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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 7 - Témoignages du 26 octobre 2006


OTTAWA, le jeudi 26 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, à qui a été renvoyé le projet de loi C-5, Loi concernant l'Agence de santé publique du Canada et modifiant certaines lois, se réunit aujourd'hui à 10 h 48 pour en étudier la teneur.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons ce matin nos audiences portant sur le projet de loi C-5, Loi concernant l'Agence de santé publique du Canada et modifiant certaines lois.

Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, je tiens à faire remarquer que notre collègue le sénateur Watt, qui connaît bien le Nord, est ici aujourd'hui. Je veux aussi souligner la présence de deux députés qui connaissent bien les questions que nous allons aborder aujourd'hui et les témoins que nous allons entendre. Nancy Karetak-Lindell, députée du Nunavut, et Tina Keeper, députée de Churchill, sont ici aujourd'hui.

La Dre Kim Barker, conseillère en santé publique de l'Assemblée des Premières nations, est avec nous aujourd'hui. La Dre Barker a été médecin en chef à la division de la santé publique du ministère de la Santé de l'Ontario et s'occupait des soins à long terme. Auparavant, elle a été conseillère médicale auprès de l'UNICEF en Afrique orientale pendant six ans. Le travail qu'elle effectue auprès de l'Assemblée des Premières nations consiste à élaborer un cadre pour la santé publique des Premières nations, axé sur les questions de surveillance épidémiologique.

Mme Valerie Gideon, qui est membre de la Nation micmaque, accompagne la Dre Barker. Mme Gideon est directrice principale de la santé et des services sociaux à l'Assemblée des Premières nations à Ottawa. Elle occupait auparavant le poste de directrice du Centre des Premières nations de l'Organisation nationale de la santé autochtone. En 2004, elle a été nommée présidente du Comité d'évaluation par les pairs de la recherche en santé des peuples autochtones des Instituts de recherche en santé du Canada. Elle a obtenu une maîtrise ès arts puis, en 2000, un doctorat de l'Université McGill. Elle est l'un des membres fondateurs de la Société canadienne de télésanté.

Mary Simon est ici pour représenter Inuit Tapiriit Kanatami, organisation dont elle est la présidente. Bon nombre d'entre nous la connaissent déjà. Mme Simon s'est taillé une excellente réputation par son activité au sein de la vie publique. Elle a toujours travaillé à faire reconnaître les droits des Autochtones et à promouvoir l'étude des affaires du Nord.

Mme Simon a commencé sa carrière comme productrice et animatrice au service du Nord de la SRC. Elle a ensuite occupé de nombreuses fonctions, et on l'a peut-être surtout remarquée en tant que première ambassadrice aux Affaires circumpolaires, entre 1994 et 2003. Elle a aussi été ambassadrice du Canada au Danemark. Je me souviens de l'avoir rencontrée dans ce pays. Mme Simon a aussi été membre du Comité consultatif public mixte de la Commission de coopération environnementale de l'ALENA. Elle a été chancelière de l'Université Trent. En 2001, elle a été nommée conseillère membre de l'International Council for Conflict Resolution du Carter Center. Elle a beaucoup d'expérience et elle a apporté une contribution importante, à l'échelle tant nationale qu'internationale.

Mme Simon a aussi été l'un des négociateurs principaux pour les Inuits à l'occasion du rapatriement de la Constitution canadienne. Elle a reçu de nombreuses distinctions, notamment l'Ordre du Canada, l'Ordre national du Québec et des témoignages de reconnaissance de la part du Groenland et d'autres organisations.

Nous sommes très heureux d'accueillir Mary Simon aujourd'hui.

Mary Simon, présidente, Inuit Tapiriit Kanatami : Bonjour. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour témoigner devant le comité. Je veux vous remercier, monsieur le président, de m'avoir offert l'occasion de le faire.

Comme bon nombre d'entre vous le savent probablement déjà, ITK est l'organisation porte-parole des Inuits du Canada à l'échelle nationale et elle représente environ 55 000 Inuits vivant dans diverses régions du Nunaat inuit, comme nous appelons les différentes régions de l'Arctique, expression qui signifie la terre des Inuits. Il y a 53 collectivités inuites dans l'Arctique canadien, région que nous appelons couramment, comme je l'ai dit, Nunaat inuit.

Cinquante et une de ces 53 collectivités sont situées sur le littoral de l'Arctique. Le Nunaat inuit compte quatre régions, représentées par les quatre organisations inuites de revendications territoriales. Ces organisations sont la Inuvialuit Regional Corporation de Nunarput, dans les Territoires du Nord-Ouest, Nunavut Tunngavik Incorporated au Nunavut, la Société Makivik au Nunavik, dans le Nord du Québec, ainsi que le gouvernement du Nunatsiavut, le gouvernement nouvellement formé à Terre-Neuve-et-Labrador. ITK collabore étroitement avec ces organisations membres et avec d'autres pour assurer la protection des droits et des intérêts des Inuits et garantir qu'on tient compte de la place importante qu'occupent les Inuits au sein de la collectivité canadienne dans le cadre des processus qui ont des répercussions sur les peuples que nous représentons ensemble.

ITK aborde depuis longtemps des questions de compétence fédérale d'un point de vue apolitique. ITK favorise la collaboration et cherche à élaborer des solutions qui sont propres aux Inuits, et qui peuvent donc s'adapter au mieux à notre situation et à nos besoins particuliers. Pour nous, l'audience d'aujourd'hui s'inscrit dans cette démarche.

En ce qui concerne la mise au point de solutions propres aux Inuits, ITK prône l'inclusion de références et de mécanismes appropriés pour les Inuits dans les lois, règlements, politiques et programmes fédéraux traitant de questions nationales, notamment de la santé.

Les Inuits sont servis par un réseau national de santé incomplet, qui présente un certain nombre de lacunes et de faiblesses posant un réel défi. Le vérificateur général du Canada, par exemple, a signalé à maintes occasions depuis 1993 les problèmes et les risques résultant de l'absence de fondements législatifs pour les services de santé non assurés administrés au bénéfice des Inuits et d'autres peuples autochtones.

En ce qui a trait, particulièrement, à la responsabilité financière et à une base claire et cohérente régissant la fourniture de l'éventail de services nécessaires pour les Inuits, les SSNA manquent de précision quant à leurs buts, aux résultats attendus et aux effets anticipés. En fait, la même observation s'applique à l'ensemble des programmes de santé offerts aux Inuits par Santé Canada. À mon avis, tant le ministère que les Inuits tireraient avantage d'un fondement législatif solide définissant la nature et la portée des programmes fournis aux Inuits.

Les Inuits s'intéressent de près à la santé publique, que ce soit à l'échelle nationale, régionale ou communautaire. Nous souscrivons entièrement à l'idée d'appuyer et de mettre en valeur la dimension « santé publique » des soins de santé globaux. La santé publique est une composante du système de soins de santé qui vise la prévention et la promotion. Prévenir les maladies et promouvoir la santé de la population, plutôt que de concentrer tous les efforts sur les traitements est un investissement immédiat nécessaire en santé.

En outre, la santé publique tient compte de la santé des populations et des déterminants de la santé, des facteurs qui ont des répercussions très importantes sur la santé d'une population, notamment l'emploi, le logement, l'éducation et le bien-être mental. Cette approche correspond largement à l'opinion que se font les Inuits de la santé, puisqu'elle est de nature holistique.

Étant donné la diversité et la portée des questions de santé publique touchant les Inuits, on peut affirmer que leurs besoins en matière de santé publique sont distincts et, par conséquent, uniques par comparaison à ceux de l'ensemble de la population canadienne. Qui plus est, les Inuits sont beaucoup plus directement touchés par les conséquences positives et les effets négatifs qui peuvent découler des décisions prises dans le domaine de la santé publique à l'égard des lois, des politiques et de l'allocation des ressources.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples de la manière dont les problèmes sous-jacents à la santé publique affectent nos collectivités dans tout le Nunaat inuit. L'incidence de la méningite chez les peuples autochtones et les Inuits des Territoires du Nord-Ouest est de 7 p. 100 pour les huit premières années de la vie; elle est donc 200 fois supérieure environ à l'incidence chez la population canadienne en général. Le territoire du Nunavut a enregistré en 2005 un premier décès attribuable au HTLV-1, le virus T-lymphotrope humain. Il s'agit d'une maladie transmissible sexuellement. C'est un dossier fort inquiétant car le taux d'infection, relativement aux maladies transmissibles sexuellement, est généralement plus élevé au Nunavut qu'au sein de la population canadienne en général. Ainsi, le taux de chlamydia au Nunavut est de 2 500 cas pour 100 000 habitants, ce qui est 13 fois plus élevé que la moyenne canadienne de 188 cas pour 100 000 habitants.

La tuberculose demeure une source de préoccupation pour tous les Inuits, malgré les progrès réalisés sur le plan de l'immunisation. Récemment, une de nos collectivités était aux prises avec une résurgence marquée de cette maladie qu'il est possible de prévenir, et les travailleurs de la santé publique ont dû relever des défis importants en raison du manque de communication au sein du système. Le système a réagi, mais nous devons tirer les leçons de cette expérience pour les appliquer aux réactions futures.

À l'heure actuelle, le taux de tuberculose chez les Inuits est de 71 cas pour 100 000 habitants; il est donc 14 fois plus élevé que la moyenne canadienne de cinq cas pour 100 000 habitants.

Ce ne sont là que quelques exemples représentatifs. Je résumerai en disant qu'aucun observateur de la santé bien renseigné ne contesterait le fait que les Inuits du Canada font face à des problèmes d'une diversité et d'une complexité qui dépassent ce à quoi font face presque tous les autres Canadiens au chapitre de la santé.

Un certain nombre de facteurs contribuent à la sensibilité particulière des Inuits aux problèmes de santé publique, ainsi qu'au fait qu'ils y sont davantage exposés. Il s'agit notamment des facteurs et des pressions démographiques : une population jeune, un état de santé amoindri, un degré de scolarité faible, une prévalence élevée de la pauvreté ainsi que des questions de compétence, de coordination et de communication. Les Inuits vivent dans plusieurs provinces et territoires, et ils sont assujettis à différentes ententes de règlement des revendications territoriales; les services de santé leur sont fournis à l'échelle communautaire, régionale et fédérale. Dans ce contexte, il est difficile de fournir sur le terrain des services de santé complets et uniformes.

