Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 5 - Témoignages du 22 septembre 2006
OTTAWA, le vendredi 22 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 10 pour examiner la santé mentale et la maladie mentale.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue. Avant de commencer, permettez-moi de mentionner que le comité a préparé un rapport sur le système des hôpitaux et des médecins, dont la publication remonte à octobre 2002. Comme les sénateurs le savent, en temps normal, un rapport d'un comité sénatorial a une durée utile d'environ quatre semaines; alors quatre ans... Il est intéressant de noter que même si nos renseignements sur les délais d'attente et tout le reste demeurent un élément déterminant du dossier national de la santé, je ne pouvais m'empêcher de souligner aux membres du comité que les sous-ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux ont publié hier un rapport sur les médicaments onéreux et que le plan qu'ils ont échafaudé est quasiment identique au plan conçu par notre comité.
Au cours de nos délibérations au comité, nous avons maintes fois parlé de l'importance des politiques gouvernementales définissant les termes du débat. Une des questions qui restent à régler dans le rapport qu'ils ont produit, c'est la quantification du terme « difficultés financières excessives ». Voilà qui fera rire les collègues, car selon le rapport de notre comité l'idée même du régime de médicaments onéreux devrait consister à déterminer la manière de s'y prendre pour éviter que les gens aient à supporter des difficultés financières excessives en raison du prix élevé des médicaments. C'est le dernier élément du rapport non réglé.
Notre audience a pour but de faire appel aux lumières des gens qui sont réunis ici autour de la table. Le projet de la commission canadienne de la santé mentale proposé par le comité comporterait trois aspects précis, dont un programme national anti-stigmatisation. En octobre, M. Phil Upshall organise une conférence de deux jours sur une campagne de cette nature à Ottawa. Le deuxième aspect proposé : un centre d'échange des connaissances. Nous avons cru bon de discuter de la question aujourd'hui, de manière à pouvoir préparer un document d'information à l'intention de la commission qui sera mise sur pied, en présumant qu'elle le sera, et nous préparerons également un document sur la question de la stigmatisation à la suite de la conférence de M. Upshall. Nous ne savons pas si la commission verra le jour, mais toutes les provinces et tous les territoires sont toujours d'accord. C'est le gouvernement fédéral qui doit prendre la décision dans le cadre du processus budgétaire; je demeure optimiste.
J'ai cru qu'il serait à la fois utile et efficace pour les membres de la commission, au moment où celle-ci sera créée, de disposer au départ d'un document d'information sur la manière dont certains esprits éclairés feraient pour établir une campagne anti-stigmatisation et un centre d'échange des connaissances.
Par conséquent, notre comité a pour but de préparer à l'intention de la commission proposée un rapport renfermant des recommandations sur l'établissement d'un centre national d'échange des connaissances englobant le champ global de la santé mentale. Notre tâche aujourd'hui consiste à glaner le plus d'information possible à cette fin. Je demanderais à chacun de se présenter.
Sénateur Keon : Je suis le sénateur Wilbert Keon, vice-président du comité.
Ross Hetherington, directeur, About Kids Health, Hospital for Sick Children : Je suis Ross Hetherington.
Mme Bonnie Pape, à titre personnel : Je m'appelle Bonnie Pape, et je travaillais anciennement au bureau national de l'Association canadienne pour la santé mentale. J'y suis encore attachée à titre de conseillère spéciale, mais je comparais aujourd'hui à titre personnel.
Ray Block, directeur général, Conseil de la santé mentale de l'Alberta : Je m'appelle Ray Block.
Le sénateur Cordy : Je m'appelle Jane Cordy, je suis sénateur et je suis originaire de la Nouvelle-Écosse. Je siège au comité depuis que nous avons commencé à y étudier les soins de santé.
Dr Alain Lesage, président sortant, Académie canadienne d'épidémiologie psychiatrique : Je suis Alain Lesage. Je représente l'Académie canadienne d'épidémiologie psychiatrique. Je suis aussi professeur au département de psychiatrie de l'Université de Montréal, et je suis affilié au centre de recherche Fernand-Séguin dans l'est de Montréal.
Barbara Beckett, directrice associée, Instituts de recherche en santé du Canada : Je suis Barbara Beckett, de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, aux Instituts de recherche en santé du Canada.
Irving Gold, directeur, Centre d'échange des connaissances, Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé : Je m'appelle Irving Gold.
Paula Goering, directrice, Recherche des systèmes de santé et Unité de consultation, Centre de toxicomanie et de santé mentale : Je m'appelle Paula Goering, je suis directrice d'une unité de recherche au Centre de toxicomanie et de santé mentale. J'occupe également une chaire financée par la FCRSM et les IRSC, dont le centre de préoccupation est l'application des connaissances.
Phil Upshall, directeur exécutif national, Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale : Je m'appelle Phil Upshall. L'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale est la plus grande coalition qui soit au Canada, à l'échelle nationale, dans le domaine de la santé mentale. Nous sommes fiers d'être ici aujourd'hui. Je suis directeur général de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada, qui est l'hôte du projet national de recherche sur la stigmatisation à Ottawa, du 2 au 4 octobre 2006. J'inviterais tout le monde à jeter un coup d'œil à la documentation qui se trouve sur le site Web. C'est très bien fait.
Constance McKnight, directrice exécutive nationale, Réseau national pour la santé mentale : Je m'appelle Constance McKnight; je suis ici aujourd'hui pour représenter la Coalition canadienne des ressources alternatives en santé mentale. Nous sommes tous centrés sur l'usager.
Dan Reist, spécialiste de l'application des connaissances, BC Centre for Addiction Research, Université de Victoria : Je m'appelle Dan Reist. Je dirige le Communication and Resource Unit chargée des activités d'échange des connaissances au Centre for Addictions Research de la Colombie-Britannique, à l'Université de Victoria.
Karren Kidder, gestionnaire, Centre d'excellence provincial au CHEO en santé mentale des enfants et des ados : Je m'appelle Karren Kidder. Je suis directrice de l'échange des connaissances au Centre d'excellence provincial au CHEO en santé mentale des enfants et des ados.
Ian Manion, psychologue, Centre d'excellence provincial au CHEO en santé mentale des enfants et des ados : Je m'appelle Ian Manion. Je suis directeur exécutif chargé des opérations au Centre provincial d'excellence au CHEO en santé mentale des enfants et des ados. Je suis également chercheur à l'Université d'Ottawa et à l'Institut de recherche de l'Hôpital pour enfants.
Le sénateur Di Nino : Bonjour, je m'appelle Consiglio Di Nino. Je m'excuse du mal de gorge qui m'afflige ce matin. Je ne suis pas membre du comité. Je suis là parce que le sujet m'intéresse et parce que je remplace un collègue, je tenais à vanter un peu publiquement mes collègues qui font partie du comité.
Nous avons affaire à une question qui est d'une importance capitale pour notre pays et à ce qui constitue probablement l'un des meilleurs rapports produits depuis longtemps par le Sénat. Aux membres en règle du comité, j'adresserais mes félicitations. J'applaudis à leur travail.
Patrick Smith, conseiller principal, B.C. Mental Health and Addiction Services — Centre for Research and Knowledge Exchange : Je m'appelle Patrick Smith et je représente l'organisme B.C. Mental Health and Addiction Services, du Provincial Health Services Authority, en Colombie-Britannique, et je suis directeur du service de psychiatrie pour toxicomanes à UBC.
Peter Coleridge, conseiller principal, B.C. Mental Health and Addiction Services — Centre for Research and Knowledge Exchange : Je m'appelle Peter Coleridge et je travaille au même endroit que M. Smith. Je suis également conseiller spécial de la Table ronde de commerce international et d'économie sur les dépendances et la santé mentale — certes, les lieux de travail sont tout indiqués pour l'échange des connaissances. Je suis également membre fondateur du Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies.
Le président : J'aimerais faire un tour de table en sens inverse cette fois-ci. J'aimerais que chaque personne nous fasse part des conseils qu'elle donnerait à un groupe qui serait chargé de mettre sur pied un centre d'échange des connaissances à la Commission de la santé mentale. Quelles sont les trois ou quatre tâches qui, à vos yeux, seraient les plus importantes? Je vous ai demandé de noter par écrit vos observations et de nous les remettre pour que notre travail soit un peu plus facile; je vous prie de remettre les documents à notre principale attachée de recherche sinon à notre greffière après l'audience.
M. Coleridge : C'est un dossier auquel M. Smith et moi-même avons travaillé ensemble; je vais donc en parler un peu pour lui céder ensuite la parole.
Nos conseils à qui doit réfléchir à l'échange des connaissances? Il faut s'attacher à trois catégories de changement : premièrement, modifier la pratique chez les professionnels; deuxièmement, influer sur le travail des auteurs des politiques officielles; et, troisièmement, prendre en considération le public et les nombreuses sous-populations et communautés multiculturelles, ainsi que les clients et les familles qui souhaitent avoir accès aux services ou s'en prévaloir.
Ce serait là les trois catégories de l'échange des connaissances. En rapport avec chacune d'entre elles, il importe d'envisager une stratégie globale qui fait voir comment vous allez modifier la pratique, influer sur les politiques et influer sur les attitudes et comportements du grand public.
Les campagnes de sensibilisation du public, les colloques pour les professionnels de la santé et les rapports à l'intention des décideurs ont eu tendance à revêtir un caractère ponctuel. Or, nous savons que cette façon de procéder — une mesure ponctuelle appliquée sans lien avec les diverses stratégies qui existent par ailleurs — n'aura pas pour effet de modifier la pratique, les politiques ou les attitudes et comportements. Nous en sommes arrivés à cette conclusion à la suite d'un processus global s'échelonnant sur une longue période. Nous croyons qu'il importe de comprendre le contexte où s'inscrit le changement. Je m'arrêterai là pour céder la parole à M. Smith.
M. Smith : En essayant de comprendre ensemble l'échange et l'application des connaissances, nous voyons que, par tradition, les chercheurs publient leurs résultats dans des revues. Ainsi, nous espérons que quelqu'un a lu notre article et qu'il modifie en conséquence sa pratique et ses attitudes. Nous avons fait mieux en recueillant des informations de telle façon qu'elles sont mieux accessibles à diverses populations.
Essentiellement, nous voyons qu'il y a une certaine frustration quant aux lignes directrices diffusées au sujet des pratiques exemplaires ainsi établies : toutes les informations restent morcelées et, de plus, elles n'entraînent pas de changement. Même là où les informations sont accessibles et que les gens en sont conscients, cela ne se traduit pas par une évolution significative des attitudes ou des comportements.
Au B.C. Centre for Research and Knowledge Exchange, c'est là notre tâche. À titre de responsables provinciaux des services de santé en Colombie-Britannique, nous avons pour responsabilité d'étudier les façons d'appuyer les cinq administrations régionales et de favoriser l'évolution des pratiques en santé mentale et des attitudes dans l'ensemble de la province, et de soutenir une telle évolution. Nous appliquons une perspective dite de gestion du changement, c'est-à- dire que nous étudions certaines attitudes ou certains comportements qu'il y a lieu de changer à partir des résultats des recherches et envisageons un modèle global de changement systémique. C'est ce que nous recommandons en rapport avec un cadre national.
L'autre recommandation, que nous avons abordée en Colombie-Britannique au moment où le sénateur Kirby nous a rendu visite, consiste — ce serait l'approche la plus sensée — à établir une communauté de pratique, un réseau, si bien que le centre national d'échange des connaissances est un centre virtuel qui repose sur des nœuds d'expertise régionaux chargés de maintenir les normes et le travail de terrain dans chacune des régions et des provinces. De cette façon, il y aurait des appuis actifs à l'égard de l'évolution significative de la pratique et des attitudes en rapport avec les trois aspects de la question que nous avons mentionnés.
M. Manion : À notre centre, notre travail touche le financement, la recherche, la formation et la mise sur pied de partenariats et de réseaux. Nous avons vite compris que l'échange des connaissances touche tout ce que nous faisons — ce n'est pas un élément qui vient simplement s'ajouter; c'est une composante capitale de tout ce que nous faisons. Lorsque vous créez un partenariat, vous créez des conditions propices au changement pour que l'information soit correctement assimilée. En nouant des liens avec les autres, vous favorisez également l'échange des connaissances.
Je laisserai à Mme Kidder le soin de vous donner les précisions voulues. C'est probablement le tiers de notre personnel qui s'adonne à l'échange des connaissances à notre centre; nous sommes pourvus d'un maximum de moyens à cet égard. Les procédés importent toujours; ils s'appliquent à tout ce que nous faisons. On se trompe en présumant que les autres savent déjà comment échanger des connaissances. Présumer que des scientifiques, créateurs de connaissances, savent comment mobiliser les connaissances n'est pas forcément une bonne idée. Présumer que les fournisseurs de services, qui ont besoin d'utiliser les connaissances, savent comment les assimiler, comment communiquer avec les chercheurs, encore une fois, n'est pas une bonne idée. Nous jetons par-dessus bord bon nombre des hypothèses nourries à ce sujet et nous nous entretenons avec toutes sortes d'intervenants, pour que ceux-ci puissent bien saisir quel est le rôle actif qu'ils doivent jouer dans l'échange des connaissances — non pas seulement en tant que destinataires, mais aussi en tant que producteurs de connaissances.
L'autre recommandation porte sur le travail que nous faisons auprès des enfants et des adolescents. Il faut se garder de présumer que l'échange des connaissances avec les enfants et les adolescents, et aussi avec les intervenants en santé mentale qui travaillent auprès d'eux, sera toujours pareil quel que soit l'âge de la personne. Il existe bien des similitudes, mais certaines des questions qui se présentent sont très différentes. Il s'agit, par exemple, d'envisager les jeunes eux-mêmes comme destinataires de l'information et comme agents d'échange d'information.
Mme Kidder : Il est difficile de suivre M. Manion. Il sait tant de choses sur l'échange des connaissances qu'il finit toujours par voler quelques-unes des observations que je souhaitais formuler. Je vais essayer de ne pas répéter ce qu'il a dit. Les observations de MM. Smith et Coleridge évoquent très bien les activités du centre. Je ne répéterai pas ce qu'ils ont dit non plus.
J'insisterais sur le lien important qui existe entre le travail d'évaluation critique des données qui s'impose et les activités d'échange de connaissances que l'on met au point. Une des leçons que nous avons apprises au moment de mettre sur pied le centre, c'est qu'on ne saurait s'engager directement dans la mobilisation. C'est ce que nous voulions faire; je brûlais d'envie de diffuser les informations, mais j'ai dû battre en retraite. Il nous a fallu nous demander quelles sont les informations que nous savons le plus dignes de foi. Quelles sont les informations dont nous pourrons dire avec certitude qu'elles sont tout au moins dignes de foi, avant d'entamer le processus de mobilisation?
Maintenant, nous équilibrons ces deux éléments. Il y a d'abord le processus d'évaluation critique : nous recensons systématiquement la documentation scientifique pour y repérer les interventions et les informations les plus dignes de foi au sujet des troubles. L'autre consiste en une étude des lignes directrices sur les éléments critiques des pratiques. À ce moment-là, nous déterminons, entre toutes les recommandations variées dont il est question, lesquelles nous pouvons révéler aux gens avec confiance — tous les défis qui se présentent et tous les coûts à engager relativement au changement et à la pratique —, car nous savons que ces recommandations auront un effet sur la vie des enfants.
En même temps, nous essayons aussi d'aborder l'échange des connaissances de manière scientifique. Qu'est-ce qui fonctionne vraiment à cet égard? Je veux applaudir à l'idée de mettre sur pied un centre d'échange des connaissances en tant qu'élément séparé et distinct des autres centres d'activités, car c'est une idée qui mérite une attention particulière. Nous devons l'exposer aux mêmes regards rigoureux qui caractérisent les autres types de recherche. Par exemple, savons-nous que le fait d'afficher des informations sur notre site Web entraînera quelque modification que ce soit de la pratique? Appliquons cette même rigueur aux activités d'échange des connaissances que nous mettons en œuvre.
Nous portons ce regard rigoureux sur les choses et nous évaluons les données, mais, en même temps, comme le besoin éprouvé est si grand, on se dit qu'on ne peut pas attendre. On ne peut pas attendre que les deux processus arrivent à terme; il faut donc adopter des mesures préliminaires. Nous agissons déjà en rapport avec des questions comme la stigmatisation, par exemple, car nous croyons bien, grâce à la recension systématique que nous avons réalisée, que nous pouvons apporter une contribution légitime à cet égard; trouver des façons de stimuler une évolution positive chez les enfants et les adolescents. Je vous conseille de chercher sérieusement à trouver le juste équilibre entre ces trois aspects.
M. Reist : Je veux me faire l'écho de ce que j'ai déjà entendu; ce sont le genre de recommandations que nous formulons. J'ajouterais, en insistant peut-être, deux éléments devant faire l'objet de discussions. D'abord, il faut abandonner l'idée que les connaissances sont générées à un endroit et qu'elles doivent être transmises à un autre endroit. Les connaissances sont générées à de nombreux endroits et doivent s'échanger entre les endroits en question. Les connaissances ne coulent pas du milieu de la recherche vers les collectivités; la circulation se fait dans les deux directions. Il nous faut une façon d'honorer et de prendre en main les connaissances conçues au sein de la collectivité, pour les échanger avec d'autres joueurs à l'intérieur du système. Il nous faut insister sur un flot d'informations multidimensionnelles et multidirectionnelles.
Ensuite, il est risqué d'essayer d'édifier d'énormes infrastructures qui, au sein de la collectivité, représentent des processus naturels. Les collectivités disposent de mécanismes pour faire circuler l'information, et nous devons en tirer des enseignements et trouver une manière d'améliorer ces mécanismes en rapport avec les questions que nous essayons d'aborder, plutôt que de créer quelque chose d'artificiel. Toute la théorie des communautés de pratique est intéressante sur ce plan et permet d'en arriver à des façons d'aller de l'avant de manière viable, mais je crois que nous devons essayer d'envisager ce qui est pratique, ce qui est viable, ce que sont les façons naturelles, plutôt que de songer à des trucs artificiels.
Mme McKnight : Voilà qui tombe à point nommé. La semaine dernière, des chefs de file parmi les usagers des services de santé mentale provenant de partout au pays se sont réunis pour parler justement de cette question.
Nous avons plusieurs recommandations. Au lieu de penser que ce serait d'un établissement à l'autre — bien entendu, nous ne pensons pas de cette façon, car notre mouvement plonge ses racines dans la base même —, nous avons compris que le centre d'échange des connaissances serait probablement abrité dans un établissement; c'est très bien comme ça. Nous appuyons sans réserve tout ce que le Sénat a recommandé. Nous avons toujours bien travaillé avec les établissements, mais les établissements n'ont pas toujours bien travaillé avec les regroupements d'usagers. C'est une question qu'il faudra aborder à un moment donné.
Nous croyons également qu'il faut recruter des usagers comme membres de l'équipe chargée de mettre sur pied le centre d'échange des connaissances; de cette manière, nous pouvons — je ne sais pas comment le dire dans le langage de la rectitude politique — traduire ça en mots simples que les gens vont comprendre. À notre avis, il serait merveilleux que des usagers puissent en faire partie, mais il faudrait que ce soit non pas des chercheurs qui se disent usagers; ce serait plutôt des usagers qui s'intéressent à la recherche.
De même, le site Web devrait avoir une présentation attrayante et être interactif, et être conçu pour attirer tous les styles d'apprentissage. Il faut qu'il soit simple d'y naviguer, qu'il soit dynamique, convivial au moyen de questions- réponses écrites en termes simples. Il devrait être testé et rendu compatible avec le plus petit dénominateur technique commun : souvent, nos gens sont déjà marginalisés et n'ont pas accès à la meilleure technologie. Il faudrait y mettre des liens vers des sites Web d'usagers/survivants, et concevoir une carte du site qui sera accessible, non seulement à nous, mais à tous, quelle que soit la déficience de la personne. Il doit être multilingue et refléter le caractère multiculturel du Canada; enfin, il faut faire une bonne mise en marché et de la publicité.
Nous avons déjà un site Web convivial où on trouve un certain nombre de documents utiles. Donner de l'expansion au site Web serait merveilleux, car plus nous diffusons de l'information, mieux la situation sera. Nous devons envisager le modèle de l'agence américaine chargée de la question — la Substance Abuse and Mental Health Services Administration, ou SAMHSA. Je ne sais pas si quelqu'un ici connaît cette organisation, mais c'est une mesure à laquelle il faudrait réfléchir.
Le président : Est-ce que ce site est administré par les autorités américaines des services sociaux et de santé — le Department of Health and Social Services : la direction des toxicomanies et de la santé mentale?
Mme McKnight : Oui : nous croyons qu'il pourrait s'agir là d'un modèle utile.
M. Upshall : C'est un plaisir de se retrouver en si auguste compagnie. Ayant entendu tout ce qui s'est dit jusqu'à maintenant, je dirais qu'il ne reste plus grand-chose à dire, mais je vais quand même parler.
Pour revenir à la réalité, disons que vous devez vous faire une idée de ce que sera le centre d'échange des connaissances. Il est très bien de manier les concepts, mais que voulez-vous au juste? Je présume que vous voulez un centre pour les usagers, qui est centré sur l'usager au sens le plus large du terme et un site Web accessible et pratique. Il existe une myriade de sites Web qui sont conçus en fonction des usagers : les usagers du monde de la recherche, les usagers et les parents proches. Les sites Web sont mal conçus, mal utilisés. C'est de l'argent gaspillé. Il serait utile de voir ce qui fonctionne. Il existe bien des gens qui ont un site Web merveilleux et qui s'autofélicitent à ce sujet, mais, en vérité, le nombre de visiteurs est faible.
Nous avons organisé une activité baptisée Initiative canadienne de collaboration en santé mentale, qui est maintenant terminée, mais le site Web existe toujours. L'activité s'est révélée bourdonnante; nous avons établi le nombre de téléchargements et de visites. Nous avons également mesuré le degré de satisfaction des gens. Voilà un facteur que vous devez prendre en considération. Les utilisateurs se satisfont-ils du travail fait? Qu'est-ce qui se trame? Quelles exigences formulent-ils? À ce moment-là, prenez les mesures qui s'imposent et répondez aux exigences.
L'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale s'inquiète de la possibilité que le centre d'échange des connaissances ne fasse que réinventer la roue. Il existe déjà des tonnes de bases de données, dont certaines sont très bonnes. Statistique Canada, l'Agence de santé publique du Canada, ou ASPC, et d'autres encore ont des sites précieux qui doivent être reliés correctement. Nous parlons de convivialité : il faut que ce soit convivial, pour répondre aux besoins initiaux et continuer de le faire avec l'expansion du site. Il faut bien commencer quelque part. Pourquoi se compliquer la vie quand on peut faire les choses simplement? Restez donc simple d`s le début.
