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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 11 - Témoignages du 23 novembre 2006


OTTAWA, le jeudi 23 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 11 heures, pour examiner le financement du traitement de l'autisme.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous entendons ce matin deux groupes de témoins. Le premier se compose de deux personnes. Ainsi, nous accueillons Jo-Lynn Fenton, présidente de la Société canadienne de l'autisme. Il s'agit d'un organisme national sans but lucratif créé en 1976 par un groupe de parents convaincus qu'il fallait faire des revendications, sensibiliser le public, offrir des services d'information et de référence ainsi que soutenir les sociétés régionales membres de la SCA.

Nous entendrons ensuite Suzanne Lanthier, qui représente Autism Speaks Canada. Mme Lanthier a travaillé dans le secteur sans but lucratif pendant près de 20 ans. Actuellement, elle est la directrice pour la région métropolitaine de Toronto d'un organisme qui a pour mission de financer la recherche biomédicale sur les causes, la prévention, le traitement et la guérison de l'autisme. Bien que l'organisme soit relativement nouveau au Canada, Autism Speaks est bien connu aux États-Unis.

Mme Lanthier est aussi la fière mère d'un garçon de sept ans, Scotty, dont l'autisme a été diagnostiqué il y a cinq ans.

Soyez toutes deux les bienvenues.

Jo-Lynn Fenton, présidente, Société canadienne de l'autisme : La Société canadienne de l'autisme est ravie d'avoir été invitée par votre comité à prendre part à ses délibérations sur le traitement au Canada des troubles envahissants du développement, c'est-à-dire les TED, aussi appelés les troubles du spectre autistique (TSA).

En tant que mère de deux enfants qui ont des TED, j'ai suivi avec intérêt le témoignage de nombreuses personnes que vous avez invitées. Aujourd'hui, je comparais en ma qualité de présidente de la Société canadienne de l'autisme, mais comme de nombreux autres témoins, les besoins de mes enfants colorent mon point de vue, et ils sont la raison pour laquelle moi et de nombreux autres parents, grands-parents, tantes, oncles et autres membres de la famille font du bénévolat au sein de groupes d'appui des services offerts aux autistes et d'organismes de bienfaisance.

Je vais commencer par vous décrire le mandat de notre organisme et le travail que nous avons entrepris au cours des dernières années pour le compte de notre groupe.

La SCA est un organisme national de l'autisme qui compte des sociétés membres dans les dix provinces et les deux territoires. Nous travaillons à sensibiliser le grand public, les décideurs, les députés, les sénateurs, les fournisseurs de services, les éducateurs et les milliers de Canadiens qui visitent notre site web chaque mois aux TED et à les faire mieux comprendre.

Le milieu de l'autisme est diversifié et composé de nombreux intéressés, y compris d'enfants, de jeunes et d'adultes ayant des TED, des parents et d'autres membres de la famille, des professionnels de la santé, des éducateurs, des chercheurs et des décideurs.

Comme de nombreux autres groupes qui s'attaquent à des questions pressantes et complexes, nous n'avons pas toutes les réponses, pas plus que nous nous entendons sur tous les sujets. Par contre, nous reconnaissons tous que l'autisme n'a pas encore trouvé la place qui lui revient dans le réseau gouvernemental de la santé, de l'éducation et des services sociaux.

Nous avons la ferme conviction que la meilleure façon de répondre aux besoins multiples de notre milieu tout au long de la vie des autistes passe par une stratégie nationale sur l'autisme. Nous avons fait bon accueil à l'annonce faite par le ministre de la Santé, au début de la semaine, selon lequel Santé Canada tiendra un symposium sur les TED auprès d'intéressés de tous les coins du Canada. Nous voyons ce symposium comme une importante occasion d'élaborer une stratégie nationale complète en matière d'autisme avec tous les intéressés, y compris avec les provinces et les territoires.

Certains d'entre vous ont peut-être eu l'occasion d'assister à l'exposé fait par la SCA aux sénateurs et aux députés, il y a deux ans, lorsque nous avons commencé à réclamer une stratégie nationale. Voici que nous réclamions alors et ce que nous réclamons encore : faites de l'autisme une priorité nationale. Il faut que Santé Canada se concerte avec les chercheurs pour surveiller la situation et faire des rapports à son sujet par l'intermédiaire de l'Agence de santé publique du Canada. Il est essentiel d'établir des lignes directrices nationales pour le traitement et la prestation des services de manière à ce que le lieu de résidence de la personne autiste n'entre pas en jeu et que des services convenables lui soient offerts, quel que soit son âge.

Il faut que le gouvernement du Canada travaille de concert avec les provinces et les territoires à mettre en œuvre ces lignes directrices, de sorte que nous ayons tous l'assurance qu'on offre le traitement qui convient.

En ce qui concerne l'amélioration du dépistage et du diagnostic, un programme universel de dépistage de l'autisme devrait être offert partout au Canada. Un diagnostic exact et opportun, de même qu'une évaluation complète de tous les aspects des TED, sont essentiels. Il faut que ces services soient offerts par des professionnels ayant une formation spécialisée dans le diagnostic des TED, tant pour les enfants que pour les adultes. Selon l'endroit où vous vivez au Canada, il faut parfois plusieurs années avant que des TED soient diagnostiqués. À la SCA, nous entendons souvent des parents nous raconter comment le trouble de leur enfant été mal diagnostiqué et d'adultes qui ont obtenu un diagnostic seulement après avoir cherché de l'aide professionnelle pendant des années. Étant donné le succès remporté par divers traitements d'intervention précoce visant à améliorer les résultats obtenus auprès de personnes ayant des TED, il faut que le gouvernement fasse mieux dans ce domaine. Un dépistage et un diagnostic précis sont essentiels.

Pour ce qui est du traitement, il faut offrir un accès universel et fonder le traitement sur de la médecine factuelle, quel que soit l'âge ou la capacité de payer de la personne. Il faut que le gouvernement fédéral travaille en tandem avec ses homologues provinciaux et territoriaux et qu'il accroisse le financement qui permet d'offrir un traitement névralgique, sans frais, efficace et fondé sur l'état des connaissances scientifiques aussi longtemps qu'il est jugé nécessaire par l'équipe pluridisciplinaire traitant la personne autiste.

Le traitement visant à satisfaire les besoins d'éducation et d'apprentissage, à régler les problèmes de comportement et de communication et à parer aux déficiences motrices et physiques est également vital. Parmi ces traitements, sont inclus l'intervention comportementale, l'acquisition des compétences sociales et de l'habilité à se prendre en charge, l'orthophonie, la thérapie physique ou professionnelle, les services médicaux spécialisés et l'aide pharmacologique.

Des études récentes ont révélé que les autistes ont divers troubles médicaux qui sont soit ignorés ou attribués, à tort, à leur autisme. Comme vous et moi, les autistes ont eux aussi des déficiences auditives et visuelles, des infections et des malaises. Ces malaises sont souvent mal diagnostiqués ou sous-diagnostiqués parce qu'ils sont exprimés autrement par les autistes. Il faut mener plus de recherche pour comprendre comment ces affections se manifestent chez les autistes et quels traitements seraient les plus efficaces. Bien des personnes ayant des TED sont sensibles ou résistantes aux posologies classiques ou standards de médicaments.

En vue d'améliorer les services et les soutiens, il faut offrir tout au long de leur vie aux Canadiens ayant des TED des services éducatifs ciblés, de la formation professionnelle et des aides sociales et en matière de santé, notamment des soutiens en vue de faciliter leur inclusion dans la société et d'accroître leur qualité de vie, comme des enseignants et des accompagnateurs ayant une formation spécialisée en éducation des autistes, des programmes ciblés de cours de dynamique de la vie, des services de santé mentale offerts par des professionnels formés en TED et, enfin, de la formation professionnelle et de l'aide à la vie autonome.

Il ne faut pas oublier non plus ceux qui dispensent les soins, notamment leur offrir des services de répit, des services sociaux et de l'aide dans la planification à long terme. De plus, il faut offrir, grâce à des mesures fédérales en matière de fiscalité et d'emploi, des soutiens professionnels et financiers améliorés aux personnes ayant des handicaps et à leur famille.

Pour favoriser la recherche, il faut diriger des fonds importants vers l'exécution d'études sur les TED aux organismes de financement canadiens comme les Instituts de recherche en santé du Canada, soit les IRSC. La recherche qui offre aux personnes ayant des TED et leur famille le soutien concret dont elles ont besoin est cruciale.

Il faut aussi mener plus de recherche sur l'étiologie, l'épidémiologie, la variabilité, les effets des traitements et les questions médicales qui entourent les TED. Nous avons besoin de moyens efficaces de vulgariser les conclusions des études pour que tous puissent en profiter. Il faut construire des ponts entre les familles, les fournisseurs de services et le gouvernement pour faire en sorte que toutes les personnes ayant des TED et les membres de leur famille jouissent de leurs pleins droits.

À la SCA, nous estimons qu'une stratégie nationale sur l'autisme doit comprendre plus que des traitements et doit voir aux besoins de notre groupe pour la durée de leur vie. Au nom de tous les membres francophones de notre groupe qui vivent hors Québec, je dois vous dire que les services en français font cruellement défaut. Il faut inclure les services en français dans notre stratégie nationale sur l'autisme. Notre conseil d'administration a eu le plaisir de rencontrer les membres du comité pour la première fois en septembre. C'était la première fois qu'un groupe d'adultes canadiens ayant des TED avait l'occasion de se consulter et de prodiguer des conseils à un organisme national en matière d'autisme. Ils ont travaillé très fort à nous aider au sujet de questions d'importance pour les adultes ayant des TED. Voici certains des conseils que nous avons reçus de notre comité consultatif.

En tant qu'adultes diagnostiqués comme ayant des troubles envahissants du développement d'un peu partout au pays, ils sont préoccupés par le manque de services à leur intention et à ceux qui ont besoin d'un diagnostic en ce sens. L'expérience leur a appris qu'il est nécessaire de mieux reconnaître les besoins de ces adultes par la prestation de toute une gamme de services spécialisés tout au long de leur vie.

Les besoins de services et de soutiens des personnes ayant des TED ne se limitent pas à l'enfance. Ils persistent chez les jeunes adultes, chez les personnes dans la force de l'âge et tout au long de leur vieillesse. Plus particulièrement, les Canadiens adultes ayant des TED ont besoin d'un meilleur accès à des services psychologiques, qui peuvent comprendre le diagnostic, l'évaluation, le counselling individuel, en couple et en famille, les médicaments et la promotion de la santé mentale, les soutiens à l'éducation, y compris des soutiens et accommodements pour l'éducation postsecondaire, des groupes éducatifs et des ateliers, de la formation en dynamique de la vie comme la préparation de budgets, les compétences d'organisation, de travail et de vie en société, des logements adaptés et sécuritaires, y compris des foyers de groupe et des mesures d'aide à la vie autonome, des possibilités de rencontres sociales et de loisirs, des possibilités d'emploi qui permettent l'évaluation des compétences et la formation, et l'aide juridique et d'autres ressources juridiques pour ceux qui en ont besoin.

Les adultes qui ont des TED et qui sont eux-mêmes parents ont besoin d'aide financière, d'éducation sur le développement de l'enfant et sur la communication non verbale, d'évaluations personnalisées et spécialisées de leur capacité d'être parent, du counselling génétique et dans l'art d'être parent et de services de répit.

Nous faisons bon accueil aux conseils de notre comité consultatif et nous les partageons avec plaisir avec votre comité aujourd'hui.

La SCA facilite le rayonnement des connaissances à jour en matière de TED et favorise le respect de la différence. Nous savons que les stigmates sont une vive préoccupation de notre milieu, tout comme au sein de nombreux groupes de nos collègues de l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, l'ACMSM. La SCA en est membre depuis 2002.

Le rapport complet sur les questions de santé mentale publié en mai dernier par votre comité, sous le titre De l'ombre à la lumière, touchait de nombreuses questions qui ont de l'importance pour ceux qui ont des TED et pour leurs familles, fournisseurs de soins et collectivités.

La SCA appuie l'établissement d'une commission de la santé mentale et la création d'un fonds de transition en matière de santé mentale. Nous l'avons déclaré dans notre lettre ouverte de juin 2006 dont copie est incluse dans votre documentation. Vous avez entendu les témoignages de nos nombreux partenaires, chercheurs, fournisseurs de services, organismes professionnels, professionnels de la santé, hauts fonctionnaires et décideurs. Vous entendrez également d'autres témoins de notre collectivité et d'autres chercheurs. Le point de vue des personnes ayant des TED est important. À la SCA, nous faisons de notre mieux pour être à l'écoute de tous les membres de notre collectivité.