De même, en ce qui concerne les ressources humaines, il y a pénurie de personnel formé au travail dans le système des soins de santé. Le taux de roulement du personnel est élevé, ce qui engendre des difficultés au chapitre du recrutement et du déplacement des employés, et il y a des obstacles linguistiques et culturels découlant de la pénurie de personnel inuit suffisamment formé, ainsi que des facteurs que sont l'isolement et les coûts élevés.

Le Nunaat inuit est vaste. Nos collectivités sont éloignées et, dans bien des cas, servies par de petits dispensaires. Les soins et les traitements spécialisés ne sont offerts que dans les grands centres, ce qui, du fait de l'éloignement, entraîne des dépenses très élevées. Les coûts liés aux infrastructures, tant en capital qu'en entretien, sont extrêmement élevés.

Ces facteurs font qu'il n'y a presque pas de marge de manœuvre dans le secteur de la santé publique au Nunaat inuit. S'ils devaient faire face à une crise, par exemple à une pandémie, les Inuits seraient probablement aux prises avec un défi beaucoup plus important que ce qu'on a connu dans le Sud du Canada.

Le projet de loi offre aux parlementaires une rare occasion de préciser la loi fédérale en matière de santé publique. C'est une occasion importante de reconnaître la situation, les besoins et les points de vue des Inuits. Les Inuits sont en faveur des objectifs et du contenu du projet de loi et félicitent ceux qui ont contribué à son élaboration. Nous croyons que la démarche logique et les motifs qui ont présidé à l'élaboration du projet de loi C-5 pour l'ensemble du Canada pourraient être utilement et efficacement reproduits à une échelle plus petite, mais efficiente et efficace, pour permettre au gouvernement fédéral de prendre ses responsabilités en matière de santé publique des Inuits.

Vous savez sans doute que Santé Canada a reçu le mandat principal de fournir des services de santé aux Inuits au pallier fédéral par l'intermédiaire de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Il existe d'autres organisations de santé visant l'ensemble des Autochtones comme l'Organisation nationale de la santé autochtone.

Il ne s'agit pas de substituts à une démarche axée sur les questions de santé publique inuites, pour les raisons suivantes : ces organisations ne sont pas définies en fonction de la santé publique ou axées sur celle-ci. Elles n'ont pas un fondement législatif et ne jouissent donc d'aucune sécurité quant à leur objectif, et la transparence ainsi que la responsabilisation ne sont pas optimales. Elles ne sont pas assez propres aux Inuits ou orientées vers les Inuits, et elles ne visent que de manière marginale à combler les écarts par la collaboration entre sphères de compétences. Je ne veux en aucun cas nier que ces organisations font un travail précieux, mais aucune d'entre elles n'est en mesure de fournir un service de santé public complet et intégral à l'échelle nationale.

Pour conclure, monsieur le président, ITK propose que le projet de loi C-5 soit modifié sous trois aspects particuliers. Premièrement, l'inclusion dans l'Agence de santé publique du Canada du poste d'administrateur en chef de la santé publique des Inuits, relevant de l'administrateur en chef de la santé publique du Canada. La personne occupant ce poste devrait avoir une expérience suffisante au sein de l'Agence. Elle devrait bien connaître les Inuits, leurs régions et domaines de compétence respectifs, et elle devrait posséder des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé publique. Deuxièmement, une exigence portant que, dans l'établissement de divers comités consultatifs et autres en vertu de l'article 14 de la Loi, le ministre de la Santé doit consulter des représentants des Inuits dans le but de trouver et de mettre en pratique le meilleur moyen d'assurer la participation appropriée et l'apport des Inuits à de tels comités. Enfin, une exigence selon laquelle une section portant sur la santé publique des Inuits devrait être ajoutée au rapport annuel que déposera l'Agence de santé publique du Canada devant le Parlement.

Il convient de signaler que l'administrateur en chef de la santé publique des Inuits qui fait l'objet de notre proposition jouerait un rôle vital dans la communication et la détermination des mécanismes visant le traitement des dossiers de santé publique s'appliquant aux Inuits à l'échelon fédéral. Il est essentiel de combler l'écart relatif à l'état de santé des Inuits, et la santé publique a un rôle important à jouer à cet égard.

On pourrait aussi modifier les attendus du projet de loi pour y inclure un renvoi explicite à l'importance des dossiers inuits de santé publique et aux responsabilités qui y sont associées à l'échelle nationale. ITK n'a pas rédigé une ébauche de ces modifications aux fins du présent exposé, mais serait tout à fait disposé à collaborer en ce sens si le comité lui en faisait la demande.

Je serai heureuse de répondre à vos questions, et je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de témoigner devant vous. M. John Merritt m'accompagne, et il pourra répondre aux questions techniques auxquelles je ne pourrai répondre moi-même.

Le président : Merci beaucoup. Nous souhaitons la bienvenue à M. Merritt aussi. Il est ici à titre de conseiller juridique d'ITK.

Avant de passer à l'exposé de l'Assemblée des Premières nations, je souhaite faire remarquer que l'un des intervenants de la semaine dernière est parmi nous encore aujourd'hui, le Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique. Si vous êtes d'accord, je vais lui demander de dire quelques mots à la fin en réaction aux exposés d'aujourd'hui.

Valerie Gideon, directrice des services de santé, Assemblée des Premières nations : Merci de l'occasion que vous nous offrez de témoigner devant vous ce matin. Je veux vous présenter les excuses de notre Chef national, Phil Fontaine, qui est sur le chemin du retour d'un voyage en Australie. Par ailleurs, je souhaite vous remercier de l'occasion de témoigner, il y a un an, au sujet du rapport sur le bien-être mental, ainsi que du fait que le comité a bien tenu compte de nos suggestions, qui se sont reflétées dans le rapport. Je tenais à vous remercier aujourd'hui, puisque c'est la première occasion que j'ai de le faire.

Je vais aujourd'hui aborder rapidement certains points précis concernant le projet de loi, mais, comme Mme Simon, je veux parler du contexte général de la santé publique des Premières nations, domaine qui relève directement du gouvernement fédéral.

L'Assemblée des Premières nations est l'organisation qui représente, à l'échelle nationale, environ 750 000 membres des Premières nations qui vivent dans des réserves, mais aussi à l'extérieur des réserves et dans les territoires du Nord. Nous comprenons qu'il s'agit d'un projet de loi surtout technique, mais nous aimerions parler de certains articles proposés de ce projet de loi, puisque nous pensons que ces articles auront des répercussions sur les gouvernements des Premières nations. Dans le contexte global de la santé publique, il y a un manque de clarté et de responsabilité en ce qui concerne les domaines de responsabilité des gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et des Premières nations.

Il faut par ailleurs reconnaître aux gouvernements des Premières nations leurs droits autochtones et issus de traités, ainsi que leur capacité d'adopter des règlements dans le domaine de la protection de la santé publique et de la sécurité de leurs membres. Il est très important de reconnaître ces droits particuliers dans le contexte du projet de loi.

Il découle du traité no 6 une disposition relative aux médicaments dans le projet de loi, qui est certainement le fondement de l'expression par les Premières nations du besoin de reconnaître le droit à la santé découlant du traité. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral ne reconnaît pas ce droit particulier, mais il continue de jouer un rôle dans la prestation des services de santé aux Premières nations directement en vertu de ses politiques. Les Premières nations continuent d'affirmer que le gouvernement fédéral a la responsabilité, dans le cadre de son obligation de fiduciaire, de fournir des soins de santé aux membres des Premières nations, peu importe où ils vivent. Les services de soins en santé publique offerts aux Premières nations sont structurés d'une manière qui favorise une prestation fragmentée, l'ambiguïté sur le plan des compétences et la persistance de la mauvaise santé, ce qui dénote que le gouvernement fédéral ne prend pas ses responsabilités.

Dans le contexte de la santé publique, il est important de faire remarquer que la plupart des gouvernements des Premières nations ont négocié des ententes de transfert en santé, ce qui veut dire que la prestation des services et programmes de santé aux membres des Premières nations relève directement d'eux.

Comme l'a aussi fait remarquer Mme Simon, le pouvoir législatif du gouvernement fédéral n'est pas suffisamment bien défini dans le domaine de la santé publique. Ainsi, les médecins hygiénistes qui travaillent actuellement à la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada ne sont pas reconnus par la majorité des lois provinciales en matière de santé publique, ce qui limite leur capacité d'agir en cas d'épidémie.

Autre phénomène, dans le domaine des soins de santé : il y a des mouvements de population entre les collectivités de Premières nations et entre les régions qui relèvent des différents gouvernements. En outre, il n'y a pas d'ententes intergouvernementales précisant les rôles et les responsabilités relatifs à la santé publique des Premières nations dans ce contexte particulier.

Le sous-financement chronique de l'enveloppe fédérale destinée à la santé des Premières nations, limitée à un taux de croissance annuel de 3 p. 100, comparativement à 6,6 p. 100 pour les transferts canadiens en matière de santé et de services sociaux, constitue un autre facteur important quant à la prestation des services de santé publique aux Premières nations. Cela signifie que nous faisons face à des manques à gagner chaque année, puisque nous ne sommes pas en mesure de nous adapter aux facteurs de base d'augmentation des coûts que sont la croissance de la population et l'inflation. Je fournis, dans les documents que je vous ai remis, des renseignements de base sur le déséquilibre budgétaire auquel nous devons faire face à l'heure actuelle, et je n'en parlerai donc pas davantage maintenant.

Nous avons une vision simple pour l'amélioration du système de santé publique des Premières nations : il s'agit d'une vision qui suppose qu'on aurait recours à une démarche structurée pour la prestation des services de santé publique à nos populations, une démarche qui permettrait de surmonter les obstacles actuels qui découlent des lois et des sphères de compétence. Cette démarche doit tenir compte de la diversité des communautés de Premières nations et de leurs pouvoirs à titre de gouvernement. Nous devons faire en sorte d'offrir aux membres des Premières nations, peu importe où ils vivent, peu importe quelle est la province ou le territoire qui leur fournit les services secondaires ou tertiaires, des soins répondant à des normes adéquates et équitables.

Il faut offrir des services de santé publique aux membres des Premières nations qui ne vivent pas dans les réserves, en leur offrant un meilleur accès aux programmes actuels des provinces et des territoires. Nous devons nous assurer que des systèmes provinciaux, territoriaux et même pancanadiens de surveillance de la sécurité publique protègent les intérêts des Premières nations au chapitre des droits à la protection des renseignements personnels dont ils jouissent à titre de gouvernement.