Pour ce qui est de l'analyse des écarts, il pourrait être utile de déterminer ce qui demeure inaccessible au moment donné et ce qui devrait se faire dès la première possibilité, du point de vue de la restructuration. Un certain nombre de dialogues sont déjà en cours, comme vous le savez sûrement déjà. Cinq dialogues sont en cours à propos des activités de surveillance et de la santé mentale à l'Agence de santé publique du Canada et dans le secteur privé relativement à l'accès aux bases de données privées. À mon avis, vous devriez déterminer ce qui se fait au sein de la collectivité et essayer de prévoir un lien vers les activités en question, particulièrement celles des agences de santé publique et la surveillance. Encore une fois, nous avons l'impression que le CEC ne sera efficace que s'il représente une tribune efficace au palier de la direction de la commission.
Le responsable devrait être une personne chevronnée qui possède toutes les connaissances voulues. Ce devrait être une sorte de comité consultatif, en fait, composé non seulement d'experts, mais aussi de parents d'usagers qui comprennent la situation et qui peuvent nouer des liens avec la collectivité.
En dernier lieu, disons que le CEC devrait générer seulement des informations qui comblent les vides laissés ailleurs dans les bases de données qui seront reliées. Une des premières idées que nous avons fait valoir, c'est que, pour être vraiment utile aujourd'hui, le CEC devrait traiter de l'ensemble des maladies mentales, des troubles du cerveau et du système nerveux, et, de manière générale, de tout sujet ayant un lien quelconque avec le cerveau et ses dysfonctionnements. Autrement dit, l'envergure des données recueillies dans la base en question est très importante, car nous commençons à voir le cerveau comme un ensemble et non pas seulement le lieu de maladies ou de troubles.
Le président : Il faut prendre pour modèle les IRSC, avec l'institut de la santé mentale et des neurosciences; autrement dit, prévoir les deux.
M. Upshall : Vous voulez parler aussi des questions touchant le cancer, le cœur et les ACV dans la mesure où elles se rapportent à la comorbidité et aux troubles concomitants. Quoi qu'il en soit, je vous en prie : ne prenez pas pour modèle le site Web des IRSC. Cela ne fait aucun doute, c'est le pire des sites Web; ce sont des millions de dollars dépensés en pure perte. Jetez-y un coup d'œil. L'autre site que vous allez peut-être vouloir regarder, c'est celui du Réseau canadien de la santé. Des millions de dollars y ont été consacrés. Les visiteurs sont plus nombreux au site Web des troubles de l'humeur qu'à celui du Réseau canadien de la santé, ce qui n'est pas très bon.
Mme Goering, directrice : Je suis heureuse d'être ici et très stimulée à l'idée d'un centre national d'échange des connaissances. Je m'inquiète toutefois de l'accent qui est mis sur le site Web. Les connaissances représentent bien plus que des informations; et l'élément d'échange s'impose. Il faut prendre soin de ne pas simplement établir un autre endroit où aller chercher des informations, une autre bibliothèque. Si nous analysons les informations existantes, nous allons découvrir qu'il ne manque pas d'informations. Ce qui fait défaut, c'est la possibilité de mettre les connaissances au service de l'action, et ce pourrait être la raison d'être de l'échange.
Il y a beaucoup d'action dans ce que la commission a recommandé. À mon avis, quoi que fasse le centre d'échange des connaissances, ce doit être lié de très près à ce que la commission souhaite accomplir, car c'est un moyen qui est adopté pour régler des questions particulières, et le contenu, les mécanismes et l'auditoire devraient être liés à ce sur quoi la commission veut se concentrer.
Pour moi, ce n'est pas une entité distincte. C'est tout à fait un prolongement des connaissances et un moyen d'exécuter une action. Souvent, les connaissances se trouvent dans les gens et dans les échanges. On peut recourir à des sites Web pour cela. Il y a les webinaires, la baladodiffusion, les forums et ainsi de suite, mais l'accent est mis non pas sur l'information, mais plutôt sur les collectivités qui sont branchées et sur les fins visées. C'est une façon différente d'envisager la chose. Encore une fois, je suis nerveuse à l'idée que nous pourrions investir beaucoup dans quelque chose qui ne servira pas forcément à combler l'écart qui existe entre ce que nous savons et ce que nous faisons, ce dont j'ai tant entendu parler.
Le président : Je suis d'accord avec l'idée selon laquelle cela ferait partie intégrante de la commission. C'est pourquoi le comité a adopté cette voie. C'est très bien. Au comité, nous sommes au courant de bien des trucs fascinants qui aident les gens à vivre avec une maladie mentale partout au Canada. Nous sommes les seuls à le savoir, car nous sommes les seuls à avoir parcouru le pays d'un bout à l'autre, à nous entretenir avec divers groupes. Nous savons qu'il y a un truc intéressant à St. John (Terre-Neuve) et un autre dans le nord du Manitoba. Un des résultats que nous espérions atteindre avec un centre d'échange des connaissances, quelle qu'en soit la structure — et je suis d'accord avec vous pour dire qu'il ne doit pas s'agir simplement d'un site Web — c'est de donner aux décideurs et aux fournisseurs de services ailleurs au pays les moyens de savoir ce qui fonctionne dans le domaine. Informer les gens est une bonne idée aussi, mais de moindre importance. Il est ridicule d'essayer de réinventer la roue s'il y a déjà ailleurs au pays un bon exemple auquel les gens ont accès.
Mme Goering : Il faut entamer une conversation et une interaction; vous ne pouvez pas juste leur dire que c'est là.
Le président : Tout à fait.
M. Gold : Vous avez posé trois ou quatre questions; j'en ai trouvé six moi-même. J'essaierai d'être aussi bref que possible. J'ai l'honneur douteux d'avoir participé à de nombreuses tentatives infructueuses dans le domaine; c'est ce qui nourrit mes réflexions. J'arrive donc avec les cicatrices dues à mon parcours, et mes recommandations tiennent aux « pires pratiques » mises en œuvre, par opposition aux pratiques exemplaires. Cependant, je crois que nous n'étudions pas assez les mauvaises pratiques : reproduire l'erreur d'un autre est une chose coûteuse qui pose des difficultés, par rapport à une démarche qui n'aboutira pas forcément à une pratique exemplaire.
Premièrement, je veux me faire l'écho des propos de Mme Goering : qui dit mobilisation des connaissances ne dit pas transfert et échange des connaissances. Nous devons établir clairement ce qu'au juste nous essayons d'accomplir grâce à cette initiative. Les termes évoqués présentent un certain attrait en ce moment, mais il nous faut savoir clairement ce que nous essayons d'encourager et ce que nous essayons de faire. Pour une grande part, ce que je lis et ce que j'entends dire à ce sujet ressemble à une plate-forme de diffusion de l'information. Or, ce n'est pas là de l'échange de connaissances. La diffusion peut être unidirectionnelle, ce qui n'a rien de mal en soi; nous n'avons pas à nous en excuser. Cependant, si nous voulons pratiquer l'échange des connaissances, il nous faut dès le départ des mécanismes qui encouragent l'échange. C'est compliqué, particulièrement au sein de la collectivité dont il est question. Nous avons affaire à toutes sortes d'intervenants ayant toutes sortes de connaissances et de modes d'appréhension scientifiques et expérientiels. Il y a tout un éventail de questions qui entrent en jeu. Ce n'est pas comme décider de créer la meilleure plate-forme de diffusion qui soit, objectif louable, mais nous devons être clairs. Ce n'est pas qu'une question de sémantique : ceux parmi nous qui œuvrent au sein de la communauté ne savent plus très bien ce que les gens veulent faire quand ils utilisent différemment les termes en question. Vous me direz peut-être que je coupe les cheveux en quatre, mais ce n'est pas le cas.
Deuxièmement, il faut discuter de ce qui peut être qualifié de données probantes et de ce qu'il faudrait inclure dans le projet, quel qu'il soit. Les critères doivent être assez précis. J'ai siégé à un si grand nombre de comités directeurs chargés de plates-formes comme celle qui est envisagée ici... L'élément clé, c'est la crédibilité. Si les collectivités n'y prêtent pas foi, elles ne s'en serviront pas, mais elles y prêteront seulement foi si elles comprennent comment les décisions étaient prises relativement au contenu. C'est une question compliquée qui, selon mon expérience, ne se règle qu'après d'importantes dépenses; je vous incite donc vivement à discuter de ces questions dès maintenant. Allez-vous mettre sur pied des groupes d'experts chargés de trancher dans divers domaines? Qui prendra la décision? À la FCRSS, nous discutons des liens qui devraient être affichés sur notre site Web, qui n'a pas du tout l'envergure du projet dont vous parlez. Soyez prévenants.
Troisièmement, fondez votre projet sur des données probantes. Souvent, dans le milieu, nous affirmons qu'il n'y a pas de données pour confirmer que telle ou telle démarche fonctionne vraiment. De fait, ce n'est pas vrai. Nombreux sont les chercheurs qui se penchent sur l'échange et le transfert des connaissances. Il existe des données probantes. Les gens qui affirment que nous ne disposons pas de données probantes, habituellement, ne tiennent tout simplement pas à en trouver. Je vous invite vivement à créer un projet fondé sur des données probantes.
Quatrièmement, songez dès le départ à l'évaluation. Dans ce pays, nous œuvrons trop dans le domaine du transfert et de l'échange des connaissances sans avoir réfléchi d'abord à l'évaluation. Tôt ou tard, cela finira par nous rattraper, puis les gens ne voudront plus consacrer de l'argent à cette activité importante. Réfléchissons dès le départ à ce que nous souhaitons accomplir, aux mesures de base que nous souhaitons employer et à la manière dont nous allons prouver, après un certain temps, que le projet a permis d'accomplir quelque chose au sein de la collectivité. Je crois que ce sera le cas, mais si nous n'y réfléchissons pas d'avance, nous allons rater l'occasion d'établir un solide cadre d'évaluation.
Cinquièmement, la question de la gouvernance revêt une importance capitale. Je ne vais pas m'attarder sur ce point, mais la conception d'une structure de gouvernance en rapport avec un projet de cette nature devient absolument capitale. Il en va de la crédibilité et du processus décisionnel.
En dernier lieu, il faut parler de la viabilité à long terme. Souvent, nous sous-estimons le coût d'entretien des projets de cette nature. La mise sur pied elle-même sera assez coûteuse aussi; toutefois, nous ne songeons pas au fait que, avec l'usage, les coûts augmentent. Plus nous avons de succès, plus il nous faut continuer à investir. J'ai vu des projets qu'on a débranchés tout juste avant qu'ils commencent à fonctionner à plein régime; la viabilité à long terme est donc capitale.
Mme Beckett : Je ne suis pas spécialiste de l'application, de la mobilisation, de l'échange ou de la diffusion des connaissances, choisissez le terme que vous voulez. Je veux vous renseigner sur les activités de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies dans le domaine et faire part de certains conseils d'ordre général qui proviennent de notre direction de l'application des connaissances. Malheureusement, celle-ci n'est pas directement représentée ici ce matin.
Notre direction de l'application des connaissances s'est faite l'écho de tout ce que les gens ont pu dire ici aujourd'hui à propos de l'échange des connaissances. En particulier, il faut mettre un grand soin à définir le but et les destinataires du centre d'échange des connaissances. Notre direction souhaite s'assurer que, dans l'ensemble, l'information véhiculée sur le Web est de bonne qualité et que la présentation fait ressortir les messages clés, que ce sont des activités « pousser » « tirer » qui sont privilégiées; ce sont des choses très différentes. Il faut essayer particulièrement de repérer les obstacles à l'accès et au recours aux informations que véhicule le centre d'échange des connaissances. La question de l'évaluation, dont M. Gold vient de parler, est aussi entrée en jeu, car il faut s'assurer qu'il y a une évaluation dès le départ et veiller à ce qu'elle soit appliquée périodiquement. Il faut tenir compte aussi de questions relatives à la viabilité à long terme du projet, comme M. Gold vient de le mentionner.
Quant aux activités réalisées et aux approches adoptées par l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, nos projets comportent tous une étape initiale de consultation. À cette étape, nous nous entretenons avec des intervenants de toutes sortes de milieux, pour déterminer quelles sont les questions qu'il faut prendre en considération et essayer de jauger la base des connaissances sur tous les fronts avant de concevoir les questions qui feront partie de l'appel de propositions pour les projets de recherche.
Certains des cas que nous avons évoqués comportent l'élément de la stigmatisation qui est associée à la maladie mentale, et nous collaborons étroitement avec M. Upshall et l'Alliance canadienne pour la santé mentale et la maladie mentale à établir l'atelier. Nous allons certainement assurer le suivi nécessaire, à une étape ultérieure, au moment où l'information aura été regroupée et que l'appel de propositions pour les recherches à cet égard sera lancé.
Nous avons aussi évoqué la question de la santé mentale en milieu de travail. Nous avons lancé un appel à ce sujet l'an dernier. D'abord, nous avons conçu une lettre d'intention, puis nous avons reçu 15 demandes en bonne et due forme, que nous venons tout juste d'évaluer — et nous sommes en train de mettre la dernière main à cette évaluation.
Nous avons proposé un autre projet au printemps : des essais sur le terrain pour jauger l'application des connaissances en santé mentale. Nous n'avons pas encore reçu les demandes, mais je crois qu'il y aura au moins une poignée de chercheurs de première qualité qui offriront leurs services. Nous attendons avec impatience le résultat de ces recherches.
Dans tous les cas en question, nous avons insisté sur l'établissement d'un partenariat dès les premiers stades de la recherche. Nous appliquons une étape de consultation, puis nous concevons l'appel de demandes. Nous exigeons que les chercheurs collaborent avec des organismes-partenaires afin de nous assurer que les questions posées s'appliquent dans le « monde réel » et qu'il existe une volonté d'appliquer les résultats des recherches une fois l'information établie. Il y a aussi la question de la crédibilité. Nous voulons nous assurer que les recherches effectuées ne sont pas simplement assimilées à d'inutiles abstractions; il faut plutôt que les utilisateurs y prêtent foi, qu'ils y accordent une valeur.
Dr Lesage : Il serait peut-être utile de vous faire part de certains des travaux que nous avons effectués pour élaborer une proposition de réseaux d'application des connaissances en matière de services de santé mentale au Canada.
Vous avez devant les yeux le document que j'ai préparé. Il s'agit d'un projet de réseau d'application des connaissances en matière de services de santé mentale au Canada. L'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies et l'Institut des services et des politiques de la santé des Instituts de recherche en santé du Canada nous ont donné pour mandat, à nous et à nos collègues, de mettre au point cette proposition pour qu'elle puisse être présentée au comité sénatorial. Nous avons d'abord analysé le défi qui se présentait, c'est-à-dire que nous avons établi ce à quoi devraient servir les recherches sur la santé mentale et les services aux toxicomanes. Nous avons indiqué qu'il faut une ressource nationale dont le but consiste à faciliter la diffusion des connaissances et à en favoriser l'utilisation. Il nous faut faire la synthèse d'informations objectives fondées sur des données probantes, accessibles partout au Canada et ailleurs, et améliorer l'accessibilité, la circulation et l'utilisation des informations que renferme une base de connaissances sur les améliorations touchant le système de santé mentale. Nous devons établir des relations de travail actives, car les réseaux reposent sur les relations, entre les utilisateurs et les producteurs de connaissances en matière de services de santé mentale dans le cas qui nous occupe. Enfin, il nous faut l'expertise nécessaire pour faciliter l'application sur le terrain des connaissances en matière de services de santé mentale, de façon à déboucher sur des politiques, des pratiques, une planification et une gestion appropriées. Il s'agit du travail de fournisseurs, d'artisans des politiques gouvernementales et d'autres décideurs.
Le réseau de recherche sur les services de santé mentale s'inscrirait dans l'approche pluridimensionnelle qui s'impose pour que nous puissions nous assurer que les connaissances sont bel et bien transférées et appliquées. Il y aurait à cet égard trois piliers. D'abord, un groupe national de consultation — et nous sommes venus près d'affirmer que c'est la commission elle-même qui jouerait ce rôle, mais il faut qu'il y ait une sorte de services de renseignement national. Le deuxième pilier se rapporte à l'accroissement de la capacité interne des gouvernements — fédéral, territoriaux, provinciaux et régionaux — d'accéder aux données probantes dans le domaine. Le troisième pilier prend la forme d'un réseau d'application et de transfert des connaissances en matière de services de santé mentale à l'intention des regroupements d'usagers et des fournisseurs de services, des décideurs, des gestionnaires et des planificateurs de l'administration fédérale, des territoires, des provinces et des régions.
Le réseau que nous proposons correspondrait à ce qui a déjà été évoqué ici, avec la recherche classique de type « pousser »... comment l'utiliser, mais aussi avec des activités comme l'application des résultats de recherche de première qualité sur la santé mentale ou la production de rapports sur les pratiques exemplaires en la matière. Parmi les fonctions associées au réseau proposé, citons la tâche qui consiste à faciliter l'approche « tirer » de la part de l'utilisateur, par exemple, par une base de données réunissant les synthèses établies des connaissances, et une évaluation des besoins en connaissances sur les services de santé mentale, et le renforcement de la capacité par la voie de la formation et de l'éducation des utilisateurs des connaissances. Encore une fois, vous devez réfléchir au destinataire du projet, car, suivant les ressources dont vous disposez, il sera peut-être difficile de parvenir à vos fins, car le pays est grand.
Par ailleurs, il pourrait s'agir de faciliter l'échange entre ceux qui poussent et ceux qui tirent; autrement dit, par exemple, prévoir une réaction rapide aux décideurs gouvernementaux et autres concernant les secteurs prioritaires, à partir des meilleures connaissances accessibles. Encore une fois, on peut y arriver, mais cela dépend des ressources et du destinataire. Vous avez deux ou trois chercheurs qui s'occupent de chaque planificateur local. Le Québec compte 100 autorités locales, pour qui on conçoit un plan de santé mentale; les gens veulent des données probantes, ils téléphonent et, au bout du compte, les deux chercheurs ne peuvent y arriver. Il faut songer au destinataire et à la manière de communiquer avec lui.
Si un élément est exclu, ce n'est pas parce qu'il ne faudrait pas s'en occuper; c'est que le réseau n'a pas la capacité. Encore une fois, cela vous amènera à réfléchir à ce que nous allons ou n'allons pas faire. Par exemple, l'organisation ne prendra pas en charge le financement et la réalisation de projets de recherche particuliers. Elle ne va pas recréer des connaissances, des données et des informations qui existent déjà à l'ICIS, à Statistique Canada ou à l'Agence de santé publique du Canada, par exemple. Elle ne va pas recréer les ressources ou outils d'application des connaissances qui existent déjà, ou un service téléphonique 1 800 pour l'accès à des services de santé mentale. C'est un besoin partout au pays, mais qui s'en chargera et comment procédera-t-il? Enfin, l'implantation des connaissances n'est pas le but du réseau d'échange des connaissances sur la recherche.
Pour terminer, je ferai part de certaines des leçons que nous avons tirées d'expériences. La diapositive fait voir les différents secteurs du public qui doivent pouvoir accéder aux services. Il y a le grand public, les organisations non gouvernementales, les cliniciens, les professionnels de la santé, les planificateurs, les décideurs, les gouvernements, l'industrie, les chercheurs des quatre piliers que constituent le domaine biomédical, les services cliniques, les services de santé et la santé des populations, et puis les médias. Il n'y a pas ici de spécialistes des médias. L'expertise des gens en question vous permettra peut-être de mieux mettre en place un centre d'échange des connaissances.
La diapositive suivante traite de ce que j'appelle la « géographie des services » en ce qui concerne le processus décisionnel. Encore une fois, pour obtenir des connaissances, je crois qu'il est essentiel d'accroître le nombre de personnes qui — à l'échelle nationale, provinciale, régionale et locale — profiteraient du fait d'être renseignées sur les recherches en matière de services de santé mentale et de toxicomanie, non seulement du point de vue de la diffusion, mais aussi du fait de vivre le genre de relations dont nous parlons. Quand il existe une ressource à l'échelle nationale, il est possible de rejoindre la sphère provinciale. Pouvez-vous rejoindre la sphère régionale ou locale? Pour ce qui est de rejoindre la sphère régionale ou locale, il y a le chercheur qui, par exemple, doit s'occuper des 100 autorités locales de la santé au Québec.
La diapositive que vous voyez en ce moment porte sur les types d'information. J'ai beaucoup parlé des services, mais, évidemment, les gens veulent savoir quelles sont les dimensions de la santé mentale et des toxicomanies. Ils veulent connaître la nature et la portée des problèmes de santé mentale et des interventions qui se distinguent des services en question. Parmi les interventions dont il s'agit, citons la promotion, la prévention, le traitement, la réadaptation et le rétablissement. Parmi les services, il y a les fournisseurs, les contextes de services, les programmes et les politiques.
Depuis que je siège au conseil consultatif de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, nous sommes fiers de l'un des sites Web produits, intitulé « The Brain/Le cerveau à tous les niveaux ». Si vous tapez l'expression « le cerveau » dans le moteur de recherche Google, c'est le premier site qui apparaît. C'est une chose remarquable qui vous aidera peut-être à réfléchir au site Web. On y trouve trois niveaux de complexité : débutant, intermédiaire et avancé. Les chercheurs et leurs étudiants peuvent y tirer des enseignements. Vous pouvez choisir le mode débutant et apprendre des choses sur le cerveau. Il y a également différents niveaux d'organisation. Ce sont non seulement les aspects neurologiques qui sont expliqués, mais aussi les déterminants sociaux, les conséquences et manifestations, les aspects psychologiques du phénomène. On passe du niveau cellulaire au niveau moléculaire. Cela vous aidera peut-être à organiser les sites Web déjà faits.
M. Block : Au moment de concevoir le site Web, nous pouvons tous adopter un regard différent. J'ai choisi ce matin le regard du communicateur. Si nous adoptons ce regard, nous voyons qu'il existe certains aspects capitaux, que j'ai soulignés ici, dans la mesure où nous voulons un site Web qui soit solide et stratégique. D'autres personnes ont pu exprimer la chose de différentes façons, et ce sont peut-être les termes que j'emploie qui ne sont pas tout à fait les mêmes.