On vous a communiqué beaucoup d'information sur les troubles envahissants du développement et sur les traitements et les services requis, qui font souvent défaut. Les TED sont des troubles complexes qui sont étudiés par de nombreux scientifiques et chercheurs à la recherche d'indices de leur cause et des meilleures pratiques de traitement. Les chercheurs n'ont pas encore compris ce qui cause les troubles envahissants du développement, mais il est clair, d'après les travaux entrepris jusqu'ici, que ces troubles reliés au fonctionnement du cerveau sont très complexes. Le traitement, les aides et les accommodements doivent être adaptés aux besoins uniques de ces personnes tout au long de leur vie. Parce que les TED concernent tout un spectre, l'approche fragmentée ne répondra pas aux besoins des divers membres de notre groupe.

Suzanne Lanthier, directrice pour la région métropolitaine de Toronto, Autism Speaks Canada : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je comparais devant vous aujourd'hui en tant que porte-parole d'Autism Speaks Canada. Comme l'a dit votre président, je suis la fière mère d'un garçon de sept ans, Scotty, qui a des troubles envahissants du développement. Il fréquente actuellement le New Haven Learning Centre à Toronto, une école privée sans but lucratif pour les enfants autistiques qui utilise des méthodes d'enseignement fondées sur l'analyse comportementale appliquée. Je reconnais la force et la détermination de mon fils comme étant la raison pour laquelle je suis capable de vous faire un exposé aujourd'hui. Comme Mme Fenton, mon point de vue est à la fois personnel et professionnel.

Je dirai également — mais je ne m'en excuse pas — que mon message sera analogue à celui de plusieurs exposés que vous avez déjà entendus. Bon nombre des scientifiques estimés que vous avez entendus durant ces audiences sont des chercheurs avec lesquels Autism Speaks Canada travaille de près et dont elle finance et soutient l'important travail. Le fait que nous sommes capables de tous faire passer le même message est, selon moi, positif et progressiste.

Autism Speaks a été mentionné par plusieurs témoins jusqu'ici tant du point de vue de la recherche que celui de la sensibilisation. Bon nombre d'entres vous ont peut-être vu le documentaire intitulé Autism Every Day, qui illustre les histoires déchirantes mais réelles de mères qui ont des enfants atteints de TED.

La chronique de Margaret Wente, dans le Globe and Mail de mardi dernier, cite directement certaines des mères qui figurent dans le documentaire. Les familles que l'on voie dans la production vidéo sont américaines, mais leurs souffrances n'en sont pas moins universelles. Je pouvais, comme de nombreuses familles, m'identifier à ces personnes, et le documentaire a confirmé les craintes, les frustrations et l'épuisement, de même que les fréquents moments de victoire — pas assez fréquents pour de nombreuses familles — et de joie qu'apporte un enfant ayant des TED.

Autism Speaks a pour mission de changer l'avenir de tous ceux qui sont aux prises avec des TED. Nous nous consacrons à financer la recherche biomédicale à l'échelle mondiale sur les causes, la prévention, le traitement et la guérison de l'autisme et à sensibiliser la population à l'autisme et à ses répercussions sur les personnes, les familles et la société. Enfin, nous donnons de l'espoir à tous ceux qui sont confrontés aux difficultés de ces troubles. Nous nous sommes engagés à collecter les fonds nécessaires pour réaliser ces objectifs.

Notre organisme est relativement nouveau sur la scène canadienne de l'autisme, mais nous avons été accueillis chaleureusement par les familles, les fournisseurs de services, le milieu scientifique et les citoyens concernés en raison de notre mission et de nos objectifs. La recherche dans ce domaine passionne les familles touchées par l'autisme. Elles sont comme des éponges, disposées à absorber toute l'information qui existe sur des projets de recherche et des conclusions d'études au Canada et dans le monde.

Le Dr Peter Szatmari vous a parlé hier du rôle vital que jouent le transfert de connaissances et la communication des conclusions actuelles de la recherche dans le milieu de l'autisme. Nous avons tout aussi déterminés que lui à diffuser aux familles de l'information opportune et exacte sur des traitements et des interventions fondés sur la médecine factuelle pour qu'elles obtiennent toute leur information d'une source fiable et crédible.

Autism Speaks s'est installé au Canada en tant que National Alliance for Autism Research, ou NAAR. Celle-ci et Autism Speaks se sont regroupés en février dernier, sujet auquel je reviendrai tout à l'heure. Tout comme NAAR, nous, de concert avec les IRSC, étions parmi les principales sources de financement de l'Atelier canadien de recherche sur l'autisme tenu par la Société canadienne de l'autisme en 2002. Cet atelier a mené à la publication, en 2004, d'un livre blanc dont les objectifs étaient d'exposer un plan pour élaborer une stratégie nationale sur l'autisme et d'orienter la mise en œuvre du plan d'action canadien en matière de recherche sur l'autisme.

Cinq ans se sont déjà écoulés depuis l'atelier et la publication du livre blanc. Pour demeurer optimistes, disons qu'au moins, nous parlons encore de ces questions. Le nombre de chercheurs canadiens et la qualité de la recherche ont augmenté au Canada, d'un océan à l'autre. Les chercheurs canadiens sont très respectés pour le travail qu'ils font et pour leur leadership dans des études menées en collaboration partout dans le monde. Autre fait positif, Autism Speaks assure maintenant une présence solide au Canada et a un rôle à jouer pour faire progresser le programme. Les recommandations faites dans le livre blanc étaient solides. Elles reposaient sur des faits, sur l'expérience courante, et découlaient d'une étude et d'une collaboration intensives avec les principaux intéressés de tout le pays. En tant que groupe, nous savions ce que nous voulions faire et avons bien énoncé cet objectif, mais le rapport ne contenait pas de détails sur la façon de le faire, sur qui s'en chargerait, qui paierait, combien cela coûterait et comment nous suivrions et évaluerions les progrès. Il faut poursuivre à ce niveau la mise en œuvre, et Autism Speaks souhaite y contribuer. Le milieu de l'autisme n'acceptera rien de moins.

Dans son témoignage, Wendy Roberts vous a parlé du besoin de faire éclater les cloisons et de convaincre les ministères de la Santé, de l'éducation et des services à l'enfance et à la jeunesse de toutes les provinces de se joindre aux chercheurs, aux parents et aux fournisseurs de services pour échanger de l'information et des idées. Ce partage est névralgique.

Parallèlement à la publication du livre blanc, des chercheurs canadiens ont pressenti NAAR pour former une entité canadienne. À ce moment-là, et même aujourd'hui en tant qu'Autism Speaks, une grande partie des fonds levés sont venus de marchethons organisés par les membres en faveur de la recherche sur l'autisme dans de nombreuses villes et centres urbains des États-Unis. Les chercheurs canadiens ont pris acte du vif désir manifesté par les familles canadiennes de faire progresser la recherche. Jusqu'ici, NAAR et Autism Speaks ont tenu deux marchethons réussis à Toronto. Nous avons établi un conseil d'administration qui a pour vision d'élargir le programme de marchethons en Ontario et un peu partout au pays. Le conseil s'est engagé à lever des fonds pour appuyer la mission d'Autism Speaks Canada grâce à l'adoption d'autres initiatives et la tenue d'autres événements et à assurer un rôle de leadership pour donner accès à l'information et au soutien aux familles, aux fournisseurs de services et aux autres principaux intéressés.

L'annonce faite hier par le ministre de la Santé est un bon point de départ, et nous nous sommes engagés à faciliter au moyen de notre expertise, de nos contacts et de nos ressources tant au Canada qu'à l'extérieur la réalisation de ces objectifs et d'autres.

On est souvent opposé à l'idée de voir comment se font les choses aux États-Unis et convaincu que ce qui se fait plus au sud ne peut pas être transposé au Canada. C'est vrai parfois. Bien qu'il y ait des initiatives, structures et programmes réussis en place au Canada, nous pouvons aussi apprendre des succès remportés aux États-Unis et ailleurs. Il faut aussi aller voir au-delà de nos frontières, au besoin, pour pouvoir affirmer vraiment que nous nous sommes dotés d'une stratégie canadienne sur l'autisme fondée sur les pratiques exemplaires.

J'en veux pour preuve le succès remporté par le projet du génome humain, fruit de la collaboration de 170 généticiens de plus de 50 établissements du monde, par exemple.

Autism Speaks a été créé en 2005 par Bob et Suzanne Wright, dont le petit-fils avait été diagnostiqué en 2004. Dans le cadre de ce que je décrirais comme étant une des initiatives les plus progressistes et altruistes qu'il m'ait été donné de voir dans le secteur sans but lucratif en vingt ans presque, Autism Speaks a fusionné avec NAAR en février dernier. NAAR fait des collectes de fonds à l'appui de la recherche sur l'autisme depuis près de dix ans et Autism Speaks, depuis un peu plus d'un an.

Les dirigeants des deux organismes savaient que leur impact sur le milieu mondial de l'autisme serait beaucoup plus grand et plus rapide s'ils travaillaient ensemble plutôt que de travailler seuls et, en peu de temps, Autism Speaks est devenu la manifestation concrète de cette vision.

Autism Speaks est le plus important bailleur de fonds non gouvernemental et sans but lucratif de la recherche sur l'autisme dans le monde et, jusqu'ici, il a engagé plus de 43 millions de dollars dans des projets pilotes, des bourses de recherche encadrée et des partenariats de recherche, comme le projet du génome humain. Depuis 1998, le milieu de la recherche canadien a reçu de NAAR et maintenant d'Autism Speaks plus de 3,4 millions de dollars en subventions et financement de projets divers. Les détails de ces subventions vous sont fournis séparément dans un document à distribuer, à titre indicatif.

Durant la dernière année, Autism Speaks a fièrement annoncé une nouvelle possibilité de financement pour les chercheurs qui étudient les stratégies d'intervention plus précoce chez les enfants à risque de développer l'autisme. Cette nouvelle initiative de financement reflète la mission d'Autism Speaks, soit de financer également la recherche scientifique sur le traitement des troubles envahissants du développement.

L'impact sur la sensibilisation de la population qu'a eu Autism Speaks aux États-Unis est un autre modèle de pratiques exemplaires. Une campagne créatrice et frappante parrainée par le Ad Council, intitulée « The Odds », qui faisait passer le message selon lequel un enfant sur 166 risque d'être diagnostiqué comme étant autiste, a incité des centaines de milliers de personnes à consulter son site web. Elles l'ont fait pour en apprendre davantage au sujet des signes précurseurs, de ce qu'il faut faire si elles soupçonnent que leur enfant est à risque et pour lire l'information sur les faits nouveaux en recherche, sur l'établissement de liens entre les familles et le soutien local.

Les efforts de défense de la cause et le partenariat d'Autism Speaks avec d'autres organismes de ce domaine aux États-Unis ont mené à l'élaboration du Combating Autism Act, qui reprend de nombreux éléments que nous avons mentionnés au sujet de la stratégie nationale sur l'autisme.

Avons-nous besoin au Canada d'une stratégie nationale en matière d'autisme? Tout à fait. Il serait prématuré de ma part de vous dire ce que devrait comporter la stratégie. À nouveau, j'estime essentiel de rassembler à nouveau les principaux intéressés de tout le pays de manière à inclure des familles pour élaborer le cadre officiel d'une stratégie. Cependant, j'ai tout de même quelques grandes idées à proposer concernant certains des éléments essentiels de la stratégie.

La meilleure approche selon moi à une pareille stratégie est de commencer au tout début du parcours de la famille et de ne pas y mettre fin lorsque l'enfant entre à la maternelle, atteint sa dixième année, quitte l'école secondaire ou passe à l'âge adulte. Une stratégie nationale vraiment efficace a besoin de porter sur tous les problèmes auxquels est confrontée une personne durant sa vie.

Il faut aussi asseoir la stratégie nationale sur de la recherche et sur des modèles de pratiques exemplaires et il faut qu'elle ait des fonds suffisants pour financer l'évaluation permanente tant des processus et des systèmes en place que de la qualité et de l'efficacité de la prestation des soins. À nouveau, ces recommandations n'ont rien de nouveau pour vous. Des familles et ceux qui voient de jeunes enfants régulièrement ont besoin d'être sensibilisés aux premiers signes de l'autisme. Des campagnes de sensibilisation ont eu lieu dans certaines régions du pays, mais elles sont sporadiques et peu coordonnées.

Dès qu'une famille soupçonne que son enfant est à risque, elle devrait pouvoir avoir accès à une évaluation pour déterminer si ses soupçons sont fondés. Il faut que ces évaluations soient fournies le plus près possible de chez elle et le plus rapidement possible, au moyen des méthodes exemplaires fondées sur la recherche. Une évaluation constante des outils d'évaluation actuels et la recherche continue de nouveaux outils et de nouvelles stratégies doivent se poursuivre dans ce domaine. M. Lonnie Zwaigenbaum et ses collègues ont fait preuve de beaucoup de leadership dans la conception d'outils d'évaluation des jeunes enfants. Pour continuer d'éclairer les décisions de financement et d'orientation, il faut avoir l'assurance que les évaluations sont de la meilleure qualité et de la plus grande cohérence et que toutes les données sont archivées à l'échelle nationale au moyen de méthodes uniformisées.