Au cours des 18 derniers mois, nous avons élaboré un cadre global pour la santé publique des Premières nations. C'est la première fois qu'on élabore un tel cadre; le document sera prêt le mois prochain. La vision, bien entendu, est simple. Elle a pour objet le besoin de normes communes, d'une capacité juste et de pouvoirs bien définis. Le graphique qui fait partie de l'exposé présente les composantes de cette vision en détail. C'est la septième diapo, je crois.

Le système de santé publique des Premières nations n'a pas à être un système à part. Lorsque nous parlons d'un cadre de santé publique des Premières nations, nous ne parlons pas de la mise en place de 633 systèmes de santé publique différents; nous parlons du besoin de faire reconnaître la compétence propre aux Premières nations, mais aussi, c'est sûr, d'interaction, d'harmonisation et d'intégration en vue d'un objectif commun qui ait du sens et qui permette de refermer l'écart actuel, en matière de santé, qui caractérise nos peuples.

Nous avons besoin d'une infrastructure axée sur la collaboration et la coordination, ce qui suppose qu'on partage les ressources et qu'on diffuse l'information. Nous devons déterminer les principales fonctions pour lesquelles les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et des Premières nations accepteraient de collaborer.

Notre cadre n'a pas pour but d'être prescriptif. Nous présentons plutôt six options permettant aux Premières nations d'exercer leur pouvoir, qu'il soit inhérent ou délégué, par l'intermédiaire de la capacité d'adopter des règlements en vertu de l'article 81.1 de la Loi sur les Indiens. Les communautés des Premières nations seront prêtes à formuler ce pouvoir et à l'exercer de différentes manières. Je ne vais pas énumérer toutes les options, mais je veux souligner l'importance de reconnaître les Premières nations autonomes, surtout dans le Nord, qui sont exclues de bon nombre de programmes fédéraux de soins de santé.

Dans le cadre de santé publique, nous recommandons l'élaboration d'une loi sur la santé publique des Premières nations. L'objectif de cette loi serait de préciser les rôles et les responsabilités des différents intervenants du système. Cela serait particulièrement important, par exemple, dans les domaines de la protection civile et de la planification relative à la pandémie d'influenza. Nous souhaitons offrir aux gouvernements des Premières nations une certaine souplesse en matière de gouvernance et des choix quant à la mise en œuvre.

Un autre objectif est de faire en sorte qu'on puisse réaliser des économies d'échelle par rapport aux commissions ou secrétariats de la santé qui pourraient appuyer les Premières nations à l'échelle régionale ou infra-régionale, par exemple, à l'échelle d'un traité. Cet objectif pourrait inclure l'hygiène du milieu et permettre d'appuyer des règlements concernant la salubrité de l'eau potable.

La loi proposée pousserait aussi les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à diffuser, d'une quelconque manière, les données relatives aux Premières nations en leur possession avec les gouvernements des Premières nations. Ce n'est actuellement pas le cas. Nous n'avons pas accès aux données nous concernant et qui sont en possession de ces gouvernements à l'heure actuelle, que ce soit les données des systèmes de surveillance des dossiers médicaux ou même des bases de données administratives. Comme je l'ai déjà mentionné, la loi garantirait la protection des intérêts collectifs des gouvernements des Premières nations en ce qui concerne les renseignements personnels.

En ce qui a trait précisément au projet de loi C-5, nous souhaitons faire remarquer qu'il n'y a pas eu de processus propre d'inclusion ou de consultation des Premières nations dans le cadre de l'élaboration du projet de loi. En réalité, l'audience d'aujourd'hui constitue la première consultation officielle des Premières nations.

Le projet de loi devrait être l'occasion, pour le gouvernement fédéral, de remplir son obligation de fiduciaire envers les Premières nations, et il existe plusieurs façons de le faire. À l'heure actuelle, le projet de loi ne précise pas les pouvoirs dont disposent les médecins hygiénistes de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits qui travaillent à Santé Canada. Il n'aborde pas les lacunes liées aux sphères de compétence qui existent à l'heure actuelle au chapitre des rôles et des responsabilités des Premières nations en matière de santé publique. Il ne prévoit pas que le ministre doit rendre des comptes au Parlement expressément en ce qui concerne son rendement au chapitre de la santé publique des Premières nations, encore une fois, malgré le fait qu'il s'agisse d'une responsabilité du gouvernement fédéral. Il n'offre pas à l'Agence de santé publique du Canada la capacité d'obliger les provinces et territoires à lui communiquer leurs données en matière de santé, qui, aux fins qui nous intéressent, incluraient les données sur les Premières nations.

J'aimerais attirer votre attention sur certains articles précis du projet de loi dans le cadre desquels nous pensons que nos intérêts pourraient être mieux représentés et qu'il serait possible de traiter des répercussions éventuelles sur les gouvernements et les citoyens des Premières nations. En vertu de l'article 12, l'administrateur en chef de la santé publique doit faire rapport au ministre tous les six mois. Il serait possible de faire en sorte que ce rapport porte entre autres sur les questions de santé publique des Premières nations. De même, le projet de loi ne comporte pas de disposition prévoyant la consultation des gouvernements des Premières nations. On pourrait créer une telle disposition dans le contexte du projet de loi aujourd'hui. Selon l'article 14, le ministre peut constituer des comités consultatifs. Il n'y a aucune exigence selon laquelle des membres des Premières nations doivent faire partie de ces comités. L'article 15 prévoit que le ministre dispose des pouvoirs de réglementation en ce qui concerne l'information relative à la santé publique. L'alinéa 15b) devrait reconnaître et inclure les droits collectifs des Premières nations à la protection des renseignements personnels au moment de la collecte et de la diffusion de l'information, surtout lorsque cette information porte sur les Premières nations ou a des conséquences pour elles, et l'on devrait fixer dans cet alinéa des pénalités pour la violation de ces droits.

Pour conclure, si les articles 12 et 14 du projet de loi ne traitent pas précisément des intérêts des Premières nations en matière de santé publique, il faudrait le faire par l'intermédiaire de l'élaboration de cadres stratégiques, c'est-à-dire de règlements visant à baliser l'application de la loi, mais en faisant en sorte que les Premières nations participent largement, dès le début, à l'élaboration de ces cadres stratégiques ou de ces règlements. Il serait possible de modifier l'article 15 en ajoutant l'alinéa c), dont nous avons rédigé une ébauche : « la protection des renseignements concernant une Première nation, un groupe de Premières nations ou une Première nation autonome ».

Enfin, Santé Canada et l'Agence de santé publique du Canada devraient s'engager à travailler avec l'Assemblée des Premières nations et les gouvernements des Premières nations à l'élaboration d'une loi sur la santé publique des Premières nations qui permettrait de combler les lacunes que le projet de loi à l'étude ne permet pas de combler, puisqu'il s'agit d'un projet de loi de nature technique. Nous continuerions de prôner la modification du projet de loi C- 5 pour qu'il tienne compte de toute modification fondée sur la Loi sur la santé publique que nous élaborerions conjointement.

Merci d'avoir pris le temps de nous écouter ce matin. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup de votre témoignage.

J'ai une question de procédure à poser. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi, à ce qu'on pourrait voir comme la onzième heure de l'examen du projet de loi C-5, c'est la première fois qu'on formule ces observations. Vous n'avez pas témoigné devant le comité de la Chambre des communes qui s'est penché sur le projet de loi C-5. Le projet de loi C-5 a été déposé au cours de la législature précédente; il s'agissait alors du projet de loi C-75. L'Agence de santé publique du Canada existe depuis le décret de 2004, il y a deux ans.

L'une de vos organisations a-t-elle présenté son point de vue au ministre, à l'Agence de santé publique ou à Santé Canada? Est-ce que c'est la première fois que vous avez l'occasion de dire quoi que ce soit à ce sujet?

Mme Gideon : C'est effectivement la première fois. Nous avons présenté directement à l'Agence de santé publique certains points qui, pour nous, posent problème au sujet du projet de loi C-5. Au début du processus d'élaboration d'un texte pour le renouveau législatif de la protection de la santé, il y a probablement environ dix ans — bien que je ne sois pas spécialiste de l'historique de ce texte — il y a eu une série de consultations dans le cadre desquelles Santé Canada a reconnu le besoin de discuter des répercussions du document de renouveau législatif avec les Premières nations. Le 31 mars 2003, on a organisé une séance d'une journée, et, à ma connaissance, il s'agit de la seule fois où nous avons participé à des discussions concernant la portée globale de l'ensemble des textes législatifs proposés au sujet de la santé publique. Je crois que le projet de loi C-5 fractionne les pouvoirs de l'Agence de santé publique dans le cadre de ces textes particuliers. Non, nous n'avons pas eu l'occasion de témoigner devant le comité permanent de la Chambre des communes qui s'est penché sur le projet de loi.

Mme Simon : Monsieur le président, j'ai été élue en juillet, et je ne dispose donc pas de beaucoup de renseignements sur ce qui s'est passé avant. Onalee Randall, la directrice du service de santé d'ITK, m'accompagne, et je vais lui demander de répondre à votre question.

Onalee Randall, directrice de la santé, Inuit Tapiriit Kanatami : Personne n'est venu nous voir. Nous avons discuté avec l'Agence de santé publique du Canada, et nous avons présenté un document sur le projet de loi omnibus en 2004. Les suggestions que nous avons présentées alors étaient semblables à celles que nous avons présentées aujourd'hui, mais nous n'avions présenté aucune idée spécifique quant au projet de loi C-5 avant aujourd'hui.

Le sénateur Callbeck : Merci d'être venues témoigner ici ce matin. J'avais l'intention de vous demander si on avait sollicité votre participation et si vous aviez eu l'occasion de formuler des suggestions au sujet du projet de loi C-5; ce n'est évidemment pas le cas.

Je suppose qu'il n'y a rien dans la loi qui prévoit que vous devez participer aux travaux des comités consultatifs.

Mme Gideon : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Comment êtes-vous censée vous y prendre pour avoir votre mot à dire là-dessus? Quel est le processus?

Mme Gideon : Nous sommes allés voir le Dr David Butler-Jones pour voir si nous pouvions participer au réseau de santé publique que l'Agence de santé publique est en train d'élaborer. Je présume qu'il s'agit de la majeure partie de la structure de comité consultatif qu'on mettra en œuvre dans le cadre du projet de loi. Évidemment, je ne peux le confirmer.

