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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le vendredi 8 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit ce jour à 9 h 2 dans le cadre de l'interpellation au sujet du financement pour le traitement de l'autisme.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au cours de laquelle nous allons poursuivre notre examen des enjeux de l'autisme.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à tous ce matin. Le comité anticipe une journée informative qui, j'en suis convaincu, nous aidera grandement à rédiger notre rapport final au sujet de l'autisme.

[Traduction]

Les membres du comité se souviendront qu'au cours de notre réunion du 2 novembre, nous avons entendu le Dr Rémi Quirion, des Instituts de recherche en santé du Canada qui a lancé l'idée de tenir une table ronde réunissant les chercheurs travaillant sur l'autisme. Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir plusieurs spécialistes éminents du domaine dont le Dr Quirion a proposé les noms.

Nous avons décidé, afin de mieux structurer nos délibérations, de scinder la journée en deux séances. Ce matin, nous ferons le point des connaissances. Après le déjeuner, nous chercherons les solutions ou à discerner la voie de l'avenir.

Sur votre ordre du jour, la séance de ce matin est intitulée « L'autisme au Canada ». Vous remarquerez que figurent parmi les sujets à traiter les statistiques sur la prévalence et les tendances, l'existence ou non d'une épidémie, les outils diagnostiques, les lignes directrices diagnostiques, les services thérapeutiques et les listes d'attente. Tous ces sujets ont déjà été abordés ici par les parents, les organisations qui s'intéressent aux troubles du spectre de l'autisme, les TSA, et un certain nombre d'adultes eux-mêmes touchés par la maladie. La variabilité à l'échelle du pays est un autre élément à considérer sur le plan des outils et lignes directrices diagnostiques et de l'accès au traitement.

Nous allons commencer la séance. Ceci sera la seule partie structurée. Nous commencerons par inviter chacun des 16 participants à nous faire un court exposé. S'il vous plaît, essayez de vous limiter à quatre minutes. Vu le nombre de participants, nous avons quelques contraintes de temps, mais il est néanmoins important que nous puissions entendre ce que vous avez à dire.

Je vais commencer par la Dre Ridha Joober, qui est chercheure au Centre de recherche de l'Hôpital Douglas, à Montréal.

[Français]

Dre Ridha Joober, chercheure, Centre de recherche de l'Hôpital Douglas : Messieurs les sénateurs, chers collègues, bonjour. En premier lieu, je tiens à vous expliquer mon domaine de recherche : je suis psychiatre praticien, je travaille avec les adultes et les enfants et je fais de la recherche en matière de génétique et de maladie mentale. Dans mon exposé, je vous entretiendrai principalement sur quelques points importants qui fondent ma recherche.

Je pense que l'un des points les plus importants que l'on connaît dans la recherche en matière d'autisme, c'est l'importance des facteurs génétiques. On estime qu'environ 90 p. cent de la variabilité dans ce phénotype est dû à des facteurs génétiques. Je voudrais mettre cela en perspective par rapport aux autres maladies psychiatriques : 90 p. 100 de facteurs génétiques impliqués dans l'autisme, c'est plus important que n'importe quel autre trouble psychiatrique. Je pense que c'est un facteur très important à tenir en considération.

Un autre élément que je tiens à mentionner est le diagnostic précoce. En effet, les interventions précoces améliorent le pronostic à long terme des personnes qui sont atteintes d'autisme.

Ces deux éléments mis ensemble nous permettent de conclure que, si on arrive à faire un diagnostic précoce en le basant sur des éléments génétiques, on peut arriver à diagnostiquer de manière très accélérée l'autisme et on peut donc intervenir même avant les manifestations cliniques.

Ceci étant dit, même si les facteurs génétiques sont très importants dans l'autisme, on sait très bien que ce n'est pas une maladie simple sur le plan génétique et que malgré un grand nombre de recherches qui sont en cours actuellement, il reste encore difficile d'identifier les facteurs génétiques impliqués dans cette maladie. Il faut des efforts très importants pour arriver à identifier ces facteurs génétiques et je pense que la structure de la recherche telle qu'actuellement conçue et le financement de la recherche dans ce domaine est très insuffisant pour arriver à cet objectif.

[Traduction]

Le président : Nous allons ensuite donner la parole à M. Normand Giroux.

[Français]

Normand Giroux, professeur agrégé, Université du Québec à Montréal : Monsieur le président, je suis professeur de psychologie, plus particulièrement d'analyse appliquée du comportement et d'intervention comportementale intensive aux études supérieures, à l'Université du Québec à Montréal. Je supervise des stages d'intervenant en intervention comportementale intensive et je codirige des recherches de doctorat dans le domaine. J'ai 40 ans d'expérience en psychologie clinique de l'enfant et j'ai un petit-fils autiste qui a quatre ans.

Dans le mémoire que j'ai distribué tantôt et dont vous avez copie, je vous ai proposé trois prises de vue de l'autisme en fonction de l'âge. Je vous parle d'abord d'un adulte autiste de 45 ans, ensuite d'un enfant d'âge scolaire de 11 ans et enfin, d'un petit garçon de quatre ans, mon petit-fils. Je vous montre, avec des données empiriques à l'appui, quelle différence peuvent faire les programmes d'analyse appliquée du comportement et d'intervention comportementale intensive dans la vie de ces personnes en fonction de leur condition et de leur âge.

Dans ce mémoire, j'ai aussi tenté, au meilleur de ma connaissance, d'évaluer les coûts additionnels requis pour que tous les enfants canadiens atteints d'un trouble envahissant, entre un et sept ans, puissent recevoir de l'intervention précoce intensive. Je vous annonce qu'il manque 350 millions de dollars.

Par ailleurs, l'accès aux services est encore hautement problématique puisqu'il y a un engorgement dans les filières d'accès au diagnostic, ce qui est le premier grave problème qui bloque la réception des services d'intervention de stimulation intensive précoce. Je préconise donc qu'on institue des filières d'accès rapide pour cette condition dont le traitement dépend de la rapidité d'intervention et sa continuité dès le bas âge.

J'ai aussi proposé dans ce mémoire de créer, dans toutes les provinces et territoires canadiens, au moins un centre d'expertise en intervention comportementale intensive pour fins de démonstration ou de soutien aux différentes instances qui donnent l'intervention comportementale intensive. J'identifie le problème de la formation du personnel et des standards des programmes comme le deuxième problème le plus aigu qui nous confronte après celui de l'accès au diagnostic.

J'ai proposé un modèle de centre en trois parties, vous avez une description générale de ce que pourrait être un centre sur site universitaire, en ABA et ICI. J'ai proposé un diagramme possible et j'ai évalué les coûts. De fait, c'est un projet que j'ai soumis à mon université de rattachement. Il a reçu un accueil très favorable, mais ils n'ont pas d'argent. C'est tout ce que j'ai à dire à cette étape-ci.

[Traduction]

Dr Lonnie Zwaigenbaum, Université de l'Alberta — Hôpital de réadaptation de Glenrose : Merci de votre invitation à participer. Je suis pédiatre spécialisé en développement. Je suis professeur associé de pédiatrie à l'Université de l'Alberta. J'ai passé la plus grande partie de ma carrière à l'Université McMaster.

Le comité connaît déjà certains des défis auxquels les chercheurs en autisme canadiens sont confrontés, particulièrement les ressources limitées dont ils disposent, comparé à nos voisins du sud. Cependant, nous bénéficions aussi au Canada de quelque chose de très spécial, soit un esprit de collaboration et une collégialité qui nous permettent de travailler de manière concertée à travers le pays pour répondre aux besoins les plus pressants de la recherche sur l'autisme. C'est grâce à cette expérience que nous pouvons avoir une perspective nationale et appréhender, d'une part, les variations à travers le pays et, d'autre part, les thèmes et défis communs.

Parlons d'abord de la prévalence et de l'existence ou non d'une épidémie. Il ne fait aucun doute que les meilleures données sur la prévalence des troubles du spectre de l'autisme au Canada proviennent de mes éminents collègues réunis autour de cette table. Ils pourront parler avec plus d'autorité que moi des données résultant de leurs excellentes recherches.

La première étude canadienne sur l'épidémiologie de l'autisme a été effectuée par la Dre Susan Bryson en Nouvelle- Écosse et au Cap-Breton, dans les années 80, et elle a estimé le taux de prévalence à un pour 1 000. Par contraste, en juillet, le Dr Eric Fombonne a mené une étude sur les enfants et adolescents inscrits au plus gros conseil scolaire anglophone de Montréal et, sur la base des critères diagnostiques actuels, il a estimé un taux total de troubles du spectre de l'autisme de 6,5 pour 1 000, dont 2,2 pour 1 000 répondaient à tous les critères de l'autisme. Je crois que ce chiffre est similaire non seulement aux estimations de prévalence récentes aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais aussi aux données administratives relatives aux services du Dr Helene Ouellette-Kuntz qui, de concert avec le groupe ASD-CARC — Autism Spectrum Disorders Canadian-American Research Consortium — de la Dre Jeanette Holden qui se penche sur les taux d'autisme enregistrés dans divers centres à travers le pays. Les données administratives ne sont pas entièrement comparables aux chiffres de prévalence dans la population d'ensemble, mais il existe une convergence remarquable autour d'un chiffre légèrement supérieur à 6 p. 100.

Est-ce que cette augmentation de la prévalence représente une épidémie? Au-delà de l'interprétation formelle au sens purement épidémiologique, je pense que la question critique à se poser est la suivante : est-ce que l'augmentation des taux est entièrement attribuable aux méthodes diagnostiques nouvelles ou bien existe-t-il d'autres facteurs de causalité? Étant donné que nous n'avons pas encore d'étude ayant utilisé les mêmes critères dans les mêmes collectivités à divers moments, nous n'avons pas de réponse certaine à cette question.

À mon point de vue, le problème le plus pressant est que l'autisme, qui était considéré jadis comme rare ou peu commun, est maintenant diagnostiqué chez un enfant sur 165. Il est l'un des troubles du développement les plus fréquents, ce qui est aggravé encore par le fait que, de toutes les déficiences, il est probablement celui qui impose le plus de souffrance et le plus grand fardeau. L'autisme est devenu un véritable problème de santé publique, quelle que soit la façon dont nous interprétons les données de prévalence.

Il ne fait aucun doute qu'il existe une variation remarquable dans la manière dont les services diagnostiques sont organisés à travers le pays et, en particulier, la façon dont les évaluations diagnostiques sont menées. Le lieu où le diagnostic est posé varie énormément, depuis les médecins locaux jusqu'à des centres de santé régionaux ou des centres de soins tertiaires. Dans certaines régions, le travail se fait de manière coordonnée, mais dans d'autres il existe des lacunes considérables dans la coordination qui fait que les gens travaillent dans l'isolement. C'est souvent un simple reflet de l'histoire ou des particularités d'une région.

Il faut réaliser qu'avec la fréquence accrue de l'autisme, celui-ci n'est plus une maladie qui peut être confinée dans les centres de soins tertiaires. Il faut renforcer la capacité des collectivités à servir et soigner elles-mêmes leurs enfants.

Dans ces conditions, il importe de recourir davantage à des outils d'évaluation standardisés afin d'améliorer la qualité et la cohérence de l'évaluation diagnostique. Il est impératif aussi d'offrir une formation, un mentorat et un soutien afin que les diagnostics ne soient pas fondés sur les seuils arbitraires de l'outil diagnostique, mais plutôt sur une connaissance approfondie du trouble et de ses effets sur les enfants et les familles.

Il faut avoir confiance aussi de la complexité accrue aux deux extrémités de la fourchette d'âge sur le plan du diagnostic chez les très jeunes enfants, d'une part, et chez les adolescents et adultes, d'autre part. Nos recherches donnent à penser qu'il existe des possibilités très intéressantes de diagnostiquer l'autisme à un âge plus précoce.

Je parle là de recherches effectuées par le Dr Bryson et moi-même, de concert avec le Dr Peter Szatmari, la Dre Wendy Roberts, que vous avez déjà reçue ici, et un certain nombre d'autres éminents collègues. Nous travaillons sur un groupe de nourrissons qui sont frères et sœurs d'autistes, pour suivre leur développement précoce et tenter de cerner des méthodes de diagnostic précoce. Sur la base de notre expérience avec ce groupe d'enfants à haut risque, ainsi que de notre expérience clinique collective, il devient de plus en plus apparent que l'autisme pourrait être diagnostiqué chez un sous-groupe d'enfants dès l'âge de 18 mois. Les signes comportementaux peuvent être décelés à un stade encore plus précoce, non seulement par les parents mais aussi par des professionnels expérimentés et sensibles.

Cependant, lorsqu'on pousse les limites de notre expérience clinique et des outils d'évaluation disponibles, les difficultés se multiplient. Il reste encore un travail considérable à faire dans ce domaine.

Pour ce qui est des services thérapeutiques et des délais d'attente, là encore la variabilité à travers le Canada est énorme. Lorsqu'on réfléchit aux délais d'attente et besoins de services, il faut considérer les besoins à chaque étape du processus, depuis la reconnaissance et la prise en compte des préoccupations parentales, puis l'aiguillage vers l'évaluation diagnostique, jusqu'aux évaluations aux fins des programmes de traitement, et bien sûr dans certaines régions du pays il y a encore une attente supplémentaire une fois que l'enfant est classé comme ayant besoin des interventions les plus intensives et qu'il y a pénurie de ces prestataires de soins.