Dès qu'elles sont informées que leur enfant est autistique, les familles ont besoin d'avoir accès à de l'information exacte, utile et documentée sur les étapes suivantes. Où aller? À qui parler? Que faire? Un diagnostic d'autisme, quel que soit l'âge, qu'il s'agisse d'un enfant de 6 ans ou de 16 ans, est dévastateur. Quand les familles ne sont pas renseignées sur ce qu'il faut faire ou, parfois, reçoivent trop d'information, sont envoyées à trop d'endroits différents, référées à trop de sites web, tout cela ne fait qu'aggraver leur confusion et leur sentiment de dévastation. Il faut les aider à naviguer dans ce qui est devenu un véritable labyrinthe au Canada.

Il est fort bien de dépister les enfants le plus tôt possible, mais si une famille doit ensuite attendre jusqu'à deux ans parfois, si ce n'est plus, pour avoir accès à une intervention, ce n'est pas lui rendre service. En fait, nous lui rendons déjà ce très mauvais service.

Essayez de vous imaginer l'angoisse mentale qu'endurent les familles quand elles se rendent compte que leur enfant est autiste. Elles savent qu'il existe de l'aide qui peut faire toute la différence dans leur vie, mais elles doivent attendre des années pour y avoir droit. Parfois, elles reçoivent l'aide, en constatent les bienfaits, puis se la font retirer et doivent regarder leur enfant régresser. Bien trop souvent, elles ne reçoivent pas d'aide du tout.

Vous avez entendu hier M. Szatmari et d'autres témoins vous dire qu'il est impossible de trouver un traitement ou une intensité de traitement qui correspond aux besoins de tous les enfants. Il faut s'adapter à chacun, comprendre les besoins individuels de l'enfant, constamment suivre son progrès et intensifier l'approche de traitement.

De nombreux enfants réagissent bien à la thérapie de l'analyse comportementale appliquée, dont mon fils. Toutefois, certains n'y réagissent pas aussi bien et certains autres, pas du tout. Pourquoi est-ce ainsi? Il faut absolument le savoir. Il est essentiel de poursuivre les études, la recherche, sur la thérapie de l'analyse comportementale appliquée, de même que sur d'autres formes d'intervention. Il faut aussi apprendre à utiliser plus efficacement ce que nous savons. Nous ne pouvons pas attendre jusqu'à ce que nous ayons toutes les réponses. Nous en avons trouvé certaines qui donnent des résultats et qui sont très utiles avec certains enfants.

Les recherches, surtout celles sur le traitement et les interventions, doivent cibler les besoins des enfants plus âgés, des jeunes adultes et des adultes. Il faut financer adéquatement l'évaluation. Nous ne serons pas plus avancés dans cinq ans si nous ne tenons pas compte des besoins d'évaluation.

Il faut mettre en place des normes sur la façon d'intervenir. Nous devons en faire plus pour attirer des gens dans le domaine, tant pour la recherche que pour la prestation de services. Le programme de financement de stages en mentorat d'Autism Speaks y contribue grâce à des subventions, mais nous avons la responsabilité d'en faire beaucoup plus au Canada.

D'après ce qu'on m'a dit, il y a presque dix ans, lorsque la première proposition de financement de recherche est parvenue au conseil consultatif scientifique du NAAR d'alors, il était écrit à la première ligne que tous les chercheurs canadiens sur l'autisme pouvaient entrer dans une petite mini-fourgonnette. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un autobus ou deux, ce qui est bien.

En ce moment, le leadership dans la communauté de recherche canadienne sur l'autisme est extraordinaire, et vous avez entendu beaucoup de témoins. Il faut que ces personnes dévouées travaillent en équipe avec de jeunes scientifiques et qu'elles les inspirent. Vous avez entendu Tracie Lindblad vous parler de la difficulté d'attirer des phoniatres et des pathologistes du langage dans le domaine. Il manque de pédopsychologues partout au Canada. Il faut remédier à ces problèmes bien réels, puisque ces professionnels, en collaboration avec d'autres, font partie de la clé de l'évaluation, du traitement et des méthodes d'intervention au Canada.

Je vais conclure avec une dernière réflexion. Il est totalement injuste que des familles, qui vivent déjà un stress énorme parce qu'elles savent que leur enfant va vivre maintes difficultés pendant le reste de sa vie, consacrent leurs ressources précieuses et le peu de temps qu'elles ont à se demander quoi faire, où s'adresser pour obtenir de l'aide, quelle aide elles peuvent obtenir, à qui elles peuvent faire confiance et qui elles peuvent croire. Ces familles ne devraient pas passer leur temps à se demander si elles devraient déménager dans une autre province parce qu'elles ont entendu dire que les choses y étaient mieux. Si un programme ou une structure fonctionne bien dans une province ou une région, il nous revient à nous tous de voir à reproduire ces recherches, ces programmes et ces structures dans tout le Canada pour que tous les enfants puissent en profiter. Où que les parents vivent, ils doivent avoir accès aux meilleurs renseignements, aux meilleurs traitements découlant des recherches, aux meilleurs services d'aide, ainsi qu'au personnel professionnel le plus qualifié. Elles doivent aussi avoir confiance que leur gouvernement travaille avec elles et non contre elles pour accroître le plus possible le bien-être de leur enfant.

L'accès au traitement, aux interventions et à l'aide ne devrait pas se fonder sur l'âge, le lieu de résidence ou un seuil arbitraire de fonctionnement ou encore des systèmes trop rigides pour qu'on puisse même essayer de les changer.

Le président : Je vous remercie de ces deux présentations étoffées. Permettez-moi de vous demander quelles sont les différences entre vos organismes. Vous représentez deux organisations — la Société canadienne de l'autisme et Autism Speaks Canada — et il y en a trois autres qui s'en viennent. Nous les qualifions de groupes de défense. Y a-t-il chevauchement ou coordination entre vos activités? Dites-vous tous les deux la même chose?

Mme Fenton : Comme vous le faites ressortir, notre collectivité est diversifiée. Les besoins de notre collectivité sont complexes.

La Société canadienne de l'autisme est un organisme de bienfaisance. Nos activités de défense des droits se fondent sur les règles de l'Agence du revenu du Canada sur les organismes de bienfaisance, ce qui explique que nous nous concentrons surtout sur la sensibilisation, la compréhension publique de l'autisme et la présentation d'exposés semblables à celui-ci. Les autres groupes sont strictement des groupes de défense des droits. Ils ne sont pas soumis à la réglementation sur les organismes de charité ni aux règles de l'ARC.

Par le passé, nous avons réussi à travailler harmonieusement en partenariat avec Autism Speaks quand elle était la NAAR. Dans la mesure du possible, nous travaillons ensemble. Je pense que vous pouvez le constater du rapport sur la recherche canadienne que nous avons préparé. Nous nous réjouissons à l'idée de travailler en partenariat avec le plus grand nombre de personnes possible. C'est la nature même de ce que nous voulons accomplir.

Mme Lanthier : Il est vrai que beaucoup d'organismes se qualifient de groupes de défense des droits et de groupes d'information ou d'aide. Certains ont un objectif différent du nôtre. La Société canadienne de l'autisme et Autism Speaks travaillent conjointement.

Nous mettons de plus en plus l'accent sur la recherche biomédicale et la levée de fonds pour la financer. Cela nous distingue d'autres organismes. Par exemple, d'autres organismes ont des mandats qui portent sur le traitement ou la promotion d'un type de traitement en particulier.

Il y a certes des différences, mais comme vous pouvez le constater de la déclaration de Mme Fenton et de la mienne, nos messages sont assez semblables. Ce qu'il faut, comme dans le contexte de la fusion entre Autism Speaks et la NAAR, c'est que nous travaillons davantage ensemble que séparés. Il ne fait aucun doute que nos deux organismes le reconnaissent et que nous avons une volonté en ce sens.

Le sénateur Munson : Nous entendons tellement d'histoires à briser le cœur. Nous entendons des mots comme « épidémie » et « crise » pour parler de l'autisme. Ce sont des histoires touchantes et importantes.

En bout de ligne, toutefois, il y a ce qu'on appelle l'argent. Nous devons formuler des recommandations dans notre rapport. Pensez-vous que nous devrions recommander la modification ou la révision de la Loi canadienne sur la santé à la lumière des lignes directrices nationales dont vous parlez et l'affectation de fonds spéciaux répartis équitablement dans le pays pour traiter l'autisme à partir de zéro et pendant toute la durée de vie de la personne?

Mme Lanthier : Votre question tient en deux parties, et d'après moi, elle suscite deux réponses distinctes.

Faut-il réserver de l'argent pour traiter l'autisme pendant toute la durée de vie d'une personne? Absolument, cela ne fait aucun doute. Dans nos organismes, nous entendons toutes les deux parler tous les jours des batailles que les familles doivent mener. Nous entendons que l'argent est une priorité.

Pour ce qui est de la Loi canadienne sur la santé, je crains seulement que si l'on révise la loi et qu'on essaie de la modifier pour parler des proportions épidémiques et de la crise de l'autisme, on soit bloqué en cours de route et que le processus dure trop longtemps. Entre-temps, les familles n'auront toujours pas de services.

Il est important d'envisager de réviser la loi, mais nous n'avons pas à choisir entre l'un et l'autre. Nous devons avancer, qu'on veuille ou non réviser la Loi canadienne sur la santé.

Mme Fenton : Comme nous le savons, la Loi canadienne sur la santé ne cible pas de maladies en particulier. Comme je l'ai souligné, nous n'avons pas encore trouvé notre place dans les services médicaux, éducatifs et sociaux de notre gouvernement. Nous aurions une vision bien étroite si nous croyions que la Loi sur la santé va tout régler.

Ces personnes ont besoin de traitements, d'aide et de mesures adaptées pendant toute leur vie. La Loi sur la santé régira-t-elle tous ces aspects? Nous devons faire preuve de prudence dans l'élaboration d'une stratégie nationale.

Le sénateur Munson : Entre-temps, les listes d'attente s'allongent-elles?

Mme Fenton : Oui.

Mme Lanthier : Oui, les listes d'attente s'allongent, tant pour l'évaluation que pour le traitement. Lorsque nous disons qu'il manque de pédopsychologues et de personnes qualifiées pour évaluer ces enfants, même si un parent soupçonne son enfant d'être atteint d'autisme, il y a des endroits au Canada — comme en Ontario, une région que je connais bien — où les familles attendent jusqu'à un an pour une évaluation. C'est le temps qu'il faut avant d'obtenir un bout de papier signé attestant que l'enfant est atteint d'autisme.

Le sénateur Munson : Quand un enfant est évalué à l'âge de six ou sept ans, quatre années vitales se sont passées.

Mme Lanthier : Oui, nous espérons que plus nous éduquerons la population aux premiers symptômes de l'autisme, plus les évaluations se feront tôt.

Il y a des années, on ne posait pas de diagnostic formel d'autisme avant que l'enfant n'ait au moins deux ans. Dans la plupart des cas, ce n'était pas avant qu'il atteigne l'âge scolaire ou préscolaire et que les enseignants constatent les faits.

Dorénavant, on pose des diagnostics plus tôt. Le Dr Zwaigenbaum, que j'ai nommé dans mon rapport, y est pour beaucoup, parce qu'avec son équipe, il a établi des indicateurs de dépistage précoce.

Personnellement, d'après ce que je sais, j'aurais pu deviner que mon enfant risquait de développer de l'autisme quand il avait huit mois. Je ne savais pas à ce moment-là ce que je sais maintenant. Il faut éduquer davantage les familles et leur apprendre quels sont les signes précurseurs.

Les parents attendent jusqu'à un an pour une évaluation. Ensuite, ils reçoivent l'évaluation qu'effectivement, leur enfant est autistique. Dans mon cas, j'ai reçu un numéro de téléphone pour mettre notre nom sur une liste d'attente pour un traitement qui pouvait ne pas être efficace. Entre-temps, nous avons dû attendre et regarder notre enfant nous échapper.

Le sénateur Munson : C'est peut-être personnel. Vous n'avez pas à répondre à cette question, mais je pense qu'il faut donner un visage humain à l'autisme chaque fois que nous en parlons.

Votre fils s'appelle Scotty; il a sept ans et fréquente une école privée pour autistes. Cela doit vous coûter très cher.

Mme Lanthier : En effet. Je fais partie des familles chanceuses de l'Ontario qui reçoivent une subvention partielle pour son éducation. Cette subvention couvre environ le tiers des frais scolaires. Il y a d'autres coûts qui s'ajoutent pour les services spéciaux et les pathologistes du langage. Les parents ne peuvent pas se contenter de faire reconduire leur enfant à l'école et à la maison par un jeune ordinaire de 16 ans. Ils doivent payer des professionnels qui savent ce qu'ils font.

