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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 mai 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur le contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses, se réunit aujourd'hui, à 16 h 2, pour étudier la teneur de cette mesure législative.

Le sénateur Wilbert J. Keon (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Monsieur le ministre, si vous êtes prêt, nous aimerions vous entendre en premier.

Steven Fletcher, secrétaire parlementaire du ministre de la Santé: Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à vos délibérations sur le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur le contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses.

Je suis accompagné de M. Weldon Newton, directeur général et premier dirigeant du Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses, et de Mme Sharon Watts, directrice générale adjointe des Services ministériels et de l'arbitrage du Conseil.

C'est la deuxième occasion qui s'offre à votre comité d'examiner ce projet de loi. Celui-ci a été déposé comme projet de loi S-40 lors de la dernière session du Parlement et, après les audiences tenues par votre comité, il a été adopté en troisième lecture au Sénat le 20 octobre 2005. Toutefois, il n'a pas dépassé le stade de la première lecture à la Chambre des communes avant la dissolution du Parlement.

Ce projet de loi est la dernière étape d'un programme de renouveau amorcé par le Conseil en 1998. Le processus a été long.

En fait, durant le débat en deuxième lecture du projet de loi S-40, le sénateur Cochrane a demandé à votre comité d'examiner le temps qu'il avait fallu pour présenter ces amendements. Comme ce fut alors précisé, il n'y a pas d'explication simple pour ce retard. Depuis que les amendements ont été recommandés en premier lieu au ministre de la Santé en 2002, le processus a connu plusieurs interruptions, notamment à cause de deux élections générales. Je suis convaincu que les honorables sénateurs comprendront que les responsables de la santé des Canadiens au sein du gouvernement sont confrontés en permanence à de nombreux problèmes complexes dont les conséquences ont une portée considérable.

Pendant le débat sur le projet de loi S-40, le sénateur Cochrane s'est également interrogé sur le degré d'implication des provinces dans la rédaction des amendements ainsi que le niveau de leur appui. Cette question a été abordée durant les audiences du comité concernant le projet de loi S-40 par M. Yves Brissette, président du Bureau de direction du Conseil. Ce dernier est le représentant du Québec au sein du Bureau de direction, mais il parlait au nom de tous les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu'au nom des travailleurs et de l'industrie.

Tous ces groupes sont pleinement représentés au Bureau de direction. M. Brissette a été en mesure d'assurer aux membres du Conseil que les amendements bénéficiaient de l'appui entier et unanime de toutes les parties intéressées. Ce message a été renforcé par le témoignage des représentants des travailleurs et de l'industrie qui accompagnaient M. Brissette, à titre de témoins, et ont comparu comme groupe d'intervenants lors des audiences du comité. Le soutien constant du Bureau de direction du Conseil à l'égard du projet de loi a été confirmé très récemment à M. Newton lors d'une téléconférence tenue le 4 mai 2006.

Après que le ministre de la Santé eut été informé de l'historique du processus de renouveau et du projet de loi S-40, et averti de l'appui solide accordé par tous les intervenants, nous nous sommes tous les deux sentis obligés d'appuyer la nouvelle présentation de ce projet de loi.

Le ministre Clement et moi-même remercions sincèrement les honorables sénateurs pour les efforts qu'ils ont déployés en vue de faire avancer ce projet de loi, à la fois au cours de la dernière session du Parlement et au cours de la session actuelle. Nous remercions tout particulièrement les sénateurs Cowan et Cochrane pour leur diligence lors de l'examen du projet de loi S-40 et pour avoir parrainé la nouvelle présentation de ce texte législatif sous le nom de projet de loi S-2.

Pour vous rafraîchir la mémoire au sujet du rôle du Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses, j'ai demandé à M. Newton de vous donner un bref aperçu des responsabilités du Conseil, de l'origine du programme de renouveau et de la raison d'être des amendements à la loi inclus dans le projet de loi S-2.

Après la présentation de M. Newton, nous répondrons volontiers à vos questions.

Weldon Newton, directeur général et premier dirigeant, Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses: Bonjour, honorables sénateurs. Tel que mentionné par M. Fletcher, je vais vous donner un bref aperçu des rôles et responsabilités du Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses et de son cadre de gouvernance. Mme Sharon Watts discutera ensuite des amendements proposés, après quoi nous répondrons à vos questions.

Tout d'abord, on a créé le CCRMD en 1987 dans le cadre du programme du Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT).

Le SIMDUT vise à ce que les employés utilisant des matières dangereuses ou y étant exposés possèdent les renseignements de santé et de sécurité concernant les risques. Autrement dit, le SIMDUT reconnaît que les employés ont le droit de savoir ce à quoi ils s'exposent et avec quoi ils travaillent. C'est un système de communication sur les matières dangereuses requis par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il exige que les étiquettes des produits et les documents concernant la sécurité identifient les ingrédients dangereux contenus dans ces produits, les dangers spécifiques qu'ils présentent, les précautions à prendre pendant leur manipulation et les premiers soins à dispenser en cas d'exposition.

La règle fondamentale du SIMDUT stipule que la documentation concernant la sécurité, plus précisément les fiches signalétiques, contienne tous les renseignements sur l'identité chimique et la concentration de tous les ingrédients dangereux contenus dans un produit. Il y a cependant une exception à cette règle: lorsque la divulgation complète signifierait le dévoilement d'un secret commercial susceptible d'entraîner une perte économique pour le demandeur ou un gain économique pour ses concurrents.

La divulgation de ces renseignements justifie, en quelque sorte, la création du Conseil du contrôle de renseignements relatifs aux matières dangereuses. Le Conseil, organisme quasi-judiciaire indépendant assujetti à la Loi sur le contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses, est chargé d'examiner les documents de sécurité et de nature économique toutes les fois qu'une matière dangereuse est protégée par un secret commercial.

À mon avis, ce qui fait la spécificité du Conseil, c'est que son mandat législatif a été adopté par renvoi dans les législations provinciale et territoriale. Vous verrez son nom dans la loi de la Saskatchewan, et son mandat est le mandat légal de cette province. C'est la même chose dans d'autres provinces.

En effet, le Conseil reçoit les demandes de protection des secrets commerciaux, examine les documents touchant la santé et la sécurité, émet des ordres de conformité et prévoit des mécanismes d'appel relevant à la fois du fédéral et des provinces et territoires. C'est une organisation gouvernementale qui sert toutes les sphères de compétence.