La première étape consiste à se donner des objectifs clairs. Il nous faut savoir pourquoi nous créons un site Web, comment celui-ci s'inscrira dans les objectifs généraux de la commission de la santé mentale et quelles seront les occasions qu'il fournira à l'organisation. Si nous essayons de plaire à tout le monde, nous finirons peut-être par ne plaire à personne.
La deuxième question qu'il faut étudier, c'est celle de la stratégie Web elle-même. Pour que la commission puisse cibler les communications, il faut déterminer qui en sont les destinataires. « Le grand public » ou encore « tous les Canadiens » — voilà qui n'est pas assez précis pour définir l'auditoire cible d'un site Web. Une fois établi clairement de qui il s'agit, les sujets et les bases de données requis dans le site Web deviendront apparents.
Les auditoires cibles sont connus lorsque le type de contenu, le degré de convivialité requis que doit présenter le site Web et la part de l'infrastructure que doit édifier lui-même le centre d'échange des connaissances deviendront apparents à la suite de discussions en ligne, de l'organisation de discussions de groupe et de l'application des méthodes de recherche sur les auditoires et ainsi de suite.
La conception du site Web est un exercice qui s'articule entièrement autour de l'idée de cibler les attentes et les besoins de l'auditoire. Un examen des éléments de l'industrie ou une enquête sur les organisations semblables et leur site Web permettra de déterminer les tendances, bonnes et mauvaises quand il s'agit de répondre aux besoins et aux attentes de l'auditoire. Les analyses comparatives permettent de déterminer dans quelle mesure un site Web fonctionne, par rapport au site Web des concurrents.
Le troisième point concerne le but du site Web. Une fois l'auditoire cible établie, l'étape suivante consiste à déterminer ce que le site Web fera pour l'auditoire en question. Est-ce qu'il donnera de l'information? Est-ce qu'il offrira des services uniques? En quoi le site Web sera-t-il une ressource précieuse pour l'auditoire cible? Qu'est-ce qui fera du site Web une ressource plus précieuse ou tout aussi précieuse que le site Web d'organisations semblables?
Un quatrième point consiste à distinguer le site Web des autres. En quoi le site Web du CEC se distinguera-t-il du site Web d'organisations semblables? Pourquoi les utilisateurs consulteraient-ils ce site plutôt qu'un autre? Pourquoi l'auditoire cible y reviendra-t-il? Quelles sont les lacunes que présentent les sites Web d'organisations semblables, mais que le site du CEC peut éviter?
Parmi les techniques de fidélisation, il y a la possibilité d'offrir des services d'abonnement à des sites d'alimentation en nouvelles ou à des bulletins électroniques, de mettre à jour périodiquement le contenu du site et d'aménager des mécanismes pour répondre en temps réel aux demandes de renseignements.
Le dernier point, et c'est le plus important, concerne la puissance des partenariats. Nous en avons été témoins avec l'élaboration du rapport par le Sénat. En nous rassemblant comme partenaires, nous allons concevoir un site Web mieux adapté qui répond aux besoins et aux attentes des utilisateurs.
Mme Pape : Je suis venue ici en ayant réfléchi à la connaissance. Qu'est-ce que la connaissance? Où réside la connaissance? Pour une bonne part, ma réflexion reposait sur un modèle que l'Association canadienne pour la santé mentale a conçu il y a de nombreuses années, dans le contexte de notre modèle « un cadre pour le soutien », dont certains d'entre vous avez peut-être entendu parler. Au sujet de la connaissance, nous avons un modèle baptisé « Ressources de connaissances disponibles ». Ce modèle tente de faire voir où réside la connaissance et établit quatre secteurs clés pour ce qui touche les connaissances relatives à la santé mentale. Il y a d'abord les connaissances d'ordre médical et clinique; nous en avons parlé — le cerveau. Les sciences sociales figurent également parmi les domaines de connaissance se rapportant à la santé mentale. Le Dr Lesage a mentionné les déterminants de la santé. Cet élément s'inscrit dans les connaissances dues aux sciences sociales. Il y a les connaissances expérientielles, comme Mme McKnight et d'autres l'ont fait valoir : connaître ce que cela représente que de vivre avec la maladie mentale, que l'on soit malade soi-même ou que ce soit un proche qui en souffre. Enfin, il y a les connaissances « traditionnelles » dont Mme McKnight a également parlé : les cultures et les traditions ont leur propre connaissance du monde mental et de la maladie mentale. Mes observations sont fondées sur tout cela, mais elles concordent avec ce que bon nombre d'entre vous avez dit.
Dans la mesure où nous envisageons la connaissance comme résidant en de nombreux lieux, il faut voir que l'échange des connaissances n'est pas une seule et unique chose : ce n'est pas qu'un site Web ou un produit; c'est plutôt un processus, dont bon nombre de vous avez parlé. Bien entendu, ce ne serait pas un processus unidirectionnel. M. Manion a dit que ce ne sera pas de ce point-ci à ce point-là. Ce sera non pas bilatéral, mais multilatéral, car les utilisateurs des connaissances sont également des producteurs de connaissances, et les producteurs sont aussi des utilisateurs. C'est complexe. Nous devons réfléchir à ces choses quand nous réfléchissons à la manière d'échanger des connaissances.
De même, il nous faut définir largement le terme « recherche ». La recherche, ce n'est pas seulement la recherche médico-clinique; c'est aussi la recherche communautaire et qualitative née sous l'impulsion de l'usager, qui porte non seulement sur la maladie, mais aussi sur l'autonomie, les déterminants de la santé et ainsi de suite.
Quels sont les résultats que nous souhaitons atteindre dans la mesure où nous portons ce regard sur les connaissances? Nous recherchons bon nombre d'occasions d'instaurer un dialogue nourri entre les fournisseurs, les utilisateurs et les destinataires des connaissances. Le centre d'échange dont il est question, quelle que soit la forme qu'il prend, servirait de tribune aux groupes d'intervenants que nous n'entendons pas souvent, et non seulement ceux que nous sommes habitués d'entendre, et en légitimerait l'apport.
Il y aurait accroissement de l'échange d'informations et de connaissances s'appuyant sur les diverses perspectives en jeu. De ce fait, tous — les fournisseurs et les utilisateurs de connaissances — comprendraient mieux ce que sont la maladie mentale et la santé mentale, et les applications pratiques — c'est Mme Goering qui a parlé d'action — de ces connaissances et de la pratique et de la planification de la recherche.
M. Hetherington : Il y a quelques mois, j'ai eu le privilège de préparer un document à l'intention du sénateur Kirby, à propos de la façon de monter un site Web ou un centre d'échange des connaissances. Le sénateur Kirby m'a demandé de le faire du fait que j'ai de l'expérience à l'hôpital pour enfants avec notre groupe About Kids Health, qui est essentiellement un groupe d'informatique axé sur la santé des usagers.
Depuis trois ou quatre ans, nous montons un site Web plutôt ambitieux dont le but consiste à influer sur la santé des enfants et des adolescents, non seulement pour ce qui est des affections complexes, mais aussi pour ce qui est du développement type d'une famille. Pour nous distinguer, nous avons cru bon d'opter pour un langage qui soit fort. Nous reconnaissons que les gens, dans le cas des recherches de tierces parties, ont besoin de crédibilité. Pour aborder la question, nous avons été sur le terrain pour essayer de comprendre ce que nous pourrions offrir en tant que valeur à nos utilisateurs éventuels.
D'abord, il y a eu l'analyse de l'auditoire, question qui a été soulevée plusieurs fois autour de la table. Qui est-ce? Quels sont ses besoins? Alors, on peut utiliser les hypothèses sur le terrain et tester rigoureusement les recherches qualitatives, en procédant à la validation de principe et aussi en concevant ce dont ont besoin les utilisateurs de votre part, de manière à les servir le mieux possible avec une information qui soit accessible et utilisable de leurs points de vue. Il est question non seulement d'information, mais aussi de l'utilisation d'outils et de techniques interactives pour eux. Ce n'est que le début.
Au moment de travailler sur le terrain, vous allez recruter un noyau national d'utilisateurs avec lesquels vous pouvez travailler dans les différents milieux. Ils collaboreront avec vous à l'établissement d'un prototype, à la création du squelette, à la création de la structure. Qu'il s'agisse d'une structure en ligne ou non qui repose sur le principe de l'éducation permanente ou d'autres techniques de réseautage, c'est une chose qui peut être mise au point au stade initial et qui aboutit à un plan stratégique pour l'édification du CEC. Le plan en question comporterait une analyse concurrentielle ou une analyse des écarts, pour que l'on puisse voir ce qui existe. Il s'agit d'essayer de comprendre en quoi votre offre se distingue des autres, ce qu'elle ajoute. Voir si elle ne cannibalise pas les autres. Par exemple, si vous voulez vous renseigner sur la dépression, il y a sur Internet une pléthore d'information, dont une bonne part provient du Canada. Certains sites sont actifs, d'autres sont moribonds, tous ont quelque chose qui est tiré du DSM-IV.
Que pourrait faire un groupe comme celui-là? Il pourrait s'agir de la source crédible par excellence quand il s'agit d'uniformiser une bonne part des informations et de prendre les renseignements précieux de l'ACSM et d'autres organisations, de collaborer à l'uniformisation au moyen d'une architecture et d'une conception accessible dans plusieurs domaines.
La question de la globalité des informations a également été soulevée. Le projet devait être global, c'est-à-dire qu'il devrait traiter des questions relatives à la santé mentale qui accompagnent les états chroniques. Il peut s'agir d'une source complète.
J'ai insisté sur les consommateurs, c'est-à-dire le public et les utilisateurs. Au point où on en est, il est encourageant de savoir que le fait de fournir en ligne des informations sur la santé avec des composantes interactives sera une bonne chose. L'an dernier, un examen Cochrane a montré que, pour plusieurs groupes d'âge, chez les jeunes comme chez les adultes, dans la mesure où vous donnez des informations accessibles accompagnées de possibilités d'entraide ou assorties de la possibilité de poser une question à un spécialiste, vous pouvez avoir une influence non seulement sur la qualité de vie, mais dans certains cas, sur l'évolution de la maladie. C'est une recherche qui doit se poursuivre.
L'idée de l'évaluation est une idée importante. L'évaluation du projet principal doit absolument être conçue au tout début. Tout de même, il peut également y avoir une évaluation parallèle de petits projets susceptibles d'être fusionnés aux projets principaux. Par exemple, nous sommes en train de réaliser trois ECR aux IRSC, trois essais contrôlés randomisés, dont les résultats vont finir par se retrouver dans notre site. Nous venons d'en terminer un, et les données sont en ligne et accessibles aux enseignants et professionnels dans les collectivités.
L'idée de l'évaluation et l'idée d'avoir des réflexions critiques fondées sur des données probantes doivent être pondérées dans le contexte d'un plan d'attaque multidimensionnel. Qui fait également appel à la collaboration de scientifiques partout au pays pour que nous puissions établir ce genre de chose. Cela aide à comprendre les besoins régionaux. Cette idée du national venu du régional est également très importante.
Il existe des façons d'arriver à l'objectif transversal, que ce soit par la recherche ou par une compréhension des divers auditoires, ou encore en allant simplement sur le terrain pour savoir ce dont les gens ont besoin et s'assurer d'aménager un truc qui est voulu et qui fonctionne. Le simple fait de l'aménager et de savoir que ça fonctionne ne suffit pas. Il doit être accepté. Il faut penser à l'achalandage.
Quand les Canadiens qui se soucient de la dépression tapent le mot dans le moteur de recherche Google, vous voulez que le site Web que vous avez conçu arrive dans les premiers. Pour cela, il faut comprendre comment fonctionne l'optimisation des moteurs de recherche. Les recherches de tierces parties nous disent que, quand les gens se soucient d'un état, ils tapent le terme voulu, regardent cinq sites Web différents et cherchent à dégager un consensus. Nous voulons attirer les gens en question parce que nous croyons avoir une offre qui se distingue par la profondeur, l'envergure, les outils et les informations. Nous devons les attirer là et, une fois qu'ils y sont, leur donner ce qu'il faut.
L'autre question touche les professionnels. Nous pouvons mettre au point un outil perfectionné qui permet, par exemple, l'administration à distance d'un protocole uniformisé d'évaluation de quelques questions. Voilà. C'est élégant, nous avons fait des tests pour voir si cela s'utilise bien, c'est merveilleux, tout est extraordinaire, mais personne ne s'en sert.
Vous devez avoir des gens sur le terrain auprès des organisations, là où on utilisera la chose, pour les aider à comprendre comment l'utiliser et, là où il y a un problème, fournir une rétroaction et modifier les choses. À ce niveau- là, les modifications seront apportées de manière accélérée grâce à l'élaboration et à l'aménagement d'un mécanisme de ce genre. Il faut le prévoir dans le budget au début. Ce n'est pas bon marché. Et c'est une tout autre division.
Il faut présumer qu'il y aurait des mécanismes interactifs permettant de communiquer avec divers auditoires — employeurs et utilisateurs. Il y aura des mécanismes de rétroaction et d'interaction. Nous allons peut-être être en mesure d'apprendre de cette façon, mais nous devons intégrer aussi les mécanismes pour une interaction directe. Est-ce que ça fonctionne? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Qu'est-ce qu'il vous faut? Comment vous en donner plus?
Quelqu'un a dit que le site des IRSC était le pire. La clé réside dans l'expérience de l'utilisateur. Le site Web à l'intention du public doit être aussi raffiné que tout autre en ce qui concerne l'interactivité, la conception, la présentation et les valeurs; c'est une question profonde dont l'actualisation ne serait pas bon marché. Il faut un talent de premier ordre pour comprendre l'architecture informationnelle et les bons principes de conception nécessaires à l'aménagement du site Web en question. S'il n'est pas très attrayant, il ne sera pas consulté. Fait intéressant, certaines données font voir que l'apparence du site n'est pas importante; c'est plus crédible pour un grand nombre de consommateurs que ce serait le cas si c'était écrit « gouvernement du Canada » sur la bande supérieure. Nous devons envisager ces choses. Ce n'est pas juste un nom; c'est la manière de présenter les choses, la manière de communiquer aux utilisateurs la crédibilité, dans un langage visuellement intéressant, ce genre de choses.
Je crois que c'est un projet tout à fait exaltant. Du côté du public et du côté des professionnels, le potentiel de collaboration et d'utilité est énorme. J'espère que vous aurez tout le succès voulu.
Le président : Merci. Cette première heure s'est révélée extraordinairement utile pour ce qui est de produire le document que je souhaite produire. Vous avez accompli deux ou trois choses. Il faut une certaine uniformité, et nous y reviendrons. Ce qui est encore plus important, vous nous avez dit ce qui ne fonctionne pas. Réinventer une roue qui ne fonctionne pas, c'est difficile, c'est une chose que nous devrions éviter.
Le sénateur Keon : Merci beaucoup à tous les témoins. Vous avez fait des observations extraordinairement utiles. Depuis le début, notre intention est de mettre sur pied un centre d'échange et non pas un centre de diffusion.
Tous les témoins ont présenté beaucoup d'informations. Des concepts intéressants ont été soulevés. Ce que je crois moi-même au sujet de la santé mentale, au sujet de toute discipline du domaine de la santé, de toute façon, c'est qu'il faut aller au-delà de la seule idée de réparer ce qui est brisé, pour passer à la promotion de la santé et à la prévention. Comment faire? Ce n'est pas juste la santé mentale, c'est tout.
Nous allons seulement y arriver au moment d'avoir un système permanent adéquat pour mesurer et évaluer la santé de la population. Le système en question doit être lié à des ressources mondiales. Nous serons très occupés cet automne. Ce matin même, j'ai accepté la première invitation à un de ces groupes de réflexion — ce qui me paraît assez intimidant. Je serai là à côtoyer de véritables experts. Des prix Nobel et ainsi de suite, et il faudra que je me creuse les méninges pour trouver quelque chose d'intelligent à dire.
Pendant que nous refaisons un tour de table, je vous demanderais de réfléchir à ce qui suit. Pour que le centre d'échange des connaissances contribue vraiment à l'évolution d'un système de santé mentale qui favorisera une bonne santé mentale au Canada, il devra s'éloigner du concept de système de prestation de soins de santé.
Pouvez-vous m'éclairer sur la manière de s'y prendre pour concevoir un système qui est branché sur la santé de la population? Je ne crois pas qu'on puisse bénéficier des boucles de rétroaction, si on ne fait pas ça. Si je me trompe, je vous prie de me le dire.
Comment en arriver à un cadre structurel, comme M. Gold et d'autres l'ont mentionné, qui ne perdra pas de vue le fait que la raison d'être du centre est la promotion de la santé mentale et pas seulement d'accumuler des données douteuses, qui fourniront des résultats erronés, ce qui représente un problème énorme en ce moment pour la plupart de nos bases de données?
Je m'arrêterai là. Au prochain tour, j'aimerais vous entendre dire qu'est-ce que vous pourriez en faire.
M. Upshall : M. Hetherington a mentionné une ou deux choses qui m'ont pris de court. Je m'excuse donc de l'interruption.
Je suis tout à fait contre l'idée de présenter d'autres bons sites Web comme étant des concurrents. Si nous commençons à dire : « Votre site Web fait concurrence au nôtre », nous allons éliminer la volonté qu'ont les ONG et d'autres milieux de créer quelque chose de supérieur. La compétitivité n'est pas une notion que nous devrions employer. Si vous tapez l'expression « mood disorders » dans le moteur de recherche Google, c'est le site Mood Disorders Society of Canada qui apparaît. Je ne veux pas que ça change. J'ai besoin de cela pour financer la société. J'ai besoin de cette reconnaissance. Les gens avec qui nous travaillons ont besoin de reconnaissance. Si personne ne fréquente le site, c'est très bien, nous nous en irons.
Que le gouvernement du Canada dise : « Nous allons vous faire concurrence », et déjà je ne veux plus jouer. Je ne suis plus là. Si vous voulez établir des forums, je suis sûr que le réseau national n'y sera plus.
En créant la chose, nous voulons combler un vide et non pas conquérir le monde. Cette théorie me met très mal à l'aise, monsieur Hetherington.
M. Hetherington : « Analyse concurrentielle » est un terme du monde des affaires.
M. Upshall : J'en suis tout à fait conscient.
M. Hetherington : Il ne s'agit d'aucune façon de regarder d'autres sites, par exemple le vôtre, et de se demander comment éliminer la concurrence, ce qui serait le cas si votre site était celui d'Exxon, par exemple. Les termes « analyse des écarts » ou « enquête » s'appliqueraient tout autant. Vous voulez simplement savoir ce qui existe. Si vous avez trouvé une formule qui est merveilleuse, l'analyse ferait ressortir que nous sommes au courant, par exemple, ou que les responsables du projet sont au courant. Nous pourrions trouver une façon de travailler avec vous.
M. Upshall : Un simple lien suffirait.
Vous avez dit que lorsque les gens tapent « dépression » dans Google, c'est notre centre d'échange des connaissances qui apparaît. Ce n'est pas l'idée que je me fais de ce que doit représenter ce centre d'échange des connaissances.
M. Hetherington : Pourquoi pas?
M. Upshall : Le Web propose déjà beaucoup d'informations sur la dépression. Nous ne voulons pas réinventer cette roue-là. Nous allons peut-être vouloir créer un lien vers les sites en question. Nous voulons nous situer au-dessus de la mêlée. Il nous faut pouvoir travailler ensemble et mettre en commun les informations et les liens.
Si le centre d'échange des connaissances devient un pivot pour l'utilisation et l'acquisition par le grand public d'information d'ordre général, de ce fait, vous allez perdre l'appui de gens importants au sein de la collectivité, d'ONG importantes.
Pour ce qui est des liens concernant la dépression, le CEC dit : tapez le mot « dépression » dans le site Web du CEC et vous trouverez des sites Web sur le sujet. À mes yeux, il y a là échange de connaissances.
M. Hetherington : Vous avez mentionné le Réseau canadien de la santé. Je comprends la stratégie du Réseau canadien de la santé; celui-ci donne des liens. Néanmoins, le nombre de visiteurs a chuté de manière importante depuis un an. C'est une stratégie qui n'est peut-être pas si efficace.
M. Upshall : C'est une stratégie efficace, si le site Web fonctionne. C'est que ce site Web en particulier ne fonctionne pas. Nous avons déjà traité de cette question. Il importe que le site Web fonctionne bien; si c'est un cauchemar bureaucratique, ça ne fonctionnera pas.
M. Hetherington : Les liens fonctionnent bien. Nous devons reconnaître tout le travail qui a été fait jusqu'à maintenant. Tout de même, proposer des liens un peu partout, au beau milieu de la page, ne crée peut-être pas l'expérience idéale du point de vue de l'utilisateur. Certes, avoir des ressources qui recensent tous les liens dignes de foi dûment annotés est une bonne idée. Par contre, un site particulier peut traiter de la dépression comme si on s'adressait à des élèves de l'école primaire, alors qu'un autre peut organiser l'information de façon tout à fait différente. Un autre site peut situer la maladie dans son contexte historique.
De même, nous savons qu'il y a des gens qui s'intéressent à la comorbidité. Chez les enfants et les adolescents, ce sont des questions qui se posent souvent. Quelqu'un peut vouloir se renseigner sur le TDAH parce qu'il croit que son enfant souffre d'anxiété et de troubles d'apprentissage en même temps. Si la personne clique sur le site de la LDAO, excellente ressource concernant les troubles d'apprentissage, elle peut apprendre une chose ou deux. Si l'enfant a un trouble d'apprentissage, le parent en a peut-être un aussi. L'élément héréditaire est fort. La personne peut ensuite consulter une ressource sur le TDAH qui est organisée de façon tout à fait différente. Cela ne donne pas toutes les informations nécessaires pour établir une synthèse.
Je préconise l'uniformisation de l'information suivant une grille plus ou moins fixe pour que, oui, le site puisse donner des renseignements sur la dépression, même s'il existe de bonnes informations à ce sujet ailleurs. Cependant, l'information serait présentée de telle sorte qu'elle s'inscrirait bien dans l'architecture globale du site. Un utilisateur pourrait dire : « J'ai besoin de renseignements sur un traitement particulier en cas de dépression. Comment retrouver un traitement en cas d'anxiété? Voyons voir : voici que ça mène à ``traitement de l'anxiété''. » Plutôt que d'envoyer les gens consulter un site du Nouveau-Brunswick ou de la Colombie-Britannique — les deux pouvant présenter d'excellentes informations, mais n'étant pas organisés de la même façon —, nous devons penser à nos utilisateurs. Nous devons penser à la façon de s'y prendre pour donner des informations d'une façon qui leur est accessible, en sachant qu'ils ont probablement des besoins complexes.