Les coûts sont astronomiques et le stress, immense. Beaucoup de familles éclatent, comme nous le savons tous.

Mme Fenton : Avant d'aller plus loin, nous devons régler le problème des ressources. Même si nous déliions les cordons de la bourse et recevions tout l'argent voulu, il n'y aurait pas assez de personnes formées pour offrir à ces enfants les outils et les services adaptés dont ils ont besoin. Une tâche aussi simple comme le transport scolaire peut devenir tout un défi si la personne ne comprend pas ce trouble ni la façon de s'y adapter.

Nous devons examiner attentivement notre système et notre stratégie. En ce moment, il y a beaucoup de personnes qui prétendent offrir des thérapies d'intervention, mais qui n'ont pas les compétences requises pour les offrir. Une mauvaise thérapie a des effets terribles.

Le président : La liste s'allonge et le temps file. Nous devons accueillir le groupe suivant à midi, donc nous devrons rester brefs dans nos questions.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais reprendre sur les listes d'attente. Madame Fenton, je crois que vous avez dit que parfois, il fallait jusqu'à deux ans pour obtenir une bonne évaluation et un diagnostic. De toute évidence, il manque de professionnels pour poser des diagnostics. Vous avez mentionné également les pédopsychiatres à une ou deux reprises. Le gouvernement fédéral aurait-il un rôle à jouer pour analyser les manques et aider des personnes à accéder à ces programmes, les former et leur offrir du perfectionnement?

Mme Fenton : Le gouvernement peut jouer un rôle en incitant les universités à encourager et à former les personnes intéressées à travailler dans ce domaine. Nous avons besoin de pédopsychiatres et de psychologues compétents pour utiliser les outils diagnostiques nécessaires pour évaluer ces personnes. Nous pouvons contribuer beaucoup à faire augmenter les ressources, et la recherche serait l'une des clés.

Le sénateur Callbeck : Ce rôle incombe-t-il au gouvernement fédéral ou au gouvernement provincial?

Mme Fenton : Je pense que c'est le rôle des deux. Le gouvernement fédéral investit des fonds dans des établissements d'enseignement particuliers pour favoriser des collectivités médicales et d'autres disciplines. C'est la raison pour laquelle il serait primordial d'organiser un symposium pour rassembler tous les intervenants, ainsi que des représentants des gouvernements provinciaux et fédéral.

Mme Lanthier : Il ne suffit pas de dire que nous allons faire telle chose et ce, dans toutes les provinces. Nous devons plutôt coordonner le tout. J'ai participé à une conférence samedi dernier, où j'ai entendu un exposé intéressant de représentants de la Colombie-Britannique qui ont conçu une structure d'évaluation intéressante et efficace dans leur province pour gérer ce problème. Ils ont établi des paramètres sur les moments où les enfants doivent être vus, depuis le premier appel téléphonique jusqu'au diagnostic. Ils travaillent fort pour le respect de ces paramètres.

Concernant les évaluations et les autres activités plus tard dans la vie, il est important de faire passer ici le message des normes et des évaluations. De cette façon, les provinces ne fonctionneraient pas séparément dans ce domaine. Nous devons mesurer les TSA partout au pays.

Le sénateur Cordy : Vous nous aidez dans nos délibérations sur un sujet extrêmement important. J'ai enseigné à l'école primaire, donc je comprends bon nombre des choses que vous dites.

J'aimerais en savoir plus sur l'échange de savoir. Madame Lanthier, vous avez dit que les parents étaient dépassés. J'ai vu des parents se demander quoi faire après le diagnostic de leur enfant. L'essentiel de la documentation qu'ils voient n'est pas vulgarisée. Dans notre étude sur la santé mentale et la maladie mentale, notre comité a recommandé la création d'une commission de la maladie mentale. L'échange de connaissances ferait partie du rôle de cette commission : elle ne ferait pas que diffuser de l'information, mais constituerait un centre où les gens peuvent téléphoner ou écrire pour recevoir des réponses. Pensez-vous que l'autisme pourrait faire partie du mandat de cette commission si elle était établie?

Mme Lanthier : Je vais être prudente dans ma réponse. Je pense que l'autisme pourrait y être intégré, mais je connais bien les différences de la collectivité de l'autisme. Je crains que l'autisme se perde dans la masse, pour être honnête. Avant de travailler avec Autism Speaks Canada, j'étais dans le domaine de la santé mentale des enfants, et je sais que les pressions de la santé mentale sont énormes.

Pour être honnête, je crains que nous nous perdions, pour dire les choses simplement. Comme Mme Fenton l'a dit, nous ne savons pas encore clairement s'il s'agit d'un problème de santé mentale. Les pédiatres du développement et les psychologues font des diagnostics. Si cette structure doit être mise en place pour que ce dossier avance, comment pourrais-je m'y opposer? Il vaut toutefois certainement la peine de séparer les deux enjeux.

Le sénateur Cochrane : Madame Lanthier, vous avez parlé du livre blanc qui a été produit et que les intervenants ont consulté. Qui étaient-ils?

Mme Lanthier : Il s'agissait de chercheurs de tout le pays, de représentants de quelques grands organismes, de directeurs et de représentants du gouvernement. J'ai avec moi un exemplaire du livre blanc, donc je peux vous donner la liste officielle des participants.

Il y a des personnes qui ont témoigné devant ce comité, comme Wendy Roberts, Peter Szatmari et Susan Bryson. On a organisé des ateliers pour discuter des domaines de recherche au Canada et dans le monde.

Le directeur de la recherche de la NAAR aux États-Unis y était aussi, de même que le directeur exécutif de la NAAR, qui faisait partie du comité de planification. On a clairement articulé la vision d'étudier la recherche à l'échelle internationale et au Canada pour donner le ton aux programmes de recherche canadiens.

Le sénateur Cochrane : D'après ce que vous dites, alors, je crois comprendre qu'il n'y avait aucun autiste parmi les participants

Mme Lanthier : Je ne pense pas qu'il y en avait, mais il faudrait que je revérifie la liste. Encore une fois, cette conférence était axée sur la recherche sur l'autisme. Le type de symposium dont le ministre de la Santé parle serait également une immense entreprise. Cela ne signifie pas que ce symposium ne peut pas ou ne devrait pas avoir lieu. Nous devons rallonger la liste des participants. J'essaie de me rappeler combien de personnes y étaient, mais je pense qu'elles étaient entre 20 et 30.

Mme Fenton : C'était plus autour de 150 personnes. Cette conférence était de grande envergure, mais elle était axée sur un thème précis. On y avait invité des chercheurs et des fonctionnaires de tous les ministères de la Santé, des provinces et des territoires. La conférence visait à déterminer ce qui se passait en recherche et à orienter la recherche au Canada.

Bien sûr, la Société canadienne de l'autisme a mis sur pied un comité consultatif de personnes atteinte de troubles du spectre chargé de la conseiller. Ce n'est que le début, donc à la conférence, aucune personne atteinte de troubles du spectre de l'autisme n'a été invitée. Cette conférence a clairement été organisée pour discuter de la recherche.

Le sénateur Cochrane : Vos organismes prennent-ils des moyens pour que les personnes autistiques leur présentent leurs points de vue. Nous avons entendu Michelle Dawson hier, qui a présenté un témoignage brillant. Je suis certaine qu'il y a d'autres personnes ayant des troubles du spectre autistique, comme Mme Dawson, que nous pourrions entendre. Je ne sais pas pourquoi nous ne les entendons pas. Votre organisme pourrait être celui qui favorise leur participation.

Mme Fenton : Il y a une personne atteinte de troubles du spectre autistique à notre conseil d'administration qui représente le Manitoba. Il s'appelle Kristian Hooker et comparaîtra devant votre comité au début décembre.

Le sénateur Cochrane : A-t-il participé à la préparation de ce livre blanc?

Mme Fenton : Il ne faisait pas partie de notre conseil à ce moment-là, il y a presque cinq ans. Nous avons beaucoup avancé depuis. Sur la stigmatisation et les autres problèmes du genre, nous avançons à très petits pas.

Le sénateur Cochrane : Vous voulez faire participer des personnes ayant des troubles du spectre autistique.

Mme Fenton : Oui, nous avons un comité consultatif qui se compose de personnes atteintes de troubles du spectre et nous en avons aussi au sein du conseil.

Le sénateur Cochrane : Qu'en est-il pour la prise de décisions?

Mme Fenton : Ces personnes participant à la prise de décisions.

Le sénateur Fairbairn : Je vous écoute et je prends conscience de l'expérience d'apprentissage que c'est pour moi et probablement pour d'autres membres de ce comité. Ma question est simple. Je ne peux pas comprendre pourquoi, dans un pays prospère et humain comme le Canada, où il y a tant de bonnes universités et de scientifiques de renommée mondiale, comme on nous le dit, nous n'avons pas encore établi de centre dans le milieu de l'éducation pour faire de cet enjeu une considération fondamentale. Je pense à ma propre province, l'Alberta, et à l'Université de l'Alberta, qui regorgent d'excellents scientifiques médicaux.

Le sénateur Munson : Et d'argent.

Le sénateur Fairbairn : Oui.

Mme Fenton : L'autisme est un trouble assez jeune. Il a été reconnu comme trouble au début des années 1940. Les personnes ayant le syndrome d'Asperger n'ont pas été ajoutées au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM, avant 1994. Depuis 50 ans, où l'on croyait que les troubles du spectre autistique étaient attribuables à un mauvais encadrement parental, la recherche a beaucoup évolué. Les chercheurs en apprennent tant sur ces troubles chaque jour qu'on commence à comprendre l'importance d'établir des centres d'excellence.

Susan Bryson est directrice de recherche à l'Université Dalhousie, à Halifax. On commence à reconnaître les TSA. Parfois, lorsque des gens examinent des systèmes, ils s'attendent à ce qu'ils prennent immédiatement le bon tournant. Les systèmes changent lentement. Chaque jour, nous apprenons une nouvelle chose. Je serais ravie qu'on établisse un centre d'excellence dès demain et qu'on puisse dire : voici les meilleurs traitements qui soient et voici des personnes qualifiées pour intervenir. Cependant, ce n'est pas ainsi que nous travaillons. L'évolution est lente, malheureusement.

Mme Lanthier : Les taux d'incidence ont tellement augmenté, ne serait-ce que depuis quelques années, que nous sommes presque réduits à une position réactive, que nous n'avons pas les moyens ni les ressources pour être proactifs. Où investir nos ressources limitées? Elles doivent servir à aider ces enfants.

Les parents sont presque frénétiques. Ils cherchent tout ce qu'ils peuvent trouver. C'est l'aspect merveilleux de cette possibilité. La frénésie est toujours là, mais les parents se rendent compte que si nous ne nous arrêtons pas pour respirer et réfléchir à ce que nous devons faire, nous ne passerons jamais à autre chose que cette frénésie et ne pourrons jamais être proactifs plutôt que réactifs.

Les taux d'incidences ne diminueront pas. Au contraire, ils semblent augmenter. La frénésie demeure. Les parents nous disent : « Je sais qu'il y a de la recherche qui se fait et que l'argent que je recueille pour la recherche n'aura peut-être pas d'incidence sur mon enfant, mais je veux faire quelque chose pour les générations futures. » C'est abasourdissant pour des parents qui ont deux jumeaux de quatre ans atteints de troubles du spectre autistique qui sont hors de contrôle.

Mme Fenton : Le syndrome d'Asperger a été ajouté au DSM en 1994. Mon fils aîné, qui en est atteint, est né en 1993. Lorsqu'il avait trois ans, je suis allée voir un psychologue et je lui ai dit : « Je pense qu'il se passe quelque chose ici. » Le psychologue m'a répondu : « Son comportement est extrême, mais non anormal. Rentrez chez vous et soyez un meilleur parent. » C'est l'information qu'il m'a donnée parce qu'il n'en savait pas beaucoup sur ce trouble. Il avait deux ans de retard sur les recherches. Il y a du rattrapage à faire. Nous devons être proactifs et éviter que les gens soient renvoyés chez eux. Cela signifie que nous devons prendre le temps d'apprendre à reconnaître les signes précurseurs et faire les examens qui conviennent pour poser le bon diagnostic.

Le sénateur Ruth : Je serais curieuse de savoir à combien s'élèvent les frais de scolarité et comment se structurent les subventions pour les enfants.

Ce qui m'a impressionnée le plus du témoignage que nous a présenté hier une femme autistique, c'est ce que j'ai presque perçu comme une prière : « N'utilisez pas toute la recherche et les ressources pour que nous vous aimions, pour que nous fonctionnions comme n'importe quel Canadien normal. » C'est ce que nous demandent beaucoup de groupes dans la société canadienne. Je vous demande donc quelle réponse vous avez à cela.