Dans les cas où la divulgation de certains renseignements trahirait un secret commercial, une demande de dérogation à l'obligation de divulguer ces renseignements spécifiques pourrait être présentée au Conseil.

Je vais maintenant décrire les activités du Conseil qui tombent dans trois domaines clés.

Premièrement, il faut déterminer si les renseignements du demandeur constituent vraiment un secret commercial et si cette divulgation pourrait avoir des conséquences économiques. L'analyse économique constitue la première étape.

Deuxièmement, il faut réaliser une analyse scientifique pour s'assurer que les renseignements fournis aux employeurs et aux travailleurs en matière de santé et de sécurité décrivent exactement et intégralement les dangers du produit et de ses ingrédients.

Troisièmement, nous émettons des ordres de conformité obligatoires. Une procédure d'appel s'enclenche lorsque le demandeur ou une partie intéressée, par exemple un représentant des travailleurs, conteste une décision du Conseil. Mme Watts vous donnera plus de détails à ce sujet.

J'aimerais maintenant revenir sur le premier volet de notre mandat, la protection des secrets commerciaux de bonne foi. Pour étayer une demande prétendant que certains renseignements constituent un secret commercial, les demandeurs doivent, à l'heure actuelle, déposer des documents indiquant les mesures qu'ils ont prises pour maintenir le caractère confidentiel de ces renseignements. Ils doivent aussi fournir des documents mentionnant le montant de la perte économique qu'ils subiraient ou de l'avantage économique que leurs concurrents en tireraient si l'information devenait publique.

Le Conseil examine la documentation jointe à la demande, selon laquelle les renseignements spécifiés constituent un secret commercial, et une décision est prise quant au respect des critères réglementaires.

Si la demande satisfait aux exigences réglementaires du secret commercial, le Conseil émet un numéro, qui se retrouvera sur la documentation concernant la sécurité et remplacera l'information relative au secret commercial. Cela permet de commercialiser le produit. Par contre, si la demande concernant le secret commercial est rejetée, on devra divulguer la nature des ingrédients ou bien vendre le produit ailleurs qu'au Canada.

D'après les renseignements déposés par les demandeurs durant l'exercice 2005-2006, ce mécanisme a permis de protéger des secrets commerciaux pour une valeur de 624 millions de dollars.

Le deuxième volet du mandat du Conseil est l'examen scientifique des renseignements en matière de santé et de sécurité que le demandeur inclut dans la documentation à fournir aux employeurs et aux travailleurs utilisant le produit. Cet examen est crucial. Étant donné que les employeurs et les travailleurs n'ont pas accès aux renseignements protégés, il est particulièrement important que tous les renseignements qui leur sont fournis en matière de santé et de sécurité soient complets et précis.

Une fois que le Conseil a achevé son analyse économique et scientifique, il communique au demandeur sa décision concernant la validité de la demande touchant le secret commercial et le respect des normes dans la documentation en matière de santé et sécurité. Par la même occasion, il publie la décision dans la Gazette du Canada.

Lorsque le Conseil détermine que la documentation en matière de sécurité n'est pas conforme, le demandeur doit apporter les correctifs nécessaires et fournir au Conseil une copie de la documentation corrigée; sinon, il peut porter la décision en appel ou doit cesser de vendre le produit.

Ceci nous amène au troisième volet du mandat du Conseil, la procédure d'appel. Les appels, qui peuvent aussi être interjetés par des parties intéressées, sont entendus par des commissions indépendantes au sein desquelles sont représentés les gouvernements, les travailleurs et l'industrie.

Je vais maintenant vous parler brièvement de la gouvernance. Le sénateur Cochrane avait exprimé des préoccupations à ce sujet la première fois que le projet de loi avait été soumis au comité. À mon avis, le type de gouvernance du Conseil du contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses est unique. Les activités que le Conseil exerce pour remplir les trois volets de son mandat sont surveillées par le Bureau de direction. Parmi ses 18 membres, on compte des représentants syndicaux, deux représentants de l'industrie, un des employeurs, un des fournisseurs, et des représentants des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral. Ce bureau joue donc un rôle de premier plan en matière de surveillance et de gouvernance.

En vertu de la loi, le Bureau de direction a le mandat de formuler des recommandations au ministre de la Santé sur les modalités d'examen des demandes, les procédures d'appel, les droits exigibles, et cetera. On a élaboré les amendements sous l'égide du Bureau de direction et on les a communiqués au ministre conformément aux dispositions de la loi.

Le Bureau de direction, auquel siègent 18 membres, a joué un rôle capital de chef de file dans les consultations et les analyses qui ont été effectuées dans le cadre du programme de renouveau amorcé par le Conseil.

Les membres du Bureau de direction ont fait preuve de vigilance dans l'exercice de leurs fonctions et se sont assurés que les points de vue des parties intéressées ont été soumis à la discussion et largement pris en considération. C'est une chance unique de pouvoir réunir autour d'une même table des représentants de syndicats, de l'industrie chimique et des gouvernements fédéral et provinciaux. Les discussions étaient très constructives et on a obtenu l'unanimité dans les domaines dont je parlerai plus tard.

En novembre 2002, le Bureau de direction a recommandé officiellement et unanimement à la ministre de la Santé de l'époque que le programme de renouveau soit parachevé par la mise en œuvre des amendements qui font l'objet du projet de loi S-2. Chacun des amendements énoncés se rapporte à un volet du mandat tripartite du Conseil, soit l'aspect économique de nos activités, la santé et la sécurité ainsi que la procédure d'appel. Je cède maintenant la parole à Mme Watts, qui vous expliquera en quoi consistent ces trois amendements.

Sharon Watts, directrice générale adjointe, Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses: Bonjour, honorables sénateurs.

Comme l'a mentionné M. Newton, on a proposé trois amendements dans le but de moderniser et de rationaliser les activités de Conseil. Le premier amendement permettra aux demandeurs de déclarer, avec un minimum de documents justificatifs, que les renseignements pour lesquels ils demandent une dérogation à l'obligation de divulguer sont des renseignements commerciaux confidentiels. Par « sommaire », j'entends seulement une déclaration, sans les documents justificatifs, selon laquelle les renseignements sont confidentiels et importants, et que je prendrai des mesures pour les protéger.

