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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 12 - Témoignages du 7 décembre 2006


OTTAWA, le jeudi 7 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour poursuivre son étude sur la question du financement pour le traitement de l'autisme.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons ce matin notre étude des questions portant sur le financement pour le traitement de l'autisme.

Nous entendrons aujourd'hui quatre témoins. Tout d'abord, un représentant de la Société franco-ontarienne de l'autisme, qui a été fondée en novembre 2002 pour collaborer avec toutes les parties intéressées, les professionnels et les parents de personnes atteintes d'autisme, ou troubles envahissants du développement, afin d'améliorer la qualité de vie de ces personnes et qu'elles puissent vivre avec dignité dans leur collectivité.

La Société franco-ontarienne de l'autisme encourage entre autres l'excellence dans la prestation de services et favorise la sensibilisation du public et du milieu professionnel envers les questions liées à l'autisme.

Aujourd'hui, M. Bernard Delisle témoigne à titre de représentant de la Société franco-ontarienne de l'autisme. Son fils adolescent a été diagnostiqué comme souffrant du syndrome d'Asperger.

Deux des autres témoins d'aujourd'hui ont été recommandés par des membres du comité. Il s'agit notamment d'Anne Borbey-Schwartz, d'Ottawa. Elle travaille dans le domaine de l'autisme depuis environ 20 ans. Elle a débuté sa carrière en tant que préposée aux besoins spéciaux pour des familles ayant des enfants souffrant de troubles du spectre autistique, ou TSA. Plus récemment, elle a travaillé comme thérapeute principale et formatrice en intervention comportementale intensive, ou ICI. Elle travaille actuellement au soutien du personnel scolaire qui cherche à aider les enfants souffrant de TSA et à l'enseignement de l'analyse comportementale appliquée et de sujets connexes à des étudiants du collégial dans le cadre d'un programme sur l'autisme.

Carolyn Bateman vient de l'Île-du-Prince-Édouard. Vous devinerez sans peine qui a recommandé sa présence parmi nous. Elle est mère d'un jeune autiste de 24 ans, ainsi que cofondatrice et ex-présidente de la Société de l'autisme de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle est aussi cofondatrice et présidente de la fondation Stars for Life pour l'autisme et a reçu le premier prix Joan teRaa, nommé en l'honneur de la cofondatrice de la Société de l'autisme de l'Île-du-Prince-Édouard.

À ma gauche se trouve Laurel Gibbons, mère des trois enfants, dont un garçon de neuf ans atteint d'autisme. Elle s'est présentée aux dernières élections pour attirer l'attention sur l'autisme. Elle croit en un amendement à la Loi canadienne sur la santé visant à couvrir les coûts associés au traitement de l'autisme. Elle nous en dira plus à ce sujet aujourd'hui. Elle est directrice du développement commercial pour une firme d'Ottawa œuvrant dans le domaine de la santé et du mieux-être.

Bienvenue à vous quatre. Nous allons commencer avec Bernard Delisle.

[Français]

Bernard Delisle, membre, Société franco-ontarienne de l'autisme : Monsieur le président, je vous remercie d'avoir accepté notre contribution à vos travaux aujourd'hui. Je suis membre de la Société franco-ontarienne de l'autisme et, comme le disait M. Eggleton, je suis également le père de quatre enfants dont l'un est atteint du syndrome d'asperger, qui fait partie du spectre de l'autisme.

La Société franco-ontarienne de l'autisme est un organisme communautaire formé de parents, de familles et d'intervenants intéressés à promouvoir les intérêts de la personne francophone atteinte d'autisme et de sa famille.

Aujourd'hui, je veux vous parler de la réalité des familles francophones qui vivent en situation minoritaire, tel que les Franco-ontariens, les Fransaskois et les Franco-manitobains parmi tant d'autres au Canada.

Leur réalité est bien différente de celle des francophones du Québec qui vivent en français tous les jours de leur vie. Pour nous, francophones vivant en situation minoritaire, la survie de notre culture et de notre langue ainsi que l'accès à des services pertinents et équitables en français est une réalité de tous les jours. Ça ne tient jamais de la discussion philosophique.

Deux auteurs canadiens écrivaient récemment — Julie Barlow et Jean Benoît Nadeau de L'actualité — que le français serait l'autre langue globale à l'encontre d'un certain « déclinisme » à la mode; il semblerait que le français continue de s'exporter comme il l'a toujours fait depuis 1 000 ans.

Le français occupe le deuxième rang, après l'anglais, pour le nombre de pays où il est langue officielle — 33 contre 45. Et le nombre de pays membres de la Francophonie, 53, est égal à ceux du Commonwealth. Le nombre de francophones a triplé depuis 50 ans et on n'a jamais vu autant d'échanges commerciaux, intellectuels, culturels et industriels entre les divers pôles de la Francophonie.

L'Amérique compte entre 8 et 9 millions de francophones alors que, selon le recensement de 2001, le Canada en compterait 6,8 millions. L'Ontario, pour sa part, compte un demi million de Franco-ontariens alors qu'Ottawa en dénombre plus de 135 000.

À la lumière de ces statistiques, on se demande pourquoi il est toujours aussi difficile d'obtenir des services en français à Ottawa pour les familles vivant avec un enfant ou un adulte autiste. On pourrait croire qu'avec près de 20 p. 100 de francophones vivant à Ottawa, les services en français seraient chose acquise. Eh bien! non. Si elles ne le sont pas ici et que nous avons toujours des difficultés à obtenir des services en français alors que le bassin de francophones est aussi important, vous pouvez facilement vous imaginer la situation pour les francophones de Timmins, Windsor ou Toronto. Les services en français et l'accès à des professionnels francophones sont quasi inexistants dans ces régions.

Les lacunes sont tellement importantes lorsqu'on est francophone, que les familles et les parents acceptent bien souvent d'obtenir un service en l'anglais pour leur enfant ou pour eux-mêmes plutôt que d'attendre pour un service en français, de peur que ce dernier ne soit jamais offert. Je suis convaincu que vous savez tous et toutes que cette situation contribue directement à l'assimilation et à la perte d'identité culturelle.

Tous les experts s'accordent pourtant pour dire que l'enfant ou l'adolescent autiste est un enfant à risque et, par conséquent, à grands besoins. Il a été prouvé que la qualité de vie des enfants autistes peut cependant être améliorée grâce à un diagnostic et un traitement précoces, ainsi qu'à l'appui de programmes et de services appropriés par la suite. Pourtant, lorsqu'un programme de soutien est mis sur pied en Ontario afin d'appuyer les parents et les enfant et/ou les enfants et adultes autistes, dans la plupart des cas, on voit un décalage important entre la mise en œuvre des services en anglais et ceux en français. Dans certains cas, ils ne sont pas offerts du tout en français ou le sont sous forme mitigée.

Je peux citer entre autre le cas du Programme provincial ontarien d'intervention en autisme où les services en français n'ont fait leur apparition que six mois après la mise sur pied du programme anglophone, où la formation aux familles a demandé presque cinq ans avant d'offrir un programme francophone aussi complet qu'en anglais, où les enfants francophones ont dû se rendre dans un centre afin de recevoir les services d'intervention alors que les familles anglophones pouvaient les recevoir à leur domicile. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

Il existe plusieurs raisons pour ce manque de service en français et nous croyons qu'une stratégie nationale devrait venir influencer de façon positive certains de ces facteurs.

Premièrement, il existe un manque flagrant de professionnels tels que psychologues, thérapeutes et intervenants communautaires qui peuvent offrir des services en français. Cette situation est créée en majeure partie par les barrières interprovinciales qui existent ou encore par les exigences imposées par les associations représentant ces professions.

Malheureusement, l'expérience démontre qu'il est souvent plus facile de recruter des professionnels francophones à l'étranger, par exemple en Europe, que de tenter d'obtenir les services de professionnels de Montréal, qui se disent pourtant intéressés à offrir les services en Ontario. Cet enjeu touche directement et sérieusement la communauté francophone.

Un autre facteur important se veut l'iniquité salariale entre les secteurs de service engendrant des pertes d'emploi, du sous-emploi, des difficultés à recruter et un manque de personnel formé. Le secteur des services sociaux en Ontario, et plus particulièrement celui desservant les personnes ayant un handicap de développement, fait face à un manque d'intervenants formés annuellement en français, à peu d'options au niveau de la formation en français, à des salaires 25 p. 100 plus bas que le secteur de la santé et à des programme collégiaux mis sur la glace à cause du manque d'inscription.

