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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 2 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 45, afin d'étudier la question du financement du traitement de l'autisme.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Pour les personnes qui écoutent ce comité à la télévision, je ne suis pas Michael Kirby. Le sénateur Kirby a décidé de prendre une retraite anticipée et je préside maintenant le comité. Je suis le sénateur Art Eggleton, de Toronto, Ontario.

Je suis heureux cependant d'avoir encore le mêmevice-président que mon prédécesseur. Le sénateur Keon sera ici sous peu. Ce dernier, ainsi que le sénateur Kirby et les membres du comité ont fait un travail extraordinaire dans le passé, et plus récemment, dans le domaine de la santé mentale, avec le rapport intitulé De l'ombre à la lumière, que je veux continuer à faire avancer, à titre de président, pour qu'il soit adopté par le gouvernement.

J'aimerais également signaler aujourd'hui la présence du sénateur Jim Munson. Ce dernier a présenté une motion au Sénat relativement à l'affaire que nous allons aborder aujourd'hui, soit l'étude du financement du traitement de l'autisme.

Nous aborderons les problèmes liés à l'autisme dans le cadre de diverses séances que nous tiendrons au cours des prochaines semaines, en espérant pouvoir terminer les audiences à l'automne. Je vais présenter une motion au Sénat aujourd'hui, ce qui nous donnera un peu plus de temps pour produire le rapport final.

On nous a demandé un rapport final d'ici la fin de novembre. Cet échéancier est serré, c'est le moins qu'on puisse dire, mais cette motion nous donnera jusqu'à la fin de mai, si bien que nous aurons toute la latitude voulue pour tenir des délibérations, tirer des conclusions et formuler des recommandations après les audiences.

Bien sûr, nous allons aborder d'autres questions, mais notre programme de travail n'est pas encore complètement établi et nous y reviendrons ultérieurement.

Si vous le voulez bien, je vais commencer par le programme de ce matin. Nous entendrons trois témoins qui nous feront part des informations qu'ils ont recueillies sur l'autisme. Comme la session est la première sur le sujet et que certains sont plus versés que d'autres en la matière, il serait bon qu'on nous donne un cours d'autisme 101 ou des notions élémentaires sur l'autisme au cours des témoignages.

D'abord, nous avons Mme Gigi Mandy, Santé Canada;M. Rémi Quirion, Instituts de recherche en santé du Canada; Caroline Weber, Ressources humaines et Développement social Canada.

Nous allons commencer par Gigi Mandy de Santé Canada.

Gigi Mandy, directrice générale intérimaire, Direction des affaires intergouvernementales, Santé Canada : Je suis heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour vous expliquer le rôle du fédéral en matière d'autisme, et plus particulièrement en ce qui concerne le financement des traitements des troubles du spectre de l'autisme.

D'abord, le gouvernement fédéral est conscient des problèmes auxquels sont confrontées les personnes atteintes d'autisme et leurs familles, et des difficultés qu'elles éprouvent pour obtenir du soutien et avoir accès à des services et à des programmes spécialisés. Les troubles du spectre de l'autisme sont à nos yeux une question d'une grande importance.

Bien que les gouvernements provinciaux et territoriaux soient les principaux responsables des questions relatives à l'administration et à la prestation des services de soins de santé, le gouvernement fédéral joue tout de même un rôle en ce qui a trait aux troubles du spectre autistique, par exemple, au chapitre du financement de la recherche, de la prestation de services d'information en ligne et de l'adoption des différentes mesures fiscales.

Sur le plan de la recherche, les Instituts de recherche en santé du Canada, IRSC, sont le principal organisme du gouvernement responsable du financement de la recherche en santé dans le milieu universitaire. M. Rémi Quirion, de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies est ici ce matin pour vous informer de ce que cet institut fait pour soutenir la recherche sur les troubles du spectre de l'autisme.

J'aimerais également mentionner que l'Agence de santé publique du Canada participe aussi à la recherche sur les troubles du spectre de l'autisme par l'entremise de fonds qu'elle fournit aux centres d'excellence pour le bien-être des enfants, plus particulièrement aux centres pour le développement des jeunes enfants et des enfants ayant des besoins spéciaux. L'Agence de santé publique du Canada finance également le Réseau canadien de la santé qui, en collaboration avec des associations et des organismes spécialisés, offre aux clients des services pancanadiens d'information en ligne dans les deux langues officielles, sur divers problèmes de santé comme l'autisme. Si vous avez des questions concernant ces activités, c'est avec plaisir que je veillerai à ce que vous obteniez de plus amples informations.

Ma collègue Caroline Weber, de Ressources humaines et Développement social Canada, abordera dans son exposé certaines des mesures fiscales qui ont été adoptées pour les personnes handicapées et qui sont également offertes aux familles avec des enfants autistiques.

Comme vous le savez, le gouvernement fédéral offre du financement aux provinces et aux territoires pour le soutien de leurs systèmes de soins de santé, par le biais du Transfert canadien en matière de santé. Ce transfert doit, bien sûr, répondre aux exigences de la Loi canadienne sur la santé. Cette loi établit les critères et les conditions en matière de services de santé assurés et de services complémentaires de santé que les provinces et les territoires doivent offrir pour recevoir la part qui leur revient aux termes du Transfert canadien en matière de santé.

L'objectif de la loi est de garantir que tous les résidents admissibles du Canada peuvent avoir un accès raisonnable à des services de santé assurés et payés à l'avance, sans que des frais directs ne soient exigés aux points de service.

Le sénateur Nancy Ruth : Nous a-t-on remis le document que vous lisez? Si c'est le cas, à quelle page sommes-nous? Je vois que certains d'entre nous la cherchent. Le début semblait correspondre à ce que vous disiez.

Mme Mandy : Effectivement, j'ai décidé de passer outre les parties touchant les mesures fiscales, parce que Mme Weber abordera cette question.

Le sénateur Nancy Ruth : Alors à quelle page sommes-nous maintenant?

Mme Mandy : Je ne saurais dire, parce que je travaille à partir d'une version différente. Je peux vous la trouver. Je suis désolée, mais la version que vous avez ne correspond pas à la mienne.

Le président : Les témoins ne sont pas obligés de lire textuellement la documentation qui nous a été remise. Nous ne fonctionnons pas toujours de cette façon. Vous pouvez poursuivre.

Mme Mandy : Je m'en excuse.

Comme je le disais, l'objectif de la Loi canadienne sur la santé est de garantir que tous les résidents canadiens admissibles ont un accès raisonnable aux services de santé assurés et payés à l'avance, sans que des frais directs ne soient exigés aux points de service.

Aux termes du critère d'universalité de la loi, les programmes provinciaux et territoriaux en matière de santé doivent assurer une couverture de l'ensemble des services de soin de santé assurés qui sont définis comme des services médicalement nécessaires, notamment, les services médicaux, les soins hospitaliers et les services de chirurgie dentaire qui doivent obligatoirement être dispensés à l'hôpital. La loi n'énumère pas les conditions d'admissibilité aux soins offerts par les provinces et les territoires ni ne précise dans le détail quels sont les services considérés comme médicalement nécessaires. Elle définit plutôt en termes généraux la gamme ou le panier de services minimaux qui doivent être assurés à l'échelle nationale. Encore une fois, les services assurés doivent répondre à plusieurs critères. Ils doivent être médicalement nécessaires, offerts par un médecin ou dans un hôpital, et, de plus, dans le cas de services de chirurgie dentaire, ils doivent obligatoirement être dispensés à l'hôpital.

Comme vous le savez, les services de thérapie comportementale intensive pour les troubles du spectre de l'autisme ne sont pas couverts par la Loi canadienne sur la santé. Toutefois, rien n'empêche les provinces et les territoires, aux termes de la loi, de financer ces services, s'ils le souhaitent.

À l'échelon provincial et territorial, les enfants et les adultes aux prises avec des troubles du spectre de l'autisme ont accès à une vaste gamme de services et d'avantages. Quant aux thérapies comportementales intensives, comme l'analyse comportementale appliquée, ACA, ou l'intervention comportementale intensive, ICI, les provinces et les territoires peuvent accorder des fonds de diverses façons. Certains ont des programmes subventionnés par l'État. D'autres offrent du soutien aux parents directement, afin de les aider à assumer les coûts de ces services. D'autres encore subventionnent des organismes à but non lucratif qui, en retour, donnent ces services aux parents ou aux personnes atteintes de troubles du spectre de l'autisme. Encore une fois, comme ces services ne sont pas assujettis aux dispositions de la Loi canadienne sur la santé, les provinces et les territoires peuvent offrir ces services selon leurs propres critères.

En plus de ces services, les enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme et leur famille peuvent, selon l'endroit où ils vivent, avoir accès à diverses autres formes de soutien. Ces services peuvent être offerts aux commissions scolaires, par l'entremise du système d'éducation, notamment, dans le cadre des programmes spéciaux pour enfants handicapés, y compris les enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme. De nombreuses provinces ont des consultants spécialisés qui travaillent dans les écoles et auprès des enseignants afin de créer un milieu éducatif positif. Bien des écoles secondaires ont des unités spéciales pour les troubles du spectre de l'autisme qui répondent aux besoins spéciaux de ces élèves, tout en les aidant à s'intégrer au sein de la population étudiante générale. Des services sont également offerts en orthophonie et en ergothérapie. Ces écoles disposent de programmes d'apprentissage pour les enfants ayant des besoins spéciaux, ainsi que des services d'orientation et de consultation.