Je sais que d'autres témoins ont signalé que dans des régions comme l'Alberta, où les services sont perçus comme plus accessibles, les ressources humaines, le manque de personnel formé, constituent le facteur limitatif. Cela souligne la complexité du problème, qui ne tient pas seulement aux ressources financières disponibles mais aussi au besoin collectif d'un plus grand nombre de professionnels experts pouvant soutenir ces familles.

Il ne faut pas perdre de vue non plus que nous ne parlons pas là seulement d'une intervention préscolaire intensive, mais aussi de toute une gamme d'autres formes de soutien, tels que des services de relève pour les familles qui s'occupent elles-mêmes de leurs enfants.

Enfin, il ne faut pas oublier les besoins des autistes plus âgés, soit les adolescents et les adultes. Nous diagnostiquons et servons en ce moment toute une vague d'enfants d'âge préscolaire. Mais l'autisme deviendra la prochaine épidémie à moins que nous répondions aux besoins de la population plus âgée.

Le président : Merci. Vous avez réussi à nous en dire beaucoup en dépassant de très peu les quatre minutes.

Dr Zwaigenbaum : Mes collègues vous diront que ce n'est pas la première fois.

Le président : Vous avez mentionné la Dre Bryson à plusieurs reprises. C'est maintenant son tour.

Dre Susan Bryson, Université Dalhousie, Département de pédiatrie, Centre de recherche sur l'autisme : Merci beaucoup de votre invitation à prendre la parole et des efforts que vous déployez pour les personnes atteintes d'autisme et leurs familles.

Je suis chercheuse, enseignante et clinicienne. Je suis actuellement consultante auprès de trois ministères provinciaux de la Nouvelle-Écosse, soit ceux de la Santé, de l'Éducation et des Services communautaires. Je parle virtuellement chaque jour avec des parents et des prestataires de services. Ce que je vais dire aujourd'hui est fondé principalement sur ces interactions. Je ne prendrai guère de temps pour réitérer certains des points très importants soulignés par les collègues et porte-parole qui m'ont précédé.

Je veux souligner plusieurs choses. L'autisme constitue un spectre de troubles apparentés. Si certaines personnes sont moins gravement touchées, la grande majorité souffre de déficiences graves. Il importe de ne pas perdre cela de vue.

Même parmi les moins touchés, l'isolement social et des problèmes psychiatriques, tels une profonde anxiété et des troubles dépressifs, sont fréquents. La plupart de ces jeunes se font énormément chahuter, surtout pendant les années de scolarité.

Tous ces faits sont corroborés par notre recherche, par la recherche d'autrui et par l'expérience des parents et des professionnels. Cependant, je veux souligner qu'il existe aussi des réussites exemplaires. Dans le contexte de la mise en place d'une intervention précoce en Nouvelle-Écosse, j'ai été témoin directement de la joie et du soulagement de parents dont les enfants maintenant parlent, ne font plus des crises de colère, cessent de frapper ou mordre autrui. De même, je connais des adolescents et des adultes qui ont été adéquatement traités pour leur dépression et sont maintenant beaucoup plus capables de fonctionner.

Deux aspects méritent d'être soulignés ici. Premièrement, en dépit des nombreuses questions de recherche qui se posent encore, nous savons qu'il existe des traitements efficaces. Deuxièmement, en dépit du fait qu'un continuum de soins est nécessaire, il importe de ne pas exagérer les difficultés.

Nous avons beaucoup appris au sujet des meilleures pratiques fondées sur l'expérience clinique. Ces dernières peuvent être adaptées de manière à répondre aux besoins variés et individuels des enfants, des adolescents et des familles. Il existe aussi au Canada la nécessité d'établir des priorités thérapeutiques.

Quelles sont les considérations principales en vue d'une stratégie nationale? Je pense qu'un site Internet sur les pratiques fondées sur l'expérience serait utile, tout comme une meilleure sensibilisation nationale à l'autisme et aux difficultés qu'il présente.

Je souligne que nous sommes encore très loin de répondre aux réels défis qui se posent actuellement et se poseront dans l'avenir immédiat. Je pense que les problèmes cruciaux identifiés par d'autres englobent les aspects suivants. Il nous faut réduire les listes d'attente pour le diagnostic et les traitements. Des listes d'attente de 12 à 20 mois sont tout simplement intenables, voire immorales. Il nous faut également des cheminements cliniques transparents, avec des guichets uniques d'accès, afin que les parents ne soient pas davantage frustrés par les lourdeurs administratives de nos systèmes.

Pour ce qui est du traitement, l'heure est venue pour que le Canada effectue un investissement majeur dans l'autisme. Il faut définir des priorités thérapeutiques et les programmes de traitement doivent reposer sur des études d'efficacité bien financées. Il faut aussi déployer des efforts concertés pour la formation, en particulier de pédopsychologues cliniciens, d'orthophonistes et de psychiatres pour adultes.

Comme d'autres pays, il nous faut investir dans la recherche, non seulement la recherche fondamentale mais aussi la recherche appliquée à l'évaluation des traitements. Nous pouvons nous inspirer du travail d'autrui, de programmes modèles mis au point à l'étranger pour le cancer, le diabète et l'autisme. Nous avons besoin de possibilités pour élaborer des programmes modèles thérapeutiques et pédagogiques.

Nous devons réunir nos meilleurs cerveaux afin de formuler des propositions concurrentielles et novatrices en vue de réduire les listes d'attentes et concevoir et évaluer les programmes de traitement et de formation à réaliser en priorité.

Nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral, mais aussi de partenariats avec les provinces. Nous pouvons changer la culture de l'autisme au Canada et, comme Mme Mary Anne Chambers l'a déclaré, un réseau canadien de l'autisme est important, mais il sera davantage viable si nous pouvons partager nos réussites et les multiplier à travers le pays.

Les familles canadiennes veulent voir des efforts visant à améliorer leur vie et celle de leurs enfants. J'espère que mes remarques vous seront utiles.

Le président : Merci. La parole est au Dr Peter Szatmari, qui a déjà comparu ici en une autre capacité.

Dr Peter Szatmari, chef de la Division de pédopsychiatrie, Université McMaster : Merci beaucoup. Je suis très heureux de revenir aujourd'hui et de vous faire part de quelques autres réflexions sur l'élaboration d'une stratégie nationale sur l'autisme.

Lors de ma dernière comparution, je m'exprimais au nom de CAIRN, le Canadian Autism Intervention Research Network. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler davantage de mon rôle de scientifique et des façons dont les scientifiques, les décideurs et les parents peuvent collaborer à la formulation d'une stratégie nationale.

Permettez-moi de résumer. L'un des grands projets auxquels nombre d'entre nous autour de la table collaborons est intitulé Autism Spectrum Disorders : Pathways to Better Outcomes. Je vous en ai envoyé un bref descriptif. C'est un projet qui nous passionne car il nous donne la possibilité, étant probablement la plus grande étude de ce genre dans le monde, de suivre de jeunes enfants autistes depuis le diagnostic jusqu'à la fin de la première année de scolarité. Cet intervalle recouvre un certain nombre de points de transition primordiaux dans le développement de ces enfants, avec notamment l'entrée dans un service où ils commencent à recevoir quelques interventions et ensuite la transition cruciale vers le milieu scolaire où les services disponibles sont sensiblement différents.

Nous avons lancé cette étude à cause des nombreuses lacunes dans nos connaissances sur le développement de ces enfants. Permettez-moi de résumer brièvement ce que nous savons, puis de mettre en lumière ce que nous ignorons.

Nous savons que les pronostics pour la majorité des enfants atteints de troubles autistiques sont très piètres. Il n'y a pas de remède à cette maladie. Songez-y : la médecine connaît très peu de maladies infantiles que l'on ne peut guérir. Peut-être 10 p. 100 des enfants s'en sortent et finissent par ressembler à des adultes typiques, mais cela laisse 90 p. 100 de cette population avec de très piètres perspectives.

Néanmoins, ces enfants s'améliorent avec le temps. Leurs symptômes autistiques s'amenuisent, leurs aptitudes linguistiques s'améliorent, de même que certaines de leurs aptitudes sociales, mais à chaque fois qu'il y a amélioration, ils sont mis face à un nouveau défi car les attentes du milieu à leur égard changent.

Par exemple, en grandissant, et bien que leurs symptômes autistiques s'améliorent, ils acquièrent de nouvelles invalidités telles que des troubles psychiatriques. La Dre Bryson et moi venons d'achever une étude où nous suivions des enfants jusqu'à la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte et nous avons constaté que 60 p. 100 de notre population d'enfants autistes hautement fonctionnels développent un trouble anxieux ou un trouble dépressif majeur. C'est un taux de 60 p. 100, à comparer au taux de la population générale de 10 à 15 p. 100.

Un autre facteur très important est que, une fois adultes, les autistes ont besoin d'un soutien pour vivre en autonomie et travailler. Aujourd'hui, avec la fermeture d'établissements, de plus en plus d'adultes autistes vivent avec leurs parents et, lorsque ces derniers avancent en âge, cela devient pour eux un environnement très difficile.

La variabilité est un autre sujet important. Nous ne savons pas pourquoi certains enfants réussissent tellement mieux que d'autres. Il existe une énorme variabilité chez ceux qui ont de meilleures aptitudes linguistiques et de meilleures aptitudes cognitives. Certains se débrouillent très bien, mais d'autres continuent de stagner. Nous n'avons aucune idée des causes de cette variation. Nous étudions cela de près dans notre étude longitudinale.

Nous nous penchons sur le délai qui s'écoule avant le diagnostic. Nous pensons que plus le diagnostic est tardif et moins bonnes sont les perspectives de ces enfants. Nous savons que le délai qui s'écoule avant le diagnostic varie énormément au Canada. Il n'existe pas de données officielles à ce sujet, mais notre étude comprend des enfants de la Nouvelle-Écosse, de Montréal, de Hamilton, de la Colombie-Britannique et, nous l'espérons, aussi de l'Alberta. Nous pourrons mesurer le temps qui s'écoule entre le moment où les parents commencent à s'inquiéter au sujet du développement de leur enfant et le moment où le diagnostic est posé, et le délai entre le diagnostic et le début du traitement.

Je sais, d'après ce que me disent mes collègues à travers le Canada, qu'il faut fréquemment compter un an entre le moment où les parents s'inquiètent et celui où ils obtiennent un diagnostic, puis souvent encore une autre année avant d'accéder au traitement. Cela fait donc deux années avant qu'ils commencent une thérapie. Puisque nous savons que plus tôt les enfants sont traités et mieux ils vont évoluer, cela est inacceptable. Nous devons chercher à comprendre les facteurs qui causent de tels retards.

Il est juste de dire qu'au cours des cinq dernières années la politique relative aux enfants atteints de troubles autistiques a été largement déterminée par le système judiciaire. Les politiques adoptées dans différentes provinces sont le résultat de recours en justice intentés par des parents contre le gouvernement. Ces contestations sont même allées jusqu'en Cour suprême.

Les scientifiques ont été tenus à l'écart de cette discussion, qui n'a pas été constructive et plutôt marquée par le conflit, l'animosité et l'affrontement. Un rôle très important que votre comité pourrait jouer consiste à créer des occasions pour que les scientifiques aient leur mot à dire dans l'élaboration de cette politique dans le pays.

Un exemple en est le fait qu'avec un certain nombre de collègues, dont Mme Adrienne Perry, qui est là aujourd'hui, nous établissons des lignes directrices de pratique clinique aux fins de l'élaboration de services d'intervention comportementale intensive en Ontario. Nous passons en revue la documentation pour déterminer auprès de quels sujets cette intervention est la plus efficace, quel bienfait l'on peut en attendre et quelle devrait être la durée du traitement.

Auparavant, toutes ces décisions importantes étaient fondées sur une opinion subjective plutôt que sur l'expérience clinique. Au moins, en Ontario, nous pourrons apporter une contribution à la prise de décisions qui seront fondées totalement sur l'expérience clinique. Nous avons dans notre comité des parents, en sus de scientifiques et de décideurs, et cette conversation nous permettra de tracer des solutions d'avenir.

Le président : Merci beaucoup, docteur Szatmari. C'est la première fois que nous entendons les chiffres que vous citez et qui sont tirés de votre recherche. Nous sommes très heureux de les connaître.

Différents témoins nous ont aussi adressé des mémoires que nous apprécions également.

Dre Jeanette Holden, codirectrice de la recherche, Laboratoire de recherche sur la cytogénétique et l'ADN, Université Queen's : Merci beaucoup. Je suis, moi aussi, heureuse de cette invitation.

En sus d'être professeur au département de psychiatrie et de physiologie à l'Université Queen's, je suis une sœur. En effet, j'ai un frère autistique qui vient d'avoir 54 ans la semaine dernière. Je vous parle selon la perspective d'une famille très unie. Bien que je n'aie pas toujours vécu avec mon frère, celui-ci et ma mère habitent maintenant avec moi depuis six ans et demi. Je les ai fait venir de Vancouver à Kingston, ce qui a été un grand choc, mais ils se sont très bien adaptés.

Je me fonde sur l'expérience de milliers de familles avec lesquelles j'ai parlé au long de mes nombreuses années de recherche sur les déficiences intellectuelles et l'autisme.