Le troisième point important à retenir, selon nous, est le manque d'équilibre entre les services offerts aux enfants et adultes autistes à travers le Canada ainsi que leur exclusion du système médical pour leur traitement. L'autisme est pourtant reconnu comme une maladie par l'Organisation mondiale de la santé, dans sa dixième édition de la Classification internationale des maladies. De plus, il existe aujourd'hui plus d'une trentaine d'années de données scientifiques et empiriques avec des centaines de rapports démontrant l'efficacité de certaines approches, telles que l'ABA ou l'IBI.

J'aimerais maintenant revenir aux familles. Des statistiques nous démontrent qu'elles sont la seule ou la principale source de soutien pour près de 70 p. 100 des personnes présentant une déficience intellectuelle ou un handicap de développement. Ce chiffre monte à 80 p. 100 lorsque les enfants deviennent adultes.

Vous aurez également appris que les frais associés au traitement IBI pour les enfants peuvent aller jusqu'à 60 000 dollars par année. Ces frais doivent être couverts par les parents.

Un total de 458 enfants de l'Est de l'Ontario, dont 71 francophones, étaient diagnostiqués et référés au programme IBI d'Ottawa au cours des six dernières années. Et ces 458 enfants ne sont que ceux qui rencontraient les critères du programme qui vise à offrir des services aux enfants diagnostiqués dans le spectre plus sévère de l'autisme.

D'octobre 2000 à 2006, alors qu'un montant de 500 000 dollars par année était accordé pour des fonds directs pour les familles afin d'acheter directement des services pour leur enfant sous le programme provincial ontarien d'intervention en autisme, aucun de ces fonds n'était accordé à des familles francophones alors que 14 familles anglophones se les partageaient. Ce n'est qu'en juin 2006 que deux familles francophones arrivaient finalement à se qualifier pour ces fonds, mais non sans faire face à des barrières systémiques presque insurmontables et plusieurs mois de travail acharné.

La possibilité de communiquer en français constitue une priorité pour les francophones, particulièrement avec des spécialistes médicaux, réduisant l'anxiété, compte tenu d'une meilleure compréhension et de leur capacité d'exprimer leurs symptômes, besoins et sentiments de façon claire et précise.

On sait également que les obstacles à la communication en français peuvent engendrer une dépendance chez les personnes ayant une incapacité, qui ne maîtrisent pas l'anglais.

Au niveau des services dans la région, des intervenants ont noté un nombre croissant de familles en situation de crise, compte tenu du manque d'appuis et de la solitude engendrée.

De plus, les institutions empêchent les professionnels qu'ils emploient d'offrir des services en privé, même si un nombre accru de familles francophones en ont grandement besoin, réduisant ainsi le bassin de professionnels qui pourraient travailler avec la communauté francophone.

Le manque de services accessibles et de qualité en français est bien documenté. Il peut mener à une plus grande limitation de la participation dans la société pour les personnes francophones ayant une incapacité.

Je vais maintenant vous parler de nos attentes. Un leadership au niveau fédéral est nécessaire pour faire avancer la mise en œuvre d'une stratégie nationale visant la standardisation des politiques de santé vis-à-vis l'autisme. Nous aimerions voir le gouvernement fédéral reconnaître à l'autisme son statut et son diagnostic et apporter des changements à la Loi canadienne sur la santé. La situation est urgente pour les familles et le besoin d'actions concrètes pour sortir l'autisme des services sociaux et l'insérer là où il appartient, dans un contexte de santé est primordial.

Afin d'appuyer les familles et d'alléger le fardeau, il doit y avoir une couverture médicale adéquate pour les traitements prodigués par des professionnels et prescrits aux enfants autistes afin d'assurer le développement de leur plein potentiel. Nous préconisons l'analyse « behavoriale » appliquée, compte tenu de son degré d'efficacité clairement prouvée.

Seule une collaboration des gouvernements sur toutes les dimensions des politiques, qui encouragent la pleine intégration et l'épanouissement des enfants et des adultes autistes, assurera le soutien nécessaire aux familles et aux personnes au sein de nos communautés. Nous souhaitons également voir les besoins particuliers des francophones du Canada ainsi que les lacunes auxquelles ils font face, particulièrement au niveau du manque flagrant de professionnels parlant français, être reconnus.

[Traduction]

Laurel Gibbons, à titre personnel : Bonjour, sénateurs. Merci de me permettre de témoigner devant vous ce matin. Même si mon nom est Laurel Gibbons, mes trois enfants me connaissent sous le nom de « maman ». Je suis ici aujourd'hui parce que mon fils, Robbie, est autiste.

Le 6 juin 1997, j'ai donné naissance à un garçon et à une fille. Mon mari et moi étions fous de joie. La vie n'aurait pu être plus parfaite. Quand mes jumeaux ont eu 18 mois, nous avions déjà été voir le pédiatre au moins trois fois par crainte d'autisme.

Robbie se balançait d'avant en arrière. Il battait des mains comme s'il était un oiseau, marchait sur les orteils et ne parlait pas beaucoup, surtout par rapport à sa sœur jumelle, très volubile et interactive. Il se lassait rapidement d'activités avec d'autres enfants, préférant rester seul. Nous savions que quelque chose n'allait pas.

Au cours des deux années suivantes, nous avons régulièrement fait part de nos craintes à notre pédiatre. Le comportement de Robbie s'est aggravé. Quand il a commencé à aller à la garderie, ce fut un cauchemar. À l'âge de quatre ans, il fut expulsé pour conduite préjudiciable aux mœurs de l'école.

Nous avons été très coopératifs avec l'école et avons consulté un psychiatre, qui a faussement diagnostiqué un trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention. On nous a suggéré de suivre des cours sur le rôle parental, jugeant que nous ne disciplinions pas assez notre garçon. Le directeur de l'école m'a même accusée d'être une mauvaise mère. J'ai été sous le choc et j'ai commencé une dépression.

Depuis, j'ai eu une autre fille.

Puis, les crises de rage ont commencé. Mon magnifique petit garçon s'est mis à me mordre. Il me griffait, crachait sur moi, m'arrachait les cheveux, me donnait des coups de pieds et de poings pendant des crises de rage durant environ 20 minutes et se produisant quelques fois par jour. Après chaque explosion, il fondait en larmes dans mes bras sans pouvoir se contrôler. Nous ne pouvions comprendre pourquoi notre beau petit garçon était si souvent en colère. Le pédiatre a finalement admis que quelque chose n'allait pas. Robbie pouvait faire une crise pour quelque chose d'aussi bénin qu'un bol de gruau trop froid, ou parce que ses blocs Lego ne s'emboîtaient pas comme il le voulait.

Il appert que ces comportements sont dus au fait qu'il a un comportement défensif sur le plan sensoriel et qu'il est facilement hyperstimulé par son environnement. Comme il aurait fallu attendre trop longtemps pour une évaluation par le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario, nous avons payé pour une évaluation auprès d'un psychologue en pratique privée qui diagnostiquait des cas d'autisme depuis plusieurs années. Cela ne lui a pris que quelques minutes pour soupçonner de l'autisme chez Robbie, ce qui a été confirmé après une évaluation de quatre heures.

Malheureusement, mon fils avait presque cinq ans et demi quand le verdict est finalement tombé. En tant que parents, nous avons été soulagés d'avoir enfin un diagnostic. Mais, par la même occasion, nous avons été complètement dévastés d'apprendre de la bouche du psychologue et du neuropédiatre qu'il existait un programme d'aide pour les autistes d'âge préscolaire, mais qu'il était inutile de s'y inscrire, car la limite d'âge étant de six ans et la période d'attente d'environ 18 mois, notre fils n'y serait plus admissible de toute façon.

Au lieu d'utiliser la carte d'assurance-maladie de mon fils pour avoir accès à des traitements, nous nous sommes rabattus sur deux autres cartes : ma carte de la bibliothèque municipale et notre carte de crédit Visa. Nous allions devoir payer pour tous les traitements, dont ceux d'analyse appliquée du comportement, et toutes les séances d'orthophonie et d'ergothérapie qui nous ont été recommandées et qui ont coûté des milliers de dollars.