Sous la rubrique des services sociaux, nous offrons également des services aux parents et aux tuteurs de ces enfants pour leur donner un peu de répit, de même que des programmes récréatifs, des camps d'été de jour et des services de soutien en cas de crise, afin d'aider les familles à composer avec le stress et les crises.

Les provinces et les territoires peuvent également offrir des services d'aide aux adultes atteints d'autisme à différents niveaux, qu'il s'agisse de soutien éducatif postsecondaire, de formation professionnelle, de services de placement, de services de soutien en milieu de travail, de formation pour l'acquisition de compétences sociales et d'aptitudes à la vie quotidienne, de l'établissement de registres de logements abordables, de services de soutien domestique, et cetera.

On m'a demandé de parler des récentes causes soumises devant les tribunaux concernant l'autisme. Des parents d'enfants autistiques ont récemment eu recours aux tribunaux pour obtenir du financement de leur province pour le traitement de troubles du spectre de l'autisme. Ces familles ont eu gain de cause dans une poursuite visant à obtenir du financement de l'État pour des services de thérapie comportementale en Alberta, en 1996. La Cour d'appel de l'Alberta a ordonné à la province de financer 90 p. 100 des coûts des programmes de thérapie comportementale dans cette affaire. En 2004, dans l'affaire Auton, la Colombie-Britannique a eu gain de cause devant la Cour suprême du Canada, qui a renversé les ordonnances des tribunaux inférieurs demandant à la province de financer les services de thérapie ICI.

Dans cette affaire, la Colombie-Britannique a interjeté appel de la décision selon laquelle le défaut d'inclure le traitement par thérapie comportementale intensive pour les enfants autistiques dans son régime d'assurance-santé contrevenait à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (droit à l'égalité) et que ce genre d'infraction ne pouvait être considéré comme une limite raisonnable aux termes du paragraphe 1 de la Charte.

La décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a soulevé bon nombre de problèmes d'ordre juridique et politique pour les gouvernements, notamment en ce qui concerne la capacité de gouvernement de prendre des décisions au sujet des services à financer à même les fonds publics dans le cadre des programmes de santé et de services sociaux, ainsi que l'empiétement dans un secteur habituellement réservé aux législatures. Ces problèmes ont mené sept procureurs généraux provinciaux et le gouvernement fédéral à intervenir devant la Cour suprême pour appuyer la Colombie-Britannique.

Le 19 novembre 2004, la Cour suprême a accueilli le pourvoi de la Colombie-Britannique et elle a rejeté les décisions du tribunal inférieur. Dans une décision unanime, la juge en chef McLachlin a soutenu que le choix de ne pas financer ces services qui, a-t-elle fait remarquer, n'étaient ni des services hospitaliers ni des services médicaux, n'était pas discriminatoire. Elle a souligné que ni la Loi canadienne sur la santé ni les lois provinciales sur la santé de la Colombie- Britannique ne garantissaient le financement de tous les traitements médicaux et que le programme d'assurance-santé de la province était « en soi un programme de santé partiel ».

Toutefois, cette décision a été importante à un autre point de vue, puisque c'est à l'issue de l'affaire Auton que le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis en œuvre une série de mesure visant à offrir un soutien financier pouvant atteindre jusqu'à 20 000 $ par année par enfant autistique de six ans et moins et ensuite un montant de 6 000 $ par pannée pour les enfants de six à dix-huit ans.

Plus tôt cette année, la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Winberg a fait surface. Le problème consistait cette fois à déterminer si le gouvernement de l'Ontario, s'étant engagé à financer ces services sous l'égide d'un programme spécial pour les jeunes enfants du ministère des Services à l'enfance et à la jeunesse, violait les droits des enfants en fixant une limite d'âge à six ans. Le tribunal a statué que la limite d'âge, en fait, ne violait pas les droits des enfants souffrant de troubles du spectre de l'autisme et qu'il s'agissait là du résultat d'un choix politique difficile.

Encore une fois, le tribunal a maintenu le droit de la province de prendre des décisions politiques et financières. Depuis la décision du tribunal, l'Ontario a mis en place un large éventail de nouveaux services de soutien pour les enfants autistes et leur famille, y compris un investissement de 8,6 millions de dollars additionnels pour fournir la thérapie ICI à plus de 120 enfants autistes additionnels, sans égard à leur âge; un investissement additionnel pour la formation d'aides-enseignants qui travaillent avec les élèves autistes; des services de soutien additionnels pour les enfants et les jeunes autistes et leur famille, y compris des réseaux de soutien pour les parents, de la formation, du matériel documentaire et l'accès à des consultations de spécialistes des troubles du spectre autistique, et des fonds additionnels pour aider les jeunes souffrant de troubles du spectre autistique à effectuer une transition réussie vers l'adolescence grâce à des services de soutien comportemental, des services de consultation pour les interventions en situation de crise et pour l'acquisition de mécanismes sociaux.

L'Ontario a réduit de manière significative le nombre d'enfants en attente d'une évaluation de ce trouble.

Depuis la décision dans l'affaire Auton, de nombreux appels demandant au gouvernement fédéral d'amender la Loi canadienne sur la santé pour inclure des services visant à traiter les troubles du spectre de l'autisme jugés médicalement nécessaires aux termes des régimes d'assurance-santé des provinces et des territoires ont été formulés.

Certains services particuliers énoncés dans la Loi canadienne sur la santé seraient incompatibles avec l'ensemble de la structure et l'esprit de la loi. La Loi canadienne sur la santé garantit les services et les traitements médicalement nécessaires, mais comme je l'ai mentionné plus tôt, elle ne définit pas les services et les traitements qui doivent être offerts.

L'ensemble des provinces et des territoires ont des mécanismes en place pour examiner le statut des services de santé. Celles-ci consultent les membres de la profession médicale pour déterminer quels services sont médicalement nécessaires et devraient être couverts aux termes de leurs régimes. Ces consultations se sont avérées efficaces dans le passé pour assurer la prestation de soins appropriés aux Canadiens.

J'espère que ce survol du rôle du gouvernement fédéral par rapport aux troubles du spectre autistique et de la couverture des services de traitement de ces troubles par les provinces a été utile. Je tiens à remercier le comité de m'avoir invitée à me présenter devant lui aujourd'hui.

Le président : Merci, madame Mandy. Je signale également que Mme Mandy est accompagnée de Serge Lafond, directeur intérimaire de la Division de la Loi canadienne sur la santé. Il sera disponible pour répondre à vos questions également pour le compte de Santé Canada.

Rémi Quirion, directeur scientifique, Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, Instituts de recherche en santé du Canada : Je connais bon nombre d'entre vous qui avez travaillé avec le sénateur Kirby et le sénateur Keon sur le dossier de la santé mentale. Je suis impressionné par la composition du comité et j'espère que certaines des recommandations du rapport seront appliquées, et le plus tôt sera le mieux.

Ceci dit, l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies finance, comme vous le savez, la recherche sur l'autisme au Canada. Et cette recherche n'est pas effectuée en vase clos. Elle est réalisée en partenariat avec d'autres IRSC, y compris l'Institut de développement et de la santé des enfants et des adolescents, l'Institut de génétique, l'institut des services et des politiques de la santé et l'Institut de la santé publique et des populations. Nous menons également des recherches en partenariat avec d'autres organismes fédéraux comme Santé Canada et l'Agence de santé publique du Canada. Les provinces y participent également, avec des organismes subventionnaires provinciaux comme le Fonds de la recherche en santé du Québec et des organismes bénévoles du Canada et des États- Unis.

Je pense que l'un des principaux défis en ce qui a trait à l'autisme et aux troubles du spectre de l'autisme, c'est qu'il y a beaucoup d'inconnu. Nous en savons peu sur le processus de la maladie et ce que nous savons n'est pas bien compris. Je pense que la recherche est essentielle au dévoilement du mystère entourant les troubles du spectre de l'autisme et à l'élaboration de normes fondées sur des données probantes, afin de poser des diagnostics rigoureux et d'offrir des traitements efficaces.

Aujourd'hui, je vais donner quelques exemples de travaux de recherche financés par les IRSC et leurs partenaires, et je vous ferai part de quelques réflexions quant au rôle du gouvernement fédéral à cet égard.

Quelles sont les recherches sur l'autisme subventionnées par les IRSC au Canada? En 2005 et 2006, les IRSC ont versé environ 3,5 millions de dollars à la recherche sur l'autisme au Canada. Depuis la création des IRSC en 2000, nous avons ajouté environ 15 millions de dollars à la recherche dans ce domaine. Ces subventions sont accordées à des universités et à des centres hospitaliers universitaires, partout au pays.