Je souscris pleinement aux propos antérieurs de mes collègues. J'aimerais porter à votre attention un certain nombre d'autres choses qui s'inscrivent dans mon optique particulière de sœur. Je ne suis pas sûre que les fratries aient déjà été représentées à ces réunions.

Lorsque mon frère était très jeune, il était particulièrement porté aux crises de colère, était très fâché contre le monde et très frustré. C'est là mon souvenir d'enfance de l'autisme. Les enfants qui changent de manière remarquable suite à diverses interventions donnent beaucoup d'espoir à leurs familles. Bien que cette maladie soit très difficile et très éprouvante pour les familles, le fait que de tels changements puissent se produire signifie qu'il doit exister des moyens de faire une différence dans la vie de tous les enfants touchés par des troubles du spectre de l'autisme. C'est là l'un de nos objectifs.

Nous devons aussi nous souvenir qu'il s'agit là d'un état extrêmement hétérogène et que nous devons identifier les divers facteurs qui contribuent au trouble.

Notre groupe de recherche, ASD-CARC, veut comprendre les troubles du spectre de l'autisme. Plus je vois mon frère et plus j'observe ce qui se passe en lui, et moins je sais ce qu'est l'autisme et comment il fonctionne.

Remarquablement, mon frère a commencé à parler à l'âge de 50 ans. Il est étonnant qu'il soit passé d'un état non verbal à l'état verbal après un demi-siècle. C'est un cadeau énorme pour ma mère, maintenant âgée de 84 ans, comme tous les parents peuvent le comprendre. Le problème, c'est qu'il est inacceptable de devoir attendre 50 ans pour cela.

Il est très important de reconnaître que les effets du traitement peuvent être étonnants. Je ne connais aucun cadeau plus grand à faire à un enfant que de lui donner le moyen de communiquer ses intérêts et ses besoins, que ce soit par la langue, le dessin ou la musique.

Je songe souvent au fait que ma mère ne conduit plus. Il peut arriver qu'elle ait une forte envie de manger quelque chose. Songez à un aliment que vous mourrez d'envie de manger mais ne pouvez pas vous procurer parce que vous ne pouvez vous rendre au magasin. Voilà la vie de l'enfant non verbal.

Chaque jour de leur vie, ces enfants ne peuvent vous indiquer où ils ont mal car eux-mêmes ne situent pas le siège de leur souffrance. Ils ne peuvent pas vous dire qu'ils n'aiment pas quelque chose sauf en faisant un caprice, en devenant frustré ou en se fâchant. Ils ne peuvent pas vous dire qu'ils aiment beaucoup quelque chose car ils ne peuvent pas mettre la main dessus; ils ne peuvent pas aller chercher cet objet. Ne perdons pas de vue que donner les moyens de communiquer est primordial. Il est crucial de donner les moyens de l'interaction sociale et d'être accepté dans un cadre social de vie quotidienne.

Hier, en attendant le train à Kingston, j'ai noué conversation avec une dame. J'ai tendance à faire cela assez souvent. Nous avons échangé quelques intérêts, et cetera. Je lui ai dit que j'ai un frère atteint d'autisme et que je faisais des recherches dans ce domaine. Elle m'a dit qu'elle avait eu un fils autiste. Il est mort à l'âge de 22 ans. Il s'est suicidé il y a 12 ans.

Comme la Dre Bryson l'a fait remarquer, ces personnes, ces adolescents qui peuvent parfois très bien s'exprimer, se sentent socialement isolés. Nous devons pouvoir les intégrer et leur donner ces présents. Ce n'est pas qu'ils veulent s'exclure de la société. La vision stéréotypique de l'autisme jadis était qu'ils ne voulaient pas faire partie de ce monde et restaient de ce fait dans leur coin. Au contraire, ils ne peuvent pas affronter le monde, et c'est pourquoi nous devons leur donner les moyens pour y parvenir.

J'ai aussi beaucoup réfléchi à la façon de payer pour cela. Notre recherche vise à établir une technologie pour accomplir cela. Nous avons créé un site Internet appelé Autism Connects, par lequel nous mettons des familles en contact au moyen de tribunes de discussion et fournissons des renseignements sur toutes les ressources disponibles dans une région donnée et les tenons au courant des dernières recherches.

J'aimerais conclure par un dernier mot. Ma mère est maintenant âgée de 84 ans. Pendant 54 ans, elle s'est occupée de mon frère chaque jour, sans exception. En 54 ans et huit jours, elle a eu cinq jours sans lui pour assister à l'enterrement de sa mère.

Elle m'a demandé de vous transmettre ce message : Ne faites pas attendre d'autres mères 54 ans avant d'avoir quelque assurance que leur enfant ne sera pas seul lorsqu'elles ne seront plus là. Je vous le demande, ne faites pas attendre plus longtemps non plus ma mère. Veillez à ce que toutes les familles reçoivent l'attention dont elles ont besoin, pas seulement les enfants qui sont très jeunes, mais à tous les âges. Ces enfants grandissent et leurs parents vieillissent.

Le président : Merci. Le Dr Fombonne a aussi déjà comparu devant nous à un autre titre. Soyez de nouveau le bienvenu.

Dr Eric Fombonne, directeur de la pédopsychiatrie, Centre de santé de l'Université McGill : J'aimerais traiter de quatre sujets dans ce court exposé. Le premier concerne les données épidémiologiques et je veux réitérer ce qui a déjà été dit.

Il ressort maintenant très clairement de la plupart des études, notamment les dernières faites au Canada, que le taux de prévalence des troubles envahissants du développement, ou TED, est d'au moins 0,6 p. 100 de la population infantile, ce qui fait de ce trouble l'un des états handicapants les plus communs.

Dans notre étude portant sur la tranche d'âge la plus jeune, six ans, le taux était de 1,1 p. 100. Des études britanniques et américaines sont aussi arrivées à un chiffre plus proche de 1 p. 100. Si nous prenons 0,6 ou 0,7 p. 100 comme hypothèse, soit le taux le plus couramment admis aujourd'hui, cela se traduit par 55 000 jeunes Canadiens de moins de 20 ans atteints de TED. Voilà qui souligne, je pense, l'ampleur du problème sanitaire auquel vous êtes ici confronté.

Nous avons beaucoup de raisons de croire que cette augmentation est due à l'évolution des concepts dans le temps et à de meilleurs critères diagnostiques qui ont été élargis. Cependant, il subsiste la possibilité de facteurs supplémentaires et que des changements environnementaux contribuent aussi à l'augmentation des chiffres. Je pense qu'il faut suivre l'évolution de la prévalence de l'autisme dans plusieurs populations.

Le deuxième point concerne la détection et le diagnostic précoces. Nous avons appris au cours des 20 dernières années à diagnostiquer l'autisme à un âge beaucoup plus jeune. L'âge moyen du diagnostic il y a 20 ans se situait autour de 4,5, 5 ou 5,5. Aujourd'hui, il est beaucoup plus proche de trois ou quatre ans dans de nombreux centres. Il y a donc eu amélioration, mais il subsiste toujours des lacunes et les délais d'attente sont problématiques et préoccupants pour les familles.

Typiquement, les parents prennent conscience de problèmes à l'âge de 16 ou 18 mois en moyenne, et ensuite ils doivent attendre. Ils vont voir leur pédiatre et il s'écoule un délai de six à huit mois avant qu'ils soient pris au sérieux. Ensuite, on aiguille l'enfant vers nous et, dans mon centre, il attend 12 mois à partir de là avant d'être vu.

Ils sont alors âgés de trois ans lorsque nous posons le diagnostic. Nous les envoyons ensuite vers des centres de ressources communautaires où de nouveau un délai d'attende de huit à 12 mois est très fréquent. L'enfant a alors quatre ans. Parfois, s'ils ont déjà cinq ans, ils n'auront pas accès à l'ACA, l'analyse comportementale appliquée, car le système scolaire prendra le relais et ces enfants auront manqué des occasions très considérables.

Je pense que tous ces délais d'attente sont problématiques. Nous devons y remédier par la formation de professionnels des soins primaires. Nous disposons aujourd'hui d'outils qui restent à améliorer mais qui parviennent bien mieux qu'il y a des années à déceler les premiers signes d'autisme.

En réduisant les délais d'attente, je pense que nous pourrions améliorer très considérablement les résultats chez la population atteinte de TED. Il faut s'y atteler.

Je conviens avec le Dr Zwaigenbaum que l'ampleur du problème est telle que les centres tertiaires ne sont pas seuls concernés. Nous pouvons considérer cela comme un problème de santé publique et nous devons renforcer les ressources communautaires par toutes sortes de moyens pour y répondre.

Troisièmement, je conviens bien sûr avec mes collègues que nous sommes tous engagés dans la recherche génétique. Il faut pousser dans cette voie. Nous avons de fortes indications que des facteurs génétiques jouent un rôle, mais jusqu'à présent la recherche a été très frustrante.

Il se passera des années avant que nous identifiions les gènes. Peut-être moins que cela, mais il faudra du temps avant que nous puissions mettre au point un modèle pathologique et que la recherche génétique produise des résultats utilisables pour le traitement. Nous avons besoin de recherches sur l'efficacité des traitements. Comme vous le savez, nous avons des indications à l'effet que les interventions précoces et toutes les sortes d'interventions font réellement une différence, mais il reste encore beaucoup d'inconnues dans cette recherche.

Il importe que les scientifiques prennent part à ce débat au Canada. Beaucoup d'affirmation sont lancées, mais toutes ne reposent pas sur des données solides. Nous savons que beaucoup d'interventions marchent, mais il subsiste beaucoup d'inconnues à cet égard.

Par exemple, quand l'intervention devra-t-elle commencer? Existe-t-il un âge critique au-delà duquel le traitement est moins efficace? Nous ne le savons pas exactement. Nous avons des idées, mais nous ne savons pas précisément quel traitement correspond à un type particulier d'enfant et produit un type particulier de résultat. Nous ne le savons pas et nous devons acquérir cette connaissance.

Je pense que la recherche génétique et la recherche thérapeutique devraient être combinées parce que certains facteurs génétiques influent probablement sur la réaction au traitement. Nous pourrions probablement joindre de cette façon les deux forces.

Ma dernière remarque concerne la prestation des services. Nous nous inquiétons de l'accès des jeunes enfants aux services mais, comme on l'a déjà dit, il y a aussi pénurie de services pour les adolescents et les adultes dans diverses régions du pays. Je crains que nous ne soyons pas préparés, à l'échelle nationale et provinciale à faire face à ce nombre croissant de nouveaux adultes ou adolescents qui grandissent actuellement, sur le plan des services, de l'intégration à la communauté et de la formation professionnelle.

Louise Fleming, directrice exécutive générale, Société canadienne d'autisme : La Société canadienne d'autisme est heureuse d'avoir été invitée à participer à cette table ronde. Nous sommes l'organisation caritative nationale s'occupant de l'autisme et comptons des organisations membres dans toutes les provinces et deux territoires. Les sociétés provinciales et territoriales membres fournissent des services directs aux personnes atteintes de troubles du spectre de l'autisme et à leurs familles. À titre d'organisation caritative nationale, nous avons pour mission d'œuvrer en faveur des changements nécessaires qui vont améliorer la qualité de vie des Canadiens souffrant de TSA tout au long de leur vie. Nous œuvrons pour une meilleure connaissance des enjeux entourant le TSA. Nous travaillons avec de nombreux partenaires à la recherche de solutions aux priorités nationales qui sont les nôtres. Nous sommes membres de la CAMIMH, la Canadian Alliance on Mental Illness and Mental Health, et nous souscrivons à la recommandation formulée dans le rapport du Comité sénatorial de créer une commission de la santé mentale.

Nous donnons notre concours et participons à des projets de recherche afin de veiller à ce que les points de vue et les préoccupations des intervenants y soient intégrés et qu'il existe un mécanisme de dissémination des résultats de la recherche.

Nous devons veiller à ce que les connaissances soient mises en pratique afin de véritablement améliorer les résultats pour les autistes et leurs familles. Notre plus récente participation à la recherche est à titre de partenaire décideur dans l'examen systématique des interventions en autisme réalisé par le Cochrane Child Health Field et financé par l'Alberta Centre for Child, Family and Community Research. La Société canadienne d'autisme considère primordial le financement adéquat de la recherche sur l'autisme.

À la Société canadienne d'autisme, nous considérons les autistes et leurs familles comme des éléments cruciaux de la communauté de l'autisme. Maints autistes et leurs parents ont accumulé un savoir considérable sur l'autisme. Leur connaissance de première main leur permet de militer pour la cause avec force et compassion. Nous sommes convaincus que les autistes et leurs familles doivent être intégrés au programme de recherche.

En 2002, nous avons collaboré avec nos nombreux partenaires à l'organisation d'un forum canadien de la recherche sur l'autisme. Les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, et la National Alliance for Autism Research, aujourd'hui intitulée Autism Speaks, étaient nos partenaires fondateurs. Plusieurs chercheurs autour de cette table nous ont aidés à planifier cet atelier de recherche et y ont participé : la Dre Holden, la Dre Bryson, le Dr Szatmari, M. Mottron. En outre, beaucoup d'autres personnes autour de cette table ont contribué à notre Livre blanc : le Dr Zwaigenbaum, le Dr Scherer, le Dr Fombonne, le Dr Lewis, M. Yu et Mme Perry. Nous nous considérons comme partie intégrante de la communauté de recherche au Canada.