Après avoir refinancé notre hypothèque trois fois en quatre ans, nous sommes à court d'argent. Finies, les séances d'orthophonie et d'ergothérapie pour les questions d'ordre sensoriel. Nous agonisons à l'idée de ne pas disposer des 50 000 dollars par année nécessaires pour lui offrir un programme destiné à l'aider. Nous continuons à faire de notre mieux au coup par coup. Je m'inquiète chaque jour du fait que je devrai peut-être un jour le remettre aux services sociaux parce qu'il sera devenu incontrôlable.

Au lieu d'être diagnostiqué plus tôt et de bénéficier d'un traitement, mon fils voyait maintenant son avenir compromis si nous ne l'aidions pas. Un diagnostic et une intervention précoces sont essentiels à l'obtention des meilleurs résultats possibles quand il s'agit du traitement de l'autisme. Idéalement, cela signifie avant l'âge de trois ans.

Je suis en première ligne d'une bataille quotidienne contre l'autisme et il s'agit, d'abord et avant tout, d'une question de santé. Toutefois, comme c'est le cas pour de nombreux handicaps, il s'agit aussi d'une question d'éducation et de société. C'est pourquoi nous avons besoin d'une stratégie nationale sur l'autisme qui assure une synergie entre les différents ministères et les différents ordres de gouvernement.

L'autisme est un désordre neurobiologique. C'est vers les médecins que les parents se tournent quand le bien-être de leurs enfants les inquiète; pas vers un enseignant ou un travailleur social. Quand quelque chose ne tourne pas rond, nous consultons la communauté médicale pour ses connaissances et son expertise. Toutefois, ici, à Ottawa, l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario possède le plus important programme d'autisme préscolaire au monde subventionné par l'État, et pourtant il est financé par le ministère des Services à l'enfance et à la jeunesse, et non par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée.

Le Royaume-Uni a été aux prises avec les mêmes questions que vous étudiez aujourd'hui au Sénat. Comment aider ces familles et comment payer pour cette aide? Un groupe parlementaire multipartite sur l'autisme a été créé au Royaume-Uni en février 2000 dans le but de sensibiliser les parlementaires et d'entraîner des changements dans les politiques. Ce groupe a publié un manifeste destiné à compléter la Charte européenne des droits des personnes autistes.

Le groupe croyait en un effort commun de toutes les parties intéressées, y compris les ONG, afin que l'inclusion sociale et la planification axée sur la personne deviennent réalité pour ceux qui ont reçu un diagnostic de TSA. Il croyait aussi fermement que le gouvernement avait la responsabilité d'assurer le leadership et le soutien nécessaire à la prestation uniforme des services.

L'année 2013 a été retenue pour la réalisation de cette vision. En mars 2003, le Royaume-Uni a lancé son plan national sur l'autisme chez les enfants. — Référence C. Aux pages 72 et 73, vous trouverez un organigramme pratique décrivant le processus d'identification, d'évaluation et de diagnostic.

Reconnaissant que la famille constitue la meilleure ressource d'un enfant, un cadre de travail modèle en trois parties a été élaboré, tenant compte des besoins de développement de l'enfant, des capacités des parents, ainsi que des facteurs familiaux et environnementaux. Selon moi, le plan national sur l'autisme du Royaume-Uni représente un très bon point de départ pour un plan national canadien sur l'autisme. Ce plan pourrait très bien être repris ici, au Canada. Il est toutefois essentiel que le gouvernement fédéral soit disposé à assurer le financement nécessaire à la mise en œuvre d'une telle stratégie, comme cela a été le cas au Royaume-Uni.

J'aimerais conclure sur ces paroles. Priver nos enfants d'une thérapie fondée sur l'analyse appliquée du comportement, c'est les priver de leurs besoins fondamentaux en matière de santé. C'est le seul traitement connu qui améliore de façon marquée leur qualité de vie. Les priver de ce traitement est discriminatoire, un point c'est tout. Il est essentiel que le gouvernement fédéral assure un rôle de leadership et collabore avec les autorités provinciales et territoriales pour établir une stratégie destinée à nous aider à venir en aide à nos enfants. Tous les Canadiens ont le droit de vivre une vie pleinement satisfaisante et de poursuivre leurs aspirations et leurs rêves.

Ce sont les enfants du Canada. Nous avons besoin de votre aide afin qu'aucun enfant diagnostiqué comme souffrant d'autisme ne soit laissé pour compte et que leurs familles ne soient plus déchirées. Nos enfants ont le droit d'être traités équitablement. Nos enfants canadiens méritent mieux, et leur avenir dépend de votre aide.

Carolyn Bateman, à titre personnel : Merci de me permettre de témoigner. Les familles de l'Île-du-Prince-Édouard sont aux prises avec de graves problèmes liés au manque de services et de soutien pour les enfants et les adultes souffrant de troubles du spectre autistique. Les familles et les groupes de soutien constatent que trois facteurs clés menacent nos enfants. Ces facteurs ont une grande incidence sur nos enfants. Ils laissent les familles démoralisées, exténuées et, dans bien des cas, gravement endettées.

Le premier facteur concerne le traitement AAC/ICI. À l'Île-du-Prince-Édouard, les familles bénéficient du traitement ICI sur prescription médicale en vertu d'un programme des services sociaux après une évaluation de leurs revenus. L'Île-du-Prince-Édouard a la réputation peu envieuse d'être la seule province au Canada à imposer aux familles cette pratique de vérification des revenus pour un traitement jugé médicalement nécessaire. On tient compte du salaire brut — pas du salaire net après déductions, mais du salaire brut, déduction faite de tout REER, avec un crédit de 3 000 $ par enfant à charge. Les familles ne peuvent même pas déduire un conjoint à charge qui, de toute évidence, doit rester à la maison pour prendre soin d'un enfant autiste et qui a dû pour cela quitter son emploi. Le niveau de soutien est établi en fonction d'une échelle tellement basse que le traitement ICI est essentiellement devenu un programme d'aide sociale pour les familles à faible revenu.

Les familles de l'Île-du-Prince-Édouard ont dû hypothéquer et ré-hypothéquer leur maison afin d'offrir un traitement à leurs enfants autistes. La barre est placée tellement haute que même une famille de quatre personnes à revenu élevé qui tente de fournir tous les soins nécessaires à un enfant autiste vit sous le seuil de la pauvreté. À cela vient s'ajouter le fait que la province ne défraie que la moitié des 40 heures de traitement hebdomadaire nécessaires, laissant les familles se débrouiller pour payer le reste du traitement.

Dans ce pays, nous ne fournissons pas que la moitié du traitement nécessaire à un enfant souffrant du cancer et nous ne vérifions pas non plus le revenu de sa famille. Permettre des telles choses dans le cas d'un enfant victime d'une maladie biologique appelée autisme est, selon moi, totalement incompréhensible.

Le programme de soutien pour les personnes handicapées de l'Île-du-Prince-Édouard a ceci de bon qu'il offre un soutien personnalisé aux familles, qui peuvent ainsi choisir comment mieux aider leur enfant autiste. Cet avantage a toutefois un revers. Il ajoute un fardeau supplémentaire à la famille, qui doit non seulement assurer des soins 24 heures par jour, sept jours par semaine à un enfant souffrant d'autisme grave, mais qui doit aussi devenir employeur. On s'attend en effet à ce que les familles embauchent, forment et supervisent elles-mêmes les thérapeutes.

Selon Revenu Canada et les lois provinciales, les familles doivent cotiser au RPC, à l'AE, à la commission des accidents du travail et verser une paye de vacances aux thérapeutes, tout cela à partir des quelques dollars de soutien qu'elles reçoivent. Cela ne laisse environ que le salaire minimum à verser aux thérapeutes. Il est impossible pour une famille d'embaucher et de conserver un thérapeute qualifié. Cela vient donc s'ajouter au stress vécu par les familles.

La liste d'attente pour une évaluation peut être d'un an, puis il y a une autre longue liste d'attente avant le début du traitement. Les enfants perdent un temps précieux qu'ils ne pourront jamais récupérer. Cela aura un effet important sur leur avenir et détruira le peu de chances qu'ils ont à mener une vie digne de ce nom.