Actuellement, les demandeurs doivent soumettre des documents détaillés sur les mesures qu'ils ont prises pour maintenir le caractère confidentiel et sur les incidences financières possibles d'une divulgation, que ce soit une perte pour eux ou un gain pour un concurrent.

Il s'agit d'un fardeau administratif à la fois pour les demandeurs et pour le Conseil. L'industrie a été consciencieuse dans le dépôt de ses demandes de dérogation, car pratiquement toutes ont été jugées valides. Nous en sommes toujours à l'aspect économique et non à l'aspect santé et sécurité.

Le Conseil exigera la documentation complète à l'appui d'une demande de dérogation à l'obligation de divulguer lorsqu'une partie intéressée contestera une demande ou qu'une demande sera choisie par le biais d'un mécanisme de vérification mis en place pour décourager les demandes fallacieuses ou futiles.

L'amendement prévoit une méthode de déclaration, mais une partie intéressée pourrait demander une divulgation complète de tous les renseignements, ou un demandeur pourrait faire l'objet d'une vérification dans le cadre d'un plan d'échantillonnage.

C'était le premier amendement. Il concerne le premier volet du mandat, c'est-à-dire l'aspect économique dont vous a parlé M. Newton.

Le deuxième amendement correspond au deuxième volet de notre mandat, l'aspect santé et sécurité de notre examen de conformité. Il permettra aux demandeurs de prendre l'engagement d'apporter volontairement les changements nécessaires aux renseignements concernant la santé et la sécurité lorsque ceux-ci sont jugés non conformes.

En vertu de la législation actuelle, le Conseil doit émettre un ordre officiel de conformité, même si le demandeur est tout à fait disposé à apporter tous les correctifs nécessaires après avoir été avisé.

Cet ordre est publié intégralement dans la Gazette du Canada, mais ne devient exécutoire que 75 jours après sa publication, compte tenu de la période de 45 jours dont dispose le demandeur pour interjeter appel, suivie d'une autre période de 30 jours pour se conformer et soumettre une fiche signalétique modifiée.

En permettant que des correctifs soient apportés volontairement, on accélérera le processus visant à fournir aux travailleurs des renseignements précis concernant la sécurité. Du coup, on abolirait la période de 75 jours qui, en fait, est normalement plus longue et s'étend souvent sur quelques mois étant donné que nous regroupons les ordres devant être publiés dans la Gazette du Canada. Le demandeur soumet ensuite sa fiche signalétique modifiée, qui sera fournie aux travailleurs.

De plus, les demandeurs estiment que les ordres de conformité laissent entendre qu'ils sont réticents à assumer leurs responsabilités en matière de sécurité sur le lieu de travail, alors qu'en fait, ils nous ont indiqué qu'ils souhaitaient présenter une fiche signalétique modifiée sans qu'un ordre soit émis.

Il convient de souligner qu'en cas de non conformité aux règles et d'absence d'engagement du demandeur à l'égard du Conseil pour corriger le tir, on émettra un ordre sur-le-champ afin d'assurer le respect des exigences, quelles qu'elles soient.

La transparence sera assurée par la publication, non pas de l'ordre dans ce cas, mais bien de l'engagement et des correctifs requis, afin que les travailleurs sachent quels renseignements ont été volontairement modifiés. Ces derniers pourront retourner à leur poste et s'assurer que les correctifs ont été apportés.

La transparence était essentielle pour éviter qu'il y ait des tractations secrètes entre le Conseil et ses demandeurs.

Le troisième amendement se rapporte au troisième volet de notre mandat, la procédure d'appel. Il vise à améliorer la procédure d'appel en permettant au Conseil, à la demande d'une commission d'appel, de clarifier les aspects factuels du dossier lorsque nécessaire pour faciliter la procédure. Les appels sont entendus par des commissions indépendantes composées de trois membres qui représentent les travailleurs, l'industrie et le gouvernement; le représentant du gouvernement occupe le poste de président. La majorité des appels entendus à ce jour, d'après mon expérience, aurait profité de renseignements explicatifs supplémentaires de la part du Conseil, ce que ne permet pas la législation actuelle. Nous n'avons pas qualité pour agir en ce moment dans un appel.

Nous ne cherchons pas à participer à part entière à la procédure d'appel. Nous voulons simplement pouvoir fournir des précisions au besoin.

Cela permettrait d'accélérer la procédure d'appel et d'améliorer, probablement, le processus décisionnel. On peut présumer que si les membres de la commission disposent déjà de toute l'information sans devoir la chercher, ils rendront leur décision de manière plus judicieuse et rapide.

Aucun de ces changements ne vient entraver l'autonomie que le Conseil doit absolument avoir lors d'une comparution devant une commission d'appel.

Voilà en quoi consistent les trois amendements. Je redonne la parole à M. Newton.

M. Newton: J'ai quelques mots à dire avant de terminer. Les amendements contenus dans le projet de loi S-2 sont explicites et émanent de consultations tenues auprès de l'industrie, des travailleurs et des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Durant la dernière session du Parlement, comme l'a mentionné M. Fletcher, le projet de loi a été adopté par le Sénat sans opposition ni amendement. Les témoignages des représentants de l'industrie, des syndicats et du gouvernement durant les audiences ont révélé clairement que la mesure législative bénéficiait de leur appui entier et unanime.

Depuis octobre dernier, j'ai tenu une autre téléconférence avec le Bureau de direction, le 4 mai 2006, au cours de laquelle j'ai annoncé que nous reprenions le projet de loi et que j'avais l'intention de rappeler au comité sénatorial notre appui indéfectible. En effet, on m'a fait confiance et je suis heureux de vous apprendre aujourd'hui que le Bureau de direction continue d'appuyer fermement ces amendements.

Bref, les amendements permettront de réduire le temps requis pour examiner les demandes de dérogation à l'obligation de divulguer des renseignements confidentiels et d'accélérer le processus de correction des renseignements dont les travailleurs ont besoin pour manipuler des matières dangereuses de façon sécuritaire ainsi que la procédure d'appel. Ces amendements ne peuvent que contribuer à garantir un milieu de travail sain et sécuritaire.

Le vice-président: Avant de répondre aux questions des sénateurs, madame Watts, pourriez-vous nous expliquer la différence entre la procédure d'appel actuelle et celle qui sera appliquée après l'adoption des amendements? Après avoir lu la mesure législative, je constate qu'il n'y en a pas énormément. D'après ce que je vois, vous pourrez obtenir certains renseignements, mais vous n'interviendrez toujours pas dans la procédure d'appel.

Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et ne pas s'engager dans la procédure d'appel? Pourriez-vous nous décrire le déroulement des deux procédures d'appel? Vous pourrez ensuite répondre à ma première question.

Mme Watts: J'en serais ravie. Vous avez raison de dire que nous ne sommes pas engagés dans la procédure d'appel. Nous avons longuement discuté avec des avocats du ministère de la Justice, même au sujet de l'amendement proposé, pour nous assurer de ne pas participer à part entière à la procédure d'appel. Nous veillerons plutôt à maintenir la nature et l'autonomie législatives de notre tribunal tout en agissant à titre d'intervenant désintéressé. Bref, légalement parlant, nous ne croyons pas que nous devrions intervenir dans la procédure en tant que tribunal indépendant comparaissant devant sa commission d'appel.

Cependant, quel rôle jouerions-nous dans la procédure? Nous deviendrions en quelque sorte un dossier parlant. Si un dossier pouvait parler, il nous dirait quelles sont les ambiguïtés et comment les dissiper. Malheureusement, les ambiguïtés persistent à l'écrit. C'est la façon la plus simple de l'expliquer.

Lorsque la commission d'appel, les demandeurs et les parties intéressées examinent le dossier de l'agent de contrôle, les preuves présentées et les décisions rendues, de toute évidence, cela doit représenter exactement la réalité. Malheureusement, la réalité, c'est qu'il y a souvent des ambiguïtés; certaines politiques utilisées ne figurent pas clairement dans le dossier. On avance des hypothèses, et l'analyse fondée sur le poids de la preuve n'est pas parfaitement comprise par les personnes qui utilisent le dossier dans le cadre d'une procédure d'appel.

Je peux parler d'après mon expérience récente étant donné que j'occupais auparavant le poste de directrice de la Section d'appel. J'ai pris part à de nombreuses séances d'appel et j'ai écouté de longues discussions entre des membres du conseil qui se demandaient pourquoi cette étude en particulier avait servi à justifier telle décision; où étaient les renseignements à l'appui? Les appelants ne comprenaient pas pourquoi on avait utilisé cette étude plutôt qu'une autre ni pourquoi tel ingrédient avait été classé de telle manière. Il aurait pourtant été très simple de transmettre à la commission ou à l'appelant un document contenant l'information manquante. Je ne suis pas en train de défendre un point de vue ou ma décision; je fournis seulement certains éclaircissements là où il semble y avoir des ambiguïtés.

C'est ce qui se produira. Cette mesure interviendra dans le processus seulement dans la mesure où le dossier aura déjà été transmis. On convoque la commission d'appel, et les appelants et les parties visées peuvent dès lors comparaître et y faire un exposé. Une fois que tout le monde dispose de l'ensemble des renseignements, des questions sont soulevées et, souvent, on tient une téléconférence ou une conférence préparatoire. C'est à ce moment-là que ce genre d'information serait le plus utile, c'est-à-dire de préférence avant l'audience.

Cela pourrait tout simplement prendre la forme d'une question écrite de la commission d'appel au conseil, qui devrait lui renvoyer une réponse. Nous n'avons pas l'intention de nous présenter en personne. Nous ne voulons pas avoir l'air de comparaître pour être interrogés par l'appelant; si c'est possible, nous aimerions fournir cette information par écrit.

Si cette mesure est adoptée, nous passerons à une deuxième étape dans notre système de réglementation. Cette étape permettrait une comparution en personne si, dans le cadre d'une audience, une question devait surgir et que des clarifications étaient absolument nécessaires.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Le projet de loi S-2 est-il sous la même forme et contient-il exactement les mêmes propositions qui ont été soumises à ce comité sous la forme du projet de loi S-40?

[Traduction]

M. Fletcher: J'ai cru comprendre que c'était le cas.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Ma deuxième question s'adresse à M. Newton qui nous affirme que son conseil est unanime à appuyer ce projet de loi. Si je me rappelle bien, lorsque vous étiez venu l'an passé, tous les intervenants qui avaient comparus étaient tous d'accord et voulaient que ce projet de loi aille de l'avant. On parlait des représentants des travailleurs de l'industrie, dois-je comprendre que la situation est encore la même?

M. Newton: Ils ont reçu une invitation à venir témoigner au comité en octobre dernier. Cette fois-ci, je ne savais pas qui allait témoigner. Par souci d'honnêté, j'ai organisé une téléconférence avec tous les témoins qui ont comparus afin de m'assurer de dire la vérité quant à leur position face à ces changements. Ils nous ont dit qu'il y avait eu unanimité le 4 mai et qu'ils étaient prêts à comparaître devant le comité et que nous avions leur approbation pour répéter leur appui.

Le sénateur Robichaud: L'an passé ce projet de loi a été adopté sans amendement en comité, l'a aussi été à l'étape de la troisième lecture en Chambre et s'est même rendu à la Chambre des communes. J'espère pour vous que le processus se fera un peu plus vite cette fois-ci.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane: Ma question fait suite aux observations du sénateur Keon. Le processus visant à fournir de l'information précise aux travailleurs sera maintenant plus efficace. Vous dites que cela prendra environ 75 jours de moins. Pourriez-vous m'indiquer le délai actuel pour apporter des corrections aux renseignements de santé et sécurité? En quoi est-il différent de celui qui sera en vigueur une fois la loi adoptée?

Mme Watts: Cela dépend du temps nécessaire pour rendre une décision; actuellement, cela peut prendre de 12 à 18 mois, étant donné que nous avons un arriéré d'appels à entendre. Une fois la décision rendue, il faut compter plus de deux à trois mois avant qu'elle ne soit publiée dans la Gazette du Canada. Ensuite, il y a un délai d'appel de 45 jours. Si l'on interjette appel — et c'est là qu'il est très important que nous soyons transparents et que nous fournissions des renseignements aux appelants pour limiter le nombre d'appels —, la procédure peut prendre encore 18 mois. Pendant ce temps, les renseignements relatifs à la santé et à la sécurité n'ont toujours pas été corrigés ni communiqués aux travailleurs. Dans le cas d'un appel, il peut s'écouler beaucoup de temps avant que des corrections ne soient apportées.