Depuis que nous avons organisé notre atelier et publié notre Livre blanc, dont des exemplaires vous ont été distribués, nous avons œuvré avec nos nombreux partenaires à l'élaboration d'une stratégie nationale complète sur l'autisme. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement a fait les premiers pas vers la formulation et la réalisation d'une stratégie nationale sur l'autisme et nous avons conscience que ce sont des premiers pas modestes, et nous veillerons à ce que ce gouvernement et les gouvernements futurs accomplissent beaucoup de pas supplémentaires pour répondre aux besoins nombreux de notre communauté.

Nous sommes heureux de voir aussi que les parlementaires ont reconnu la semaine dernière le besoin pressant d'une stratégie nationale sur l'autisme. Ces députés, les sénateurs autour de cette table et d'autres ont travaillé fort pour en faire une réalité.

Comme l'indique notre Livre blanc, cela fait des années que nous parlons d'une stratégie nationale sur l'autisme. Ce n'est pas pour nous une expression nouvelle. Nous pensons qu'elle doit comporter certains éléments indispensables et les divers chercheurs vous parleront de certains d'entre eux. À notre point de vue, il faut un plan global; il faut en faire une priorité nationale; nous voulons que Santé Canada travaille avec les chercheurs; et nous avons besoin que les gens autour de cette table assurent une surveillance et rédigent des rapports. Il est essentiel que des lignes directrices nationales relatives au traitement et à la prestation des services soient mises en place afin que des services appropriés soient offerts quels que soient l'âge et le lieu de résidence d'une personne. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Si vous vivez en zone rurale ou si vous êtes un francophone hors Québec, vous n'avez pas accès à ces services.

Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces afin de mettre en place des lignes directrices assurant des traitements appropriés. Il faut améliorer le dépistage et le diagnostic. Tous les experts vous en ont parlé, je n'ai pas besoin d'en dire plus. Il faut un meilleur accès au traitement, ce qui représente tout le pivot de notre stratégie et j'aurai peut-être l'occasion de vous en parler plus en détail ultérieurement. Il faut améliorer les services et les soutiens tout au long de la vie du patient. À nos yeux, c'est là l'élément essentiel qu'un plan doit assurer.

Le dernier point que j'aborderai est la nécessité de promouvoir la recherche. Nous pensons que des crédits conséquents devraient être alloués aux organismes de financement afin de soutenir les excellentes recherches entreprises par les personnes autour de cette table. La Combating Autism Act récemment annoncée aux États-Unis prévoit presque 1 milliard de dollars sur cinq ans pour la recherche sur l'autisme. Nous voulons encourager le gouvernement à offrir des crédits nouveaux conséquents à nos excellents chercheurs canadiens.

Nous voulons assurer que tous les Canadiens aient accès au traitement, aux soutiens et aux adaptations, pas seulement ceux qui vivent dans les grands centres ou ceux qui ont les moyens personnels d'acheter les services. Nous pensons que c'est là un droit de tous les Canadiens touchés par l'autisme.

Tammy Ivanco, professeure agrégée de psychologie, Université du Manitoba : Bonjour, honorables sénateurs, collègues et visiteurs. Je me sens honorée d'avoir été invitée à prendre la parole dans cette table ronde sur une stratégie nationale relative à l'autisme. J'apporte à la table une optique un peu différente de celle des autres personnes ici. Je ne travaille pas avec les enfants; je travaille avec des animaux et je m'intéresse à la façon dont le cerveau animal change en réponse à l'expérience. Nous savons que l'étude des modèles animaux peut nous apprendre beaucoup sur ce qui se passe chez les êtres humains. Dans mon laboratoire, nous nous intéressons à la façon dont le cerveau apprend, et l'une des façons de le savoir est de considérer des modèles de troubles chez les animaux. C'est pourquoi je m'intéresse à l'autisme.

J'ai noté avec intérêt la remarque d'un collègue qu'il a dit qu'il était merveilleux de réunir les chercheurs autour de cette table. Les Canadiens parviennent à se débrouiller avec peu de moyens mais, malheureusement, dans le cas de l'autisme, il est difficile de faire beaucoup avec peu, le coût des options thérapeutiques pour les enfants étant si élevé à plus long terme. La recherche sur l'autisme est problématique car ce n'est pas là une affection que l'on peut cerner facilement.

J'aimerais parler de la notion voulant que l'autisme soit très observable. Le Dr Holden a parlé des symptômes que l'on constate chez les autistes, comme le fait pour un enfant de faire des crises de colère ou de ne pas parler, mais il existe beaucoup d'aspects non observables qui sont beaucoup plus difficiles à analyser et j'espère que la stratégie nationale sur l'autisme facilitera leur étude.

En ce qui concerne l'idée que l'autisme serait un trouble génétique, l'examen des gènes coûte cher, mais en le faisant nous en saurons plus sur les gènes de susceptibilité et les gènes modulateurs. La connaissance des gènes est très importante pour diagnostiquer l'autisme. Si nous pouvions identifier des gènes associés à l'autisme, nous disposerions d'un merveilleux outil pour comprendre ou mieux diagnostiquer les situations.

L'autisme est un trouble cérébral et nous voyons souvent les résultats d'un désordre cérébral dans le comportement manifesté par les enfants. Il faut comprendre ce qui se passe dans le cerveau. L'autisme est très différent d'autres troubles cérébraux que nous comprenons bien. Nous savons que ce n'est pas une déficience d'un seul gène. Ce n'est pas comme la maladie de Parkinson où un seul type de cellule est touché. Ce semble être quelque chose de plus large. Contrairement à la maladie de Parkinson, l'autisme n'a pas un porte-parole comme Michael J. Fox. Les symptômes et leur gravité donnent à penser que beaucoup de régions du cerveau sont concernées par les problèmes de comportement que nous voyons chez les enfants, et l'un de nos objectifs est justement de déterminer quelles sont ces régions, pourquoi elles sont mises en jeu et ce qui s'y passe.

L'autisme est un trouble du développement. Nous savons que si l'on commence le traitement plus tôt dans la vie des enfants, les résultats sont meilleurs. Je considère que les enfants sont touchés par l'autisme peu de temps après la conception, et non pas à l'âge de cinq ans lorsque le diagnostic est souvent posé. Nous devons chercher comment établir le diagnostic encore plus tôt. Il peut sembler utopique de parler d'une évaluation prénatale qui permettrait aux cliniciens de poser le diagnostic, mais c'est ce que je souhaite pour l'avenir. Nous devrions pouvoir dépister les enfants à un âge beaucoup plus jeune et effectuer des interventions beaucoup plus précoces. Encore une fois, c'est là un objectif à long terme, et non quelque chose que je compte voir la semaine prochaine.

Il ne faut pas perdre de vue que l'autisme n'est pas un trouble isolé. Il est souvent associé à d'autres troubles de l'enfance, tels que le THADA ou trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention et des troubles épileptiques. Nombre de ces troubles peuvent être traités. Un enfant qui manifeste des troubles du développement présente un cerveau altéré au départ. Nous ne savons pas quels effets les traitements produisent dans ce cerveau et nous le savons encore moins lorsque nous combinons différents traitements pour différents troubles.

Il faut aussi chercher de manière générale à garder ces enfants en bonne santé et heureux sur la longue durée. Les enfants sont difficiles à étudier. Nous possédons des outils tels que l'imagerie par résonance magnétique et d'autres que nous devrions pouvoir employer, mais il est difficile de passer les enfants dans une machine IRM. Nous devons réfléchir aux façons d'étudier les troubles cérébraux chez les enfants et utiliser une stratégie plus globale.

Nous avons des objectifs à court terme intéressant le traitement précoce, des objectifs à moyen terme intéressant l'amélioration des traitements, et des objectifs à long terme intéressant ce trouble génétique et cérébral et développemental qui peuvent nous rapprocher de la guérison.

Dre Suzanne Lewis, Département de médecine génétique, Centre de santé pour les enfants et les femmes de la Colombie-Britannique : Merci, honorables sénateurs, amis et collègues. C'est un honneur et un privilège que de me trouver ici aujourd'hui et d'avoir cette occasion de converser avec vous.

En tant que professeure clinicienne à l'Université de la Colombie-Britannique, mais principalement en ma capacité de pédiatre et de généticienne clinicienne, j'ai le plaisir de travailler avec des autistes et leurs familles depuis près de 16 ans. Les troubles du spectre de l'autisme, ou TSA, ont une forte causalité génétique. Pourtant, le mode de transmission n'est pas clair. Le scénario le plus probable est une cause complexe mettant en jeu des gènes multiples et leur interaction avec l'environnement.

L'autisme constitue un ensemble de troubles, ce qui signifie que les symptômes peuvent exister selon différentes combinaisons, allant de bénins à graves. Sur le plan génétique, les TSA sont considérés comme hétérogènes. Cette variabilité entrave les tentatives de définir des critères diagnostiques, d'identifier la cause sous-jacente et la recherche de traitements efficaces.

Il est très difficile de diagnostiquer avec précision l'autisme, puisque l'on ne peut se fier qu'à des indices comportementaux et développementaux qui varient avec l'âge, la fonction et les instruments diagnostiques utilisés. Puisque les TSA sont variables, ou hétérogènes, le fait de mettre dans le même sac tous les cas sans distinguer de sous- groupes fondés sur des caractéristiques communes fait qu'il est extrêmement difficile d'isoler les gènes coupables. Il est vital d'établir des méthodes permettant de classer les sujets en sous-groupes en fonction de constats cliniques précis. C'est pourquoi il faut faire appel à une approche multidisciplinaire. Cela est crucial si l'on veut comprendre les TSA, et progresser dans leur caractérisation génétique et clinique, laquelle est indispensable à un diagnostic plus précis et précoce, au pronostic, à la prévention et à la synchronisation de services optimalement adaptés.

Plus de 14 p. 100 des cas d'autisme accompagnent d'autres troubles génétiques bien décrits. Je pense que la fréquence est probablement encore plus élevée que cela. Nombre d'entre eux sont dus à des changements cliniquement indétectables dans notre génome — c'est-à-dire dans la structure génétique qui rassemble les gènes humains — et que de nouvelles technologies de recherche sont maintenant capables de déceler. Nous sommes également mieux en mesure de déterminer les caractéristiques physiques de l'autisme qui restent jusqu'à présent largement ignorées, en dépit du fait que plus tôt l'on peut appliquer les outils diagnostics pour isoler le risque d'autisme et meilleurs sont les résultats.

Par le biais d'ASD-CARC, nous utilisons l'imagerie faciale tridimensionnelle comme moyen de discerner objectivement les traits faciaux propres à l'autisme par comparaison avec des frères et sœurs non touchés par le TSA et des sujets de contrôle. Ces outils novateurs permettent de déceler les quelques 20 p. 100 de sujets autistiques présentant des caractéristiques physiques singulières ou d'autres problèmes médicaux. Cela est important car ces personnes sont au moins deux fois plus susceptibles d'avoir des QI faibles, des crises épileptiques et une structure cérébrale anormale. Tous ces constats sont essentiels pour reconnaître d'autres risques médicaux et développementaux, guider les approches thérapeutiques et approuver une gestion sanitaire prospective. Ces constats présentent également une corrélation avec un fort taux de changements chromosomiques chez les autistes, changements que l'on peut détecter au moyen d'outils de dépistage génomique nouveaux qui peuvent contribuer à isoler les gènes de susceptibilité sous- jacents de l'autisme.

Au cours des 20 dernières années, le nombre d'enfants considérés comme autistes a considérablement augmenté, tout comme les responsabilités éthiques de la société. Cette dernière doit repenser radicalement les modèles conventionnels utilisés pour reconnaître et traiter l'autisme et en appréhender les causes. Des moyens doivent être mis en œuvre pour cela. L'autisme est aujourd'hui plus commun que le cancer infantile. Pourtant, le nombre de chercheurs travaillant dans le domaine de l'autisme est bien inférieur au nombre de ceux travaillant dans ces autres domaines et la quantité de recherche n'est pas proportionnelle au nombre de cas identifiés, comparé à d'autres troubles qui commencent dans l'enfance.

Le Canada possède un noyau relativement restreint de chercheurs chevronnés et hautement compétents travaillant spécifiquement sur l'autisme. Collectivement, nous formons une assise solide pour un accroissement de capacité qui pourra être réalisé par des augmentations de crédits, des initiatives de formation et un programme de recherche soutenu mettant en jeu un réseautage interdisciplinaire, interinstitutionnel et international reliant les chercheurs sur l'autisme. ASD-CARC est un exemple d'une telle coalition, à l'instar d'autres présents à cette table.

Nous sommes très enthousiastes à l'idée de contribuer à une stratégie nationale sur l'autisme et un programme de recherche sur l'autisme qui assurerait un financement adéquat de la recherche et de la formation, renforcerait la capacité de recherche sur l'autisme et la connaissance de la maladie au Canada et à l'étranger, à l'avantage des patients et familles vivant avec les troubles du spectre de l'autisme aujourd'hui et à l'avenir.