Nous avons reçu une proposition quant à la manière dont nous pouvions participer au processus. La seule manière pour nous de le faire serait d'exercer des pressions sur la bureaucratie et d'espérer obtenir une réponse positive. Rien n'oblige l'agence à le faire. Je ne dis pas qu'elle ne le ferait pas, mais il s'agit pour nous d'une lutte. Il serait préférable que nous soyons reconnus par la loi, de façon à garantir un engagement à long terme.

Le sénateur Callbeck : Vous dites que vous avez reçu une proposition de la part de l'Agence de santé publique sur le fonctionnement du processus?

Mme Gideon : Nous avons formulé une proposition et ils répondent, oui. C'est tout récent, ça s'est passé au cours des derniers jours.

Le sénateur Callbeck : Vous n'avez donc pas eu le temps d'examiner cette proposition pour voir si elle vous convient ou non?

Mme Gideon : Non; cependant, cette proposition a été formulée dans le contexte des groupes de spécialistes, et elle ne nous offre donc pas de jouer un rôle dans la prise de décisions en ce qui concerne les initiatives de l'Agence de santé publique. Nous ne ferions que fournir une rétroaction; nous ne ferions pas office de conseil de direction.

Mme Simon : C'est comme nous. Comme je l'ai dit dans mon exposé, l'une des façons de régler ce problème serait de créer, au sein de l'Agence de santé publique, un poste d'administrateur en chef de la santé publique des Inuits, qui travaillerait en collaboration avec l'administrateur en chef de la santé publique du Canada. De cette façon, nous serions assurés de pouvoir participer et de pouvoir formuler des suggestions. Nous avons déjà formulé certaines recommandations très précises quant à ce problème.

Le sénateur Cordy : Ceux et celles qui font partie de notre comité depuis un certain temps savent que le système de santé est mal en point chez les communautés des Premières nations. Nous l'avons appris au cours de notre première étude du système de santé en général, puis, évidemment, lorsque nous avons abordé les questions de la santé mentale, de la maladie mentale et de la dépendance.

Ce que vous avez dit au sujet du fait de s'assurer que le ministre rende des comptes au Parlement au sujet de la santé publique des Premières nations m'intéresse beaucoup. Est-ce que c'est le cas à l'heure actuelle? Je ne me souviens pas d'en avoir entendu parler au Sénat, mais peut-être nous en a-t-on déjà parlé.

Mme Gideon : Le ministère dépose un rapport annuel comme tous les autres ministères fédéraux. Il établit aussi chaque année un profil statistique des Premières nations du Canada. Ce n'est pas une obligation pour la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, mais c'est quelque chose qu'on fait depuis trois ou quatre ans pour pouvoir vérifier si l'état de santé s'est amélioré. Cependant, le profil statistique n'est aucunement mis en lien avec le rendement du ministère en ce qui concerne les services qui doivent être fournis.

Le sénateur Cordy : D'après ce que je comprends, le rapport n'indique pas si les choses fonctionnent ou non.

Mme Gideon : Non. Le rapport indique le taux de mortalité infantile, le taux de tuberculose et ainsi de suite. En réalité, le ministère lui-même — je parle de la Directon générale de la santé des Premières nations et des Inuits, puisque l'Agence de santé publique est une nouvelle organisation — s'est donné des objectifs stratégiques, comme l'élimination de la tuberculose. Lorsqu'on s'est aperçu qu'on n'atteindrait pas cet objectif, on a simplement modifié la stratégie et changé les objectifs figurant sur le site Web, sans expliquer les raisons pour lesquelles on n'avait pas atteint cet objectif.

Il s'agit dans beaucoup de cas de buts subjectifs qui font partie des présentations au Conseil du Trésor. Mis à part les rapports annuels, le ministère ne rend pas de comptes à la population.

Le sénateur Cordy : Nous obtenons des statistiques, mais nous ne savons pas ce qu'elles cachent, n'est-ce pas?

Mme Gideon : C'est exact.

Mme Randall : Je voudrais ajouter, au sujet du rapport de la DGSPNI à l'échelle nationale, que ITK exerce de fortes pressions depuis quatre ans, et que, comme Mme Gideon l'a dit, il s'agit maintenant d'un rapport sur les Premières nations. C'était auparavant un rapport sur les Premières nations et les Inuits, dans lequel il n'y avait aucune donnée sur les Inuits. Les données disponibles sur la santé publique des Inuits sont très limitées. D'après les renseignements fournis par Mme Simon, il s'agit surtout de données pour les territoires, qui ne sont certainement pas uniformes, quoique nous croyons qu'elles sont représentatives de la population inuite.

Le sénateur Cordy : Je crois que vous avez toutes deux parlé de la sauvegarde des droits à la protection des renseignements personnels des Premières nations. Est-ce que ces droits s'ajouteraient à ceux dont jouissent tous les citoyens canadiens? Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris ce que vous avez dit. Est-il possible pour nous de recueillir des données sans les rendre publiques ou nous est-il interdit de recueillir des données — si nous nous penchons sur la question de la santé publique afin de déterminer les moyens à prendre pour améliorer le système de santé des peuples des Premières nations?

Mme Gideon : Il s'agit d'une question complexe. Essentiellement, de la même manière que le gouvernement fédéral reconnaît que l'information en question relève du gouvernement provincial — et qu'il faut respecter la compétence du gouvernement provincial dans l'élaboration de la législation fédérale — l'information sur les Premières nations relève des gouvernements des Premières nations. Les droits des Premières nations concernant les renseignements personnels de leurs membres ou la protection de ces renseignements ne sont cependant pas reconnus.

Oui, essentiellement, il est possible d'extraire des données sur les Premières nations des bases de données et de les présenter dans un rapport. De manière générale, on sait, au gouvernement fédéral, que les Premières nations vont réagir très négativement sur le plan politique si l'on utilise les renseignements qui les concernent et qu'on les publie sans la permission de l'ensemble des Premières nations. Il n'existe pas vraiment de mécanismes qui garantissent que le gouvernement fédéral assume la responsabilité de protéger ces renseignements.

Le sénateur Cordy : C'est comme ça que les choses se passent à l'heure actuelle, sans que cela soit inscrit dans la loi. Est-ce exact?

Mme Gideon : C'est exact. Cela ne fait même pas l'objet d'une politique. Le problème, à l'heure actuelle, c'est la peur des répercussions négatives sur le plan politique.

Mme Simon : Historiquement, lorsqu'on a abordé des questions relatives à la santé des Inuits, on n'a jamais demandé leur consentement afin de rendre tout type d'information publique. Les gens n'avaient pas connaissance de ce qui se produisait. Nous tentons maintenant de modifier la situation. Nous ne sommes pas en train de dire que nous n'allons pas faire partie du système, mais nous avons besoin d'un processus là où il y a eu absence de toute forme de consentement. Lorsqu'on rend de l'information publique, les gens doivent savoir quel type d'information concernant leur santé est rendue publique.

Le sénateur Cordy : Est-ce que ce processus consisterait aussi à informer les gens avant de recueillir les renseignements en question?

Mme Simon : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous soulevez un point très important. Je pense que vous mettez le doigt sur des manques criants dans une partie du processus de consultation, ainsi que sur les problèmes de la première série de consultations, qui a eu lieu lors de la première rédaction du projet de loi. Tout cela, cependant, est du passé.

Vous avez peut-être remarqué que je feuilletais des documents. Ce que j'essaie de faire, c'est de comprendre la composition du conseil de direction. Le Dr David Butler-Jones peut peut-être nous aider à ce sujet.

Je m'arrête, à la page 5, sur le premier point que vous abordez, concernant l'administrateur en chef de la santé publique des Inuits, qui relève de l'administrateur en chef de la santé publique du Canada. Je vais formuler un commentaire et vous demander d'y réagir. Lorsque je songe au Canada, je songe à nous tous, et j'ai du mal à imaginer que l'Agence puisse avoir deux administrateurs en chef.

Quelle est la composition du conseil? Si le conseil n'est pas représentatif à l'heure actuelle, par exemple, à un niveau élevé, au sein du conseil relevant de l'administrateur en chef et de la santé publique du Canada, il serait possible de rendre le conseil plus représentatif des Inuits et des Premières nations, pour que, de votre point de vue, cette représentation soit satisfaisante, plutôt que d'avoir deux administrateurs en chef — ce qui, je pense que nous le savons tous, ne fonctionne pas toujours très bien.

Mme Simon : Nous avons déjà abordé cette question. Nous voulions être en mesure de pouvoir vous l'expliquer aujourd'hui — comment l'administrateur en chef de la santé publique des Inuits s'intégrerait aux mécanismes en place à l'heure actuelle à l'Agence de santé publique du Canada.

De notre point de vue, l'administrateur en chef de la santé publique des Inuits jouerait le rôle d'un intermédiaire, surtout dans le domaine des politiques et de la coordination entre les différents gouvernements, et il favoriserait les discussions qui doivent avoir lieu entre les Inuits, les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral pour l'élaboration de méthodes visant à combler les écarts au chapitre de la santé publique.

Nous savons que l'administrateur en chef de la santé publique responsable de l'ensemble du Canada travaille avec les médecins en chef des provinces et des territoires, mais cet arrangement ne garantit pas que les Inuits participent et contribuent aux débats sur la santé publique. Dans mon exposé, je vous ai donné un aperçu de certaines situations précises qui ont des répercussions sur les Inuits, répercussions qui sont distinctes et que ne connaissent pas les autres groupes autochtones. Cet état de fait justifie, à notre avis, l'adoption d'une démarche propre aux Inuits. C'est pourquoi nous proposions de présenter cette recommandation.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous nous faites part d'idées et de renseignements très importants. Si l'on ne tient pas suffisamment compte du point de vue des Inuits, des Premières nations, d'une province ou d'un territoire, il nous appartient, à nous, les députés et les membres du comité, de découvrir pourquoi et de faire ce que nous pouvons pour nous assurer qu'on tienne suffisamment compte de votre point de vue. À mon avis, cela ne justifie pas qu'on ait deux administrateurs en chef.