Mme Lanthier : À New Haven, les frais de scolarité tournent autour de 55 000 dollars par année. Il y a un comité de levée de fonds très actif, qui n'a pas pour mission de refuser un enfant qui a besoin d'aide, mais qui doit le faire quand même. Le gouvernement de l'Ontario, par ses services préscolaires à l'autisme, finance environ le tiers de cette somme pour moi. Le reste est payé par les salaires du reste de ma famille, entre autres.

Concernant Michelle Dawson et sa prière, votre remarque est intéressante. Nous l'entendons souvent ici, tout comme aux États-Unis. C'est difficile, parce que les opinions diffèrent en fonction des interlocuteurs. Bien souvent, les adultes du spectre ne sont pas verbaux, ils ne sont pas en mesure d'utiliser les mots. Ils utilisent d'autres moyens de communication pour émettre leurs messages. Je pense qu'il est important que ces personnes participent aux discussions.

Personnellement, je tiens à ce que mon enfant ait le moins de difficulté possible dans la vie. C'est ce que tous les parents souhaitent. Certains aspects de son autisme sont extraordinaires et nous apportent beaucoup d'humour et de joie. Certains aspects de son autisme ne sont pas joyeux. J'en suis bien triste. Je m'en inquiète tous les jours. Je me réveille tous les matins en me demandant ce qu'il va advenir de lui quand je ne serai plus là. Qu'adviendra-t-il de lui si mon avion s'écrase à mon retour à Toronto et que je meure? Il a sept ans. Je m'en inquiète tous les jours.

Vais-je faire tout en mon pouvoir pour veiller à ce qu'il ne soit pas nécessairement comme moi, parce que je ne pense pas qu'il veuille être complètement comme moi, mais à ce qu'il ait toute l'aide nécessaire pour fonctionner dans la vie qu'il choisira? Oui. Jusqu'à ce qu'il puisse me dire en quoi consistera cette vie, je dois, en tant que parent, réclamer ce que je considère être le mieux pour lui. C'est ce que les parents font habituellement.

Il n'y a aucune organisation qui essaie de dire qu'une personne ayant un TSA devrait être comme lui, comme elle ou comme nous. Nous voulons faire le mieux pour chaque enfant, de notre point de vue.

Mme Fenton : Je suis d'accord. La réalité, c'est que tout le monde veut que ses enfants réalisent leur plein potentiel. De quel type d'aide et de mesures d'adaptation ai-je besoin pour être ici et vous parler aujourd'hui? Nous aimerions mettre ces choses en place pour tout le monde dans la société, pour que tous réalisent leur plein potentiel et profitent de la vie.

Concernant mes deux enfants, l'un est un autiste classique et parle très peu, alors que l'autre a le syndrome d'Asperger et parle. Certains aspects de leur autisme m'apportent beaucoup de joie, mais certains aspects ajoutent énormément de stress à ma vie. J'ai un enfant qui n'a aucune compréhension cognitive du danger. On peut courir devant un camion. Comment empêcher ce comportement, compte tenu du fait qu'il fait partie du 5 p. 100 des enfants les plus hyperactifs et les plus impulsifs? Les défis sont énormes. Il doit apprendre à reconnaître les dangers de ce monde, et j'ai besoin d'aide pour le protéger. Cela ne signifie pas que je veux faire disparaître les caractéristiques que le rendent unique et intéressant, mais je veux lui apprendre à vivre et à fonctionner dans le monde.

Mme Lanthier : Je pense que nous sommes toutes les deux convaincues que Michelle Dawson est une personne extraordinaire. Elle réalise son propre potentiel, ce qui est extraordinaire.

Mme Fenton : Ce ne sont pas toutes les personnes atteintes de troubles du spectre autistique qui peuvent réaliser ce potentiel.

Le président : Pour terminer cette séance, le ministre de la Santé a fait une annonce il y a quelques jours. Je pense que la Société canadienne de l'autisme était là pour appuyer son programme. Peut-être pouvez-vous nous dire si vous êtes satisfaits de l'orientation qu'il prend. Dans votre témoignage d'aujourd'hui, je pense que vous avez réclamé une stratégie nationale, et je ne pense pas qu'il a parlé de stratégie nationale. Si vous pensez qu'il doit en faire plus, lui avez-vous dit pendant que vous étiez là à ses côtés?

Mme Fenton : Oui. C'est un premier pas modeste. Nous lui avons mentionné que son annonce était un premier pas modeste. Comme le disent les membres de la collectivité, ainsi que le sénateur Cochrane, il faut aussi consulter les personnes autistiques.

L'élément de base de l'élaboration d'une stratégie nationale de l'autisme serait que tous les intervenants s'assoient à la table. Tous les membres de la collectivité doivent se réunir, les personnes atteintes de troubles du spectre autistique, les professionnels, les provinces et tous les gouvernements, non seulement en santé, mais également en éducation et en services sociaux, afin de réfléchir ensemble à la stratégie que nous devons mettre en place pour que les personnes atteintes de troubles du spectre autistique puissent réaliser leur plein potentiel.

Le président : Je vous remercie toutes les deux. Vous nous avez bien aidés ce matin.

Nos prochains témoins sont, pour commencer, Jean Lewis, directrice et fondatrice de Families for Early Autism Treatment, FEAT, un organisme de la Colombie-Britannique qui a été établi en 1996. Il s'agit d'une société à but non lucratif qui se penche sur les traitements de l'autisme médicalement nécessaires. Mme Lewis est mère de deux fils, dont l'un a reçu un diagnostic d'autisme en 1996.

Laurie Mawlam est ici au nom d'Autisme Canada. Mme Mawlam est directrice exécutive d'Autisme Canada, un organisme à but non lucratif dont la mission est de trouver les causes de l'autisme et son traitement.

Enfin, nous recevons David Mikkelsen, directeur exécutif de Autism Treatment Services of Canada, un poste qu'il détient depuis 1980. M. Mikkelsen a beaucoup d'expérience en profondeur dans ce domaine.

Nous allons commencer par Mme Lewis.

Jean Lewis, directrice, Families for Early Autism Treatment : Je serai brève. J'aimerais commencer par une petite histoire.

Peu avant de partir pour Ottawa, j'ai souhaité bonne nuit à notre fils de 14 ans, James, qui a deux ans de plus que son frère autistique, Aaron. Je sentais qu'il y avait quelque chose qui le dérangeait profondément pendant que je le bordais. C'était vrai : l'intuition d'une mère est toujours juste. Il se trouvait qu'à l'école, ce jour-là, ses camarades de classe et lui avaient visionné une vidéo sur les orphelins de Duplessis. Je suis certaine que vous connaissez tous l'histoire des orphelins de Duplessis dans les années 1930 au Québec.

L'une des scènes montrait un jeune autiste et le traitement qu'il recevait à l'orphelinat. Cette scène a lancé la discussion sur les raisons pour lesquelles il ne recevait pas de traitement en 1930 et pour lesquelles aujourd'hui, au Canada, en 2006, les enfants autistiques ne reçoivent toujours pas de traitement.

Cette conversation était dérangeante pour cet enfant innocent. Nous ne mesurons pas l'anxiété ni les autres émotions que lui et les autres frères et sœurs d'autistes ressentent quant à l'avenir incertain de leur frère ou de leur sœur.

De nos jours, les enfants autistiques sont toujours orphelins dans le système de santé du Canada. Ce n'est pas acceptable. Nous voulons que les traitements de l'autisme soient couverts par l'assurance-maladie dès maintenant.

Il ne fait aucun doute que l'analyse comportementale appliquée, l'ACA, ou l'intervention comportementale intensive, l'ICI, sont des traitements scientifiques efficaces pour les enfants qui ont des troubles du spectre autistique. Il ne fait aucun doute que ces traitements sont médicalement nécessaires. La question a été étudiée à maintes reprises par les tribunaux de la Colombie-Britannique et l'Ontario, et les tribunaux ont conclu que c'était un fait. Il ne sert à rien de poursuivre la discussion. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique avait tout à fait raison dans l'affaire Auton, lorsqu'elle a établi que l'autisme était un handicap défini par la société. On juge qu'il vaut moins la peine d'aider les enfants aux prises avec ce handicap que les autres enfants ou les adultes qui ont des problèmes médicaux transitoires ou qui ont besoin de thérapie en santé mentale. C'est inacceptable.

FEAT B.C. se bat depuis dix ans contre les bureaucrates de la santé pour obtenir ce à quoi les enfants atteints d'autisme ont droit légitimement et médicalement, soit une couverture d'assurance-maladie pour leurs traitements médicalement nécessaires.

Jusqu'à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Auton il y deux ans, nous nous fondions surtout sur la procédure juridique. Dans une certaine mesure, nous le faisons toujours. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous sommes ici parce que la Cour suprême du Canada nous a dit de nous politiser.

Je suis ici avec deux autres mères d'enfants autistiques de la Colombie-Britannique, Roxanne Black et Jennifer Ralph.

Certaines personnes se demandent combien il en coûtera pour traiter les enfants autistiques. Nous affirmons qu'il en coûtera beaucoup moins de les traiter que de ne pas les traiter. Depuis que nous avons commencé à nous battre, il y a dix ans, pour obtenir de l'assurance-maladie pour des traitements de l'autisme prouvés scientifiquement, combien d'enfants ont reçu un diagnostic de troubles du spectre autistique au Canada? Combien de familles ayant des enfants autistiques non traités ont éclaté ou été acculée à la faillite? Combien de frères et de sœurs d'enfants autistiques ont vécu l'anxiété que mon fils James exprime? Combien d'argent a été dépensé pour placer des enfants autistiques dans des foyers de groupe ou des familles d'accueil dysfonctionnels ou encore des institutions où ils sont brutalisés? Quelle contribution potentielle à la société canadienne et à notre économie avons-nous perdu parce que nous n'assurons pas le traitement de l'autisme? Il vaut la peine de réfléchir à ces questions, qui sont toutes nécessaires.

Ce n'est plus le temps de nous poser des questions et de débattre. Il est temps de passer à l'action. La lenteur indescriptible du travail des bureaucrates équivaut pratiquement à une absence de volonté d'agir. C'est un manque d'égard irresponsable envers nos enfants. C'est inacceptable. Nous voulons de l'assurance-médicament pour le traitement de l'autisme et nous en avons besoin dès maintenant.

On dit souvent qu'il n'y a aucun sentiment d'urgence pour quoi que ce soit dans cette ville. Si c'est vrai, peut-être est-ce attribuable à un manque d'indignation ciblée dans ce pays en général. Le poète du XVIIe siècle William Congreve, qui a écrit « Hell halt no fury like a woman scorned », n'a évidemment pas rencontré de mères d'enfants qui se sont fait refuser des traitements médicalement nécessaires par une classe politique myope et une bureaucratie franchement obstinée.

Bien sûr, notre gouvernement national pourrait assurer le traitement de l'autisme. La Loi canadienne sur la santé n'est pas la Bible, elle découle du travail d'êtres humains faillibles. On peut l'améliorer. Tout dépend de la volonté politique. En parlant de volonté politique, l'annonce qu'a faite mardi dernier le ministre de la Santé, Tony Clement, sur la politique du gouvernement fédéral à l'égard de l'autisme est le comble du pire de ce que produit Ottawa. C'est la Commission Romanow conjuguée au registre des armes à feu. C'est de la petite politique. M. Clement essaie de souffler la vedette aux libéraux et au NPD, qui travaillant en collaboration à une motion parlementaire afin de proposer une stratégie nationale de l'autisme. M. Clement fait de la petite politique avec les vies des enfants autistiques et de leurs familles fragiles. Il devrait avoir honte.

Families for Early Autism Treatment B.C. a l'intention d'être active pendant la prochaine campagne électorale. Nous allons concentrer nos efforts dans certaines circonscriptions des banlieues de Toronto et de Vancouver, ainsi que dans certaines régions rurales de l'Ontario, où la victoire tenait à moins de 4 p. 100 la dernière fois. Dans bien des cas, elle tenait à moins de 2 p. 100. Il semble clair, d'après l'annonce de mardi dernier, que la circonscription de Parry Sound-Muskoka en fera partie. Nous allons travailler à faire élire ou réélire des députés qui montrent l'engagement le plus sincère à nous aider à atteindre notre objectif. Nous croyons que les politiciens agissent selon la devise d'un ancien sénateur des États-Unis, Everett Dirksen : « Quand je sens la pression, je vois la lumière. »

Nous espérons que ce comité sénatorial incitera le gouvernement du Canada à prendre la mesure moralement bonne et économiquement nécessaire qui s'impose, soit d'inclure le traitement de l'autisme dans le régime d'assurance-maladie dès maintenant. Franchement, c'est ce à quoi nous nous attendons.

Laurie Mawlam, directrice exécutive, Autisme Canada : Je suis enchantée et honorée d'être ici aujourd'hui au nom de la fondation Autisme Canada.