Le président : Merci. Je rappelle que nous faisons ce matin le point de la situation du TSA au Canada. Un certain nombre d'entre vous commencez déjà à formuler des propositions pour l'avenir. Tant mieux, vous n'aurez peut-être pas autant de temps que vous le voudriez pour les formuler cet après-midi. Cependant, dans l'ensemble, nous nous penchons ce matin sur les problèmes et les enjeux entourant le TSA aujourd'hui au Canada. Cet après-midi nous prendrons vos avis sur ce qu'il convient de faire et ce que le comité devrait écrire dans son rapport et ses recommandations au gouvernement.

Adrienne Perry, Département de psychologie, Université York : Je suis pédopsychologue et analyste du comportement accréditée. Depuis de nombreuses années, je m'occupe de diagnostics, de traitement, de recherche et de formation dans le domaine de l'autisme. J'apprécie votre invitation et je vous remercie de tous les efforts que vous déployez pour les enfants autistes et leurs familles.

Je voudrais mettre en lumière quelques enjeux dont j'ai pensé qu'ils seraient moins susceptibles d'être abordés par d'autres, encore que certains d'entre eux aient déjà été mentionnés, en rapport avec la recherche et la formation ainsi que la prestation des services.

Je vais d'abord traiter des lacunes de la recherche et du financement de la recherche. En dépit de progrès récents, il subsiste de nombreuses insuffisances dans la recherche sur l'autisme, ainsi que dans l'importante recherche génétique et neurobiologique qu'il conviendrait de mieux financer. Il importe également, en premier lieu, de financer adéquatement la recherche sur le développement, notamment les mécanismes de l'attention, les capacités cognitives, et cetera. associés à l'autisme; en second lieu, d'évaluer rapidement les nouveaux traitements controversés qui voient fréquemment le jour dans le domaine de l'autisme et, en troisième lieu, d'entreprendre des recherches sur les interventions psychosociales telles qu'elles sont appliquées dans la communauté. En Ontario, mes collègues et mes étudiants et moi-même avons effectué un certain nombre d'études parallèles sur l'efficacité de l'intervention comportementale intensive.

Vient ensuite la formation. Il faut une meilleure connaissance de l'autisme et davantage de formation à de nombreux niveaux. Je suis sûre que cela vous a déjà été dit à maintes reprises. Certains progrès sont réalisés, mais il subsiste d'importantes pénuries, particulièrement dans les professions supérieures. Par exemple, les programmes d'intervention comportementale sont habituellement supervisés par des psychologues ou des analystes du comportement. Il faut environ 12 ans pour former un pédopsychologue. Nous ne parvenons pas à en former un nombre suffisant ni assez vite pour répondre à la demande. Il faudrait davantage de programmes doctoraux ou bien élargir ceux qui existent. Il faut un meilleur soutien financier pour les étudiants de deuxième cycle et davantage de places d'internes afin que ces étudiants ne soient pas obligés de partir aux États-Unis pour achever leur formation.

Voyons maintenant la prestation des services. Comme vous l'avez entendu, il existe de nombreuses lacunes et inégalités. Je vais mettre en lumière plusieurs problèmes précis, dont certains ont déjà été mentionnés par d'autres.

Tous les experts conviennent que l'intervention précoce à l'âge préscolaire est cruciale. La plupart pensent que l'intervention comportementale intensive est la méthode à préférer, mais beaucoup d'enfants n'en bénéficient pas assez tôt. Par exemple, en Ontario, le programme ICI, qui exige que l'on engage des ressources substantielles, est maintenant offert sans tenir compte de l'âge. La conséquence regrettable en est que des enfants de deux et trois et quatre ans, les plus susceptibles d'en tirer avantage, ne reçoivent pas ce traitement et languissent sur de longues listes d'attente car le programme accueille principalement des enfants d'âge scolaire. Il est impératif d'agir afin que l'ICI soit offert le plus vite possible après le diagnostic.

Bien que certains enfants plus âgés continuent à avoir besoin de services intensifs et complets, la question devient de savoir dans quel cadre ils devraient être fournis et qui devrait les payer. Devraient-ils être le fait des ministères des Services sociaux? Ou plutôt des ministères de l'Éducation? Ou encore des ministères de la Santé? Les enfants se moquent de savoir qui paye, ils ont simplement besoin que les services leur soient fournis. Nous pourrons peut-être parler davantage de cela cet après-midi.

Les enfants d'âge scolaire ont droit à une éducation spéciale appropriée, mais beaucoup de parents sont mécontents de ce qui est fourni. Les enseignants, les assistants en éducation et d'autres ont besoin d'être formés sur l'autisme et les méthodes d'enseignement comportemental, puis ont besoin d'une supervision et d'un soutien continu de la part de psychologues et analystes du comportement. Le système scolaire dans son ensemble doit manifester la volonté d'utiliser des méthodes d'éducation ou d'intervention appropriées et fondées sur l'expérience clinique.

D'aucuns, dans le système éducatif, aiment à distinguer entre l'éducation et le traitement, en disant que leur travail consiste à enseigner et non à traiter, mais le traitement dont a besoin un enfant autiste est d'apprendre à communiquer, à apprendre comment se comporter, et cetera. Les enfants ont besoin d'une intervention intensive et complète prenant diverses formes — et peu importe qu'on la qualifie de traitement, d'éducation, de thérapie ou d'autre chose. Peu importe aux enfants la désignation, ils ont simplement besoin que nous fassions le travail.

Le système des services aux adultes présente des lacunes désolantes, comme d'autres l'ont dit. Les besoins en matière de santé mentale des adolescents et adultes sont souvent négligés et mal compris, et il est important de les reconnaître.

La recherche a établi que les familles d'enfants autistes connaissent des nivaux de stress élevés, plus que les familles concernées par d'autres types d'invalidité. Cependant, beaucoup s'en tirent étonnamment bien. Vous avez reçu ici certaines d'entre elles qui se sont exprimées avec éloquence. Beaucoup d'autres se débrouillent difficilement au jour le jour et ne pourraient comparaître devant votre comité, et il existe un énorme besoin de services de relève et d'autres services de soutien aux parents et à la fratrie. Il faut non seulement davantage de services, mais une meilleure coordination et intégration des services bénéficierait également à ces familles qui consacrent énormément de temps et d'énergie à la quête de divers éléments de service dans un système fragmenté.

Je me ferais un plaisir de traiter plus avant de tous ces points lors de la période des questions ultérieure.

[Français]

Dr Laurent Mottron, chercheur, Faculté de médecine, Psychiatrie, Université de Montréal : Monsieur le président, je suis professeur à l'Université de Montréal et je m'occupe de neuroscience de la cognition. Je suis également clinicien avec derrière moi à peu près mille histoires de vie d'autistes adultes.

Le but de mon travail est de comprendre comment les autistes traitent de l'information, forment des représentations et des catégories et comment ils les mémorisent quand ils y arrivent. Le principal acquis de notre travail est de montrer que les autistes, avec un cerveau profondément différent des neurotypiques, arrivent à traiter avec succès les mêmes informations que nous, à condition qu'on leur présente des informations qu'ils soient capables de traiter.

Le but de mon intervention est d'introduire un certain nombre de fausses notes dans l'apparent consensus qu'il y a sur l'intervention précoce et sa partie la plus calibrée, l'ABA. Je voudrais également proposer qu'un autre agenda de recherche, avec une autre logique, soit intégré dans la stratégie nationale.

Le raisonnement que vous avez déjà entendu, et que vous allez encore entendre parce que je crois que c'est une sorte de tentation de l'esprit, et que je veux surtout combattre, c'est que l'on saurait déjà ce qu'il faut faire — soit l'ABA ou l'ICI qui sont des méthodes reliées — et que le principal but de notre réunion ici serait de poursuivre le gouvernement pour avoir plus d'argent pour faire des choses que l'on connaît déjà.

La version recherche de ce raisonnement est de dire qu'il faut faire de la recherche évaluative, que l'on connaît un certain nombre de traitements et qu'il faut juste en comparer l'efficacité pour arriver à des choses basées sur des preuves, pour remplacer des proclamations ou des rumeurs par des choses basées sur des données.

Je pense que, au contraire, on ne sait pas du tout comment faire. Les effets de l'ABA, dans l'état actuel des connaissances, ne sont ni scientifiquement prouvés — les méthodologies ne sont pas scientifiquement valides et leur effet à long terme — plus de trois ans — sont totalement inconnus. Aucune étude correcte sur le devenir à l'âge adulte des personnes traitées à l'ABA n'existe, et encore moins une étude comparant à long terme l'effet de l'ABA avec celui de la maturation spontanée.

Les effets de l'ABA sur le QI et sur le langage à long terme sont dérisoires. Il n'y a actuellement — et ce sont des gens assez conservateurs qui disent cela — aucun rapport entre le temps d'utilisation des méthodes et l'effet obtenu. Aucune méthode n'est véritablement meilleure qu'une autre et, enfin — détail qui a son importance — le lobbying des autistes adultes, dans sa grande majorité, s'y oppose. Et ce n'est pas une mince affaire.

Je prends pour cible l'ABA, du fait de l'importance démesurée que cette technique a prise dans le lobbying national, du fait qu'elle est quasi obligatoire au Québec et du fait du consensus apparent dont elle bénéficie auprès de plusieurs des autres groupes canadiens représentés ici.

Je crains beaucoup que, dans le domaine des traitements, le gouvernement ne cède à des pressions de lobbying qui n'ont rien à voir avec un véritable consensus scientifique. D'autant plus que le lobbying des parents d'enfants jeunes qui sont traditionnellement vulnérables aux informations exagérées sur la portée des traitements miracles sont aussi traditionnellement beaucoup plus forts que celui des adultes qui n'ont personne pour les défendre et dont les parents sont ou vieux ou morts.

Il y a, selon des chiffres qu'on peut déduire des travaux du Dr Fombonne, environ 200 000 autistes au Canada, dont 47 000 enfants et 150 000 adultes. De ce nombre, 26 000 enfants ont entre 10 et 19 ans.

Je considère que le consensus sur l'intervention précoce actuelle nuit considérablement au support à l'âge adulte avec, à ce jour, un an d'attente au Québec pour l'obtention d'environ deux heures par quinzaine pour le support à l'emploi et au logement, contre environ dix heures ou quinze heures à peu près, automatiquement acquises en intervention comportementale intensive.

C'est pourquoi ce sont les adultes que j'ai décidé d'écouter, de défendre et de représenter ici. Comme l'enveloppe financière n'est pas extensible, je le fais entre autres en ciblant la misère intellectuelle des bases scientifiques de l'intervention précoce actuelle qui aspire toutes les ressources.

Ceci est vrai dans une certaine mesure pour l'intervention comportementale intensive en général. La recherche que je pense urgente, et dont je souhaiterais qu'elle soit au moins ajoutée à l'agenda national, est celle sur les modes d'apprentissage naturels autistiques. Je crois qu'il faut actuellement trouver pour les autistes le correspondant de ce qu'a été la langue des signes pour les sourds.

Pendant un siècle, on a seriné que la langue des signes empêchait les sourds de parler, manu militari on a empêché les sourds d'utiliser la langue des signes. Plus tard, on a amené l'implant cochléaire comme un bon moyen de guérir la surdité et d'éliminer l'utilité de la langue des signes.

Je prétends que l'équivalent de la langue des signes pour les sourds c'est ce que l'hyperlexie nous montre pour l'autisme, donc des apprentissages naturels, sans effort particulier, d'informations présentant certains caractères.

Je crois que l'ambition des traitements devrait actuellement être d'étendre les capacités de traitement d'informations du syndrome du savant à l'autisme en général. Puisque si l'on compare le pourcentage d'autistes, qui spontanément apprennent à parler et à lire, et que l'on rapporte ce pourcentage à l'ensemble des autistes, on obtient des tailles d'effets qui sont sans commune mesure avec les tailles d'effets rapportées par les méthodes comportementales.

Ceci est particulièrement vrai pour l'apprentissage spontané du code écrit et je pense qu'il doit y avoir un équivalent pour cela du code oral.

[Traduction]

Dre Wendy Edwards, directrice, Autism Canada Foundation : Monsieur le président, honorables sénateurs, collègues et invités. Mes remarques liminaires seront brèves. J'ai été invitée à titre de directrice de l'Autism Canada Foundation. Cependant, j'espère que vous me permettrez de parler aussi en ma capacité de pédiatre qui travaille avec ces patients dans les tranchées et, surtout, de mère d'un fils autiste.

Les statistiques montrent que la prévalence de l'autisme s'accélère et atteint le rythme d'une épidémie. Notre pays est en situation de crise, en raison du manque de professionnels qui puissent diagnostiquer et traiter efficacement les patients atteints d'autisme. Le Canada a besoin d'une stratégie nationale sur l'autisme afin de faire en sorte que les personnes chez qui un trouble du spectre de l'autisme a été diagnostiqué voient leurs besoins divers satisfaits au long de leur vie et de veiller à ce que les lignes directrices encadrant ce traitement soient adéquates et appropriées pour tous les niveaux de TSA.

