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REFO - Comité spécial

Réforme du Sénat (Spécial)


Le jeudi 26 octobre 2006

Le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat a l'honneur de déposer son 

PREMIER RAPPORT 

Votre Comité, auquel a été renvoyé la teneur du Projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs), conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 28 juin 2006, a examiné ladite teneur et maintenant dépose son rapport. 

Respectueusement soumis,

Le président,
DAN HAYS


Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat

Rapport sur

La teneur du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867
(durée du mandat des sénateurs)

Président : L’honorable Daniel Hays
Vice-président : L’honorable W. David Angus

Octobre 2006


TABLE DES MATIÈRES

 ORDRES DE RENVOI. ii

MEMBRES. iv

INTRODUCTION.. 1

CONTEXTE.. 2

A. Contexte institutionnel 3
B. Contexte constitutionnel 8

TÉMOIGNAGES DEVANT LE COMITÉ.. 12

Mandat d’une durée limitée. 13
Renouvellement 16
Indépendance et obligation de rendre compte. 17
La question constitutionnelle. 18
Représentation de la diversité. 20
Élections consultatives. 21
Autres questions. 24
Le processus de réforme. 24

OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS. 26

Une vision pour orienter la réforme. 26
Conclusions. 29
    Conclusion 1 : Renvoi à la Cour supreme. 30
    Conclusion 2 : Un mandat de durée limitée au Sénat 30

La réforme sénatoriale : Complexité des concessions réciproques. 31
Élections consultatives – quelques observations. 35
Pour conclure. 36

ANNEXE A – TÉMOINS (en ordre de comparution) A-1

NOTA :  Dans le présent rapport, la référence aux témoignages publiés dans les Délibérations du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat sera indiquée uniquement par le numéro de fascicule et le numéro de la page qui contiennent la citation, ex. (1:89)


ORDRES DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 21 juin 2006 : 

L'honorable sénateur Fraser propose, appuyée par l'honorable sénateur Cook, 

Qu'il y ait création d'un comité spécial du Sénat chargé d'étudier la réforme du Sénat ou toute question connexe qui lui aura été renvoyée par le Sénat; 

Que, nonobstant l'article 85(1)b) du Règlement, ce comité spécial comprenne dix membres, à savoir les honorables sénateurs Adams, Austin, C.P., Bacon, Baker, C.P., Banks, Biron, Andreychuk, Angus, Carney, C.P., et Murray, C.P. et que le quorum soit constitué de quatre membres; 

Que, en conformité avec l'article 95(3)a) du Règlement, le comité soit autorisé à se réunir au cours des périodes où le Sénat est ajourné pour une période de plus d'une semaine; 

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes et à obtenir des documents et des dossiers, à entendre des témoins, à présenter des rapports de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon ses instructions; 

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres personnes nécessaires pour examiner les projets de loi et la teneur de projets de loi qui lui ont été renvoyés; 

Que le comité soit habilité à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux;  

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 28 septembre 2006. 

Après débat, 

La motion, mise aux voix, est adoptée. 

***********

Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 27 septembre 2006 : 

L'honorable sénateur Hays propose, appuyé par l'honorable sénateur Fraser,  

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mercredi 21 juin 2006, la date de présentation du rapport final du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat soit reportée du 28 septembre 2006 au 26 octobre 2006.

Après débat, 

La motion, mise aux voix, est adoptée. 

***********

 Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 28 juin 2006 : 

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

Après débat, 

En amendement, l'honorable sénateur Fraser propose, appuyée par l'honorable sénateur Austin, C.P., que le projet de loi S-4 ne soit pas maintenant lu une deuxième fois mais que la teneur en soit renvoyée au Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat; 

Que l'ordre pour la reprise du débat sur la motion portant deuxième lecture du projet de loi demeure au Feuilleton et Feuilleton des Avis. 

La motion d'amendement, mise aux voix, est adoptée. 

Le greffier du Sénat,
Paul Bélisle


MEMBRES

Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat

L’honorable Daniel Hays, président 

L’honorable W. David Angus, vice-président 

Et les honorables sénateurs : 

Jack Austin, C.P.
Maria Chaput
Gerald J. Comeau
Dennis Dawson
Elizabeth Hubley
Jim Munson
Lowell Murray, C.P.
Hugh Segal
David Tkachuk
Charlie Watt 

Note : Sénateurs Marjory LeBreton, C.P. (ou Gerald J. Comeau) et Daniel Hays (ou Joan Fraser) sont membres d’office

Autres sénateurs ayant participé aux travaux du Comité : 

Les honorables sénateurs : Downe, Fairbairn, C.P., Fraser, Harb, LeBreton, C.P., Losier-Cool, Prud’homme, C.P. et Tardif 

Dont la nomination a été approuvée en vertu d’une motion du Sénat : 

Les honorables sénateurs : Adams, Austin, C.P., Bacon, Baker, C.P., Banks, Biron, Andreychuk, Angus, Carney, C.P. et Murray, C.P.


INTRODUCTION 

Le 21 juin 2006, le Sénat constitue le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat. La motion proposant la création du Comité, présentée par le sénateur Joan Fraser et appuyée par le sénateur Joan Cook, prévoit que le Comité doit soumettre son rapport final au plus tard le 28 septembre 2006. Le 27 septembre 2006, le Sénat convient de reporter le dépôt du rapport au 26 octobre 2006.

La motion constituant le Comité le charge « […] d’étudier la réforme du Sénat ou toute autre question transmise à celui-ci par le Sénat ». Deux autres questions précises lui ont donc été renvoyées, et elles ont servi de base aux travaux du Comité à ce jour, soit :

  • La teneur du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867. Le projet de loi stipule que les nouveaux sénateurs sont nommés pour un mandat de huit ans. La retraite obligatoire à l’âge de 75 ans ne s’appliquera pas à ces sénateurs, mais continuera de s’appliquer aux sénateurs actuels. Le projet de loi a été présenté au Sénat le 30 mai 2006 par le gouvernement, et sa teneur a été renvoyée au Comité le 28 juin.
  • Une motion du sénateur Murray, appuyée par le sénateur Austin, demande que la Loi constitutionnelle de 1867 soit modifiée pour reconnaître la représentation distincte au Sénat de la Colombie-Britannique et des Prairies. Le nombre de sièges proposé pour chaque province se répartit ainsi : Colombie-Britannique – 12 (6 actuellement), Alberta – 10 (6 actuellement), Saskatchewan – 7 (6 actuellement), et Manitoba – 7 (6 actuellement), ce qui porte le nombre total de sénateurs à 117 (105 actuellement). La motion a été présentée le 27 juin 2006 et renvoyée au Comité le lendemain.

Le projet de loi S-4 et la motion Murray-Austin ne portent pas sur les mêmes aspects du Sénat, et sont donc traités dans deux rapports distincts.  Le présent rapport porte sur nos conclusions et recommandations concernant le projet de loi S-4.

Afin de profiter pleinement des témoignages des experts qui ont comparu devant le Comité, les audiences ont traité des deux questions simultanément. Elles ont porté sur le projet de loi S-4 et la motion Murray-Austin, plutôt que sur le réexamen des questions beaucoup plus vastes de la réforme du Sénat et de la Constitution qui ont été étudiées au fil des ans, à plusieurs reprises dans certains cas. Ce rapport, comme les discussions tenues avec les témoins, ne cherche pas à réexaminer les nombreuses questions de réforme du Sénat ayant déjà fait l’objet d’études parlementaires. Il sert plutôt de point de départ à l’étude de la teneur du projet de loi S‑4, ainsi que d’un certain nombre de questions qui y sont directement liées.

Les membres du Comité souhaitent remercier le premier ministre Stephen Harper, les représentants du gouvernement et les experts qui ont témoigné lors des audiences tenues durant les semaines du 4 et du 18 septembre 2006 (la liste complète des témoins figure à l’annexe A). Nous remercions également ceux qui ont présenté des mémoires. Ces documents et les conseils offerts au Comité ont été très utiles, comme en fait foi ce rapport.

 

CONTEXTE

Le projet de loi S-4 modifie l’article 29 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour accorder aux sénateurs un mandat de huit ans. Si elle est adoptée, cette modification constituera le deuxième changement apporté au mandat des sénateurs depuis 1867. À l’origine, les sénateurs étaient nommés à vie, mais la modification de 1965 a fixé l’âge de la retraite obligatoire à 75 ans[1].

Comme ce fut le cas en 1965, la modification proposée dans le projet de loi S-4 ne s’appliquerait pas aux sénateurs actuels. S’ils demeurent tous en fonction jusqu’à l’âge obligatoire de la retraite, la période de transition de la composition du Sénat s’étendra jusqu’en 2030, lorsque le dernier sénateur actuel atteindra l’âge de la retraite obligatoire[2]. Si, par contre, des mesures sont adoptées pour inciter les sénateurs à prendre une retraite anticipée (comme ce fut le cas en 1965, quand des prestations satisfaisantes furent offertes aux sénateurs qui acceptaient de partir à la retraite à 75 ans), la composition du Sénat pourra changer plus rapidement.

Le projet de loi S-4 ne prévoit rien concernant le renouvellement du mandat des sénateurs après huit ans. Le premier ministre a donc le pouvoir discrétionnaire de le reconduire. Le mandat de huit ans pourrait être renouvelé jusqu’à ce que le sénateur atteigne 75 ans et même plus, puisque la modification proposée supprimerait, pour les sénateurs servant un mandat de huit ans, la retraite obligatoire à 75 ans fixée en 1965.

Le projet de loi soulève deux questions directement, et au moins une autre question indirectement. La présente partie, y compris l’examen des renseignements généraux ci-dessous, est donc divisée en conséquence.

Premièrement, il y a la question constitutionnelle relative à la façon de modifier la Constitution pour changer le mandat des sénateurs. Il peut s’agir d’une modification faite par le Parlement seul, comme le propose le gouvernement, ou, comme certains l’ont suggéré, nécessitant la ratification du Parlement et de sept assemblées législatives provinciales représentant au moins les deux tiers de la population de toutes les provinces.

Deuxièmement, il y a les questions institutionnelles concernant les avantages et les inconvénients possibles d’un mandat de huit ans pour les sénateurs et, d’une manière générale, il faut connaître l’effet de ce changement sur le Sénat, le Parlement et le processus politique démocratique du Canada.

Troisièmement, il y a la question des élections consultatives. Le projet de loi ne touche pas la manière dont les futurs sénateurs seront nommés, et peut, selon le gouvernement, être étudié sans égard à d’autres mesures éventuelles. Cependant, lors de son témoignage devant le Comité le 7 septembre dernier, le premier ministre Harper a confirmé la volonté du gouvernement de se doter d’un Sénat plus efficace et démocratique. Il a ajouté que son gouvernement espérait pouvoir « présenter à la Chambre cet automne un projet de loi ayant pour objet d'instaurer un processus de sélection des sénateurs élus » (notes de discours, p. 4). Puisque de telles élections modifieraient la portée du projet de loi S-4, le Comité a aussi envisagé les conséquences de ce changement potentiel, notamment la preuve relative à l’acceptabilité de la tenue d’élections consultatives, sans devoir modifier la Constitution pour tenir compte explicitement de cette forme d’élections pour les sénateurs.

Le présent rapport, mettant en évidence les trois questions posées, donne ci-dessous un aperçu des rapports antérieurs qui traitent du mandat des sénateurs, et des principales considérations soulevées. Il offre aussi une vue d’ensemble de l’expérience canadienne récente des élections consultatives. Des renseignements pertinents sur la question constitutionnelle sont aussi fournis sous une rubrique distincte.

 

A. Contexte institutionnel

Durée du mandat

Depuis plusieurs décennies, la mise en place de mandats limités pour les sénateurs fait partie intégrante des discussions sur la réforme du Sénat et de propositions en ce sens[3]. Ce fut le cas particulièrement lorsque le Sénat lui-même s’est engagé dans la discussion. La principale différence est que les premiers rapports proposent des réformes pour un Sénat nommé, y compris des nominations à durée limitée, alors que les plus récents proposent un Sénat élu, ce qui signifie normalement un mandat limité en raison du système électoral.

En 1965, la première limite – fixant une date de retraite obligatoire pour les sénateurs qui atteignent l’âge de soixante-quinze ans (alors qu’ils étaient nommés à vie auparavant) – est fixée par une modification de la Constitution. En 1972, une recommandation du Comité spécial mixte sur la Constitution du Canada (Comité Molgat – MacGuigan) demande que l’âge de la retraite obligatoire pour les sénateurs soit ramené à soixante-dix ans[4]. Huit ans plus tard, soit en 1980, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles plaide en faveur d’un Sénat nommé, plutôt qu’élu, mais affirme que les sénateurs « seraient nommés pour dix ans »[5]. Le mandat pourrait être renouvelé pour cinq ans sur recommandation (par scrutin secret) d’un comité spécial du Sénat. En 1981, un groupe de travail de la Canada West Foundation s’est dissocié des études précédentes en appuyant le principe d’un Sénat élu. Dans son rapport, rédigé par Ernest C. Manning en collaboration avec Peter McCormick et Gordon Gibson, deux universitaires ayant témoigné devant le Comité, le groupe de travail recommande que le mandat du Sénat « corresponde à la durée de vie d’une législature » (recommandation 7) et que celui des sénateurs « corresponde à la durée de deux législatures » (recommandation 8)[6].

Dans son rapport de 1984, le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la réforme du Sénat (Comité Molgat-Cosgrove) recommande que les sénateurs soient élus pour un mandat non renouvelable de neuf ans. Selon le Comité mixte, le rôle premier du Sénat est de fournir une représentation régionale et « seule l’élection directe peut permettre au Sénat de bien remplir ce que nous jugeons son rôle primordial »[7]. Le Comité mixte spécial préfère un mandat unique parce qu’à son avis, cela permettrait aux sénateurs d’être plus indépendants des partis politiques et leur éviterait de s’occuper des dossiers des circonscriptions, tâches déjà assumées par les députés. Ainsi, ils pourront donc consacrer le meilleur de leurs énergies aux travaux du Sénat et de ses comités[8]. Le Comité mixte a eu de la difficulté à fixer la durée du mandat, mais les membres se sont finalement entendus sur un mandat de neuf ans et l’élection aux trois ans d’un tiers des sénateurs « afin d’assurer plus de continuité au Sénat », d’accroître l’indépendance des sénateurs, et de leur donner l’occasion d’être complètement efficaces en tant que législateurs et représentants régionaux[9].