Je vais vous citer quelques exemples. Un groupe de l'Université McGill, en partenariat avec l'Université de Montréal, est dirigé par Eric Fombonne, président de la pédopsychiatrie. Son équipe et lui-même ont reçu une subvention des IRSC pour former la prochaine génération de scientifiques. Comme je l'ai dit, nous avons peu de données probantes sur la cause de la maladie et nous manquons également d'expertise dans le domaine.

Ces programmes de formation ne sont pas courants. Lorsque j'ai fait mon doctorat en neurosciences, à l'Université de Sherbrooke, je n'ai abordé qu'un seul thème. Maintenant, dans le cadre du programme de formation offert par le Dr Fombonne et ses collègues, les étudiants travaillent sur la génétique de l'autisme, d'autres travaillent sur les ICI, et d'autres encore travaillent sur l'aspect social de la maladie. Ce qui fait la différence, c'est qu'ils échangent entre eux. Chaque étudiant doit passer deux semaines par année chez une famille qui a un enfant autistique. Les connaissances sont ainsi transmises dans les foyers. Ces étudiants ne travaillent pas seulement sur l'autisme; ils sont en contact avec des cas concrets. Je pense que cette approche est extrêmement efficace. J'espère que la prochaine génération d'experts dans le domaine aura une compréhension plus globale de la maladie, de l'évolution et des traitements de la maladie que ma génération.

Cette initiative qui bénéficie d'une subvention d'environ 2,9 millions de dollars est réalisée en partenariat avec le Fonds de la recherche en santé du Québec et l'organisation bénévole américaine Autism Now.

Le Dr Fombonne vient de lancer un programme de recherche sur l'autisme chez les peuples autochtones. Pourquoi chez les peuples autochtones? Nous n'en avons aucune idée.

Nous devons faire plus de recherche et le Dr Fombonne est l'un des chefs de file à l'échelle mondiale dans ce domaine.

Une autre équipe de l'Université Queen's dirigée parla Dre Jeanette Holden a obtenu une subvention d'équipe des IRSC; l'une est consacrée à la formation, un peu comme celle de Dr Fombonne. La Dre Holden a également obtenu une subvention pour la formation d'une équipe multidisciplinaire qui inclut des familles, des patients et des scientifiques de partout au pays, de la Colombie-Britannique aux Maritimes, et également des États-Unis. L'équipe essaie de comprendre la cause, le bagage génétique et l'impact de la société sur l'incidence de ces troubles.

Une autre équipe de l'Université Queen's dirigée parla Dre Hélène Ouellette-Kuntz a créé une base de données épidémiologiques nationale sur l'étude de l'autisme au Canada appelée la NEDSAC. L'équipe surveille l'occurrence des troubles du spectre de l'autisme chez les enfants de moins de 15 ans qui vivent dans les diverses villes et régions du pays, dont la Colombie-Britannique, l'Alberta, le Manitoba, le sud-ouest de l'Ontario, l'Île-du-Prince-Édouard, Terre- Neuve et le Labrador.

L'équipe a une clinique de diagnostic et les ministères et agences communautaires participent à cette initiative. L'objectif est de déterminer s'il y a vraiment augmentation des troubles du spectre de l'autisme. L'incidence de la maladie s'est-elle accrue au cours de la dernière décennie? Certaines données laissent croire que oui, mais nous devons faire plus de recherche pour déterminer si c'est bien le cas.

Un autre programme a été mis en œuvre sous la direction conjointe du Dr. Steve Scherer, au Sick Children's Hospital de l'Université de Toronto, et du Dr. Peter Szatmari, de l'Université McMaster. Ces chercheurs sont des chefs de file à l'échelle mondiale dans le domaine de l'autisme et des troubles du spectre de l'autisme. Ils travaillent également à l'évaluation de l'efficacité de l'ICI dans le traitement de diverses formes de troubles du spectre de l'autisme — encore une fois, une équipe de calibre international dans ce domaine.

Un autre groupe fait des recherches dans ce domaine à Edmonton, à l'Université de l'Alberta, en partenariat avec Bryan Kolb de l'Université de Lethbridge. Il étudie les interactions entre les marqueurs génétiques et l'environnement, et plus précisément l'environnement social qui pourrait être à l'origine du développement d'un trouble du spectre de l'autisme.

La Dre Susan Bryson, de l'Université Dalhousie, à Halifax, est titulaire de la chaire de recherche Joan et Jack Craig en autisme de cette université. Elle s'intéresse au traitement et aux nouvelles approches de l'autisme et des troubles du spectre de l'autisme. Elle figure également parmi les chefs de file à l'échelle mondiale dans ce domaine.

Ensuite, nous avons l'équipe de Laurent Mottron, de l'Université de Montréal, qui s'intéresse aux adultes autistiques très fonctionnels, et plus précisément à ceux qui sont atteints du syndrome d'Asperger. Le Dr. Mottron fait participer ces patients à son projet de recherche et l'un d'eux fait un doctorat avec lui en ce moment.

D'excellents travaux de recherche sont en cours au Canada et nous avons des chercheurs de réputation internationale ici. Ce ne sont là que quelques exemples des projets qui nous aident à comprendre la cause de la maladie et qui, nous l'espérons, nous permettront d'offrir de meilleurs traitements.

C'est un début. Nous devons faire davantage. Nous n'en savons pas beaucoup sur les troubles du spectre de l'autisme, et cela fait parti des défis que doivent surmonter les familles, les aidants naturels, les professionnels de la santé et des services sociaux et le gouvernement. Trop souvent, encore aujourd'hui, les écoles de pensée ne se fondent pas sur des données probantes. Puis, il y a beaucoup de pression à différents niveaux pour qu'on mette l'accent sur tel ou tel traitement qui n'a pas véritablement fait ses preuves. Il est essentiel que nous fassions de la recherche et notre approche doit se fonder sur des données probantes, avant que nous puissions mettre les politiques appropriées en place.

Bien sûr, le gouvernement fédéral joue un rôle clé dans le domaine de la recherche et les Instituts de recherche en santé du Canada ont à cœur de soutenir la recherche sur l'autisme au Canada ou d'apporter une aide additionnelle.

Nous ne pouvons agir seuls. Les fonds doivent provenir de partenariats avec les provinces et les organismes bénévoles. L'une de nos approches consiste à nous regrouper pour organiser des ateliers avec les organismes bénévoles, afin de mettre en lumière les préoccupations clés des familles, des aidants naturels, des professionnels de la santé et des chercheurs dans un domaine donné. Nous avons fait cela avec la Société canadienne d'autisme il y a cinq ans et nous avons pu établir diverses priorités. Peut-être qu'il serait temps de faire cela à nouveau. Si c'est ce que souhaite la collectivité, nous sommes disposés à le faire.

En conclusion, je vous remercie encore une fois pour tout le travail que vous faites et j'espère qu'en bout de ligne, nos travaux viendront en aide aux personnes atteintes d'autisme au Canada.

Caroline Weber, directrice générale, Bureau de la condition des personnes handicapées, Ressources humaines et Développement social Canada : Merci de me donner cette occasion de m'exprimer devant le comité. C'est toujours un honneur.

[Français]

J'aimerais vous faire part de quelques statistiques à propos des personnes handicapées et des remarques au sujet du rôle du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Je vais rapidement vous faire part de quelques statistiques. Nous effectuons dans le cadre du recensement ce que nous appelons une Enquête sur la participation et les limitations d'activité qui nous fournit des données depuis 2001 sur les personnes avec un handicap. Ces informations me sont toujours très utiles.

En 2001, 12,4 p. 100 de la population canadienne a indiqué vivre avec une limitation fonctionnelle que l'on pourrait appeler un handicap; cela représentait environ 3,6 millions de Canadiens à ce moment-là, dont 1,9 million d'adultes à l'âge actif et environ 181 000 enfants.

À l'examen des différents handicaps signalés, nous constatons que ce sont surtout des problèmes de mobilité et de douleur, suivis de problèmes auditifs, visuels, psychologiques, d'apprentissage, de mémoire, orthophoniques et de développement. Si je décompose ces handicaps en données statistiques, chez les Canadiens de 15 ans et plus, 72 p. 100 des personnes handicapées ont signalé une mobilité réduite; 30 p. 100 ont rapporté un handicap auditif et 17 p. 100 ont signalé une déficience visuelle. Quant aux déficiences développementales, qui englobent l'autisme et les troubles du spectre de l'autisme, le nombre d'adultes canadiens qui en sont atteints est d'environ 4 p. 100.

En revanche, je signale également que le nombre de jeunes atteints de déficiences développementales est beaucoup plus élevé. Trente pour cent des enfants de cinq à quatorze ans ont été déclarés atteints de troubles de développement par leurs familles.

Je n'ai pas apporté de définition de l'autisme. Il est clair qu'il s'agit d'une affection entraînant une incapacité qui entrave la communication et l'interaction sociale, mais le degré d'incapacité peut varier avec le temps et selon bien des facteurs, comme le caractère envahissant du trouble, le stade de développement, l'efficacité du traitement, des interventions, et peut-être l'environnement.

