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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 11 - Témoignages du 20 février 2007


OTTAWA, le mardi 20 février 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 17 h 59 pour étudier l'efficacité de la promotion canadienne de la démocratie à l'étranger ainsi que le rôle du Parlement du Canada dans ce contexte.

Le sénateur Hugh Segal (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, mesdames et messieurs, nous avons quorum et nous allons donc commencer, si vous le permettez.

[Français]

Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international, la toute première concernant notre nouvel ordre de renvoi qui porte sur l'efficacité de la promotion canadienne, de la démocratie à l'étranger et du rôle du Parlement du Canada dans ce contexte.

Le sénateur Corbin : Monsieur le président, j'ai regardé l'ordre du jour et l'avis de la réunion. Je me demande si le comité est disposé à ajouter un troisième article, en fait, il y a déjà trois articles à l'ordre du jour. J'aimerais en ajouter un quatrième. Ai-je la permission du comité pour le faire?

[Traduction]

Le président : Oui, conformément au Règlement, je pense que notre collègue, le sénateur Corbin, veut ajouter un élément à l'ordre du jour.

Le sénateur Corbin : J'aimerais ajouter un quatrième article à l'ordre du jour, intitulé Divers.

[Français]

Le président : Est-ce que quelqu'un a un problème à ce sujet? Si non, on va ajouter « miscellaneous business » à l'article 4 à l'ordre du jour des affaires du comité.

[Traduction]

Nous avons l'honneur aujourd'hui d'accueillir M. Vidar Helgesen, secrétaire général de l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale, connu également sous le vocable d'International IDEA. L'International IDEA, dont les bureaux sont à Stockholm, est une organisation intergouvernementale qui milite en faveur de la démocratie durable à l'échelle mondiale. L'International IDEA travaille en collaboration avec les décideurs, les gouvernements donateurs, les organisations et agences de l'ONU, les organisations régionales et autres qui s'intéressent au renforcement de la démocratie. Ses domaines d'expertise incluent les processus d'élaboration d'une constitution, les processus électoraux, les partis politiques, la démocratie, les différences hommes-femmes et les évaluations de la démocratie.

M. Helgesen est secrétaire général de l'International IDEA depuis 2006. Entre autres choses, sa carrière remarquable l'a amené à occuper le poste de sous-ministre adjoint des Affaires étrangères en Norvège et de conseiller spécial auprès du président de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant rouge.

Monsieur Helgesen, soyez le bienvenu au Sénat du Canada. Avant d'étudier le rôle des parlements dans le développement de la démocratie à l'étranger, je pense qu'il est tout à fait de mise que nous commencions d'abord par profiter de vos conseils et de vos recommandations. Nous vous accorderons quelques minutes pour faire des commentaires d'ouverture, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne l'article 14 du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, je tiens à préciser ce qui suit pour les fins du compte rendu, car je crois avoir un intérêt personnel dans la question dont est saisi actuellement le comité. Je tiens à préciser que je siège au conseil d'administration de l'International IDEA en tant que membre bénévole. Par conséquent, je viens de faire la déclaration d'intérêt personnel concernant mon appartenance au conseil d'administration et, en conformité avec l'article 32.1 du Code, la déclaration devrait être consignée au compte rendu des délibérations.

Le sénateur Corbin : Nous sommes honorés de votre présence aujourd'hui.

Vidar Helgesen, secrétaire général, International IDEA : C'est un plaisir et un honneur que d'être invité à la séance de votre comité aujourd'hui. C'est également un grand plaisir de compter un membre aussi important que le Canada au sein de l'International IDEA et de constater à quel point il s'intéresse à la promotion de la démocratie.

Au moment où on se parle, les parties intéressées doivent déployer davantage d'efforts et aviver une approche et une réflexion nouvelles en ce qui a trait à la promotion de la démocratie. À cet égard, le tableau d'ensemble à l'échelle de la planète est un peu plus complexe que ce à quoi on a assisté au cours des années plutôt optimistes qui ont suivi la chute du mur de Berlin et la troisième vague de démocratisation.

Si l'on prend la situation dans le contexte général des 20 ou 30 dernières années, il ne fait aucun doute que la situation est positive; mais au cours des dernières années, les choses se sont compliquées davantage. Nous avons assisté à un recul de la démocratie et de la promotion de la démocratie dans certains pays et régions.

Le grand chercheur américain, Tom Carothers, parle d'une réaction brutale contre la promotion de la démocratie. Freedom House a publié récemment son rapport annuel, indiquant que l'on assiste à un déclin de la démocratie et des normes régissant les droits humains.

Certaines questions essentielles se doivent d'être soulignées, notamment la polarisation. La polarisation est de plus en plus marquée à l'échelle internationale, entre autres à l'égard du monde islamique, mais aussi au-delà. Ce phénomène a des répercussions sur la démocratisation, en partie parce que la promotion de la démocratie évoque, à tort ou à raison, la situation en Iraq et le conflit israélo-palestinien auquel on ne trouve toujours pas de solution. Cette conjoncture a amené de nombreuses personnes à parler de deux poids deux mesures en Occident et d'intentions cachées derrière la promotion de la démocratie, ce qui a des répercussions pour les promoteurs de la démocratie.

La frustration de plus en plus grande dans de nombreuses régions constitue un autre problème — plus particulièrement, dirais-je, en Amérique latine —, où la démocratisation s'accompagne d'une régression sociale et les institutions démocratiques se révèlent incapables de livrer la marchandise en matière de développement. De nombreux pays, notamment en Afrique, sont de plus en plus frustrés de voir que la démocratie est perçue comme une question superficielle et une façon de perpétuer la situation privilégiée des élites, plutôt que d'être un phénomène qui prend racine là où on l'observe.

Troisièmement, il y a aussi concurrence lorsqu'il est question d'hégémonie pour les États démocratiques traditionnels de l'Occident en tant que modèles de développement économique. La Chine se veut un acteur très important partout dans le monde, notamment en Afrique et aussi dans certains pays d'Asie. Les investissements, les prêts sans intérêt et les programmes d'aide de ces États ajoutent à ce que nous percevons chez de plus en plus d'autocrates qui ne comptent que sur le pétrole et le gaz. Le tableau est plus complexe; il y a certains éléments qui confortent davantage les autocrates.