Le deuxième facteur est l'orthophonie dans la province. Les enfants autistes qui, de par leur nature, souffrent de troubles de la parole et de problèmes de communication graves, ne bénéficient, dans le cas des enfants d'âge préscolaire, que de miettes de services d'orthophonie. Dans le cas des enfants allant à l'école, les services d'orthophonie ne sont offerts que quelques semaines par année car les orthophonistes vont d'école en école. Le système est totalement inefficace pour un enfant souffrant de problèmes de communication graves, comme c'est souvent le cas pour les autistes. Résultat, les parents tentent de payer les 70 dollars de l'heure que demande un orthophoniste en pratique privée pour compenser cette lacune. Cela n'est pas pris en considération lors de la vérification des revenus d'une famille dans le cadre du programme de soutien. Ce mode de financement est incompréhensible et inhumain et laissera un enfant dans l'impossibilité de s'exprimer ou d'utiliser un moyen de communication efficace pour le reste de ses jours.

Le troisième facteur est le plafonnement du montant accordé par la province à un niveau qui laissera ces enfants, lorsqu'ils quitteront le système scolaire, sans aucun espoir d'une qualité de vie à l'extérieur de leur famille immédiate. Cela va au-delà de la durée de l'AAC. Ce traitement est merveilleux mais a ses limites. Ces enfants vivent de nombreuses années par la suite. Les premiers jeunes autistes de l'Île-du-Prince-Édouard ayant été intégrés avec succès dans des classes régulières et dans leur collectivité quittent maintenant le système scolaire pour le monde adulte, où aucun programme ou mesure de soutien appropriés n'existent pour eux dans la province afin de les aider à poursuivre leur éducation, obtenir un emploi, ou même vivre à l'extérieur de la maison familiale.

Les parents se demandent ce qui arrivera à leurs enfants adultes lorsqu'ils ne pourront plus en prendre soin eux-mêmes. La province nous a laissé savoir qu'elle ne créerait ni ne gérerait d'autres foyers de groupe. Où iront vivre ces jeunes gens? Qui prendra soin d'eux? Qui remarquera s'ils sont malades ou victimes d'abus? Cette dernière éventualité terrifie les parents dont les enfants autistes ne parlent pas et qui ne peuvent donc avertir personne quand ça ne va pas. Quand ces parents pourront-ils avoir un peu de répit pour les soins qu'ils prodiguent 24 heures par jour, sept jours par semaine? Ces parents devront-ils encore prendre ainsi soin de leurs enfants après leur retraite, à 80 ou 90 ans? Comment, à cet âge, seront-ils encore en mesure d'embaucher du personnel qualifié et de superviser des programmes destinés à offrir une belle vie à leurs enfants autistes devenus adultes? Ces questions sont terrifiantes pour ces familles.

Si nous nous fions à ce qu'ont vécu les familles qui nous ont précédés, ces enfants aboutissent dans des institutions provinciales où ils sont même mis sous sédatifs. Pouvez-vous vous imaginer en train de dire à votre enfant non handicapé que, quand il aura terminé son secondaire, il ne pourra jamais poursuivre son éducation, obtenir un emploi, aller au cinéma, avoir des amis ou vivre ailleurs que chez ses parents? Que son seul divertissement consistera à regarder la télévision pour le reste de sa vie et que la société n'y voit aucun inconvénient?

Les familles de l'Île-du-Prince-Édouard ont le sentiment d'être laissées à elles-mêmes pour combler le vide devant lequel leur gouvernement les a laissées. Pour répondre à des besoins pressants, les familles de l'Île-du-Prince-Édouard se sont réunies et ont formé la fondation Stars for Life pour l'autisme, dont la mission consiste à préserver l'avenir des enfants autistes en travaillant dans le but de leur assurer des occasions de réalisations et d'apprentissage tout au long de leur vie tout en les aidant à rester totalement intégrés dans leur collectivité.

Nos buts sont entre autres d'assurer une éducation continue; de créer des activités permettant de bénéficier d'emplois stimulants, comme la construction d'une propriété de production forestière; et de construire des maisons où les parents plus âgés sauront, quand eux-mêmes ne seront plus là pour aider leurs enfants, que ces derniers vivront heureux et en sécurité avec un sentiment de confiance en soi et d'appartenance.

L'obstacle le plus important à ces services destinés aux jeunes autistes est le plafonnement arbitraire imposé aux programmes de soutien. Le financement maximal est établi à 36 000 $ par année à l'Île-du-Prince-Édouard, et cela ne concerne que les cas les plus graves qui nécessitent des soins jour et nuit. Il est bien connu, preuves à l'appui, qu'il en coûte jusqu'à 100 000 $ et même plus par année pour prendre soin d'une personne souffrant d'autisme grave et qui nécessite un soutien et une supervision de tous les instants pour vivre à l'extérieur de la résidence familiale. Comment les familles réussiront-elles à combler cet écart?

Notre fondation fera tout ce qui est nécessaire pour construire des maisons et assurer les services nécessaires. Nous avons besoin d'une province disposée à assurer un financement équivalent à ce qu'elle offre pour ceux qui vivent dans ses propres foyers de groupe provinciaux. L'Ontario offre les foyers Kerry's Place pour les jeunes autistes.

Nous avons besoin d'un gouvernement fédéral qui inclura le traitement par intervention comportementale intensive parmi les soins couverts par le régime d'assurance-maladie afin de créer un programme national de soutien permettant un financement personnalisé pour ceux qui souffrent d'un handicap permanent.

Nous avons besoin de normes nationales minimales pour ceux qui travaillent auprès des enfants en milieu scolaire. Il n'existe aucune norme pour les enfants d'âge préscolaire à l'Île-du-Prince-Édouard. Un assistant en éducation peut arriver en classe le premier jour sans jamais avoir rencontré l'enfant auparavant, ni même avoir reçu de formation sur l'autisme.

Nous avons la responsabilité d'offrir une vie fructueuse à nos citoyens les plus vulnérables. Un programme national de soutien aux personnes handicapées existe aux États-Unis. Je sais que c'est possible au Canada. Il nous faut la volonté politique.

Un Canadien sur 166 souffre de troubles du spectre autistique. Une personne sur 104 est un garçon. Un nouveau diagnostic d'autisme est rendu toutes les 20 minutes.

Silencieusement, un parmi ces 166 enfants autistes est pour ainsi dire kidnappé pour souffrir de ses symptômes le reste de sa vie sans un plan national de traitement. Les services provinciaux existants à l'Île-du-Prince-Édouard sont inadéquats et détruisent des vies.

Les familles ne demandent pas au gouvernement un voyage à Disney World pour leurs enfants. Elles demandent une chance dans la vie. Les familles ne veulent pas que leur enfant se jette par terre ou se mette à hurler de douleur au son d'un aspirateur. Elles souhaitent que leur enfant puisse apprendre et comprendre comment jouer, qu'il puisse accepter un câlin de sa mère, qu'il soit capable de contrôler son envie de s'élancer sur la route pour être frappé par une voiture, qu'il apprenne à parler afin de pouvoir dire « je t'aime » à ses parents et avertir quelqu'un quand il est malade ou qu'il souffre. Les familles souhaitent que les autistes plus âgés puissent être indépendants, qu'ils aient confiance en eux, qu'ils développent un sentiment d'appartenance et qu'ils sachent que des personnes les aiment assez pour ne pas les envoyer dans une institution ou un endroit inapproprié quand leurs parents ne sont pas là.

Aucun être humain ne devrait devoir vivre sans cela dans ce pays. Nous implorons toutes les personnes ici présentes de faire en sorte que les choses changent pour les enfants autistes. Trouvez la volonté politique de changer les choses.

Anne Borbey-Schwartz, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis heureuse de témoigner devant vous aujourd'hui en tant que fournisseur de services dans le domaine de l'autisme.

Je n'ai participé à l'élaboration d'aucune politique. Je connais mal les politiques fédérales et provinciales.

Je ne peux offrir qu'une opinion fondée sur des interactions pratiques et concrètes avec des familles, des enfants et des professionnels.

Comme mes collègues vous l'ont dit, les listes d'attente pour un traitement sont longues, la formation est rare et l'accès à des services irréguliers.

Pour la plupart des familles, le diagnostic insuffle un sentiment d'urgence. Dans le cas de l'autisme, le temps est primordial.