Tout comme l'Autism Canada Foundation, j'ai la conviction que la meilleure perspective d'amélioration et de guérison potentielle réside dans une approche thérapeutique multidisciplinaire. Cette approche devrait comprendre non seulement les thérapies comportementales et éducatives pour les enfants, mais aussi le traitement biomédical. Les besoins métaboliques des sujets doivent être satisfaits si l'on veut qu'ils soient dans un état optimal pour apprendre. Je vois sans cesse dans mon cabinet des enfants qui ont réagi merveilleusement bien aux thérapies diététiques et nutritionnelles. J'ai ici des lettres de nombreux parents qui affirment que ce traitement, avec ou sans ICI — car certains sont toujours sur la liste d'attente — a résulté en des contacts visuels accrus, une meilleure vocalisation et une socialisation accrue avec leurs enfants, entre autres. En tant que mère, j'ai vu de première main les améliorations spectaculaires chez mon enfant dès le début du traitement biomédical. Il s'est épanoui encore davantage lorsque nous avons ajouté les interventions comportementales.

La question est de savoir comment le gouvernement fédéral fera en sorte que chaque personne atteinte de TSA reçoive le nécessaire afin de réaliser au maximum son potentiel. Quel que soit ce dernier, nous ne devons jamais perdre de vue que nous avons affaire à des individus et que ce qui marche avec l'un ne marche pas nécessairement avec un autre.

Je vous en prie, ne vous laissez pas convaincre qu'il n'existe qu'une seule thérapie pour traiter l'autisme. La thérapie ICI est merveilleuse et je souscris pleinement à son emploi chez les autistes. Cependant, je suis aussi en faveur de faire beaucoup plus.

J'ai été découragée de lire dans le numéro du 11 novembre du National Post — le National Enquirer des médecins — que le programme ontarien d'intervention comportementale intensive sur les jeunes enfants autistes est si efficace que près de la moitié, 41 p. 100, de ceux atteints d'une forme bénigne à modérée sont ressortis du programme comme non- autistes. Je peux vous assurer que nombre de ces enfants ne reçoivent pas seulement ce traitement. Je le sais car mon fils fait partie de ce nombre et beaucoup d'autres dans ma pratique en font partie aussi. Cette étude néglige beaucoup d'autres variables, l'une étant l'emploi comorbide de traitements biomédicaux chez ces enfants. Je considère que ces variables méritent quelque attention et aussi une partie du crédit des résultats remarquables affichés par ces enfants.

Non seulement faut-il réduire la liste d'attente pour le diagnostic et le traitement ICI, il nous faut comprendre aussi ce qui cause cette épidémie. Nous reconnaissons les contributions apportées jusqu'à présent par la recherche. La science fondamentale a focalisé sur la génétique et l'imagerie cérébrale, mais de nouvelles recherches se penchent aussi sur la biologie de l'autisme. J'aimerais que ces travaux soient financés également par le gouvernement.

L'Autism Canada Foundation applaudit l'équipe de recherche multidisciplinaire de l'Université Western Ontario qui étudie les facteurs environnementaux, en particulier l'alimentation et l'appareil digestif et leur effet sur l'autisme infantile. Il se penche sur les composés produits dans l'appareil digestif et découvert un préservatif alimentaire qui peut causer l'inflammation de l'appareil gastro-intestinal et des tissus neuronaux chez les autistes. Cette recherche a déjà été portée à l'attention du comité.

Cette recherche pourrait certainement conduire à des méthodes nouvelles de réduction du risque et/ou de dépistage chez la population générale et les enfants à risque. Nous avons besoin d'une stratégie nationale sur l'autisme comportant deux axes. Il faut donner aux personnes atteintes de TSA un accès rapide à des traitements multidisciplinaires englobant un traitement et un soutien biomédical, une assistance pédagogique et l'instruction et l'intervention comportementale.

Para ailleurs, il nous faut financer des recherches scientifiques multidisciplinaires et fiables afin de déterminer non seulement les meilleures pratiques thérapeutiques mais trouver aussi les éventuels facteurs de causalité et peut-être, un jour, parvenir à guérir cette maladie.

Dr Stephen Scherer, scientifique principal, Génétique et biologie génomique, Hôpital pour les enfants malades : Honorables sénateurs et collègues, je vous remercie de votre invitation à prendre la parole. Je suis professeur de médecine à l'Université de Toronto, chef associé de l'infrastructure à l'Institut de recherche du Hospital for Sick Children, directeur du Centre for Applied Genomics et membre de la Société royale du Canada.

Je vais prendre quelques instants pour informer le comité des récentes percées concernant la génétique de l'autisme dont vous entendrez parler dans le courant des 12 prochains mois. On a beaucoup parlé du fait que les gènes sont à l'origine de peut-être 90 p. 100 de la susceptibilité à l'autisme. Cela est fondé sur des études auprès de jumeaux et de familles qui ont été largement disséminées par la littérature scientifique.

On connaît moins le rôle des scientifiques canadiens, dont beaucoup sont assis autour de cette table, dans un effort international visant à comprendre et isoler les gènes impliqués dans l'apparition de l'autisme. Comme on l'a vu, c'est un problème très complexe. Nous savons que plusieurs gènes sont en jeu, peut-être jusqu'à 100 gènes. Pour s'attaquer à un problème aussi complexe, des scientifiques du monde entier se sont regroupés. Ils sont au nombre de 170, venant de 19 pays. J'ai un document que je vais distribuer après mon exposé qui résume cette activité. Treize scientifiques canadiens, dans sept villes différentes, participent à ce projet.

L'idée est de recueillir des échantillons d'ADN initialement auprès de familles à un seul enfant autiste, que nous appelons les familles trio. Nous utilisons les techniques de profilage génomique dernier cri qui nous permettent d'examiner avec une forte résolution des centaines de milliers de marqueurs dans tout le génome humain afin de voir lesquels sont associés à l'apparition de l'autisme.

Nous avons constaté que nous pouvons utiliser ces données pour dresser un modèle génétique qui nous paraît à peu près juste, bien qu'il lui reste encore à subir l'épreuve de l'examen scientifique. Des articles ont maintenant été présentés pour publication et vous en apprendrez probablement plus par la presse au cours des prochains mois.

Comme on l'a vu, il semble que 10 p. 100 environ des cas d'autisme soient dus à une combinaison d'autres affections. Dans certains cas, il suffit probablement d'un seul gène pour provoquer l'autisme. Ce sont là les troubles à gène unique. Ils représentent peut-être 1 à 5 p. 100 des cas d'autisme.

En utilisant des technologies de balayage génomique dernier cri, on a pu détecter de nouveaux changements microscopiques ou submicroscopiques chez environ 10 à 15 p. 100 des sujets. C'est là une technologie entièrement nouvelle, en grande partie mise au point au Canada. Dans ces 10 à 20 p. 100 de cas, cette information sera déterminante pour poser un diagnostic précoce. Cette méthode va être introduite dans les prochains mois dans les laboratoires de diagnostic clinique.

Pour les 70 à 80 p. 100 restants, le modèle génétique sera probablement qu'une personne doit posséder un ou plusieurs gènes dits communs pour contracter l'autisme. Autrement dit, les variantes génétiques sont présentes dans la population générale et la susceptibilité à l'autisme dépend de quelle combinaison de ces variantes le sujet a hérité.

Pour la première fois, nous avons un modèle autour duquel nous pouvons commencer à élaborer de bonnes hypothèses. Cela nous aidera, au moins dans quelques cas, à poser un diagnostic précoce et, peut-être surtout, à comprendre la cause fondamentale du trouble.

Je dois dire que cela a été un vaste projet. Au Canada, il a été financé principalement par Génome Canada, à hauteur d'environ 7 millions de dollars. Les Instituts canadiens de recherche en santé sont également participants. L'investissement mondial est de 35 millions de dollars sur les quatre prochaines années. Les personnes autour de la table qui participent sont Peter Szatmari, Lonnie Zwaigenbaum, Susan Bryson et Eric Fombonne.

Nous sommes ravis de voir s'ouvrir de nouveaux horizons qui nous permettront de commencer à cerner l'étiologie de l'autisme, du moins sur le plan génétique, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à faire. La génétique est très complexe. Même avec les troubles causés par un gène unique, comme la fibrose cystique et la maladie de Parkinson, lorsqu'on parvient à identifier le gène il n'en résulte pas automatiquement un moyen de guérison. Il faut continuer à investir. Cependant, je suis fier de dire que le Canada est réellement à la pointe de cet effort international. Il faut maintenir et même accroître cet investissement.

En outre, cela doit être fait de manière à rapprocher ceux qui font la recherche fondamentale et ceux qui font la recherche clinique au sein d'une démarche multidisciplinaire. Il est très important aussi que les investissements consacrés à la recherche soient assujettis à un système d'examen par les pairs très sérieux, à l'échelle nationale ou internationale.

Je réitère ce que le Dr Szatmari a dit plus tôt, à savoir qu'à l'heure actuelle les scientifiques ne participent pas suffisamment à l'élaboration de la politique. Cela doit être un élément du projet, non seulement au niveau provincial ou national, mais aussi au niveau international.

Helene Ouellette-Kuntz, professeure agrégée, Départements de santé communautaire, d'épidémiologie et de psychiatrie, Université Queen's : Mon propos aujourd'hui s'inscrit dans l'optique d'une épidémiologiste et du travail que nous avons effectué au cours des cinq dernières années que je décris dans le mémoire que je vous ai remis.

Le simple fait que soient réunis dans cette salle les premiers auteurs des trois seules études publiées sur la prévalence des troubles du spectre de l'autisme au Canada est remarquable et montre que très peu de travail a été effectué sur ce sujet. Nous avons le travail du Dr Bryson, qui remonte maintenant à une vingtaine d'années; l'étude récente du Dr Fombonne à Montréal; enfin, notre étude qui a été publiée cette année également et qui fait état d'un taux de trois pour 1 000 chez les enfants de moins de 15 ans dans l'Île-du-Prince-Édouard et au Manitoba.

J'aimerais dire quelques mots sur la démarche que nous avons utilisée dans notre étude sur la prévalence de ces troubles. Nous travaillons là-dessus depuis cinq ans, mais il ne s'agissait pas simplement de faire une étude de prévalence; nous voulions plutôt établir un réseau de collaboration et un système de collecte de données qui nous permette de suivre la prévalence des TSA dans le temps et dans les différentes régions.

Nous avons fondé une base de données épidémiologiques nationale pour l'étude de l'autisme au Canada et ce travail se fait en trois phases, grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada.

Nous avons constitué des équipes à Terre-Neuve et Labrador, dans l'Île-du-Prince-Édouard, dans le sud-est de l'Ontario, au Manitoba, à Calgary et en Colombie-Britannique. Ces régions de notre pays représentent environ 23 p. 100 de la population. Nous ne couvrons pas tout le territoire, mais une bonne partie. Nos collaborateurs dans ces régions comprennent les ministères de l'Éducation, de la Santé et des Services sociaux et, dans certaines régions, également des conseils scolaires et des centres de diagnostic et de traitement.

Au fil du temps, du fait que nous recueillons ces renseignements en continu, nous serons en mesure de discerner les tendances. Dans l'intervalle, nous avons pu accéder aux renseignements du ministère de l'Éducation de la Colombie- Britannique et examiner l'attribution du code éducatif spécial désignant l'autisme dans cette province au cours d'une période de neuf années allant de 1996 à 2004.

Nous avons constaté qu'en 1996, environ 1,2 enfants sur 1 000, entre les âges de quatre et neuf ans, se sont vus attribuer ce code en Colombie-Britannique. En 2004, ce nombre était passé à 4,3 pour 1 000. Vu la façon dont ces données sont recueillies, nous avons pu déterminer de quelle manière les cas précédemment non détectés, ou ce que l'on considère et qualifie aux États-Unis de substitution de diagnostic — soit le remplacement de la déficience développementale ou de la débilité mentale par l'autisme, et cetera. — influence les chiffres. Nous avons pu examiner également la migration, soit les enfants entrant et sortant du système scolaire dans la province, et l'évolution du dénominateur afin de voir ce qui reste une fois que l'on élimine tous ces facteurs.

Nous avons constaté que ces facteurs expliquent toute l'augmentation, moins 26 p. 100. Ainsi donc, l'augmentation inexpliquée par ces facteurs représente moins de 0,1 pour 1 000. Il s'agit là de l'attribution de codes éducatifs spéciaux dans une province.

Nous savons donc qu'une partie de la hausse des cas peut néanmoins être due à un risque accru. Nous ne pouvons éliminer cette possibilité. Cependant, il existe certainement plusieurs autres facteurs expliquant l'accroissement de la prévalence diagnostiquée dans notre pays.

Un trop grand nombre d'enfants sont-ils touchés? Oui, certainement. Cependant, pour qu'il y ait épidémie, il faudrait un nombre supérieur à l'expectative normale. J'arguerais que nous commençons seulement à comprendre l'expectative normale de ce spectre tel qu'il est aujourd'hui défini. C'est là l'une des difficultés majeures auxquelles nous sommes confrontés.

Nous devons continuer à surveiller la prévalence, le nombre de cas de TSA qui surviennent, mais il faut le faire en fonction d'approches cliniques diagnostiques standardisées géographiquement et dans le temps. Grâce à notre travail au cours des cinq dernières années, nous avons appris des leçons importantes qui pourraient être intéressantes pour un établissement qui serait éventuellement chargé de surveiller en continu le TSA dans ce pays.