En 1992, le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur le renouvellement du Canada (Comité Beaudoin-Dobbie) dépose son rapport, Un Canada renouvelé, dans lequel il répond aux propositions du gouvernement du Canada de renouveler la Constitution. L’un des grands thèmes abordés dans les recommandations du Comité mixte est la nécessité d’améliorer la représentation et la capacité régionales – notamment des régions de l’Atlantique et de l’Ouest canadien – au sein des institutions du gouvernement central. Si, de l’avis du Comité mixte, la capacité du Sénat de tenir son rôle premier de représenter les régions n’est pas accrue, le Sénat n’aura plus sa raison d’être[10]. Dans cette optique, le Comité mixte demande que les sénateurs soient élus selon la représentation proportionnelle par la population canadienne. Pour distinguer les sénateurs des députés, le Comité recommande que les élections aux deux chambres se tiennent séparément, et que les sénateurs aient un mandat fixe de six ans tout au plus. Le Comité mixte rejette l’idée des mandats échelonnés parce qu’il estime qu’un système électoral fondé sur la représentation proportionnelle « donne de meilleurs résultats lorsqu’il y a un nombre relativement élevé de candidats, alors que chaque élection ne viserait à combler qu’une fraction des sièges au Sénat si les mandats étaient échelonnés »[11]. Le Comité mixte recommande un mandat de six ans parce que « de longs mandats contribueraient à isoler les sénateurs de leurs électeurs et à réduire leur crédibilité »[12]. Le Comité mixte ne s’est pas prononcé sur la question des mandats renouvelables ou non renouvelables.

Des gens de l’extérieur du Sénat proposent aussi qu’il y ait une limite à la durée du mandat à la Chambre haute. À titre d’exemple, l’Alberta Select Committee on Senate Reform recommande en 1985 que les sénateurs soient élus directement lors des élections provinciales, et qu’ils aient un mandat correspondant à la durée de deux législatures de la province qu’ils représentent. De plus, le gouvernement du Canada présente au fil des ans plusieurs importantes propositions, dont le projet de loi C‑60 (1978) qui aurait fixé des mandats coïncidant avec l’intervalle entre les élections fédérales et les élections provinciales, et, plus récemment, le Livre blanc fédéral de 1991 qui propose un Sénat élu[13]. D’autres propositions ont aussi été formulées qui visaient d’autres aspects du Sénat; ainsi, le gouvernement a présenté en 1985 une résolution visant à autoriser une modification constitutionnelle afin de ramener les pouvoirs du Sénat à un veto suspensif, lui permettant seulement de retarder de 30 jours les projets de loi à incidence financière et de 45 jours les autres projets de loi.

Les conclusions de tous les exercices de renouvellement de la Constitution, fondées sur une étude sérieuse et des consultations avec des citoyens, des universitaires et autres, abondent dans le même sens et appuient une certaine forme de limitation de la durée du mandat des sénateurs. Malgré les divergences dans certains domaines et un désaccord manifeste dans d’autres, il faut noter que presque tous ceux qui ont examiné cette question partagent le même avis.

 

Élections consultatives

Les tentatives visant à modifier la Constitution (notamment la réforme du Sénat) n’ayant pas été fructueuses dans les années 1980 et au début des années 1990, les partisans d’une réforme importante du Sénat ont examiné des options qui permettaient d’éviter de recourir à des modifications officielles de la Constitution. De plus, les partisans du Sénat triple E (élu, égal et efficace), formule que l’Alberta préconise depuis le milieu des années 1980, ont soutenu qu’on pourrait au moins mettre en place un Sénat élu sans modification constitutionnelle[14]. Des élections pourraient être tenues dans le but de choisir les « candidats » et le premier ministre pourrait automatiquement nommer les gagnants des élections, sans modifier la prescription constitutionnelle qui accorde au gouverneur général le pouvoir de nommer les sénateurs (par convention, il le fait à la demande du premier ministre). Ainsi, le Sénat nommé existant serait graduellement remplacé par un organisme composé de sénateurs élus.

En 1989, le gouvernement de l’Alberta promulgue le Senatorial Election Act, et, le 16 octobre, tient une élection remportée par M. Stan Waters. En juin 1990, alors que le gouvernement fédéral essaie d’empêcher le rejet de l’Accord constitutionnel du lac Meech, il s’est laissé convaincre de nommer M. Waters au Sénat. Il convient de noter que la constitutionnalité de cette démarche n’a jamais été examinée par la Cour suprême. Comme l’illustrent les témoignages des experts entendus par le Comité, le débat se poursuit parmi les intellectuels pour savoir si la tenue d’élections consultatives serait conforme aux exigences de la procédure de modification constitutionnelle, dans l’article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui stipule qu’il faut une modification constitutionnelle, ratifiée par le Parlement national et les assemblées législatives d’au moins sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population de toutes les provinces, pour changer (entre autres choses) « le mode de sélection des sénateurs ». Des élections consultatives ne modifieraient en rien le pouvoir officiel de nommer les sénateurs, mais fourniraient au premier ministre une nouvelle base sur laquelle se fonder pour faire la sélection. On peut donc se demander si cela change le mode de sélection des sénateurs ou non. Ainsi, la nomination de M. Waters par Brian Mulroney en 1990 s’est produite quelque six mois après l’élection sénatoriale albertaine, et le premier ministre ne s’est pas reporté au bassin de candidats pour nommer par la suite un autre sénateur de l’Alberta (sénateur Ron Ghitter, 1993).

D’autres élections ont été tenues en Alberta en 1998, mais le premier ministre Jean Chrétien a refusé de s’en servir pour choisir les sénateurs, tout comme le premier ministre Paul Martin en 2004. En revanche, le programme électoral de 2006 du Parti conservateur prévoit créer un processus national pour choisir des « sénateurs élus » dans chaque province et territoire. Cet engagement a été repris en des termes plus précis dans le discours du Trône du 4 avril 2006, qui indique que le gouvernement « cherchera des moyens qui permettraient au Sénat de mieux refléter les valeurs démocratiques des Canadiens et les besoins des régions du pays »[15]. Lors de son témoignage devant le Comité, le premier ministre Harper a donné plus de détails sur les projets du gouvernement (voir « Témoignages devant le Comité »).


 

Réforme de la Chambre des lords au Royaume-Uni – Note

Comme l’indiquent clairement le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 et les observations des Pères de la Fédération lors des débats menant à sa création, le régime politique établi au Royaume-Uni sert de modèle global à celui du Canada. Dans le cas du Sénat, d’importantes adaptations à deux réalités distinctes ont été nécessaires : l’existence d’un régime fédéral qui reflète l’importance du particularisme régional, et l’absence d’une aristocratie foncière. Le Sénat a donc toujours été une institution typiquement canadienne, et les pratiques ou les options de réforme conçues pour les chambres hautes d’autres pays doivent donc être évaluées soigneusement.

Malgré les différences entre le Royaume-Uni et le Canada, il convient de noter que la réforme de la Chambre des lords britannique s’est révélée être une question importante pour le Royaume-Uni ces dernières années, pour des raisons que les participants au débat sur la réforme du Sénat au Canada connaissent bien. Mais surtout, les préoccupations concernant la légitimité (et l’efficacité qui en résulte) d’un organisme élu dans le cadre d’un processus politique démocratique n’ont cessé de croître. Par conséquent, on a présenté plusieurs propositions relatives à l’élection d’une partie ou de la totalité des membres de la Chambre des lords au fil des ans.

En 1997, le gouvernement travailliste a entamé un processus visant à apporter d’importants changements à la Chambre des lords[16]. Après la publication en janvier 1999 d’un Livre blanc intitulé Modernising Parliament:  Reforming the House of Lords (La modernisation du Parlement : La réforme de la Chambre des lords), le gouvernement a mis sur pied une commission, présidée par Lord Wakeham, chargée d’examiner les propositions de réforme exhaustive. En attendant les conclusions de la Commission, il a adopté le House of Lords Act, 1999 (Loi sur la Chambre des lords de 1999), qui retirait le droit de siéger à la Chambre haute à tous les lords, sauf 92 membres héréditaires (ils étaient auparavant presqu’au nombre de 700). La Commission Wakeham (qui a fait son rapport en 2000), les comités parlementaires qui ont suivi et le gouvernement lui-même ont par la suite présenté des propositions encore plus ambitieuses, dont l’élection d’une partie ou de la totalité des lords. Cependant, l’opposition entre les deux camps s’est accentuée au fil du débat, et la réforme a abouti à une impasse. De façon générale, les lords ont rejeté les propositions électorales, tandis que les simples députés dissidents se sont opposés aux projets de nomination ou d’option mixte proposés par le gouvernement.

En février 2005, un groupe de travail multipartite non officiel, composé de parlementaires britanniques chargés de compléter les éléments de consensus dégagés avec le temps, publie un rapport contenant de nombreuses recommandations pratiques[17]. Le groupe de travail britannique a accepté la proposition d’élire 70 p. 100 des membres de la Chambre des lords aux élections devant se tenir dans les régions existantes du Royaume-Uni, au moyen d’un mode de scrutin à vote unique transférable, afin de maximiser le choix de l’électeur. Des élections auraient lieu en même temps que les élections générales, et le mandat correspondrait normalement à trois mandats de la Chambre des communes, ou environ 12 ans. Il s’agirait de mandats non renouvelables, ce que les auteurs du rapport considèrent un principe important pour l’indépendance de la Chambre proposée, et le rôle distinctif de ses membres qui ne sont pas des politiciens de carrière.

 

B. Contexte constitutionnel

Quand le projet de loi a été présenté au Sénat, le gouvernement a soutenu que le processus de modification prévu à l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 est applicable. Cet article énonce que le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relative au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes, sous réserve des articles 41 et 42 de la Loi. L’article 41 énumère les questions dont la modification exige l'unanimité de toutes les provinces et du Parlement. Les alinéas b) et c) du paragraphe 42(1) énumèrent quatre exceptions aux pouvoirs que l’article 44 confère au Parlement. Ils disposent que si une modification touche le mode de sélection des sénateurs, les pouvoirs du Sénat, la répartition des sièges du Sénat ou les conditions de résidence que doivent remplir les sénateurs, il faut l'assentiment d’au moins sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population de toutes les provinces. Ce processus de modification est prévu au paragraphe 38(1) de la Loi de 1982.

L’article 44 a remplacé le paragraphe 91(1) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qui prévoyait le pouvoir exclusif du Parlement de modifier la Constitution du Canada. Le paragraphe 91(1) conférait au Parlement de vastes pouvoirs de modification de la Constitution, sauf pour cinq grandes exceptions[18]. Il convient de souligner que le Parlement a invoqué cette disposition en 1965 afin d’éliminer la nomination à vie des sénateurs et d’imposer la retraite obligatoire à l’âge de 75 ans. En vertu du paragraphe 91(1), l’assentiment des provinces n’était pas requis pour adopter cette modification, de sorte que le Parlement a pu agir seul pour le faire.

En 1996, le processus de modification générale prévu au paragraphe 38(1) a été assujetti à la Loi sur le veto régional, qui interdit à un ministre fédéral de formuler une résolution de modification constitutionnelle à moins d’avoir obtenu au préalable le consentement de certaines provinces[19]. Il doit ainsi obtenir le consentement de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique; d’au moins deux provinces de l’Atlantique comptant au moins 50 p. 100 de la population totale de cette région provinces; et d’au moins deux des trois provinces des Prairies représentant au moins 50 p. 100 de la population totale de cette région. Puisque que l’Alberta compte dorénavant plus de 50 p. 100 de la population des provinces des Prairies, son consentement est requis afin de modifier la Constitution. Selon M. Monahan, qui a aussi témoigné devant le Comité à titre d’expert, la Loi sur le veto régional fait dorénavant que ce n’est plus 50 p. 100 de la population qui doit consentir à une modification de la Constitution en vertu du paragraphe 38(1), mais bien 92 p. 100[20]. La Loi ne s’applique pas aux modifications constitutionnelles à l’égard desquelles les provinces ont un droit de veto en vertu des articles 41 ou 43, ou un droit de désaccord en vertu du paragraphe 38(3).

La Loi n’impose des restrictions qu’aux ministres qui présentent des résolutions du Parlement visant à modifier la Constitution. Elle n’interdit pas à d’autres de présenter une résolution sans le consentement provincial voulu et elle n’empêche pas le Parlement d’adopter une telle résolution[21].

Les modifications apportées en vertu de l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 ne sont pas assujetties à la Loi sur le veto régional, puisqu’il est question dans cet article de modifications proposées par voie de mesure législative et non de résolution. La Loi sur le véto régional s’applique spécifiquement aux résolutions.

Le projet de loi S‑4 ne semble pas avoir d’incidence sur le Sénat selon les modalités envisagées à l'article 42, qui précise les questions pour lesquelles il faut avoir recours à la formule de modification prévue au paragraphe 38(1) de la Loi de 1982. Le libellé de l'article 42 ne fait aucune allusion à la durée du mandat des sénateurs. La plupart des témoins estimaient donc que le Parlement a la capacité d'agir seul pour réduire la durée du mandat des sénateurs, comme le propose  le projet de loi S‑4 et comme on le verra plus loin, c’est ainsi qu’ils ont interprété les dispositions modificatrices de la Constitution.

Une autre option a suscité des points de vue divergents quant à la capacité du Parlement d’agir seul, comme le propose le projet de loi S-4. Cette option veut que  lorsque la modification proposée à la Loi constitutionnelle de 1982 est de nature à modifier une caractéristique fondamentale ou essentielle du Sénat ou à entraver le fonctionnement du Sénat comme « lieu de réflexion indépendante », l'assentiment des provinces est nécessaire. Ceux qui souscrivent à cette option se réfèrent au jugement rendu en 1980 par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Chambre haute[22]. Dans ce jugement, la Cour a commenté les répercussions éventuelles d'une réduction de la durée du mandat des sénateurs. D'après elle, le Parlement ne serait pas en mesure d'agir sans la participation des provinces si la réduction du mandat était de nature à entraver le deuxième coup d’œil attentif envisagé pour le Sénat par les rédacteurs de la Constitution. De façon plus générale, la Cour a déclaré que le Parlement agissant seul ne pourrait pas apporter de modifications portant atteinte « aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat pour assurer la représentation régionale et provinciale dans le système législatif fédéral ». Comme on le verra plus loin, seuls quelques témoins souscrivent à cette option, et ils ne s’entendent pas quant aux répercussions sur le projet de loi S‑4.

 

Le Renvoi relatif à la Chambre haute – Un aperçu

Dans le Renvoi relatif à la Chambre haute, la Cour a examiné différentes options de réforme du Sénat que lui avait soumises le gouvernement fédéral. Entres autres, elle devait décider si le Parlement, à lui seul, pouvait :

  • abolir le Sénat;
  • changer la méthode de sélection des sénateurs afin que certains puissent être choisis par les assemblées législatives provinciales, certains par la Chambre des communes et certains par les lieutenants-gouverneurs en conseil ou soit « un ou plusieurs organismes »;
  • changer la méthode de sélection des sénateurs pour qu’ils soient élus au suffrage direct; et
  • réduire la durée du mandat des sénateurs.