En effet, tout porte à croire qu'une intervention précoce est la clé d'un meilleur dénouement à long terme. Pour les parents, l'accès à ces précieuses ressources est gâché par les inévitables listes d'attente.

En tant que consultante, j'étais la première professionnelle à pénétrer dans la maison d'une famille après le diagnostic.

Les parents m'accueillaient souvent avec scepticisme. Après des mois d'attente et de démêlés pour apprivoiser la situation, leur confiance dans le système était passablement ébranlée.

Certains parents avaient cessé d'attendre et avaient pris l'initiative, mettant en œuvre une thérapie maison et recherchant des services dans le secteur privé. Certaines familles n'en ont pas les moyens.

J'ai constaté des changements radicaux dans la perspective d'avenir et l'engagement des parents quand ils ne sont plus seuls dans leurs efforts visant à aider leurs enfants.

Le partenariat parents-professionnels est crucial à la compréhension et au soutien des personnes autistes.

J'ai constaté les avantages des services offerts aux familles d'enfants autistes. J'ai vu des parents partir en week-end de repos pour la première fois en 11 ans grâce aux services de répit et de prise en charge de cas.

J'ai vu des enfants apprendre à parler et à jouer grâce à un programme intensif d'intervention. J'ai observé l'évolution dans la dynamique familiale lorsque l'analyse appliquée du comportement réussit à atténuer les comportements. J'ai vu un enseignant établir un contact et répondre aux besoins uniques de connaissances d'un enfant.

J'aimerais encourager le soutien continu envers l'autisme. Je m'en remets à la croyance selon laquelle ça prend une communauté pour élever un enfant. Un enfant autiste ne mérite rien de moins.

[Français]

Le sénateur Munson : J'aurais deux questions dont une en français pour M. Delisle.

Vous avez parlé d'un manque de services en français, en Ontario. Pensez-vous que c'est la même situation pour les Acadiens du Nouveau-Brunswick?

M. Delisle : Oui, d'après moi ce serait la situation partout pour les communautés francophones au Canada, hors Québec. C'est la même chose. Ils ont peut-être certains services ou programmes, au Nouveau-Brunswick, qu'on n'aurait pas en Ontario, je ne peux pas parler pour eux, mais je sais que la situation se ressemble beaucoup pour les communautés francophones hors Québec.

Le sénateur Munson : Merci.

[Traduction]

Vous avez parlé de volonté politique. Il est essentiel que le gouvernement fédéral assume son rôle. Il n'existe aucun plan national de traitement.

Nous avons un document du ministre Clement. Le ministre a annulé son témoignage devant ce comité. La semaine dernière il a décrit une approche modeste, un symposium national et de l'argent, et je crois que c'est bien. Le ministre Clement dit qu'il enverra un communiqué écrit.

Ce dossier représente plus qu'un communiqué écrit. Des gens de partout au pays viennent témoigner au sujet de ce dossier et demander au gouvernement fédéral de faire plus que de soumettre un communiqué écrit.

Hier, aux États-Unis, une mesure législative historique a autorisé le versement de près de un milliard de dollars pour l'autisme. Jonathan Shestack, cofondateur de la fondation américaine Cure Autism Now, a fait une déclaration très importante.

Il a dit : « Cette loi constitue une déclaration de guerre contre cette épidémie qu'est l'autisme. Elle crée une feuille de route mandatée par le Congrès, constitue une attaque fédérale contre l'autisme, comprend des exigences en matière de planification stratégique, de transparence des budgets, de surveillance du Congrès, et tient compte du rôle substantiel des parents d'enfants autistes dans le processus décisionnel fédéral ».

Je suis devenu politicien par accident. Je suis arrivé ici il y a trois ans par une autre porte. Ce dossier est important. Je ne fais pas de politicaillerie. Il s'agit d'un rôle fédéral. Il y a une responsabilité provinciale.

Il est temps que ça change.

Mme Gibbons : Permettez-moi de revenir sur l'annonce du ministre Clement. En tant que parent, ça ne veut rien dire. C'est comme si le Parti conservateur faisait du surplace parce que les néo-démocrates et les libéraux NDP ont fait beaucoup de travail.

Au cours des deux dernières années, plusieurs conférences de presse mixtes ont été convoquées par des représentants des trois partis fédéraux pour indiquer leur appui. Avec l'adoption de la motion d'initiative parlementaire M-172 d'Andy Scott, nous savons qu'il existe un certain appui à la Chambre en faveur d'une stratégie nationale.

Quant à l'annonce du ministre Clement, cela a fait chaud au cœur de l'entendre dire que son gouvernement reconnaît qu'il s'agit d'un dossier important.

Il a ajouté que nous étions incapables de nous entendre sur ce qui constituait un traitement adéquat et approprié. Qui est incapable de s'entendre? Les parents s'entendent. Les professionnels du milieu s'entendent. Et les études scientifiques démontrant l'efficacité de l'ABA concordent également.

Il a dit que nous devions agir dès maintenant et que ne rien faire n'était pas une option. Il a également dit que nous travaillerions à créer une chaire de recherche qui mettrait l'accent sur les traitements efficaces.

Il n'a pas dit que le gouvernement allait créer une chaire de recherche, mais qu'il y travaillerait. Il doit aussi, pour orienter les programmes et la recherche à l'avenir, lancer un processus de consultation en vue d'élaborer un programme de surveillance de l'autisme. Le ministre n'a pas dit que le gouvernement mettrait en œuvre un programme de surveillance, mais qu'il allait lancer un processus de consultation. Qu'est-ce que cela signifie? Si l'on attend une véritable intervention, ces propos ne signifient rien pour moi, en tant que parent et que Canadien.

Il poursuit en disant que le gouvernement est à l'écoute, mais je ne crois vraiment pas qu'il nous entende. J'espère qu'au moins santé et autisme sont maintenant associés pour lui. Jusqu'à maintenant, comme vous le savez et comme nous l'avons appris, dans toutes les provinces, l'autisme relève du ministère des Services sociaux ou des Services communautaires et familiaux, et non du ministre de la Santé. C'est là le véritable problème. C'est d'abord et avant tout une question de santé. Le gouvernement fédéral doit travailler avec les provinces pour qu'elles le reconnaissent et traitent ce trouble en conséquence.

Mme Bateman : Je crois qu'il faut la volonté politique. Nous avons vu au Royaume-Uni que cela peut fonctionner. Nous avons vu aux États-Unis que c'est réalisable. Il n'y a pas de raison de ne pas mettre en place le même financement et les mêmes programmes au Canada, et à court terme. Nous avons vu que certaines choses peuvent se produire rapidement dans d'autres domaines, mais il faut la volonté politique. Il faut que des responsables considèrent cela comme un élément primordial de leur programme.

Comme Mme Gibbons le disait, selon les études et les discussions à propos de sondages et d'interrogations ambigus, les traitements sont très bien documentés. Dans le cas de l'autisme, il n'y a pas de traitement particulier. Il existe un éventail de bons traitements, qu'il s'agisse d'orthophonie, d'ergothérapie ou de l'ABA, qui doivent être suivis ensemble. Le professionnel sait quel traitement est le meilleur dans son arsenal.

Comme Mme Gibbons le disait, nous avons une responsabilité. Chaque jour qui passe sans que nous ne fassions rien signifie la perte d'un autre enfant. Nous parlons de la vie de personnes, et non de terrains de golf. Je n'arrive pas à croire, depuis le temps que ça dure, que rien ne change. Nous faisons des progrès, mais les choses doivent changer dès aujourd'hui.

Le sénateur Munson : D'après moi, peu importe qui est le ministre, qu'il soit libéral, conservateur ou néo-démocrate, il doit se réunir avec ses homologues provinciaux. C'est extrêmement important.

Nous devrions aussi renvoyer une note au ministre Clement lui demandant d'y repenser, de venir nous rencontrer. Le mémoire présenté par écrit suffira pour l'instant, mais je veux insister sur le fait que des gens sont venus de partout au pays et ont pris le temps de raconter leur histoire. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de raconter aussi la sienne.

Le président : Je dois signaler que le ministre Clement devait se présenter aujourd'hui, mais qu'il a préféré nous faire parvenir un mémoire écrit.