Cependant, je crois que nous devons examiner cela très attentivement. Ce que vous nous dites aujourd'hui est extrêmement important. Il ne s'agit pas simplement de santé publique; il s'agit de santé. Tout ce qui a trait aux enfants, aux mères, aux familles et à l'eau; on ne s'occupe pas toujours bien de ces choses. Vous ne souhaitez pas vous trouver derrière; vous voulez être sur un pied d'égalité avec les autres Canadiens. Comment pouvons-nous faire en sorte que tous les Canadiens soient égaux?

Mme Simon : J'apprécie vos commentaires, parce que ce que vous dites est très exact. Qu'on envisage n'importe quel domaine de la santé, les renseignements et les statistiques que nous obtenons sont tragiques, comparativement au reste du Canada. Le taux de suicide dans l'Arctique ne se compare pas à celui des autres régions du pays. Cela s'explique. Le taux de suicide est lié à d'autres questions, comme les facteurs de la santé et les conditions sociales. Il faut que nous arrivions à combler l'écart qui nous caractérise souvent.

Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur le président, notre distingué collègue, le sénateur Keon, a abordé ce point précis hier. Nous parlons de la santé de la population. Si nous voulons que le Canada obtienne une meilleure note par rapport à l'indice mondial de la santé de la population, nous devons déterminer où il faut commencer.

L'exposé de ce matin est extrêmement important pour le comité. Nous devons nous assurer que tout le monde est bien représenté, de façon adéquate.

[Français]

Le sénateur Champagne : En lisant les recommandations que vous nous présentez, je constate que pour toutes sortes de raisons, techniques ou autres, dans les sections 12 et 14, il n'est pas directement question des Premières nations. Vous seriez quand même rassurés si, dès le début de la rédaction de cette réglementation, ou faisait référence aux Premières nations, n'est-ce pas?

Mme Gideon : C'est certainement une meilleure option que celle qu'on a maintenant. On préférerait que ce soit écrit dans la loi. Sinon, on serait capable de travailler avec le développement de la réglementation. Je comprends qu'il y ait des sections où il n'y aura pas de réglementation comme telle, c'est entre les mains des bureaucrates, au moment où ils vont élaborer certaines politiques. Cela va nous donner un peu moins de sécurité, mais si c'est dans des règlementations publiques qui sont démontrées comme offrant du soutien dans la mise en œuvre du projet de loi, c'est faisable.

Le sénateur Champagne : Comme le disait monsieur le président, nous sommes vraiment à la 11e heure. Je trouve extrêmement dommage que vous n'ayez pas participé à l'étude de ce projet de loi lorsqu'il était à la Chambre des communes. Nous avons tous très bien compris votre inquiétude et il va nous falloir trouver une façon de vous rassurer. Cependant, il est important que le projet de loi aille de l'avant, sans qu'on doive le retourner à la Chambre des communes avec des amendements. C'est ma façon de le voir en ce moment, mais je ne voudrais pas que vous partiez en disant que nous nous en fichons éperdument parce que ce n'est vraiment pas le cas.

[Traduction]

Le président : Il s'agit d'un point important que le comité doit envisager. Allons-nous régler les questions qui, je pense, sont légitimes aux yeux de la plupart d'entre vous, par le moyen de modifications apportées à la loi, ou allons- nous formuler des observations qui pourront se refléter soit dans les politiques, soit dans les règlements?

J'ai le sentiment que les témoins penchent pour le premier choix : graver cela dans la pierre et l'inscrire dans la loi. Il est intéressant d'entendre leurs commentaires au sujet de l'autre choix, parce que nous devons en tenir compte lorsque nous aurons fini d'entendre les témoignages de ce matin.

Mme Gideon : Il est important d'envisager le précédent que cela constituerait pour nous. La raison pour laquelle nous nous trouvons ici, à la onzième heure, c'est qu'il n'y a ni responsabilité garantie, ni processus qui nous permettent de nous assurer que nous pourrons participer. Il est très difficile pour nous d'accéder à ces tribunes. C'est la raison pour laquelle j'ai remercié le comité du rapport sur la santé mentale, parce que ce rapport a représenté un important précédent pour nous. La tenue d'une séance particulière sur les intérêts des Premières nations et des Inuits était importante pour nous, ce qu'on peut voir dans le rapport. Nous espérons que cela garantira notre participation à la commission, une fois qu'elle sera créée.

Il n'y a pas de précédent concernant notre inclusion dans la législation sur la santé, ni même de mention ou de rapport particulier du ministre devant le Parlement. Je comprends la décision que le comité doit prendre, mais je tiens à souligner l'importance que revêt cela pour nous. Nous avons besoin de ce premier pas. Nous avons besoin de ce précédent.

Mme Simon : Il est très important de s'assurer que, lorsqu'on parle des peuples autochtones, on parle précisément des Premières nations et des Inuits. Il nous arrive souvent de constater que lorsque les Inuits ne sont pas précisément mentionnés dans une annonce relative à une loi, une politique ou un programme, tout le monde pense que nous faisons partie des Premières nations. Nous n'avons rien à redire à ce sujet, mais nous souhaitons que les gens comprennent clairement que les Inuits font face à des problèmes qui leur sont propres, et qu'ils ont leurs propres priorités. Dans tout ce que vous faites, nous souhaitons nous assurer de faire reconnaître les particularités des Inuits.

Le sénateur Champagne : J'accepte la rectification.

[Français]

Le sénateur Pépin : Si je comprends bien, la priorité reste votre participation aux règlements — s'il y en a dans le projet de loi — pour que vous soyez quand même en contrôle lorsque des décisions sont prises relativement aux Premières nations et aux Inuits.

Vous avez également parlé d'un rapport spécifique en disant que vous aimeriez en faire partie, et vous avez parlé de l'éducation qu'on doit faire auprès des Premières nations concernant leur participation à ces programmes. Parce qu'autrement ils pourraient se sentir ciblés dans le rapport, puisque les incidences sont tellement importantes, et ils pourraient se sentir différents des autres.

Mme Gideon : Effectivement, l'information dans le passé n'a pas été utilisée d'une manière consistante et dans notre intérêt. Cela a été utilisé contre nous. C'est donc très important pour nous d'avoir un niveau de contrôle sur l'information.

Le sénateur Pépin : À tous les niveaux de décision.

Mme Gideon : Oui, c'est essentiellement cela.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : La question que je veux poser découle des commentaires de mes collègues. Le fait que le Sénat se penche de nouveau sur le projet de loi en question nous offre l'occasion, sans avoir à le modifier, de faire des déclarations à ce sujet.

Je sais qu'il y a une différence entre les Inuits et les autres groupes autochtones. Vous avez de la difficulté à faire en sorte que le gouvernement et les organismes de la santé vous fournissent des renseignements de la manière que vous souhaitez. Autre problème auquel vous faites face : il n'y a pas de personnes ou de groupes à qui vous puissiez vous adresser pour exprimer vos préoccupations et vos points de vue de façon à faire bouger les choses plutôt que de simplement transmettre des idées.

Où voyez-vous le lien? Quel est le poste que vous souhaiteriez voir occupé par votre porte-parole?

Mme Gideon : Le fait que la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits ne soit pas reconnue à titre de système de santé pose problème pour nous. Il s'agit d'une direction générale de Santé Canada, qui est un ministère fédéral assujetti aux mêmes règles, procédures et politiques que les autres ministères. Celles-ci ne sont pas adaptées au fait que la DGSPNI constitue notre système de santé. Pour nous, c'est comme le ministère de la Santé pour l'Alberta ou le Québec. Cela empêche, de nombreuses façons, le système de réagir et d'être efficace.

Je crois que vous parlez d'une sorte d'ombudsman. Ce n'est pas quelque chose que nous avons envisagé précisément pour la santé. C'est une idée qui serait intéressante, mais, dans l'ensemble, je crois que les Premières nations souhaitent faire reconnaître leur compétence en matière de santé et faire reconnaître le système de santé qui doit leur venir en aide comme un vrai système de santé.

Il y a une question de portée plus générale qu'il faudrait envisager dans le contexte de la loi sur la santé publique des Premières nations que nous proposons. Nous devrions déterminer quel serait le mécanisme approprié, à l'échelle nationale ou même régionale, qui permettrait d'améliorer la relation de travail avec les systèmes de santé provinciaux et territoriaux, qui offrent tous les soins de santé secondaires et tertiaires à notre population.

Je ne réponds pas directement à votre question, mais il serait intéressant d'y réfléchir dans le contexte de l'agence de santé publique, s'il y avait une personne responsable de la santé publique des Premières nations dans le contexte du fonctionnement de l'agence. Le rôle de cette personne ne concernerait pas nécessairement la santé publique, puisque les gouvernements des provinces, des territoires et des Premières nations assument ce rôle, mais il s'agirait d'une proposition intéressante.

Le président : Est-ce que vous envisagez le cadre de santé publique dont vous parlez comme une chose tout à fait indépendante? Quels liens envisagez-vous avec l'Agence de santé publique du Canada?

Mme Gideon : Le cadre public définit tous les paramètres touchant la santé publique des Premières nations. L'Agence de santé publique a un rôle et des fonctions définis, mais les gouvernements provinciaux et territoriaux ont aussi un rôle à jouer quant à la prestation des services de santé publique aux Premières nations, et la santé publique relève de la compétence des gouvernements des Premières nations. Notre cadre définit ces rôles et responsabilités, et il offre des choix pour l'amélioration du système actuel en vue de créer un meilleur continuum — c'est-à-dire une plus grande harmonisation.

Les ententes intergouvernementales constituent un exemple de mécanisme habilitant. Dans le contexte de la planification en vue de la pandémie d'influenza, il pourrait y avoir une entente précisant les responsabilités du gouvernement de l'Ontario, des Premières nations de l'Ontario, de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et de l'Agence de santé publique. Le cadre porte sur toutes les composantes fondamentales, il est donc plus général que le projet de loi C-5.

Le sénateur Fairbairn : Ce que vous dites me trouble, parce que c'est une partie très importante de notre pays. Il s'agit aussi d'un groupe qui, au fil du temps, a connu de graves problèmes de santé.

Le fait que vous n'ayez pas pris part à l'élaboration du projet de loi ou à son examen avant son adoption par la Chambre des communes indique que vous avez besoin d'un lien avec le gouvernement. Il y a une espèce de processus en place, mais, bizarrement, vous n'en faites pas partie.

Quelle est la place qui vous revient, au sein d'une organisation consultative, dans le système? À l'heure actuelle, il ne semble pas y avoir de point de rencontre, alors qu'il devrait y en avoir un pour que vous puissiez participer aux débats sur les questions importantes, outre l'alphabétisation et l'éducation.