M. Upshall : Nous pourrions peut-être en discuter après l'audience, car je ne suis pas d'accord.
Le sénateur Cordy : Quelle matinée incroyable. Chaque fois que je crois savoir ce qu'est la santé mentale et ce qu'est la maladie mentale, j'assiste à une audience comme celle-ci et je prends conscience du fait que j'en sais très peu.
L'enseignante que je suis a adoré entendre dire qu'il faut fixer des objectifs clairs, faire une analyse des écarts, regarder ce qui fonctionne, faire des évaluations périodiques, qu'il est important de communiquer avec les utilisateurs aussi, car si nous n'effectuons pas le travail de terrain nécessaire avant d'aménager le centre, cela ne fonctionnera pas.
Quoi qu'on fasse, il faut que ce soit convivial. Cela a été répété plus d'une fois ce matin. Je crois que c'est Mme Goering qui a dit que la diffusion n'est pas l'échange de connaissances. L'interaction est si importante. S'il n'y a pas d'interaction, si la seule fonction du site est d'informer, il n'y a pas échange.
Comme le sénateur Kirby l'a mentionné plus tôt, en sillonnant le pays, nous avons vu des choses extraordinaires. À St. John's (Terre-Neuve), les gens accomplissent des choses merveilleuses avec les programmes de logement et de travail. À Collingwood, en Ontario, ils ont fait tomber les silos — les ministères provinciaux des Services communautaires et de l'Éducation travaillent ensemble. Il y a de bonnes choses qui se font, mais, quoi que nous fassions nous-mêmes, il faut qu'il soit simple d'y accéder et qu'il soit simple d'échanger, de façon à pouvoir obtenir des informations et aussi à en donner.
Au sein des agences non gouvernementales, et les agences populaires en particulier, on manque toujours d'argent et de personnel. À Terre-Neuve, ils nous ont parlé de la possibilité de bénéficier de fonds gouvernementaux dans le dossier du logement. Ils ont affirmé que, parfois, pour passer par l'État, c'est si compliqué qu'ils n'ont pas le temps de demander des fonds. Cela ne vaut pas la peine. Ils peuvent obtenir des fonds pour des travailleurs sociaux et des soignants, mais pas pour un responsable des finances ni pour quelqu'un qui aurait à remplir des documents.
Les agences non gouvernementales et sans but lucratif doivent affronter cela. Si le centre n'est pas facile d'accès et qu'il faut beaucoup de temps pour échanger des informations, les choses ne se feront pas.
Je siégeais au conseil d'administration du Phoenix House, en Nouvelle-Écosse, qui loge des sans-abri. Merveilleuse organisation. Nous recevions tout le temps des demandes de gens provenant d'autres provinces, et même d'autres pays, de gens qui souhaitaient nous rendre visite ou s'entretenir avec notre directrice générale. Chaque fois que notre directrice générale partait en voyage ou préparait un discours, elle faisait autre chose que ce pourquoi elle était payée. Vous connaissez tous cette situation.
En dernière analyse, il s'agit de trouver une façon de s'assurer que les beaux projets ne s'engluent pas dans la bureaucratie.
Le sénateur Di Nino : Si le sénateur Cordy n'a pas l'impression d'être à la hauteur, imaginez-vous donc comment je me sens, moi, ce matin.
Je suis d'accord pour dire que nous avons entendu des idées incroyables ce matin. La viabilité à long terme est une question clé. Rien ne sert de travailler à un projet pendant trois ans, pour essayer ensuite de trouver les fonds nécessaires pour le mettre à exécution.
Une autre chose que j'ai entendue et qui m'a paru sage : la connaissance n'est pas l'apanage de quelques-uns. Il nous faut comprendre que les gens sont nombreux à contribuer aux connaissances en question.
Je veux contester un point que vous avez fait valoir. La réalité du Canada, aujourd'hui, c'est que nous y trouvons de nombreuses langues et de nombreuses cultures. Si le projet ne parvient pas à rejoindre les nombreuses cultures en question avec les nombreuses langues où elles s'expriment, et il y en aura probablement encore plus à l'avenir, je ne crois pas que le projet sera un succès. Ce ne sera peut-être pas un échec, mais je ne crois pas que ce sera un succès.
Outre la nécessité de régler cette question, il nous faut nous pencher sur la situation des personnes âgées au pays. Nous oublions souvent ce point. Sans vouloir critiquer, seulement pour essayer d'être constructif, je dirais que personne n'en a parlé ce matin. Les aînés ne sont pas branchés. Un site Web ne sera peut-être pas utile dans leur cas.
Quand on parle d'un centre d'échange des connaissances, il faut savoir que ces deux questions doivent nous demeurer à l'esprit : sinon, ce ne sera pas un succès.
M. Coleridge : Je veux réagir à certaines des observations qui ont été faites et reprendre le fil de certains des thèmes qui ont été évoqués autour de la table ce matin.
Il y a le concept des multiples producteurs de connaissances et l'idée selon laquelle les informations et les connaissances doivent s'échanger à de nombreux endroits. Les gens ont été nombreux à en parler. J'ai entendu dire très, très clairement, que l'échange des connaissances est un processus, et bien plus qu'un site Web. Le site Web peut être un élément important, mais ce n'est qu'un élément d'une stratégie beaucoup plus vaste. Je m'en soucie quand nos discussions sont centrées sur l'information que propose un site Web, car je crois que notre réflexion doit être beaucoup plus large.
Il y a de multiples auditoires, certains en ont parlé. La question de l'objectif central devrait être débattue aujourd'hui. Souhaitons-nous que ce centre d'échange des connaissances s'adresse aux auditoires en question ou voulons-nous plutôt qu'il se concentre sur un public en particulier, sur les usagers, sur les clients et les familles, ou encore faudrait-il que ce soit les professionnels de la santé dans l'idée de changer leur façon de faire?
Les discussions sur l'objectif central du centre d'échange des connaissances et sur la portée de ses activités vous aideraient peut-être à préparer votre document. Dans le contexte, nous devons réfléchir à cet objectif. Par exemple, si nous privilégions l'information véhiculée par un site Web, quel en est l'objectif? S'il s'agit de modifier les attitudes et les comportements du public et d'appuyer les clients et les familles, quantité de recherches montrent que l'information, dans la mesure où elle est isolée d'autres stratégies, n'a aucun impact. Elle ne débouche pas sur une modification durable des attitudes et des comportements; évitons donc de reprendre ce chemin. Il existe bon nombre de sites Web, bon nombre de campagnes et bon nombre d'affiches. Isolément, ils n'ont aucun impact durable.
Je veux aborder le point formulé par le sénateur Keon à propos de la santé de la population et de la promotion de la santé, soit un sujet que j'ai vraiment à cœur, même si je ne suis pas spécialiste comme d'autres peuvent l'être au Canada. Un des problèmes, comme le sénateur Keon a pu le mentionner, c'est que nous avons tendance à nous soucier des soins de santé — de la maladie, plutôt que d'un système de santé. Le problème, pour ce qui est de la santé des populations et de la promotion de la santé, c'est que ce sont des dossiers auxquels nous n'avons pas attribué de ressources adéquates; par conséquent, ils ne sont pas évalués adéquatement, si bien que la tendance est aux mesures ponctuelles articulées autour d'une campagne. La promotion de la santé et la santé des populations s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble intégrée valable pour une longue période, et c'est pourquoi il y a un impact sur la santé de la population. Nous devons commencer à réfléchir aux choses de cette façon, et songer aux ressources à établir et à l'évaluation à réaliser.
Le sénateur Cochrane : Je me réjouis énormément de votre présence, car je sais que vous avez déjà fait face à bon nombre de ces situations.
M. Gold a commencé par s'excuser d'avoir été mêlé à tant de projets infructueux. Les projets infructueux ont ceci d'important qu'ils nous permettent d'apprendre, ce qui a autant de valeur que le reste. J'espère que les idées infructueuses seront mises au jour. Je vous en prie, n'essayons pas de réinventer la roue. Nous devons savoir quels sont les projets qui se sont révélés infructueux, au moment d'établir une organisation.
Quelqu'un a affirmé que les établissements n'ont pas toujours fait un bon travail, et cela est vrai. Nous l'avons entendu, bon nombre des gens souffrant d'un trouble mental se retrouvent en prison, pour la simple raison qu'on essaie de leur trouver une place.
En établissant ce centre des connaissances, il importe de ne pas oublier les prisons; il importe de trouver une façon d'y appliquer vos connaissances et vos habiletés, pour vous assurer que personne n'est oublié. Ces établissements sont pour moi une préoccupation. Vous parlez probablement d'établissements comme les établissements de santé mentale, mais n'oubliez pas qu'il y a un secteur de la population qui se trouve dans les prisons et que bon nombre de personnes s'y trouvent probablement parce qu'on n'a pas d'autres places où les mettre.
De même, vous êtes nombreux à avoir affirmé qu'il ne faut pas réinventer la roue, et je suis tout à fait d'accord avec cela.
Dans la même veine, ne vous contentez pas d'un truc bureaucratique. Assurez-vous que le résultat débouche sur des solutions dont le grand public pourra tirer de nombreux avantages et qui profiteront aux gens malades.
M. Manion : Au début, Mme Goering a dit qu'elle s'inquiétait du fait qu'on parlait d'un site Web. Je n'étais pas trop inquiet, tout au moins pour un certain temps. Il y a la possibilité inquiétante que nous finissions par créer un centre d'information et non pas un centre d'échange des connaissances. Toutes les questions que nous posons ici, nous les avons posées au centre.
En dernière analyse, nous n'essayons pas d'agir pour les gens; nous essayons d'agir avec les gens. Ce sont des relations, des relations qu'il faut cultiver. C'est l'élément clé de la tâche. Au début, il importe de comprendre la dynamique dont il est question et de s'y investir, ce qui pourrait supposer le recours à certains outils et à certains éléments de la technologie; cependant, à moins que cela ne vise vraiment à faciliter les relations en question, nous ne verrons pas se produire le changement à long terme que nous souhaitons. Voilà un point.
Par ailleurs, je souhaite réagir à un commentaire du sénateur Keon concernant la prévention. Je suis d'accord pour dire que les données sont insuffisantes. Les données existent, mais elles sont insuffisantes. Chaque fois que nous pouvons diffuser de l'information, évidemment, nous essayons de trouver des données probantes. Cela existe. Il en va de la portée du projet de centre d'échange des connaissances lui-même, mais, plus particulièrement, de la commission. À mon avis, ce ne sera pas le centre d'échange des connaissances qui donnera l'impulsion au mouvement en faveur de la prévention et de la promotion; ce sera l'affaire de la commission.
Au sujet de ce que Mme Goering a dit plus tôt, si les activités du centre d'échange des connaissances ne sont pas liées indissociablement à la commission et à ce que celle-ci essaie d'accomplir, vous êtes dans l'erreur. Le centre devrait être rattaché à la commission. Les deux doivent collaborer. Cela aidera à déterminer quel sera l'objectif central, du moins en partie, du centre d'échange des connaissances : l'établissement de l'objectif de la commission elle-même. Sinon, les deux risquent de prendre des tangentes très différentes — l'un des deux n'étant pas aussi utile à l'autre qu'on le voudrait.
Le président : Merci.
Permettez-moi de formuler quelques observations. Premièrement, les observations du sénateur Keon au sujet de la santé de la population sont parfaitement justes. Personnellement, j'ai toujours cru que cela serait intégré au programme anti-stigmatisation. Si vous jetez un coup d'œil aux projets fructueux qui ont été réalisés en Australie, en Nouvelle- Zélande, en Écosse et ainsi de suite, en essayant d'éliminer la stigmatisation, le programme de communication peut en même temps servir à promouvoir une bonne santé mentale, car les gens en déduisent que la stigmatisation n'a pas sa raison d'être, ou encore que l'on peut s'en débarrasser.
Quant à la question de l'objectif que M. Diakopoulos a soulevée, rien ne sert de mener ce projet s'il n'est pas utile. C'est pourquoi vous devez l'évaluer. Par conséquent, donner de l'information aux gens s'ils n'y donnent pas de suite, ce n'est pas très utile.
Je veux vous donner deux exemples intéressants, car je trouve cela plus facile de commencer par un cas qui illustre la chose. Il y a en Ontario un conseil scolaire, celui de Bluewater, qui a fait un excellent travail, à l'échelle scolaire, quand il s'agit de repérer les élèves ayant une maladie mentale. Entre autres, ils utilisent un outil de diagnostic. Les responsables du conseil scolaire de Bluewater ont affirmé qu'ils seraient heureux d'accueillir les représentants de conseils scolaires provenant d'ailleurs au Canada; nous avons d'ailleurs recommandé aux autres conseils scolaires de visiter le conseil scolaire de Bluewater. Il y a aussi deux ou trois mesures adoptées à la Vancouver School Board, mais que personne ne connaît en dehors de Vancouver. Il importe donc de dire aux gens non seulement que ces choses existent, mais aussi comment elles fonctionnent.
Vous pouvez commencer à avoir une influence sur tout cela, c'est-à-dire améliorer le sort des gens qui vivent avec une maladie mentale, si vous arrivez à trouver des façons très concrètes de procéder et à dire aux fournisseurs de services, aux artisans des politiques gouvernementales et à d'autres décideurs comment procéder. Vous avez tous affirmé qu'il doit y avoir un dialogue; ce ne serait pas seulement des consignes données par un et reçues par l'autre. Vous pouvez dire à quelqu'un d'aller voir ce qui se passe au conseil scolaire de Bluewater, mais il faut une discussion approfondie avant que le représentant d'un autre conseil scolaire décide de le faire.
Au moment de former vos observations, songez à ce qui suit : comment fait-on pour faciliter un échange? Ce n'est pas qu'un site Web passif. Je ne sais pas où on s'en va avec ça.
Mme Goering : L'échange d'information sur les pratiques exemplaires a déjà débouché sur des résultats très valables. Vos rapports et vos discussions en font foi. Nous allons poursuivre le dialogue, mais je suis d'accord pour dire qu'il faut être plus précis.
Plutôt que de privilégier l'auditoire, je privilégierais les mesures à prendre comme point de départ. Il y a 114 recommandations, toutes supposant des mesures à prendre. La commission doit choisir son champ d'action. Lorsque nous connaîtrons le champ d'action — et ce sera peut-être la prévention... et nous en savons déjà beaucoup sur la façon de prévenir les troubles de comportement chez les enfants. Au moment de l'évaluation des besoins, tâche que nous devrons accomplir, il nous faut déterminer quelles sont les ressources utiles qui existent déjà. Il faut parler aux artisans des politiques, aux fournisseurs de services et aux usagers à propos de ce qui leur faut pour donner suite à la question.
Les concepteurs du site Web ont cela à l'esprit, mais également l'assistance technique et le dialogue et ainsi de suite. Vous allez peut-être vouloir établir un site Web pour mieux décider des mesures que vous souhaitez mettre en œuvre. Si vous souhaitez donner suite à cela et que vous êtes un usager, voici où il faut aller... voici le coffre à outils, voici les connaissances tirées des recherches faites et voici quelques exemples pris ici et là au Canada et ainsi de suite. L'idée d'un truc qui englobe tout me rend très nerveuse — toutes les maladies, tous les auditoires, toutes les fins.
Le président : Comme vous, j'accorde la priorité à l'action quand je dis : si ce n'est pas utile et si ça ne sert pas à améliorer le sort des gens qui vivent avec une maladie mentale, alors nous ne devrions pas faire cela.
Le sénateur Keon : J'aimerais reformuler ma question, si vous le permettez.
La prévention a ceci de problématique que lorsque vous faites un plaidoyer en sa faveur, comme je viens de le faire, les gens croient que c'est la seule chose à laquelle vous pensez. Bien entendu, cela n'est pas vrai. Nous devons aussi régler les problèmes qui se présentent en cours de route, au jour le jour.
À propos de la santé de la population, je ne propose pas que nous concevions un système de santé de la population, mais, avec le temps qu'il nous reste au Sénat, je saurai contraindre le gouvernement à le faire. Je participerai à l'exercice qui consiste à contraindre le gouvernement à en concevoir un qui sera au moins aussi bon que ce qui se trouve dans les pays du tiers monde, si nous n'arrivons pas à faire comme les pays industrialisés. Une fois que le système conçu, il reste simplement à nous y brancher. Ce n'est pas à nous de le concevoir.
Néanmoins, nous ne devrions jamais oublier que 90 p. 100 des maladies traitées dans le système de santé au Canada ont une origine environnementale; 10 p. 100 seulement sont d'origine génétique. Tant et aussi longtemps que nous n'allons pas étudier les maladies attribuables à l'industrie agroalimentaire, à l'industrie de la construction et ainsi de suite, tant que nous n'allons pas regarder ce que font les urbanistes, nous allons perdre notre temps. Le problème prend encore et toujours de l'ampleur.
M. Gold : Je vais revenir à la première chose que j'ai dite. Une bonne part de ce que je sais au sujet du transfert, de l'application et de l'échange des connaissances me vient de ma mère, qui n'a pas fait d'études. Avant de faire quoi que ce soit, j'appelais ma mère pour lui demander si cela avait du sens. Si elle disait : « Oui, je comprends », je savais que j'avais amené le problème à un niveau qu'une personne intelligente peut saisir, qu'il ne fallait pas un expert pour comprendre. Je lui ai parlé de la différence entre le transfert des connaissances et l'échange des connaissances. Après une longue conversation, elle a dit que, d'après sa façon de le voir, l'échange des connaissances repose sur l'idée que tous les joueurs ont quelque chose à apporter. Je me suis dit, c'est tout à fait cela, c'est tout à fait le trait distinctif qui définit la notion. Le transfert des connaissances concerne des experts qui révèlent ce qu'ils savent à ceux qui ont besoin de savoir, mais l'échange des connaissances évoque davantage un rassemblement. C'est le « marché des idées ». C'est peut-être un lieu commun, mais c'est vrai. Essentiellement, il s'agit de créer un espace où toutes sortes de personnes ayant des fragments de réponses peuvent se réunir pour brosser un tableau plus net de ce que pourrait être la solution collective et les problèmes. Nous ne connaissons même pas tous les problèmes, encore moins les solutions.
Il y a deux risques : le premier consiste à créer rien de plus qu'un site Web qui propose un hyperlien vers tout ce qui est écrit sur des sujets ayant un lien quelconque avec les troubles de santé mentale. Le deuxième consisterait à ne rien faire : le problème nous paraîtrait si énorme que la conclusion serait qu'il n'y a rien à faire. Je dis cela maintenant, car après la séance d'aujourd'hui, nous aurons un peu l'impression de ne pas être capables de le faire du fait que nous ne portons pas le bon regard sur la question, mais il faut faire quelque chose.
L'exemple de Bluewater m'a paru merveilleux. À la FCRSS, nous affichons sur notre site Web les meilleures pratiques, ce que nous appelons les « pratiques prometteuses ». Nous sommes d'avis que certains des procédés importants dont on peut faire part n'ont pas encore été évalués. Peut-être que l'administration régionale de la santé fait quelque chose d'amusant et que la FCRSS peut afficher l'information à ce sujet sur notre site Web au profit d'autres organisations qui font face à des problèmes semblables. Cependant, ce n'est pas là que l'impact se fait sentir. L'impact se fait plutôt sentir quand je reçois un appel téléphonique de l'administration régionale de la santé, à Moose Jaw, par exemple, et que l'interlocuteur me dit qu'il vient de lire les renseignements sur les pratiques prometteuses à Terre- Neuve. Comme les ministères de la Santé des différentes provinces ne prévoient peut-être pas d'argent pour les voyages à l'extérieur de la province ou même de la région, il demandera peut-être si la FCRSS pourrait assumer les frais de déplacement en vue d'une rencontre avec les gens de Moose Jaw, pour que son groupe puisse appliquer la solution à son propre contexte. La fondation accepte parce qu'il n'y a personne d'autre qui finance ce genre d'activité. Vous ne pouvez aller demander un billet d'avion aux IRSC. La FCRSS essaie de faire ce que personne d'autre ne fait.
Le projet devrait permettre de faire ce que personne d'autre ne fait. Il faut identifier les auditoires et déterminer ce que personne d'autre ne fait — puis, faisons-le, tout simplement. C'est peut-être risqué, mais c'est là que le plus grand impact est possible. Tout le monde a dit : nous sommes submergés d'informations — ne créons pas un autre lien qui se retrouvera dans les signets des gens, mais qu'ils n'utiliseront pas. Le public a besoin d'informations prédigérées. À qui puis-je faire confiance? Tapez n'importe quel nom de trouble de santé mentale, et vous allez vous retrouver avec 7 000 sites Web qui apparaissent, y compris ceux de monespace.com. Ce n'est pas comme des informations qui proviendraient du Centre de toxicomanie et de santé mentale, le CTSM. Les gens ont besoin d'aide pour se retrouver dans toutes ces informations, et leurs besoins ne sont pas les mêmes que ceux des cliniciens, des gestionnaires et des décideurs du domaine. Déterminons ce que personne d'autre ne fait et établissons les besoins des groupes communautaires, puis faisons un essai.
Le sénateur Cochrane : Vous pourriez faire plus que cela, monsieur Gold, en demandant à des gens des régions, par exemple de Terre-Neuve, d'aller vous rencontrer pour échanger des informations encore plus abondantes.
M. Gold : Nous avons une initiative pour cela. Il y a un si grand nombre d'occasions et de modèles qui montrent ce que l'on pourrait faire. Ils s'articulent autour de la notion d'échange des connaissances, non seulement la diffusion ou le transfert, et ils pourraient avoir un impact énorme, à mon avis.
Mme Kidder : M. Gold a fait un commentaire qui est une belle transition vers le mien. Je veux revenir à l'idée des pratiques prometteuses et de l'échange des pratiques prometteuses. Certes, nos intervenants nous ont dit que les gens sont extraordinairement intéressés. Ils veulent apprendre les uns des autres. En essayant de déterminer comment le Centre d'excellence au CHEO peut participer au processus, il devient évident à nos yeux qu'il importe de trouver une façon d'aider les gens qui recourent à ces pratiques au sein de la collectivité à prendre part à notre cadre d'établissement des données. Il nous faut savoir comment intégrer cela au cadre de données.
Je reviendrai à un commentaire de M. Gold à propos des critères employés pour les données versées dans notre centre d'échange des connaissances. Nous devons nous assurer que les organismes communautaires qui appliquent des idées originales puissent comprendre comment leur travail s'inscrit dans un cadre de données et comment il peut gravir les échelons du point de vue de la crédibilité.