Au cours des dernières années, nous avons vu de 20 à 30 pays adopter des lois plus restrictives sur les organisations non gouvernementales, les ONG, et la société civile. Le temps est venu d'entreprendre une nouvelle réflexion et d'adopter des approches plus efficaces en matière d'aide.

Aujourd'hui, pratiquement tous les intervenants reconnaissent que la démocratie ne peut être imposée de l'extérieur, mais qu'elle doit plutôt prendre racine au sein de la société. Mais où se situe, dans cela, l'aide à la démocratie? Comment pouvons-nous faciliter de façon efficace la démocratisation de l'extérieur sans être perçus comme des gens qui veulent imposer leurs solutions?

J'aimerais examiner certains volets spécifiques du renforcement de la démocratie et la façon dont l'aide internationale à la démocratie peut mieux appuyer les efforts déployés à l'échelle locale et nationale.

Regardons d'abord les élections. Il y a 20 ou 25 ans, le seul fait de tenir une élection était considéré comme l'événement démocratique par excellence. On s'intéressait peu aux normes et à ce qui constitue en fait une élection dans les règles, libre et équitable. Nous avons assisté depuis à des développements considérables en matière de normes dans ce domaine, et il s'est fait beaucoup d'observation à l'échelle internationale — et il s'en fait encore — pour encourager l'adoption et assurer le respect de ces normes. Les élections se sont « professionnalisées » et améliorées.

Du point de vue des donateurs, nous croyons que la prochaine étape consistera à aller au-delà de l'appui à l'observation des élections. Cela sera toujours nécessaire, mais nous devrions mettre davantage l'accent sur le renforcement des capacités nationales en matière de gestion électorale.

Si non seulement la première élection doit être un succès, mais la deuxième et la troisième également, alors, en période de transition, il faut nous assurer d'avoir la capacité nationale de gérer les élections de manière professionnelle et intègre. La seule observation des élections ne peut y parvenir. Il faut voir davantage les choses sur le plan du développement. Je suis heureux de dire que dans notre programme d'aide électorale efficace, comme nous l'appelons, l'Agence canadienne de développement internationale est un intervenant clé. L'ACDI a adopté cette politique et l'a soutenue, tout comme Élections Canada.

Autre élément très important dans ce dossier, les partis politiques. Il ne peut y avoir de démocratie opérationnelle, à l'exception peut-être d'un ou deux petits États, sans partis politiques opérationnels. Aujourd'hui, partout dans le monde, on se méfie des partis politiques. Je suis désolé de dire ceci à des politiques et des parlementaires. Un des membres de notre conseil d'administration qui provient des Pays-Bas a dit que chez lui, statistiquement parlant, il y a aujourd'hui plus de criminels actifs que de politiques actifs. À vrai dire, les gens perdent confiance dans les partis politiques.

Si cela constitue un problème en Europe et dans les pays occidentaux, c'est un problème encore plus grand dans les nouvelles démocraties où l'on se plaint à corps et à cri que les partis politiques sont des entités corrompues, centrées sur les leaders, dont l'autorité est descendante, qui sont décrochés de la réalité et qui sont incapables de présenter de véritables solutions de rechange politiques.

Au cours des dernières années, nous avons mis de plus en plus l'accent sur l'aide aux partis politiques. Certains éléments de cette aide se sont révélés efficaces, d'autres moins. Certains critiques ont déclaré récemment que l'aide était perçue comme trop complaisante et qu'elle ne touchait pas véritablement aux défis auxquels font face les partis politiques et auxquels devraient faire face ces partis. Il faut voir maintenant ce qui constitue une aide efficace aux partis politiques, parce qu'il ne fait aucun doute qu'il faut accorder une aide pour renforcer ces derniers.

De même, l'un des défis constants, c'est la place des femmes en politique; dans le monde entier, la sous- représentation des femmes en politique est criante. Cela constitue aussi un problème pour la démocratie.

Les processus d'élaboration de constitution constituent un autre domaine de plus en plus populaire dans les situations de transition. Les pays qui sortent d'un conflit ou ceux qui veulent transformer l'État doivent établir une nouvelle constitution. Si l'on veut que ces constitutions prennent effet et qu'elles appartiennent aux citoyens, elles doivent être élaborées à l'aide de processus réels et consultatifs. En général, ces processus sont trop restrictifs et trop élitistes et par conséquent, ne tiennent pas la route et ne sont pas suffisamment longs pour assurer la réalisation de nouvelles constitutions.

Le processus d'établissement de constitution qui a eu le plus de succès est probablement celui de l'Afrique du Sud où l'on a mis six ans à élaborer une nouvelle constitution. En Bolivie aujourd'hui, on a établi un calendrier d'un an pour la création de l'assemblée constituante, et depuis huit mois que l'on y travaille, on discute encore de questions de procédure. De toute évidence, la question du temps est essentielle.

Pour appuyer la démocratie, il faut aussi prendre conscience que cela prend du temps. Les transitions démocratiques qui suivent un conflit ou les révolutions démocratiques sont comprimées dans le temps. Le développement d'institutions qui, dans les pays occidentaux, ont été réalisées en plusieurs décennies — organisation des élections, création des partis et des constitutions, création d'un parlement et de procédures efficaces, institutions respectueuses des règles de droit, gouvernement local efficace qui évolue avec le temps — est ici censé être réalisé dans un très court laps de temps, et ce, dans des pays qui disposent de ressources restreintes. Si l'on veut que ces processus soient menés à bien et qu'ils soient pris en main par les acteurs nationaux, la communauté internationale et les pays donateurs doivent à tout le moins réaliser que cela exige du temps.

Voici un dilemme qui est très pertinent pour le Canada dont le dossier en matière de renforcement de la paix est considérable. En ce qui a trait au renforcement de la paix et aux transitions démocratiques après un conflit, il faut compter sur un certain élan pour soutenir la paix et s'assurer que les acteurs ne travaillent pas dans tous les sens; or, le renforcement de la démocratie, par contre, demande du temps. Il faut ici établir un équilibre qui n'est pas facile à atteindre. En pareilles situations, la communauté internationale et les responsables de l'aide à la démocratie internationale doivent reconnaître qu'il faut du temps pour construire des institutions et des processus démocratiques viables; il faut non seulement accepter cela, mais aussi encourager les gens à prendre du temps pour mûrir de tels processus.