La Cour était d'avis que le Parlement ne pouvait agir seul, sans le consentement des provinces, pour abolir le Sénat. L'importance de cette partie du jugement va au-delà de la conclusion sur cette question particulière. Les observations de la Cour sur la nature, la fonction et l'importance du Sénat au sein de la Confédération étaient d'une importance cruciale au regard de ses conclusions dans les autres parties du jugement.

Pour arriver à la conclusion que le Parlement ne pouvait abolir de son propre chef le Sénat, la Cour a adopté une interprétation étroite de l'expression « la Constitution du Canada », au paragraphe 91(1) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB), qui, à l'époque, habilitait de façon exclusive le Parlement à modifier la Constitution sous réserve de certaines exceptions.[23] Lorsque la Constitution du Canada a été rapatriée, cette disposition a été remplacée par l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La Cour a déclaré que le pouvoir de modifier la Constitution du Canada était limité « à ce qui concerne uniquement le gouvernement fédéral ». Dans un commentaire au sujet du Renvoi relatif à la Chambre haute, le professeur P. W. Hogg a fait observer que cette nouvelle limite du pouvoir de modification – qu’il soit limité « à ce qui concerne uniquement le gouvernement fédéral » – est la clé qui permet de comprendre le jugement[24]. Il y est reconnu implicitement que les provinces ont un intérêt dans le Sénat, bien que ce dernier fasse partie de la Constitution fédérale et soit l'une des institutions du gouvernement fédéral.

La Cour a ensuite longuement expliqué le rôle envisagé pour le Sénat au moment de la Confédération : assurer une représentation aux régions moins populeuses du Canada en accordant une représentation égale à toutes (trois à l'époque), afin de contrebalancer la représentation proportionnelle de la population à la Chambre des communes[25]. Cet aspect du jugement expose également le contexte des opinions et du commentaire de la Cour sur les autres questions qui lui ont été renvoyées.

La Cour n'a pas voulu répondre à la série de questions portant sur le choix des sénateurs par les assemblées provinciales et la Chambre des communes car elle ne disposait pas du contexte factuel voulu. Elle a néanmoins déclaré sans équivoque que le Parlement ne pouvait modifier la Constitution pour permettre l’élection directe des sénateurs car il s'agirait là d'un « changement radical dans la nature d'un des organes du Parlement[26] ». La Cour s'est dans une large mesure reportée au préambule de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (qui figure maintenant dans la Loi constitutionnelle de 1867), qui énonce que le Canada aura « une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni », ce qui signifiait qu'une chambre haute, instituée sur le modèle de la Chambre haute britannique, ne pouvait pas être un organe élu.

La Cour a également refusé de répondre à la question touchant la durée du mandat des sénateurs car le gouvernement n'avait pas proposé d'échéance précise. Tout en s'abstenant de répondre à la question, elle a néanmoins indiqué qu'une réduction de la durée des fonctions « pourrait nuire au bon fonctionnement du Sénat » en tant qu’organe chargé de jeter « un deuxième coup d'œil attentif » aux textes de loi. Dans cette partie du jugement, elle a également fait observer que, dans la Loi constitutionnelle de 1867, on envisageait une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni, où les membres de la Chambre haute sont nommés à vie. Par ailleurs, elle a aussi exprimé le point de vue que l'imposition de la retraite obligatoire à l’âge de 75 ans, par une modification apportée à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) en 1965, n'avait pas modifié le caractère essentiel du Sénat. Cette modification avait été apportée par le Parlement sans qu’il demande l’assentiment des provinces, comme nous l’avons souligné précédemment.

De façon plus générale, la Cour a déclaré que le Parlement à lui seul ne pouvait adopter de modifications à la Constitution qui changent le caractère fondamental du Sénat ou qui portent atteinte à ses caractéristiques essentielles[27].

L'un des éléments critiques de la décision a été l'interprétation étroite donnée par la Cour à l'expression « la Constitution du Canada », au paragraphe 91(1) de l’AANB. La Cour a limité le pouvoir de modification « à ce qui concerne uniquement le gouvernement fédéral ». À son avis, il s'ensuivait que les modifications constitutionnelles touchant les caractéristiques essentielles du Sénat n'intéressaient pas uniquement le gouvernement fédéral, les provinces ayant un intérêt dans une réforme aussi fondamentale. Par conséquent, le Parlement ne pouvait agir unilatéralement afin de changer le caractère fondamental du Sénat au moyen d'une modification constitutionnelle. Il convient de noter que l'expression « la Constitution du Canada » se trouve également à l'article 42, ce qui soulève la question de savoir si cette utilisation doit recevoir la même interprétation étroite que celle donnée par la Cour relativement au paragraphe 91(1) de l’AANB.

Finalement, la Cour s'est abstenue d'indiquer si le Parlement pouvait réduire unilatéralement la durée du mandat des sénateurs étant donné qu'aucune échéance n'avait été précisée dans le Renvoi. Elle a seulement déclaré qu'au-delà d'un certain point, une réduction de la durée du mandat des sénateurs pourrait entraver le rôle envisagé pour le Sénat au moment de la Confédération. Cela pourrait par conséquent modifier une de ses caractéristiques essentielles, d'où la nécessité du consentement des provinces.

Il convient de souligner que l’une des dispositions du préambule du projet de loi S‑4 rappelle les propos de la Cour. On pourrait en déduire que le gouvernement, quand il a élaboré le projet de loi, était conscient du risque de modification d’une caractéristique essentielle ou fondamentale du Sénat et a voulu confirmer ces caractéristiques, plutôt que les changer ou y nuire. Le projet de loi S‑4 prévoit :

Que le Parlement entend préserver les caractéristiques essentielles du Sénat, lieu de réflexion indépendante, sereine et attentive au sein de la démocratie parlementaire canadienne.

 

TÉMOIGNAGES DEVANT LE COMITÉ

Lors de sa comparution devant le Comité, le premier ministre Harper a confirmé que le projet de loi S‑4 a été conçu en tant que mesure législative indépendante de toute autre, afin d’accroître la légitimité du Sénat et de remplir, en partie du moins, l’engagement du gouvernement en ce qui concerne la réforme de l’institution. Il se peut que d’autres mesures suivent, peut-être dès cet automne.

M. Harper a présenté le projet de loi comme un changement qui accroîtra la légitimité du Sénat : « une réforme modeste mais constructive [qui] ne promet pas une réforme intégrale du Sénat et n’assurera pas la réforme comme telle, mais […] représente déjà un changement constructif en limitant à huit ans la durée du mandat des sénateurs ».(2:7)

Le premier ministre a d’ailleurs aussi parlé d’une autre étape prévue : « Pour franchir une étape supplémentaire de son engagement de rendre le Sénat plus efficace et plus démocratique, le gouvernement espère présenter à la Chambre cet automne un projet de loi ayant pour objet d’instaurer un processus de sélection des sénateurs élus ».(2:8) Au cours des discussions qui ont suivi, il a été question d’un « processus national » offrant « la capacité de consulter la population avant de procéder à des nominations au Sénat ». (2:13)

Vu la situation, le Comité a demandé l’avis de témoins experts concernant les répercussions éventuelles du projet de loi S‑4 s’il est adopté seul, mais aussi sur l’incidence prévisible si des élections consultatives sont mises en œuvre. Le lecteur trouvera ci-après un examen des témoignages recueillis par le Comité, ainsi que des recommandations visant ces points et d’autres questions connexes.

 

Mandat d’une durée limitée

Un mandat de huit ans pour les sénateurs aura pour conséquence directe d’augmenter le roulement au Sénat, à mesure que les sénateurs en place partiront à la retraite et seront remplacés par des sénateurs nommés pour huit ans. L’argumentation du premier ministre en faveur du projet de loi reposait en grande partie sur le fait que ce changement constituerait en soi une amélioration : « Le fait que les sénateurs puissent être, et qu’ils soient à l’occasion, nommés pour des périodes de 15 ans, de 30 ans, voire de 45 ans n’est plus acceptable à l’heure actuelle pour la plupart des membres de la grande collectivité canadienne ».(2:7) Il a ajouté que le mandat de huit ans accroîtra la crédibilité du Sénat aux yeux des Canadiens puisqu’il réduira le danger de « sclérose » et d’une efficacité réduite de la part de sénateurs qui sont en poste depuis trop longtemps.(2:13-13)  Cependant, le premier ministre a aussi souligné que le gouvernement est prêt à faire preuve de souplesse et à accepter des amendements au projet de loi S‑4, par exemple en adoptant un mandat d’une durée de six ans, huit ans, voire neuf ans.(2 :7)

D’autres témoins ont formulé des arguments semblables. Ainsi, Leslie Seidle, chercheur principal associé, Institut de recherche en politiques publiques, estime que le roulement accru entraînera un plus vif brassage d’idées et de positions.(1:32) Un autre témoin, Roger Gibbins, président-directeur général, Fondation Canada Ouest, a conclu qu’un mandat de huit ans aura pour effet de revigorer le Sénat, ce qui sera à l’avantage des Canadiens. (mémoire, p. 3) Il a affirmé que le Sénat doit évoluer et que l’établissement d’un mandat de huit ans est une mesure de départ appropriée, bien que modeste, mais qu’elle jouira d’un vaste appui auprès de la population.

Le ministre des Affaires internationales et intergouvernementales en Alberta, l’honorable Gary Mar, a affirmé que le gouvernement de l’Alberta pourrait appuyer le mandat de huit ans. Il a souligné toutefois qu’un mandat à durée fixe ne change en rien la composition et la structure fondamentalement non démocratiques du Sénat et que l’Alberta appuie le projet de loi S‑4 uniquement en raison de la nature du texte législatif, lequel est censé être la première d’une série de mesures s’inscrivant dans le cadre d’une réforme plus vaste que le gouvernement albertain estime essentielle.(3:65) 

Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes du Québec, l’honorable Benoît Pelletier, a aussi précisé que le Québec ne s’oppose aucunement au projet de loi et considère que le mandat de huit ans est une des mesures limitées de réforme institutionnelle qui peuvent être prises unilatéralement à l’échelon fédéral.(5:90-91) Toutefois, M. Pelletier a surtout parlé de l’importance du Sénat comme institution fédérale et du fait que le Québec s’oppose à l’unilatéralisme fédéral dans tout secteur (comme un Sénat élu) dont il juge qu’il nécessite l’accord des provinces. La position de l’Ontario diffère de celle de l’Alberta et du Québec : l’honorable Marie Bountrogianni, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable du Renouveau démocratique de l’Ontario, a affirmé que le projet de loi S‑4 devait être vu comme une première étape dans un processus de réforme qui entraînera inévitablement des négociations constitutionnelles; elle a donc exhorté le gouvernement du Canada à y renoncer puisqu’il reste d’autres priorités à régler, comme les infrastructures et les services de garde.(5:53)

Le Comité a aussi reçu des lettres de représentants de deux provinces et d’un territoire en réponse à une invitation lancée à toutes les compétences de faire part de leurs vues. L’honorable Danny Williams, premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, n’a pas parlé du projet de loi S‑4 en particulier, mais a formulé des inquiétudes quant à une réforme morcelée et souligné que les provinces et les territoires doivent participer aux discussions touchant la modification d’importantes caractéristiques du Sénat. L’honorable Harry Van Mulligen, ministre des Relations gouvernementales de la Saskatchewan, a rejeté dans l’ensemble l’idée d’une réforme graduelle et s’est prononcé en faveur d’un Sénat élu, efficace et représentatif. Il a exprimé des inquiétudes au sujet de changements qui accroîtraient la légitimité apparente du Sénat sans assurer qu’il demeure efficace et démocratique, et il a réclamé un processus qui convierait les Canadiens à un dialogue servant à définir le but d’une réforme complète. L’honorable Joe Handley, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, a remercié le Comité de son intérêt, mais a ajouté que la réforme du Sénat n’est pas une priorité de son gouvernement pour l’instant.

Selon un autre témoin qui s’est élevé contre le projet de loi S‑4, cette mesure n’apporte pas suffisamment de changements, et il faudrait plutôt procéder à une réforme exhaustive (entraînant des négociations constitutionnelles). Ainsi, John Whyte, de l’Institut de politiques publiques de la Saskatchewan, a conclu son témoignage en réclamant une réforme du Sénat plutôt que ce seul geste.(4:57) Dans le même ordre d’idée, Peter McCormick, président du Département des sciences politiques, Université de Lethbridge, a affirmé que la nomination de sénateurs pour des mandats de huit ans, sans autre forme de changement, n’apportera pas de réelle amélioration.(4:17)

Plusieurs témoins ont avancé que sans élections, le mandat de huit ans aura simplement pour effet d’accroître le pouvoir du premier ministre en augmentant le nombre de nominations que ce dernier pourra faire. Comme l’a dit Philip Resnick, président du Département de science politique à l’Université de Victoria, tout en admettant l’intérêt des mandats de durée fixe : « Comme les nominations au Sénat relèvent du premier ministre de l’heure, tout premier ministre à la tête d’un gouvernement majoritaire restant au pouvoir durant deux mandats ou plus, comme l’ont été les gouvernements Chrétien, Mulroney et Trudeau, pourrait veiller à ce que le Sénat, à la fin de son mandat, soit totalement  composé de sénateurs de sa propre affiliation politique, Libéral ou Conservateur, et nommés par lui ».(mémoire, p. 2) M. Resnick s’est dit peu convaincu que cette limitation du mandat entraîne une réelle amélioration, à moins que les nominations futures ne soient soumises à des consultations. Il s’est en outre montré sceptique quant à la possibilité de réaliser le changement constitutionnel qui s’impose selon lui (voir plus loin la rubrique « Élections consultatives »).

