Rowat : Vous soulevez une question intéressante. En fait, une partie du rapport de M. May portait sur le travail en collaboration avec les entreprises de pêche internationales. Il a fait valoir qu'à l'instar de la plupart des autres industries, elles deviennent très concentrées. Les entreprises sont devenues de plus en plus grosses et ne sont pas si opposées à la planification à long terme, c'est-à-dire la reconstitution d'un stock, et cetera. Il a souligné qu'on pouvait travailler avec ces entreprises internationales pour amener leur PDG et leur conseil d'administration à adhérer à la stratégie globale. Par le passé, les plus petites entreprises n'avaient souvent qu'une seule préoccupation : revenir au port avec le plus gros volume possible. Heureusement, quelques-uns des nouveaux PDG ont une vision à plus long terme et peuvent très bien comprendre la nécessité de reconstituer un stock et de planifier à long terme. Ils se préoccupent également de la survie à long terme de leur entreprise.

M. Applebaum : Sénateur, ce que vous dites, c'est que lorsque les stocks seront reconstitués, nous pourrions très bien nous retrouver dans des circonstances semblables à celles que nous avons connues à la fin des années 80 avec l'Union européenne. Ce ne sera peut-être pas l'Union européenne, mais un des autres membres de l'OPANO qui, sous le même type de pressions commerciales, essaierait d'obtenir des TAC supérieurs aux seuils recommandés par les scientifiques. Ils pourraient présenter des objections s'ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent, et ils pourraient s'adonner à une surpêche. Ces problèmes pourraient se présenter dans l'avenir. Cela fait partie de la condition humaine. Pour remédier à cette situation, nous avons essayé de mettre en place un mécanisme efficace de règlement des litiges pour limiter et annuler les objections.

Le sénateur Watt : Je m'intéresse à la question des eaux internationales depuis un certain temps par l'intermédiaire de la Société Makivik, et c'est de cette façon que parlent certains gens d'affaires. Ils ne sont pas très patients.

J'aimerais aborder une autre question parce que certaines personnes de la Colombie-Britannique nous ont parlé de la gestion intégrée il y a quelques jours. Je leur ai demandé en quoi consistait une gestion intégrée. J'ai commencé à leur demander si elles permettront aux sociétés minières, forestières ou pétrolières, vous savez, les grandes entreprises qui s'intéressent aux résultats financiers, d'intervenir dans la gestion des pêches. Je m'inquiétais un peu de ce qui allait en ressortir. J'ai l'impression que ce dont je parle et ce dont nous venons de parler il y a une minute n'est peut-être pas très loin.

Je ne sais pas si le Canada est équipé pour au moins être jaloux de ses stocks. Permettez-moi de m'exprimer ainsi. Si l'océan est menacé, les stocks sont menacés également. Nous ne savons pas si la morue reviendra. Cela reste à voir, surtout avec les effets du changement climatique. Certaines choses nous échappent aujourd'hui.

Le président : Cela nous amène à un point très important. Aucune réunion du comité des pêches ne doit avoir lieu sans qu'il ne soit fait mention de John Crosbie. J'encourage les membres du comité et les autres à lire ce que John Crosbie a écrit récemment. Il a une chronique dans le journal The Independent, de St. John's. Son dernier article portait sur toute la question de la ressource commune par rapport aux quotas répartis entre les intervenants ou les bateaux. Vous avez soulevé une question fondamentale, sur laquelle il faudra se pencher plus tard. La dégradation de la ressource commune vient du fait qu'elle est commune et qu'elle n'appartient à personne. Reste à savoir si elle doit appartenir à quelqu'un. C'est une grande question que nous ne pouvons pas aborder à l'heure actuelle; toutefois, voilà une chose sur laquelle il faudra se concentrer.

Je ne voudrais pas qu'on se quitte sans revenir à l'OPANO. Tandis que ces gens sont ici, nous devrions tirer cette question au clair. Un des réseaux américains présente une émission intitulée Deal or No Deal. La question est la suivante : l'OPANO, être ou ne pas être? Est-ce l'OPANO ou son successeur?

Il me semble que nos témoins de ce matin ont tous dit qu'il ne fallait pas se concentrer sur le successeur de l'OPANO, mais essayer plutôt de régler les problèmes de l'OPANO. C'est ce que j'ai cru comprendre.

J'aimerais que vous reveniez sur cette question parce qu'à mon avis, elle est essentielle pour nous. L'OPANO n'a pas marché. Il est vrai que des changements sont envisagés, mais M. Applebaum nous a dit qu'ils seront très difficiles à mettre en œuvre. Mr. Rowat a précisé que le pouvoir revenait encore à l'État du pavillon, et que c'était là encore le talon d'Achille. C'est une question compliquée pour nous, mais elle est essentielle. J'aimerais que vous essayiez tous les trois de nous aider à clarifier cette question de l'OPANO ou d'une éventuelle solution de remplacement.