Le renforcement de la démocratie est fondamentalement politique; il ne repose pas sur des solutions techniques ou institutionnelles; il nécessite l'élaboration de processus démocratiques et la création d'une culture politique. Cela prend du temps. Si l'on veut que la démocratie prenne racine, qu'elle soit plus que superficielle et que les acteurs soient prêts à la défendre et à la prendre en charge, le facteur temps et le facteur prise en charge sont absolument essentiels.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Helgesen. Dans divers pays, on compte des organisations qui fonctionnent comme des ministères et des ONG, et vous avez eu la gentillesse de mentionner l'ACDI et le travail qu'elle fait sur le terrain. Il y a aussi des organisations qui relèvent directement du Parlement ou du Congrès, comme la Westminster Foundation for Democracy au Royaume-Uni, ou la National Endowment for Democracy aux États-Unis. Je crois qu'il est juste de dire que ces deux groupes ont tendance à concentrer leur action sur les partis politiques dans les pays cibles, croyant alors qu'ils offrent l'infrastructure la plus importante pour un véritable développement démocratique.

À votre avis, quels instruments ont été les plus efficaces? Je suis conscient que chaque pays vit une situation particulière qui viendra changer la nature des difficultés et les défis, mais en général, de votre point de vue à l'International IDEA, pouvez-vous dire ce qui fonctionne le mieux et ce qui ne fonctionne pas de sorte que le Canada puisse mieux se concentrer pour être le plus efficace possible?

M. Helgesen : Il est difficile de dire qu'un modèle fonctionne mieux qu'un autre. Toutes les institutions dans ce domaine ont connu des échecs et des succès. De toute évidence, on a trop insisté sur l'exécutif des gouvernements et pas assez sur les assemblées législatives et les partis politiques.

Le problème des partis politiques est en train de se hisser au sommet de l'ordre du jour; le rôle des parlements et des assemblées législatives doit encore être étudié. Plus particulièrement, les donateurs d'aide et les agences des Nations Unies qui travaillent en matière de développement ont tendance à interagir avec les gouvernements. On met beaucoup l'accent sur l'exécutif. Du point de vue de la promotion de la démocratie, cela n'est pas suffisant parce que cela pourrait contribuer à cimenter des pratiques malsaines. Les mécanismes régulateurs sont importants et par conséquent, le soutien des parlements et des partis politiques est essentiel.

Le sénateur Downe : Votre exposé a été très instructif. Merci.

Quelles activités mène votre association au Myanmar pour tenter de rectifier l'horrible situation qui règne là-bas?

M. Helgesen : Nous n'avons pas d'activités directes au Myanmar. Puisque nous sommes une organisation intergouvernementale, il nous faut travailler avec le consentement du gouvernement en question. Obtenir le consentement du gouvernement du Myanmar pour faire du travail démocratique est difficile.

Nous avons des publications et des documents que nous considérons et traitons comme des biens publics mondiaux dont certains ont été traduits en birman. Il est juste de dire que ce n'est pas la junte qui est le groupe cible.

Le sénateur Downe : Est-ce que vous donnez une quelconque formation aux fonctionnaires du Myanmar en exil?

M. Helgesen : En nous inspirant des ouvrages sur les relations entre la résolution des conflits et la démocratisation, ce qui décrit assez bien la situation au Myanmar, nous avons donné des séances de formation. Je ne suis pas certain si nous les avons organisées directement, mais elles ont été établies à partir de nos documents, oui. Nous allons tenir un séminaire à Stockholm sur le Myanmar dans quelques semaines.

Le sénateur Downe : Sur la question du Myanmar?

M. Helgesen : Oui, le séminaire est basé sur un nouvel ouvrage publié par M. Thant, qui est le petit-fils de l'ancien secrétaire général de l'ONU. Il a rédigé récemment un ouvrage très intéressant sur la question du Myanmar.

Le sénateur Andreychuk : Merci d'être venu nous rencontrer cet après-midi. Si je comprends bien l'International IDEA, et je suis en retard de quelques années maintenant, vous faites la promotion de la discussion de la politique étrangère en mettant l'accent sur la démocratie et d'autres éléments. Est-ce que j'ai raison, avant de vous poser une autre question?

M. Helgesen : Oui, notre mandat comprend un élément de promotion de la démocratie.

Le sénateur Andreychuk : Est-ce que vos fonds proviennent des gouvernements?

M. Helgesen : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Est-ce que vos bureaux sont toujours à Stockholm?

M. Helgesen : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Il a déjà été question que vous déménagiez, mais vous êtes toujours là?

M. Helgesen : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Nous étudions actuellement l'efficacité de la promotion du développement démocratique à l'étranger par le Canada et le rôle du gouvernement du Canada dans ce contexte. À votre avis, comment pourrions- nous structurer cette étude? Sur quoi devrions-nous mettre l'accent? Vous avez abordé ces éléments dans vos observations préliminaires. À ce jour, nous avons travaillé davantage avec des représentants de l'exécutif, dans d'autres gouvernements, plutôt que de nous concentrer sur la démocratie parlementaire ou de l'appuyer, particulièrement si l'on tient compte de l'Afrique. Nous avons mis l'accent sur l'infrastructure et les organisations de gouvernement à gouvernement, mais nous n'avons pas passé autant de temps à appuyer les partis politiques ou les parlementaires jusqu'à tout récemment.

Cela étant dit, à votre avis, quels devraient être les éléments essentiels que nous devrions examiner si nous voulons étudier l'efficacité du Canada?

M. Helgesen : D'abord, il est important d'avoir une vision internationale, car le Canada n'aboutira à rien à moins de travailler en partenariat avec d'autres acteurs. Le Canada dispose d'atouts qu'il peut mettre sur la table. Il peut apporter sa crédibilité au niveau multilatéral, sa crédibilité en matière de renforcement de la paix et ses forces dans le domaine du fédéralisme. À coup sûr, le Canada a beaucoup à apporter aux processus de résolution des conflits et de renforcement de la paix.