Le sénateur Callbeck : Madame Gibbons, vous avez traité, dans votre exposé, de la nécessité d'une stratégie nationale, et mentionné le Royaume-Uni en exemple. En réponse à une question du sénateur Munson, vous avez mentionné la motion d'Andy Scott, qui a fait l'objet d'un débat à la Chambre cette semaine et qui a été appuyée par tous les partis sauf le Bloc. Il y a quatre éléments en cause : financement, normes nationales, programme de surveillance et recherche.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez voir?

Mme Gibbons : Absolument. Compte tenu du temps limité du comité, je vous invite à consulter, si vous en avez la chance, le plan national du Royaume-Uni sur l'autisme. C'est essentiellement un programme qui se déroule de la naissance jusqu'à la mort. Il est appliqué par les ministères de différents gouvernements et englobe les questions sociales, l'éducation et la santé. La terminologie utilisée dans la motion permettrait d'établir les fondements d'une stratégie, mais nous voulons vraiment mettre l'accent sur des traitements éprouvés et, en premier lieu, promouvoir ces traitements. Il faut aussi créer des normes applicables aux procédures de diagnostic et employer une méthode pondérée pour déterminer ce que devrait comporter la stratégie.

Ce fut une bonne base, un bon point de départ, pour bâtir un programme global. Cela permettrait certainement de tenir compte d'autres questions importantes.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous témoigné à un comité permanent de la Chambre des communes sur cette question?

Mme Gibbons : Non, je ne l'ai pas fait. J'ai fait du bénévolat dans le bureau d'un député un certain temps. J'encourageais les trois partis fédéraux à appuyer cette cause, mais je n'ai jamais témoigné à un comité du Sénat avant.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous d'autres observations à formuler sur ce que vous aimeriez voir dans une stratégie nationale?

Mme Bateman : J'essaie de rester concise. Comme Mme Gibbons le disait, il faut un programme qui s'applique de la naissance à la mort. Il est primordial que les autistes bénéficient dès maintenant de l'ABA. Nous ne pouvons pas laisser cette responsabilité aux provinces.

En Alberta, les familles obtiennent 45 000 $ par année. En Nouvelle-Écosse, il n'y a même pas de programme, seulement une étude pilote. À l'Île-du-Prince-Édouard, cela dépend du revenu. Ce sont pourtant des Canadiens, nos enfants, qui sont en cause, et ils devraient bénéficier également des traitements partout au Canada, et non en fonction de la richesse de la province.

À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons des familles qui déménagent en Alberta pour que leurs enfants bénéficient de traitements. Il ne devrait pas en être ainsi. C'est arrivé plus d'une fois. Notre stratégie nationale doit englober tout le nécessaire. Il faut qu'elle permette aux autistes de bénéficier des traitements nécessaires, dont l'ABA, sur-le-champ, sans qu'il y ait de liste d'attente, tout comme les enfants qui ont le cancer obtiennent des traitements sur-le-champ.

L'ABA doit s'accompagner d'une politique nationale sur l'orthophonie, l'ergothérapie et la formation. Dans certaines provinces, les gens qui travaillent avec ces enfants reçoivent une formation. Je crois que l'Ontario exige une formation de base de ceux qui travaillent avec des enfants dans la province. À l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y a pas d'exigence préalable quant à la formation ou aux compétences que doivent avoir les gens qui travaillent avec des enfants autistiques.

Comme Mme Gibbons le disait, il faut un effort intergouvernemental. Je ne crois pas que cela puisse venir entièrement du gouvernement fédéral, mais cela ne peut pas non plus être laissé à la discrétion des gouvernements provinciaux, comme cela semble être le cas maintenant. Il faut des services de la naissance à la mort. Les enfants terminent l'école quand ils ont 18 ans. Les enfants atteints d'autisme ne meurent pas en bas âge. Comment faire pour les aider, au sein de leur collectivité?

Je vous donne l'exemple de mon fils, qui est considéré comme un jeune homme aux faibles performances atteint d'autisme. Il est incapable de parler et incapable de s'habiller. Il a besoin d'aide pour tout. Il vient de terminer une deuxième année d'université en commerce international. Il a pu le faire non pas parce que le gouvernement lui en a donné la chance, mais parce que les familles ont travaillé fort pour que ça se fasse. Ce ne sont pas toutes les familles qui peuvent le faire. C'est le genre de chose qui serait possible. Dans ce cas, il s'agit d'un enfant à propos duquel des professionnels nous ont dit il y a 24 ans « prenez-le et aimez-le, mais il n'apprendra jamais et il ne peut rien faire ».

On peut faire beaucoup pour ces enfants. Ils ont le droit d'avoir une vie de qualité et ne pas se trouver confinés dans des institutions où ils attendent la bière du vendredi soir, parce que c'est leur seule activité. Ce n'est pas acceptable et ça doit changer.

[Français]

M. Delisle : Je crois qu'on pourrait mentionner un programme de formation de professionnels au Canada. Il y a un manque de professionnels pour les anglophones, mais pour les francophones, le manque est encore plus flagrant. On n'a pas assez de professionnels en autisme au Canada.

En Ontario, cela peut certainement aller, mais à travers le pays, je suis certain qu'il n'y en a pas assez. Cela prendrait un programme pour normaliser les services pour que les professionnels d'une province puissent donner un service dans une autre province. Il ne devrait pas y avoir de barrières interprovinciales qui empêcheraient un francophone d'une autre province de venir aider en Ontario, par exemple. C'est pour ajouter à toutes les autres choses qui ont été dites jusqu'à maintenant.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck : J'ai une autre question. C'est à propos du régime fiscal. Je crois comprendre que les services requis par une personne atteinte d'autisme ne sont pas déductibles d'impôt.

Mme Gibbons : Certains services d'orthophonie et d'ergothérapie peuvent être déclarés comme des dépenses médicales s'ils sont recommandés par un médecin. Toutefois, les thérapies comme l'ABA et l'ICI ne sont pas considérées comme des traitements médicaux parce que le gouvernement ne les reconnaît pas en tant que tels. Je trouve intéressant que le ministre de la Santé, quand il s'est présenté à l'investiture de son parti en Ontario, reconnaissait que l'Ontario n'était pas à la hauteur concernant le programme préscolaire pour les enfants autistiques. Il reconnaît au moins que c'est une question de santé. Ça compte dans ces considérations. Tant que les choses ne changeront pas, nous ne pourrons pas déclarer des dépenses si elles ont trait à des thérapies comportementales comme l'ABA. Un neurologue et psychiatre spécialisé en pédiatrie a recommandé, pour mon fils, des suppléments de vitamines qui coûtaient 300 $ par mois. Même si j'avais des lettres de médecins qui affirmaient que ces suppléments amélioraient la qualité de vie de mon fils, je n'ai pas pu en réclamer le remboursement dans le cadre de mon régime d'assurance-santé. Bien des choses doivent être prises en compte dans l'établissement d'une stratégie concernant l'autisme. Bien des choses pourraient être repensées, de façon à améliorer le régime fiscal, afin de le rendre plus juste.

Le sénateur Keon : Notre mission est de mettre au point un plan qui soit tellement bon que le gouvernement ne pourra pas dire non. Au cours de ma propre carrière professionnelle passablement longue, qui remonte à une autre époque, j'ai constaté que, si les plans et les applications étaient valables, ils n'étaient jamais refusés. On les refusait s'ils n'étaient pas suffisamment bons, mais autrement, jamais, peu importe l'ordre de gouvernement auquel on s'adressait ou qui était au pouvoir ou quoi que ce soit d'autre.

C'est ce que nous devons essayer de faire pour vous. Le problème, si je comprends bien après vous avoir écoutés parler du rôle que vous jouez dans ce domaine difficile, c'est de savoir exactement qu'est-ce que vous recommandez. Par exemple, ce matin, vous sembliez préoccupés par l'aspect santé, dans tout ce qui a trait à l'autisme. Je ne sais pas si cela veut dire que vous êtes satisfaits des dimensions éducation et infrastructure sociale. La première fois que nous avons examiné cette question au comité de la santé mentale, nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait effectuer une étude particulière, parce que le sujet était trop vaste pour que le soutien voulu puisse venir uniquement du régime de soins de santé.