Premièrement, ce ne sont pas toutes les provinces qui ont actuellement la capacité de centraliser l'information sur les enfants faisant l'objet d'un diagnostic de TSA. Les approches diagnostiques varient, non seulement d'une province à l'autre mais aussi à l'intérieur des provinces. Certains renseignements utiles pour la surveillance ne sont pas systématiquement consignés dans les dossiers cliniques ou scolaires de ces enfants.

Enfin, nous sommes dans une époque où la protection de la vie privée est un souci majeur et dans certaines régions que nous étudions nous devons obtenir le consentement des familles à participer. Cela devient très crucial si nous voulons compter et connaître le nombre d'enfants touchés. Notre taux de consentement à participer à cette étude ne dépasse pas un tiers des parents dans certaines régions, alors que dans l'Île-du-Prince-Édouard il est des deux tiers. Nous devons tenir compte de ce facteur si nous établissons un système qui va requérir la participation des parents.

À l'Université Queen's, nous continuons à travailler avec nos partenaires dans diverses régions afin d'améliorer la qualité des données que nous recueillons et d'assurer une analyse rapide de nos données et d'autres données recueillies, comme celle provenant du ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique.

C.T. Yu, directeur de la recherche, Centre de recherche St-Amant, Université du Manitoba : Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Je suis professeur associé de psychologie à l'Université du Manitoba et directeur du Centre de recherche St-Amant. Je me spécialise dans l'analyse comportementale appliquée et dans les déficiences du développement. Ma recherche porte tant sur des enfants que des adultes ayant des déficiences développementales, dont l'autisme.

J'aimerais vous donner un très bref aperçu de la recherche que j'effectue en collaboration avec d'autres et formuler quelques remarques sur la thérapie ACA et la formation dans ce domaine. Au cours des dernières années, j'ai travaillé avec d'autres chercheurs d'ASD-CARC. Au Manitoba, nous avons constitué une équipe de recherche régionale pour appuyer cette collaboration. Par exemple, le Dr Ab Chudley de la Faculté de médecine, fait de la recherche génétique, tandis qu'un autre scientifique du Conseil national de recherche entreprend de la recherche sur l'imagerie. Moi-même, je travaille avec Hélène Ouellette-Kuntz et d'autres pour étudier les troubles envahissants du développement.

Au Manitoba, l'étude d'épidémiologie jouit d'un énorme soutien provincial par l'intermédiaire d'Eleanor Chornoboy, la directrice des initiatives interministérielles et des services spéciaux à l'enfance du ministère des Services familiaux et du logement. Je collabore également avec des collègues de diverses institutions à travers le Canada pour aider à former la prochaine génération de chercheurs en autisme. Ce programme de formation interdisciplinaire comprend des mentors et des stagiaires venant de divers établissements. Ce projet est également financé conjointement par les Instituts de recherche en santé du Canada et la National Alliance for Autism Research.

Un troisième projet auquel je participe est l'étude longitudinale des enfants suivant une thérapie ACA, l'analyse comportementale appliquée, ou ICI, l'intervention comportementale intensive, au Manitoba. Le programme de traitement ACA pour les enfants autistes au Manitoba est financé par la province et dirigé par la Dre Angela Cornick, la directrice du programme ACA et des services psychologiques au Centre de recherche St-Amant.

L'an dernier, en collaboration avec le Centre de recherche St-Amant et avec l'appui du gouvernement provincial, nous avons lancé un suivi quinquennal des enfants à leur sortie du programme.

J'aimerais parler brièvement de deux enjeux intéressant la thérapie ACA et la formation du personnel. Pour ce qui est de la formation, notre capacité actuelle à former des étudiants de deuxième cycle spécialisés en analyse comportementale appliquée ne suffit pas à la demande. La pénurie de personnel qualifié occasionne des retards de traitement et du stress pour les familles. Une autre conséquence sérieuse est que les programmes doivent combler les postes avec du personnel moins qualifié ce qui se répercute sur la qualité du service.

En ce qui concerne l'intervention ACA précoce, je suis préoccupé par le maintien de l'intégrité du traitement, en raison de la variabilité des services. Sachant que l'intervention ACA s'étend sur plusieurs années, le maintien de l'intégrité de la thérapie représente une tâche formidable mais indispensable.

Il ne faut pas oublier que les résultats des recherches actuelles militent non seulement en faveur d'une intervention intensive, définie par le nombre d'heures, mais d'une intervention fondée sur des principes et des méthodes dérivées de l'expérience et de l'analyse comportementale appliquée.

Il est indispensable de disposer de personnel qualifié. Il faut également élaborer des normes de pratique afin d'aider les praticiens à préserver l'intégrité thérapeutique. L'existence de telles normes aidera également les consommateurs à distinguer cette thérapie de toute la gamme des autres services disponibles et à choisir en connaissance de cause ce qui convient le mieux pour eux.

Le président : Je remercie tous nos témoins. Vous nous avez apporté une grande quantité d'informations. Je me sens un peu submergé. Vous avez certainement couvert toute l'étendue du sujet. Vous avez beaucoup parlé de prévalence. J'ai entendu un grand nombre de chiffres à cet égard. Le thème que j'ai le plus souvent détecté dans les différentes présentations était la nécessité d'un diagnostic et d'une intervention précoces. C'en est certainement un que j'aimerais explorer plus avant avec vous cet après-midi.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Ils sont dispersés dans la salle. Je n'ai pas apporté avec moi les notes biographiques les concernant et je vais donc improviser. C'est une affaire périlleuse s'agissant de mes collègues.

Je vois le sénateur Joyce Fairbairn, de l'Alberta. Le sénateur Joan Cook vient de Terre-Neuve-et-Labrador. Le sénateur Jim Munson s'intéresse particulièrement à cette question et en a saisi le comité au moyen d'une résolution du Sénat. Je crois toujours que le sénateur Munson vient du Nouveau-Brunswick, mais il me fait remarquer qu'il a été nommé pour représenter l'Ontario. Mais je sais vers où penche son cœur. Le sénateur Nancy Ruth a été brièvement parmi nous, est repartie et va peut-être revenir. Elle est un sénateur ontarien, de Toronto comme moi. Nous avons le vice-président du comité, notre cardiologue maison, le Dr Wilbert Keon qui, avec mon prédécesseur récemment parti à la retraite, Michael Kirby, a fait un travail remarquable dans le domaine de la santé, ayant produit récemment De l'ombre à la lumière, un rapport traitant de la santé mentale au Canada et de ce que le gouvernement fédéral peut faire. C'est un excellent rapport et j'espère que le gouvernement fédéral en suivra les recommandations.

L'une des bonnes choses dans notre comité, c'est que ses membres représentent certes différents partis politiques, mais il est parfois difficile de s'en rendre compte car ils se préoccupent beaucoup plus de tracer des orientations que de faire de la politique.

Moi-même, je suis Art Eggleton, sénateur de Toronto. J'étais jadis membre de l'autre endroit, comme nous appelons ici la Chambre des communes. J'apprécie la différence du travail qui se fait ici, au Sénat, et la possibilité de traiter à fond de sujets comme l'autisme.

Je vais inviter mes collègues à ouvrir le dialogue ou la période des questions. Ils pourront poser des questions à certaines personnes précises autour de la table pour demander des précisions sur les propos qu'elles ont tenus dans leurs exposés, ou bien ils pourront poser des questions à tout l'auditoire, auquel cas vous devrez la main pour demander la parole.

Le sénateur Keon : Merci infiniment à vous tous de sacrifier votre journée pour nous aider face à cet énorme dilemme. C'est véritablement un sujet difficile à cerner et je vais donc me concentrer sur un aspect. Je vais demander aux six personnes qui ont parlé de génétique de répondre à ma question. Peut-être lors du prochain tour pourrais-je aborder certaines des autres remarques intéressantes qui ont été faites.

Peut-être, docteur Scherer, pourrais-je commencer par vous. Je vais vous poser une question semi-politique, ainsi qu'une question de science fondamentale.

Je me passionne pour tout le domaine du profilage génomique. Par exemple, il nous a permis de voir que la leucémie constitue en fait un groupe de maladies différentes. Vous, les généticiens, connaissez tout cela mieux que moi, mais je trouve cela passionnant. Au lieu de parler d'une vague maladie générique, nous parvenons maintenant à distinguer différentes variantes concrètes de façon à pouvoir cibler, et surtout administrer, une pharmacothérapie spécifique.

Je ne sais pas trop où en est la technologie du profilage génomique dans le domaine de l'autisme, mais je soupçonne que c'est l'outil dont nous avons besoin pour distinguer entre toutes les entités avec lesquelles nous nous débattons et que nous cherchons à appréhender dans ce rapport.

J'aimerais vous demander, collectivement, si vous pensez que cette technologie prometteuse nous permettra de définir précisément l'entité et les sous-groupes de l'entité.

J'aimerais vous poser encore une autre question, docteur Scherer. Dans quelle mesure est-il important que Génome Canada soit maintenu? Est-ce que les IRSC pourraient combler le vide si Génome Canada disparaissait?

Dr Scherer : Il est absolument vital que Génome Canada continue son travail. L'organisme occupe un créneau très important dans l'étude de la biologie à grande échelle que les IRSC ne pourraient pas assurer. Génome Canada est une agence autonome sous l'égide d'Industrie Canada, donc du gouvernement fédéral, qui finance des projets à grande échelle, à hauteur de millions de dollars, dans le domaine de la génomique et de la protéomique.

Comme plusieurs intervenants l'ont indiqué, ce type de recherche coûte très cher. Je vous ai parlé du projet mondial, du profilage génomique que nous avons effectué sur quelque 6 000 personnes, et qui nous a coûté environ 5 millions de dollars. Cela a été financé principalement par des sources étrangères, et donc cet investissement nous a donné un très bon effet de levier.

Ce type d'étude à grande échelle et très coûteuse s'inscrit mal dans le mandat des IRSC. Si nous voulons être compétitifs, actifs et en pointe, ce que nous sommes actuellement, nous avons besoin d'un financement continu pour Génome Canada.

Je signale que Génome Canada ne finance pas seulement des études dans le domaine de la santé, mais aussi dans ceux de la sylviculture, de la pêche et de l'agriculture, c'est-à-dire l'étude du génome de n'importe quel organisme, afin de mieux en comprendre les caractères biologiques, une connaissance qui aura bien sûr des applications pratiques.

Le sénateur Keon : Voyons les résultats scientifiques. Entrevoyez-vous à l'horizon le genre de percée que nous avons réalisée avec d'autres entités?

Dr Scherer : C'est l'expérience que nous avons effectuée. Le génome, c'est la totalité de l'ADN dans les cellules, l'assemblage des quelque 30 000 gènes. Si l'on pouvait balayer le génome avec une résolution suffisamment forte, pourrait-on obtenir un code à barre, en quelque sorte, ou bien une empreinte digitale qui aiderait à catégoriser les différents groupes génétiques qui contribuent à ce que nous appelons les troubles du spectre de l'autisme?

Nous cherchons à concevoir l'expérience de manière optimale. Nous utilisons autant de sujets que possible, de provenances géographiques aussi différentes que possible et, surtout, nous utilisons la technologie dernier cri.

Nous avons utilisé deux techniques pour ce travail, et nous faisons maintenant appel à une troisième. Toutes ces données ont été transmises à une revue très connue et nous avons obtenu d'excellentes appréciations de la part des examinateurs. Je pense que l'étude sera publiée prochainement, mais nous devons attendre confirmation.

Comme je l'ai dit, nous savons qu'il existe probablement un petit nombre de gènes isolés qui, lorsqu'il se produit une variation ou mutation, peuvent vous donner toutes les caractéristiques classiques de l'autisme. Cela a été publié. Si vous effectuez un caryotypage sous un microscope, vous pouvez déceler les changements. Chez 5 à 7 p. 100 des sujets, vous observez un changement chromosomique qui n'existe pas chez le parent ou dans la population générale. Cela est avéré.

La nouvelle technologie qui nous permet de balayer les génomes décèle de nouveaux changements dans ces sujets que l'on ne retrouve encore une fois pas chez les parents ou dans la population en général, dans 10 à 15 p. 100 des cas. Nous ne savons pas exactement encore ce que cela signifie, mais cela donne à penser que ces régions ou ces gènes jouent un certain rôle. Ces recherches n'ont presque pas encore été publiées.

Les cas restants sont un fourre-tout où probablement plusieurs gènes sont en cause. Ces quelque 70 ou 80 p. 100 des cas concernent des familles qui ont des gènes spécifiques situés sur des chromosomes spécifiques du génome. Nous pensons en avoir cartographié à peu près sept.

Nous avons été très surpris de voir revenir une région chromosomique spécifique dans les familles comptant plusieurs autistes dont un du sexe féminin. Nous ne nous attendions pas à cela. Cela nous donne un indice biologique et nous dit que nos données sont probablement justes. Je soupçonne que des douzaines de gènes sont impliqués, mais nous pouvons maintenant commencer à les catégoriser au moyen de ce profilage génomique.

Le coût de ces types d'expérience a énormément baissé. Pour les technocrates dans l'auditoire, je précise que nous utilisons habituellement un faisceau polymorphe unique de type Affymetrix à 500 000 nucléotides. Il y a quelques mois, cette expérience aurait coûté environ 2 000 $. Nous pouvons maintenant la réaliser pour environ 400 $, soit le coût d'un test diagnostic clinique typique. De fait, un caryotypage coûte à peu près le même prix.