Votre commission électorale est très forte. L'ACDI est tout aussi forte en matière de réformes judiciaires et légales dans la communauté du développement international. Vous disposez d'un centre parlementaire actif. Il y a beaucoup de bons éléments sur lesquels on peut tabler.

À un niveau plus conceptuel, je crois qu'il est important d'explorer les liens entre une approche axée sur le développement et les approches centrées sur la démocratie. La démocratisation, le renforcement de la démocratie et l'aide à la démocratie sont différents de l'aide au développement.

Nous avons fait une cartographie des partis politiques à l'échelle mondiale, de leurs cadres juridiques, de leur financement, etc. En Afrique, quand nous avons demandé aux partis politiques comment ils établissaient leurs politiques et comment ils les présentaient à la population, la réponse que nous ont donnée plusieurs d'entre eux, c'est que cela n'était pas très important parce que la politique était comprise dans les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, c'est-à-dire l'instrument dont disposent la communauté des donateurs pour assurer une aide cohérente en matière de développement. Ces instruments sont bons pour assurer la gestion de l'aide et pour travailler avec les donateurs et les gouvernements; ce sont de bons documents stratégiques. Cependant, si ces instruments limitent la portée du discours politique et les politiques concurrentielles entre les partis politiques parce qu'ils n'établissent aucune différence entre les politiques qu'ils peuvent offrir, celles-ci étant faites par des donateurs de toute façon, alors là, nous avons un problème.

Cela n'est qu'un exemple. Je vous en fais une description peu nuancée, mais il est important de voir ce qui fait que l'aide à la démocratie est une chose différente. J'ai parlé de certains de ces éléments.

Le sénateur Andreychuk : En 1994, un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat examinait la politique étrangère. À l'époque, le débat consistait à savoir si l'on devait examiner les facteurs économiques en termes de stabilité économique et de démocratie, ou si l'on travaillait à la démocratie, et c'était en réalité la traditionnelle question de la Chine et de la Russie. Quelle est votre position actuellement au sujet de ce débat? Ou encore, est-il toujours pertinent?

M. Helgesen : Si vous prenez le classement des dix pays au monde qui devraient enregistrer la croissance économique la plus importante cette année, vous constaterez qu'il n'y a qu'une démocratie et demie parmi ces dix pays.

Il existe un lien beaucoup plus douteux entre la liberté économique et politique que ce n'était le cas avant. Je crois que l'aide à la démocratie devra tenir compte du fait, comme point de départ, que la démocratie est une valeur en soi. Même si l'on peut apporter de nombreux arguments voulant que la démocratie est préférable à long terme pour la prospérité économique, je pense que la question principale est que la démocratie — c'est-à-dire laisser les gens libres de s'organiser, de s'exprimer et de se présenter à des postes électifs — est essentielle en soi plutôt que d'essayer de présenter la démocratie sous un angle économique.

Le sénateur Johnson : Dans quelle mesure les programmes internationaux d'aide à la démocratie ont été utiles pour favoriser l'avancement des démocraties libérales en Europe de l'Est, en Europe centrale, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient?

M. Helgesen : Les contextes sont différents. L'Europe centrale et l'Europe de l'Est ont très bien réussi en particulier parce qu'elles avaient en fait des institutions qui n'étaient pas tellement différentes des institutions occidentales, même si on les qualifiait d'institutions orientales, et le magnétisme de l'Union européenne a aidé sur le plan politique et économique.

Les efforts de renforcement de la démocratie en Amérique latine et en Afrique ont été assez fructueux, si vous regardez le nombre de nouvelles démocraties qui ont vu le jour au cours des dernières décennies. Pourtant, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, parce que nombre des solutions institutionnelles et bien des processus démocratiques se situent à un niveau plutôt superficiel.

Il existe un grave problème lorsqu'on aborde le Moyen-Orient. Les efforts de renforcement de la démocratie n'ont pas été aussi fructueux parce qu'il est difficile de trouver les bons points d'entrée et d'y accéder. Par conséquent, on ne peut pas parler de succès dans cette région du monde.

En Asie, il y a beaucoup de chemin à parcourir là encore.

Le sénateur Johnson : Vous avez dit que les femmes sont sous-représentées à l'échelle mondiale dans tous nos parlements. Avez-vous déjà travaillé dans des pays où l'on impose des quotas ou connaissez-vous de tels pays? Je crois que c'est le cas de l'Argentine et du Kenya. Je ne sais pas exactement quels pays imposent des quotas, mais il y a probablement plus de représentation chez ceux-là. Est-ce que vous favorisez la représentation des femmes comme concept pour accroître le nombre de parlementaires?

M. Helgesen : Nous ne faisons pas la promotion de solutions dans un contexte particulier.

Le sénateur Johnson : Que pensez-vous de cette idée?

M. Helgesen : Nous avons établi la meilleure cartographie des quotas qui soit à l'échelle mondiale, et nous pouvons vous indiquer de quelles façons les quotas ont réussi à faire avancer la représentation des femmes et quel système de quotas est le plus efficace si tel est le choix politique du pays. Il ne fait aucun doute que les quotas peuvent être efficaces mais il y a des systèmes de quotas qui fonctionnent très bien et d'autres, moins bien.

Le sénateur Johnson : Pouvez-vous nous parler d'un pays qui a un tel système et des effets qu'il a produits?

M. Helgesen : Si je ne m'abuse, le Pérou a un système de quotas, et je pense que vous avez raison de dire que c'est aussi le cas de l'Argentine. L'Inde a aussi un système de quotas selon lequel on exige des partis qu'il y ait sur trois candidats un homme et une femme. Cela a eu un effet. Il y a aussi certaines situations où il y a des quotas, mais les partis placent encore les femmes en bas de la liste de sorte que ceux qui sont élus sont essentiellement les hommes. La solution technique, si l'on veut adopter cette voie, est de toute évidence déterminante.

Le sénateur Johnson : Est-ce que le Canada pourrait jouer un rôle particulier en ce qui concerne la prestation d'une aide à la démocratie qui diffère soit de l'approche américaine, soit de l'approche européenne.