M. Rowat : OPANO ou successeur de l'OPANO, je rejetterais l'idée de créer une toute nouvelle ORGP. En fait, l'OPANO a maintenant une convention modifiée. Essentiellement, des progrès sont réalisés et ce sera, d'une certaine façon, une nouvelle OPANO lorsque chaque partie aura ratifié le nouvel accord. L'OPANO évolue et aura cette nouvelle convention modifiée. Je crois qu'il faut aller dans cette direction.

Concernant cette nouvelle convention imminente, le ministère et l'équipe de négociation déléguée auprès de l'OPANO ont réalisé des progrès remarquables au cours de la dernière réunion. Comme nous l'avons tous dit, je crois, compte tenu de l'expérience que nous avons vécue par le passé, nous avons été déçus si souvent que vous devez comprendre que certains aspects exigeront encore beaucoup de travail. Je crois que l'OPANO est le forum dans lequel ce travail doit être effectué.

M. Wiseman : Je suis d'accord avec M. Rowat. Une des principales faiblesses que nous avions par le passé venait du fait que l'OPANO était fondée sur les principes de l'UNCLOS, et nous reconnaissons tous les lacunes de l'UNCLOS qui ont conduit à la création de l'ANUP. Maintenant que l'OPANO devient une organisation fondée sur les principes de l'UNCLOS et de l'ANUP, lorsque la nouvelle convention sera ratifiée, je crois que ce sera une organisation bien différente. Elle portera encore le nom d'OPANO et, que ce soit son successeur ou une toute nouvelle organisation, elle aura évolué au point de tenir compte des principes d'une gestion durable plus efficace.

M. Applebaum : Je suis d'accord avec mes deux collègues. Si les réformes proposées sont acceptées, vous aurez une nouvelle organisation. Elle s'appellera encore OPANO, parce que personne n'a proposé un changement de nom, mais ce sera une nouvelle organisation.

Peu importe le temps qu'il faudra pour faire adopter ces réformes, ce n'est rien à comparer aux efforts qu'il faudrait déployer si on déchirait l'ancienne convention et qu'on tentait de repartir à zéro. Ces réformes constituent la nouvelle organisation et elles semblent être bien engagées.

Le président : Vous avez soulevé un point intéressant, c'est-à-dire est-ce M. Art May ou le successeur de M. Art May? Vous avez mentionné que M. Art May pourrait assurer une surveillance permanente. C'est une idée intéressante. Il y a eu un groupe consultatif auparavant, n'est-ce pas?

M. Applebaum : C'est exact.

Le président : Faut-il créer un groupe consultatif sur les changements proposés et sur ce que sera la prochaine convention? Nous devrions peut-être recommander, entre autres, une réincarnation du groupe consultatif auprès du ministre.

Le sénateur Watt : N'est-ce pas déjà prévu dans l'OPANO?

Le président : C'était un groupe consultatif auprès du ministre canadien des Pêches et des Océans.

Le sénateur Watt : Ce groupe n'existe-t-il pas?

Le président : Il existait, monsieur le sénateur. Il avait une durée limitée. Il a existé et il a présenté un rapport, mais il n'existe plus.

Doit-on rétablir ce groupe et le ministre doit-il le mettre sur pied pour qu'il puisse le conseiller sur les changements proposés?

M. Rowat : À mon avis, le moment n'est peut-être pas bien choisi; il faut savoir que les mots font l'objet de négociations pendant des mois avant qu'on en arrive à un document provisoire. Il faudrait agir assez rapidement.

On pourrait aussi réunir les mêmes personnes pour créer un conseil consultatif auprès des négociateurs canadiens. Ce pourrait être une autre solution. J'aimerais entendre les autres à ce sujet.

M. Wiseman : Je suis d'accord avec M. Rowat. Nous avons deux concepts. D'une part, nous avons presque un comité consultatif permanent auprès du ministre sur la pêche en haute mer et la pêche durable. Il pourrait continuer de fournir des avis et des conseils, mais peut-être à l'extérieur des filières habituellement utilisées pour donner des conseils au ministre. Beaucoup d'efforts et d'argent sont engagés et je ne sais pas s'ils rapporteront.

D'autre part, M. Rowat a soulevé un point intéressant en précisant que nous étions en train de finaliser la convention. Je crois comprendre qu'une réunion aura lieu au début de l'an prochain pour rassembler tous les éléments. Des conseils de l'extérieur seraient-ils profitables au ministère? Peut-être, et c'est là une chose qui pourrait être faite.

M. Applebaum : Peu importe le nom que vous lui donnez, ce que je proposais, c'était d'avoir un groupe d'examen qui étudierait le résultat de ces négociations dans une perspective plus vaste et plus ouverte, puisqu'il n'aurait pas été mêlé aux divers compromis. C'est ce que je voulais dire lorsque je parlais des difficultés qui surgissent dans les menus détails. Le groupe d'examen pourrait faire ce travail et déceler un certain nombre de choses avant que le processus n'aille trop loin.

Le président : Nous n'avons pas épuisé cette question, loin de là. Vous nous avez aidés. Nous vous remercions d'être venus. Votre sagesse, votre expérience et vos réflexions nous ont été utiles.

La séance est levée.


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