D’autres témoins ont exprimé des préoccupations au sujet de l’incidence du mandat de huit ans si le premier ministre continue de nommer les sénateurs. Ainsi, Gordon Gibson, attaché supérieur de recherche en études canadiennes, Institut Fraser, a dit craindre une montée du cynisme si le mandat de durée fixe, dans le contexte d’un Sénat nommé, est vu comme une mesure qui perpétue le favoritisme. Selon lui, il est pratiquement impensable de vouloir adopter le projet de loi S‑4 sans prévoir d’élections (4:8) et il a terminé son introduction en offrant le conseil suivant :

Il ne faudrait plus étudier le projet de loi S‑4 ni le mettre aux voix sans y ajouter et y intégrer des mesures législatives connexes relativement à des élections consultatives.(4:12)

Des témoins ont exprimé une préférence pour des mandats d’une durée autre que huit ans. Pour certains, il ne s’agissait pas tant d’assurer un équilibre entre le taux de roulement et la permanence que de pouvoir choisir le meilleur moment pour la tenue d’élections (voir plus loin, sous la rubrique « Élections consultatives », une recommandation visant des mandats de neuf ans). Nombre de témoins, dont Janet Ajzenstat, professeur émérite des Sciences politique, Université McMaster, et Andrew Heard, professeur agrégé, Département de science politique, Université Simon Fraser, lorsqu’ils se sont penchés sur le projet de loi S‑4 pris comme mesure unique, ont affirmé qu’un mandat de huit ans était une période trop courte qui menaçait d’amoindrir la puissante mémoire institutionnelle que crée la présence prolongée des sénateurs et qui confère au Sénat actuel un avantage qui lui est propre. (1:70-71)  M. Heard, qui a recommandé un mandat de 12 ans, a présenté des données qui montrent que les présidences de comité et les autres charges de dirigeants au Sénat sont principalement occupées par des sénateurs en poste depuis 12 ans ou plus, ce qui reflète l’existence d’un système sous-jacent d’ancienneté qui reconnaît le temps nécessaire pour acquérir des connaissances sur l’institution et les questions de fond.(3:36-37)  

Ce sont des préoccupations semblables qui ont poussé Stephen A. Scott, professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université McGill, à proposer des mandats d’une plus longue durée comme solution innovatrice à un problème qui préoccupait nombre de témoins : il se peut qu’il existe entre un Sénat nommé et un Sénat élu des différences d’une ampleur telle, sur le plan de l’objectif et du fonctionnement, qu’un mandat jugé opportun pour un  modèle ne conviendra peut-être pas à l’autre. M. Scott a recommandé d’amender le projet de loi S‑4 afin de prévoir des mandats de neuf ans, ou mieux encore de 11 ans, et, quand un processus électoral acceptable aura été adopté, des mandats plus courts (qui conviennent mieux à un Sénat élu) qui entreront en vigueur sur adresse commune du Sénat et de la Chambre des communes.(5:65)

Gerald Baier, professeur invité du bicentenaire canadien à l’Université Yale, a présenté au Comité des données sur la fréquence des états de service de très longue durée au Sénat sous sa forme actuelle et sur les changements qu’opéreraient des mandats de huit ans. Selon M. Baier, un seul sénateur a été en poste pendant 45 ans ou plus et 28 sénateurs ont été en poste pendant 35 ans ou plus. Tous ont été nommés avant 1965, date à laquelle l’âge de retraite obligatoire a été adopté. Seulement huit sénateurs, nommés depuis 1965, ont occupé leur fonction pendant 30 ans ou plus. Fort de ces données, M. Baier a affirmé que les mandats excessivement longs au Sénat ne constituent pas un véritable problème; en effet, à l’heure actuelle, les sénateurs siègent en moyenne 11 ans seulement, ce qui n’est pas beaucoup plus long que le mandat de huit ans proposé. Cependant, un mandat fixe aura pour effet de limiter le nombre déjà restreint de sénateurs chevronnés ayant une longue ancienneté, au risque de priver le Sénat d’une partie de ce qui fait sa force et son caractère distinct.(mémoire, p. 4) M. Seidle a aussi affirmé que le mandat fixe aura peu d’incidence sur la durée moyenne du service, mais estime, contrairement à M. Baier, que toute modification de la Constitution visant à empêcher les longs mandats ne saurait être prise à la légère.

 

Renouvellement

Plusieurs témoins ont soutenu que les avantages éventuels du mandat de huit ans seront accompagnés d’inconvénients de taille à moins que le renouvellement possible, envisagé dans le projet de loi S‑4, ne soit assorti d’un processus électoral servant à orienter la nomination des sénateurs. Ils ont affirmé que, si le processus de nomination actuel reste en place, les sénateurs qui souhaitent être reconduits dans leurs fonctions risquent d’avoir moins d’indépendance et de taire leurs critiques à l’égard du gouvernement vers la fin de leur mandat. Mme Ajzenstat a été catégorique : « […] car cela peut donner à penser que certains sénateurs n’agissent pas de façon indépendante parce qu’ils se préoccupent d’obtenir un deuxième ou un troisième mandat ».(1:70) MM. Baier et Seidle ont partagé cette préoccupation et ce dernier a recommandé, tout comme M. McCormick, d’amender le projet de loi S‑4 afin que les mandats ne soient pas renouvelables.(4:20)

M. Heard s’est également prononcé contre les mandats renouvelables qu’il juge susceptibles de menacer l’indépendance de chacun des sénateurs, ainsi que de l’ensemble du Sénat.(3:38) Il a d’ailleurs présenté à l’appui de sa position des données qui indiquent, au Sénat, des niveaux d’indépendance relativement élevés face aux pressions partisanes : ainsi, dans 62 p. 100 des 125 votes au Sénat entre 2001 et 2005, au moins un sénateur a voté contre la position du chef du caucus ou s’est abstenu, et seulement 34 p. 100 des sénateurs ont voté selon la ligne de parti dans tous les scrutins tenus pendant cette période. Toutefois, lorsqu’interrogé sur la question, M. Heard a admis que l’indépendance des sénateurs, durant cette période, n’a jamais abouti au rejet d’un projet de loi du gouvernement.

Selon le premier ministre Harper, les effets d’un renouvellement de mandat sur l’indépendance des sénateurs restent à déterminer. Étant donné l’importance de l’affiliation politique dans notre système, les sénateurs ayant un mandat de huit ans dans le Sénat actuel continueront sans doute d’être motivés par la loyauté à leur parti plutôt que par des ambitions personnelles. M. Harper a ajouté qu’un processus électoral suppose la possibilité d’une réélection, si tel est le vœu des électeurs. Puisque le gouvernement a l’intention d’adopter une forme quelconque de processus électoral, on s’inquiète peut-être en vain de l’incidence du renouvellement des mandats sur des sénateurs nommés plutôt qu’élus. M. Harper a cependant ajouté que si les sénateurs s’opposent vivement au renouvellement, « le gouvernement ferait preuve de souplesse dans le contexte de cette modification ».(2:12)

Rares sont les témoins qui se sont prononcés en faveur du mandat renouvelable en l’absence d’élections. Selon C.E.S. Franks, professeur émérite de science politique à l’Université Queen’s, le renouvellement des mandats pourrait comporter un avantage puisqu’il contribuera à conserver au Sénat une de ses grandes forces, soit la sagesse et l’expérience qui caractérisent les sénateurs dans leurs travaux, grâce à leurs longues années de service. Cependant, quand il a été interrogé sur la question, M. Franks a admis qu’un mandat renouvelable, s’il n’est pas accompagné d’un processus électoral, risque « de se rapprocher du pire des scénarios ».(1:46)

Les trois ministres provinciaux qui ont comparu devant le Comité avaient trois positions distinctes sur la question du renouvellement. L’honorable Benoît Pelletier a signalé que le gouvernement du Québec s’oppose au renouvellement du mandat, afin de protéger l’indépendance des sénateurs par rapport au pouvoir exécutif. L’honorable Gary Mar, au nom de l’Alberta, s’est prononcé en faveur du mandat renouvelable, mais considérait aussi ce renouvellement comme une condition d’un processus électoral acceptable, plutôt qu’une caractéristique souhaitable d’un Sénat dont les membres sont nommés. Mme Bountrogianni, ministre de l’Ontario, ne s’est pas prononcée sur la question du renouvellement des mandats.

 

Indépendance et obligation de rendre compte

Les préoccupations concernant l’incidence d’un mandat renouvelable sur la capacité des sénateurs d’agir de façon indépendante ont poussé plusieurs témoins à parler de ce qu’envisageaient les Pères de la Fédération en 1867 quand ils ont attribué cette qualité au Sénat, ainsi que du sens que nous donnons à ce mot de nos jours. Mme Ajzenstat a expliqué que le critère sur la propriété était vu à l’origine comme une façon d’assurer cette indépendance, puisque la richesse était censée empêcher que les sénateurs puissent être soudoyés ou influencés par des offres d’argent. Selon M. Seidle, le lien que nous faisons de nos jours entre la notion d’indépendance et l’idée d’être affranchi d’une influence partisane n’était sûrement pas dans la mire des Pères de la Fédération puisque la discipline de parti qui existe de nos jours n’avait pas cours à l’époque. D’après lui, il est davantage question de nos jours d’une réflexion « différente, judicieuse, informée ». (1:58-59)  Les deux témoins ont dit craindre que le renouvellement des mandats, quelle que soit la formule adoptée, ne mine pas cette indépendance. Nombre de témoins, dont l’honorable Benoît Pelletier, ont insisté sur l’importance d’une indépendance législative par rapport au pouvoir exécutif. M. Heard a soutenu que l’indépendance que l’on attend des sénateurs de nos jours est de nature politique, c’est-à-dire la capacité pratique de voter contre la position du caucus de leur parti. Selon M. Heard, le mandat renouvelable est peut-être compatible avec l’indépendance quasi judiciaire qu’exercent certains tribunaux administratifs, mais c’est l’indépendance politique que l’on recherche aujourd’hui. Il serait plutôt singulier que le premier ministre renouvelle le mandat d’un sénateur pour le récompenser d’avoir voté contre la ligne de parti.

M. David Smith, professeur émérite à l’Université de la Saskatchewan, a voulu attirer l’attention sur la tension implicite entre l’indépendance du Sénat envisagée par les Pères de la Fédération et l’accroissement de l’obligation de rendre compte aux électeurs que souhaite le gouvernement en voulant conjuguer mandat fixe et élection consultative. Il a affirmé que l’élection : « […] lie le sénateur à une circonscription envers laquelle il serait responsable. Un tel changement modifie fondamentalement le système fédéral ainsi que la composition du Parlement telle qu’elle est énoncée par les Pères de la Fédération ». C’est la raison pour laquelle il a suggéré que l’on demande son opinion à la Cour suprême du Canada afin qu’elle tranche quant à la compatibilité des changements envisagés avec le rôle établi du Sénat comme protecteur des régions et des minorités qui agit avec une indépendance certaine par rapport au pouvoir exécutif.(mémoire, p. 2)

 

La question constitutionnelle

Les préoccupations de M. Smith, concernant le mandat renouvelable s’inscrivent dans la foulée de la grande question constitutionnelle soulevée par nos témoins experts : le projet de loi S‑4 peut-il être adopté exclusivement par le Parlement ou doit‑il aussi obtenir l’approbation d’au moins sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population de toutes les provinces?

La plupart des témoins préféraient une approche liée au texte, où l’accent serait mis sur le libellé des articles 42 et 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette approche porte que l’article 44 donne au Parlement compétence exclusive pour modifier les dispositions relatives au Sénat. Quatre questions précises qui sont soustraites à ce pouvoir ne peuvent être modifiées qu’avec l’accord des provinces. Ces quatre questions sont : les pouvoirs du Sénat, le mode de sélection des sénateurs, le nombre de représentants auquel chaque province a droit au Sénat et les conditions de résidence que doivent remplir les sénateurs. Selon cette école de pensée, le Parlement peut agir seul pour apporter des réformes au Sénat, du moment que celles-ci ne touchent pas à l’une de ces quatre questions.

Parmi les témoins experts en faveur de cette interprétation figurent les professeurs de droit constitutionnel Peter W. Hogg, universitaire en résidence, Blake, Cassels et Graydon, Patrick Monahan, doyen, Faculté de droit, Osgoode Hall et M. Scott. Comme l’a dit M. Hogg :

Il me semble que la meilleure façon d’interpréter ce qui s’est produit en 1982 est de dire que le processus l’a emporté sur le Renvoi relatif à la Chambre haute. En d’autres mots, le processus de modification de 1982 précise maintenant explicitement les domaines où le Parlement du Canada ne peut pas apporter des changements unilatéralement au Sénat, soit les quatre questions prévues à l’article 42 dont j’ai parlé précédemment. Les autres aspects du Sénat peuvent être modifiés en vertu de l’article 44.(4:36-37)

L’honorable Gérald-A. Beaudoin et Me Gérald Tremblay ont aussi adopté une variante de cette interprétation du texte de loi. Il convient de souligner que nombre de politicologues et d’autres témoins qui se sont penchés sur les questions institutionnelles ont aussi adopté cette interprétation. Comme l’a dit M. Seidle : « Dans le doute, faudrait‑il […] renvoyer [la question] à la Cour suprême du Canada? Tout d’abord, je ne crois pas qu’il y ait des doutes en ce qui concerne l’article 44 […] la formule de modification est, en termes comparatifs, fort bien libellée ».(1:37-38)

Selon la deuxième interprétation, qui a été soulignée au cours des délibérations du Comité mais n’a pas reçu beaucoup d’appui de la part des constitutionnalistes, outre les questions qui, selon la Constitution, nécessitent l’accord des provinces pour être modifiées, il existe une autre limite au pouvoir du Parlement de modifier la Constitution relativement au Sénat : le Parlement ne peut agir seul si la modification proposée aura une incidence sur les caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat. Cette interprétation tient compte de l’argumentation de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Chambre haute, examinée précédemment à la section Contexte constitutionnel.

Les témoins qui préconisent cette interprétation ont accordé une grande attention à la durée du mandat proposée dans le projet de loi S‑4, puisqu’elle risque de miner un rôle essentiel que joue le Sénat en tant que « lieu de réflexion indépendante » dans le processus législatif. Ils ont aussi étudié l’incidence possible d’un mandat renouvelable  sur une deuxième caractéristique essentielle du Sénat, soit sa relative indépendance.

M. Guy Tremblay, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, a avancé, dans un court mémoire remis au Comité, que le Parlement ne peut de son propre chef réduire la durée du mandat des sénateurs. Selon lui, il est faux de dire que l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 a supplanté le Renvoi relatif à la Chambre haute. Il estime que le projet de loi S‑4 modifierait une caractéristique fondamentale du Sénat puisqu’il aurait une incidence sur un des rôles envisagés à l’origine pour le Sénat, c’est-à-dire celui de deuxième coup d’œil attentif.

Même chez les témoins qui continuent d’attacher de l’importance au Renvoi relatif à la Chambre haute, les avis diffèrent quant à ses répercussions. Selon M. Monahan, les dispositions de modification prévues dans la Loi constitutionnelle de 1982, particulièrement celles qui visent la durée du mandat au Sénat, ont supplanté le Renvoi relatif à la Chambre haute puisqu’elles témoignent d’une tentative de codifier les questions que la Cour considère comme des « caractéristiques […] essentielles » du Sénat.(5:8) Toutefois, en agissant de son propre chef pour fixer une limite au mandat des sénateurs, le Parlement serait en conformité avec la situation qui existait avant 1980 ou 1982 (en 1965), lorsqu’il a apporté à la Constitution des modifications qui changeaient le mandat au Sénat afin de fixer l’âge de la retraite à 75 ans.