Autisme Canada est un organisme de bienfaisance enregistré canadien qui a été fondé par des parents ayant tous au moins un enfant qui ont reçu le diagnostic de trouble du spectre autistique. Aujourd'hui, au moins 50 p. 100 des membres de notre conseil d'administration doivent avoir un enfant qui a reçu un diagnostic d'autisme pour que nous ne perdions jamais de vue les défis entourant l'éducation d'un enfant autistique.

Notre mandat est de participer au pouvoir, d'éduquer les gens et de les unir pour trouver les causes de l'autisme et son traitement. Nous croyons que l'autisme est un trouble médical et non comportemental. L'autisme est une dysfonction de différents systèmes du corps, dont le tractus gastro-intestinal, le système immunitaire, ainsi que les systèmes hépatique, endocrinien et nerveux.

Malgré la fausse croyance répandue, il y a beaucoup de preuves scientifiques qui appuient l'utilisation d'interventions nutritionnelles et biomédicales chez les personnes autistiques. J'ai joint à l'annexe 1 un condensé de 255 articles de revues médicales ayant fait l'objet d'examen par les pairs qui ont été rassemblés par Theresa Binstock, chercheuse en neuroanatomie développementale et comportementale. J'ai également joint à l'annexe 2 les résultats d'évaluations de parents sur les effets comportementaux d'interventions biomédicales, qui ont été recueillies par l'Autism Research Institute depuis 1967.

Il faut reconnaître la validité et la nécessité des interventions nutritionnelles et biomédicales et les combiner à des traitements comportementaux.

Nous partageons les préoccupations d'autres groupes. Le temps d'attente pour obtenir un diagnostic est trop long. Le temps d'attente pour obtenir des traitements est trop long. Le système d'éducation publique n'est pas doté des ressources, ni même dans certains cas des connaissances, pour travailler efficacement avec les enfants autistiques.

L'autre réalité qui nous préoccupe et dont vous n'avez peut-être pas encore entendu parler beaucoup, c'est le fait qu'en médecine classique, on ne connaît pas les interventions biomédicales efficaces ou qu'on n'enseigne pas aux médecins à traiter les personnes autistiques sur une base individuelle. J'ai eu la chance de participer à des conférences sur l'autisme au Canada et aux États-Unis, où des médecins ont présenté des études de cas pour montrer à quel point des traitements biomédicaux les ont aidés à éliminer efficacement des comportements d'automutilation et répétitifs considérés comme partie intégrante de l'état autistique.

Nous avons appris de diverses recherches scientifiques et d'observations directes que beaucoup d'autistes avaient des problèmes gastro-intestinaux, des maux de tête, des allergies alimentaires, des carences vitaminiques, des anomalies du système immunitaire, des incapacités de détoxication et des sensibilités environnementales. Souvent, les enfants autistiques ne peuvent pas exprimer l'inconfort qu'ils ressentent. Il est rare de trouver un médecin qui cherchera au-delà de l'autisme et traitera des symptômes médicaux.

Il faut dire aussi que les examens médicaux et les suppléments alimentaires ne sont pas toujours considérés comme une dépense médicale admise selon la Loi l'impôt sur le revenu, bien que les professionnels de la santé autorisés les jugent médicalement nécessaires.

Le Dr Ben Gibbard, de l'Université de Calgary, a déclaré à la réunion de l'American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, cette année, que presque tous les patients autistiques (93,8 p. 100) qu'il suivait recevaient une forme ou une autre d'intervention nutritionnelle et alimentaire. J'ai joint à l'annexe III de mon mémoire un article publié dans MedPage Today le 27 octobre 2006, qui donne d'autres exemples des conclusions que le Dr Gibbard a tirées du sondage qu'il a effectué en Alberta.

À la fin de l'article, la Dre Margaret Weiss, de l'Université de la Colombie-Britannique, affirme que bien que des évaluations positives puissent être attribuables par certains à l'effet placebo, il est préférable de les considérer comme des essais ouverts ou des exposés de cas qui pourraient orienter la recherche dans la bonne direction. « Si nous avions obtenu des effets placebos de cette ampleur dans nos essais sur les stimulants, les stimulants ne seraient pas sur le marché », dit-elle.

Au point six, mon dernier, je souligne le peu de recherches scientifiques préconisant une approche multidisciplinaire pour trouver les causes communes des aspects neurologiques, gastro-intestinaux et immunologiques disparates de l'autisme. Actuellement, la recherche financée par le gouvernement vise surtout le casse-tête génétique de l'autisme et de la modification des comportements, puis dans une moindre mesure, l'imagerie cérébrale. Remarquez que nous reconnaissons toutes ces contributions. Nous sommes d'avis qu'il faut favoriser la recherche universitaire effectuée selon une approche multidisciplinaire, qu'il faut rassembler des spécialistes de toutes les disciplines biomédicales et étudier de nouvelles hypothèses. Nous sommes enthousiastes devant les recherches récentes qui s'effectuent sur la biologie de l'autisme, la croissance et l'inflammation du cerveau, ainsi que les perturbations des systèmes immunitaires et digestifs de la perspective de l'environnement, de la génétique et des comportements. Nous croyons que c'est grâce à ces recherches que nous allons trouver des réponses pour arrêter cette épidémie.

Nous voulons combler l'écart entre l'observation et la médecine fondée sur des preuves concrètes. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'association Autisme Canada a été fondée. Nous louons les efforts que déploie le Kilee Patchell-Evans Autism Research Group, de l'Université Western Ontario, pour établir une approche multidisciplinaire, et la collaboration de celle-ci avec l'Université Queen's, l'Université Harvard et l'Université Johns Hopkins. Les résultats des travaux du Kilee Patchell-Evans Autism Research Group, dirigé par le Dr Derrick MacFabe, ont été publiés récemment dans Behavioural Brain Research. Vous en trouverez une copie à l'annexe IV.

Les recherches portaient sur l'acide propionique composé, qui a été utilisé dans un modèle animal pour montrer les symptômes d'hyperactivité, le comportement répétitif et les déficiences sociales qui sont apparentés à l'autisme. La science détient la réponse à ce problème médical.

Pour terminer, je suis fière de vous annoncer qu'il est possible de traiter l'autisme. Il y a de l'espoir. Ce n'est pas facile, mais c'est possible. Je le sais parce qu'on a diagnostiqué l'autisme chez mon fils en juillet 2000 et qu'il n'est plus considéré comme autistique. On me critique parce que je le dis et on me répète sans cesse que Tommy doit avoir été victime d'un mauvais diagnostic ou qu'il est encore autistique. Il n'a pas été victime d'un mauvais diagnostic et, aujourd'hui, il se comporte comme les autres enfants. Les parents comme moi prennent des décisions éclairées, fondées sur des recherches scientifiques, et ils recherchent des traitements multidisciplinaires pour accroître les chances de rétablissement de leurs enfants.

Avant de répondre aux questions, je tiens à dire que, mercredi matin, avant de partir pour Ottawa, j'ai vérifié mes courriels et j'ai appris que le monde autistique avait perdu un ange merveilleux. Le Dr Bernard Rimland est décédé, mardi. C'est lui qui a démontré la fausseté de la théorie de la mère réfrigérante appliquée à l'autisme dans son ouvrage intitulé Infantile Autism, publié en 1964. Il a fondé l'Autism Society of America, en grande partie pour promouvoir les méthodes de modification du comportement. Il a créé l'Autism Research Institute afin de mettre en place un centre de recherche et d'échange mondial pour les traitements biomédicaux, et lancé le projet Defeat Autism Now!, pour déceler les causes de l'autisme rapidement et promouvoir l'utilisation de traitements sûrs et efficaces que la médecine générale refuse de considérer.

J'ai apporté trois documents additionnels que je désire joindre à mon exposé : un hommage au Dr Bernard Rimland, si vous ne le connaissez pas; le bulletin d'information automne 2006 d'Autism Canada; et une copie du documentaire Autism : There is Hope Out There, en format DVD.

David Mikkelsen, directeur exécutif, Autism Treatment Services of Canada : Honorables sénateurs, je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui.

Avant de présenter mon exposé, je voudrais vous annoncer une bonne et une mauvaise nouvelle. Commençons par la bonne : nous sommes ici, nous avons un auditoire intéressé, et vous avez des témoins qui sont passionnés par le sujet. Je ne peux prétendre être aussi passionné qu'eux. Je n'ai pas d'enfant autistique. Toutefois, j'ai eu l'occasion d'en héberger deux, chez moi, pendant plusieurs années.

En 1977, j'étais assis à une table de l'autre côté de la rue. Mme Fenton ne le sait probablement pas, mais je suis l'un des membres fondateurs de la Société canadienne de l'autisme, à l'époque connue sous le nom de Société canadienne des enfants autistes. La très dynamique Yvette Rousseau avait rassemblé certains de ses collègues en vue de former un groupe, qu'elle a plus tard parrainé. Nous avions eu une discussion similaire. La mauvaise nouvelle, c'est que cela s'est passé il y a 29 ans.

Nous avons parcouru un long chemin, mais nous n'avons pas accompli autant de progrès de que nous l'aurions souhaité en 29 ans. Cela dit, je suis content d'avoir l'occasion d'exposer mes vues sur la question.

Vous avez sûrement constaté, dans le cadre de votre étude sur l'autisme, qu'il existe de grandes différences au niveau des philosophies de traitement, de la disponibilité des services, du financement des soins accordés aux personnes atteintes d'autisme au Canada. Je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus.

Je veux plutôt vous parler de la raison qui fait que, d'après l'Association canadienne pour l'obtention de services pour les personnes autistes, nous ne sommes pas en mesure de répondre de manière adéquate aux divers besoins en matière de traitement, d'éducation et de soutien des personnes autistes et de leurs familles : soit l'absence de renforcement des capacités et le manque de ressources au Canada.

C'est l'histoire de l'œuf et de la poule : nous avons besoin de fonds pour développer les compétences. Si l'on nous donnait deux millions de dollars aujourd'hui, nous n'arriverions sans doute pas à répondre aux besoins, car nous manquons de spécialistes. La volonté politique n'y est pas, l'engagement social non plus. La situation économique n'en est pas nécessairement la cause, puisque les législateurs semblent toujours trouver les fonds nécessaires pour financer des projets ou des services. Ce sont plutôt les priorités politiques et sociales qui varient d'une région à l'autre qui sont à l'origine du problème. Comment peut-on remettre celles-ci en question?

Pour venir à bout de la pénurie d'infirmières, les établissements d'enseignement créent de nouvelles places, ce qui est tout à fait logique. Or, nous avons tort de dire qu'il s'agit de nouvelles places. Ils ne créent pas toujours de nouvelles places, mais convertissent plutôt les places existantes dans d'autres facultés. À notre avis, il y a eu réduction générale du nombre de places dans les programmes d'études en réadaptation, en soins aux enfants, ainsi de suite, au profit d'autres priorités plus importantes. Encore une fois, comment peut-on remettre celles-ci en question?

Résultat : il y a moins de travailleurs de première ligne pour répondre aux besoins sans cesse croissants. De plus, la plupart des programmes d'études supérieures n'offrent pas de formation spécialisée sur le traitement de longue durée de l'autisme. Une formation de six semaines, ce n'est pas la même chose qu'une formation intensive échelonnée sur trois ans.

Dans certains cas, le fait de laisser des personnes inexpérimentées administrer des programmes dans le but de favoriser le développement des compétences compromet la qualité. Les cliniciens spécialisés ont très peu de temps, sinon aucun, à consacrer à l'encadrement ou à la formation, parce qu'ils ont de nombreux patients à traiter. Les fournisseurs de services sans but lucratif livrent concurrence au régime de soins de santé et essaient de recruter des spécialistes, sauf que l'écart salarial ne joue pas en leur faveur. Par conséquent, les fournisseurs de services sans but lucratif, même s'ils arrivent à embaucher des spécialistes, servent souvent de milieu d'apprentissage pour le régime de soins de santé et les programmes de soutien familial. Nous avons créé une situation où ce sont ceux qui crient le plus fort qui se font entendre. Les parents scolarisés, bien renseignés et éloquents défendent avec efficacité les droits de leurs enfants, tandis que les parents moins confiants et les nouveaux Canadiens qui n'ont pas les mêmes compétences linguistiques et la même expérience naviguent, avec difficulté, dans les eaux troubles d'un système énorme pour répondre aux besoins fondamentaux de leur enfant. Comme nous l'avons déjà entendu aujourd'hui, les listes d'attente sont incroyablement longues. Si les parents ne peuvent défendre le droit de leur enfant de garder sa place sur la liste d'attente et peut-être de passer devant les autres, il n'y a aucun espoir.

Si, faute de volonté politique et de soutien communautaire, l'autisme n'est pas considéré comme une priorité, les choses ne changeront pas. Nous allons nous retrouver avec des services de traitement fragmentés à l'échelle nationale, et j'utilise le terme « traitement » dans son sens le plus large. Ce traitement englobe la psychologie, l'orthophonie, l'ergothérapie, l'éducation, ainsi de suite.