En ce qui concerne le rôle du gouvernement du Canada en matière de soutien des personnes handicapées, en 2004- 2005, celui-ci a investi une somme estimée à 7,6 milliards de dollars en soutien au revenu, en mesures fiscales et en programmes. J'utilise les chiffres de la présente année financière, parce qu'il m'est difficile de ventiler les chiffres de 2005-2006. Nous attendons toujours une année afin de pouvoir déterminer quels sont nos programmes et faire les calculs. Les chiffres pour 2004-2005 sont plus précis.

En 2004-2005, le niveau de financement par rapport aux quelque huit années antérieures a été augmenté de 38 p. 100.

Le rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne les déficiences en général se résume essentiellement à des mesures de soutien au revenu par le biais de mécanismes comme les prestations d'invalidité offertes dans le cadre du Régime de pensions du Canada et le programme de pension d'invalidité d'Anciens combattants Canada. Ces deux programmes à eux seul représentent 71 p. 100 des dépenses du gouvernement fédéral pour venir en aide aux personnes handicapées.

Les mesures fiscales représentent le deuxième plus important investissement du fédéral dans le soutien au revenu pour les personnes avec des handicaps. Nous avons des mesures comme le crédit d'impôt pour personnes handicapées, le crédit d'impôt pour frais médicaux et la Prestation pour enfants handicapés.

Dans le budget 2006, le gouvernement du Canada a introduit de nouvelles mesures pour venir en aide aux familles qui doivent assumer des frais de garde pour les membres de leur famille avec handicaps, y compris ceux qui sont atteints d'autisme. Plus particulièrement, le montant maximum annuel de la Prestation pour enfants handicapés est passé de 2 044 à 2 300 $ en juillet 2006.

L'admissibilité à la prestation pour enfant handicapé a été élargie à compter de juillet également aux familles à revenu moyen et élevé qui ont la responsabilité d'un enfant admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Le montant maximum du supplément remboursable pour frais médicaux a aussi été augmenté, passant de 767 à 1 000 $. Quant au rôle du gouvernement en matière de prestation de services de soutien aux personnes handicapées, celui-ci consiste essentiellement à financer globalement les provinces et les territoires par le biais du Transfert canadien en matière de programmes sociaux et du Transfert canadien en matière de santé. En 2005-2006, ces transferts s'élevaient à plus de 15,5 milliards de dollars.

Il est important de signaler aux fins de votre étude que le gouvernement du Canada n'a pas de stratégie nationale pour le traitement de l'autisme. Sur le plan juridique, les provinces et les territoires sont responsables de la prestation de services de soutien et d'appoint pour les personnes handicapées, y compris celles qui souffrent d'autisme.

Ressources humaines et Développement social Canada n'a pas de programme adressant précisément les besoins des personnes atteintes d'autisme, mais nous avons des programmes qui contribuent à l'avancement des connaissances en général, et parfois des connaissances sur l'autisme. Ces connaissances viennent également en aide aux familles et aux personnes aux prises avec ces problèmes.

Par l'entremise du Programme de partenariats pour le développement social — volet invalidité, qui offre un programme de subventions et des contributions de 11 millions de dollars par année, nous finançons des organismes nationaux de personnes handicapées sans but lucratif qui touchent l'ensemble des déficiences et qui sont activement engagés à représenter leurs besoins et leurs préoccupations. Ce programme, en parallèle avec les organismes qu'il soutient, vise à favoriser la participation des personnes handicapées à la vie communautaire.

Par l'entremise de ce fonds, nous appuyons la Société canadienne d'autisme, un organisme à l'échelle nationale qui cherche à trouver des solutions aux problèmes communs à l'ensemble des sociétés autistiques provinciales et territorialesqui apportent un soutien direct aux personnes et aux familles touchées par les troubles du spectre de l'autisme. Depuis 1999, la Société canadienne d'autisme reçoit de nous une subventionde 65 000 $ par année pour venir en aide aux organisations aux chapitres de la gouvernance, de l'élaboration de politiques et de programmes, de la sensibilisation communautaire, de l'administration et de la gestion organisationnelle. L'organisme a également reçu en 2003 une subvention additionnelle de 20 000 $ pour la publication d'un livre blanc qui propose un plan stratégique pour l'élaboration et la mise en œuvre d'un programme sur l'autisme.

Un autre organisme, la Fondation Miriam, a obtenu 157 000 $ entre 2002 et 2004 du Programme de partenariats pour le développement social, afin de créer un centre d'apprentissage pour l'autisme et la déficience développementale. Ce projet a donné naissance à un centre de formation qui encourage les pratiques exemplaires, assure la prestation de services et favorise l'inclusion sociale, l'intégration et la participation de personnes atteintes d'autisme et de déficience développementale. Actuellement, la Fondation Miriam reçoit 37 570 $ pour améliorer la communication et partager l'information entre les divers organismes, institutions et groupes, partout au pays.

Un autre projet semble intéressant, à la lumière des remarques du Dr Quirion sur les incertitudes entourant l'efficacité des traitements. Par l'entremise du Programme de partenariats pour le développement social — un projet de plus grande envergure qui a obtenu 11 millions de dollars de financement, sans le volet invalidité — des fonds ont été versés à l'Association des Sourds du Canada afin d'utiliser le langage gestuel comme outil pour aider les enfants qui ont des déficiences affectant la communication à mieux s'intégrer à la société. Les responsables de ce projet ont examiné comment le langage des signes pouvait servir d'outil de communication à la fois pour les personnes sourdes et les enfants qui entendent bien, y compris les enfants autistiques. Au terme de cette étude, les chercheurs ont conclu que cette approche avait énormément de potentiel et ils ont distribué du matériel visant à promouvoir le langage gestuel comme moyen possible d'améliorer la communication et de transmettre des aptitudes à communiquer aux enfants autistiques. Je pense que ce projet est vraiment intéressant. Les responsables de ce projet se sont penchés sur une difficulté particulière d'un groupe de personnes handicapés en utilisant le langage gestuel comme moyen de communication et, ce faisant, ils ont constaté qu'il pouvait servir à un autre groupe dont le handicap nuit à leur capacité de communiquer. Je pense que c'est un projet innovateur.

Nous avons divers autres programmes, comme le Fonds d'intégration pour les personnes handicapées conçu pour aider ces personnes à se trouver un emploi et à le préserver. Ce programme ne vise pas précisément les personnes autistiques ou atteintes des troubles du spectre de l'autisme, mais celles-ci peuvent s'en prévaloir. Les personnes qui souhaitent avoir accès à ce programme s'auto-identifient tout simplement, sans devoir fournir de certificat médical. Elles peuvent se présenter à un centre de service, dire qu'elles ont un handicap et qu'elles ont besoin d'aide.

Nous offrons également du financement aux provinces pour soutenir des programmes et des services admissibles aux handicapés par le biais des ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées. Comme ce sont les provinces qui établissent ces programmes et ces services, ils diffèrent d'une région à l'autre du pays, mais, de façon générale, les personnes handicapées peuvent s'en prévaloir.

Je veux remercier le comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui et il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Je remercie tous les témoins de leur exposé. Je vais maintenant demander aux sénateurs d'engager le dialogue et de vous soumettre leurs questions. Nous commencerons avec le sénateur Munson qui a proposé de débattre de cette question devant le Sénat.

Le sénateur Munson : Je vous souhaite la bienvenue au comité. À mon avis, les familles qui ont des enfants autistiques sont actuellement en situation de crise. D'après les données de Statistique Canada, un Canadien sur 450 est autistique au pays et les statistiques de la Société canadienne d'autisme et d'autres organismes révèlent qu'un jeune canadien sur 190 en serait atteint. L'autisme est encore aujourd'hui un mystère. Quand nous aurons fini de parler et d'écouter les témoignages sur ce qui se fait dans le domaine de la recherche médicale — ce qui est très bien en soi —, le pays comptera un enfant autistique de plus.

À mon avis, les questions entourant l'autisme devraient transcender les domaines. Les règles ne sont pas équitables dans ce pays et les traitements diffèrent d'une province à l'autre. Nous avons une Stratégie canadienne sur le diabète, une Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, une Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida, une Stratégie canadienne antidrogue, un Programme canadien de nutrition prénatale et un Programme d'action communautaire pour les enfants. Ce qui m'amène à la nécessité de mettre une stratégie nationale en place sur l'autisme. Comment faire? Je ne le sais pas.

J'aimerais demander aux témoins si, à leur avis, le gouvernement fédéral ne devrait pas adopter une stratégie nationale à cet égard, s'il ne devrait pas regrouper les provinces et les territoires autour d'une même table pour élaborer cette stratégie. Cette initiative pourrait peut-être bénéficier d'une enveloppe de Santé Canada qui serait consacrée exclusivement au traitement de l'autisme. J'invite les témoins à répondre dans l'ordre qu'ils préfèrent.

Mme Mandy : Le gouvernement fédéral reconnaît l'importance de la question entourant l'élaboration d'une stratégie nationale sur l'autisme. Toutefois, nous devons reconnaître que ce n'est qu'une importante question parmi tant d'autres. Si nous parlons de troubles développementaux, l'autisme n'est que l'un parmi tant d'autres. Comment délimiter les domaines et déterminer l'envergure d'une stratégie nationale? Les groupes d'autistes et de parents d'enfants autistiques sont bien organisés. Les parents savent se faire entendre et ils ont fait beaucoup de lobbying dans diverses poursuites devant les tribunaux. Toutefois, ce succès démontre-t-il, comme le veut le proverbe anglais, que la roue qui grince obtient l'huile? D'autres troubles développementaux qui ne font pas partie des troubles du spectre de l'autisme posent les mêmes types de difficultés aux enfants et à leurs familles. Comment peut-on délimiter les frontières?