Nous y voilà maintenant. Le problème, avec les soins de santé, c'est que vos besoins ne relèvent pas des services essentiels. Au Canada, les services de santé dépendent d'une liste de services essentiels qui sont payés par les gouvernements provinciaux. Si un service n'est pas sur la liste des services essentiels, il n'est pas payé. C'est le problème avec l'autisme. Je crois fermement qu'il ne conviendrait pas de modifier la Loi canadienne sur la santé, parce que cela impliquerait des délais d'une dizaine d'années et risquerait de ne pas aboutir. Ce qu'il faut, c'est que les traitements essentiels pour l'autisme soient reconnus comme des services essentiels. Nous devons nous concentrer là-dessus. Nous avons entendu d'autres personnes, et nous devons commencer à nous demander sur quoi notre rapport devra mettre l'accent.

J'aimerais que vous répondiez tous les quatre à cette question, à savoir quel type de plan ou d'initiative stratégique est nécessaire. Qu'est-ce qui doit entrer en ligne de compte, la santé, l'éducation, les services sociaux ou est-ce qu'il faut un éventail de services encore plus large? Qu'est-ce qui serait nécessaire pour nous tirer d'affaire?

Mme Gibbons : Encore une fois, je reviens à ce que le Royaume-Uni a fait, alors qu'il était dans une situation semblable il y a six ans. Je ne veux pas nécessairement recommander qu'on étudie la question au sein de comités parlementaires regroupant tous les partis et qu'on fasse traîner cela en longueur durant des années. Toutefois, il est clairement nécessaire d'essayer d'ouvrir la voie de la bonne manière du premier coup.

Au Royaume-Uni, on a décidé que, après avoir cerné le problème et fait une évaluation initiale, on confierait l'évaluation à plusieurs organismes. On a intitulé ce plan MAA. Le milieu de la santé participe, ainsi que, selon l'âge de l'enfant, les éducateurs et peut-être des travailleurs sociaux, si la structure familiale souffre de la situation. Plusieurs organismes sont en cause. Cela fonctionnerait bien au Canada.

Avant tout, c'est un problème de santé, et je ne crois pas qu'on puisse être en désaccord avec cette affirmation. Pour l'enfant, toutefois, le traitement devrait se poursuivre jusqu'au sein du système d'éducation. Nous savons que la question relève de l'éducation, du domaine social et même du système juridique, plus tard, si des adolescents autistiques ont des activités extérieures qui sont mal interprétées par des agents de la paix qui ne connaissent pas l'autisme.

Ce genre d'approche servirait bien les Canadiens autistiques. Il faudrait différents groupes d'âge. De la naissance à quatre ans, les besoins relèvent essentiellement du système de santé. De quatre à six ans, l'aspect éducation entre en jeu, ainsi que les services sociaux. À mesure que l'enfant vieillit et atteint l'adolescence, on peut mettre davantage l'accent sur l'intégration communautaire et des services extérieurs à l'école. Ensuite une transition doit se faire, toujours en collaboration avec les différents ministères, pour faire en sorte que les besoins de la personne, physiques et mentaux, soient comblés grâce à des programmes assurant une meilleure qualité de vie.

Concernant l'évaluation par plusieurs organismes, les pages 72 et 73 du document de référence C que je vous ai remis ce matin contiennent un organigramme qui décrit précisément le processus et indique les délais prévus. Après l'évaluation par plusieurs organismes, on rédige un plan d'intervention familial. Ce dernier prend en considération toute la famille. Il ne concerne pas seulement la personne atteinte d'autisme, car la maladie a des répercussions sur la famille au complet, notamment les frères et sœurs. C'est terriblement difficile pour eux.

On produit donc le plan d'intervention familial; les ministères continuent de jouer leur rôle dans la collectivité. Il y a un genre de gestionnaire, si vous voulez, qui chapeaute l'élaboration des programmes pour un cas en particulier.

Le président : J'aimerais vous poser des questions à propos de la recherche. Demain, nous aurons une table ronde à laquelle participeront d'éminents chercheurs du pays. Cette table ronde fournira une autre perspective au comité. Et nous aurons recueilli votre point de vue et vos opinions comme parents.

Quelqu'un pourrait-il nous parler de la recherche et des domaines d'études sur lesquels il faudrait se pencher à l'heure actuelle?

Mme Gibbons : Je peux répondre. Je siège aussi au conseil d'administration de l'organisme Autism Speaks Canada. Aux États-Unis, Autism Speaks a récemment fusionné avec l'organisme Cure Autism Now. La recherche est un élément crucial, mais ce n'est pas parce qu'il se fait de la recherche qu'il ne faut pas prendre des mesures immédiatement. Il existe un traitement qui fonctionne, si bien que 47 p. 100 des enfants qui reçoivent un traitement précoce approprié, tel que l'analyse comportementale appliquée, sont difficiles à distinguer des autres enfants. De nombreux autres enfants parmi les 53 p. 100 restants retirent tout de même des avantages du traitement, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure. Un traitement continu leur est très bénéfique.

Pour ce qui est des autres enfants, ceux pour qui l'analyse comportementale appliquée n'a peut-être pas si bien fonctionné, il est essentiel d'évaluer pourquoi le traitement n'est pas fructueux et de déterminer ce qu'il faut faire pour atténuer certains symptômes négatifs du trouble afin que les enfants puissent réaliser leur plein potentiel.

Certains chercheurs parmi les meilleurs du pays travaillent là-dessus en ce moment, mais le gouvernement fédéral doit assumer ses responsabilités et accroître le financement des travaux de recherche dans ce domaine primordial. Le projet de loi que les États-Unis ont adopté en matière de lutte contre l'autisme est assorti d'une enveloppe de 900 millions de dollars, soit presque 1 milliard de dollars. Une bonne partie de ce montant ira aux travaux de recherche.

La recherche est un élément important. Nous avons à notre portée des scientifiques qui comptent parmi les meilleurs du monde.

Le président : Ils seront nombreux ici demain. En tant que parents, que pensez-vous que nous devrions leur demander? Devrions-nous nous attarder sur des points en particulier, que ce soit des éléments de la recherche sur l'autisme qui portent des fruits ou des éléments négligés?

Mme Bateman : La chose qui me vient en tête n'a pas nécessairement trait à la recherche sur l'autisme. Récemment, j'ai assisté au symposium international du Geneva Centre for Autism. La Dre Margaret Bauman y a fait une allocution. Elle compte parmi les chercheurs les plus réputés du monde dans le domaine de l'autisme et les familles lui amènent leurs enfants en consultation.

Lors du symposium, on nous montré des enfants et des adultes aux prises avec de graves problèmes comportementaux. Il y a avait une jeune fille qui ne dormait jamais. Elle criait si on la couchait. Elle avait des cicatrices sur les mains et au visage. Elle se les était infligées par automutilation. Cette chercheure, sachant que l'on ne peut pas lier tous les comportements des autistes à l'autisme même, a envoyé les familles en question voir un gastroentérologue. On a découvert que ces enfants souffraient de graves ulcères de l'œsophage. Nombreux sont les enfants qui sont atteints de troubles médicaux que le milieu médical ne voit pas.

On a tendance à associer à l'autisme tout ce qui arrive à un enfant atteint de cette maladie. Par exemple, des enfants qui souffrent de diarrhée grave toute leur vie ne reçoivent pas de traitement médical parce qu'on associe leurs symptômes à l'autisme. C'est un problème auquel il faut remédier au pays. Dans certains cas, je crois que les enfants ne reçoivent pas le traitement médical dont ils ont besoin.

Mme Gibbons : Puis-je revenir sur la recherche? On met beaucoup l'accent sur la génétique. Dans mon cas et dans celui de beaucoup de parents que j'ai rencontrés, il n'y a aucune trace d'autisme d'un côté ou de l'autre de la famille. On peut donc se poser la question suivante : y a-t-il vraiment un lien avec la génétique? Les gènes sont-ils le seul agent causal?

Je ne crois pas que nos gènes subissent une mutation au même rythme que l'incidence de la maladie augmente. Il y a peut-être une prédisposition génétique, mais je crois qu'il existe un genre de déclencheur environnemental. Voilà un élément qui mérite qu'on l'examine plus avant afin d'aider à dégager des liens.