De la même façon, M. Warren Newman, avocat général, Section du droit administratif et commercial au ministère de la Justice du Canada, a souligné la pertinence toujours actuelle du Renvoi relatif à la Chambre haute. Il a signalé qu’il n’hésiterait nullement à conclure que le projet de loi est conforme à l’essence même de la procédure de modification de la Constitution prévue à l’article 44, mais il a néanmoins répondu aux questions du Comité en disant qu’il s’agit d’« un précédent très important ».(2:29) Il a souligné que le libellé des articles 42 et 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 indique clairement que tout changement aux caractéristiques essentielles du Sénat nécessitera un processus de modification constitutionnelle complexe qui mettra à contribution les provinces. Il a toutefois soutenu que depuis l’adoption du nouveau processus figurant dans la Loi de 1982, les caractéristiques essentielles du Sénat sont, en grande partie, exposées à l’article 42.(2:27) Il a ajouté qu’une interprétation des articles 42 et 44 de la Loi de 1982 qui ne tient pas compte des observations de la Cour consignées dans le Renvoi relatif à la Chambre haute, serait incomplète. Selon M. Newman, la possibilité qu’une réduction du mandat des sénateurs ait une incidence sur une caractéristique essentielle du Sénat est une question de degré qu’il faut prendre en considération pour déterminer si le recours au processus de modification plus complexe, prévu au paragraphe 38(1) de la Loi de 1982, s’impose. Ce qui serait le cas, par exemple, d’un mandat d’une durée d’un an.(2:28)

M. Heard a servi une mise en garde, disant que l’article 44 autorise le Parlement à agir seul pour réduire la durée du mandat au Sénat, mais qu’il est possible que la Cour suprême du Canada fixe certaines limites à cette exclusivité, lesquelles s’ajouteraient aux limites déjà prévues par l’article 42. La Cour pourrait puiser dans le Renvoi relatif à la Chambre haute et interdire au Parlement de modifier les caractéristiques essentielles du Sénat ou du Parlement. Étant donné les doutes soulevés concernant l’effet du Renvoi relatif à la Chambre haute sur le pouvoir exclusif de modification du Parlement et le manque d’orientation récemment par la Cour suprême du Canada, M. Heard a avancé qu’il serait prudent et préférable de supposer que le Renvoi relatif à la Chambre haute est encore valide. Autrement, le Parlement serait libre de raccourcir le mandat des sénateurs « à tel point que l’existence du Sénat n’aurait plus aucun sens ». D’après M. Heard, un mandat raccourci et renouvelable menacerait directement l’indépendance des sénateurs et modifierait une caractéristique essentielle du Sénat. Il a souligné que cet élément du projet de loi S‑4 est celui qui pose le plus grand problème sur le plan constitutionnel et, comme nous l’avons vu précédemment, il a réclamé des amendements afin de le régler.

 

Représentation de la diversité

Des témoins ont affirmé que le Sénat joue maintenant un rôle particulier dans la représentation des groupes minoritaires, particulièrement ceux qui sont habituellement sous-représentés à la Chambre des communes.(1:28) M. Franks, entre autres, craint que l’adoption d’un système électoral pour choisir les sénateurs nuise à la capacité du Sénat de représenter ces minorités, à moins que des dispositions spéciales ne soient prises pour leur assurer cette représentation. M. Seidle a fait écho à cette préoccupation mais a proposé diverses solutions partielles. Il a souligné que dans certains pays, le système de représentation proportionnelle exige que les partis politiques présentent en alternance des hommes et des femmes sur leurs listes de candidats, tandis qu’ailleurs, des sièges sont réservés aux peuples autochtones afin d’assurer leur représentation. Un autre moyen a aussi été décrit pour assurer la représentation des minorités, soit continuer de nommer les occupants de certains sièges.(1:42-43)

Certains fervents partisans d’un Sénat élu, comme l’honorable Gary Mar de l’Alberta, se sont montrés sceptiques face à la possibilité de dégager un consensus sur une formule de représentation des groupes, dans le contexte de négociations sur un processus électoral. (3:75)  M. Richard Simeon, professeur invité des études canadiennes, William Lyon Mackenzie King, Weatherhead Centre for International Affairs, Harvard University, a avancé que la représentation des minorités, qui sont, selon lui, défavorisées sur le plan électoral, est devenue un objectif légitime du Sénat, qui mérite, à ce titre, d’être renforcé, ce qui serait possible grâce à un moyen simple et relativement rapide, par exemple un processus de nomination réformée où chaque province serait dotée d’un conseil de nomination composé de députés fédéraux représentant la province, ainsi que de députés provinciaux.(4:61)

 

Élections consultatives

a) Questions institutionnelles  

Lorsqu’il a comparu le 7 septembre 2006, le premier ministre Harper a affirmé que, pour réaliser les objectifs plus vastes du gouvernement en matière d’obligation de rendre compte et de légitimité démocratique, il faudra absolument adopter un processus d’élection quelconque afin de choisir les sénateurs. À cet égard, il a déclaré que, dans le cadre des engagements pris par le gouvernement pour rendre le Sénat plus efficace et plus démocratique, une autre étape est prévue cet automne si tout va bien, soit le dépôt à la Chambre des communes d’un projet de loi permettant de créer un processus de sélection de sénateurs élus.(2:8)

De nombreux témoins ont appuyé l’idée d’un Sénat élu, avançant de façon générale que, pour être efficace dans un processus politique démocratique, le Sénat a besoin de la légitimité que confèrent les élections. Ainsi, comme l’a dit M. Whyte, tout milite en faveur d’une réforme du Sénat; dans une démocratie, le pouvoir politique doit rendre des comptes.(4:53) Il a ajouté que le fait que les sénateurs ne soient pas élus mine le Sénat sous quatre rapports : il ne reflète pas un choix démocratique; il reçoit très peu d’attention de la part des médias ou du public; la population, de façon générale, se méfie des sénateurs et ne comprend pas très bien qui ils représentent; les sénateurs n’ont pas à rendre compte aux Canadiens du travail qu’ils accomplissent. Selon M. Gibson, des élections seraient inacceptables sans limite de mandat, mais les mandats de durée limitée seraient tout aussi inconcevables en l’absence d’un système électoral.(4:9)

Le Comité a aussi recueilli des opinions sur la pertinence d’un intervalle de huit ans entre les élections consultatives. Mme Ajzenstat, professeure émérite à l’Université McMaster, était d’avis qu’il faut éviter des mandats de huit ans puisqu’ils risquent de bloquer le Sénat sur le même calendrier électoral que celui prévu pour la Chambre des communes (en vertu des projets législatifs visant des élections à date fixe), ce qui aurait tendance à donner un Sénat élu apparenté à la Chambre des communes. Elle recommande donc des mandats non renouvelables de neuf ans. Par contre, nombre de partisans d’un Sénat élu ont soutenu qu’un mandat de huit ans est trop long. Selon M. Whyte : « Une durée de six ans représente l’écart maximum qui soit acceptable entre la durée d’un gouvernement et le mandat de sénateur. Le fait d’élire la moitié des sénateurs tous les trois ans rapprocherait dans le temps la responsabilité qu’assume le gouvernement et celle des législateurs.(4:56)

Plusieurs témoins se sont prononcés sur le type d’élections consultatives qui conviendrait le mieux au Sénat. De façon générale, on accepte qu’il faut veiller sciemment à faire une distinction entre ces élections et celles visant à former la Chambre des communes, afin d’éviter le plus possible que le Sénat ne soit qu’une copie de la représentation fournie par la Chambre. De nombreux témoins ont proposé la représentation proportionnelle, par laquelle le Sénat témoignerait exactement du soutien public dont jouissent les divers partis. Ainsi, M. Simeon a insisté sur l’importance de choisir judicieusement le système électoral s’il est décidé d’opter pour un Sénat élu : la représentation proportionnelle pourrait servir à favoriser une représentation diversifiée ainsi qu’à refléter plus exactement les préférences des électeurs. Par contre, un processus séquentiel qui prévoit une élection à l’échelle de la province chaque fois qu’une vacance se produit au Sénat aura pour effet de reproduire et d’exacerber la sous-représentation des vues des minorités qui caractérise déjà les élections de députés à la Chambre des communes.(4:61-62) Daniel Pellerin, professeur adjoint invité, Département des sciences politiques, Colgate University, pour sa part, a présenté au Comité un projet détaillé d’élections indirectes (par regroupements régionaux de législateurs provinciaux) qui, selon lui, assurerait le caractère distinctif de la composition du Sénat et ferait en sorte qu’elle complète la représentation à la Chambre des communes, au lieu de la chevaucher.(4:88)  David Goetz, d’Ottawa, dans un mémoire remis au Comité, s’est aussi dit en faveur d’élections indirectes, pour les mêmes raisons.

L’honorable Gary Mar a fourni au Comité un examen exhaustif des raisons pour lesquelles l’Alberta appuie depuis longtemps le Sénat « triple E ». Ce type de Sénat nécessitera un processus d’élections officiel (c.‑à‑d. obligatoire plutôt que seulement consultatif) qui, dans le modèle albertain, prévoira des élections dans chaque province, les candidats étant soit des indépendants ou des membres de partis politiques provinciaux, afin d’accroître les chances que le Sénat serve de tribune aux intérêts des provinces. Selon M. Mar, un processus électoral de nature fédérale mettra inévitablement à contribution les partis politiques fédéraux, de sorte que le Sénat aura tendance à être un simple écho de la Chambre des communes plutôt qu’un organe élu indépendamment, doté d’une composition et d’une perspective propres et distinctes.(3:64) Interrogé sur la question, il n’a pas rejeté du revers de la main un processus électoral fédéral; il a toutefois souligné qu’un processus provincial serait préférable.

Le débat a aussi porté sur une inquiétude plus générale concernant les élections sous quelque forme que ce soit : elles risquent de pousser les sénateurs à assumer un mandat démocratique qui pourrait placer le Sénat en conflit avec la Chambre des communes, voire produire une impasse. M. Franks a suggéré que le Sénat adopte des règles de procédure pour régir son pouvoir de rejeter les projets de loi provenant de la Chambre des communes, de façon à éviter les situations problématiques.(mémoire, p. 7‑8) Mme Ajzenstat s’est interrogée sur la dynamique que pourrait produire un Sénat élu, mais a ajouté qu’un Sénat nommé ne présente pas de danger à cet égard.(1:77-78) M. Scott a aussi exprimé des craintes au sujet des élections visant les sénateurs puisque, en créant un Sénat affichant plus d’autorité, elles risquent de perturber un système parlementaire qui fonctionne adéquatement.(5:68)

 

b) Répercussions constitutionnelles  

Plusieurs témoins, dont MM. Seidle et Resnick, ont signalé que l’adoption d’élections consultatives risque d’exiger un processus constitutionnel nécessitant l’approbation des provinces. Pour M. Resnick, d’ailleurs, cette perspective est décisive puisque selon lui, la Constitution est une question extrêmement chargée en politique canadienne; il doute d’ailleurs que les Canadiens soient prêts à l’heure actuelle à entamer une vaste réforme constitutionnelle.(3:26)

La question constitutionnelle a une incidence tant sur la possibilité d’adopter un processus électoral que sur le temps qu’il faudra pour le mettre en œuvre. Vu la pertinence de cette question dans l’examen du projet de loi S‑4, les membres du Comité ont volontiers accueilli les points de vue des témoins à ce sujet.

Le mode de sélection des sénateurs est un des éléments sur lequel le Parlement n’a pas de pouvoir exclusif de modifier la Constitution. L’adoption éventuelle d’élections consultatives, ou de tout autre processus de sélection par consultation, soulève la question constitutionnelle suivante : s’agit‑il d’une modification du mode de sélection des sénateurs? D’après les témoins qui ont comparu devant le Comité, la réponse dépend de  l’entrave au pouvoir discrétionnaire du premier ministre  de recommander des personnes au poste de sénateur.

Il semble incontestable que le pouvoir de recommandation du premier ministre, lequel découle de conventions constitutionnelles, ne saurait être limité par des mesures législatives ordinaires. C’est ce qu’ont avancé plusieurs témoins experts, dont M. Hogg, qui a bien souligné que toute entrave juridique au pouvoir discrétionnaire du premier ministre violerait la Constitution du Canada.(4:41) Si, toutefois, il est simplement question d’un processus servant à créer un bassin de personnes à partir duquel le premier ministre pourra faire une sélection, il n’y aura sans doute pas lieu de s’y opposer pour des motifs d’ordre constitutionnel. MM. Monahan (5:12-13) et Scott (5:67-68) ont formulé essentiellement la même position quand ils ont comparu.

M. Pelletier, au nom du gouvernement du Québec, a toutefois servi une mise en garde : tout projet de Sénat élu nécessite une modification de la Constitution, ainsi que l’approbation des provinces (sans doute en vertu de la procédure prévue à l’article 42). Il s’est toutefois abstenu de dire catégoriquement si un processus consultatif ou un processus d’élections consultatives nécessiterait l’accord des provinces, puisqu’il ne disposait pas de renseignements suffisants sur le processus. Il a cependant précisé que la réponse varierait selon que le processus consultatif avait indirectement pour effet de transformer le Sénat en entité élue.(5:89)

M. Pelletier a d’ailleurs élargi la portée de l’avis de la Cour dans le Renvoi relatif à la Chambre haute : d’après la Cour suprême du Canada, le Sénat, par ses caractéristiques essentielles, est le fruit d’un compromis établi au moment de la création de la Fédération, pour l’établissement d’un système fédéral. Le mandat du Sénat à l’origine, comme défenseur des intérêts régionaux ou provinciaux, impose une limite supplémentaire aux pouvoirs exclusifs du Parlement en matière de réforme du Sénat.(21 septembre 2006, 5:85) Selon M. Pelletier, toute réforme du Sénat doit tenir compte du rôle prévu pour cette institution qui est de refléter les intérêts régionaux et provinciaux, les intérêts des minorités et un élément qu’il décrit comme étant la « dualité canadienne ». 