M. Quirion : Je reconnais qu'il y a une crise et que les gouvernements et les familles doivent essayer de se regrouper pour trouver une solution.

Les chiffres sont significatifs : un Canadien sur 400 et un Canadien sur 200. C'est beaucoup et nous n'avons effectivement aucune stratégie nationale.

Si je m'arrête à la situation de la santé mentale quelques minutes, force est de constater qu'aucune stratégie nationale n'a encore été adoptée. D'après les statistiques, une personne sur cinq est atteinte. C'est dramatique.

Oui, nous devons faire quelque chose, mais que faire? Faut-il adopter une stratégie nationale? Y aurait-il moyen de nous attaquer au problème autrement? Je ne suis pas sûr. Par contre, je sais que d'autres domaines, comme la déficience mentale et la santé mentale, sont également en situation de crise.

Mme Weber : Au Bureau de la condition des personnes handicapées, nous avons tendance à regarder ces choses avec du recul. Ainsi, nous ne recommanderions pas une stratégie particulière pour une situation ou un trouble particulier. Nous aurions plutôt tendance à recommander une stratégie plus générale pour une catégorie de problèmes. Je le répète, les troubles du développement représentent encore une faible proportion de l'ensemble des problèmes que nous rencontrons. Il est possible qu'ils augmentent de manière substantielle.

Certaines définitions des questions que nous soulevons sont récentes. Je ne suis pas au courant, n'étant ni une chercheuse ni un scientifique, mais je sais que la définition du syndrome d'Asperger, par exemple, d'après le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ne remonte qu'à 1995.

Je ne sais pas si l'augmentation de ces troubles est due à une hausse de l'incidence ou à une amélioration de la capacité de les diagnostiquer et de les détecter. Je pense parfois que bon nombre de ces personnes qui ont été diagnostiquées sont des personnes tout simplement différentes. Nous sommes maintenant mieux en mesure de les catégoriser et de les classifier.

Je sais que l'incidence des enfants autistiques chez les diplômés de l'Institut de technologie du Massachusetts qui se marient entre eux tend à être plus élevée que dans le reste de la population.

Je sais également que les approches du problème diffèrent considérablement selon les gouvernements. Une personne qui a besoin d'un fauteuil roulant dans telle ou telle province — je n'ai pas toutes les règles en tête, n'ayant pas de fauteuil roulant, mais nos intervenants essaient de nous informer.

Je vais vous donner l'exemple d'une enseignante du Manitoba qui a voulu prendre un congé sabbatique d'un an en Alberta. La province du Manitoba lui a alors réclamé son fauteuil roulant, arguant qu'elle en était propriétaire. L'enseignante a finalement été obligée de rapporter son fauteuil roulant.

Les fauteuils roulant font partie de l'équipement individualisé. Certaines provinces laissent au destinataire le choix du fauteuil roulant, d'autres ne vous laisseront jamais acheter le fauteuil roulant de votre choix et d'autres encore vous diront qu'ils vous achèteront un fauteuil roulant seulement si vous êtes sur l'assistance sociale — et vous aurez le choix entre trois modèles, alors qu'il en existe 200.

Les services offerts aux personnes handicapés varient énormément d'un endroit à l'autre au Canada et l'autisme en est un bon exemple.

Le sénateur Munson : Il y a beaucoup de confusion dans tout cela. Prenons la province de l'Alberta que vous avez mentionnée, par exemple. Nous y étions il y a peu de temps, lors d'une réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Certaines personnes autistiques de différentes régions du pays se sont installées en Alberta, croyant qu'elles y obtiendraient de meilleurs services. Eh bien, nous avons constaté qu'elles devaient sonner à bien des portes et franchir bien des étapes avant de recevoir des traitements.

Je reviens sur la nécessité d'une stratégie nationale et j'espère, en tant que membre du comité, que nous parviendrons à un consensus.

Aux États-Unis, le Sénat a récemment adopté à l'unanimité un projet de loi visant à combattre l'autisme aux termes duquel 920 millions de dollars ont été versés au traitement, à l'éducation et à la recherche sur l'autisme. Comment nous comparons-cous par rapport à ce pays?

Je vois que nous consacrons beaucoup d'argent à la recherche, et je pense que c'est louable. C'est merveilleux de voir cela, mais si nous faisons le total de ce que nous payons par rapport aux provinces, qu'en est-il?

M. Quirion : Je n'ai pas les chiffres, mais pour ce qui est des troubles du cerveau en général — ils varient considérablement — nous nous situons bien en dessous de la moyenne des États-Unis. Ces troubles incluent l'autisme, mais ils comprennent également la schizophrénie et la dépression.

Les États-Unis, contrairement à nous, ont adopté une stratégie nationale depuis de nombreuses années en matière de santé mentale. Les investissements qu'ils font actuellement dans la recherche sur l'autisme et les services de soutien aux enfants autistiques sont considérables. Nous pourrions peut-être tirer des leçons de cela.

Le sénateur Munson : Je suis entièrement d'accord. Vous avez parlé d'avantages fiscaux et de mesures d'allégement du fardeau fiscal aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Vous avez parlé du crédit d'impôt pour frais médicaux et du crédit d'impôt pour personnes handicapées.

Pouvez-vous nous dire si les familles qui ont des enfants autistiques peuvent réclamer ces mesures d'allégement du fardeau fiscal. Est-ce que ces mesures s'appliquent aux thérapies ACA et ICI?

Mme Weber : J'essaie toujours de renvoyer ces questions aux finances. Je peux vous fournir une liste complète des crédits d'impôt offerts pour les personnes handicapées et vous donner une définition des critères d'admissibilité, si cela peut vous être utile.

Je pense bien qu'il est possible de réclamer ces mesures d'allégement fiscal. Mais je vais m'en assurer et je pourrai vous fournir des informations précises à ce sujet.

Le sénateur Pépin : Vous avez mentionné plus tôt que le remboursement de taxe est passé de 700 $ à 1 000 $. Quel devrait être le montant du remboursement de taxe? Quand on sait combien coûte un traitement, 1 000 $, ce n'est rien.

Mme Weber : Vous avez tout à fait raison. J'ai essayé de vous donner des chiffres précis sur trois crédits d'impôts seulement qui ont été modifiés, mais je le répète, il y en a d'autres.

Il y a le crédit d'impôt pour personnes handicapées, la prestation pour enfants handicapés, qui est de près de 200 $ par mois, jusqu'à concurrence de 2 300 $. La liste est longue et je crois qu'il serait préférable, pour votre information, de vous fournir la liste complète. Il y a huit différentes mesures fiscales et je peux vous fournir les critères d'admissibilité à ces mesures. Je n'en ai mentionné que trois dans mon exposé.

Le sénateur Pépin : Si une personne a des enfants souffrant de dyslexie et de déficit d'attention, le gouvernement fédéral n'offre aucun crédit d'impôt pour ce genre de troubles, et même les consultations et les traitements ne sont pas payés par le gouvernement. Au Québec, en revanche, ils sont payés.

[Français]

C'est ainsi au Québec. Je ne veux pas faire de comparaison entre les deux maladies, mais les parents disent devoir payer des consultations mais ne peuvent pas les déduire de l'impôt.

Mme Weber : Je sais qu'il y a une différence entre le système d'impôt du Québec et celui du gouvernement fédéral, mais je ne la connais pas.

Le sénateur Pépin : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné tous ces crédits d'impôt. J'aimerais savoir s'ils allègent vraiment le fardeau financier des familles qui ont un enfant autiste.

Mme Weber : Je n'ai pas analysé les coûts liés au traitement d'une enfant autistique, mais je crois qu'ils sont extrêmement coûteux lorsqu'il s'agit d'autisme profond. Ces crédits d'impôt ne vont probablement pas assez loin, compte tenu des coûts qu'ils représentent.

Ce qu'il faut retenir également, bien sûr, c'est que ces avantages sont généralement proportionnels au revenu. La réalité n'est pas la même pour les personnes à faible revenu ou qui bénéficient de l'aide sociale.

Ceci dit, il existe un large éventail de troubles du spectre de l'autisme. Je pense qu'il faudrait une analyse exhaustive pour déterminer ce que les gens dépensent ou ce qu'il en coûte pour le traitement de cette maladie.

Le sénateur Cochrane : On réclame du gouvernement fédéral qu'il amende la Loi canadienne sur la santé afin que soient offerts les traitements jugés médicalement nécessaires aux personnes qui souffrent des troubles du spectre de l'autisme.

Mais comment établir ces allègements fiscaux et quels sont les services « médicalement nécessaires »? Comment une famille peut-elle appliquer le terme « médicalement nécessaire » aux allègements fiscaux? Posera-t-on des questions à n'en plus finir aux parents. Monsieur Lafond, vous êtes de Santé Canada.