Cela m'amène à une autre question — soit le financement des recherches et des évaluations en rapport avec les programmes au sein des collectivités. Le centre d'excellence prend cette question au sérieux et verse des fonds aux organismes pour que ceux-ci puissent rajuster les données relatives à leur programme au point où il est possible d'y donner suite et d'y prêter foi. Il s'agit de faire voir aux gens où cela peut s'inscrire. Souvent, les gens se demandent si leur travail peut se prêter à la diffusion des données qui circulent. Il faut donc s'assurer que cela concorde, que vous ne modifiez pas les normes quant à ce qui constitue de bonnes données et que vous créez un cadre où les gens peuvent inscrire leurs travaux et en accroître la crédibilité. Le centre d'excellence prend au sérieux les liens qui se nouent entre les organismes.
Monsieur Gold, vous avez parlé de Bluewater. Le centre d'excellence a aidé à créer l'expérience vécue là-bas, en rassemblant les bonnes personnes.
Élément nettement plus mineur, les gens du centre d'échange des connaissances du Centre d'excellence provincial aux CHEO en santé mentale des enfants et des ados ont créé un centre d'échange des connaissances qui se divise en deux concepts : un concept passif et un concept actif. Ce n'est pas le genre de cadre qui nous emprisonne; c'est plutôt un cadre qui nous fait réfléchir. Quand nous étudions les activités conçues en fonction de sujets précis, nous nous demandons si nous nous fions à des modèles d'échange passifs, dans certains cas, et quelles sont les occasions à saisir en rapport avec des modèles actifs, pour d'autres. Certes « rassembler les gens » est un excellent exemple d'une stratégie active, qui n'est pas coûteuse. Autres activités : rassembler, tenir des assemblées municipales, établir des programmes dans les écoles et dans les clubs de garçons et de filles, recourir aux installations du YMCA, peut-être, ou d'autres organismes en vue de créer un échange actif d'informations. On n'a pas à réinventer la roue pour y arriver.
Je reviendrai au commentaire de M. Reist : il faut recourir aux réseaux naturels. Il existe bon nombre de réseaux naturels que nous pouvons utiliser et appuyer. Nous pouvons leur offrir de merveilleuses données, qu'ils peuvent mettre en application au sein de leurs groupes. Nous pouvons leur demander ce qu'ils font à l'intérieur de leurs groupes et les inviter à en faire part à d'autres groupes.
Mme Pape : Je vais nous ramener à la question de la promotion de la santé mentale et aux observations du sénateur Keon. Madame Goering, vous nous avez donné une idée intéressante en proposant un site où on demanderait aux gens quels seraient les secteurs où ils veulent agir. Si un groupe communautaire voulait agir, s'il avait choisi un dossier où il souhaite agir? C'est de la promotion de la santé mentale. Par un processus d'échange des connaissances, nous pourrions promouvoir la santé mentale au-delà du seul fait d'essayer de faire cesser la stigmatisation. Je suis d'avis, comme Peter Coleridge, que les campagnes anti-stigmatisation peuvent finir par prendre un caractère unidirectionnel. Comme vous l'avez dit vous-même, sénateur Keon, on peut posséder les connaissances, sans nécessairement agir. Il existe des façons plus actives de traiter avec cette question.
Ce que M. Manion a dit m'a fait penser à autre chose, soit que la commission doit prendre la question en charge et en assumer la responsabilité. De même, si elle peut continuer à appliquer les liens que Santé Canada a noués avec d'autres ministères dont les politiques ont une incidence sur la santé mentale des gens — Justice, Logement, Emploi —, si elle peut continuer à faire vivre ces liens, voilà une autre façon d'adopter l'approche de santé des populations en ce qui concerne la promotion de la santé mentale.
M. Block : Dans votre rapport, vous citez le rapport de Roy Romanow, en affirmant que le système de santé mentale est l'orphelin du système de santé. Vous poursuivez en disant que les enfants sont les orphelins des orphelins. Si vous étudiez les statistiques établies au sujet de ces enfants, vous constatez que la maladie mentale se manifestera chez 50 p. 100 d'entre eux avant l'âge de 14 ans; rendu à 24 ans, ce sera 75 p. 100.
Les statistiques et la documentation nous le disent : un dépistage et un traitement précoces améliorent grandement le mieux-être mental des jeunes en question. Nous savons aussi que les enfants sont très évolués sur le plan technique. Je vous lancerais cet appel : un des auditoires, une des cibles que nous devons viser, ce sont les enfants. Je crois qu'ils sont négligés et je vous encouragerais à en faire un public cible.
Le président : Certainement. Je veux exploiter ce filon et faire un lien avec ce que le sénateur Keon a dit. Vu les données en question, du point de vue de la santé de la population, la commission devrait tout au moins s'attacher à renseigner les parents et les enfants sur ce qu'ils peuvent faire pour prévenir les problèmes de santé mentale.
Diverses expériences ont fait appel à des adolescents. Il y a lieu de croire qu'on peut avoir une incidence énorme sur la situation. Je demanderais ce qui suit aux gens qui se trouvent autour de la table : si nous nous mettions d'accord pour que le principal public cible soit composé de jeunes de moins de 20 ans, jusqu'aux tout petits enfants, comment procéder? Comment donner à la commission — que ce soit par un centre d'échange des connaissances ou autrement — des conseils pragmatiques, terre à terre, sur la manière de s'attaquer au problème? À long terme, cela aura un impact nettement plus important. Je vous pose la question.
M. Upshall : J'écoute les gens parler autour de la table, et nous parlons de sites Web et de l'importance d'essayer de ne pas trop s'attacher à cela. Pour ce qui est de bien servir le consommateur, un outil fantastique à l'égard de l'échange des connaissances est le centre d'appels. Je sais que c'est simple — on utilise le téléphone et des gens — mais bien souvent, c'est l'un des meilleurs moyens d'échanger des connaissances et d'apporter des changements; c'est certainement le cas à l'échelon communautaire.
Le président : Par « centre d'appels », faites-vous allusion à ce qu'on appelle généralement un numéro 1-800?
M. Upshall : Oui, quelque chose comme ça. Les gens peuvent y accéder de la façon que nous déterminerons. C'est la même chose qu'un site Web. Il peut s'agir d'un numéro 1-800 ou d'autre chose. Cela exige une intervention humaine. Il faut des gens qui sont bien formés, qui sont dotés du genre de manuels dont disposent les centres d'appels. Cela faciliterait la fourniture de l'information à des personnes qui sont en régions éloignées et qui n'ont pas accès à un ordinateur, ou à des gens qui ne connaissent pas l'informatique, qui ne maîtrisent pas bien l'anglais ou le français et qui ont besoin de quelqu'un à qui parler — non pas pour parler d'aspects médicaux ou thérapeutiques, mais bien seulement pour dire « j'existe, aidez-moi ». Il peut s'agir d'un conseiller en orientation à Iron Bridge qui a besoin d'information. Tout ce que je dis, c'est qu'un centre d'appels pourrait servir de complément à un site Web.
Si un centre d'appels national se révélait efficace à titre de carrefour d'échange des connaissances — si on évaluait ce processus, si on rassemblait des gens et on savait que cela change des choses —, alors on pourrait peut-être établir des centres régionaux et faire appel à la participation des provinces. Je crois que nous devrons faire participer les provinces à l'échange des connaissances. Elles exigent leur juste contrepartie lorsqu'il est question d'engagement en matière de soins de santé.
M. Reist : Je trouve les discussions de ce genre stimulantes, mais j'ai toujours du mal à garder le cap. J'entends beaucoup de bonnes idées, et je crois que cette idée ou celle-là est très bonne, mais quel est le but de cette chose?
J'ai cru que deux choses étaient vraiment intéressantes. Nous avons parlé à plusieurs reprises des aspects sur lesquels nous devons nous concentrer, et nous avons envisagé diverses façons d'orienter cette attention. J'aime l'idée de Mme Goering selon laquelle on devrait s'attacher non pas aux populations, mais bien aux actions, en grande partie parce qu'il est souvent facile de perdre de vue ce qui importe lorsqu'on s'attache aux populations.
Par exemple, en Colombie-Britannique, quand nous avons restructuré le gouvernement en fonction de préoccupations à l'égard de la population des enfants, nous avons créé un ministère ayant pour mandat de rassembler tous les éléments et de se concentrer sur les enfants, et ce ministère s'est doté d'une mission « axée sur l'enfant ». Je ne suis pas contre cette notion, mais nous avons perdu de vue le fait que l'un des principaux moyens de répondre aux besoins des enfants consiste à répondre aux besoins de leur mère, en particulier, et de leurs parents, de façon plus générale.
Il est facile de perdre ce point de vue d'ensemble lorsqu'on met l'accent sur une population; lorsqu'on s'attache à une action — que tentons-nous d'accomplir? —, cela peut parfois nous aider à réagir de façon plus globale aux besoins d'une population donnée. C'est un aspect sur lequel je tiens à revenir, car c'est un aspect clé.
L'autre chose, dont nous n'avons pas reparlé par la suite, est le commentaire du Dr Lesage concernant le réseau. Cela renvoie à la question géographique : que tentons-nous d'accomplir ici? Si nous nous penchons sur des aspects purement opérationnels, nous arriverons peut-être à faire des choses intéressantes sur le plan opérationnel — c'est-à- dire, des mécanismes qui touchent l'ensemble de la population, d'une façon ou d'une autre, qu'il s'agisse du grand public, de consommateurs utilisateurs du système, de fournisseurs de services, ou d'un autre groupe.
Mais est-ce là le travail d'un groupe national? Ne faut-il pas plutôt examiner les systèmes et se poser la question suivante : comment pouvons-nous créer un système qui favorisera le fonctionnement efficace des réseaux à l'échelon opérationnel? Je crois que nous devons retourner à cet échelon supérieur des systèmes et nous demander ce que nous pourrions faire pour favoriser la création du genre de réseaux d'échange de connaissances qui permettront de veiller à ce que soient prises aux échelons local, régional et provincial les mesures opérationnelles qui s'imposent.
Mme McKnight : J'ai deux commentaires. Le premier, c'est que la promotion est très importante — elle est importante pour aujourd'hui, mais elle l'est surtout pour nos enfants. Nous tentons de promouvoir une bonne santé mentale dans tout ce que nous faisons.
Mais la réalité, c'est que je suis fatiguée de recevoir des lettres manuscrites de mères dont les enfants se sont enlevé la vie, et je suis fatiguée d'entendre parler de suicide — il y en a eu trois au cours de la dernière semaine et demie. Ça, c'est une lettre et deux personnes très proches de gens avec qui je travaille. Ça arrive tout le temps.
C'est très démoralisant pour moi de devoir réfléchir uniquement à l'échange des connaissances. Nous devons offrir aux gens un moyen de se sentir moins isolés, que ce soit par Internet ou au moyen d'un numéro sans frais. Il est important de donner de l'espoir aux gens grâce à l'échange des connaissances, mais l'accès à un isolement réduit est un aspect très important.
Je suis d'accord avec ce que tout le monde dit, mais il y a sûrement moyen de créer un mécanisme qui permet de mobiliser l'intelligence et l'enthousiasme à l'égard de tous les programmes et pratiques prometteuses de partout au pays et de traduire tout cela afin que tout le monde puisse comprendre ce qui se passe et diffuser l'information au grand public — que ce soit des membres de la famille, des consommateurs ou juste des gens qui sont intéressés — pour promouvoir la bonne santé mentale chez nos enfants, mais aussi pour sauver des vies aujourd'hui. C'est à cela que j'attache de l'importance.
M. Manion : Juste pour revenir sur ce que disait le sénateur Kirby au sujet de l'accent mis sur les jeunes, et pour donner suite à ce que vous venez de dire, si vous voulez vraiment cibler les enfants et les jeunes et briser l'isolement, une partie du résultat découlera effectivement du processus. Si vous consacrez une partie de vos activités à la mobilisation des jeunes, par exemple, si vous faites participer les jeunes à la production et à l'échange des connaissances, vous les encouragez à poser des questions et à y répondre afin qu'ils puissent acquérir des compétences et travailler sur le terrain.
Grâce à ce processus, vous allez non seulement créer diverses catégories de connaissances et faciliter l'assimilation de l'information à l'échelon communautaire, mais aussi faire quelque chose qui favorise la santé. Lorsque les jeunes participent, ils sont en meilleure santé physique et mentale, et le risque de suicide baisse. En les faisant participer à un processus, on favorise l'obtention d'un résultat.
Mme Beckett : J'aimerais formuler un commentaire à titre de représentante des utilisateurs. Je ne suis pas une professionnelle du domaine, mais j'ai l'impression qu'il y a trop peu de financement et trop peu d'organismes investis d'un mandat. De nombreux organismes aimeraient bien améliorer leurs pratiques, mais ne sont pas disposés à consacrer la main-d'œuvre et les fonds nécessaires pour s'instruire et se placer dans une position plus enviable pour ce qui est de bien recevoir et assimiler l'information. À mon avis, c'est une lacune énorme. Je vois que l'application des connaissances — mais ce n'est pas le bon terme, je m'excuse. Les IRSC ne sont pas en mesure de fournir quelque aide que ce soit à cet égard. Je ne suis pas certaine que quiconque soit en mesure de le faire, et c'est peut-être un créneau que la commission pourrait occuper, dans une certaine mesure, si on décide de l'établir.
Les IRSC disposent effectivement d'un imposant effectif de chercheurs hautement qualifiés qui possèdent énormément de connaissances et qui, dans un grand nombre de cas, n'ont nulle part où aller. Il est très difficile de décrocher un emploi dans une université, et ces personnes n'arrivent pas toujours à trouver un poste de chercheur dans l'industrie. J'ai toujours été frappée par le fait que nous devrions avoir et promouvoir un autre parcours professionnel, celui de courtier de connaissances. Pourquoi ne pas mobiliser certaines de ces personnes pendant leur formation, et promouvoir ce travail à titre de débouché professionnel intéressant, et lorsqu'ils obtiennent leur diplôme, si quelqu'un est disposé à consacrer temps et argent à ce genre de chose, on pourrait les faire participer aux activités axées sur le pousser et tenter d'encourager la participation, la partie active de l'équation.
M. Smith : C'est une belle transition vers ce que j'allais dire. Cette expérience découle d'une activité à l'égard de laquelle nous n'avons pas aussi bien réussi que prévu, c'est-à-dire les lignes directrices sur les meilleures pratiques relatives aux troubles concomitants que nous avons mises au point pour Santé Canada. Nous avons compilé l'information sur les pratiques exemplaires et prometteuses dans le domaine des troubles concomitants. L'information a été regroupée et diffusée à grande échelle. Nous avons présenté des exposés partout au pays, et ensuite nous avons commencé à recevoir des demandes de formation relatives aux troubles concomitants pour des professionnels de la toxicomanie et de la santé mentale. C'était stimulant. Il y avait des lacunes au chapitre de l'information et du perfectionnement des compétences, et nous pouvions combler ces lacunes.
J'ai été surpris et un peu embarrassé de constater que la plupart des gens et des groupes que je rencontrais possédaient déjà l'information. C'était assez frustrant, car ils possédaient l'information et la plupart des compétences, et ils ne changeaient toujours pas leurs pratiques. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à mettre l'accent sur l'approche du pousser auprès des usagers et à tenter de déterminer quels sont les obstacles.
Quand nous avons commencé à parler du dépistage préliminaire aux fins des traitements de base liés à la toxicomanie et à la santé mentale, ils passaient la plupart de leur temps à s'attacher au fait de posséder l'information, à s'intéresser à bénéficier d'un perfectionnement des compétences plus poussé, mais ils demeuraient perplexes devant les obstacles comportementaux qui existaient au sein de leur organisme respectif. Ici, je parle spécifiquement d'échange des connaissances et de changement des pratiques des fournisseurs de soins officiels et officieux — je me concentre sur cet aspect-là de l'échange des connaissances. J'étais stupéfait de voir qu'il ne s'agissait pas de lacunes au chapitre de l'information ou du perfectionnement des compétences; pour surmonter les obstacles, il fallait surtout apporter des changements aux attitudes et lancer des interventions.
Ensuite, nous nous sommes demandé ce que fait le monde des affaires du Canada lorsqu'il veut apporter un changement soutenu ou mettre en œuvre une action quelconque. Il veille certainement à ce que de l'information exacte soit disponible afin que tout le monde la comprenne, mais il ne se contente pas de la diffuser et d'espérer que les gens l'utilisent. Les gens d'affaires ont une stratégie claire, une vision stratégique, et ils définissent l'action ou le changement qui doit avoir lieu. Ils se concentrent sur ce changement, et ensuite ils établissent une stratégie complète, assortie de politiques qui appuient et soutiennent le changement et l'infrastructure, l'approche du pousser auprès de l'usager. Ils ne laissent rien au hasard.
De nombreuses recherches dans le domaine de l'application des connaissances portent à croire que ce genre d'initiatives à planification large fonctionnent; cependant, de telles initiatives ne sont ni lancées ni dotées de ressources. C'est ce que ce centre national d'échange des connaissances axées sur l'action peut nous offrir d'enthousiasmant. Il s'agit non pas de lancer un nouveau site Web ou un superjournal, mais bien d'amorcer le changement et de s'attacher à y affecter les ressources nécessaires.
Le sénateur Wilbert J. Keon (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Dans ma vie antérieure dans le domaine de la médecine, des soins de santé et de la recherche en administration, quand nous parlions de systèmes, j'avais souvent tendance à interrompre les gens et à dire que le meilleur système d'information jamais conçu est le cerveau humain, que nous ne pouvons même pas nous approcher d'une telle perfection. Il est doté d'une boucle efférente et d'une boucle afférente — la boucle afférente correspond à l'action — mais la beauté de l'entrepôt de données, c'est qu'il est mis à jour à tout instant et est toujours à jour.
Mes commentaires précédents ce matin visaient à mettre l'accent sur la boucle afférente, car ce système doit être dynamique, sans quoi il sera inutile.
Les jeunes dans mon établissement arrivaient, tout pleins de confiance et d'enthousiasme, affirmant qu'ils avaient besoin d'argent pour faire quelque chose maintenant. Je leur demandais s'ils possédaient suffisamment d'informations, s'ils savaient vraiment ce qu'ils faisaient, si ce système fonctionnerait l'an prochain. Cela les contrariait un peu, mais j'ai constaté que cela les faisait réfléchir.
Ce dont nous parlons aujourd'hui est très important. Je crois que la commission va bien fonctionner, et je crois que ce centre d'échange des connaissances fonctionnera bien. Il ne pourra pas tout faire pour tout le monde, mais il pourra faire fond sur les idées que vous allez tous générer; il n'y a aucun doute là-dessus. Il est très important pour nous de maximiser ces chances de réussite et de voir, au cours du reste de la journée, ce que nous pouvons faire à ce chapitre.
Au cours de la prochaine séance, nous pourrions peut-être parler de la structure et de la fonction du centre d'échange des connaissances. Cela pourrait orienter un peu la discussion. Vous aimeriez peut-être inverser l'ordre de ces éléments, soit parler d'abord de la fonction et ensuite de la structure. C'est une autre façon de l'envisager.
M. Upshall : Nous avons parlé ce matin du genre de fonction que nous aimerions voir, et je ne suis pas convaincu de la nécessité de parler davantage de fonction, par opposition au fonctionnement.
Pour ce qui est de la structure, il faut amorcer un certain dialogue sur la possibilité que cela constitue l'essence même de l'engagement de la commission. Cela va chevaucher les questions des activités de lutte contre la stigmatisation et de l'élaboration d'un plan d'action national, c'est-à-dire le troisième volet concernant le mandat de la commission dont nous n'avons pas encore parlé, mais dont nous devons parler.
En ce qui concerne la structure, nous devons reconnaître que, pour que l'activité soit conviviale, qu'il s'agisse d'un site Web ou d'un site Web doublé d'un centre d'appels, quelle que soit sa structure, elle devra être orientée et dirigée vers les échelons supérieurs de la commission. Il faut nommer un directeur adjoint responsable de cette activité d'échange des connaissances, et cette personne relèverait directement du directeur général. La principale activité serait l'établissement du CEC, mais il y aura peut-être d'autres activités d'échange des connaissances à contrôler, à gérer et à synchroniser. Le centre d'échange des connaissances serait un élément majeur des activités de la commission en matière d'échange des connaissances, mais pas le seul.
Je prévois un directeur général adjoint et un comité consultatif qui serait constitué d'un nombre considérable d'usagers et de parents. Je prévois également un membre du personnel qui serait un chercheur, une personne qui connaît bien les structures de l'échange des connaissances et qui sait ce qu'est l'échange des connaissances, qui pourrait faciliter la mobilisation initiale, ce qui correspond, je crois, à une analyse des écarts. Auparavant, il faudra peut-être tenir une discussion sur l'orientation et le mandat du CEC. Il doit être géré par la haute direction de la commission. Quelque chose doit avoir lieu au cours des jours qui suivent l'établissement de la commission.
J'ignore si cela donne le coup d'envoi à la discussion, mais c'est, selon moi, à partir de ce point que nous devons commencer à envisager la question.
M. Gold : Je vais commencer par une approche tout à fait contraire. Il n'y a dans mon esprit absolument aucune clarté quant à la nature de ce « ça » dont on a sans cesse parlé ce matin. De fait, j'ai relevé pas moins de huit fonctions à l'égard de ce « ça ». On a mentionné l'action revendicatrice, l'intervention et l'intervention téléphonique — et le soutien est une forme d'intervention. On a également parlé de diffusion, de regroupement des ressources partout au pays, et d'un organisme ou d'une entité qui crée ou soutient les réseaux. On a également parlé du renforcement des capacités des groupes d'usagers en ce qui concerne l'utilisation des ressources disponibles dans le domaine.
Avant de parler du nombre de personnes qu'on trouvera dans les bureaux et de la structure organisationnelle — ce qui devrait peut-être suivre ou soutenir le « ça », quel qu'il soit, et sa composante « TI » — manifestement, il faut que nous amorcions un dialogue afin de déterminer lesquels des huit éléments que j'ai relevés, ou d'autres qui m'ont peut- être échappé, sont la priorité en ce qui concerne le but réel de l'initiative. S'il s'agit de diffusion, alors nous devons parler de synthèse, c'est-à-dire qu'on doit déterminer quelle information doit être synthétisée, et pour qui. C'est clairement le grand vide pour certains groupes d'usagers.