De façon générale, selon les témoins, il n’existe pas de liens, entre le projet de loi S‑4 et un éventuel projet législatif visant des élections consultatives, pouvant empêcher d’examiner le projet de loi S‑4 pris seul. En effet, MM. Hogg et Monahan étaient d’avis que le projet de loi S‑4 pourrait entrer en vigueur seul, que le gouvernement présente ou non un projet de loi visant un processus consultatif. M. Monahan, en particulier, a affirmé que le projet de loi S‑4 constitue une mesure isolée valide qui ne semble liée à aucun autre texte législatif. M. Beaudoin, ancien sénateur, partageait ce point de vue.(5:26)

 

Autres questions

M. Seidle a recommandé l’amendement du projet de loi S‑4 afin d’éliminer la condition de possession de biens d’une valeur de 4 000 $ que doivent respecter à l’heure actuelle les sénateurs. Au moment de la création de la Fédération, cette condition faisait en sorte que seuls étaient admis au Sénat les propriétaires de richesses personnelles appréciables. Or, selon M. Seidle, il faut maintenant voir dans cette condition un odieux anachronisme, bien que, dans la pratique, elle constitue surtout un inconvénient pour les personnes nommées qui doivent prendre des dispositions spéciales afin de la respecter.(1:33)

M. Heard a attiré l’attention sur le fait que le projet de loi S‑4 envisage de supprimer l’âge de la retraite obligatoire à 75 ans, mesure qu’il condamne. Selon lui, s’il est vrai que les taux d’espérance de vie ont augmenté au cours du dernier siècle, il reste que 75 ans est un âge relativement avancé pour la retraite obligatoire et correspond à la réalité, puisque les infirmités et les maladies débilitantes sont de plus en plus fréquentes à cet âge. M. Heard réclame donc que soit rétabli l’âge de la retraite obligatoire à 75 ans, car autrement, le projet de loi, au lieu de réaliser les objectifs fixés, aura « l’effet d’abolir le seul changement depuis la Confédération qui avait effectivement produit [un nouveau dynamise au Sénat] ».(3:39)

 

Le processus de réforme

Le premier ministre Harper a informé le Comité que le projet de loi S‑4 constitue une étape dans le processus de réforme du Sénat, qui sera suivie très prochainement d’une forme quelconque d’élections consultatives. De nombreux témoins ont mentionné les défis qu’ont présentés dans le passé les mesures de réforme globales, mais plusieurs ont aussi parlé des préoccupations que soulève une approche graduelle. M. Franks, entre autres, a insisté sur le fait que les grandes questions que vise la réforme – mandat, répartition des sièges, mode de sélection des sénateurs et pouvoirs du Sénat – sont toutes liées. « Les quatre domaines de réforme sont indissociables et doivent être examinés ensemble ».(mémoire, p. 1) M. Franks n’en appuie pas moins le projet de loi S‑4, mais les mêmes préoccupations ont poussé M. Whyte à dire que cette première mesure « a toutes les chances de retarder la réforme du Sénat et ne devrait pas être adoptée. » (4:63)

D’autres témoins ont aussi fait part des craintes que suscite une réforme à la pièce. Selon Gordon Gibson, on ne peut, dans les systèmes complexes, changer un seul élément. Il a ajouté que :

Dans les systèmes complexes, de nombreux changements en apparence simples et anodins peuvent avoir des conséquences inattendues. Le caractère démocratique de l’appareil canadien constitue justement un système complexe, et le projet de loi S‑4 représente exactement ce type de changement. Je propose donc qu’on le traite avec toute la prudence nécessaire.(4:12)

Plus tard, M. Gibson a ajouté qu’une réelle réforme du Sénat ne saurait être graduelle; les éléments sont liés de si près et tant de concessions s’imposent qu’il faut tout régler en même temps.(4:19) Dans le même ordre d’idées, M. McCormick a soutenu que le projet de loi S‑4 ne fait qu’apporter des ajustements mineurs à un système existant, avec ses forces et ses faiblesses, et qu’il serait peut-être donc préférable de prendre un peu de recul et de réfléchir encore un peu.(4:14) MM. Gibson et McCormick ont tous les deux fait valoir que si l’on entame le processus de réforme du Sénat en abordant la durée du mandat des sénateurs, on s’attaque pour commencer aux aspects de la réforme les plus élémentaires et les plus faciles, laissant les plus difficiles pour plus tard. Or, selon eux, les questions épineuses seront dès lors encore plus difficiles à résoudre, alors que si l’on aborde d’abord les grandes questions litigieuses, il sera ensuite plus facile de régler les questions plus simples.(4:31)

M. Seidle a exprimé des vues semblables, disant que le gouvernement n’a pas présenté une vision claire de la forme finale qu’il veut donner au Sénat; à moins de connaître le résultat final visé, il est très difficile de prendre les bonnes décisions au fur et à mesure. (1:33-34)  Il convient toutefois de souligner que M. Seidle n’a pas nuancé pour autant l’appui qu’il accorde au projet de loi. Il réclame plutôt une nouvelle conversation à l’échelle nationale au sujet du Sénat et de la mission que voudrait lui confier la population canadienne, afin d’aider à établir et à orienter le processus à suivre afin de réaliser une réforme exhaustive.(1:34)

Par contre, d’autres témoins ont accueilli favorablement l’approche graduelle que propose le projet de loi S‑4. Ainsi, M. Simeon n’est pas d’accord avec les témoins qui réclament une réforme exhaustive; il prétend que la démocratie dans des pays comme le Royaume-Uni et le Canada a grandi et évolué par étapes. Si l’objectif est de bonifier les qualités actuelles du Sénat, comme son rôle de lieu de réflexion indépendante, ses études de politique à long terme et son examen technique des mesures législatives, une réforme graduelle permettra d’apporter des améliorations appréciables tout en réduisant le risque au minimum.(4:70) Roger Gibbins a applaudi au projet de loi S‑4, en partie parce que ce dernier permettra de gagner du temps pour réfléchir plus longuement et attentivement au type de processus électoral nécessaire afin d’appuyer le rôle du Sénat du Canada. Dans l’immédiat, M. Gibbons considère que le projet de loi S‑4 a l’avantage de montrer qu’il est possible d’effectuer des changements par étape :

Ces dernières années, j’ai trouvé très frustrant l’argument très couramment invoqué que la réforme du Sénat est souhaitable mais qu’elle doit être exhaustive; comme elle doit être exhaustive, cela entraîne la modification de la Constitution; et comme la modification de la Constitution est impossible, aucune mesure de réforme du Sénat n’est possible. […] Le projet de loi S‑4 prouve qu’il est possible d’effectuer des mesures de réforme modestes, que nous pouvons entamer le processus sans crainte de ce qui pourrait nous attendre plus tard.(3:7)

M. Gibson et M. McCormick ont prôné une méthode semblable à celle que réclame M. Seidle, soit la création d’un mécanisme de consultation construit selon le modèle de l’assemblée citoyenne qui a cours en Colombie‑Britannique. Selon eux, une telle assemblée pourrait être saisie de la question de la réforme du Sénat, et ses recommandations pourraient faire l’objet d’un référendum national. M. Gibson a expliqué que les travaux de l’assemblée citoyenne de la Colombie‑Britannique reposent sur une prémisse fondamentale, soit que les politiciens qui se penchent sur la réforme du système électoral sont clairement en conflit d’intérêts, une prémisse qui s’applique également à la réforme du Sénat. Comme l’a déclaré M. Gibson au Comité, les institutions fondamentales de la démocratie relèvent en fait de la population, et non des politiciens. (4:23)

 

OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS 

Les institutions parlementaires sont essentiellement évolutives. Fondées sur le droit coutumier, elles sont issues d'une monarchie européenne autocratique pour devenir une démocratie nord-américaine, sans jamais rompre avec le passé. Elles continuent d'évoluer, déléguant de plus en plus de pouvoirs aux personnes et aux collectivités.

Le modèle s'est enraciné dans notre tempérament. Souvent dans leur histoire, les Canadiens ont été invités à s'en écarter, à rompre avec le passé, à suivre d'autres voies et à se séparer. Infailliblement, le peuple a décidé de respecter la tradition et les liens qu'elle avait noués entre ses communautés.

La voie canadienne, c'est la voie de la progressivité, de la flexibilité, de la liberté.

Rapport du Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada: Un Canada renouvelé - février 1992, p. 7

Je crois à la réforme du Sénat parce que je crois aux principes qui sous-tendent la Chambre haute.

Premier ministre Harper, délibérations du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat, fascicule 2 – Témoignages du 7 septembre 2006

 

Une vision pour orienter la réforme

Cent trente-neuf ans se sont écoulés depuis l’avènement du Canada. Les premiers pas qui nous ont menés au niveau de démocratie dont nous pouvons désormais jouir ont été faits plus tôt encore dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord, avec la création d’assemblées élues par le peuple. Un gouvernement représentatif élu était attendu depuis longtemps et était encore récent dans l’histoire des colonies[28]. Toutefois, à cette étape, les gouverneurs des colonies désignés par la Grande-Bretagne exerçaient toujours le pouvoir exécutif avec l’avis des conseils exécutifs qu’ils avaient eux-mêmes nommés.

Ce n’est que dans les années 1840, après les rébellions qui ont éclaté dans le Haut et le Bas-Canada, que la Grande-Bretagne a institué des gouvernements responsables pour ses colonies nord-américaines, non pas par une constitution officielle mais par la voie d’instructions que le Colonial Office de Londres donnait aux gouverneurs[29]. Avec l’établissement du principe que les fonctions de l’exécutif devaient être assumées par des membres d’une assemblée élue par le peuple — un gouvernement responsable —, les valeurs démocratiques du régime parlementaire britannique entraient dans le système constitutionnel canadien[30]. Les fondements institutionnels du Canada qui ont émergé en 1867 se sont donc manifestés alors que le colonialisme tirait à sa fin.

Vers la fin du XIXe siècle, les principes démocratiques étaient néanmoins toujours relativement nouveaux et n’avaient pas été éprouvés. Il est certain que la démocratie était considérée avec une certaine prudence par les segments influents et puissants de la société coloniale et que cette prudence était partagée par les champions de l’union des colonies britanniques en Amérique du Nord[31]. C’est pourquoi les représentants des colonies ont créé des mécanismes pour concrétiser les principes démocratiques sur lesquels s’appuierait le nouveau pays, notamment des freins et contrepoids institutionnalisés et des restrictions à la participation démocratique.

Le droit de vote était limité, de même que la capacité de briguer les suffrages et d’être élu. De grands pans de la société canadienne ne pouvaient participer à ces processus et n’étaient donc pas représentés dans les assemblées délibérantes. Et le Sénat, inspiré de la Chambre des lords britanniques, a été expressément créé pour faire contrepoids à la Chambre des communes, dont les membres étaient élus par le peuple. Voici les propos, désormais bien connus des Canadiens, que Sir John A. Macdonald a tenus sur le Sénat :  

Une Chambre haute ne serait d’aucune utilité si elle n’exerçait pas, quand elle le juge opportun, le droit de s’opposer à un projet de loi de la Chambre basse, de l’amender ou de le retarder. Elle ne serait d’aucune utilité si elle se bornait à sanctionner les décrets de la Chambre basse. Elle doit être une chambre indépendante, jouissant de sa propre liberté d’action, car elle n’est utile que comme organe de réglementation, qui considère calmement les projets de lois proposés par la chambre populaire, mais elle ne s’opposera jamais aux souhaits délibérés et compris du peuple[32].

Les Canadiens d’aujourd’hui auraient du mal à considérer le Canada de 1867 comme une démocratie parfaitement mûre. Mais, pour paraphraser Lord Broughton, la Constitution du Canada a mûri et a survécu. Et il en va de même de la démocratie au Canada, qui a évolué et est devenue plus globale. Le droit de vote et le droit de briguer les suffrages ont été donnés aux femmes et aux minorités, et la Constitution, considérée avant comme la chose des gouvernements, est désormais perçue par les Canadiens comme leur appartenant.

Malgré les critiques dont le Sénat fait souvent l’objet, ce dernier s’est remarquablement bien comporté et a montré qu’il était capable de s’adapter. Comme institution, contrairement à ce que certains affirment, le Sénat n’est pas ignorant du monde qui l’entoure mais tout à fait au courant des attentes de la société canadienne. À mesure que notre démocratie et notre constitutionnalisme mûrissaient, le Sénat a évolué à la lumière des nouvelles perceptions concernant l’ampleur et le rôle des institutions représentatives. 

Le Sénat a également évolué pour mieux refléter la composition de la population. En février 1930, Mme Cairine Reay Wilson est devenue la première femme nommée au Sénat[33]. Aujourd’hui, 33 femmes siègent au Sénat. Le premier sénateur d’origine autochtone a été nommé en 1958 — deux ans avant que les Autochtones vivant dans des réserves obtiennent le droit de vote fédéral[34]. Il y a actuellement sept sénateurs autochtones.

Les sénateurs proviennent d’un large éventail d’horizons professionnels. Bien que ce soit les professions juridiques et le monde des affaires qui soient les plus représentés (236 avocats et 107 gens d’affaires), des agriculteurs (88), des médecins (59), des enseignants (53), des gens de lettres (50), des journalistes (47), des professeurs (37) et des gestionnaires (27) ont aussi siégé à la Chambre haute[35]. La plupart sont arrivés au Sénat après avoir exercé leur profession des années durant et bon nombre avaient déjà obtenu des fonctions au gouvernement, à la fois à l’issue d’élections et par d’autres voies. Comme M. Franks le fait observer dans The Parliament of Canada, « Le Sénat compte dans ses rangs beaucoup de Canadiens extrêmement capables et riches d’une vaste expérience »[36]. Un autre observateur de la politique canadienne, J. R. Mallory, a écrit qu’il ne faudrait pas oublier que :

Le Sénat réunit des anciens ministres et députés ayant une longue expérience de la vie publique et des connaissances spécialisées dans bon nombre de branches hautement techniques du droit et de l’administration. Leur contribution à l’étude des mesures législatives n’est pas négligeable et vaut d’être maintenue[37].

À mesure qu’il évoluait, le Sénat a valablement contribué à la saine gouvernance du Canada. Comme l’avaient prévu ses fondateurs, le Sénat a été un lieu de réflexion efficace, apportant des changements techniques qui ont amélioré les textes des projets de loi provenant de la Chambre des communes sans y introduire de nouveaux principes ni en modifier l’intention originale[38]. Le travail qu’accomplit le Sénat en sa qualité de chambre de réflexion, de même que tous les autre aspects de ses attributions profitent du fait que la chambre haute puisse combiner un certain degré d’autonomie et la dynamique gouvernement-opposition, le tout appuyé par un climat procédural qui permet aux partis d’opposition d’exercer une influence qui dépasse leur importance numérique. Il lui est ainsi possible de faire un examen minutieux et de débattre de manière rigoureuse des mesures législatives, ce qui est dans l’intérêt de tous les Canadiens.