Il convient de préciser que bien que nous proposions de modifier le processus d'appel, nous n'avons été saisis d'aucun appel depuis plus de cinq ans. Cela s'explique par le fait que nous avons instauré un mécanisme de résolution des différends il y a cinq ans, lorsque nous avons lancé notre programme de renouveau. Nous avons prévu des échanges avec les demandeurs tout au long du processus décisionnel de première instance, ce qui nous permet de leur communiquer en toute transparence les renseignements qui étayent nos décisions. Ainsi, il n'y a pas de surprise.

Par le passé, les demandeurs ont pu être mécontents, voire même fâchés ou surpris de la décision, et ils devaient faire appel pour avoir accès aux renseignements. Ce processus ne garantit pas qu'ils seront satisfaits, mais au moins, il leur permettra de comprendre sur quels éléments repose la décision, puisqu'on les tient informés tout au long du processus. Résultat: nous avons constaté une baisse radicale du nombre d'appels.

Dans le meilleur des cas, lorsqu'aucun appel n'est interjeté, il s'écoule deux ou trois mois avant que la décision soit publiée dans la Gazette du Canada, ce à quoi il faut ajouter la période de 75 jours. Pendant six mois, donc, les travailleurs ne disposent pas des renseignements. En revanche, dans le cas d'un engagement volontaire, dès qu'ils ont apporté les corrections nécessaires, les demandeurs garantissent par écrit que l'information a été donnée aux travailleurs.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous bien dit qu'il n'y avait eu aucun appel au cours des cinq dernières années?

Mme Watts: C'est exact. Au total, nous avons été saisis de 16 appels, dont cinq ont donné lieu à des audiences. Ces appels concernaient des grands de ce monde comme les 3M et autres Monsanto, et leur traitement a duré un certain temps.

Le sénateur Callbeck: Y a-t-il des frais exigibles pour se pourvoir en appel?

Mme Watts: Oui, il en coûte 2 000 $, peu importe les motifs de l'appel. Ces frais sont symboliques; ils ne visent pas à recouvrir les coûts. Des droits sont également exigibles pour le dépôt d'une demande de dérogation.

M. Fletcher: Pour les petites entreprises, ces frais sont réduits de moitié.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous bien dit que la durée moyenne du processus d'appel est de 18 mois?

Mme Watts: Oui, nous avons déterminé ce délai à partir des cinq appels entendus. On a dû s'adapter. La commission d'appel compte trois membres à temps partiel et, à quelques reprises, il s'est avéré difficile de réunir à la fois ces trois membres et tous les scientifiques, les avocats des appelants et les parties visées.

Le sénateur Callbeck: Les modifications du processus d'appel devraient-elles avoir pour effet de réduire ce délai?

Mme Watts: Oui. Cela ne peut empêcher tous les retards qui se produisent au cours de la période d'appel, mais comme M. Newton l'a indiqué plus tôt, nos efforts visaient seulement les trois aspects qui nécessitaient des modifications législatives. Nous avons procédé à toutes sortes de changements sur le plan administratif et par voie de règlement, notamment pour l'accélération du processus d'appel en optimisant les conférences préparatoires, la structure d'appel ainsi que la formation des membres de la commission d'appel. En un mot, oui, cette dernière mesure devrait accélérer le processus.

M. Newton: Le conseil a été renouvelé. L'ancien conseil — faute de mieux — a émis des ordres de conformité, qui sont presque des arrêts judiciaires, sans en expliquer les motifs à l'industrie des produits chimiques ou aux demandeurs. Ces derniers présentaient une demande et recevaient un ordre les enjoignant d'apporter des corrections à une dizaine d'endroits dans leur documentation. Le seul moyen pour les demandeurs de savoir ce qui justifiait ces corrections était d'interjeter appel. Ensuite, au cours du processus d'appel, le conseil n'avait pas le droit de donner des explications détaillées en raison de cette contrainte juridique.

Dans le cadre de nos travaux de renouvellement, nous avons tenté de mettre l'accent sur le partage de renseignements dès le départ plutôt que sur le processus d'appel. Nous sommes partis du principe que le plus tôt les demandeurs connaîtraient nos fondements scientifiques, le plus tôt on pourrait débattre du poids de la preuve ou de la pertinence d'une étude ou d'une méthode d'examen, cela afin d'éviter un appel.

Lorsque nos scientifiques nous remettent un document d'avis, nous le transmettons aux représentants de l'industrie avant de prendre une décision. Nous leur indiquons qu'il s'agit de nos conclusions scientifiques, mais qu'elles ne correspondent pas aux leurs, et nous leur demandons leur avis. Nous avons tenté d'ouvrir l'accès à l'information avant que l'on ne prenne des décisions favorisant les appels.

Dans une certaine mesure, cet amendement demeure nécessaire, parce que le partage de l'information avec l'industrie est une politique et non une obligation juridique. Quoi qu'il en soit, au bout du compte, c'est une mesure de protection qui donne aux demandeurs un accès à l'information garanti par la loi, ce qui leur était refusé auparavant.

Le sénateur Cordy: Notre travail est facilité lorsque toutes les parties s'entendent pour dire que quelque chose est valable.

M. Newton a parlé de l'exception à la divulgation complète des renseignements dans le cas où cette divulgation trahirait un secret commercial, et cela tient du bon sens. Si quelqu'un consacre beaucoup de temps à la recherche et au développement, ce ne serait pas une bonne chose que d'en révéler les résultats à la concurrence.

Mais comment expliquez-vous aux employés les aspects relatifs à la santé et à la sécurité des matières dangereuses sans révéler la nature de celles-ci?

M. Newton: C'est une excellente question face à laquelle les représentants des travailleurs qui siègent au conseil demeurent vigilants. La plupart des gens auraient du mal à comprendre la concentration et les mélanges d'ingrédients chimiques en des termes scientifiques.

Ce qui compte pour les travailleurs, c'est que les ingrédients soient divulgués dans les déclarations de santé et de sécurité et que les propriétés toxiques des produits soient clairement spécifiées. Mais bien souvent, ce n'est pas le cas. Les premiers soins à administrer et les mesures préventives ne sont pas non plus précisés de façon explicite.