Ce que j'entends le plus souvent dans mon travail, c'est qu'on croule sous l'information. Ne nous donnez plus de nouvelles sources d'information : donnez-nous de l'information analysée, assortie de messages clés. Dites-nous ce que révèle la recherche, à l'heure actuelle, afin que nous sachions comment procéder à l'égard de X, Y ou Z. C'est un aspect, complètement différent de la fonction de carrefour d'information, qui dit que nous n'allons rien synthétiser. Nous allons seulement vous dire que si vous vous intéressez à X, voici tout un paysage de possibilités de recherche, et peut-être vous proposer une sorte de système de cote, une sorte de méthode d'assurance de la qualité. C'est un organisme à structure totalement différente qui exigerait la création de sous-comités et de groupes qui travailleraient sur divers thèmes. Il sera donc très important de savoir ce que « ça » doit faire.
Le travail thématique est une autre grande question. Il règne dans la pièce une tension entre la volonté de couvrir l'ensemble des sujets éventuels dans le domaine de la santé mentale et celle de s'attacher à des thèmes particuliers, par exemple les enfants et la jeunesse, les régions rurales et éloignées, ou la communauté autochtone. Il y a de nombreuses options. C'est sur cela que nous devrions orienter nos discussions concrètes.
M. Manion : Je suis tout à fait d'accord avec M. Gold. Le travail de synthèse constituera un processus décisionnel crucial grâce auquel on pourra déterminer quel sera le premier sujet à soumettre à la synthèse. Il existe des modèles pour cela. Nous nous affairons à concevoir des modèles pour nos propres activités. On ne saurait adopter une approche trop large, car on se retrouverait avec peu d'information au sujet d'un grand nombre de choses, et rien d'utile.
Revenons à l'appel à l'action de Mme Goering. Si vous jumelez cela à l'action de la commission, cela vous dira quel est votre premier sujet ou votre première population cible, et ensuite vous appliquez dans ce domaine un modèle de collecte, de synthèse et d'évaluation de l'information avant d'envisager l'échange d'informations. Ce sera couru d'avance. Dans le cadre de cet exercice, vous allez repérer les partenaires avec lesquels vous devez collaborer pour faire cela. Certains seront des bailleurs de fonds, d'autres posséderont déjà de l'information synthétisée et organisée d'une façon différente. Il est également possible que certains partenaires possèdent la meilleure capacité de mobilisation dans un domaine particulier.
M. Upshall a parlé d'un certain nombre de groupes consultatifs susceptibles d'être utiles. Nous avons trouvé cela très utile, mais pas directement pour le CEC. Encore une fois, je songe à la commission. Si la commission devait être dotée d'un certain nombre de groupes consultatifs ayant pour mandat de soutenir ses activités, alors j'utiliserais cet outil et j'y intégrerais la fonction d'échange des connaissances. Au lieu de créer une structure supplémentaire, il faut sensibiliser tous ces groupes à l'importance de l'échange des connaissances. Ainsi, on aura créé un lien entre les deux : l'idée de recourir à divers groupes d'intervenants aura été respectée, et on aura créé une structure unique qui fonctionne bien.
M. Gold : Comment percevez-vous la structure du CEC au sein de la commission?
M. Manion : Je m'intéressais plus particulièrement à l'aspect consultatif.
Par exemple, il y a au sein de notre organisme un groupe consultatif général, mais nous sommes également dotés d'un groupe de référence constitué de protecteurs des usagers, d'un groupe de référence constitué de fournisseurs de services et d'un groupe de recherche, et tous ces groupes sont représentés au sein de notre groupe consultatif général. Notre personnel responsable de l'échange des connaissances est en contact avec tous ces groupes d'échange. Ils discutent de ce que nous faisons. Il y a déjà beaucoup de gens qui font cela, alors vous n'allez pas réinventer la roue. Vous pourriez peut-être vous pencher sur votre première évaluation et votre première analyse des écarts et déterminer quelles structures existantes fonctionnent, au lieu de vous asseoir et de chercher à inventer une nouvelle structure; vous pourriez aborder la question de façon empirique. Vous devrez établir une structure pour le CEC, certes, mais ses liens et la façon de consigner de l'information ou de prodiguer des conseils à cette entité seront peut-être plus étroitement liés à la vocation de la commission.
Mme Goering : J'ai trouvé un document de recherche pendant que je me préparais pour la séance d'aujourd'hui. Il s'agissait d'une intéressante recherche péruvienne sur l'échange international des connaissances. Essayez de penser aux fonctions des réseaux. Il s'intéressait tout particulièrement aux réseaux de recherche sur les politiques. Je crois qu'une partie des idées formulées dans cette étude étaient utiles, quel que soit le public cible. Les auteurs du rapport avancent que, lorsqu'on se penche sur les réseaux, il y a une question prioritaire qui concerne le changement. Il faut déterminer si le réseau sera un vecteur de changement, ce qui veut dire qu'il constituerait en soi un groupe de revendications, ou s'il soutiendra d'autres groupes qui agissent comme vecteur de changement. C'est peut-être une distinction que nous devons établir. À mon avis, cet échange de connaissances vise à soutenir la commission, et la commission agit comme vecteur de changement. La fonction d'échange des connaissances ne correspond pas en soi à de l'action revendicatrice; c'est une ressource sur laquelle pourra se fonder l'effort d'action revendicatrice de la commission. D'autres groupes qui essaient d'agir à titre de vecteurs de changement et de protecteurs des usagers voudront peut-être aussi recourir à ces ressources, mais je crois qu'il est logique de vouloir lier étroitement cette fonction à la commission.
Une fois cette conclusion tirée, les auteurs du rapport dressent une liste des fonctions susceptibles d'être exécutées grâce à l'échange des connaissances. Au Canada, nous avons l'habitude d'utiliser les termes « pousser, tirer et échange », et c'est peut-être suffisant. Je ne crois pas que nous soyons tenus de choisir à ce moment-ci. On peut établir une plate- forme qui fait toutes ces choses, dans la mesure où ses objectifs sont clairs et il y a une façon d'évaluer si ces objectifs sont réalisés.
Dans le rapport que j'ai consulté, on utilise une autre terminologie, comme « filtres du savoir ». On y parle d'amplification, ce qui correspond probablement au « pousser ». Toutefois, il y a eu une fonction à laquelle nous devons penser, et c'est la fonction d'investisseur. Une partie de cette fonction pourrait consister à repérer les groupes qui s'adonnent déjà à de telles activités, mais qui ont besoin de ressources de démarrage ou de capacités supplémentaires pour aider la commission à atteindre ses buts. Au lieu de songer à tout faire au centre même, le centre pourrait investir stratégiquement dans des ressources externes qui assurent cette fonction et qui aideront le centre à réaliser ses objectifs.
Encore une fois, nous ne pourrons arrêter les détails à cet égard que lorsque nous saurons ce que nous tentons de changer. Nous ne pouvons prendre de décisions à cet égard. Ce sont les provinces qui devront participer de façon énergique à l'établissement de ce plan d'action. Au bout du compte, l'intervention à l'égard de nombre de ces enjeux a lieu à cet échelon. Si elles peuvent s'entendre sur un aspect sur lequel elles veulent intervenir collectivement, et s'entendre sur ce genre de chose, alors, selon moi, la fonction d'échange des connaissances est adaptée à tout plan d'action, et elle permet d'assurer toutes ces fonctions.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président : Laissez-moi formuler un commentaire sur votre dernier point.
Ce serait une erreur de demander ce que les provinces veulent faire collectivement. Nous nous sommes entendus sur la création de la commission, mais cela n'a pas été facile, et c'est un phénomène rare.
De plus, les aspects à l'égard desquels des mesures s'imposent varient considérablement d'une province à une autre, voire même dans une province. Les régies régionales de la santé des provinces sont plutôt différentes. La commission commettrait une grave erreur si elle tentait de conclure un ensemble d'accords multipartites. Elle doit reconnaître que le but, très simple, est de faire deux choses : premièrement, améliorer les conditions de vie de personnes souffrant d'une maladie mentale; et deuxièmement, tout faire pour veiller à ce que les gens qui vont bien ne sombrent pas dans l'enfer de la maladie mentale.
Quel est l'objectif? Il est donc ne peut plus clair. C'est la mission de la commission.
Pourquoi vous inquiétez-vous au sujet de la stigmatisation? La seule raison pour laquelle vous vous préoccupez de la stigmatisation, c'est parce que les gens souffrant de maladie mentale vous ont dit que c'est le pire aspect de leur maladie. Loin de moi l'intention d'écarter la question de la stigmatisation, car je crois que c'est un phénomène moralement répréhensible. J'en conviens, mais ce n'est pas le principal enjeu. C'est un problème bien simple. Les gens souffrant de maladie mentale me disent que c'est le pire aspect de leur maladie. Si on veut leur rendre la vie plus facile, aussi bien nous attaquer à cela.
Je suis tout à fait d'accord avec votre affirmation selon laquelle c'est le mot « action » qui compte, mais on distinguera l'action visant à prévenir le problème et l'action visant à résoudre le problème existant. Il y a deux côtés à cela.
La question qui s'impose à l'esprit est la suivante : comment peut-on faire cela de la façon la plus efficiente sans faire double emploi avec ce qui se fait déjà? Nous n'utilisons pas le mot « usager » dans notre rapport. Vous devez vous appuyer fermement sur les commentaires de personnes souffrant d'une maladie mentale, car on ne peut aider à améliorer leur vie que si on comprend précisément ce qui doit être fait pour rendre leur vie meilleure.
Mme Goering : Puis-je poser une question? J'envisage peut-être le processus politique avec naïveté, alors vous allez devoir m'aider à comprendre. Si on imaginait un scénario inspiré des commentaires formulés plus tôt au sujet du suicide, ne serait-il pas possible que les provinces conviennent de lancer une campagne nationale de lutte contre le suicide qui pourrait s'assortir de divers éléments, y compris un volet destiné aux jeunes, où les interventions dans chaque province pourraient être un peu différentes, mais où on s'entend sur les résultats escomptés?
Le président : Oui, c'est possible, mais pourquoi consacrer tant d'efforts à faire cela? Si l'objectif est de réduire le taux de suicide, je suis totalement d'accord avec cela. Toutefois, il y a de nombreuses façons de le faire. Une province n'a pas besoin de s'y prendre de la même façon qu'une autre. Oubliez la notion d'universalité.
Notre comité a réalisé quelque chose d'inimaginable. Nous avons fait le tour et vendu l'idée d'une commission sans même en parler à quiconque à Ottawa. De fait, nous sommes réapparus à Ottawa avec une idée déjà acceptée, ce qui accroît les chances de réalisation. Nous y sommes parvenus en parlant à des personnes dans toutes les capitales provinciales et territoriales — c'est pourquoi j'ai désormais le statut Air Canada Super-Élite. Nous nous sommes rendus dans toutes les provinces et dans tous les territoires et nous avons parlé à tous les ministres et sous-ministres de la Santé. Si nous avions rassemblé tout le monde au même endroit et tenté de prendre une décision collective, je crois que nous aurions échoué. Nous avons fini par y arriver parce qu'au moment où le sénateur Keon et moi-même sommes allés parler aux ministres, nous avions déjà l'entente. Je crois que nous aurions échoué si nous n'avions pas rencontré chaque personne individuellement, une personne à la fois.
Quelle que soit la façon dont le centre d'échange des connaissances fonctionne, il doit refléter non seulement les intérêts provinciaux, mais aussi les intérêts sous-provinciaux. Ce qui fonctionne sur le territoire de la Vancouver Island Health Authority ne correspondra peut-être pas à ce que veut la Vancouver Coastal Health Authority, car les problèmes y sont différents. Cette dernière doit composer avec les problèmes propres au downtown eastside, et personne d'autre n'est confronté à cela. C'est tout ce que je dis.
Ce n'est certainement pas une situation où l'on peut appliquer une solution universelle. C'est, à mon avis, l'une des tâches les plus difficiles pour un organisme national qui tente de fournir de l'aide partout au pays. Ce serait tellement plus facile si on pouvait appliquer une solution universelle, mais cela ne fonctionnera jamais.
M. Gold : J'ai tendance à envisager les choses simplement, et j'ai besoin de mieux saisir plusieurs choses que vous avez déjà dites, car j'ai l'impression que ce n'est pas aussi compliqué que je le pensais.
Tout cela concerne la réalisation de deux grands mandats : rendre la vie plus facile aux personnes qui souffrent de maladie mentale, et aider à réduire, si cela est possible, le nombre de personnes qui souffriront d'une maladie mentale dans l'avenir. Nous avons abandonné ce sujet pour ensuite parler du centre d'échange des connaissances. Cela veut dire que nous croyons que la réalisation de ces deux objectifs tient au regroupement des connaissances ou de l'information et de la sagesse de plusieurs collectivités en vue de trouver une solution. Si c'est le cas, la vraie question qu'il faut se poser, c'est comment le centre d'échange des connaissances fera place à toutes ces voix afin qu'on en arrive à ces solutions. Un super site Web assorti de liens vers tout ce qui existe ne permettra pas de faire cela; alors il n'y a plus lieu d'en parler. Nous pouvons parler de la façon dont il soutiendra cette initiative, mais le but principal est de faire place à la sagesse de diverses collectivités afin qu'on puisse trouver des solutions à ces problèmes. Si nous gardons à l'esprit ces préoccupations fondamentales, nous constaterons que de nombreuses discussions parallèles ne sont pas pertinentes, car nous nous intéressons non pas à la fin, mais aux moyens.
Le président : Les deux principaux objectifs que j'ai énoncés ont été établis par le comité pour la commission.
M. Gold : Il est clair que le CEC doit soutenir ces objectifs. Il n'est pas question de créer une autre voix pour le milieu de la recherche ou pour tout autre groupe. Nous cherchons à créer un espace — et je simplifie exagérément la description pour stimuler la discussion — où pourra converger la sagesse de collectivités multiples afin qu'on puisse créer cette solution qui tarde selon nous à être découverte, car, à l'heure actuelle, nous ne rassemblons pas toutes ces choses. Si c'est le cas, nous pouvons amorcer une autre discussion sur la façon d'aller de l'avant.
M. Manion : Je suis d'accord avec vous. Nous avons également abordé ce genre de chose, et notre langage a maintenant changé. Nous avons cessé de parler de notre centre d'échange des connaissances, c'est le terme que nous avions utilisé, et maintenant nous parlons d'échange des connaissances à notre centre. Dans la même veine, il s'agirait d'échange des connaissances à la commission. Par conséquent, en ce qui concerne les buts généraux de la commission, quelles sont les activités d'échange des connaissances et les relations qui permettent de donner à ces gens une voix commune pour réaliser ces objectifs? Comment cela peut-il se produire? Ensuite, on commence par se donner les structures nécessaires pour y arriver. On ne veut pas créer deux entités dont les buts et les objectifs sont parfois contradictoires. L'échange des connaissances est une activité qui est liée aux buts de la commission.
Le président : Exactement.
M. Gold : Si ce sont là nos buts, nous devons repérer les voix que nous voulons entendre et déterminer quels outils nous devons acquérir et quels investissements nous devons effectuer dans ces collectivités pour leur donner la possibilité de communiquer leur information. C'est le défi fondamental que nous devons relever.
Le président : Sauf que certains seront principalement des preneurs, car certaines personnes souffrant de maladie mentale ou des membres de leur famille ou leurs soignants auront davantage tendance à extraire de l'information qu'à en fournir. J'adore l'expression « pratiques prometteuses ». Je ne parlerai plus jamais de « pratiques exemplaires ». En ce qui concerne les pratiques prometteuses, c'est donnant-donnant.
M. Smith : Cela s'assortit de l'utilisation de stratégies fondées sur les résultats qui fonctionnent auprès des diverses populations cibles ou dans le cadre des interventions ciblées que vous envisagez. En plus de créer un espace pour rassembler les gens, que faisons-nous avec cela? Ne réinventons pas roue : regardons plutôt les pratiques et les stratégies fondées sur les résultats qui ont fait leurs preuves auprès de diverses populations.
Le président : Je suis d'accord.
Le Dr Lesage : Pour revenir à la question de la mission de la commission, une autre façon de l'exprimer consisterait à parler d'amélioration de la santé mentale des Canadiens. D'une certaine façon, nous n'allons pas nous attacher à un groupe ou à une maladie quelconque. Il s'agira d'une initiative globale. C'était l'idée fondamentale, et cela a permis de cerner des domaines où les choses semblaient se dérouler plus lentement ou des domaines où les lacunes semblaient plus grandes, mais par conséquent, le but doit être d'améliorer la santé mentale des Canadiens — d'y contribuer. On évaluera la commission en fonction de l'amélioration de la santé mentale au Canada. C'est le résultat qu'on devrait envisager.
Le président : Certainement.
Le Dr Lesage : C'est le résultat qu'on devrait envisager, et il devrait également y avoir un élément d'information que la commission peut recueillir en vue d'évaluer ses activités et de dire voici le bilan de santé mentale du Canada pour 2006-2007, 2008, et cetera.
Le président : Pour donner suite à ce point, concernant le programme de lutte contre la stigmatisation, vous n'avez qu'à faire ce que tout autre pays a fait, c'est-à-dire assurer un suivi annuel de l'évolution des attitudes du grand public. Si vous exécutez le programme pendant trois ans et que les attitudes publiques n'ont pas changé, alors oubliez ça, vous ne faites rien.
Il est intéressant de constater que l'Australie fait cela depuis 13 ans et que les chiffres s'améliorent chaque année. La stigmatisation a baissé, et la réalité, c'est qu'on peut y arriver. Cependant, vous avez tout à fait raison : il faut être en mesure d'évaluer ce qu'on fait pour déterminer si nos activités ont un impact. Il n'y a aucun intérêt à le faire lorsqu'on ne sait pas si cela fonctionne.
Dr Lesage : Par contre, à l'échelle nationale, je crois que les gens boivent davantage en Australie qu'au Canada. Ils ont peut-être de plus gros problèmes de toxicomanie que nous. Cela fait également partie du portrait national en matière de santé mentale.
Le président : Je parlais des attitudes relatives à la stigmatisation. C'est seulement qu'ils ont montré que leur programme a influé sur les attitudes en matière de stigmatisation, de la même façon que les attitudes à l'égard du VIH ont changé dans notre pays au cours des dix dernières années, par exemple. La question de la consommation d'alcool, c'est autre chose. Je ne suis pas certain qu'ils consomment davantage d'alcool; ils consomment davantage de bière.
Mme Beckett : Il y a également la perspective d'un gain rapide et de l'évaluation des niveaux actuels. S'il y a des choses qui sont incontestablement vraies et dont la mise en œuvre aurait un impact immédiat sur la santé mentale des Canadiens, alors pourquoi ne pas s'attacher initialement à ces choses avant d'entreprendre des stratégies à long terme?
Le président : Certainement, la solution pour tout nouvel organisme consiste à réaliser rapidement quelques bons coups, ce qui lui permet de gagner du temps pour faire des choses à long terme. C'est courant.
J'aimerais revenir à la question soulevée par le sénateur Keon concernant l'adoption d'une approche axée sur la santé de la population visant spécifiquement la sous-population des enfants. Cela ne veut pas dire qu'on ne vise pas également leurs parents, mais quelqu'un a-t-il une idée de ce qu'il faut faire lorsque l'objectif est de réduire l'incidence de maladies mentales chez les enfants en leur donnant des outils qui aident à faire en sorte que le problème ne se manifeste pas de la façon dont il le ferait normalement?
En passant, nous avons reçu un document produit par une commission scolaire qui avait fourni à ses étudiants de l'information sur la réduction du stress, dans l'espoir que cela atténuerait certains problèmes. La moitié de la classe a entendu des exposés et bénéficié de conseils, et l'autre moitié n'a rien eu. Fait intéressant, non seulement les étudiants ont-ils appris beaucoup de choses au sujet des techniques de maîtrise du stress, mais tous les étudiants qui ont misé sur les techniques de maîtrise du stress ont vu leurs notes s'améliorer. Lorsqu'on a demandé aux étudiants pourquoi c'était le cas, un étudiant a dit qu'il appliquait les méthodes de maîtrise du stress lorsqu'il commençait à paniquer au sujet d'un examen. Les étudiants s'étaient pliés à cet exercice uniquement à des fins de santé mentale, pas pour améliorer leurs notes. Toutefois, croyez-le ou non, cela a fonctionné.
Qui a une idée de ce que nous pourrions faire en ce qui concerne l'adoption d'une approche axée sur la santé de la population visant les enfants d'âge scolaire, même si cela veut dire qu'il faut cibler également leurs parents?
Le sénateur Cordy : De bons programmes ont été mis au point. J'ai déjà enseigné à l'école primaire, et je sais qu'il y avait en Nouvelle-Écosse un programme merveilleux qui s'appelait Peaceful Schools. Des médiateurs étudiants parcouraient la cour d'école. Si un enfant avait un problème, ils pouvaient lui prêter main-forte. Ainsi, au lieu de toujours voir des enseignants jouer un rôle punitif, les enfants s'entraidaient. Le programme a commencé à la maternelle ou à l'école primaire et a fait son chemin dans les échelons supérieurs. Chaque année, on adoptait un thème particulier afin d'enseigner aux enfants la résolution de problèmes et ce genre de choses.
Le problème, à la lumière de mes 30 années d'expérience en enseignement, c'est qu'il semble y avoir un phénomène de mode dans les commissions scolaires. On affecte des enseignants et on achète du matériel pédagogique pour un programme donné. Tout le monde est très enthousiaste. L'année suivante, on adopte une nouvelle orientation, et si un membre du personnel scolaire s'intéresse au programme et est déterminé à le maintenir, alors c'est une assez bonne deuxième année, et la troisième est correcte. Vers la septième et la huitième année, il y a des membres du personnel de l'école qui n'ont jamais même entendu parler du programme.
J'ai parlé ce matin de ma préoccupation en ce qui concerne la longévité des programmes. Il existe de bons programmes, mais comment peut-on veiller à maintenir leur efficacité et leur notoriété? Je me souviens d'un programme fantastique sur les attouchements inappropriés. Les enfants en parlaient aux enseignants, et ces derniers se chargeaient de téléphoner aux autorités en matière de santé. Le programme fonctionnait bien, et nous nous réjouissions du fait que les enfants commençaient à s'exprimer. Nous pouvons obtenir un rendez-vous pour l'enfant dans six mois. S'il y a une chose pire qu'un enfant qui ne divulgue pas, c'est bien un enfant qui divulgue, mais qu'on n'aide pas.