Les sénateurs ont également apporté une précieuse contribution à l’élaboration de politiques, surtout par leur travail au sein des comités. Les rapports de bon nombre de ces derniers ont été très bien reçus et continuent d’être d’une grande aide pour tous ceux qui travaillent aux politiques publiques. Parmi eux, certains ressortent, notamment l’éminente étude publiée en 1971 par le Comité spécial du Sénat sur la pauvreté (Comité Croll), le rapport publié fin 1970 par le Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse (Comité Davey), le rapport publié en trois volumes (1970, 1972 et 1973) par le Comité sénatorial de la politique scientifique (Comité Lamontagne), ainsi que le rapport Nos sols dégradés, un important rapport publié en 1984 par le Comité sénatorial permanent de l’agriculture, des pêches et des forêts. Plus récemment, l’étude du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur le système de soins de santé au Canada, puis le rapport publié en 2006 par ce comité sur la santé mentale, la maladie mentale et les toxicomanies sont largement reconnus comme ayant fortement contribué aux efforts constants menés pour améliorer la prestation des services médicaux au Canada. Tous ces rapports, et bien d’autres, produits par des comités sénatoriaux, ont facilité la compréhension d’importants dossiers politiques et fourni des solutions concrètes à des problèmes apparemment insolubles.

 

Conclusions

Lors de son témoignage, Mme Ajzenstat a affirmé que la réforme devrait « permettre autant d’analyser le passé que de nous tourner vers l’avenir », (fascicule 1, 6 septembre 2006). Si l’on examine le passé, il est clair que le Sénat est une institution qui a connu un succès remarquable parce qu’il a complété et non compliqué le travail de la Chambre des communes, dont les membres sont élus démocratiquement. Il faut être conscient de ce succès et tenir soigneusement compte de ses diverses sources au moment d’envisager une réforme, afin que les changements proposés tirent profit des forces institutionnelles du Sénat, tout en comblant ses lacunes. C’est ce qu’ont fait les membres du Comité lors des délibérations sur la teneur du projet de loi S‑4, et ils en sont venus à quelques conclusions qu’ils jugent pouvoir contribuer à l’examen du projet de loi, au Sénat et ailleurs.

 

Conclusion 1 : Renvoi à la Cour supreme 

Bien qu’il soit souhaitable d’évoluer tout en respectant les principes de la démocratie, bon nombre se sont dit préoccupés par la capacité du Parlement d’agir unilatéralement, et sans l’appui manifeste des assemblées législatives provinciales, afin de créer des mandats de durée limitée pour les sénateurs. Fort des conseils juridiques reçus, le gouvernement est convaincu que le changement que propose le projet de loi S‑4 peut être réalisé en vertu du processus de modification prévu à l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, comme le prévoit le projet de loi. Cet article confère au Parlement compétence exclusive pour modifier la Constitution relativement au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.  

Les entretiens avec des constitutionnalistes et des juristes ont produit des arguments qui ont convaincu la plupart des membres du Comité que le gouvernement a choisi la méthode qui convient pour effectuer ce changement. Dans l’ensemble, ces témoins experts ont soutenu que la Constitution était suffisamment claire sur le sujet et qu’il n’était pas nécessaire de faire un renvoi à la Cour suprême du Canada pour éclaircir ou régler la question.  

Compte tenu du fait que c’est la teneur du projet de loi qui a été portée devant le Comité, la plupart des membres ont conclu qu’il ne semble pas nécessaire d’obtenir plus de précisions sur la constitutionnalité du projet de loi S‑4 avant que le Sénat procède à son examen.  

 

Conclusion 2 : Un mandat de durée limitée au Sénat 

Bien que les témoins aient exprimé divers points de vue quant à la durée idéale du mandat d’un sénateur, pratiquement aucun n’a rejeté du revers de la main l’idée même de fixer une durée limitée, et la plupart l’ont même vivement appuyé. Ils ont souligné qu’un mandat de durée limitée aura pour effet de battre en brèche l’image, si nuisible pour le Sénat, des « emplois à vie » et de donner un souffle nouveau à l’institution grâce à l’apport constant de nouvelles idées. La plupart des membres du Comité ont trouvé ces affirmations probantes.  

Le Comité constate aussi que, lors des délibérations précédentes sur la Constitution du Canada, divers comités sénatoriaux se sont prononcés à l’unanimité en faveur de l’établissement d’un mandat de durée fixe à la Chambre haute du Parlement. De l’avis de la plupart des membres du Comité, les arguments présentés dans ces rapports restent valables.
 

En conséquence, après un examen attentif de la teneur du projet de loi S‑4 qui n’a pas révélé de motif raisonnable de refuser un accord de principe, la plupart des membres du Comité souscrivent au principe sous-jacent du projet de loi, soit que l’établissement d’un mandat de durée fixe améliorerait le Sénat du Canada.

 

La réforme sénatoriale : Complexité des concessions réciproques

Dans la section du présent rapport qui porte sur les témoignages entendus, il apparaît clairement que nos témoins ont des opinions extrêmement différentes, concernant les diverses dispositions du projet de loi S‑4, c’est à dire les inconvénients et les avantages d’un mandat de huit ans, les solutions souhaitables et le renouvellement des mandats. Les témoins ne se sont pas non plus entendus sur la question de savoir si des mandats convenant à un Sénat dont les membres sont nommés demeurent pertinents si le Sénat est élu, quelle qu’en soit la façon.

En elles-mêmes, ces divergences d’opinion mènent à une première conclusion. Il semblerait qu’il n’y ait pas une bonne réponse à toutes ces questions. Si elle existait, elle serait ressortie des témoignages provenant des experts que le Comité a entendus lors de ces audiences, puisqu’ils représentaient un échantillon raisonnable des divers champs de spécialités

Les délibérations qui ont eu lieu par la suite entre les membres du Comité n’ont pas non plus permis de dégager un consensus sur les réponses à donner à ces questions. Elles ont plutôt abouti à une série de concessions réciproques qui se reflètent dans les vues opposées des témoins et semblent incarnées dans les possibilités initiales de réforme du Sénat. Les principales concessions relatives à l’établissement d’un mandat pour les sénateurs s’appuyaient sur les raisonnements suivants :

  • De longs mandats encouragent généralement une mémoire et une autonomie institutionnelles et appuient la capacité du Sénat de porter un second regard serein, mais ne permettent pas de se débarrasser des sénateurs qui ne servent pas l’intérêt public.
  • Abréger les mandats des sénateurs accélèrerait le roulement au Sénat et rendrait l’institution plus dynamique et, si celle-ci était élue, elle serait plus capable de refléter l’opinion publique, mais cela diminuerait son rôle d’organe de réflexion indépendant.
  • Si les mandats étaient renouvelables, certains sénateurs pourraient demeurer en poste pendant plus longtemps (mandats cumulatifs), ce qui présenterait les avantages dont s’assortissent des mandats plus longs; en revanche le Sénat perdrait de son autonomie, car ce serait le premier ministre ou, en cas de Sénat élu, les électeurs, qui décideraient quels mandats renouveler.
  • Lorsque les mandats ne sont pas renouvelables, le Sénat gagne en autonomie et peut mieux jouer son rôle d’organe de réflexion indépendant; en revanche, il n’a pas de comptes à rendre (devant le premier ministre, qui renouvelle les nominations, ou devant les électeurs, en cas de Sénat élu) et les sénateurs peuvent plus facilement se laisser aller ou ne plus prêter attention à l’intérêt public.
  • Lorsque les sénateurs sont nommés, leurs mandats peuvent être d’une durée très variable, tandis que, lorsqu’ils sont élus, dans la plupart des cas leurs mandats sont relativement courts (ce qui en permet le renouvellement fréquent). Il se peut donc que la durée de mandat qui convient à un Sénat nommé ne convienne pas à un Sénat élu.
  • Élue, la Chambre haute aurait une légitimité démocratique, mais elle serait aussi plus partisane (en raison du rôle crucial des partis lors des élections), ce qui pourrait entraver sa fonction d’organe de réflexion et ses études thématiques menées sur longue période. Par ailleurs, elle pourrait se sentir obligée, en raison de son mandat démocratique, de s’opposer à la Chambre des communes, ce qui pourrait aboutir à des impasses.
  • Nommée, la Chambre haute peut représenter expressément certains groupes et minorités, et les sénateurs n’ont pas à s’occuper d’électeurs ou de circonscriptions; en revanche, un tel Sénat manque de légitimité pour défendre les intérêts régionaux et autres face à une Chambre des communes élue, et les sénateurs peuvent ne pas être motivés pour s’investir complètement dans leur travail.

Diverses dispositions, notamment la durée fixe du mandat proposée dans le projet S‑4, cherchent à établir un juste équilibre entre les avantages conflictuels que présentent les diverses concessions. Ces dernières ne sont pas simples, et les membres du Comité ne s’entendent toujours pas à leur sujet. Sont résumées ci-après, à l’intention des sénateurs notamment, les principaux scénarios que les témoins ont recommandés au Comité. 

Question

Analyse

Recommandation

Mandats de huit ans

Renouvellement des idées et des gens, et suffisamment de temps pour réaliser des projets mais pas pour se laisser aller

Accepter

 

Pas entièrement compatibles avec le rôle d’organe de réflexion indépendant et de mémoire collective

Amender le projet de loi pour qu’il prévoie un mandat plus long

Les mandats qui conviendraient peuvent être différents selon que le Sénat est nommé ou élu, et il faut donc deux étapes

Amender le projet de loi pour qu’il prévoie un mandat plus long, et des mandats plus courts sur adresse conjointe des deux Chambres du Parlement

Renouvellement des mandats

Nécessaire pour qu’il puisse y avoir réélection lors d’élections consultatives

Accepter

Nécessaire et devrait être explicite

Amender le projet de loi pour qu’il indique que les mandats sont renouvelables

Pourrait diminuer l’indépendance des sénateurs et, par conséquent, le rôle du Sénat

Amender le projet de loi pour qu’il indique que les mandats ne sont pas renouvelables

Élections consultatives

Utiles pour accroître la légitimité et l’efficacité au sein du processus législatif

La recommandation pourrait énoncer certaines grandes exigences dont le gouvernement devrait tenir compte :

·    représentation des minorités

·    représentation provinciale
(ou régionale)

·    représentation proportionnelle

·    réduction au minimum de la partisannerie (mode de scrutin à vote unique transférable)

Dangereuses. Pourraient mener à un Sénat trop puissant et à des impasses avec la Chambre et saper le rôle d’organe de réflexion indépendant

Recommander que le gouvernement ne donne pas suite aux mesures législatives concernant les élections, conserver un Sénat nommé

Autres modifications

L’obligation faite aux sénateurs d’avoir au moins 30 ans est discriminatoire

Amender le projet de loi pour qu’il contienne une disposition supprimant cet énoncé de la Loi constitutionnelle, 1982

L’élimination de l’âge obligatoire de la retraite à 75 ans ne cadre pas avec l’intention du projet de loi

Amender le projet de loi pour rétablir l’âge de la retraite obligatoire à 75 ans

Autres mesures

Un débat national sur le Sénat et ses objectifs est nécessaire comme base d’une réforme globale

Un débat national doit être amorcé par le gouvernement

 

Au cours de ses délibérations, le Comité a également été avisé du récent projet de réforme de la Chambre des lords britannique (voir partie I, « Contexte institutionnel »). Ce projet semble présenter une approche tout à fait particulière au regard des concessions réciproques, et le Sénat pourrait l’étudier plus à fond à l’occasion de son analyse du projet de loi S‑4. Ce que l’on propose, c’est d’élire 70 % des lords pour des mandats non renouvelables de 12 ans, ce qui fournit une certaine légitimité démocratique; en revanche, en raison de la longueur des mandats, de leur non-renouvellement et de la nomination de 30 % des lords, la Chambre haute n’obtiendrait pas une légitimité suffisante pour contester la Chambre des communes ou paralyser le Parlement. De plus, comme 30 % des lords seraient nommés, il serait possible de représenter certains groupes et minorités et de choisir notamment des personnes ayant une longue expérience politique, qui apportent aujourd’hui une précieuse contribution au Sénat; par ailleurs, les mandats n’étant pas renouvelables, les Sénateurs n’auraient pas à se consacrer à des activités partisanes afin de se faire réélire, si bien que le Sénat conserverait son rôle d’organe de mûre réflexion et continuerait ses analyses approfondies en comité.

 

Élections consultatives – quelques observations

Le projet de loi S‑4 ne fait aucune mention des élections consultatives, quoique le premier ministre ait affirmé devant le Comité que son gouvernement avait l’intention d’établir un processus consultatif pour la sélection des sénateurs.

Les témoins ont tous estimé que les objectifs que se fixe le gouvernement pour cette réforme sont souhaitables et ont convenu avec le premier ministre que le projet de loi S‑4 ne permettrait pas de tous les atteindre à lui seul. Pour concrétiser l’intention globale de la réforme, il faudrait établir des moyens de prendre en compte, lors de la nomination des sénateurs, les préférences des Canadiens. Les membres du Comité étaient également d’accord avec les témoins qui ont jugé que l’établissement précis d’un tel processus devait se faire avec grand soin pour que l’on puisse obtenir les avantages souhaités tout en maintenant les atouts considérables que présente le Sénat aujourd’hui.

Parce que les sénateurs sont nommés, il est possible de représenter divers segments de la population canadienne qui ne sont pas nécessairement représentés par la Chambre des communes. Il est important de permettre au Sénat de compléter la représentation assurée par la Chambre des communes au sein du processus démocratique canadien. Toute solution choisie pour démocratiser le Sénat devrait conserver cette qualité, voire, si possible, l’accroître. Le système majoritaire uninominal utilisé pour élire les députés à la Chambre des communes n’est pas propice à une représentation des minorités, mais les modèles de représentation proportionnelle, par exemple, font appel à des listes de candidats qui peuvent être établies de manière à favoriser l’élection de représentants de minorités et de groupes défavorisés.

Le Comité s’est dit également soucieux de maintenir une deuxième caractéristique du Sénat – le peu d’importance de la partisanerie dans les délibérations. Le Sénat est une institution au sein de laquelle de multiples perspectives, notamment la loyauté à l’égard du parti, entrent en ligne de compte et assurent un climat dans lequel les questions peuvent être analysées de manière relativement non partisane. De l’avis du Comité, c’est également là un trait du Sénat qui peut et devrait être maintenu dans toute réforme visant à démocratiser la Chambre haute. Des systèmes électoraux permettant aux électeurs de préférer des candidats quelle que soit leur allégeance politique n’éliminent ni les partis ni la partisannerie, mais ils mettent l’accent sur les mérites des candidats, tout comme sur les partis politiques, et pourraient donc être plus adaptés à la culture du Sénat.