M. Helgesen : Le Canada compte de très nombreux atouts pour tenter d'établir un pont entre ce qui est aujourd'hui un écart considérable entre les approches américaines et européennes. Si l'on regarde les approches à l'égard de la démocratie du point de vue américain, l'approche européenne n'a pas de poids. Du point de vue de l'Europe, l'approche américaine est contre-productive. Cela n'est pas une situation productive. Il faut trouver comment réunir ces deux approches, car pour que la promotion de la démocratie par les principaux pays donateurs soit efficace, ceux-ci doivent plus ou moins avoir les mêmes approches. Le Canada, grâce à ses bonnes relations avec son voisin américain et à la grande crédibilité dont il bénéficie auprès des institutions multilatérales et en Europe, pourrait certainement jouer un rôle à cet égard.

Je ne sais pas exactement ce qu'est une approche spécifiquement canadienne à l'égard de la démocratie et je ne suis pas certain qu'une approche spécifiquement canadienne soit nécessaire. Les valeurs que défend le Canada, les solutions proposées par le Canada et la crédibilité dont jouit votre pays ajouteront certainement beaucoup à l'aide internationale en matière de démocratie.

Le sénateur Corbin : Est-ce que la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont déjà été membres de votre organisation? Je pense surtout à la France et à la Grande-Bretagne parce que les États-Unis ont leur propre organisation. Est-ce que ce serait bon que ces pays se joignent à l'Institut?

M. Helgesen : Aucun de ces pays n'est ou n'a été membre de l'organisation. Au départ, on a sondé un peu les États- Unis et la possibilité qu'il se joignent à nous a suscité beaucoup d'intérêt dans certains cercles. Cependant, pour que les États-Unis se joignent à une organisation multilatérale, cela prend beaucoup de temps et les choses ne se sont pas concrétisées. Le Royaume-Uni a manifesté son intérêt, mais aucune adhésion n'a été conclue encore. La France n'a jamais été sur la liste.

Nous recevons beaucoup de fonds du Royaume-Uni pour des programmes au Soudan et au Népal. Quant à savoir si ce serait une bonne idée qu'ils se joignent à l'Institut, c'est à eux d'en décider. Nous n'avons aucune réticence à cet égard. Nous voulons maintenir un équilibre entre les régions. L'un de nos atouts est d'avoir des membres de tous les continents, et dans un contexte mondial où il est essentiel de faire la preuve que la promotion de la démocratie ne provient pas du Nord ou de l'Ouest, cet équilibre entre les pays membres est important. Cela mis à part, je ne suis pas en mesure de porter un jugement sur aucun pays en particulier.

Le sénateur Corbin : D'après nos notes de recherche, vous comptez actuellement 24 membres. Est-ce exact?

M. Helgesen : Oui.

Le sénateur Corbin : Est-ce que c'est là une limite ou si la porte est ouverte à d'autres membres?

M. Helgesen : La porte est certainement ouverte à d'autres membres. Le dernier pays à s'être joint à l'Institut a été la Suisse en mai 2006.

Le sénateur Corbin : Est-ce qu'il y a des conditions à respecter?

M. Helgesen : La condition est que les États membres doivent être actifs en matière de démocratie.

Le sénateur Corbin : C'est tout? Il n'y a pas d'engagement financier?

M. Helgesen : Moralement parlant, l'engagement financier est très fort, mais il n'y a pas d'engagement qui soit légalement exécutoire.

Le sénateur Corbin : Y a-t-il certains membres actuellement qui ne contribuent pas sur le plan financier?

M. Helgesen : D'après mon souvenir, c'est le cas de l'Uruguay, mais il s'est engagé à le faire dès cette année.

Le président : Monsieur Helgesen, je ne vais pas entrer dans tous les détails, mais j'aimerais vous renvoyer à une récente publication de votre organisation distribuée aux partis politiques en Asie du Sud sur le défi du changement. J'aimerais parler d'une référence précise qui, compte tenu du fait que je suis un conservateur, me paraît particulièrement pertinente. Je ne fais pas référence à votre affiliation politique ici.

On dit dans cette publication qu'un système de partis durables et vigoureux dans un pays dépend non seulement de la façon dont le parti au pouvoir gère les affaires de l'État, mais aussi de la façon dont il permet à l'opposition de fonctionner, de faire valoir ses opinions, de mener des élections, de respecter les résultats, « et cetera ».

Pour le renforcement de la démocratie, pouvez-vous nous donner une idée de la mesure dans laquelle on apprécie le rôle de l'opposition, plus particulièrement dans les démocraties nouvelles? Nous entendons souvent dire dans diverses circonstances que le parti au pouvoir a des intérêts pour la droite, la gauche, le centre, l'est, l'ouest, le nord, l'agriculture, les villes, « et cetera », de sorte que la notion d'un système multipartite est une création de l'Ouest. Cela est intéressant, mais pas nécessairement pertinent. Nos collègues de la République populaire de Chine tiennent souvent ce discours lorsqu'ils parlent de leur système politique. Comme ils livrent maintenant concurrence sur les marchés de l'Afrique et ailleurs, que leurs sphères d'influence sont de plus en plus grandes, pouvez-vous nous donner une idée de ce que votre organisation pense de la notion voulant qu'on laisse les oppositions s'opposer et qu'on leur permette de faire partie du système d'une façon ou d'une autre?

M. Helgesen : Beaucoup de nouvelles démocraties tardent à reconnaître le rôle de l'opposition. Certains partis accèdent au pouvoir parce qu'ils détenaient le pouvoir avant la transition, ils se sont ensuite reformés et sont demeurés au pouvoir, alors que d'autres partis ont accédé au pouvoir par suite de mouvements de libération jouissant d'un soutien populaire immense et sont ensuite demeurés au pouvoir, où la compréhension du rôle de l'opposition est très limitée. Il arrive parfois qu'un gouvernement permette à l'opposition d'être entendue sur les ondes pendant une certaine période avant les élections afin de démontrer qu'ils tiennent des élections libres et équitables, mais les règles du jeu ne sont pas du tout les mêmes pour tout le monde.