Il n'y a pas de coordination, de normes et de pratiques exemplaires reconnues et acceptées. En fait, de nombreux services n'ont pas accès aux traitements fondés sur des preuves. Les listes d'attente pour de tels traitements sont incroyablement longues.

L'absence de spécialistes, ou le fait que les personnes suffisamment qualifiées choisissent de mettre leurs compétences à profit dans d'autres domaines où elles sont mieux rémunérées et où les frustrations sont moins grandes constitue un autre enjeu de taille qui est laissé pour compte.

L'inefficacité des programmes de sensibilisation et d'éducation sur l'autisme et l'absence de services de longue durée ajoutent au problème. Sur ce dernier point, les provinces et les territoires au Canada ne financent pas adéquatement la prestation de services du berceau jusqu'à la tombe. Soit ils financent les services offerts aux enfants âgés de deux, trois, dix-neuf ou vingt ans, peu importe l'âge limite, ce qui veut dire que peu de services leur sont offerts une fois qu'ils deviennent adultes, soit ils offrent très peu de services aux personnes en bas âge et fournissent de l'aide uniquement à la population adulte.

Autre point : les luttes que semblent se livrer les ministères. De nombreux efforts ont été déployés pour coordonner les services d'éducation, d'aide à l'enfance et de santé à l'échelle du pays. Toutefois, les résultats semblent toujours être les mêmes : on met sur pied des comités interministériels ou des groupes de travail qui n'ont aucun pouvoir, qui ne peuvent formuler des recommandations ou les mettre en œuvre.

Quoi qu'il en soit, il y a de plus en plus de personnes atteintes de troubles du spectre autistique dont les besoins ne sont pas satisfaits en raison de cette situation.

Que faire? Nous avons plusieurs suggestions, même si la liste n'est pas exhaustive : établir des normes ou des pratiques exemplaires détaillées en matière de diagnostic, de traitement et de suivi; soutenir les efforts de recherche en vue de cerner les éléments de traitement critiques; mettre au point des outils pour assurer la fidélité au traitement et créer des programmes de traitement efficaces. De nombreuses études sont en train d'être menées sur étiologie de l'autisme. Toutefois, comme l'ont indiqué les autres témoins, la recherche appliquée sur les méthodes qui existent fait défaut. Ces recherches sont essentielles à l'élaboration de normes et de pratiques exemplaires. Par ailleurs, nous devons : encourager les établissements d'enseignement à inclure les TSA dans les programmes de résidence et d'accréditation, entre autres, au niveau des études supérieures — autrement dit, prévoir des bourses pour la formation spécialisée en autisme, y compris pour les travailleurs sur le terrain, afin que nous puissions encourager ceux-ci à continuer à œuvrer dans ce domaine; faire en sorte que les gouvernements incitent les établissements d'enseignement à accroître le nombre de places dans les programmes d'études en travail social, notamment dans le domaine de l'autisme, bien entendu, puisqu'il est question de cela aujourd'hui, mais également de manière générale. Les travailleurs sociaux ne sont pas valorisés par notre société. C'est malheureux.

Nous devons rémunérer adéquatement les travailleurs sur le terrain pour qu'ils puissent poursuivre leur carrière dans le domaine du travail social, et notamment de l'autisme. Nous devons faire en sorte que la prestation de services est assurée de manière équitable à l'échelle du pays, y compris dans les régions rurales. Ces services englobent la formation automatisée ou les services de télésanté offerts aux collectivités éloignées. À l'heure actuelle, les personnes qui vivent dans les régions rurales sont laissées pour compte ou doivent franchir de longues distances pour avoir accès à un minimum de services pour leur enfant.

Nous devons, au moyen d'une loi, obliger les compagnies d'assurance à couvrir les coûts associés au traitement de l'autisme, comme elles le font pour d'autres services médicaux. Nous devons encourager les familles à continuer d'exercer des pressions sur les législateurs pour qu'ils appuient le financement du traitement de l'autisme. Nous devons encourager la mise en place de services de soutien professionnel pour aider les familles à développer leurs habilités afin qu'elles puissent s'occuper de leurs enfants autistes. Ceux qui d'entre nous n'avons pas d'enfant autistique ne savons pas ce que vivent ces parents.

Le changement passe par la collaboration interministérielle. Mme Lanthier et Mme Fenton ont toutes les deux parlé de la nécessité d'avoir une stratégie nationale de l'autisme. Une telle initiative est tout à fait logique. Nous l'appuyons.

Comme je l'ai mentionné, cette liste n'est exhaustive. D'autres discussions s'imposent. Quoi qu'il en soit, le travail que vous effectuez constitue un bon point de départ. Je tiens à vous féliciter pour les efforts que vous déployez en vue de vous familiariser avec cette affection complexe.

Bien que l'étude du comité porte sur l'autisme, le développement des compétences dans ce domaine va contribuer à favoriser la mise sur pied de nouveaux services d'autres groupes de personnes handicapées.

Merci de m'avoir accordé votre attention. Nous cherchons à créer un monde meilleur pour les personnes autistes et leurs familles. Votre appui à cet égard est grandement apprécié.

Le président : Merci. Nous allons maintenant passer aux questions. Je vous demande d'être brefs.

Le sénateur St. Germain : Je tiens à remercier tous les témoins, en particulier Mme Lewis, Mme Ralph et Mme Black. Je sais que vous venez de loin. Je dois parcourir cette distance toutes les semaines.

Je vais être bref. Beaucoup de recherches ont été effectuées dans le domaine de l'autisme. Ma question s'adresse à Mme Lewis.

Chers collègues, j'ai déjà rencontré ces personnes en Colombie-Britannique. En fait, j'ai une nièce qui a deux garçons qui sont autistes. Ce n'est que lorsque j'ai entendu Mme Lewis, et rencontré Mme Black, cet été, chez moi, que j'ai constaté ce que vivait cette belle et jeune femme : son état de santé se détériorait sous nos yeux en raison du stress qu'entraînait le fait d'élever deux enfants autistes.

Je ne suis pas un expert en la matière, mais je peux peut-être aider, dans une modeste mesure. Nous savons quel est le problème. D'où provient votre financement? Recevez-vous du financement pour aider les jeunes enfants autistes?

Mme Lewis : Vous parlez de FEAT?

Le sénateur St. Germain : Oui.

Mme Lewis : Nous ne recevons aucun fonds. Notre groupe est composé entièrement de parents, de bénévoles et de professionnels. En fait, nous refusons d'accepter du financement du gouvernement parce que, par définition, nous ne pouvons remplir un rôle de défense si nous sommes financés par celui-ci.

Nous avons un objectif : faire en sorte que le traitement de l'autisme soit considéré comme un service médicalement nécessaire aux fins du régime de soins de santé pour que nos enfants, tout comme les autres Canadiens, aient accès à des services qui visent à répondre à leurs besoins fondamentaux. Voilà pourquoi nous existons.

Le sénateur St. Germain : Que pouvons-nous proposer comme stratégie nationale?

Mme Lewis : Il faut modifier la Loi canadienne sur la santé de manière à y inclure l'ABA et l'ICIP.

Le débat entourant les questions de compétence est honteux. Dire que la Loi canadienne sur la santé ne peut-être touchée parce que cela causerait une crise constitutionnelle est tout à fait ridicule.

Il n'y aura pas de crise constitutionnelle si nous modifions les lignes directrices de la Loi canadienne sur la santé. Au contraire, cela va permettre de régler une bonne partie du problème. Ca va permettre aux enfants d'avoir accès à ce que la science considère comme étant des pratiques exemplaires. Ce n'est pas moi qui le dit, mais sept juges du pays et des centaines d'observateurs aux États-Unis, y compris le chef des services de santé.

Il n'est pas nécessaire d'entreprendre d'autres recherches sur la question. Nous savons ce qu'il faut faire. Il faut modifier la Loi canadienne sur la santé et inclure l'autisme dans la liste des services assurés pour que les familles, d'un océan à l'autre, puissent avoir accès aux mêmes soins de santé. Sinon, c'est de la discrimination. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur St. Germain : Merci.

Le sénateur Munson : Je comprends ce que vous dites, mais l'appareil gouvernemental se déplace lentement. C'est un processus très lent.

Entre-temps, pour revenir à l'analyse appliquée du comportement et à l'intervention comportementale intensive précoce — l'apprentissage d'un enfant par essais répétés —, combien de spécialistes avons-nous au Canada? Que pouvons-nous faire, en tant que comité, pour venir à bout de ce problème?

Les listes d'attente, comme on l'a mentionné, sont très longues. Combien de personnes figurent sur cette liste? Est-ce que le gouvernement fédéral peut donner une enveloppe aux provinces pour qu'elles répondent aux besoins qui existent?

Mme Mawlam : Je pense qu'il est essentiel de prévoir une enveloppe. On peut presque comparer la situation à l'ouragan Katrina : nous avons besoin de fonds.

En Ontario, le ministre Chambers a dit que 900 familles avec des enfants autistes reçoivent des services, tandis que 1 000 autres attendent toujours. La province doit faire comprendre au gouvernement fédéral que nous avons besoin de deux fois plus d'argent pour éliminer les listes d'attente.

Mme Lewis : Le gouvernement fédéral a conclu des accords en matière de soins de santé avec les provinces dans plusieurs domaines : les opérations du cœur, les chirurgies de la cataracte et le remplacement de hanches. On peut verser des fonds aux provinces de diverses façons.

Le sénateur Munson : Où les professionnels sont-ils formés et comment?

Mme Lewis : Il s'agit d'un problème pour le Canada. La première chose qu'il faut faire, et le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à ce chapitre, c'est inclure le financement du traitement de l'autisme dans le régime universel de soins de santé en raison du caractère inclusif de celui-ci.

Pour ce qui est de la formation de spécialistes en analyse appliquée du comportement, le gouvernement fédéral doit fournir des fonds aux provinces pour qu'elles puissent fonder des chaires et former leurs propres spécialistes en analyse appliquée du comportement.

À l'heure actuelle, les parents qui veulent se prévaloir de la méthode d'analyse appliquée du comportement, qui est fondée sur des preuves scientifiques, doivent se rendre aux États-Unis pour trouver des spécialistes et les ramener ici. Il y a des spécialistes au Canada. La Colombie-Britannique, par exemple, en compte probablement une dizaine.

Le sénateur Munson : Seulement 10?

Mme Lewis : Oui, ce n'est pas beaucoup. Ce problème peut être réglé par des chaires dotées dans les universités canadiennes.

M. Mikkelsen : Je respecte les propos concernant l'ABA et leur incorporation dans les lignes directrices de la Loi canadienne sur la santé, seulement il n'y a pas que l'ABA. Nous devons élargir cela.

Beaucoup de recherches sont faites sur les approches empiriques touchant les enfants handicapés. Certaines techniques sont efficaces pour certains enfants, mais pas pour d'autres. Aujourd'hui, un témoignage indiquait que l'ABA a été efficace pour la fille de quelqu'un, mais que malheureusement, elle ne l'est pas pour d'autres enfants.

Nous devons élargir les lignes directrices. Il faut favoriser une étude épidémiologique qui examine les coûts des traitements immédiats et intensifs, que ce soit l'ABA ou autre chose à court terme par rapport aux soins à long terme dans des programmes résidentiels et de logement pour les personnes non-traitées et commencer à vraiment se concentrer sur cette occasion avec des jeunes enfants pour que ces traitements soient efficaces. Cependant, nous ne devrions pas, à mon avis, nous limiter à une seule intervention particulière qui enlèverait aux parents la possibilité de choisir.

Mme Mawlam : Je voudrais parler en ma qualité de mère. J'ai reçu une formation pour appliquer un programme en face à face à la maison avec mon fils puis j'ai formé les personnes qui ont travaillé avec eux. Un professionnel venait chez moi une fois par mois pour assurer une formation supplémentaire à moi, à mes employés et à mes bénévoles. Je reconnais que toutes les mères ne peuvent pas faire ce que j'ai fait, mais certaines le peuvent. Je pense que s'il va y avoir plus de fonds, il faut penser aux mères qui font déjà les programmes de traitement et qui n'ont pas le sou. Nous devons les aider et aider celles qui ne peuvent pas faire le traitement elles-mêmes. Il faut fournir ces services à tous les citoyens canadiens.

M. Mikkelsen a raison, je n'ai pas fait le programme ABA. J'ai fait le programme ICIP qui comprend quelque chose appelé « Sunrise » ainsi que « Brain Gym » et toutes sortes d'autres choses. Chaque enfant est considéré comme un individu. Il arrive souvent que le manque de réaction à l'ABA de la part de personnes atteintes d'une forme grave d'autisme soit dû à une raison biomédicale. Les enfants se cognent la tête, se mordent ou se démènent.