Il s'agit d'une question fondamentale liée à votre peuple. Vous devez être présents sur la scène nationale. Où cela peut-il vous être le plus utile?

Mme Simon : Ce que vous avez dit est très important, comme les autres commentaires des sénateurs. Comment établir un lien entre notre peuple et le gouvernement? C'est toujours une grande question dans de nombreux domaines, mais c'est particulièrement important lorsqu'il s'agit de la santé.

J'ai dit déjà que nous aimerions voir créer le poste d'agent de la santé publique des Inuits, qui pourrait faciliter le processus et établir le lien dont vous parlez. Peu importe la forme que cela prendra, il est important que la personne ou les gens qui établiront ce lien possèdent des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé publique. Il est important de s'assurer que ces gens sont non seulement sensibles à notre culture et à notre mode de vie, mais aussi qu'ils possèdent les capacités professionnelles requises.

L'application de la troisième recommandation que nous avons formulée, concernant l'adjonction d'une section sur la santé publique des Inuits au rapport annuel sur l'état de la santé publique au Canada, présenté par l'Agence au Parlement, contribuerait à attirer l'attention sur ces questions, sur les questions qui nous concernent.

En outre, nous travaillons à un processus touchant de nombreux autres niveaux, en ce qui concerne les questions de santé. L'une des possibilités que nous avons examinées à l'ITK — nous voulions aborder les deux possibilités séparément parce que celles-ci touchent très précisément le projet de loi C-5 — est de négocier avec le gouvernement du Canada la création d'une loi sur la santé des Inuits. Nous discutons de ces choses depuis un certain temps maintenant. Nous allons continuer de le faire dans l'avenir. En fait, j'ai rendez-vous avec le ministre de la Santé pour en discuter.

J'aimerais que M. Merritt précise un peu cette question.

John Merritt, conseiller juridique, Nunavut Tunngavik Incorporated, Inuit Tapiriit Kanatami : Il y a deux points que je souhaite soulever. Mme Simon a parlé d'un besoin important d'élargissement de la législation sur la santé des Inuits. Je sais que certains sénateurs ont parlé plus tôt des questions relatives à la protection des renseignements personnels, et que l'Assemblée des Premières nations l'a fait aussi.

Il y a deux ou trois ans, lorsque le programme de la santé des Premières nations et des Inuits faisait face aux répercussions de la nouvelle législation sur la protection des renseignements personnels — la législation concernant les données en format électronique — la conséquence de cette loi a été que les peuples inuits et des Premières nations ont été confrontés à l'attente qu'ils allaient devoir signer des formulaires de consentement compliqués pour essayer de réglementer l'utilisation des renseignements.

Nous avons donné l'exemple du monde inuit où, dans les faits, les citoyens âgés qui ne parlent que l'inuktitut allaient se voir demander de déchiffrer, avec l'aide d'une infirmière de la santé publique et de signer un document juridique de quatre pages en anglais portant sur l'utilisation de renseignements sur leur santé. À l'époque, ITK a dénoncé l'absurdité de cette situation, en disant que peu importe ce que cela avait à voir avec l'équilibre des principes sociétaux, le fait de demander à des petites vieilles des petits villages de signer un document rédigé dans une langue étrangère pour régir l'utilisation des données sur la santé était le signe que le système s'était emballé.

Il s'agit d'un exemple parfait de ce que, peu importe où se trouve le point d'équilibre, cela devrait se faire dans le contexte d'une loi ou encore, dans le contexte de l'éthique des professionnels de la santé chargés d'administrer ces choses. Cependant, il est absurde d'aller jusqu'à investir les ressources, le temps, l'argent, le travail des professionnels de la santé, qui ont déjà beaucoup à faire pour fournir les soins de santé de base, et de les mettre dans la situation où ils doivent interpréter des textes juridiques complexes.

Nous avons dit qu'il faut avoir recours à une loi pour régler ce problème. S'il faut une loi pour trouver le point d'équilibre entre les questions relatives à la protection des renseignements personnels et l'utilisation de données dans le cadre des services de santé publique, nous nous attendons à ce qu'on l'on produise un texte législatif réfléchi. Il s'agit d'un exemple où les questions de protection des renseignements personnels ont pour conséquence un manque complet dans la prestation de services de santé très importants aux Premières nations et au peuple inuit.

Par ailleurs, un certain nombre de sénateurs ont parlé de la possibilité de faire des règlements pour régler certains des problèmes en question, plutôt que de modifier la loi. Je comprends que le comité obtient des conseils juridiques du légiste, comme il se doit. Je vous inviterais à examiner l'article 15 du projet de loi, qui, à l'heure actuelle, a une portée très réduite. Il me semble que l'article du projet de loi qui donne l'autorité réglementaire ne vous permettrait pas, à l'heure actuelle, de procéder, par voie réglementaire, aux modifications que ITK a suggéré que vous apportiez au projet de loi lui-même.

Je comprends qu'il s'agit d'une question d'interprétation juridique. Cependant, j'ai écouté avec intérêt les propositions formulées par l'APN, et je crois que certaines d'entre elles seraient aussi difficiles à intégrer dans un cadre réglementaire. De toute évidence, les résultats seraient plus sûrs, sur le plan juridique, si on modifiait le projet de loi lui- même.

Le sénateur Watt : C'est la première fois que je participe au comité. J'apprécie le fait que Mme Simon m'ait invité pour que je puisse entendre ses propos, ainsi que ceux des Premières nations.

Comme le président l'a dit, il a été très surpris d'apprendre qu'il s'agit aujourd'hui de votre première occasion de participer à l'élaboration du projet de loi. Il s'agit d'une étape très avancée du processus; le projet de loi en est à la seconde lecture.

Si l'on adopte le projet de loi — et j'imagine que les membres du comité n'hésiteront pas à en permettre l'adoption, si le projet de loi est satisfaisant et qu'on peut s'en accommoder — vous ne figurerez pas dedans. Je crois que la Constitution dit clairement que le gouvernement doit vous consulter avant de faire quoi que ce soit dans n'importe quel domaine.

Compte tenu de cela, si le comité formule la recommandation, avant la troisième lecture, d'interrompre le processus jusqu'à ce que les autres questions soient réglées, les questions que vous avez soulevées, seriez-vous satisfait? Ou alors recommanderiez-vous au comité de permettre l'adoption du projet de loi pour ensuite régler les questions que vous avez soulevées? Qu'est-ce que cela veut dire? Pouvez-vous nous donner des détails là-dessus?

Mme Gideon : Si le projet de loi est adopté tel quel, cela veut dire essentiellement que je devrai constamment compter sur la bonne volonté des bureaucrates pour que les intérêts des Premières nations soient protégés dans le contexte du travail de l'Agence de santé publique. C'est une affaire risquée, mais c'est l'affaire dont je m'occupe.

Cela signifie que le statu quo demeurera, et que nous devrons continuer de lutter, de sensibiliser les gens et de travailler dans le cadre des mécanismes politiques pour obtenir qu'on tienne compte de nos idées. C'est ce que cela veut dire.

Cela veut aussi dire que nous arriverons peut-être à nous faire représenter par des spécialistes au sein des différents groupes du réseau de la santé publique. Cependant, c'est une tâche difficile pour nous, parce qu'il y a plusieurs dizaines de groupes de spécialistes et que nous n'avons pas la capacité de participer efficacement à tous ces groupes.

Pour en revenir au point soulevé par le sénateur Fairbairn, nous obtiendrions davantage de sécurité en étant représentés au conseil de direction, plutôt qu'en ayant un secrétariat particulier au sein de l'Agence, dont le directeur devrait suivre les directives du conseil de direction. Il s'agirait du processus le plus efficace pour nous. Ce serait par ailleurs le plus pratique, compte tenu de nos capacités limitées.

Mme Simon : Comme vous le savez, notre propre société fait face à toutes sortes de problèmes concernant les services de santé. Nous devons surmonter de nombreux obstacles. Tenter de régler ces problèmes après l'adoption du projet de loi sera très difficile.

Je suis en faveur de ce que Mme Gideon dit, de sa perception et de sa compréhension des choses. Si nous arrivons à lancer le processus, du moins en ce qui concerne notre participation à cette audience du comité, ce serait une bonne chose. Je ne sais pas comment le comité sénatorial aborderait nos préoccupations. S'il décide de n'apporter aucun changement, nous devrons lutter avec ardeur.

Le sénateur Watt : M. Merritt a indiqué qu'il y avait peut-être une façon de régler le problème, si j'ai bien compris, même s'il était difficile d'apporter des changements aux règlements. J'aimerais savoir s'il pense que vous disposez de suffisamment de temps pour présenter une éventuelle modification qui ferait l'affaire tant des Inuits que des Premières nations. Nous n'avons pas beaucoup de temps.

M. Merritt : Comme Mme Simon l'a dit, les modifications que proposent les Inuits sont assez limitées, en ce qui concerne le temps que cela prendrait pour les rédiger. Par conséquent, nous serions heureux de les rédiger.

Nous avions l'impression qu'il s'agissait d'un projet de loi très court; et que la véritable question était de savoir si les sénateurs allaient avoir la volonté d'apporter ces modifications, dans le contexte des autres décisions qu'ils doivent prendre concernant le processus, le précédent et ainsi de suite.

Nous n'envisageons pas la rédaction de ces modifications comme une chose compliquée. Nous sommes convaincus que le légiste du Sénat pourrait facilement coucher sur le papier nos suggestions. Nous serions heureux de collaborer avec lui et avec le comité si l'on prenait la décision de donner corps à ces modifications précises.

Nous serions heureux de travailler avec l'Assemblée des Premières nations aussi, parce que je crois qu'il y a des points communs entre les suggestions de l'ITK et celles de l'APN.

Le sénateur Watt : Je ne suis pas membre du comité, et je n'ai donc aucun droit de vote à cet égard. Je ne peux que discuter avec chacun des sénateurs pour essayer de les convaincre. Je peux vous aider dans la mesure de mes capacités. C'est aux membres du comité de décider de ce qu'ils feront du projet de loi.

Le président : Vous pouvez vous joindre à nous si vous le souhaitez. Nous avons besoin de plus d'hommes.

Le sénateur Watt : Je peux participer, mais je ne peux voter.