Dans le cadre de notre travail, il est important de nous assurer que la documentation relative à la sécurité soit corrigée à 100 p. 100. Avec cette documentation en mains, l'employeur formera des comités de santé et sécurité pour informer les employés sur l'utilisation des produits et les mesures de protection qu'ils devront prendre. Nous avons le mandat de faire en sorte que les déclarations relatives à la santé et à la sécurité tiennent compte des ingrédients et des concentrations qui demeurent secrets. Nous appelons cela la loi d'équilibre: il s'agit de trouver le juste milieu entre le droit de tenir confidentielle l'information sur les matières dangereuses et les ingrédients et le droit de savoir des travailleurs. Certains renseignements peuvent être dissimulés, mais nous veillons à ce qu'il y ait une divulgation totale des répercussions des produits sur la santé et la sécurité.

Le sénateur Cordy: La collaboration avec les groupes de travailleurs impliqués est-elle harmonieuse?

M. Newton: Les groupes de travailleurs sont vigilants. Il y a le Congrès du travail du Canada, ou CTC, un autre groupe de travailleurs qui fait partie du conseil, et deux autres issus de l'industrie. Parfois, nous disons à la blague que c'est un conseil de tensions dynamiques. Néanmoins, tous travaillent très bien ensemble parce que l'industrie s'estime responsable de la protection des travailleurs et que les représentants syndicaux et le conseil partagent cette vision. Il y a des débats animés, mais lorsqu'il s'agit de sécurité en milieu de travail, tout le monde s'entend. Cela nous facilite la tâche.

Dans une proportion de 95 p. 100 de nos travaux de renouvellement, nous avons réussi à accroître la transparence et la divulgation de nos avis scientifiques sans qu'il soit nécessaire de faire appel pour accéder à l'information, et ce en rendant possible la communication avec nos scientifiques ainsi que la correction de nos données si elles sont erronées.

Nous avons fait un travail considérable. Toutes ces mesures ont été encouragées. En fait, c'est le représentant de l'industrie qui siégeait au conseil à l'époque qui s'est fait le promoteur d'une franche divulgation. On nous a demandé de partager l'information, en nous interrogeant sur les raisons pour lesquelles nous nous cachions, dans une certaine mesure, derrière un processus d'appel, en cas de confidentialité des renseignements. Les travailleurs ont appuyé cela, en disant que le plus tôt on réglerait le problème, le plus rapidement ils auraient accès à une documentation plus complète et seraient protégés.

C'était un renouvellement intéressant et enrichissant. J'ai supervisé le processus et, de mon point de vue, l'industrie, les travailleurs et les gouvernements fédéral et provinciaux ont travaillé main dans la main pour une cause commune. En voici le résultat aujourd'hui.

Le sénateur Forrestall: Puisque je me suis consacré pendant un certain nombre d'années au transport de produits dangereux, j'aimerais connaître l'incidence qu'aura cette loi sur les sujets dont vous avez parlé et qui concernent ce domaine. Ensuite, proposez-vous que nous cachions aux transporteurs la nature des ingrédients contenus dans les produits qu'ils déplacent? Comment, alors, pourront-ils appliquer la méthode la plus sécuritaire possible pour transporter ces produits?

M. Newton: Je vais répondre à la seconde partie de votre question; Mme Watts se chargera de la première.

J'ai fait votre connaissance dans le secteur des transports il y a un certain nombre d'années, alors que j'occupais un autre poste. Je suis ravi de vous revoir.

Le compromis est le suivant: les secrets commerciaux ne sont pas révélés, mais les mesures relatives à la santé et à la sécurité, elles, le sont. Toutefois, si un accident de travail ou de transport ou encore un déversement devaient se produire, et que la documentation liée au produit concerné indiquait que les ingrédients ne sont divulgués qu'en partie, notre loi nous permettrait d'en révéler la teneur à un médecin qualifié à des fins de nettoyage et de protection des gens sur les lieux. Il existe un mécanisme de diffusion d'urgence visant à ce que nous partagions les renseignements, mais ceux-ci ne sont pas divulgués à ceux qui transportent et manipulent des conteneurs, et cetera.

Mme Watts: Pour répondre à la première partie de votre question, la relation que nous entretenons avec Transport des matières dangereuses, ou TMD, est semblable à celle de collègues. Le rôle de TMD et la place que cette direction générale occupe dans le monde de la santé et de la sécurité diffèrent nettement des nôtres. Nous œuvrons dans le milieu du travail, eux dans le domaine du transport, et nous sommes complémentaires. C'est ainsi que je décrirais notre relation. Le système de classification des risques que nous utilisons pour les matières dangereuses contenues dans les produits contrôlés est complémentaire à celui qu'utilise TMD. Lorsque nous travaillons à des projets d'intérêt commun, tels que l'harmonisation mondiale des renseignements, nous travaillons aux côtés de TMD de même que des environnementalistes afin d'être tous sur la même longueur d'ondes. En milieu de travail, notre rôle en matière de santé et de sécurité implique de garder confidentiels uniquement le nom et la nature de certains ingrédients, car les renseignements relatifs à la santé, à la sécurité et premiers soins à prodiguer doivent tous être divulgués.

Le sénateur Forrestall: En tant que travailleur assidu et personne pas particulièrement brillante, j'espère que cette complémentarité aura des avantages réels.

Mme Watts: Nos clients nous talonnent à cet égard. Les Monsanto et autres industries qui doivent composer avec un grand nombre d'entre nous veillent à ce que nous agissions de façon complémentaire et non contradictoire.

Le sénateur Forrestall: J'avais justement en tête Monsanto et trois ou quatre autres entreprises, parce que je me souviens de vives discussions, il y a de cela quelques années — vous venez d'y faire allusion et je suis surpris de l'entendre encore une fois —, concernant le fait que le domaine des transports n'est pas considéré comme un milieu de travail.

[Français]

Le sénateur Champagne: Merci, monsieur le président. Lorsqu'on a étudié le projet de loi S-40, je ne faisais même pas partie du Sénat. Vous me permettrez une question de néophyte. J'ai bien lu les documents et j'ai bien compris, madame Watts, que les amendements touchent trois points importants: le côté économique, le côté santé sécurité et le processus d'appel. Mais je me demande, dans ces trois domaines, qui ont été les gens les plus intéressés et qui vous ont vraiment forcé ou amené à proposer ces amendements et à présenter le projet de loi S-40, puisque celui-ci est identique au précédent? Est-ce que c'était l'industrie, les scientifiques, les travailleurs? Qui a vraiment fait cet entonnoir qui a fait que ce projet de loi est devant nous?