Il suffit que tout le monde travaille ensemble. Les cloisons sont tombées, et cela fonctionne à Bluewater. Il suffit également d'assurer la longévité des initiatives et de déployer un effort soutenu pour qu'elles ne meurent pas à petit feu. Si vous lancez un programme de lutte contre la stigmatisation ou un programme visant à montrer aux enfants comment composer avec le stress ou des problèmes, ces programmes ne devraient pas disparaître lorsque les responsables ne sont plus là.
Mme Goering : Il existe de bonnes recherches sur la façon de faire de la prévention. Une partie des travaux sont ciblés, et une autre est plus étendue.
Charlotte Waddell a récemment publié dans la Revue canadienne de psychiatrie un résumé de la recherche dans le domaine. C'est peut-être le genre de stratégie d'action qu'on peut aborder de diverses façons. Une partie de l'intervention doit être destinée aux mères — les mères seules qui vivent de l'aide sociale et les mères qui sont déprimées. Il y a diverses façons de s'y prendre, mais nous devons nous fier aux résultats de recherche. De nombreuses interventions nous semblent bonnes, mais absolument rien ne prouve qu'elles donnent réellement les résultats escomptés. C'est ma seule préoccupation à l'égard d'une telle orientation.
M. Manion : Dans votre rapport, vous parlez du rôle crucial du système scolaire. Nous prêchons des convertis à cet égard.
Comme vous l'avez mentionné, il ne peut s'agir tout simplement d'un phénomène de mode. Il faut parfois apporter un changement de culture organisationnelle et enchâsser à titre d'exigence la meilleure pratique disponible, selon la recherche actuelle — de la même façon, qu'il faut peut-être imposer l'éducation physique jusqu'à un certain âge, dans le cadre du programme d'enseignement de base. De même, il devrait y avoir des exigences au chapitre de la santé mentale et de la promotion de la santé mentale.
Le programme peut changer parce qu'il est meilleur, mais l'exigence demeure. Il doit également transcender l'intervention gouvernementale. Si le gouvernement arrive et dit qu'une école ne peut s'attacher qu'à la lecture, à l'écriture et au calcul, on a un problème. Les premiers éléments à partir seront les programmes qui ont besoin de promotion.
Ces programmes doivent transcender le climat politique et être perçus quasiment comme une exigence en matière d'éducation. On ne peut apprendre si on souffre d'une maladie mentale. On ne peut apprendre convenablement si on a de la difficulté à se concentrer, si on est toujours angoissé ou déprimé ou qu'on ne peut arrêter de gesticuler. Par conséquent, si on perçoit cela comme un droit — pour être en mesure d'apprendre il faut être en bonne santé mentale et physique —, alors vous enchâssez cela dans la culture.
M. Block : Je vais vous parler de quelques programmes que nous tentons de lancer en Alberta. Nous espérons qu'ils connaîtront du succès.
L'un d'entre eux est le programme de premiers soins en matière de santé mentale, que nous mettons en œuvre dans 36 écoles de partout dans la province en vue de former au moins un membre du personnel de l'école afin qu'il soit en mesure de repérer les enfants souffrant peut-être d'une maladie mentale et d'obtenir de l'aide.
Une autre chose que nous avons récemment établie est la revue Grip, rédigée par des enfants pour des enfants. Par exemple, il y a eu une situation à Edmonton où un enfant plus âgé a sexuellement...
Le président : Qu'est-ce que la revue Grip? Est-ce le nom de la revue?
M. Block : Oui. Elle figure sur notre site Web, si vous voulez obtenir plus d'information : www.amhb.ab.ca.
Nous étions stupéfaits. Nous venions tout juste de le terminer en mai, et j'étais nerveux à l'idée de tenter l'expérience. Nous avons imprimé 60 000 exemplaires de la revue, et nous allons en imprimer un autre lot. La réaction est incroyable, et les enfants semblent interpelés par le contenu de la revue.
Nous tentons également de créer un site de clavardage pour les enfants sur Internet. Il semble que ce soit un endroit où ils s'expriment. Nous étions tellement dépassés par les événements que nous avons dû fermer le site initialement, car les enfants nous arrivaient avec des problèmes qui nous dépassaient totalement. Nous tentons de le relancer, mais nous avons fait appel à des psychologues et à d'autres professionnels, car c'est plus lourd que ce que nous avions imaginé.
Les jeunes Autochtones sont également une grande source de préoccupations. Nous savons tous que les statistiques sont horribles. Le travail du lieutenant gouverneur Bartleman dans le domaine de l'alphabétisation sortait des sentiers battus, et c'est également un aspect très important.
M. Upshall : Je crois que notre discussion est fantastique, mais je me demande bien comment on pourrait intégrer cela au centre d'échange des connaissances. Je perçois cela comme une activité très importante pour la commission et le commissaire dans le cadre de la stratégie d'action nationale sur la santé mentale. Le fait de tenter d'imposer cela à un centre d'échange des connaissances ne permettrait pas...
Le président : Convenez-vous du fait qu'il s'agit d'une activité cruciale?
M. Upshall : Certainement
Le président : Dans quelle catégorie s'inscrit-elle?
M. Upshall : C'est un travail de commissaire. Il s'agit d'une activité de très haut niveau qui exige un engagement énorme de la collectivité.
M. Reist : Pour donner suite à cela, je crois qu'il s'agit de déterminer ce que nous entendons par centre d'échange des connaissances. Le problème tient peut-être aux termes que nous utilisons.
Pour revenir aux problèmes en matière d'échange des connaissances que la commission devra régler pour aller de l'avant, je crois qu'il vient un moment où nous devons avoir accès à des recherches sur les pratiques efficaces. Il y a une profusion de recherches, mais il faut trouver les bonnes voies pour veiller à ce qu'elles se rendent au bon endroit.
Cependant, il y a un aspect à l'égard duquel nous ne prêtons pas beaucoup attention. On a beau avoir les meilleures recherches relatives aux pratiques efficaces, cela ne veut pas pour autant dire que les pratiques sont conformes aux politiques. Ainsi, la question suivante s'impose à l'esprit : comment une fonction d'échange des connaissances pourrait- elle aider la commission à acquérir des connaissances sur la façon de miser sur des preuves d'efficacité des pratiques pour justifier l'évolution des politiques?
Par exemple, on produit actuellement pour les écoles de la Colombie-Britannique une ressource pédagogique sur la consommation d'alcool et de drogues, mais le premier volet porte tout particulièrement sur la méthamphétamine en raison de l'attention que suscite cette drogue dans les médias et au sein du public.
Nous avons produit une ressource à la lumière de la recherche sur les pratiques exemplaires ou prometteuses en matière d'éducation sanitaire, mais nous devons maintenant déterminer comment amener les artisans des politiques à accepter le fardeau de convaincre les politiciens du fait que cette initiative est une pratique exemplaire pour réaliser l'objectif actuel, même si elle peut sembler contraire à l'intuition de certaines personnes.
C'est sur cet aspect que nous devons nous concentrer, et la commission devra constamment composer avec cela lorsqu'elle tentera de favoriser le changement à l'égard des perceptions publiques et de la volonté politique.
Le président : Le conseil d'administration de 19 membres ainsi que les quatre ou cinq cadres supérieurs de la commission n'ont pas leur place si, collectivement, ils ne possèdent pas beaucoup d'information sur la façon d'accomplir des choses. C'est quelque chose qu'on ne peut enseigner. C'est quelque chose qui exige beaucoup d'expérience.
Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est un problème. Cela me surprend lorsque vous dites que les gens ne veulent pas adopter des pratiques exemplaires éprouvées.
M. Smith : Monsieur le président, vous étiez absent quand j'ai soulevé l'exemple des pratiques exemplaires relatives aux troubles concomitants. À Bluewater, nous pensions pouvoir combler cette importante lacune d'information au moyen de pratiques exemplaires. La majorité des gens que nous formions possédaient l'information, mais passaient leur temps à parler de leur frustration quant à leur incapacité d'appliquer l'information aux pratiques exemplaires. Ils étaient confrontés à des obstacles liés aux attitudes et aux politiques. Le fait de rendre l'information plus accessible permet de régler le problème causé par le manque d'information. Mais dans la plupart des cas, il s'agit non pas d'un manque d'information, mais bien de quelque chose qui s'apparente à une perspective de gestion modifiée.
Le sénateur Cordy a donné un exemple concernant le système d'éducation. Tout comme dans le système de soins de santé, il y avait un phénomène de mode. Chaque année, on dispense une nouvelle formation relative à la nouvelle tendance. Comment pouvons-nous assurer le perfectionnement efficace et durable de la main-d'œuvre en éducation ainsi qu'au sein de la population des praticiens?
Le président : C'est un commentaire très déprimant. Tout le monde hochait de la tête quand vous l'avez dit.
Le sénateur Keon : C'est un bon argument et un argument inquiétant pour le domaine de la santé mentale, en particulier pour ce qui est de l'interaction entre les domaines de la santé mentale et de l'éducation, essentielle au progrès. Néanmoins, en ce qui concerne les pratiques exemplaires, cela dépend de la solidité des preuves. Si la recherche est vraiment solide, alors il n'est pas très difficile de mettre en œuvre des pratiques exemplaires. C'est lorsque la recherche est contestable, un peu nébuleuse ou en cours d'évolution que les choses se corsent. Cela nous ramène encore une fois à l'importance énorme du centre d'échange des connaissances en santé mentale. Malheureusement, la santé mentale devra d'abord apprendre à ramper avant de marcher. On ne connaîtra pas un succès monstre dès le premier jour ou la première année. Mais il faut bien commencer quelque part, et c'est pourquoi j'estime qu'il est important d'établir l'équilibre entre l'information qui entre dans le système et l'intervention du système.
M. Gold : Je sais que je parle pour deux personnes maintenant. Paul et moi-même avons eu le souffle coupé quand vous vous êtes dit étonné d'apprendre qu'il y avait des montagnes de preuves auxquelles on ne donnait pas suite. Il y a chaque jour des preuves irréfutables auxquelles on ne donne pas suite.
Le président : Je savais que le système n'allait pas bien, mais c'est pire que je le croyais. Je ne croyais pas que les choses pouvaient aller plus mal que ce que j'imaginais.
M. Gold : C'est toujours pire qu'on ne l'avait imaginé. Certains domaines sont mieux que d'autres. Manifestement, lorsqu'il y a des preuves irréfutables dans le milieu clinique, il est probablement plus facile d'influer sur la pratique. Dans le cas des services de santé, toutefois, ce n'est pas le cas. Nombre de ces décisions sont fortement influencées par des facteurs politiques et économiques. Elles supposent des compromis. La recherche n'est qu'un seul facteur. Il y a de nombreux autres facteurs qui entrent en jeu lorsqu'on prend ces décisions. C'est le combat que doit livrer mon organisme. Les deux documents les plus courus sur notre site Web s'appellent « Evidence Boost » et « Mythbusters »; c'est très révélateur.
« Mythbusters » est un document que nous élaborons en vue de nous attaquer à un mythe dans le système — nous analysons la recherche et nous détruisons le mythe. Des gens téléchargent ce document des dizaines de milliers de fois par mois. On l'a traduit en cinq ou six autres langues. Nous le voyons versé dans les comptes rendus de débats parlementaires de partout dans le monde. Nous le savons parce que nous recevons souvent des demandes d'utilisation de la part de diverses personnes. Des professeurs l'utilisent couramment dans le cadre de leurs cours.
« Evidence Boost » est un document plus déprimant. Nous décrivons des situations où une marche à suivre fondée sur des recherches claires n'est pas appliquée par les gouvernements ou les décideurs. Nous élaborons un document qui donne une gifle au système. Nous disons : « écoutez, tout le monde, il n'y a pas lieu d'y réfléchir. » Un récent exemple concerne le recours aux sages-femmes dans les régions rurales et éloignées. Il y a toute une foule d'exemples de ce genre.
Le problème tient rarement à un manque de preuve. Le problème, c'est de mettre la preuve dans un contexte où les décideurs sont disposés à l'appliquer pour une diversité de raisons.
Un rôle énorme pour le centre consiste à cerner les pratiques prometteuses partout au pays et à faire ce que personne d'autre ne fait, c'est-à-dire les mettre en commun. Personne n'est disposé à faire cela à l'heure actuelle. Nous reproduisons des interventions partout au pays dans un large éventail de domaines liés à la santé mentale. Nous parlons de mettre en commun seulement les méthodes qui sont éprouvées. À moins qu'il y ait un examen systématique, on n'est pas disposé à la mettre en commun. Nous avons des problèmes parce que nous parlons non pas de pratiques prometteuses, mais bien de pratiques exemplaires. Nous devons cerner des pratiques prometteuses et faire ce que personne d'autre ne fait. Nous devons contribuer à la mise en œuvre de ces pratiques et les évaluer. C'est ça que personne ne fait. Les organismes ne disposent pas des ressources nécessaires pour procéder à ces évaluations.
Imaginez une situation où le centre dit : « nous allons prendre cette pratique prometteuse, aider à la mettre en œuvre dans cinq ou six autres administrations, et déterminer si elle fonctionne. Vous serez ensuite responsable de faire de cette pratique prometteuse une pratique exemplaire. »
M. Manion : Nous allons devoir dire à M. Gold de cesser de dire que personne ne le fait, car certaines personnes font exactement cela.
M. Gold : À l'échelle nationale?
M. Manion : Non, pas à l'échelle nationale.
M. Gold : Cela se produit à l'échelle provinciale. Le problème, c'est qu'on ne le fait pas à l'échelle nationale. Pourquoi la Colombie-Britannique, par exemple, ne devrait-elle pas tirer avantage de vos travaux?
Le président : En passant, cela touche ma question sur Bluewater, exemple qui illustre bien un problème courant.
M. Upshall : Je rappelle à cette auguste assemblée qu'il n'y a pas trop longtemps il y avait beaucoup de recherches montrant que les services communautaires de santé mentale étaient la voie de l'avenir, et nous avons éliminé énormément de places dans les hôpitaux en disant : « c'est ce que nous allons faire. » La triste réalité, c'est que les fonds destinés à la protection des droits des usagers, une fois libérés des institutions, ont été récupérés et dilapidés par les institutions. Nous nous sommes donc retrouvés sans lits d'hôpitaux ni traitements communautaires, malgré les pratiques exemplaires et les pratiques prometteuses, sachant que les services communautaires de santé mentale étaient la voie de l'avenir.
Le problème, tel que je le perçois, concerne l'action revendicatrice et le refus de l'Association des hôpitaux de l'Ontario et des groupes nationaux de reconnaître qu'ils doivent renoncer à certains pouvoirs et en laisser une partie aux milieux des services de santé mentale et de la promotion de la santé mentale. Ils doivent faire cela.
À mon avis, la commission va nous sauver, si nous pouvons réussir à la mettre sur pied. Il y a des bureaucrates qui connaissent les pratiques prometteuses et exemplaires. Ils savent que ce qu'ils font n'a rien à voir avec ce qu'ils devraient faire. Ils ferment leurs bureaux à 16 h 30 et s'en vont dans leurs chalets à Muskoka, laissant des gens pâtir dans la rue sans soutien, sachant qu'ils pourraient faire quelque chose.
Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit au sujet de la disponibilité, sénateur. Toutefois, il y a bien peu de volonté au chapitre de la mobilisation. Franchement, ce que je crains le plus, c'est qu'on débloque des fonds pour la santé mentale, mais que les hôpitaux s'en emparent et disent : « laissez-nous bâtir un établissement », alors que nous n'en avons pas besoin. Nous savons très bien ce qu'il faut faire.
Le président : Les arguments qui ont été mis de l'avant par plusieurs d'entre vous au cours des dernières minutes expliquent la raison d'être de la commission de façon plus convaincante que je n'aurais jamais pu le faire. Bref, vous avez besoin d'un centre de coordination dynamique qui peut bousculer le système et être prêt à affronter des intervenants intransigeants et ce genre de chose. Par opposition à cela, le comité a toujours posé la question : « Comment peut-on éviter le retour dans l'ombre? » C'est la genèse de la pensée qui a mené à la création de la commission. Il s'agit surtout d'un facteur humain, et il est maintenant évident que les intervenants doivent être prêts à se montrer dynamiques, mais pas désagréables, afin de ne pas laisser les éléments plus intransigeants du système les bloquer, tout comme le comité n'a pas laissé ces éléments intransigeants l'arrêter de dire qu'il n'y a rien de mal à confier la prestation de services des fournisseurs privés et que nous devons modifier les règles applicables à l'envergure de la pratique, paroles qui ont valu au sénateur Keon le mépris de tous les organismes de médecins au pays.
Voilà ce que vous devez faire. Cela va finir par se faire, car, lorsqu'il a fini de vous attaquer, le gouvernement commence à dire que ce n'est peut-être pas une mauvaise idée. Quelqu'un doit se faire descendre avant, c'est tout. C'est comme ça que les choses se font.
Mme Pape : Je suis un peu confuse; laissez-moi revenir à notre discussion de ce matin. Ce que le président a déclaré me fait penser que nos discussions concernent non pas tant une stratégie de diffusion ou même une stratégie d'échange, mais bien, comme l'a dit le M. Manion, une stratégie de changement. Une partie de la stratégie de changement tient au fait que la commission jouira d'une certaine influence, et en partie également au fait que les gens qui recevront les connaissances auront un mot à dire, pourront exercer un certain pouvoir et un certain contrôle à l'égard de la nature même des connaissances, et seront en mesure de contribuer à la discussion. C'est aussi une façon pour les gens de changer leur comportement.
Je suis certaine que, dans votre exemple de campagne de lutte contre la stigmatisation, c'est de cela que vous parlez, le fait que nous n'allons pas simplement fournir de l'information, et qu'il y aura une stratégie.
Le président : Certainement.
Mme Pape : Nous savons que c'est la marche à suivre, et je sais que nous avons établi cela ce matin. Histoire de ramener cela au processus d'échange des connaissances, c'est peut-être notre façon de combler l'écart entre les connaissances et les pratiques.
Le président : Y a-t-il quelqu'un au pays qui applique avec succès une stratégie de changement? Y a-t-il quelqu'un qui applique une telle stratégie?
M. Smith : Nous faisons cela, et c'est le sujet même de notre exposé. Nous examinons toutes nos activités du point de vue du changement organisationnel, mais nous n'en sommes qu'à nos premiers balbutiements. Nous évaluons le Fonds pour l'adaptation des soins de santé primaire et nous tentons de changer les activités des omnipraticiens dans les domaines de la toxicomanie et de la santé mentale au Yukon et dans deux régions de la Colombie-Britannique.
Le président : Lesquelles?
M. Smith : Kelowna et la Côte Nord. Le principal problème dans ce cas-là, c'est que les études donnent des résultats très clairs au sujet du dépistage et de l'intervention en matière de toxicomanie et de tabagisme, mais les omnipraticiens ne changent pas leurs pratiques. Nous tentons de déterminer quels facteurs pourraient faciliter le changement. Nous en sommes à l'étape de la collecte de données et de la rédaction d'un rapport.
Encore une fois, il s'agit d'envisager cela du point de vue des grandes sociétés qui utilisent notre recherche relative à la gestion du changement. Lorsqu'elles veulent changer quelque chose, elles établissent une stratégie de changement complète. Il est simplement question d'examiner le geste et le but escompté et d'établir sa stratégie en conséquence. Cela n'a rien de nouveau. De nombreuses études sur l'application des connaissances et sur l'échange des connaissances appuient cette approche à l'égard du changement. Nous en sommes venus à cette conclusion au fil de nos tribulations, à force de ne pas obtenir l'information nécessaire. Cela tient en partie au fait qu'il est encore nécessaire de mettre en commun ces renseignements exacts; ce n'est tout simplement pas suffisant, alors nous cherchons à déterminer quelle est l'étape suivante.
Le président : Comme quelqu'un l'a déjà signalé, on a constamment utilisé le mot « action » aujourd'hui. L'action, de par sa nature même, suppose un changement. Ainsi, la question suivante s'impose à l'esprit : comment peut-on agir si on ne peut convaincre personne d'apporter le changement? Comme vous l'avez dit, même s'ils savent que c'est la bonne chose à faire, ils ne le feront peut-être pas.
M. Smith : Les stratégies pour faire bouger les choses sont différentes lorsqu'on s'intéresse à l'information publique et à l'information sur les familles d'usagers pour les praticiens. Une grande part de mon rôle consiste à changer les pratiques. Même lorsque nous avons des données probantes, pourquoi est-ce que la majorité des gens n'en tiennent pas compte? Même lorsque nous couchons des lignes directrices sur les pratiques exemplaires sur du papier lustré et nous tenons des conférences fantastiques, les évaluations montrent que rien ne change sur le terrain. Nous nous demandons : que feraient les grandes sociétés du Canada? Elles utiliseraient notre recherche et nos changements organisationnels pour établir une stratégie du changement complète destinée à atteindre un but, et elles travailleraient à rebours.
Nous dispensons en isolement beaucoup de formation sur les troubles concomitants. Combien de personnes n'ont pas bénéficié d'une formation sur les troubles concomitants? Tout le monde l'a suivie, mais les gens disent que cela n'influe pas sur leur pratique.
Parfois, il y a des obstacles au chapitre des politiques. Par exemple, nous avons appris que dans une région en particulier les médecins ne pouvaient facturer que quatre séances par patient à des fins de dépistage ou de repérage de toute chose liée à la toxicomanie et à la santé mentale. Dans ce cas-là, l'obstacle au changement tenait davantage aux politiques. L'intervention dans cette région serait très différente de celle où les praticiens seraient d'avis que ce n'est pas la place pour se pencher sur des enjeux liés à la toxicomanie et à la santé mentale; c'est une stratégie totalement différente.
Il faut repérer les obstacles au changement qu'on tente de surmonter, puis travailler à rebours. Il y a beaucoup de recherches solides sur la façon de surmonter chaque obstacle repéré.
Le président : La comparaison avec les sociétés a ses limites, car, au bout du compte, les chefs d'entreprise ont la capacité de forcer les choses. Comme je l'ai constaté, à mon grand regret, dans le système de soins de santé, tout comme dans le système universitaire, personne n'a la capacité d'imposer quoi que ce soit. Il faut recourir à la persuasion, car la force brute ne fonctionnera pas.
M. Smith : Nous utilisons le régime médico-légal, et vous déclarez dans votre rapport qu'il s'agit de l'un des meilleurs au Canada. C'est l'un des plus gros au Canada, mais il y a encore des écarts assez importants entre ce que nous savons que nous devrions faire et ce que nous faisons.