Le sénateur Callbeck : Je veux poser une question qui porte sur un domaine différent, sur le financement. Docteure Gideon, à un moment donné, vous avez parlé du sous-financement chronique et du déséquilibre budgétaire auxquels font face les Premières nations.

Vous avez dit que l'enveloppe de la santé des Autochtones est limitée à 3 p. 100, tandis que la moyenne des transferts sociaux est de 6,6 p. 100. Cette enveloppe inclut de nombreux autres programmes et transferts, mis à part les transferts sociaux. De façon à pouvoir comparer des pommes à des pommes, quelle est l'augmentation moyenne pour l'ensemble des programmes des provinces inclus dans cette enveloppe?

Mme Gideon : Je me fie à l'Accord de 2004 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, qu'on a respecté dans le cadre des budgets 2005 et 2006, au chapitre de la répartition du financement. En ce qui concerne les programmes visant les Premières nations dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, nous ne disposons pas de l'information, parce que les provinces n'ont pas l'obligation de rendre des comptes, malgré le fait que les populations des Premières nations font partie de la population globale à partir de laquelle on calcule le Transfert. Les provinces n'ont pas à rendre de comptes au sujet des programmes et des services qu'ils offrent aux Premières nations, et la majorité des provinces ne pourraient le faire, à l'heure actuelle, parce que les Premières nations ne sont pas traitées à part dans leur base de données sur la santé.

Les membres des Premières nations reçoivent des soins secondaires et tertiaires des provinces, mais les données montrent que l'accès et la qualité des soins sont moindres parce que les provinces ne planifient pas leurs services de santé en fonction des communautés des Premières nations, puisqu'elles jugent qu'il s'agit d'une responsabilité fédérale.

Mme Simon : Il est presque impossible d'obtenir les chiffres. Par exemple, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada, dans son rapport sur le Programme des services de santé non assurés, n'a pas été en mesure d'établir des montants pour les Inuits. Fait encore plus important, on n'effectue pas, au gouvernement fédéral, de suivi des dépenses liées directement aux Inuits. On a reconnu l'an dernier qu'il s'agissait d'un point posant problème. On a pris l'engagement, à l'occasion de la rencontre de Kelowna, d'effectuer un suivi global des dépenses, mais nous n'avons pas accès à ces données. Il est donc difficile pour nous de vous dire combien d'argent exactement est consacré aux questions de santé des Inuits.

Le président : J'aimerais demander à l'administrateur en chef de la santé publique, le Dr David Butler-Jones, de se joindre à nous et de nous faire part de ses réflexions au sujet des témoignages que nous avons entendus ce matin.

Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue.

Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique, Agence de santé publique du Canada : Les enjeux qui ont été soulevés ont clairement un lien important avec nos préoccupations communes, et les problèmes auxquels sont confrontées les Premières nations et les communautés inuites sont bien réels.

Le projet de loi que vous examinez porte non pas sur la santé publique, mais bien sur la création de mécanismes. Les descriptions qu'il contient relativement aux mesures actuelles et futures aideront peut-être à répondre à certaines des questions que les sénateurs se posent et à certains des enjeux soulevés par les représentants ici présents.

Ce projet de loi avait été présenté pendant la dernière législature, mais il est mort au Feuilleton. Il était dans le domaine public depuis sept mois. Auparavant, il s'agissait d'un document du Cabinet. Il n'y a eu aucune consultation officielle autre que celles qui sont prévues dans le cadre du processus parlementaire. Les provinces et les territoires n'ont pas été consultés officiellement, mais il y a eu des consultations officieuses.

J'ai rencontré le grand chef à quelques reprises. Il y a eu des conversations entre les gens de l'agence et les organismes nationaux qui s'intéressent à la santé des Autochtones, ainsi que des occasions de parler de cette question et de soulever des préoccupations. Ce que nous répétons sans cesse aux provinces et territoires et aux autres intervenants, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi de nature technique visant uniquement à créer l'agence. Une invitation ouverte a été lancée par le comité législatif, mais personne n'est venu se prononcer sur cette question.

La plupart des gens disent qu'ils ne veulent pas devoir faire face à un événement comme le SRAS sans pouvoir s'appuyer sur un cadre législatif. Nombre des enjeux soulevés ne peuvent être abordés dans ce projet de loi; il y a d'autres processus pour faire cela. Le projet de loi que le comité examine devra faire l'objet d'une révision et de discussions, et nous serons heureux de prendre part à un tel exercice.

La prestation de services de santé publique dans les réserves s'inscrit dans l'exécution des programmes de santé des Premières nations et des Inuits. Notre travail consiste à lier les divers intervenants du système. Nous sommes responsables de la coordination du réseau de santé publique, c'est-à-dire le réseau fédéral, provincial et territorial, et de la surveillance de tous les aspects liés à la santé publique.

Il y a au sein de ce réseau un conseil constitué de représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux, y compris, par exemple, le directeur de la santé du Nunavut, qui parle souvent avec éloquence des enjeux et problèmes propres aux peuples inuits. Ce conseil fait rapport, dans un premier temps, à la Conférence des sous-ministres, où je siège, et, dans un deuxième temps, à la Conférence des ministres. Il y a au sein du réseau une série de comités d'experts et d'autres comités envers lesquels nous avons pris des engagements. Je reconnais que cela peut poser des problèmes au chapitre de la disponibilité, et c'est pour cette raison que nous avons tenu des consultations auprès des organismes nationaux de santé autochtone sur la représentation appropriée de l'agence dans le réseau, afin que nous puissions mettre notre expertise à contribution au sein de ces comités et à l'égard de ces enjeux. Cette initiative avance.

Il y a eu des conversations qui ont récemment mené à la présentation d'une proposition, et nous sommes déterminés à aller de l'avant. Nous ne contrôlons pas le conseil — c'est un organisme fédéral-provincial-territorial. Il y a 14 représentants au sein du conseil, et nous n'en comptons qu'un. J'assure la coprésidence du conseil, mais il s'agit vraiment d'un processus de collaboration, et il y a un engagement clair à recourir à l'expertise des Autochtones.

Selon moi, il est essentiel d'établir un comité de la santé autochtone au sein du réseau, ou un comité consultatif relevant de moi, qui examinerait tous les aspects qui pourraient nous aider à donner suite aux préoccupations de Mme Gideon et d'autres personnes au sujet de l'impact de ces choses.

En ce qui concerne la consultation, elle est, pour l'instant, officieuse. Ensuite, il y a le processus législatif et les comités où, à l'échelon législatif, personne n'a témoigné.

Les seuls pouvoirs de réglementation prévus dans la loi concernent la protection des renseignements personnels. Les dispositions du projet de loi n'autorisent pas l'Agence de santé publique à extraire de l'information. Il ne nous autorise pas à forcer les Premières nations, les Inuits, les provinces ou les territoires à nous fournir de l'information. Le projet de loi nous permet seulement de conserver l'information qui nous est fournie, de l'utiliser dans le cadre de nos activités liées à la santé publique, et de la mettre en commun de façon appropriée.

Les dispositions et les règles relatives à la protection des renseignements personnels nous permettront de veiller à ce que des mesures de protection soient en place à l'égard de tout ce que nous recevons, de tous les renseignements que nous sommes autorisés à recevoir. Pour ce qui est de certaines préoccupations à cet égard, elles renvoient à un enjeu dont la portée est plus large.

En ce qui concerne l'adoption d'une loi sur la santé publique pour les Premières nations et les peuples inuits, c'est une conversation très importante, et nous tenons à y participer.

J'ai parlé de l'expertise, du comité, de la protection des renseignements personnels et de la loi sur la santé publique. Nous sommes intéressés à tenter de déterminer ce que cela pourrait donner, et ce que nous aurions à faire. Cependant, il y a encore beaucoup de conversations à tenir à ce sujet.

Notre agence fournit aux territoires et aux provinces une expertise spécialisée et des services de laboratoire. Par exemple, concernant la poussée de HTLV, l'Agence de santé publique a collaboré avec les autorités territoriales en matière de santé dans le cadre de l'enquête, de l'analyse et de la tenue d'essais visant à mieux contrôler ces problèmes. Nous offrons ce genre de soutien.

Il y a clairement un problème au pays, et c'est partiellement pour cette raison que nous avons l'agence et que les provinces et les territoires continuent d'essayer d'investir dans la santé publique. Il y a un problème de capacité. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de gens pour faire tout ce qu'il y a à faire. L'une de nos fonctions au sein du réseau consiste à établir des liens appropriés entre ces gens.

C'est là que nous en sommes. Nous avons manifestement l'intention de donner suite à ces enjeux. Vu la nature de ce projet de loi, je doute qu'on puisse aborder ces enjeux au moyen de cet instrument. Je crains que toute tentative d'enchâsser ces aspects dans le projet de loi n'occasionne des retards supplémentaires. Qui sait, il y aura peut-être une autre élection, et nous reviendrons après un an et demi pour établir l'agence, enchâsser les pouvoirs dans la loi et définir le rôle de l'ACSP, investi d'une fonction double et d'un mandat double.

C'est là que nous en sommes. Nous dialoguons. À mes yeux, il va de soi que certaines choses pourraient se faire plus rapidement. Mais nous sommes résolument déterminés à mener l'initiative à terme.

Le président : À la lumière des témoignages entendus aujourd'hui, comment pourrions-nous améliorer l'entente et la coordination entre ces deux organismes et les gens qu'ils représentent? Y a-t-il des changements que vous aimeriez apporter maintenant? Êtes-vous d'avis que tous ces changements pourraient être apportés par vous-même dans le contexte d'une politique plutôt que dans un contexte législatif ou réglementaire?

Dr Butler-Jones : Puisque ce projet de loi vise tout simplement à établir l'agence, il est difficile d'aborder cette question. Outre les dispositions générales relatives à la promotion de la coopération entre les gouvernements, les personnes intéressées et les organismes, on ne mentionne pas de façon explicite que les provinces et les territoires ont une place. On ne précise pas que le réseau de santé publique est composé de certaines personnes ou de certains organismes.

Ces éléments font partie du cadre et des accords qui nous permettront d'aller de l'avant. Il serait difficile de commencer à nommer toutes ces choses dont il faut tenir compte. Puisqu'il ne s'agit pas d'une loi sur la santé publique, il serait difficile de tenter d'aborder certaines autres choses. Cependant, le projet de loi permet de créer des comités, et il y a le réseau de santé publique, mécanisme permettant de donner suite à ces enjeux.