Mme Watts: C'est une question un peu difficile à répondre parce que je pense que les deux premiers, celui qui concerne la déclaration, c'est une approche très appuyée par l'industrie. Cette proposition était la plus épineuse en ce qui concerne notre rôle. Est-ce que l'industrie vraiment méritait un tel type de réduction de travail en fait? Est-ce qu'on était assuré que vraiment elle méritait une telle approche? La réponse était oui.

L'autre défi était d'assurer les travailleurs que oui, ce n'est pas juste un gain pour l'industrie, mais une situation gagnante — gagnante, parce que si on réduit le fardeau administratif pour nous et pour l'industrie, ce serait bénéfique pour les travailleurs en expédiant le processus des fiches signalétiques et les actions correctives au travail.

En même temps une autre pression de l'industrie existait pour une approche volontaire. C'est un autre défi que nous avions avec nos collègues les travailleurs syndiqués. C'était plutôt une question de perception, qui était de laisser faire, le conseil n'était pas vraiment pressé d'avoir des fiches signalétiques et d'autres correctifs. Ce n'est pas le cas.

En fait, un président de Monsanto, une autre compagnie, nous disait: «Je voudrais vraiment être en conformité, laissez-moi le faire sans avoir un avis dans la Gazette du Canada en disant aux gens qu'on avait frappé Monsanto et l'autre compagnie parce qu'on avait dû ordonner une telle correction.

La troisième étape importante, plus personnellement pour moi, c'est qu'on avait remarqué les retards à cause du fait que ce n'était pas clair, il y avait beaucoup d'ambiguïté.

Le sénateur Champagne: Puisque tout le monde est d'accord, permettez-moi d'espérer que les parlementaires ne mettront pas les cinq ans que votre processus d'appel connaît pour renvoyer le projet de loi S-2 au Sénat et ensuite à la Chambre des communes.

[Traduction]

M. Fletcher: C'était la faute du Sénat, pas la nôtre.

Le vice-président: Monsieur Fletcher, jusqu'ici nous avons été aimables.

M. Fletcher: Tâchez d'abord de me comprendre.

Le sénateur Fairbairn: Peut-être que vous ne pouvez pas, ou même que vous ne voulez pas répondre à cette question, mais êtes-vous en mesure de nous expliquer en quelques mots ce qui se passe exactement? Quel est le processus par lequel, à un moment donné, quelqu'un estime que quelque chose n'est pas correct et, de fil en aiguille, vous prenez connaissance du dossier, vous l'examinez et vous réglez le problème? Vous n'êtes pas obligé de prendre l'exemple de Monsanto, vous pouvez en inventer un.

C'est fascinant, et c'est une mesure législative importante. Pouvez-vous essentiellement nous expliquer comment vous êtes alertés, de quels problèmes il peut s'agir et comment vous arrivez à atteindre vos objectifs?

M. Newton: Lorsque des matières dangereuses entrent au Canada et qu'elles sont vendues ou distribuées, si elles ne font l'objet d'aucun secret commercial — quant à la concentration du mélange ou à la formule —, elles sont directement introduites sur le marché. Les produits ainsi que la documentation qui les accompagne sont lancés sur le marché sans examen préalable. Il revient aux gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral de déterminer s'ils sont conformes ou non.

Dans les seuls cas où il s'agit d'une formule protégée par un secret commercial — ce qui représente une exception à la règle de divulgation complète du SIMDUT —, les entreprises qui souhaitent garder des renseignements confidentiels peuvent faire appel à nous — à nos services, si vous voulez. Nous n'allons pas vers eux et nous ne leur demandons pas de nous envoyer quoi que ce soit. Nous nous contentons de répondre. Pour parler franchement, j'ignore qui viendra cogner à ma porte aujourd'hui. Des messagers se présentent, ils sont liés et ils détiennent de la documentation entourant un secret commercial. Nous sommes totalement régis par la demande; voilà pour le premier aspect.

Tout d'abord, je vais vous donner un exemple concret sans identifier l'entreprise concernée car c'est inutile. Nous avons reçu une demande de protection du secret commercial concernant une mousse extinctrice utilisée seulement dans les aéroports. L'avis scientifique de l'entreprise qui souhaitait garder le secret commercial différait radicalement du nôtre. Nous étions d'avis qu'une exposition aiguë pouvait endommager le système nerveux central, tandis que l'entreprise estimait qu'une surexposition chronique pouvait nuire à la santé.

C'est le genre de choses dont nous discutons avec l'industrie. Nous partageons nos connaissances scientifiques et, au bout du compte — pour faire une analogie avec le bridge —, nous gardons une carte maîtresse. Nous pouvons émettre des ordres de conformité. Il est toutefois préférable que les demandeurs se conforment de leur plein gré.

Quand nous partagions l'information en fin de processus, nous obligions les demandeurs à déclarer une nouvelle fois les propriétés toxiques d'un produit afin qu'elles correspondent davantage à celles de notre avis. Les demandeurs étaient alors tenus de modifier les mesures relatives à la protection et aux premiers soins en cas d'exposition.

En vertu de l'ancien système, celui qui est actuellement en vigueur, nous devons enjoindre les demandeurs d'apporter des corrections, même s'ils se rangent à notre avis. Nous émettons des ordres de conformité qui paraissent dans la Gazette du Canada. Ensuite, ils nous envoient la documentation modifiée à la suite de notre avis, de notre ordonnance conditionnelle. Si cette documentation est conforme à nos exigences, nous l'approuvons, et les demandeurs apporteront les changements requis. Nous espérons qu'ils le feront partout où le produit est vendu dans le monde, même si l'ordonnance est valable seulement au Canada. Nous avons quand même une influence, en ce sens qu'il serait irresponsable de la part des demandeurs, pour peu qu'ils approuvent nos conclusions scientifiques, de ne pas corriger la documentation de leurs produits, où qu'ils les vendent. Cela dépasse notre compétence, mais dans une perspective de prudence, on peut croire qu'ils le feront.

Nous faisons constamment ce genre de choses. Je pense vous avoir donné des exemples selon lesquels certains des produits que nous examinons contiennent des phytotoxines, sans que les demandeurs en fassent toutefois mention dans leur documentation. Nous étudions notamment les ingrédients, leur concentration et le niveau au-delà duquel il doit y avoir divulgation, et nous indiquons aux demandeurs qu'il s'agit de phytotoxines et qu'ils doivent le préciser dans leurs déclarations. Ensuite, le dossier est renvoyé.