Les troubles concomitants, encore une fois, constituent un bon exemple. Nous exécutons une initiative relative aux troubles concomitants depuis deux ans. De nombreuses personnes ont bénéficié d'une formation, et nous sommes dotés d'un très beau plan. La première fois que j'ai examiné le plan, à mon arrivée en Colombie-Britannique, je croyais qu'il fallait le diffuser, car il était parfait. Toutefois, les gens revenaient de la formation frustrés parce que les politiques ne soutiennent pas l'évolution de la pratique. L'hôpital ou ses dirigeants ne sont peut-être pas ouverts à ce changement. Il règne peut-être une certaine confusion quant à ce qu'ils doivent faire différemment après la formation.
Nous avons établi une nouvelle stratégie, et c'est de cette stratégie que provient ce modèle conceptuel amélioré d'échange des connaissances. Il découle de l'expérience que nous avons vécue.
C'est un domaine où nous gérons ces lits et les six cliniques provinciales. Si nous allons tenter de faire cela à l'externe, nous devons d'abord montrer qu'il est possible d'établir une stratégie de changement complète qui soutient une telle démarche, et nous nous butons à des obstacles à chaque étape. Il s'agit parfois d'obstacles comportementaux, alors nous effectuons des interventions liées au comportement. Il s'agit parfois d'harmoniser la gestion, alors nous prenons les mesures qui s'imposent. Nous cherchons à déterminer s'il est possible de changer les pratiques si on prend des mesures à l'égard de tout problème.
Les travaux de Brian Golden relatifs à l'harmonisation stratégique montrent que l'absence de l'un de ces facteurs mènera à l'échec, pour diverses raisons. Si vous possédez toute l'information, mais n'avez pas de ressources, il y aura de la frustration. Si tout ce qu'il faut est en place, mais que vous n'avez aucune orientation stratégique, il régnera de la confusion. Nous connaissons les diverses façons d'échouer, mais si nous rassemblons tous les facteurs de réussite, peut- on changer les choses? C'est ce que nous tentons de déterminer.
Le président : Monsieur Coleridge, pourriez-vous commenter cela, du point de vue de la santé de la population?
M. Coleridge : C'est très comparable à ce que dit M. Smith. Nous tentons de changer les attitudes et les comportements du public à l'égard des jeunes, des aînés et d'une diversité de populations dans les collectivités multiculturelles. Il faut créer un environnement propice à l'évolution des attitudes et des comportements. On ne peut se contenter d'éduquer les gens et de leur fournir de l'information et s'attendre à ce que cela change les choses.
Dans les écoles, par exemple, on tente de cerner les politiques d'une école qui sont susceptibles d'inhiber ou de favoriser le changement d'un comportement lié à l'alimentation, au tabagisme ou à autre chose. Il faut examiner ce genre d'obstacles et de facteurs d'aide et articuler une stratégie complète autour de ces éléments, ce qui suppose habituellement des activités d'éducation et d'information, des changements à l'égard des politiques et d'autres types d'activités, comme l'établissement de groupes de pairs chez les étudiants et la formation destinée aux instructeurs.
Il y a une diversité de choses, mais pour déterminer quelles activités et tactiques et quels outils privilégier, il faut d'abord comprendre le contexte dans lequel ces jeunes gens évoluent, vivent et jouent. C'est très comparable, ce n'est que le contexte qui change.
Mme Pape : Je pense à des groupes de personnes qui veulent changer et qui ne savent pas comment procéder.
Cela me ramène à l'idée de Mme Goering concernant une place, dans le cadre d'un processus d'échange des connaissances, où les gens peuvent dire : « Voici ce que nous voulons faire. » J'imagine un processus dynamique dans le cadre duquel on les mène à un certain point, mais ce n'est pas tout à fait cela, ils veulent faire quelque chose qui ressemble à cela. Cela peut être très complexe, et les gens peuvent apprendre et s'épanouir, et les gens, des groupes de gens, ont amorcé le processus d'eux-mêmes. Y a-t-il une place pour cela aussi?
M. Smith : J'aimerais ajouter quelque chose à cela, si vous le permettez. Nous constatons qu'il y a toute une foule de catégories. Pour certaines personnes, le simple fait d'avoir de l'information suffisait, car elles étaient prêtes. C'était comparable à ce que nous avons appris dans le cadre de nos travaux sur la toxicomanie. Il y a divers stades de changement. Certaines personnes ont seulement besoin d'obtenir de nouveaux renseignements et de comprendre en quoi leur comportement se compare à la norme, et cela leur suffit. D'autres ont besoin d'un soutien beaucoup plus marqué tout au long du processus. Cela ressemble beaucoup aux démarches visant à changer les pratiques en matière d'échange des connaissances des cliniciens et des praticiens. On constate que les besoins varient d'une personne et d'un groupe à un autre, selon le modèle de changement mis de l'avant par Bridges. Si vous pouvez compter sur des personnes ouvertes aux changements, vous devez les utiliser comme porte-parole.
Il s'agit d'envisager l'échange des connaissances du point de vue de la gestion du changement. C'est fantastique, car il y a beaucoup de documentation qui explique comment faire cela de façon systématique.
M. Coleridge : Je viens de penser à d'autres points concernant la santé de la population. On peut tirer des leçons ou des pratiques prometteuses d'autres domaines liés à la santé, comme la prévention des maladies cardiovasculaires et même la lutte contre le tabagisme et un certain nombre d'autres domaines, où l'adoption de politiques, la mobilisation et la création d'environnements propices aux changements des attitudes et des comportements ont eu un impact sur la santé de la population.
La lutte contre le tabagisme est un exemple patent de l'avancement de la recherche liée aux pratiques exemplaires. Nous savons que le tabagisme tue, et pourtant nous continuons de vivre et de travailler dans un environnement où il y a des problèmes avec cela. L'établissement de nouvelles politiques et de programmes éducatifs a eu un impact énorme, certes, mais c'est un très bon exemple de situations où la recherche est claire et continue d'évoluer. Le principal levier du changement à l'égard du tabagisme concerne non pas les messages d'éducation et d'information, mais bien les politiques.
Mme Goering : Je ne veux pas que vous soyez trop déprimé.
Le président : Je suppose qu'on n'est pas censé être déprimé dans le cadre d'une conférence sur la santé mentale.
Mme Goering : Il y a effectivement de nombreux exemples de gens qui mettent en œuvre et changent des choses et misent sur des pratiques exemplaires. Nous avons tendance à nous attacher davantage aux échecs. Mais il y a des réussites. Nous avons appris beaucoup de choses sur la façon d'y parvenir.
Aux États-Unis, la SAMHSA est dotée d'un programme complet sur la façon de mettre en œuvre les pratiques exemplaires pour les personnes aux prises avec une maladie mentale grave. Les responsables ont fait beaucoup de recherche, et ils sont dotés d'un programme permettant de mettre au point les outils dont ont besoin les gens qui veulent changer les choses. Ils ont des trousses d'outils. Les trousses d'outils s'articulent autour des questions suivantes : de quoi les artisans des politiques ont-ils besoin? Que peuvent faire les consommateurs? Qu'est-ce que le fournisseur doit savoir et faire? Elles contiennent du matériel d'information, des résumés de recherche; elles contiennent des choses qui pourraient vraiment aider les gens à apporter des changements.
Ainsi, la fonction de la commission au chapitre de l'échange des connaissances pourrait consister à mettre au point des outils afin que les gens qui veulent apporter des changements dans un domaine donné puissent s'adresser à la commission, obtenir les outils dont ils ont besoin et les utiliser. On pourrait aller au-delà des trousses d'outils.
Il y a également ce concept de service rapide grâce auquel des gens à la recherche d'information peuvent téléphoner et parler à des gens qui leur disent, par exemple : « Si cela vous intéresse, vous devriez peut-être jeter un coup d'œil à ce programme du Nouveau-Brunswick. Vous voudrez peut-être regarder ceci ou faire cela. » Les préposés façonnent une solution et répondent rapidement aux gens.
Je ne crois pas que nous manquions de mécanismes. Je crois toujours que la démarche sera difficile si nous ne décidons pas de nous attacher à tel domaine ou à tel contenu, car elle pourrait toucher à n'importe quoi et à tout. Nous savons beaucoup de choses sur la façon d'assurer l'efficacité des fonctions.
Le président : L'idée qu'une personne puisse téléphoner me plait beaucoup. Cela correspond à mon exemple sur Bluewater, où une personne peut téléphoner et dire : « Savez-vous si on fait de bonnes chose dans les écoles ailleurs au pays? » C'est une fonction utile.
Toutefois, il semble que vous ayez d'abord laissé entendre que vous imaginez la commission concevoir des outils au lieu de se contenter de diffuser de l'information sur les outils existants.
Mme Goering : Oui.
Le président : Je voulais que ce soit clair. Je n'avais pas songé à cette fonction jusqu'à maintenant.
Le Dr Lesage : Sur une note plus optimiste, nous avons appris que le changement prend du temps. Nous devons adopter une perspective à long terme. Reprenons l'exemple du tabagisme. Il y a 40 ans, 50 p. 100 de la population fumaient; aujourd'hui, la proportion de la population qui fume est de 20 p. 100. Cela prend du temps. On pourrait dire qu'il y a beaucoup de preuves à tous les niveaux. Nous l'avons répété encore et encore, mais cela ne finit jamais. C'est mon premier point.
Mon deuxième point, c'est qu'il incombera à la commission — et à tout effort lié au transfert des connaissances — de veiller à ce que le changement ait lieu plus rapidement qu'à l'heure actuelle, mais cela se produit dans le domaine de la santé mentale.
Vous vous souviendrez peut-être du fait qu'il y a 40 ou 50 ans nous avions un système de soins pour les personnes atteintes de maladie mentale où le point de responsabilité fixe était l'hôpital psychiatrique. Nous sommes passés à un système où le point de responsabilité fixe est une forme de soins psychiatriques communautaires. On traite plus de gens au sein de la collectivité que dans l'hôpital.
Nous parlons maintenant de faire des soins primaires le point de responsabilité fixe. C'est un gros défi. De nombreuses personnes craignent que des gens tombent entre les mailles du filet. Cela va probablement arriver si on n'affecte pas suffisamment de ressources.
Parallèlement, il y a une situation où les choses fonctionnent bien. Autrement dit, il y a des gens qui dispensent des services spécialisés, par exemple, et qui font un travail merveilleux. Il y a des programmes modèles destinés aux jeunes qui souffrent d'un premier épisode de schizophrénie, par exemple. Si mon fils souffrait d'un premier épisode de schizophrénie, j'aimerais qu'il ait accès à ce programme, mais je sais qu'il n'est pas offert partout. Mes collègues qui dirigent ces programmes me confirment que c'est vrai. J'aimerais que ce programme soit offert partout au pays. Toutefois, nous sommes également dans une situation où nous parlons d'enlever des ressources à ces programmes pour les réaffecter à d'autres besoins importants, comme le soutien pour la garde d'enfants, et cetera. Ils se demandent ce qu'il adviendra de ces programmes, de ces choses qui fonctionnent bien.
Le président : C'est un gros problème.
Le sénateur Keon : J'aimerais dire quelque chose maintenant. Si notre rapport a un impact et que nous pouvons mettre au point un système de soins de santé mentale au Canada, ce problème sera réglé.
Quand j'ai commencé dans le domaine des soins cardiaques il y a 30 ans, nous faisions à l'Institut de cardiologie d'Ottawa un certain nombre de choses qu'on ne faisait pas ailleurs au Canada — 10 ou 12 procédures. Les gens devraient venir de la Colombie-Britannique, de Terre-Neuve ou d'ailleurs. Je peux vous dire aujourd'hui que toutes les procédures sont effectuées à l'échelle du pays.
De même, avec l'intégration des services, tout le monde savait où ces services quaternaires étaient offerts. Il y avait un accès national, et l'intervention du gouvernement fédéral était très modeste. D'ailleurs, il emploie deux personnes. Ces deux personnes assurent le transfert interprovincial de fonds afin que personne ne soit privé de traitements quaternaires dans cette discipline.
Si vous avez un centre d'expert pour la prise en charge de la schizophrénie à un endroit donné, il faudra peut-être l'agrandir ou le reproduire ailleurs, ou autre chose, mais avec une intégration appropriée de l'information par l'entremise de l'entité dont nous parlons, cela devrait être mis à la disposition de tout le monde au pays.
Mme Pape : J'aimerais ajouter un exemple particulier à ceux qu'a présentés Mme Goering, la trousse d'outils et le service téléphonique.
Mme Goering : J'ai parlé d'un service téléphonique rapide.
Mme Pape : L'Institut Hincks-Dellcrest prend part à un projet — auquel je suis maintenant liée — qui vise à offrir sur le Web une ressource permettant aux enseignants de l'école primaire d'identifier un comportement qu'ils voient en classe et qui les trouble. Il peut s'agir d'un enfant qui semble isolé ou qui pleure tout le temps. L'institut affichera sur le site Web des renseignements fournis par des experts afin que les gens qui fournissent une brève description du comportement puissent avoir accès à des sites susceptibles de fournir des réponses. L'accès est conçu de façon à ce qu'on pose les questions nécessaires pour guider une personne tout au long du processus visant à trouver des réponses. Ces réponses ne seront peut-être pas spécifiques, mais elles peuvent aider à orienter vers des mesures appropriées. C'est une autre façon d'utiliser le Web pour combler le besoin.
Je ne dis pas que nous devrions faire cela pour le centre d'échange des connaissances, mais un site Web peut répondre aux questions générées par les particuliers ou les groupes.
M. Block : Lorsque nous parlons de changer les comportements, les leaders d'opinion d'un domaine donné peuvent exercer une grande influence. Je peux regarder autour de cette table et je vois des gens comme Mme Goering qui exerceraient une grande influence sur leurs pairs partout au pays. Si nous pouvions établir des chaires de recherche dans ce domaine de l'échange de connaissances et ensuite harmoniser de façon très serrée le programme avec ce centre d'échange des connaissances, nous pourrions aller loin pour ce qui est d'influencer les gens et de les inciter à changer leurs pratiques.
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires?
Le Dr Lesage : Je vais répondre au commentaire du sénateur Keon selon lequel l'orientation géographique de la commission serait peut-être à la fois aux échelons fédéral et provincial, et qu'il faut pressentir tous les intervenants à ces échelons. Cela comprendrait les décideurs, les organismes nationaux ou provinciaux regroupant des organismes de service communautaires et bénévoles. Je suggère que cela comprenne également les médias, les chaires de recherche et les organismes provinciaux et universitaires de subventions à la recherche. Cela demeurerait à l'échelon provincial et ne toucherait pas nécessairement l'échelon régional, car il y aurait tellement de gens, même si vous avez parlé des médias, qui s'adressent à tous les Canadiens. Une telle démarche serait exécutée plus efficacement par des groupes de Canadiens que par des particuliers. D'autres échelons pourraient jouer ce rôle.
Le président : Il n'a jamais été question de faire de la commission un organisme fédéral. De fait, on l'a délibérément structuré de façon à ce qu'il ne soit soumis au contrôle d'aucun groupe d'intérêt particulier, y compris le gouvernement. La mesure dans laquelle l'échelon communautaire local sera sollicité tiendra en partie aux origines de la demande. Je n'éliminerai pas cette possibilité. Ce n'est pas une question de compétence. Il est intéressant de constater que tous les gouvernements au pays, quelles que soient leurs allégeances politiques n'ont pas perçu cette démarche comme une question fédérale-provinciale ou comme une question de compétence. Cela tient tout simplement au fait qu'ils reconnaissent, dans un premier temps, qu'ils ont un problème et, dans un deuxième temps, qu'ils seraient disposés à dire qu'ils n'auraient pas dû laisser les choses s'aggraver à ce point. Je suis heureux de prier pour cela.
Y a-t-il d'autres enjeux à débattre aujourd'hui?
M. Manion : Quel que soit l'échelon où on finit par établir la commission, la question de l'affectation de ressources convenables pour l'activité et du maintien des ressources pour l'activité est cruciale. Lorsque la commission sera établie — car je crois, monsieur le président, que vous ne laisserez pas les choses se faire autrement —, il faut que cet aspect soit enchâssé d'emblée dans le budget de base de la commission.
Le président : Je suis d'accord.
M. Manion : Il y a à notre table beaucoup de gens sages qui ont fait des choses qui ont fonctionné et qui n'ont pas fonctionné et qui ont une bonne idée des coûts réels que cela va occasionner.
Le président : Je suis d'accord. Y a-t-il des commentaires?
M. Upshall : Je reviens toujours à la même chose : rien de tout cela ne sera utile si nous ne mettons pas la commission sur pied. Y a-t-il une utilité quelconque à discuter modestement de ce que nous pouvons faire pour qu'elle aille de l'avant? Le processus est-il amorcé de façon à ce que nous puissions anticiper le lancement des activités de la commission d'ici la fin de l'année, avec un financement approprié?
Le président : Tout ce que je peux dire — bien que le sénateur Keon ait peut-être un point de vue différent —, c'est que nous appliquons la pression aux seuls endroits où ça compte. Jusqu'à maintenant, je n'ai trouvé personne qui s'oppose à cette initiative. Je peux trouver des gens qui sont en faveur de cette initiative, à l'échelon tant administratif que ministériel. Ce genre de processus doit se poursuivre en octobre et en novembre. Mon instinct me dit que si quelqu'un voulait faire opposition à notre démarche, l'un de nous deux l'aurait senti. Est-il raisonnable d'affirmer cela?
Le sénateur Keon : Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un engagement gouvernemental. Le premier ministre et le ministre de la Santé ont pris un engagement à l'égard de cette démarche, mais il y a beaucoup d'argent en jeu. Le sénateur Kirby peut vous le dire mieux que moi, car il a été dans les tranchées pendant un certain nombre d'années, alors il faudra faire un effort pour expliquer le bien-fondé de l'initiative aux Finances. Mais, en principe, je ne crois pas qu'il y ait de doute à ce sujet.
Le président : Nous avons recruté les gens qu'il fallait, et je crois qu'il faut s'en remettre au processus; toutefois, nous continuerons d'exercer des pressions jusqu'à ce qu'une décision officielle soit prise.
M. Upshall : Je suis de près la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, dont la facture totale est de 276 millions de dollars, et, comme vous le savez, le chèque est presque signé. On m'a donné à croire que la stratégie ira de l'avant lorsqu'elle sera bien établie et que le mécanisme aura été déterminé. L'étape suivante consistera à concevoir la commission à la lumière du mécanisme adopté dans le cadre de la stratégie de lutte contre le cancer.
Le président : J'ignore quel mécanisme on a adopté dans le cadre de la stratégie de lutte contre le cancer.
M. Upshall : Il s'agit essentiellement d'un organe similaire à la commission de la santé mentale qui serait de plus grande envergure et qui disposerait de beaucoup plus d'argent. Il s'agit d'un organisme autonome géré par le milieu de la lutte contre le cancer. Cette somme de 276 millions de dollars est bien supérieure aux 50 millions de dollars dont nous avons besoin pour faire démarrer les choses.
L'autre commentaire que je formule souvent est le suivant : commençons par lancer les activités de la commission et par mettre de côté des fonds pour la recherche, soit 50 millions de dollars par année, et ensuite nous pourrons lancer un débat sur l'éventail de services.
Le président : Pendant la transition, oui.
Le sénateur Keon : Encore une fois, je ne crois pas que ce soit un secret. La commission a besoin de 75 millions de dollars. Si quelqu'un avait 25 millions de dollars qui dorment au fond d'un tiroir, la commission serait déjà en place.
Le président : Y a-t-il d'autres questions?
Mme Kidder : J'aurais aimé en entendre davantage au sujet de la campagne de lutte contre la stigmatisation. Le président a mentionné, au début de la séance, qu'il parlerait de la campagne de lutte contre la stigmatisation et de la campagne fondée sur les connaissances.
Le président : Non, ce que j'ai dit était légèrement différent. Le comité voulait tenir une table ronde et préparer un bon document d'information. Ensuite, nous organiserions un événement similaire axé sur la compréhension et l'élaboration d'un document d'information sur la campagne de lutte contre la stigmatisation. M. Upshall tiendra une conférence au cours de la première semaine d'octobre. Cette conférence mènera à l'élaboration d'un document similaire pour la campagne de lutte contre la stigmatisation. Cela s'inscrit dans la semaine de la santé mentale, au cours de laquelle se tiendra, entre autres, le dîner des champions de la santé mentale que ces organismes tiennent chaque année.
M. Upshall : Nous allons également procéder au lancement du nouveau rapport sur le visage de la santé mentale au Canada.
Le président : Il se passe beaucoup de choses pendant la semaine de la santé mentale. Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?
Mme Goering : Nous avons beaucoup parlé de l'importance de dresser un inventaire ou d'effectuer une analyse des écarts lorsqu'on aura établi l'orientation de la commission. Les personnes ici présentes savent probablement où se trouvent les ressources et les sites Web clés qu'on devrait d'abord consulter. Il serait peut-être utile que chaque personne vous soumette une liste des cinq premières ressources qui leur viennent à l'idée.
Le président : C'est tout à fait à propos, car j'allais justement dire, en terminant, que, lorsque vous monterez à bord d'un avion pour aller à divers endroits, vous penserez soudainement à des choses que vous auriez aimé soulever ou que vous auriez voulu décrire de façon plus détaillée, alors je vous invite à nous faire parvenir toute cette information.
Concernant ce point en particulier, nombre d'entre vous avez mentionné un grand nombre de sites Web et d'éléments d'information. Si vous êtes en mesure de nous orienter vers ces choses, je vous invite à le faire également. Cela nous serait très utile, et nous n'aurons donc pas à les chercher nous-mêmes. Puisque vous avez déjà effectué les recherches, il n'y a pas lieu pour nous de consacrer du temps et de l'effort à le faire de nouveau.
Au nom de mes collègues, permettez-moi de vous remercier d'être ici. Je sais que certains d'entre vous viennent de loin. La séance d'aujourd'hui s'est révélée très utile, car si le projet de commission se concrétise, nous serons en mesure de leur donner un meilleur plan d'action, y compris une meilleure idée des écueils à éviter et des gens avec lesquels il faudrait communiquer.
La seule erreur que vous avez commise en venant aujourd'hui, c'est que nous avons tendance à demander constamment de l'aide gratuite à des gens que nous estimons intelligents et avisés. N'allez pas croire qu'il s'agit de votre seule et dernière contribution, car il y a fort à parier que nous communiquerons avec vous de nouveau.
La séance est levée.