M. Lafond : Effectivement.

Le sénateur Cochrane : Le terme « médicalement nécessaire » me fatigue vraiment. Ce qui importe, c'est de venir en aide aux familles.

M. Lafond : Je suis d'accord avec vous. L'expression « nécessité médicale », que ce soit dans les lois fédérales ou même dans les lois provinciales, n'est pas toujours facile à définir. On ne trouve pas de bonne définition de cette expression nulle part. On n'en trouve pas non plus dans les lois fédérales. Nous nous en remettons généralement aux provinces. En fait, l'expression « nécessité médicale » ne devrait être définie ni par un gouvernement ni par bailleur de fonds, mais dans un processus de collaboration entre le gouvernement et les professionnels de la santé. C'est ainsi qu'il faudrait procéder. Cette expression n'est pas facile à définir. Je suis d'accord avec vous que lorsqu'il s'agit de services particuliers comme le traitement de l'autisme, il peut être encore plus difficile de la définir, parce qu'il faut parfois composer avec des situations qui ne relèvent pas clairement de la médecine. Des enjeux sociaux peuvent entrer en ligne de compte.

Le sénateur Cochrane : Comment ces allègements fiscaux seront-ils accordés aux parents?

Mme Weber : Encore une fois, je ne travaille pas au ministère des Finances, alors je ne peux répondre avec précision à vos questions, mais pour certaines choses, les dépenses médicales, par exemple, il suffit de présenter la prescription ou le reçu pour le matériel ou les fournitures qui nécessitent généralement une prescription d'un médecin.

Je peux vous parler des critères d'admissibilité. La « nécessité médicale » dans le contexte de la Loi canadienne sur la santé n'est pas interprétée de la même manière que dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous nous donner des chiffres?

Mme Weber : Je peux vous donner un tableau illustrant les avantages fiscaux et les définitions des critères d'admissibilité aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Cochrane : Comme l'a précisé le sénateur Munson, il n'y a actuellement aucun programme national de financement des traitements de l'autisme, plus particulièrement en ce qui concerne l'analyse comportementale appliquée, ACA, et l'intervention comportementale intensive, ICI, bien que la plupart des provinces et des territoires offrent du financement pour ces thérapies. Je connais personnellement une famille de la Colombie-Britannique avec deux petits garçons autistiques qui, aux dires de celle-ci, l'ACA a changé leurs vies.

La province finance une partie — 20 000 $ — de la dispendieuse thérapie, et la famille assume le reste.

Pouvez-vous nous donner une idée des coûts annuels associés à ces thérapies?

Mme Mandy : Nous en avons une idée, mais cela dépend des besoins de l'enfant et de la sévérité de l'affection. Les coûts peuvent être de plus de 50 000 $ par année si, par exemple, l'enfant reçoit 40 heures par semaine d'une thérapie comportementale intensive du type que vous avez décrite. Mais je ne peux vous donner plus de détails.

Le président : On dit que ces thérapies coûtent en moyenne 60 000 $.

Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous comparer les programmes offerts entre les provinces et territoires et nous dire en quoi ils diffèrent?

Mme Mandy : Je ne peux pas vous en parler dans le détail. Nous avons recueilli des informations là-dessus. Je n'ai pas tous les détails à portée de main, mais c'est avec plaisir que nous vous ferons parvenir ce que nous avons recueilli et ce que nous savons au sujet de ces programmes.

Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous nous donner des informations pour chaque province?

Mme Mandy : Nous avons fait des recherches et nous avons produit un document dans lequel nous avons dressé la liste des services offerts dans chaque province.

Le sénateur Cochrane : Ce document pourrait nous être utile.

Mme Mandy : Nous vous fournirons ces renseignements avec plaisir.

Le sénateur Cochrane : Les modèles sont importants. Y a-t-il une province qui se démarque par rapport à une autre au chapitre de la prestation de traitements et de services de soutien aux personnes autistiques? Avez-vous un modèle qui fonctionne bien, que nous pourrions mettre à profit et utiliser comme exemple?

Mme Mandy : Les approches diffèrent d'une province à une autre. Certains considèrent la province de l'Alberta comme un modèle. Comme je l'ai dit, une décision a été prise par un tribunal de cette province, en 1996, l'obligeant à financer ces services. Depuis cette décision, on peut considérer que l'Alberta a pris une longueur d'avance dans le domaine de la conception de programmes. Mais je ne sais pas si leurs programmes sont les meilleurs ou les plus efficaces.

Le sénateur Cochrane : Dans ma province, nous offrons depuis un certain nombre d'années un programme qui prévoit une assistance et des activités effectuées individuellement avec l'enfant, mais je ne sais pas si ce programme donne de bons résultats. Ce serait intéressant d'obtenir des informations à ce sujet.

Avez-vous une idée du nombre du nombre d'enfants qui ont accès à des thérapies dans chaque province?

Vous ne le savez pas.

Combien d'enfants n'ont pas accès à ces thérapies? Voilà une autre de mes préoccupations. Y a-t-il un mouvement en vue d'aider les parents actuellement?

Personne ne peut répondre à cette question.

Le président : Les informations additionnelles que demande le sénateur Cochrane sont vraiment pertinentes. J'aimerais que vous lui transmettiez toutes les informations qu'il vous est possible de lui fournir.

Le sénateur Callbeck : Je m'interroge à propos des listes d'attente. Quelqu'un a demandé s'il y a de longues listes d'attente et si la situation à cet égard diffère d'une province à l'autre.

A-t-on suffisamment de spécialistes de l'autisme en mesure d'offrir des traitements? Et quelle formation doivent-ils suivre avant de devenir des spécialistes de l'autisme? Quelle est la durée de la formation pour devenir un spécialiste? Avez-vous des informations à ce sujet?

M. Quirion : Encore une fois, ce n'est pas facile de répondre à ces questions. Il n'y a pas de lignes directrices nationales, alors cela dépend de chaque province. Dans bien des cas, il faut une formation additionnelle après avoir suivi un cours particulier pour devenir un spécialiste. Il faut travailler avec un médecin et son équipe pour connaître les divers traitements offerts. Encore une fois, tous les spécialistes ne sont pas d'accord sur l'efficacité des traitements offerts individuellement aux enfants. Selon l'enfant, certaines approches peuvent fonctionner mieux que d'autres. Il nous faut recueillir encore beaucoup de données probantes. Malheureusement, nous ne les avons pas encore. Nous devons donner de la formation à plus de gens, du moins au Québec.

Le sénateur Callbeck : La formation peut être différente d'une province à une autre?

M. Quirion : Effectivement.

Le sénateur Callbeck : N'y a-t-il pas de normes?

M. Quirion : À l'intérieur même de la province de Québec, le réseau de l'Université McGill de Montréal a une approche différente du réseau de la ville de Québec.

Le sénateur Callbeck : Cette formation dure combien de temps?

M. Quirion : À Montréal, elle dure environ un an. Pour ce qui est des autres provinces, je ne le sais pas.

Le sénateur Callbeck : Y a-t-il vraiment une pénurie de ces spécialistes au Canada?

M. Quirion : Je crois que oui. Il y a une pénurie au Québec et je pense que c'est également le cas dans les autres provinces canadiennes.

[Français]

Le sénateur Champagne : Depuis que je sais que nous allons étudier ce problème, j'ai porté plus attention à ce qu'on peut lire ou voir à la télévision à ce sujet. Au cours des dernières semaines, j'ai vu quatre reportages différents, soit deux provenant des États-Unis, un du Canada et un sur la chaîne TV5, où on parlait des différents moyens d'aider les jeunes qui souffrent d'autisme. Dans les quatre reportages, on prenait une optique différente.

Quelles que soient les sommes faramineuses que l'on investisse, le domaine de la recherche est sans doute celui qui mériterait le plus cet argent dans le but de trouver un remède. En s'y prenant chacun à sa façon sans arriver à des résultats probants ne mène nulle part. Alors que faire, à votre avis?

M. Quirion : Je suis d'accord que nous faisons face à un défi. Comme le sénateur Munson le mentionnait, plusieurs familles d'enfants autistiques souffrent. Malheureusement, il est encore très tôt, en terme de recherche, pour dire qu'une approche est plus efficace qu'une autre avec certains types d'enfants autistes. Il manque encore beaucoup d'information.

[Traduction]

Il n'y a pas de règle d'or, qu'on le veuille ou non. Nous devons en savoir plus sur ce qui fonctionne bien pour un type d'enfant par rapport à un autre. Aux États-Unis, il est fréquent que des organismes bénévoles comme Cure Autism Now, Autism Speaks, et cetera, soient mis en place par un membre de la famille. Ces organismes croient en une façon de traiter les enfants. Le traitement a peut-être fonctionné pour leurs enfants, mais il ne fonctionnera pas nécessairement pour les autres. C'est donc là un défi de taille pour les spécialistes de ce domaine. Nous n'avons pas de règle d'or. C'est malheureux, mais c'est la réalité.