Le sénateur Munson : Peut-être que vous n'avez pas eu l'occasion de répondre lorsque le sénateur Keon a dit que les gouvernements prendraient des mesures lorsqu'ils auraient un plan de travail. Il a parlé de l'ajout du traitement de l'autisme à la liste des services essentiels. Serait-ce une voie à suivre, du moins au début, s'il s'agissait d'une recommandation?

Je suis au courant de l'idée de rouvrir la Loi canadienne sur la santé, mais j'aimerais que l'un d'entre vous me donne une réponse définitive. Le fait de désigner le traitement de l'autisme comme un service essentiel représente-t-il une voie possible?

Mme Borbey-Schwartz : Comme la loi ne m'est pas tellement familière, j'aurais du mal à me prononcer. Toutefois, j'estime qu'il faut intervenir. Peu importe la décision, nous devons œuvrer activement au service de ces enfants. L'intervention doit se faire à l'échelon national, et non provincial.

Une stratégie nationale améliorerait la sensibilisation de même que la qualité et la diversité des services. Je pense que désigner le traitement de l'autisme comme service essentiel est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Munson : L'inclusion dans la liste implique de l'argent.

Mme Bateman : En fin de compte, du point de vue des familles, la manière dont le gouvernement s'y prend importe peu. Pourvu que quelque chose soit fait. Peu importe les failles et les obstacles qu'il faut surmonter pour agir rapidement et de manière convenable, il faut que cette intervention ait lieu.

Le sénateur Nancy Ruth : Le sénateur Keon pose à tous les groupes cette question concernant les services essentiels et le fait de modifier la Loi canadienne sur la santé. Vous avez répondu : « Peu importe la manière; agissez. »

Je me demande si les témoins qui comparaissent devant nous saisissent vraiment ce qu'implique un service essentiel sur le plan du financement. Savez-vous de quoi parle le sénateur Keon?

Mme Bateman : En tant que parents, non, nous ne le savons pas.

Mme Gibbons : Je peux répondre. La Loi canadienne sur la santé, essentiellement, indique aux provinces ce qui est réputé être des besoins impérieux en santé, par exemple lorsque quelqu'un a des troubles respiratoires, saigne ou est en train de mourir. Les provinces régissent ce qu'elles considèrent comme des besoins non essentiels. Ainsi, certaines provinces offrent des services chiropratiques et d'autres non.

La principale difficulté, c'est qu'aucune province ne reconnaît, contrairement à l'Organisation mondiale de la santé, que l'autisme est un problème de santé. Voilà ce qui fait défaut. Si nous pouvons amener les provinces à reconnaître qu'il s'agit d'un problème de santé, les parents pourraient utiliser leur carte d'assurance-maladie s'ils soupçonnent que leur enfant est atteint d'autisme. S'ils ont besoin de tests de dépistage des ulcères gastriques, ces tests devraient être accessibles. Nous ne devrions pas être laissés à nous-mêmes pour dépister ce genre de choses.

Nous ne pouvons pas modifier la Loi canadienne sur la santé tant que nous n'aurons pas de traitement validé reconnu comme traitement médical de l'autisme. Le traitement de l'autisme fait partie des besoins impérieux de santé des personnes atteintes et ces dernières n'y ont pas accès à l'heure actuelle. Dans les provinces, ce traitement n'est même pas inscrit comme besoin de santé non essentiel, car l'autisme n'est pas considéré comme un problème de santé. Tant que cette situation ne changera pas et que nous n'aurons pas surmonté cet obstacle, je ne crois pas que nous progresserons.

Premièrement, la Loi canadienne sur la santé pourrait être modifiée et l'analyse comportementale appliquée est le traitement à privilégier, car c'est le seul que les études scientifiques appuient. Nous pouvons modifier la Loi canadienne sur la santé et inclure des lignes directrices, mais pas tant que nous n'aurons pas établi une stratégie nationale qui reconnaisse que le traitement de l'autisme, sous les auspices de la santé, existe. Cette réponse vous aide peut-être un peu.

Le sénateur Fairbairn : Tous les membres du comité apprennent à connaître le dossier. Je vous écoute tous et je me rends compte que c'est une question difficile à comprendre pour qui n'est pas touché par le problème. J'ai une question simple à poser. Je la pose tout d'abord à Mme Gibbons : lorsqu'on vous dit que l'autisme n'est pas un problème de santé, sur quoi se base-t-on?

Mme Gibbons : Je n'ai pas la réponse. Même le milieu médical ne le reconnaît pas. On forme les médecins à détecter la maladie seulement dans une certaine mesure. Il n'existe aucune norme de diagnostic de l'autisme. Il n'existe pas de critères pour que les pédiatres ou les intervenants du milieu de la santé apprennent à reconnaître les signes avant-coureurs.

Je m'explique mal que le programme préscolaire public pour l'autisme qui est offert dans la ville où nous sommes en ce moment et qui est le plus important au monde soit financé par le ministère des Services sociaux et communautaires, et non par le ministère de la Santé.

Nous avons aussi inclus dans nos documents de référence un rapport publié en 2004 par le vérificateur général de l'Ontario selon lequel nous pourrions traiter essentiellement trois enfants pour le prix d'un en sous-traitant le traitement. Pourquoi? Je n'ai pas de réponse précise à vous donner.

Le sénateur Fairbairn : Lorsque la situation est devenue évidente dans le cas de votre fils, où vous a-t-on dit d'aller après avoir vu un médecin?

Mme Gibbons : Le neurologue et le psychiatre nous ont littéralement donné le titre de livres à lire. Ils nous ont dit : « Il ne vaut pas la peine d'inscrire votre nom sur la liste d'attente pour le programme préscolaire d'autisme, car vous ne serez pas acceptés. Votre fils va vieillir. Le programme n'est pas disponible; ce n'est pas une option. Voici le titre de quelques bons ouvrages. Amorcez un programme privé d'analyse comportementale appliquée. Faites-le vous-mêmes au début s'il le faut jusqu'à ce que vous puissiez engager un consultant. Commencez à consulter un orthophoniste et un ergothérapeute. Vous devrez financer cela vous-mêmes. Nous vous prescrivons un antipsychotique pour atténuer le comportement agressif. » On nous a donné une tape dans le dos et demandé de revenir six mois plus tard.

Voilà l'expérience de notre famille. Mon mari et moi avons fait une dépression, découragés de voir la situation au Canada. Pourquoi notre fils se voyait-il refuser l'accès à une thérapie éprouvée qui, nous le savons, pouvait l'aider? C'est incroyable.

Les parents ne sont pas fatigués, comme le ministre Clement l'a indiqué la semaine dernière. Nous sommes épuisés. Nous sommes épuisés et fatigués. Nous sommes inquiets. Nous craignons pour l'avenir de nos enfants.

Il est insensé que l'on ne considère pas l'autisme comme un problème de santé, que le traitement ne soit pas offert, dans le cadre du régime de soins de santé, aux enfants tout au long de leur vie, et que l'on ne leur fournisse pas le soutien adéquat.

Je ne crois pas que le Canada ait le choix. Il faut agir. Refuser aux enfants l'accès à un traitement qui pourrait les aider à réaliser leur plein potentiel est anticonstitutionnel dans notre pays.

Le gouvernement fédéral prétend que c'est une question de compétence provinciale. Il existe des stratégies pour les maladies du cœur, une stratégie pour le cancer, une stratégie pour le diabète. Nous avons ratifié la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant en 1991. L'article 23 concerne les enfants ayant une incapacité. Nous avons vraiment raté le coche. Le problème n'est pas réglé.

Il faut prendre des mesures en nous fondant sur une approche bien équilibrée et en tenant compte de la dynamique de notre beau pays et de sa population francophone.

Les soins de santé pour les enfants posent un autre problème. Il est déjà assez difficile d'avoir des soins pour un enfant en santé. C'est encore plus difficile pour un enfant ayant des besoins spéciaux. Il n'y a pas de soins.

Mme Bateman : Imaginez lorsque ces enfants deviennent adultes et ne sont plus ces adorables petits qu'ils étaient. Il est de plus en plus difficile pour les familles de garder leurs enfants à la maison. Plus ils vieillissent, plus c'est difficile. Ce n'est pas facile. Il y a de moins en moins d'aide et de services.

Le sénateur Fairbairn : Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie beaucoup tous les quatre de nous avoir accordé du temps et de nous avoir fait part de votre point de vue. Ce fut utile.

La séance est levée.


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