C'est là certainement un enjeu déterminant pour la démocratie. En pareilles situations, l'opposition a l'impression de n'avoir aucune responsabilité et que sa seule obligation est de faire tout ce qu'elle peut pour saboter les actions du gouvernement. La situation est polarisée, souvent assortie d'une culture politique voulant que le gagnant rafle tout, culture qui doit changer. Notre approche à cet égard est d'engager les partis politiques dans un dialogue avec tous les partis. C'est ce que nous avons fait il y a quelques années au Pérou lorsque nous avons réussi à réunir les partis pour qu'ils s'entendent sur une loi régissant les partis politiques. Nous avons fait la même chose au Népal dans le cadre d'une étude sur les partis politiques.

Il est absolument essentiel d'amener les partis politiques au pouvoir et ceux qui ne le sont pas à s'entendre sur les règles du jeu. À mon avis, mettre davantage l'accent sur le rôle des parlements et le rôle des partis politiques permettra de mieux comprendre le rôle de l'opposition.

Le président : Monsieur le secrétaire général, je vous remercie au nom du Sénat du Canada. Je sais que vous étiez en route pour le Canada à d'autres fins et nous sommes très heureux que vous ayez pu venir nous rencontrer. Nous vous souhaitons un bon séjour au Canada et bonne chance dans le travail de votre organisation. Votre témoignage aidera le comité à structurer son étude sur la démocratisation à l'échelle mondiale.

La séance se poursuit à huis clos.

La séance publique reprend.

Le président : Chers collègues, si on peut reprendre, je tiens à vous signaler que j'ai déposé auprès du greffier une lettre de démission à titre de président du comité, décision qui entrera en vigueur demain. J'ai pris cette décision à la demande de notre propre direction au sein de la minorité afin de faciliter d'autres changements qui doivent être apportés dans la gestion des obligations respectives du gouvernement à l'égard des divers comités. Je vais distribuer un double de cette lettre à tous les membres du comité et à mon propre whip, que j'ai le plaisir de voir ici aujourd'hui. Tel qu'écrit dans ma lettre, je suis toujours président du comité jusqu'à minuit ce soir. Mon whip m'a informé que je peux continuer de siéger au comité, aussi ai-je bien hâte de travailler avec la nouvelle présidence et de poursuivre le travail qui nous a été confié.

Je tiens à remercier mes collègues pour leur compréhension et leur tolérance durant une année qui aura été intéressante, particulièrement, si je puis dire, pour le personnel du comité, qui a fait un travail inestimable relativement à l'échéancier dont nous avons discuté la semaine dernière.

Si je peux dire quelques mots à l'égard du vice-président et de mon collègue le sénateur Corbin qui siègent au comité directeur, ils ont été tolérants à l'égard du nouveau président qui avait beaucoup à apprendre. Merci beaucoup.

Le sénateur Corbin souhaite discuter d'une question à la rubrique « Divers ».

Le sénateur Corbin : Je cède la parole au sénateur Stollery.

Le sénateur Stollery : La rumeur voulait que vous quittiez votre poste de président. Personnellement, je ne suis pas disposé à accepter votre démission à titre de président parce que je tiens à dire publiquement que vous êtes une personne avec qui il est très agréable de travailler. Nous venons tout juste de déposer un rapport qui a été très bien reçu, et qui concluait notre étude de deux ans sur l'Afrique. Je suis conscient que vous êtes arrivé à la fin de ce rapport, mais je suis vraiment désolé que vous démissionniez tout juste après le dépôt de notre étude.

Durant les 35 ans de ma vie parlementaire, je n'ai jamais entendu parler d'un changement de président en mi-session. J'ai vérifié auprès de certaines autorités lorsque j'ai entendu dire pour la première fois que cela pouvait se produire, et il n'existe aucun précédent qui justifie de changer de président durant la même session. Toute l'idée de la stabilité au Sénat est que nous ayons ces négociations au début d'une session et qu'ensuite, pour une autre session, nous tenions d'autres négociations. Compte tenu du fait que vous avez participé de façon importante à la rédaction du rapport sur l'Afrique, il est inacceptable que vous deviez démissionner tout juste après avoir connu l'un des meilleurs moments du Sénat au cours des derniers mois.

Je ne sais pas ce que mes collègues ont à dire. Je sais que le sénateur Corbin s'est penché sur la question. Si vous n'avez pas d'objection, j'aimerais qu'il vous dise quelques mots.

Personnellement, je n'accepte pas votre démission. Nous n'avons pas encore fini cette discussion, mais c'est mon opinion pour l'instant.

Le sénateur Stratton : Pour les fins du compte rendu, j'étais président du Comité des finances il y a quelques années, j'ai démissionné et j'ai été remplacé par le sénateur Murray en plein milieu de la session.

Le sénateur Stollery : Et alors?

Le sénateur Stratton : Le sénateur Stollery a dit qu'il ne connaissait pas de précédent. Le précédent, c'est celui dont je viens de parler.

Le sénateur Stollery : Puis-je alors préciser ce que j'ai dit? Oui, la chose se produit si le président meurt ou devient malade ou qu'il a des raisons importantes de quitter son poste. Je ne sais pas ce qui s'est produit au Comité des finances, mais je peux vous dire que c'est la raison pour laquelle nous avons tant de difficulté à négocier au début de chaque session.

Comme vous le savez tous, j'ai présidé le présent comité à la dernière session de la législature. Je fais partie du comité depuis de nombreuses années, et je dirais que c'est avec regret que j'ai cédé la présidence au sénateur Segal. Cependant, la décision a été prise au début de la session, au moment où cela est censé se faire. Il y a eu des négociations. Je suis un joueur d'équipe. Des négociations doivent avoir lieu.

Je tiens à préciser que je pense que cette décision est erronée. Le sénateur Segal dit — et je ne pense pas que je le cite de façon erronée, et je le respecte en tous points — que c'était à la demande du Parti conservateur. Se défaire du président juste au moment où nous devons mener une importante campagne publicitaire pour promouvoir notre important rapport sur l'Afrique, c'est une chose qui ne me plaît pas particulièrement.

Je ne sais pas ce que mes collègues en pensent, mais je crois que le sénateur Segal a maintenant acquis de l'expérience. Notre comité n'est pas facile à diriger parce que nous examinons des questions qui touchent surtout d'autres pays — le commerce extérieur et les affaires étrangères. Cela prend un certain temps avant de s'y habituer, et le sénateur Segal est extrêmement loyal au comité.