L'an dernier, nous avons émis 2 103 ordres de conformité — des ordonnances judiciaires, pour ainsi dire — qui visaient à faire changer la documentation sur des produits. Nous n'avons été saisis d'aucun appel. Nous traitons notamment avec DuPont; 45 p. 100 de notre clientèle est composée de grandes entreprises américaines — Union Carbide, 3M, et cetera — qui disposent d'importantes ressources.

Le temps pour nous d'émettre un ordre de conformité, ce que nous sommes tenus de faire aux termes de la loi, et les entreprises savent déjà qu'elles le recevront; elles ont donné leur approbation et sont disposées à soumettre la documentation modifiée.

Lorsque Mme Watts a dit que nous n'avions été saisis d'aucun appel en cinq ans, cela ne signifiait pas qu'il n'y a eu aucun conflit. Nous avons probablement émis des milliers d'ordres de conformité sans qu'il y ait eu un seul appel. Cela veut dire que nous avons négocié le respect du principe selon lequel les travailleurs, sur leur lieu de travail, doivent disposer de la documentation correcte et des moyens pour se protéger.

Il s'agit d'un aspect de la question. Pour ce qui est de la santé et de la sécurité, les demandeurs savent que lorsqu'ils nous soumettent de la documentation, nous l'étudierons de A à Z. Dès lors, il est ironique que nous y trouvions toutes ces violations — en moyenne une dizaine par demande. Ces violations sont des omissions: les ingrédients ou les propriétés toxiques auraient dû être révélés; ou encore des erreurs: description inadéquate des mesures préventives ou des traitements de premiers soins. Sur les violations relevées, 90 p. 100 concernent directement le fond et non la forme.

D'un autre côté, l'industrie s'est montrée très habile à satisfaire aux mécanismes de protection des secrets commerciaux pour que des ingrédients entrent dans cette catégorie et soient tenus confidentiels — dans une proportion de 4 000 cas sur 5 000, peut-être. Que Mme Watts me corrige si je me trompe, mais je crois que c'est de cette ampleur. Pour ce qui est de la santé et de la sécurité, chaque année, nous émettons plus de 2 000 ordres de conformité.

Les travailleurs ont voix au chapitre. Chaque année, nous devons leur présenter, ainsi qu'à l'industrie, un rapport de rendement, un rapport sur nos activités. Nous publions ces statistiques dans notre rapport annuel. Nous divulguons ces renseignements au grand jour. Nous les transmettons aux organismes de réglementation provinciaux pour leur signaler, en quelque sorte, qu'ils pourraient concentrer leurs inspections sur l'industrie du plastique, ou certains groupes de secteurs ou groupes de produits pour lesquels nous avons relevé des manquements et, dans le même ordre d'idées, nous leur laissons entendre que leurs programmes provinciaux pourraient bénéficier de telles études dans le cadre de leur mandat provincial.

C'est pour cette raison que le conseil a des organismes de réglementation provinciaux, que les travailleurs et l'industrie ont leur place autour de la table et que nous discutons franchement.

Le sénateur Fairbairn: Vos explications sont très utiles. Merci.

J'en déduis, d'après tout ce que vous venez de dire, qu'il serait étonnant qu'un de ces processus simples aboutisse devant les tribunaux.

M. Newton: C'est vrai. Dans l'éventualité où notre position et celle de l'industrie seraient radicalement opposées, ce qui s'est déjà produit, et où le conflit suivrait le processus d'appel en entier, jusqu'en Cour fédérale, une personne pourrait travailler avec un produit pour lequel les déclarations de sécurité sont considérablement inadéquates et incomplètes et n'en être informé que sept ans plus tard. C'est pourquoi nous indiquons, au début de notre étude, qu'en ce qui concerne les appels, nous devons procéder à l'envers et résoudre les conflits, partager l'information et obtenir des engagements dès le départ. C'est seulement ainsi que nous pourrons servir adéquatement les intérêts des travailleurs. Mais si nous entrons dans un processus litigieux, cela peut traîner en longueur pendant des années et la documentation demeurera inchangée et inexacte jusqu'à la décision finale de la cour. C'est pourquoi nous ne voulons plus faire appel aux tribunaux.

Le vice-président: Comme il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais remercier nos témoins pour la clarté de leurs exposés.

Honorables sénateurs, étant donné que cette loi fait consensus, et compte tenu du processus par lequel elle est passée, peut-être pourrions-nous faire l'examen article par article ce soir, plutôt que demain. Nous pourrions même nous passer de cette étude et demander l'adoption de la loi sans amendement. Je pourrais ensuite en faire rapport au Sénat.

Le sénateur Robichaud: Ce projet de loi est court, et suivre la procédure habituelle d'étude article par article ne nous prendrait que quelques minutes. Ainsi, personne ne pourra dire que nous n'avons pas suivi les procédures appropriées.

Le vice-président: Je vois que cela fait consensus.

Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous procédions à l'étude article par article du projet de loi?

Des voix: Oui.

Le vice-président: Est-il convenu de réserver le titre?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Les articles 1 à 9 sont-ils adoptés?

Des voix: Oui.

Le vice-président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Le projet de loi non modifié est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le vice-président: Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi non modifié à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, nous devons nous occuper d'une petite question très simple. Il s'agit de l'étude de deux ébauches de budget, qu'on vous a distribuées.

Le montant total du premier budget s'élève à 54 500 $. Ce budget est consacré à l'étude spéciale sur la santé mentale. Les fonds sont répartis comme suit: 2500 $ iront à des professionnels et autres services, 10 000 $ au transport et aux communications et 42 000 $ serviront à couvrir toutes les autres dépenses.

À la page trois, vous trouverez une répartition détaillée.

Le sénateur Cordy: Je propose l'adoption de ce budget.

Le vice-président: Qui est d'accord?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Étudions maintenant notre budget relatif à l'examen des mesures législatives pour l'exercice se terminant le 31 mars 2007. Le montant total est de 8 000 $, dont 6 000 $ pour des professionnels et autres services et 2000 $ pour toutes les autres dépenses.

Le sénateur Cochrane: Je propose que nous adoptions le budget.

Le vice-président: Qui d'autre est pour?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Merci, honorables sénateurs. Voilà qui met fin à notre réunion.

La séance est levée.


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