Enfin, d’après certains membres du Comité, la mise sur pied d’élections consultatives devra tenir compte d’éventuelles préoccupations constitutionnelles. Selon le professeur Hogg et d’autres témoins que le Comité a entendus, l’adoption d’un mécanisme d’élections consultatives pourrait exiger que l’on fasse appel à une formule de modification « 7/50 » (paragraphe 38(1) de la Loi constitutionnelle de 1982) si l’existence d’un tel processus devait entraver le pouvoir discrétionnaire du premier ministre de recommander des personnes au poste de sénateur. Une telle modification ne pourrait être effectuée en vertu de l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. En revanche, si le processus a pour seul résultat la sélection d’un bassin de candidats à partir duquel le premier ministre est libre de choisir des personnes à recommander au gouverneur général, il n’y aura peut-être aucune préoccupation d’ordre constitutionnel. Comme l’a clairement indiqué M. Benoit Pelletier dans son exposé, les répercussions ne sont pas que constitutionnelles, mais aussi intergouvernementales et politiques. Nous portons donc ce point à l’attention du gouvernement, dans le cadre de l’élaboration de mesures législatives visant des élections consultatives.

 

Pour conclure

Comme bien des témoins qui ont comparu devant nous, dont le premier ministre lui‑même, nous estimons au sein de ce Comité que, si le Sénat doit être réformé en raison de ses lacunes, il vaut la peine d’être réformé en raison de ses atouts.

Au fil des années, le Sénat a évolué de telle sorte qu’il contribue de manière unique au processus démocratique canadien, assure une représentation qui complète celle de la Chambre des communes en reflétant, en particulier, les régions minoritaires et la diversité sociale qui en est venue à représenter une part cruciale de l’identité canadienne. Son rôle d’organe de réflexion, et les révisions techniques qu’il peut apporter à ce titre aux mesures législatives et aux analyses stratégiques menées sur longue période, bénéficient aussi de la vaste expérience de ses membres, que ce soit tant en politique et au sein du gouvernement que dans le large éventail d’horizons qu’ils représentent.

Si nous appuyons une approche progressive pour la réforme du Sénat, incarnée dans le projet de loi S‑4, c’est que nous tenons compte des réalités institutionnelles ainsi que des défis politiques et intergouvernementaux liés à une réforme plus fondamentale. C’est aussi que nous réagissons à la nouvelle ouverture aux solutions constructives que nous avons constatée chez ceux qui ont participé à nos audiences, dont des partisans de longue date du Sénat triple E qui ont manifesté un intérêt à l’égard d’autres options.  Nous sommes d’avis qu’un mandat de durée limitée mise sur les atouts actuels du Sénat et permettra de débloquer son potentiel.

Si le gouvernement envisage d’autres mesures de réforme, comme l’a affirmé le premier ministre Harper quand il a comparu devant le Comité, , nous espérons qu’elles pourront poursuivre l’impulsion donnée par le projet de loi S‑4. Il faut toutefois prêter attention aux grandes difficultés techniques que le projet présente afin d’établir correctement le processus consultatif de sélection des sénateurs, en trouvant le juste équilibre dans les concessions et en répondant aux considérations d’ordre constitutionnel que le présent rapport cerne.

Toute réforme du Sénat doit accorder une attention toute particulière à la représentation des peuples autochtones, des habitants du nord et des côtes, des communautés de langue officielle en situation minoritaire, des personnes handicapées et des femmes.

De plus, il faut aborder la question de la représentation des premiers habitants du Nunavik. Ceux-ci sont sans représentation au Sénat depuis que les frontières du Québec ont été étendues pour inclure ces terres, car les limites des 24 districts sénatoriaux du Québec n’ont pas été ajustés afin d’inclure le territoire qu’on appelle dorénavant Nunavik.

Enfin, les membres du Comité souhaitent souligner que leur travail sur le projet de loi S‑4 et le futur rapport sur la motion Murray-Austin renvoyé devant lui le 28 juin dernier ne représentent que l’amorce de l’étude de la réforme du Sénat pour lequel le Comité a été constitué. D’autres questions sur la réforme progressive que ce dernier se propose d’examiner dans un proche avenir dans le cadre de cette étude comprennent : 

  • la correction de la perte de représentation subie par le Nunavik, dans le nord du Québec, quand les frontières du Nouveau- Québec ont été établies sans modification des limites des districts sénatoriaux;
  • un examen de l’article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui prévoit la nomination de 4 à 8 sénateurs supplémentaires (pour que le premier ministre puisse débloquer les impasses);
  • une étude des règles sur l’absentéisme et autres comportements inacceptables prévues à l’article 31 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour en vérifier l’équité et l’efficacité;
  • une étude de l’énoncé des qualités et des dispositions connexes prévus dans la Loi constitutionnelle de 1867, obligeant chacun des 24 sénateurs québécois à détenir une propriété dans l’une des 24 divisions établies dans cette province;
  • l’éventuelle élection du Président du Sénat; et
  • l’élaboration d’un modèle de Sénat élu moderne.

 

ANNEXE A – TÉMOINS (en ordre de comparution)

Le mercredi 6 septembre 2006

C.E.S. (Ned) Franks, professor émérite, Université Queen’s

Leslie Seidle, chercheur principal associé, Institut de recherche en politiques publiques

Janet Ajzenstat, professeur émérite, Science politique, Université McMaster

Roderic Beaujot, professeur, Sociologie, University of Western Ontario

 

Le jeudi 7 septembre 2006

Le très honorable Stephen Harper, C.P., député, Premier ministre du Canada 

Bureau du Conseil privé

Matthew King, secrétaire adjoint du Cabinet, Législation et planification parlementaire

Dan McDougall, directeur des opérations, Législation et planification parlementaire

 

Ministère de la justice Canada

Warren J. Newman, avocat général, Section du droit administratif et constitutionnel

 

Le mardi 19 septembre 2006

Roger Gibbins, président-directeur général, Fondation Canada Ouest

Gerald Baier, professeur invité bicentenaire canadien, MacMillan Centre for International and Area Studies, Yale University

Philip Resnick, professeur de sciences politiques, Université de la Colombie-Britanique (par vidéoconférence)

Andrew Heard, professeur agrégé, Département de science politique, Université Simon Fraser

L’honorable Gary Mar, ministre des relations internationales et intergouvernementales, Gouvernement de l’Alberta


 

Le mercredi 20 septembre 2006

Peter McCormick, président, Département des sciences politiques, Université de Lethbridge

Gordon Gibson, attaché supérieur de recherche en études canadiennes, Institut Fraser

Peter Hogg, universitaire en résidence, Blake, Cassels et Graydon

John Whyte, agrégé supérieur de recherche en politique, Institut de politiques publiques de la Saskatchewan

Richard Simeon, professeur invité des études canadiennes, William Lyon Mackenzie King, Weatherhead Centre for International Affairs, Harvard University (par vidéoconférence)

David E. Smith, professeur émérité, Université de la Saskatchewan

Daniel Pellerin, professeur adjoint invité, Département des sciences politiques, Colgate University

 

Le jeudi 21 septembre 2006

Patrick J. Monahan, doyen, Faculté de droit, Osgoode Hall

L’honorable Gérald-A Beaudoin, professeur émérite, Faculté de droit, Universié d'Ottawa et ancien sénateur

Gérald R. Tremblay, associé, McCarthy, Tétrault

L'honorable Marie Bountrogianni, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable du Renouveau démocratique, Gouvernement de l’Ontario

Stephen Allan Scott, professeur émérite, Faculté de droit, Université McGill

L'honorable Benoit Pelletier, ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, de la Francophonie canadienne, de l'Accord sur le commerce intérieur,  de la Réforme des institutions démocratiques et de l'Accès à l'information, Gouvernement du Québec


 

OBSERVATIONS ÉCRITES 

Organismes : 

Canadian Committee on a Triple E Senate, Bert Brown, président
Inuit Tapariit Kanatami, Mary Simon, présidente

 

Particuliers : 

Scott Gardiner

David Goetz

Timothy C.S. Hemmings

Gerard W. Horgan

Stephen M. MacLean

Professeur Errol P. Mendes, Université d’Ottawa

Neil Sutherland

Professeur Guy Tremblay, Université Laval

John K. Walker


[1] Ce changement s’est produit quatre ans après l’imposition de la retraite obligatoire à 75 ans pour les juges des cours supérieures, qui étaient aussi auparavant nommés à vie. Pour ce faire, le Parlement du Royaume-Uni a adopté la Loi constitutionnelle de 1960, 9 Elizabeth II, ch. 2 (R.-U.), qui modifiait l’article 99 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. La modification s’appliquait rétroactivement puisqu’elle précisait qu’un juge d’une cour supérieure « cessera d’occuper sa charge » lorsqu’il aura atteint l’âge de soixante-quinze ans ou à l’entrée en vigueur de l’article, s’il a déjà atteint cet âge.

[2] Cela tient compte de l’intention déclarée du sénateur Fortier, qui doit obligatoirement prendre sa retraite en 2037, de quitter ses fonctions au Sénat pour être candidat aux prochaines élections fédérales.

[3] L’ouvrage publié sous la direction de l’honorable Serge Joyal, Protéger la démocratie canadienne : le Sénat en vérité, Centre canadien de gestion et Presses universitaires McGill-Queen’s, Montréal et Kingston, 2003, présente un large éventail d’articles spécialisés récents sur la réforme du Sénat.

[4] Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada (1970-1972), Rapport final 1972. La recommandation numéro 41 du Comité mixte se lit ainsi : L’âge de la retraite obligatoire pour tous les nouveaux sénateurs devrait être de 70 ans. Les sénateurs retraités devraient conserver le droit à leur titre et à leur préséance, ainsi que le droit de participer aux travaux du Sénat et de ses comités, mais non le droit de voter ou de toucher l’indemnité sénatoriale.

[5] Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, Rapport sur certains aspects de la Constitution canadienne, (rapport Goldenberg), Ottawa, 1980, p. 44.

[6] Peter McCormick, Ernest C. Manning, et Gordon Gibson, Regional Representation: The Canadian Partnership, Canada West Foundation, Calgary, 1981, p. 111 – p. 113.

[7] Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la réforme du Sénat (Molgat-Cosgrove), janvier 1984, p. 1.

[8] Ibid., p. 29.

[9] Ibid., p. 29.

[10] Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur le renouvellement du Canada (Comité Beaudoin-Dobbie), février 1992, p. 40.

[11] Ibid., p. 46.

[12] Ibid., p. 46.

[13] Le projet de loi C-60 (1978) du gouvernement du Canada prévoyait que la moitié des sénateurs soient nommés par les assemblées législatives provinciales et l’autre moitié par la Chambre des communes, et les mandats auraient coïncidé avec les élections dans chaque compétence. Le chapitre 2.2 du  Livre blanc du gouvernement du Canada intitulé Bâtir ensemble l’avenir du Canada – Propositions (1991), ne fixait pas de durée, mais il reste qu’un Sénat élu servirait normalement pendant un mandat limité.

[14] Voir, par exemple, Canada West Foundation, For the Record: Alberta’s 1998 Senate Election, avril 1998.

[15] Chambre des communes, Débats, 4 avril 2006, (http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Mode=1&Parl=39&Ses=1&DocId=2155000&Language=F).

[16]Voir Chris Clarke, House of Lords Reform Since 1999:  A Chronology, Library Note, Bibliothèque de la Chambre des lords, Royaume-Uni, 19 juillet 2006.

[17] Paul Tyler, Kenneth Clarke, Robin Clarke, Tony Wright et George Young, Reforming the House of Lords:  Breaking the Deadlock, The Constitution Unit, Gouvernement du Royaume-Uni, 2005

[18] Ces cinq exceptions concernaient les modifications touchant : les pouvoirs des assemblées législatives provinciales; les écoles; l’emploi de l’anglais ou le français; la prescription portant que le Parlement tienne au moins une session chaque année; et le fait que la Chambre des communes ne puisse poursuivre ses travaux au-delà de  cinq ans, sauf en temps de guerre, d’invasion ou d’insurrection.

[19] Loi concernant les modifications constitutionnelles,  L.C. 1996, ch. 1.

[20] P. Monahan, Constitutional Law, 2e éd., Irwin Law, Toronto, 2002, p. 207.

[21] P. Hogg, Constitutional Law of Canada, 3e éd., Carswell, Toronto, 1997 (feuillets mobiles), p. 4-23.

[22] Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, [1980] 1 R.C.S. 54 (appelé ci-après le Renvoi relatif à la Chambre haute)

[23] Voir note de bas de page 18.

[24] P.W. Hogg, « Comment » (1980) 58 Can. Bar Review 631, p. 635 (appelé ci-après Commentaire de M. Hogg sur le Renvoi relatif à la Chambre haute)

[25] Renvoi relatif à la Chambre haute, en particulier les par. 15-20.

[26] Renvoi relatif à la Chambre haute, par. 48.

[27] Renvoi relatif à la Chambre haute, par. 49.

[28] Des institutions représentatives ont été établies en premier en Nouvelle-Écosse (1758), à l’Île-du-Prince-Édouard (1769) et au Nouveau-Brunswick (1784). Des chambres basses élues ont été créées pour le Haut et le Bas-Canada par la Loi constitutionnelle de 1791, et donc non pas par les colonies, ni en leur sein, mais bien par la Grande-Bretagne.

[29] Un gouvernement responsable a été mis en place en Nouvelle-Écosse en 1848, puis peu après dans la Province unie du Canada.

[30] Peter H. Russell, Constitutional Odyssey: Can Canadians Be a Sovereign People?, University of Toronto Press, Toronto, 1992, p. 15

[31] Selon P. Russell, on entendait peu parler de souveraineté populaire dans le mouvement pour la Confédération canadienne. Ibid., p. 12. Cela ne signifie toutefois pas que les visées des fondateurs du Canada étaient antidémocratiques. D’après un des témoins, la professeure Janet Ajzenstat, on suggère parfois que les fondateurs du Canada ont rejeté la démocratie complètement. C’est faux. Le système de freins et contrepoids décrit dans la Loi constitutionnelle de 1867 assure en fin de compte la démocratie libérale. Ajzenstat, « Origins of the Canadian Senate, » Dialogues, été 2006, p. 5.

[32] Canada, Assemblée législative, 6 février 1865, cité dans Canada’s Founding Debates, Janet Ajzenstat, Paul Romney, Ian Gentles, et William D. Gairdner, éditeurs, Stoddart Publishing Co. Ltd., Toronto, 1999, p. 80.

[33] Les Canadiennes ont obtenu le droit de voter aux élections fédérales en 1918.

[34] Le sénateur James Gladstone, conservateur indépendant nommé le 31 janvier 1958.

[35] Source, Bibliothèque du Parlement, Parlinfo, 10 octobre 2006.

[36] C.E.S. Franks, The Parliament of Canada, University of Toronto Press, Toronto, 1987, p. 189.

[37] J.S. Mallory, The Structure of Canadian Government, Gage Publishing, Toronto, 1984, p. 258.

[38] Franks, 1987, p. 190.


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