L'autre aspect important concerne l'établissement de la relation et la mise en valeur continue de cette relation. Il est absolument essentiel d'aller de l'avant à cet égard. Je ne vois dans ce projet de loi aucune disposition permettant de faire cela.

Le projet de loi s'assortit de dispositions selon lesquelles je dois préparer un rapport annuel ainsi que d'autres rapports, lorsque la situation l'indique. La tenue de consultations auprès des Premières nations, des groupes inuits et d'autres groupes, selon le cas, sera fonction de la nature du rapport, car il est possible qu'une telle consultation ne soit pas pertinente. Je crois que nous devrions tenir une conversation continue à cet égard.

Il est clair qu'un rapport relatif aux enjeux qui n'aborde pas de façon spécifique certains enjeux propres aux Premières nations et aux Inuits serait inadéquat. Au bout du compte, du moins, selon le libellé de la disposition, il s'agit d'un rapport non pas du ministre ou d'un secteur particulier, mais bien de l'administrateur en chef de la santé publique.

Le président : Le rapport est soumis au ministre et devient ensuite un document public, n'est-ce pas?

Dr Butler-Jones : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Docteur, je suis certaine que vous m'avez entendu poser des questions au sujet de la composition du conseil. D'ailleurs, on peut lire ce qui suit à l'article 14 :

Le ministre peut constituer des comités consultatifs ou autres en matière de santé publique et en prévoir la composition [...]

Pourriez-vous nous donner une idée de votre structure de fonctionnement actuelle et de la façon dont les Canadiens sont représentés?

Dr Butler-Jones : Cette disposition habilite le ministre à tablir un comité ministériel. Or, à l'heure actuelle, un tel comité n'existe pas. L'article 14 habilite le ministre à établir des comités à cette fin.

Le réseau de santé publique est une création fédérale-provinciale-territoriale. Ainsi, on trouve divers experts au sein des comités, et le conseil du réseau est constitué de représentants FPT. Toutes les administrations — provinciales, territoriales et fédérale — sont représentées au sein de ce conseil, qui relève de la conférence des sous-ministres.

Cette disposition ne concerne ni le réseau de santé publique ni la fonction et l'activité relatives à la santé publique. Elle confère au ministre le pouvoir d'établir un comité.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pouvez-vous nous expliquer de quelle façon le ministère des Affaires indiennes et du Nord est appelé à participer? À quel moment ce ministère est-il représenté?

Dr Butler-Jones : En ce qui concerne les structures FPT et les groupes d'experts, la représentation de ce ministère est fonction de sa contribution au chapitre de l'administration ou de l'expertise. La DGSPNI est notre lien, car elle est responsable des questions de santé concernant les Autochtones, les Premières nations et les Inuits.

Le sénateur Trenholme Counsell : Mais il n'y a aucun représentant direct de cette direction générale auprès de l'agence.

Dr Butler-Jones : C'est exact.

Le sénateur Trenholme Counsell : Selon vous, une telle chose est-elle possible?

Dr Butler-Jones : Cela fait partie de l'exercice visant à déterminer si on devrait nouer des liens officiels ou officieux, et s'il devrait s'agir d'une participation ponctuelle, fondée sur les enjeux. Nous sommes ouverts aux suggestions sur la façon de faire cela.

Le sénateur Fairbairn : À la lumière des témoignages que j'ai entendus aujourd'hui, j'ai l'impression que leur principal problème tient à l'absence de liens officiels et permanents dont jouissent d'autres intervenants à l'égard de questions importantes. Si cela ne tient pas à des dispositions législatives, s'il s'agit de quelque chose qui devrait être prévu dans le cadre d'un système existant, j'espère qu'après l'audience d'aujourd'hui il y aura une place au comité pour les gens qui sont responsables des enjeux en matière de santé touchant leur peuple.

Dr Butler-Jones : Il y a un certain nombre de comités.

Le sénateur Fairbairn : Ils devraient siéger à tous les comités.

Dr Butler-Jones : L'offre est là. Le seul organe à l'égard duquel nous n'exerçons aucun contrôle est le conseil FPT. La décision d'établir un réseau FPT de santé publique avait pour but de faire en sorte que chaque administration — fédérale, provinciale et territoriale — compte un représentant. Si le Sénat veut une telle chose, alors il nous faudrait soumettre l'idée aux ministres de la Santé de partout au pays. Si on voulait affecter un représentant des Autochtones, des Premières nations et des Inuits au conseil du réseau, ce serait possible.

Nous prenons part à des négociations visant à déterminer le meilleur moyen de faire cela, vu la pénurie de personnel, et d'autres problèmes. Nous avons besoin de ce genre d'expertise. Je me suis également engagé à établir une sorte de comité de la santé autochtone — bien que nous ne soyons pas certains de la place qu'il occupera dans la structure d'ensemble — qui aidera à mobiliser les experts de la santé autochtone. C'est quelque chose que je suis habilité à faire. En vertu du projet de loi, on ne peut forcer un mécanisme FPT à accepter de consentir une représentation à un groupe donné.

Le sénateur Fairbairn : Vous faites ce que vous pouvez dans votre domaine.

Le président : Mme Simon demande la parole.

Mme Simon : Dans le cadre de mon exposé, j'ai proposé des amendements au projet de loi C-5. Je tiens à signaler que tous les amendements proposés étaient d'ordre technique et n'avaient d'autre but que de changer une partie du fonctionnement. J'aimerais insister sur un amendement en particulier, car, comme l'a dit Mme Gideon au sujet de la création d'un précédent, ce serait très important pour nous, en raison des difficultés que nous avons connues. Nous vous avons expliqué ces choses.

Cela s'inscrirait dans le deuxième amendement que nous proposons, selon lequel le ministre pourrait établir, en vertu de l'article 14 de la loi proposée, divers comités consultatifs et autres lui permettant de consulter des représentants inuits en vue de déterminer le meilleur moyen d'assurer une participation et une consultation appropriées des Inuits qui siègent au sein de ces comités.

Dr Butler-Jones : Je tiens seulement à préciser que l'article proposé ne parle que d'un comité ministériel. Je suis certain que le ministre voudrait consulter un certain nombre de groupes au moment de déterminer la composition de ce comité. Des sénateurs se sont montrés intéressés à garantir certaines choses à cet égard. Il s'agit non pas du processus FTP, dans le cadre duquel nous ne sommes qu'un intervenant parmi tant d'autres, mais bien d'un comité ministériel. L'article a une portée beaucoup plus limitée, et il prévoit plus d'un comité, mais il peut s'agir d'un seul comité, si c'est ce que veulent le ministre et le gouvernement.

Le président : Je crois que cela met fin à l'audition des témoins. Je vous remercie tous d'avoir participé aujourd'hui. Vous pouvez vous retirer, mais vous avez tout le loisir de demeurer avec nous et d'assister au prochain volet de nos délibérations sur le projet de loi C-5. Un gros merci à Mme Gideon, au Dr Butler-Jones, à Mme Simon, à M. Merritt et à la Dre Barker.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous poursuivons maintenant nos travaux sur la question. Laissez-moi décrire certaines des options qui, selon moi, s'offrent à nous. Il y a relativement peu de temps que j'exerce les fonctions de président, alors il est bien possible que je fasse des erreurs.

D'ordinaire, tel qu'indiqué à l'ordre du jour, nous pourrions procéder à l'examen article par article. Nous pourrions faire cela maintenant. Nous devons faire cela en séance publique, en passant. Si vous envisagez de soumettre des amendements, vous devez vous demander si vous êtes prêts à soumettre une formulation particulière dès maintenant, ou si vous avez besoin de temps pour rédiger vos amendements.

Nous pourrions également nous pencher sur les commentaires, ce qui peut supposer la formulation de recommandations à l'intention du ministre ou de l'Agence de santé publique, sous forme de règles suggérées ou de politiques suggérées, ou les deux. D'après la façon dont j'interprète le Règlement, cet exercice se fait à huis clos.

Nous pourrions également décider de procéder à l'examen article par article en séance publique, si vous n'avez pas l'intention de proposer des amendements, et ensuite nous pourrions passer aux observations à huis clos, ce qui pourrait supposer la formulation de recommandations pertinentes à ce que nous avons entendu ce matin. Nous pourrions aussi commencer par les observations à huis clos et effectuer ensuite l'examen article par article, en séance publique.

Il est maintenant 12 h 25. Normalement, notre séance devrait prendre fin à 12 h 45. Toutefois, on nous a apporté à dîner, alors nous pourrions poursuivre jusqu'à 13 h 15, de sorte qu'il nous resterait 15 minutes pour nous rendre à la chambre du Sénat. Nous pourrions poursuivre jusqu'à 13 h 15 si vous croyez qu'il est possible de finir cela aujourd'hui. Sinon, nous pourrions revenir la semaine prochaine pour terminer les travaux sur la question.

De toute façon, nous devrions tenir une discussion à huis clos; selon le Règlement, ce sont les options qui s'offrent à nous.

Le sénateur Pépin : Je crois que nous devrions poursuivre à huis clos et discuter de ce que nous voulons dire. Nous pourrions passer à l'examen article par article par la suite, mais je crois que nous devrions nous asseoir et nous parler.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je dois vous quitter à 13 heures pour présider un comité. Il me semble, à la lumière du témoignage du Dr Butler-Jones, que les préoccupations soulevées aujourd'hui échappent à la portée du projet de loi. La structure de gouvernance n'est pas définie dans le projet de loi. Le personnel peut me corriger si je me trompe.

À moins qu'on apporte des changements importants au projet de loi, je ne crois pas qu'il soit approprié de dire qu'un groupe donné doit être représenté ou doit faire l'objet d'un rapport ou d'un comité. La Loi canadienne sur la santé et la Loi sur la santé publique soulèvent des enjeux considérables dans notre système de soins de santé, et, à écouter l'administrateur en chef de la santé publique du Canada, je doute qu'on puisse régler ces problèmes au moyen d'amendements du projet de loi.

Le président : Si tout le monde répond rapidement, ça va. Sinon, on pourra en parler à huis clos. Il n'y a pas de réponse facile. Y a-t-il d'autres suggestions sur la façon de procéder? Le sénateur Pépin suggère que nous poursuivions à huis clos pour discuter des observations. Est-ce que tout le monde est d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci beaucoup. Si les sénateurs sont d'accord, le personnel des sénateurs peut rester.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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