Le sénateur Corbin et moi faisons partie du comité directeur et nous rencontrons régulièrement le sénateur Segal. J'ai la plus haute estime pour lui. Je ne l'avais jamais rencontré avant qu'il devienne membre du comité. Je ne dis pas cela dans un esprit partisan pour gêner le gouvernement ou l'opposition, je pense tout simplement que cette démission n'a pas de sens.

Le sénateur Dawson : Comme on dit en français, j'ai été renversé. Nous avons eu de nombreuses discussions ici, au comité, pendant des semaines au sujet du fait qu'il est très bien de rédiger un rapport, mais que nous devons aussi le faire accepter par la suite. Nous devons être capables de communiquer ce en quoi nous croyons et ce dont nous sommes convaincus au gouvernement, aux médias et aux faiseurs d'opinion en ce qui a trait au contenu de notre rapport. Puis tout à coup, on nous dit que le président de notre comité, à qui devait incomber la plus grosse partie du travail pour faire accepter ce rapport, va maintenant être remplacé, sans doute involontairement. Je n'invente rien. Je ne dis pas cela pour marquer des points sur le plan politique.

J'ai vécu la même expérience il y a quelques mois avec le Comité des transports. Le sénateur Fraser a déposé un rapport à la fin de la session. Elle a été promue au poste de leader adjoint du gouvernement et a cessé d'assumer la présidence du Comité des transports. Son rapport est tombé tout de suite dans l'oubli. Il n'y a pas eu de suivi. Pour ceux d'entre vous qui étaient à la Chambre aujourd'hui, elle en a parlé. En tant que membre du comité, je peux dire que lorsqu'elle est partie, le comité n'a pas repris le flambeau.

Je crois qu'il y a ici au comité un important problème de communications. Je suis d'accord avec le sénateur Stollery.

Sur un autre plan, le comité de 2005 n'avait qu'un seul président, et nous nous sentons floués de perdre le seul que nous avons. Cette année-là a été très bonne.

Le sénateur Campbell : Comme vous le savez, monsieur le président, je ne suis pas membre de votre comité. Je remplace ici le sénateur Mahovlich. Je suis allé prendre un café, je me suis fait sauter dessus par la CBC qui m'a demandé ce que je pensais de votre démission du comité, et c'était la première fois que j'en entendais parler. On m'a demandé si c'était une question d'ancienneté. J'ai répondu que j'aurais de la difficulté à trouver dans l'un ou l'autre des partis quelqu'un qui a autant d'ancienneté que vous au gouvernement, dans la politique étrangère, qui connaît aussi bien le fonctionnement des choses.

La situation est classique : c'est toujours l'idéologie en cours par opposition à la réalité. Ce qui m'inquiète, c'est ceci : est-ce là une purge des progressistes-conservateurs? Est-ce que le prochain sur la liste sera le sénateur Oliver? Il est président d'un comité auquel je siégeais. Sera-t-il le prochain dont on se débarrassera? Je pense que c'est inacceptable.

Je vais voter pour le sénateur Mahovlich, monsieur le président. Je n'accepterai pas votre démission. Je pense que vous devriez rester en place. Je pense que vous faites du bon travail. Je me suis entretenu avec beaucoup de collègues, j'ai écouté ce que vous aviez à dire au Sénat et je crois que vous êtes la meilleure personne pour le poste.

Je ne comprends pas cette décision. Pour moi, ça n'a pas de sens. On nomme quelqu'un de bien et son propre parti s'en défait. Il y a quelque chose qui ne va pas ici.

Le président : Sénateurs, vous me placez dans une situation très difficile. Je vous remercie des bons mots que vous avez eus à mon endroit, mais je crois au système d'opposition entre les deux grands partis au Sénat. Lorsque ma direction me demande de faire quelque chose, je le fais, et je le fais volontairement. Je ne suis pas forcé de le faire.

Je comprends les fardeaux que la direction doit supporter avec 21 membres d'un côté et 68 de l'autre, ce qui n'est la faute de personne ici, et je comprends aussi qu'elle doit faire la meilleure gestion possible dans ce cas. Je pense bien que la lettre de démission que je viens de présenter est là pour rester. Je ne la retirerai pas. Je vais m'y conformer. Il appartient alors au comité de décider comment procéder.

Nous avons demain une réunion de prévue pour discuter de démocratisation, et des témoins sont censés y venir. Les collègues devront décider comment procéder à ce moment-là. Je serai ici en tant que membre du comité, mais pas en tant que président parce que cette démission a été présentée.

Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Corbin : J'accepte la plupart des observations qu'ont faites mes collègues. Je suis personnellement très déçu en raison des excellentes relations de travail que nous avons eues. Nous avons réglé la plupart des problèmes à l'amiable dans l'intérêt de tout le comité.

Ce qui se produit me paraît incroyable. Lorsque les partis ont négocié pour répartir les responsabilités entre les divers sénateurs, non seulement nous avons discuté du parti qui aurait la présidence, nous avons même nommé la personne qui occuperait cette présidence au cours de la session. On est intimement lié en tant que personne au siège qu'on occupe. Cela faisait partie de l'entente.

Maintenant, si cette entente entre les partis est aujourd'hui déchirée parce que vous êtes forcé de démissionner, alors tout est remis sur la table, non seulement au sein de notre comité, mais dans d'autres comités également. Je ne crois pas que nous devrions accepter une telle chose.

Je ne vais pas citer de règlements et de précédents, bien que je les aie examinés très attentivement. Un mauvais précédent ne fait jamais pas un bon précédent. Il faut toujours tenir compte des circonstances particulières qui entourent les incidents au moment où ils se produisent. Cependant, à l'instar de mon collègue le sénateur Dawson — j'avais le mot sur le bout de la langue avant qu'il l'utilise — je suis renversé. Cela n'est pas une façon de diriger un comité.

Monsieur le président, vous avez déposé plusieurs motions que la Chambre a acceptées et renvoyées à notre comité. Vous dites que vous allez continuer de travailler sur ces motions, mais, en tant que président, vous aviez la responsabilité supplémentaire de voir plus loin et de diriger la recherche en notre nom, de vous assurer que les choses étaient présentées comme elles devaient l'être et en temps voulu. Vous avez une responsabilité énorme. Je ne suis pas disposé à revenir à la case départ au sujet de l'une de ces choses. Si vous n'êtes pas là, je ne suis pas certain de vouloir rester au sein du comité directeur moi-même.