Récemment, au symposium international du Geneva centre à Toronto, la Dre Margaret Bowman qui est neurologiste a fait un exposé avec le Dr Timothy Bowie qui est gastroentérologue. Ils ont signalé trois cas — en présentant des vidéos avant et après — d'enfants chez qui, après avoir reçu un traitement pour des problèmes gastro-intestinaux, les sévices auto-infligés et les tics nerveux avaient cessé. Je crois que ces enfants, dans de nombreux cas, prennent tout simplement soin d'eux. Ils ont besoin de soins biomédicaux qui leur permettent de mieux apprendre, de mieux faire et de s'épanouir dans des programmes ICIP.

Le sénateur Cordy : J'aimerais continuer dans le sens de ces propos. Jusqu'à quel point est-il difficile pour vous, en tant que parent, — je sais que ce n'est pas votre cas, monsieur Mikkelsen — d'emmener votre enfant autiste au service des urgences à cause d'une maladie physique ou d'une blessure. Je pense que ce ne doit pas être facile, que faire pour que ce le soit?

Mme Mawlam : À moins d'y être obligé, je ne vois aucune raison d'aller aux urgences. Dans la plupart des cas, je ne vois pas quelle aide on peut y recevoir.

J'ai constaté qu'il est préférable de parler aux autres parents qui avaient trouvé des médecins et des professionnels de la santé agréés qui comprenaient les questions biomédicales propres aux autistes. Les parents font beaucoup d'efforts pour connaître ces médecins qui sont de plus en plus nombreux au Canada car leurs enfants sont aussi autistes et ils font tout pour leur donner les meilleurs traitements possibles et ils mettent en pratique eux-mêmes ces traitements.

Le sénateur Cordy : Donc, les familles cherchent quelqu'un à qui elles peuvent téléphoner avant d'aller aux urgences ou au cabinet d'un médecin pour un traitement.

Mme Lewis : Ces enfants sont généralement mal servis durant cette période. Pour continuer sur le sujet de l'ABA et de l'ICIP, la science décrit clairement les meilleures pratiques. Les données indiquent qu'environ 5 p. 100 des enfants ne réagissent pas à l'ABA. C'est vrai. Cependant, il est clair que l'ABA et l'ICIP sont les meilleures pratiques.

Je les compare au traitement du cancer. Il y a un protocole thérapeutique pour le cancer de la prostate ou du sein. Cependant, cela n'empêche pas qu'il y a toutes sortes d'idées, de thérapies et de remèdes non conventionnels que les gens sont plus que prêts à essayer, et peut-être à aller très loin dans ce sens. Cela n'empêche pas que nous allons financer les traitements reconnus efficaces aujourd'hui. Nous n'arrêtons pas de traiter des gens uniquement parce que nous devons explorer toute autre possibilité de traitement.

Le sénateur Cordy : Cela m'amène à ma prochaine question qui porte sur les meilleures pratiques. Je ne parle pas seulement de l'ABA, de l'ICIP ou de modèles de traitement particuliers. Je parle de programmes globaux, incluant l'aide aux familles. Y a-t-il quelque chose de positif au Canada ou à l'extérieur du Canada? Quel est le degré des échanges de renseignements sur les bonnes choses efficaces?

Mme Lewis : Je ne vois pas ce que vous voulez dire par « bonnes choses ».

Mme Mawlam : Je m'explique. Il y a une excellente recherche. J'ai mentionné le groupe de recherches Kilee Parchell-Evans. La ministre Chambers a créé une chaire d'enseignement du traitement de l'autisme à l'Université de Western Ontario. C'est fantastique. Nous avons des médecins qui savent comment traiter des personnes en tant qu'individus et dépasser le cadre de l'autisme. C'est merveilleux et il y a de plus en plus de médecins de ce genre. Je pense que ce que nous faisons aujourd'hui est un pas dans la bonne direction.

M. Mikkelsen : Beaucoup de bonnes choses se produisent dans tout le pays. L'association pour l'obtention de services aux personnes autistiques à Calgary administre le Margaret House Treatment Centre, fondé en 1976, et qui fait un excellent travail.

Au sujet des échanges, il n'y a pas de temps pour cela. Alors qu'ils peuvent à peine survivre pour répondre à la demande toujours croissante de la population, qu'ils ont beaucoup de difficultés à trouver le temps pour donner des conseils, des formations ou trouver le temps pour échanger des renseignements.

Pour venir au point majeur que vous avez soulevé, il est important qu'une série de normes des meilleures pratiques soit élaborée à l'échelon national et adoptée afin de maintenir une certaine uniformité. Nous devons nous occuper de nos voisins ruraux et des habitants des banlieues périphériques dont nous n'entendons jamais parler. Ils ne sont pas présents à cette table et il arrive souvent qu'ils ne peuvent pas venir à cette table.

Il y a quand même de bonnes choses. Nous n'avons qu'à les regrouper en quelque sorte.

Le sénateur Cochrane : Nous venons d'entendre la Société canadienne de l'autisme. Faites-vous tous partie de celle-ci ?

M. Mikkelsen : Notre organisation est indépendante.

Le sénateur Cochrane : Certains d'entre vous s'accordent-ils sur stratégie nationale sur l'autisme?

Mme Mawlam : Absolument.

Le sénateur Cochrane : Vous avez entendu les témoins précédents. Est-ce que certaines questions de cette stratégie ressemblent à celles que vous proposerez ou y en a-t-il de nouvelles?

M. Mikkelsen : C'est une discussion qui mérite d'être tenue. Les quelques moments que nous avons ici nous permettent d'effleurer à peine et rapidement quelques opinions. Des centaines de questions doivent êtres abordées. Je pense que nous ne devrions pas oublier qu'il y a aussi plusieurs incapacités. Nous pouvons élaborer une stratégie nationale qui aura des répercussions positives pour aider aussi les personnes qui souffrent d'autres incapacités.

Le sénateur Cochrane : On pense que le gouvernement fédéral devrait offrir des allégements fiscaux aux familles plutôt que de fournir des fonds aux territoires et provinces aux fins du traitement de l'autisme.

On a fait savoir au comité que le gouvernement fédéral offre actuellement, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, un certain nombre de mesures d'allégement fiscal aux familles des enfants souffrant d'incapacité, mesure aussi offerte aux familles des enfants autistiques.

Mme Mawlam : Je vais encore parler en tant que mère. La pédiatre qui a surveillé les interventions de mon fils est aussi mère d'un enfant autistique. J'ai choisi de faire des centaines de milliers d'heures d'intervention en face à face, l'ICIP. En plus, j'ai changé le régime de mon enfant et lui ai donné des compléments alimentaires tels que des probiotiques, des acides gras essentiels, des vitamines pour remédier à la carence vitaminique, du zinc pour la cicatrisation, de la vitamine A, et cetera. J'ai inclus ces articles comme frais médicaux dans ma déclaration de revenu. Avant de le faire, j'ai indiqué que je pratiquais la médecine préventive. Ils ont été acceptés.

Pour toute famille qui est vérifiée, ces articles ne seront pas acceptés. Même avec la lettre du pédiatre et un reçu, car ces articles peuvent être achetés au prix coûtant chez les pédiatres. Il n'y a pas de bénéfices. Je pense que ce n'est pas juste. Ils n'étaient pas assurés. Ils devraient l'être. Si ces enfants ont une carence vitaminique ou s'ils ont besoin de compléments alimentaires pour leur foie, par exemple — support hépatique — et ce ne sont pas des médicaments, ce sont des nutraceutiques, il faut donc qu'ils soient reconnus comme étant essentiels sur le plan médical et les assurer en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Mme Lewis : Nous ne pouvons pas déduire 100 p. 100 de nos frais médicaux pour un traitement. Nous pouvons seulement déduire 13 p. 100. C'est un petit montant. Je crois que nous avons été vérifiés cinq fois. Ce traitement coûte 50 000 $ par année.

Mme Mawlam : Seulement les nutraceutiques me coûtent probablement entre 6 000 et 10 000 $ par an. Le changement de régime alimentaire est plus cher aussi. Bien sûr, on ne m'en rembourse qu'un pourcentage en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est quelque chose qu'il faudrait examiner.

Mme Lewis : Il faudrait aussi examiner les crédits d'impôt.

Le sénateur Cochrane : Ce serait un facteur important.

M. Mikkelsen : Les parents méritent bien d'avoir des allégements. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est difficile d'imaginer ce qu'ils endurent sur le plan émotionnel et financier. C'est considérable.

Le président : Y a-t-il des divergences au niveau des approches de vos organisations concernant les questions soulevées? Avez-vous des ententes ou vous entendez-vous tous sur le message fondamental?

Mme Lewis : Nous devons être clairs. FEAT B.C. ne défend que ce que nous savons, ce que la science indique comme étant les meilleures pratiques. Nous n'appuyons pas beaucoup de traitements non conventionnels mentionnés à cette table, bien que beaucoup de gens le fassent.

Nous parlons de financement pour un traitement dans le cadre d'une loi sur les soins de santé universels. Il vaut mieux être prudent. Nous sommes des partenaires mais aussi des contribuables. Nous devons veiller à financer les traitements qui se sont montrés efficaces. Un meilleur traitement pourrait être découvert, et c'est le but des recherches et de la bonne science.

Mme Mawlam : La fondation Autism Canada croit en une approche multidisciplinaire du traitement et de la recherche. Nous croyons que la science trouvera une solution et que l'autisme est une condition médicale qui affecte beaucoup de systèmes de notre corps. Nous croyons que la science l'a prouvé. Nous croyons qu'il faut faire plus de recherche. Il ne s'agit pas d'une approche unique. Un traitement efficace pour quelque chose ne l'est pas pour une autre. Nous avons besoin de professionnels expérimentés et agréés qui ont le don de voir nos enfants et savent ce qui leur convient le mieux.

J'ajoute que nous devrions écouter les parents. Les parents connaissent leurs enfants, et c'est important.

M. Mikkelsen : Nous aussi, nous sommes pour une approche multidisciplinaire, y compris les parents qui sont des membres précieux de l'équipe de traitement. Beaucoup de professionnels sont déterminés à traiter l'autisme et ses difficultés liées à l'orthophonie, la psychologie, l'ergothérapie, l'enseignement et la médecine. Ces professionnels ont des renseignements importants et des choses importantes à communiquer. Notre expérience de ces 26 ou 27 dernières années montre que c'est une façon efficace de procéder.

Le sénateur Munson : Étant donné que nous nous occupons de politique, le mot « national » implique le leadership fédéral. Pour moi, le leadership fédéral signifie le ministre de la Santé Tony Clément. Comme il l'a dit hier, c'était une approche modeste d'aborder l'autisme.

Est-ce que l'un de vos groupes a demandé une réunion en vue d'exhorter le ministre à convoquer une conférence des premiers ministres ou une conférence des ministres de la Santé? Nous écouterons avec plaisir des spécialistes dans une table ronde qui se tiendra dans deux semaines. Nous parlons et nous écoutons. Peu de journalistes assurent la couverture de la réunion d'aujourd'hui, mais nous essayons de faire passer le message.

Que le gouvernement soit conservateur, libéral ou autre, le leadership fédéral doit commencer par, à mon avis, organiser une rencontre entre les grands intervenants qui disposent des moyens financiers.

Mme Lewis : Le cabinet du ministre de la Santé m'a contactée vendredi dernier. Nous avons essayé d'organiser une réunion, mais il n'y a pas eu de confirmation. Cependant, le cabinet est au courant, depuis au moins les deux dernières semaines, que mes collègues et moi de FEAT venions à Ottawa. Nous n'avons pas étés avertis de la déclaration qui a été faite lundi. Nous n'avons pas été invités à la conférence de presse.

Le sénateur Munson : Il s'agit, selon moi, de partenariats.

Mme Mawlam : Quand je pense à une stratégie nationale, je pense à la sensibilisation du public. Je pense à des traitements cohérents. Je pense à une stratégie nationale au premier plan de la recherche. Nous avons besoin d'une stratégie nationale. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle considérable de mentor des provinces et établir un dialogue pour aider nos familles.

M. Mikkelsen : Les ministres ou les ténors doivent être impliqués dans une stratégie nationale, si l'on veut qu'elle réussisse. J'ai fait partie de douzaines de conseils de coordination, de groupes de concertation et ainsi de suite. Le ministre envoie le ministre adjoint si nous avons de la chance ou l'adjoint de ce dernier si nous sommes moyens. Nous faisons tous ce travail. Nous faisons toutes ces merveilleuses recommandations, puis cela reste sur le bureau de quelqu'un. Personne ne sait où ni pourquoi. Tant que nous n'avons pas le soutien des ténors au niveau provincial, ça ne marchera pas.

Le président : Je vous remercie tous trois d'avoir comparu, de nous avoir présenté votre message est d'avoir répondu aux questions.

La séance est levée.


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