Le sénateur Keon : Dans ce même ordre d'idées, monsieur Quirion, dans une autre vie, j'ai longtemps dressé des listes de médicaments et de procédures aux fins de paiement. Tout ce qu'il nous fallait, c'était des données probantes. Ce qui me préoccupe dans le cas de l'autisme, c'est que la maladie n'a pas encore été définie, qu'elle n'est pas au stade de la maturité ni sur le plan scientifique ni sur le plan épidémiologique ni sur le plan des essais cliniques. Nous ne sommes pas en mesure de dire qu'une approche est efficace dans telle ou telle circonstance.

Cela me ramène à la Loi canadienne sur la santé. Il faudrait que nous puissions aller dans les provinces et dire qu'effectivement, tel ou tel service est essentiel, que l'Ontario doit dresser telle ou telle liste et payer pour ce qui y est inscrit.

Ce qui importe pour le moment, c'est de savoir où nous en sommes avec ce processus. Monsieur Lafond, vous pourriez peut-être lancer le débat. Monsieur Quirion, vous avez les connaissances scientifiques par l'entremise de votre institut, alors vous pourriez peut-être nous aider également, et les autres pourraient peut-être se joindre au mouvement.

M. Lafond : Vous soulevez un point important ici. Avant de dresser des listes, il faut décider des services qui seront offerts, et ce, dans le respect des paramètres d'un programme national ou provincial universel. Nous avons besoin de données probantes et d'une bonne compréhension des critères et de ce qui se produira. Nous devons savoir si nous sommes en mesure d'offrir ces services, si les ressources sont disponibles, si les ressources humaines sont là et si les programmes de traitement peuvent être mis en œuvre. Voilà le défi que les provinces doivent relever. En ce qui nous concerne, au niveau fédéral, nous ne négocions généralement pas ces services avec les provinces. Cela n'a jamais été dans l'esprit de la Loi canadienne sur la santé, depuis son adoption en 1984, de déterminer si des services particuliers devaient être offerts et de dire ensuite aux provinces qu'elles devraient assumer les coûts de ces services. Ces décisions doivent être prises au niveau provincial, je le répète, en collaboration avec les intervenants, les professionnels, les médecins et d'autres professionnels de la santé.

Dans ce cas-ci, d'autres recherches doivent être menées pour obtenir des données probantes et le gouvernement fédéral essaie d'y apporter son soutien. Je ne sais pas si les provinces sont en mesure de prendre cette décision à ce stade-ci. Je pense qu'elles offrent des services selon leurs propres critères. C'est ce que nous constatons. Éventuellement, nous arriverons peut-être à une approche plus uniforme.

Mme Mandy : Certaines provinces offrent des services sous l'égide du ministère de la Santé, tandis que d'autres offrent ces services par l'entremise d'autres ministères provinciaux comme les Services sociaux, la Famille ou les Services à l'enfance. Cela témoigne de la nature même de ces services qui ne sont, ainsi que je l'ai dit, ni des services médicaux ni des services hospitaliers. Des programmes de formation et de soutien de toutes sortes sont offerts pour l'acquisition de compétences sociales et il est difficile de classer ces services particuliers. Les provinces ont eu des choix difficiles à faire pour déterminer quels ministères allaient offrir ces services.

M. Quirion : J'insiste sur le fait que nous n'avons pas encore suffisamment de données probantes, ainsi que vous l'avez mentionné. Nous voulons faire quelque chose et vous le souhaitez également. Bien sûr, le fait d'avoir un enfant autistique est traumatisant pour les familles. Malheureusement, la recherche exige souvent beaucoup de temps. Nous devons faire de la recherche et fournir des données probantes.

Nous pourrions organiser des ateliers sur la question dans les mois à venir. Vous rencontrerez certainement de nombreux experts. Ces ateliers pourraient inclure des organisations bénévoles canadiennes et des spécialistes de renom de l'Université McGill, l'Université de Montréal et l'Université McMaster. Nous pourrions regrouper ces personnes afin qu'elles discutent dans le détail de la validité des thérapies comportementales, des conditions nécessaires à leur bon fonctionnement et du type d'enfants qui réagit bien à ces thérapies et des circonstances où elles peuvent être dommageables. Des adultes aux prises avec des troubles du spectre de l'autisme croient que ces traitements peuvent dans certains cas faire du tort. Ces témoignages sont peut-être rares, mais il faut en tenir compte. Si vous pouviez obtenir l'avis d'experts qui en savent davantage sur ces questions, de véritables spécialistes qui travaillent avec ces enfants en permanence, cela enrichirait certainement vos délibérations.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je pense qu'on manque de preuves pour prouver l'efficacité de certains traitements et pour déterminer lequel convient le mieux aux enfants, selon leur âge. Nous retrouvons le même problème chez les adultes. Cependant, si on a la preuve de l'efficacité de certains traitements, peut-on comparer cela par rapport aux coûts, à savoir combien d'argent les gouvernements devraient octroyer et est-ce qu'on serait capable de balancer les deux?

M. Quirion : Si on avait les preuves, que, par exemple,le traitement « A » fonctionne très bien dans telles conditions et on obtient de bons résultats, il serait peut-être plus facile de convaincre les provinces. On pourrait évaluer ce que ce traitement coûterait, si par exemple la somme est de 60 000 dollars par an, par enfant, en bout de ligne on améliore énormément la qualité de vie de l'enfant et de sa famille. De plus, on épargne des coûts associés aux services de santé qui surviendraient plus tard dans la vie. On pourrait avoir plus de données probantes. Présentement, je pense qu'on ne les a pas.

Le sénateur Pépin : Est-ce à cause d'un manque de perspective, d'un manque de fonds ou de personnel?

M. Quirion : C'est un peu comme en santé mentale ou pour d'autres maladies neurologiques comme les maladies du cerveau. On ne fait que commencer à comprendre comment fonctionne notre cerveau. C'est une boîte fabuleuse, mais on est encore tôt dans notre connaissance de l'autisme et des maladies associées à l'autisme. On voudrait aller beaucoup plus vite. L'incidence semble augmenter d'après certaines données épidémiologiques. Il faut faire quelque chose, mais on manque de données.

Le sénateur Pépin : Cela veut dire qu'il faut donner davantage d'argent du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux. Vous avez mentionné dans votre présentation qu'il y avait un bagage génétique. Actuellement, vous en êtes encore au début de la recherche. Tantôt, une de vos collègues a mentionné que deux personnes de la même université, qui se sont mariées, ont eu des enfants autistes. Est-ce qu'on en sait suffisamment pour dire que les cas sont concentrés plus dans une certaine région, ou certaines villes, ou faut-il encore faire de la recherche?

M. Quirion : Il faut faire attention, c'est encore tôt. Il y a plusieurs différences, il y a un spectre, mais certaines évidences semblent suggérer que l'incidence est un peu plus importante chez deux personnes ayant un QI très élevé. Pourquoi? On ne le sait pas.

Le sénateur Pépin : Il faut alors continuer à vous donner les moyens de poursuivre vos recherches.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Monsieur Quirion, j'aimerais revenir sur votre proposition. L'idée d'organiser un atelier est bonne.Seriez-vous en mesure de l'organiser et de regrouper tous ces gens à Ottawa, afin qu'ils puissent échanger sur ces questions? C'est vraiment urgent.

M. Quirion : Nous pourrions l'organiser avec votre aide et votre soutien. Il faudra certainement la participation d'organisations bénévoles. Nous ne travaillons généralement pas seuls; nous avons besoin de la collaboration des gens de la base. J'en ai parlé aux responsables de la Société canadienne d'autisme il y a un mois. Je suis convaincu qu'ils seront intéressés à s'associer à cette initiative.

Le président : Cela pourrait nous être utile. Nous entendrons certainement parler des personnes que M. Quirion a mentionnées de toute façon. Ce serait peut-être une bonne idée de procéder ainsi.

Le sénateur Fairbairn : Je suis content que vous soyez ici aujourd'hui et que notre rencontre soit télévisée. Les gens écoutent. Bien des Canadiens ne sont pas au courant de ce problème et ils peuvent difficilement en saisir la portée.

Nos délibérations aujourd'hui se résument à deux grandes interrogations : le gouvernement fédéral devrait-il prendre la décision d'offrir le traitement à tous les enfants du pays qui en ont besoin? Et, le cas échéant, avons-nous une idée des coûts que ce traitement représenterait?

Les professionnels de la santé doivent participer à ce débat. Cette question est incroyablement complexe, non seulement pour nous, mais pour les gens de la profession médicale également. Si nous tous, en tant que citoyens de ce pays, décidions de mettre en œuvre un programme à l'échelle nationale, aurions-nous les spécialistes, les thérapeutes nécessaires à sa mise en œuvre? Aurions-nous le personnel nécessaire pour l'appliquer?

Combien de temps faudrait-il à un thérapeute spécialisé pour traiter cette maladie? Quelle serait la durée de la formation médicale nécessaire à l'administration de ce traitement?

Je vois que vous hochez vigoureusement la tête.