Il y avait entente; il y avait un accord ferme, sachant que les chiffres joueraient en notre faveur, mais ce n'est pas le genre de jeu que nous jouons. Nous avons été accommodants, et cela va des deux côtés; une fois qu'on a conclu une entente, on la respecte.

Je ne crois pas que nous puissions vous remplacer ce soir. Votre démission entre en vigueur à minuit, comme vous le dites dans votre lettre, de sorte que nous ne pouvons accepter autre chose qu'une motion d'ajournement.

Le sénateur Stratton : Premièrement, nous avons maintenant deux précédents de démission de président durant une session, comme l'a dit le sénateur Dawson, avec la démission du sénateur Fraser du Comité des transports.

Le sénateur Dawson : Non, c'était un changement de gouvernement. Je m'excuse.

Le sénateur Stratton : Non, c'était un changement de chef.

Le sénateur Corbin : C'était un changement de chef et de gouvernement.

Le sénateur Downe : Est-ce que le sénateur Segal est promu?

Le sénateur Corbin : Le sénateur Fraser a obtenu une promotion.

Le sénateur Stratton : Ce que je veux dire, c'est qu'il y a toujours une raison qui justifie les choses.

Deuxièmement, la direction négocie de chef à chef — personne d'autre n'est en cause.

Le sénateur Corbin : Oui, le caucus.

Le sénateur Stratton : Dans l'entente initiale, la négociation se fait de chef à chef et ensuite elle est soumise au caucus. Aucun siège précis n'est accordé à quelqu'un en particulier — pas de notre côté. C'est peut-être le cas du vôtre, mais chez nous, aucun nom n'est donné pour la présidence ou la vice-présidence.

Le sénateur Stollery : Je ne veux pas prolonger la discussion, mais je pense que le sénateur Stratton déforme un peu les choses.

Il y a longtemps que je participe à ce genre de choses. Lorsqu'il est question d'ancienneté, je pense que je suis en fait le troisième ayant le plus d'ancienneté au Sénat actuellement.

Il y a le Comité de sélection; il y des négociations; il y a des discussions dans notre propre caucus. Je suis certain que le sénateur Stratton ne voudrait pas laisser l'impression que c'est simplement les deux chefs qui décident de tout, parce que ça c'est tout simplement erroné. J'ai moi-même participé aux négociations concernant notre comité lorsque nous avons accordé la présidence au sénateur Segal parce que, après tout, j'occupais le poste de président depuis de nombreuses années.

Ce n'est pas un jeu. Le Sénat est une entité législative d'importance. Nous ne nous amusons pas à inventer des règles, à ruiner la réputation des gens et à critiquer les gens indûment. Notre comité fait preuve d'une grande collégialité depuis des années maintenant. Nous veillons les uns sur les autres. Nous sommes un comité sur les politiques. Nous ne sommes pas un comité qui est particulièrement partisan.

Je me souviens, il n'y a pas longtemps — et je suis certain que le sénateur Stratton s'en souviendra — lorsque nous avons approuvé le projet de loi sur le bois d'œuvre. Si nous avions voulu faire les difficiles, nous aurions pu bloquer l'adoption de ce projet de loi pendant un bon moment.

L'idée que le sénateur Segal arrive soudainement comme président du comité sans qu'il y ait eu de discussion sérieuse entre les chefs et entre les caucus n'est pas tout à fait exacte. Je ne sais pas ce qui en est dans votre caucus, mais je sais que dans le nôtre, la discussion concernant les présidents de comités, les vice-présidents et tout le reste est une discussion très importante.

Le sénateur Segal est un conservateur loyal, comme je suis un libéral loyal, depuis de nombreuses années.

Le sénateur Smith : Un progressiste-conservateur.

Le sénateur Stollery : Un progressiste-conservateur depuis de nombreuses années.

Le sénateur Stratton : Tout comme moi, tout comme le sénateur Oliver et le sénateur Johnson.

Le sénateur Stollery : Nous venons tout juste de terminer un rapport majeur sur l'Afrique, qui a été bien accueilli et que le sénateur Segal a bien voulu promouvoir. L'idée qu'il doive démissionner ce soir à minuit est ridicule et contraire aux règles du Parlement.

J'étais là lorsque d'importantes tractations parlementaires ont eu lieu. J'ai été député à la Chambre des communes — comme certaines personnes ici — pendant plusieurs années et j'ai vécu des situations difficiles. Lorsqu'on commence à tripoter les règles et la procédure, cela a toujours de terribles conséquences pour les personnes qui font cela. Cela ne fonctionne pas. Nous avons des règles et des procédures non sans raison — pour que l'endroit puisse fonctionner. Notre comité fonctionne très bien sous la direction du sénateur Segal.

Une voix : Bravo, bravo!

Le sénateur Smith : À minuit, pour qui sonne le glas.

Le président : Chers collègues, je vous remercie d'exprimer vos opinions sur la question. Selon les règles normales de la procédure, le greffier sera saisi de son obligation de commencer demain.

Je vais maintenant accepter une motion d'ajournement.

Le sénateur Corbin : Mais avant, qu'en est-il de demain?

Le président : Demain, nous entendrons les deux témoins qui ont été convoqués sur la question de la démocratisation, soit Leslie Campbell, du National Democratic Institute et David Donovan, du Centre for the Study of Democracy à l'Université Queen's, qui a fait un travail très actif dans des régions comme le Moyen-Orient et l'Europe de l'Est en ce qui concerne la démocratisation.

Le sénateur Corbin : Êtes-vous en train de nous dire qu'il n'est pas possible entre maintenant et minuit que le comité directeur tienne une autre réunion avant que vous ne partiez?

Le président : Je me ferai un plaisir de convoquer une réunion du comité directeur si vous avez d'autres questions à régler. Je vais assumer mes fonctions jusqu'à minuit ce soir et je vais vous aider autant que je le pourrai.

Le sénateur Corbin : Je propose que le comité directeur se rencontre après la présente réunion.

Le président : D'accord.

Y a-t-il d'autres commentaires, chers collègues? Merci beaucoup.

La séance est levée.


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