M. Quirion : Le sénateur Callbeck a relevé plusieurs points. Il existe un écart énorme entre les provinces, les écoles de médecine et les professionnels de la santé en ce qui a trait à l'exposition et à la formation nécessaire pour reconnaître et traiter la maladie ou superviser le traitement des personnes atteintes d'autisme. Je ne pense pas qu'il existe des directives nationales à cet égard. Ils y sont exposés, mais la formation offerte dans ce domaine dans les écoles de médecine n'est probablement pas encore suffisante. Nous devons penser à cela aussi et demander à des experts, comme à Eric Fombonne et à d'autres, ce qu'il faudrait faire, à tout le moins pour intégrer des connaissances cliniques à l'échelle du pays pour les professionnels de la santé. Que faudrait-il faire et quel pourrait être le rôle du gouvernement fédéral à cet égard? Ce sont des questions qui doivent être débattues.

Mes collègues ont peut-être des réponses à ces questions.

Le sénateur Fairbairn : Encore une fois, combien de temps faudrait-il pour former une personne avant que celle-ci ne puisse traiter l'autisme? Lui faudrait-elle obtenir un doctorat ou un certificat médical et s'en servir comme point de départ?

M. Quirion : Généralement, ce sont des professionnels de la santé qui offrent ces traitements. Ils ne doivent pas forcément être titulaires d'un doctorat en médecine. Un médecin doit faire partie de l'équipe, mais d'autres spécialistes peuvent en faire partie également. Quant à la durée de la formation, je vais vous donner en exemple une équipe de Montréal. Cette université offre une formation d'environ un an, mais il s'agit d'une formation exhaustive. Je ne suis pas certaine que la formation soit aussi longue pour tous les professionnels de la santé. Cela dépend du degré de spécialisation du programme de formation. S'il inclut divers volets en recherche, alors bien sûr, il faudra plus de temps.

Le sénateur Fairbairn : Cette formation sera également plus coûteuse.

Le président : Madame Mandy, d'après votre réponse à une question du sénateur Munson, j'ai eu l'impression que ne considérez pas qu'il soit nécessaire de mettre en œuvre une stratégie nationale pour les troubles du spectre de l'autisme, parce que cette catégorie de troubles n'est pas assez large. Pourtant, nous avons des stratégies nationales de lutte contre le diabète, le cancer, le VIH-sida, la nutrition prénatale, et cetera.

Je ne comprends pas que les troubles du spectre de l'autisme ne justifient pas la mise en œuvre d'une stratégie nationale. J'insiste sur ce point. Lorsque des personnes ont à surmonter de terribles difficultés sur le plan psychologique et financier — un traitement coûte 60 000 $ et les provinces n'en remboursent qu'une infime partie — et qu'il y a des lacunes au niveau de la recherche et de l'information, ne considérez-vous pas qu'il y aurait lieu de mettre en place une stratégie nationale de l'autisme?

Mme Mandy : Je n'ai pas voulu dire qu'une stratégie nationale n'était pas justifiée. J'ai essayé de démontrer qu'il est toujours difficile de délimiter les frontières et d'établir des marches à suivre. À l'examen de ce qui se fait à Santé Canada, des gens nous demandent pourquoi nous mettons l'accent sur l'autisme? Que faisons-nous pour les troubles envahissants du développement? Ils n'appartiennent pas à cette catégorie du spectre, mais les parents ont souvent recours à des traitements similaires aux traitements pour autistes. Quant aux parents dont les enfants ont besoin d'une thérapie comportementale intensive, ils sont confrontés aux mêmes problèmes de financement que les parents des enfants autistiques, alors pourquoi ne tiendrions-nous compte que de l'autisme? Pourquoi ne pas élargir le spectre aux troubles du développement?

Et si nous tenons compte des troubles de développement, les gens nous demanderont pourquoi ne pas tenir compte de tous les enfants ayant des besoins spéciaux? Que faire si un enfant a besoin de suppléments alimentaires ou d'un appareil spécial, et ainsi de suite? Il y a beaucoup de demandes d'aide de part et d'autre et nous ne pouvons nous en tenir à un seul groupe. Voilà ce que j'ai essayé de démontrer. Il y a toujours des choix à faire. Je ne veux pas dire que l'autisme n'est pas important, mais d'autres familles ont des besoins similaires, d'autres familles sont confrontées à des problèmes financiers et voudraient des traitements similaires pour leurs enfants. Peut-être devrions-nous examiner cela également.

Le président : À propos des coûts, compte tenu de l'importance des problèmes liés à la toxicomanie, un programme de traitement est envisagé impliquant des coûts astronomiques. Il ne s'agit pas d'un problème de même catégorie, mais pour bien des gens, les coûts sont démesurés. Les troubles du spectre de l'autisme ne justifieraient-ils pas l'intervention du gouvernement fédéral, tout comme le programme proposé visant le traitement de la toxicomanie?

Mme Weber : La portée de ce problème comparée à celle du diabète et du cancer n'est pas du même ordre. La population touchée n'est pas la même. Le diabète et le cancer touchent une multitude de gens et une différente catégorie de la population. Ces maladies sont la deuxième et troisième cause de mortalité. L'autisme n'a pas cette ampleur, alors il doit être abordé différemment.

L'autre problème que M. Quirion a mis en évidence dans ses remarques et auquel j'ai également fait allusion, c'est que nous n'en savons pas beaucoup sur la question. Il faut beaucoup de temps pour accumuler des connaissances et comprendre un problème et nous commençons à peine à identifier les différents troubles du spectre de l'autisme et à les considérer comme une catégorie en soi. Toutes les interventions à ce jour laissent croire que nous ne savons pas comment traiter ce problème et cette méconnaissance fait entrave à ce qui peut être requis, prescrit ou peut même nuire à la formation, parce que nous ne sommes pas tous d'accord. Il n'y a pas encore de solution qui fasse unanimité et cela est en partie dû aux énormes différences qui existent entre les troubles du spectre de l'autisme. Une partie du problème est probablement liée également à la nécessité de personnaliser les interventions.

Ce qui nous empêche d'appuyer de tout cœur la mise en œuvre d'une stratégie nationale, c'est en partie sa portée. Si nous généralisions davantage, il y a des groupes de plus grande envergure que nous pourrions aborder en tant que catégorie. Je sais que cette approche n'est pas toujours populaire et qu'elle ne donne pas toujours de bons résultats, parce qu'il est difficile d'y prêter une attention particulière.

De plus, nous ne savons pas vraiment ce qui est efficace et nous nous demandons même s'il ne s'agit pas d'une épidémie, encore une fois, parce que nous n'avons pas de définition précise ou parce que nous sommes mieux en mesure de déterminer et même de diagnostiquer un cas particulier.

On ne sait plus où donner de la tête avec la quantité de chiffres disponibles. Nous voulons en savoir bien davantage sur ce problème et sur tout ce que les gens font pour le régler, mais je crois que nous n'avons pas la réponse.

Le président : D'après ce que vous savez et ce que vous ne savez pas, que pensez-vous que le comité devrait faire en priorité pour jeter un peu de lumière sur cette question et s'engager vers quelque chose d'utile et de productif? J'aimerais que chacun d'entre vous réponde à cette question.

Mme Weber : Il me semble, selon le présent débat, que le besoin le plus pressant est la recherche. Cette réponse n'est pas toujours populaire, parce qu'on a l'impression que cela retarde le processus. Encore une fois, il a fallu beaucoup de temps simplement pour identifier les spectres de l'autisme. Nous ne savons pas quels sont les traitements appropriés. Certains sont privilégiés, mais ils varient énormément. Aucun programme de traitement ou ligne directrice ne dit qu'il faut faire ceci ou cela, lorsqu'on apprend qu'un enfant est atteint de troubles du spectre de l'autisme, du syndrome d'Asperger ou de tout autre trouble de cette catégorie.

M. Quirion : Je dois avouer que je souscris à l'idée qu'il nous faut faire plus de recherches et obtenir des données probantes. Finalement, étant donné l'étendue du spectre des troubles de l'autisme, c'est peut-être un peu comme l'hypertension.D'ici 10 ou 20 ans, nous pourrons analyser la situation avec un certain recul et nous saurons que telle forme d'autisme doit être traitée avec tel médicament, comme c'est le cas pour l'hypertension qui peut être reliée au foie, au cœur ou aux vaisseaux sanguins. Nous en savons très peu et nous devons faire plus de recherche.

Ce qui pourrait également être utile et assez facile à obtenir, ce serait des informations plus détaillées sur ce que chaque province canadienne fait à ce chapitre. Ces données seraient sans doute faciles à obtenir et il serait intéressant de les connaître.

Le sénateur Munson : Nous ne connaissions pas les différentes formes de diabète ni les différentes formes de cancer, mais cela ne nous a pas empêchés d'explorer de nouveaux moyens de traiter ces maladies. Cela ne nous a pas empêchés de témoigner d'une volonté nationale d'en arriver à une solution et à des résultats concrets.

Le président : J'aimerais vous remercier tous les quatre de votre présence ici aujourd'hui et de votre contribution. C'est un début et nous espérons obtenir davantage de données sur certaines des questions que nous vous avons posées. Nous voulons savoir ce que les provinces font et ce que vous pourrez nous fournir à ce sujet nous sera des plus utiles.

Nous ajournerons la séance publique, mais je dois poursuivre à huis clos avec les membres du comité pour discuter des affaires à venir.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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