Je m'inquiète de la façon dont cette information sera interprétée par les familles et la communauté médicale lorsque ces études scientifiques seront publiées. Il y aura une ruée sur ces tests. Qui va les effectuer? La plupart des laboratoires de diagnostic clinique ne peuvent encore les faire. En outre, comment l'information sera-t-elle comprise? C'est pourquoi il faut une démarche multidisciplinaire pour s'attaquer à ce problème.

Comme nous le savons tous, la technologie fait avancer les choses. Les gens acceptent la technologie et vont se tourner vers elle pour trouver des renseignements à des fins telles que le planning familial et, bien sûr, le diagnostic précoce.

Toutes sortes d'informations vont être publiées dans la presse au cours des six à 12 prochains mois. D'une certaine façon, nous sommes bien positionnés au Canada en raison de la manière dont les diagnostics moléculaires sont communiqués, c'est-à-dire principalement suite à des tests en milieu hospitalier. Les scientifiques faisant la recherche fondamentale doivent collaborer de près avec ces laboratoires pour assurer que les bons tests et dispositifs soient en place et que l'information soit transmise de manière appropriée.

[Français]

Dre Joober : J'ai un commentaire sur ce qu'on a fait en psychiatrie génétique de façon générale. Au cours des dix à 15 dernières années, il y a eu beaucoup de publications et de gènes qui ont été rapportés, mais le grand problème, ce n'est pas tellement la découverte. C'est plutôt la réplication des résultats et s'assurer que ces résultats sont vraiment ce qu'ils sont.

Le principal problème qu'on a, ce n'est pas tellement la plate-forme technologique parce qu'on a cette plate-forme au Canada, d'un point de vue génomique. Le grand problème, c'est celui des plates-formes de phénotypage. On n'a pas suffisamment de technologies pour caractériser l'hétérogénéité de ces populations d'enfants qui ont le spectre de l'autisme.

Comme il a été signalé plus tôt, l'autisme est une condition très hétérogène, alors que par exemple, dans la leucémie, on peut avoir des marqueurs moléculaires pour catégoriser et donc arriver à des diagnostics plus précis sur le plan clinique. Dans le domaine de troubles du comportement, de façon générale, notre limitation principale est la technologie du phénotypage. Nous avons un grand problème, pas seulement au Canada, mais probablement un peu partout dans le monde et ce n'est pas essentiellement un problème de découverte, car des découvertes, il y en a énormément. C'est plutôt un problème de fiabilité et de réplication de ces découvertes.

[Traduction]

Dre Lewis : J'aimerais renchérir sur ce que la Dre Joober a dit. Je souscris tout à fait à l'importance du profilage et dépistage génomique. Nous faisons cela depuis plusieurs années en utilisant une technologie différente qui produit des résultats intéressants même si ce n'est pas un balayage génomique à aussi forte résolution. Ce travail a été fait en collaboration avec des collègues de l'ASD-CARC, mais la stratégie consistait en une approche multidisciplinaire avec moi-même, principalement à titre de généticien clinicien, ma collègue, la Dre Evica Rajcan-Separovic, cytogénéticienne moléculaire à l'Université de la Colombie-Britannique, et la Dre Holden, une généticienne moléculaire, pour tenter de couvrir l'ensemble des questions dont la Dre Joober a souligné qu'elles débordent de la plate-forme du dépistage. Nous considérons que le travail doit englober les familles, et pas seulement les échantillons d'ADN.

Nous devons comprendre les personnes qui contribuent à cette recherche, car l'hétérogénéité du trouble est telle qu'il est difficile d'interpréter les résultats que nous découvrons. Le défi consiste à transposer ce que nous trouvons en laboratoire sur ce que nous voyons sur les sujets ou les familles pour tenter d'expliquer pourquoi certaines familles ont un seul enfant autiste et d'autres en ont plusieurs. Que cela nous apprend-il sur la génétique et sur l'interrelation des résultats, et pourquoi un constat donné se traduit-il parfois par une récurrence dans une seule famille?

C'est beaucoup plus complexe que de simplement définir les profils génétiques. Nous devons établir leur corrélation avec les constats cliniques, qui sont de nature comportementale tout autant que médicale et mettent en jeu le métabolisme physique — soit tout le spectre du trouble. Vous ne pouvez faire cela que par une recherche translationnelle active qui fasse l'aller-retour entre le laboratoire et la clinique. Si l'on adopte et suit à l'avenir ce genre d'approche, ces recherches sont très prometteuses, à mon avis.

Je peux parler d'autres aspects tels que le rôle des Instituts de recherche en santé du Canada. Ils ont beaucoup appuyé ce genre de recherche, peut-être en une capacité différente de celle de Génome Canada, qui tend à privilégier davantage le développement technologique. Les IRSC ont été les premiers à promouvoir une approche interdisciplinaire de la recherche, qui a été essentielle pour la formation il y a cinq ou six ans de notre ASD-CARC.

Ce type de focalisation sur le soutien à la recherche doit être maintenu, mais ne l'est pas suffisamment. C'est regrettable, car des chercheurs forment une équipe, mettent deux ou trois ans pour mettre le travail en marche, et ensuite ils doivent passer le restant de leur temps à chercher des crédits plutôt qu'à développer les connaissances déjà acquises. Les IRSC ont posé le bon principe, il leur faut simplement trouver les moyens de le concrétiser.

Le président : Sur le plan de la génétique, j'ai du mal à comprendre que certains couples aient un enfant autiste et d'autres enfants qui ne le sont pas, et qu'un autre couple ait deux enfants autistes sans aucun signe de la maladie chez les parents. Si la génétique explique 90 p. 100 des cas, il me semble que l'on devrait trouver des signes chez les parents.

Docteur Scherer, le projet de Génome Canada sur lequel vous travaillez se poursuit. Il semble que ce que vous allez apprendre pourrait radicalement transformer la façon dont nous aborderons le TSA à l'avenir. Cela pourrait changer le diagnostic et la thérapie.

Toutes sortes de gens nous ont dit qu'il faut davantage de recherche et qu'il subsiste beaucoup d'inconnues. Nos recommandations risquent-elles de perdre leur pertinence dans quelques mois par suite des nouveaux résultats de recherche, docteur Scherer?

Dr Scherer : Je demanderais au Dr Szatmari de répondre aussi. Il est avec moi le codirecteur de ce projet.

Le financement du projet de Génome Canada a été alloué il y a un an environ. Il a permis au Canada de participer à un effort international. Il met à profit de nombreux investissements, particulièrement de la part des IRSC depuis une dizaine d'années, qui ont permis de recenser des familles et de recueillir des échantillons d'ADN et de nous positionner. Mais pour mener à bien cette vaste expérience, il nous faut une grosse injection d'argent. Cela coûte des millions de dollars.

Nous avons tout un nouvel ensemble de données sur la base duquel nous pouvons commencer à formuler de nouvelles hypothèses. Au cours des 12 prochains mois, plusieurs études cruciales seront publiées, non seulement par notre groupe mais aussi par quelques autres, qui vont bouleverser notre connaissance de la génétique. La recherche génétique disposera d'hypothèses mieux centrées et plus ciblées.

Mais la génétique n'explique pas tout dans ce domaine. Nous le savons. Elle n'est que le point de départ. Nous ne connaissons pas encore tous les gènes. Nous allons connaître les positions des chromosomes et saurons définir et localiser les changements dans les gènes. Nous avons besoin de millions de dollars de plus. Cette recherche deviendra encore plus coûteuse.

Je pense pouvoir dire que nous allons continuer à progresser. Je soupçonne que dans les quelques années qui viennent un grand nombre des gènes concernés seront identifiés, si ce n'est tous. Ce sera un progrès considérable.

Le président : Cela prendra-t-il plusieurs années?

Dr Scherer : Oui.

Dr Szatmari : Nous savons que de 6 à 7 p. 100 des familles ont deux enfants touchés. C'est un risque beaucoup plus grand que dans la population en général.

Certaines familles ont un risque plus élevé que cela — 15, 20, voire 30 p. 100. S'il y a deux enfants touchés dans une famille, la probabilité qu'il y en aura plus avoisine 30 p. 100. C'est une minorité, mais c'est un risque certainement beaucoup plus grand que dans la population générale.

Nous savons également que les personnes apparentées au premier degré, c'est-à-dire les parents et enfants, ont également un plus grand risque de présenter des caractères ou des endophénotypes. Ils ne sont peut-être pas évidents, mais ils sont là. Ils peuvent prendre la forme d'une difficulté à converser, de piètres aptitudes sociales ou d'intérêts excentriques. C'est ce que l'on appelle le phénotype large de l'autisme. Il déborde du spectre pour englober des caractères isolés.

Cela est parfaitement logique sur le plan génétique. Si 20 ou 30 gènes sont impliqués dans le trouble, il est logique que les parents présentent des caractères isolés qui peuvent être combinés chez leurs enfants, avec peut-être une deuxième variation génétique qui va causer le trouble.

Par ailleurs, je conviens que nos travaux vont profondément transformer la discipline, mais ce ne sera que dans une dizaine ou une quinzaine d'années. La première chose qui va probablement se produire, est que nous aurons de meilleurs instruments et outils diagnostiques fondés sur nos découvertes génétiques, mais je pense que cela concernera une minorité des cas. Nous continuerons à dépendre de l'historique du développement du sujet et de l'observation pour poser le diagnostic.

Une fois que nous connaîtrons les gènes et que nous saurons ce que ces gènes font mal, trop ou insuffisamment, nous pourrons mettre au point de meilleurs traitements biomédicaux. Même avec les découvertes que nous allons faire dans les six prochains mois environ, il faudra attendre encore longtemps ces traitements. Nous avons d'énormes problèmes à court terme à résoudre dans l'intervalle.

Le président : Pouvez-vous identifier les personnes qui sont plus susceptibles d'avoir un enfant autiste d'après les caractères pouvant être présents chez les parents?

Dr Szatmari : Non. Ce serait une étude difficile à réaliser.

Dre Holden : Étant sœur d'un autiste et ayant parlé à plusieurs familles, je sais qu'il ne fait absolument aucun doute que nous reconnaissons tous à l'intérieur de nos familles certains caractères qui font très clairement partie du spectre autiste.

Lorsque je donne des conférences, ce sont surtout des femmes — des mères — qui viennent. Nous parlons de cela et une grande proportion d'entre elles disent que leur mari s'inscrit clairement dans le spectre du syndrome d'Asperger.

On peut clairement distinguer des catégories de familles. Il y a une catégorie de familles où la mère est très obsessive compulsive dans sa manière de faire les choses. Il y a beaucoup de pères qui sont très distants et peu sociables.

Nous savons que certains caractères sont présents chez les parents. Cependant, comme l'a dit le Dr Szatmari, vous ne pouvez pour autant extrapoler et dire que ces adultes ont un fort risque d'avoir un enfant autiste.

Je suis également généticienne et je pense qu'il est très important de reconnaître que si, dans nos études génétiques, nous ne caractérisons pas les familles de manière plus approfondie et si nous nous fions principalement à un petit nombre de caractéristiques chez les enfants, nous n'aurons pas le tableau complet. Notre recherche vise en partie à déceler les autres caractéristiques qui nous échappent depuis longtemps.

Il est clair que des troubles gastro-intestinaux sont présents chez certains enfants et non chez d'autres. Certains ressentent des douleurs et d'autres non. Quelles sont ces autres complications? Cela nous aidera à mieux définir les gènes.

Le Dr Scherer a raison; on peut commencer à mieux cerner une région. Une fois que vous avez une meilleure image de toutes ces complications chez différents enfants, vous pouvez commencer à mieux cerner les gènes particuliers, parmi une centaine, qui sont les plus susceptibles de contribuer à une partie du syndrome.

Dre Lewis : J'en reviens à l'impératif de trouver des biomarqueurs. Dans le passé, nous utilisions des moyens très conventionnels pour diagnostiquer l'autisme. Le diagnostic a toujours été fondé sur des indices comportementaux qui peuvent être très variables, selon l'outil utilisé, l'âge du sujet, et cetera.

Il est essentiel de mettre au point des technologies qui nous aideront à trouver des contributeurs génétiques. Il y en a probablement plusieurs, comme le Dr Scherer l'a mentionné. Il peut y avoir aussi des contributeurs physiques. Nous devons devenir attentifs à ces caractéristiques corrélées. Nous ne pouvons le faire qu'avec la collaboration des familles à la recherche, afin qu'elles nous apportent ces renseignements comportementaux, développementaux et cliniques si importants.

Le sénateur Munson : Merci. J'apprécie votre présence à tous. J'ai du mal à croire qu'une petite déclaration faite au Sénat du Canada, dont j'ai à peine parlé lorsque j'étais journaliste, puisse conduire à une enquête, mettre en jeu d'autres sénateurs et précipiter cette table ronde ainsi que la comparution de tous les témoins que nous avons entendus ces dernières semaines. Cela a été pour moi une incroyable expérience pédagogique.

Plus que cela, il est extrêmement important que nous, sénateurs, déposions un rapport auquel le gouvernement prête attention et l'incite à agir. Je ne veux pas entraver le débat. J'aurai des questions plus complexes cet après-midi. Pour l'instant, je vais simplement poser des questions de type journalistique.

Premièrement, combien de temps faut-il pour former les formateurs? Quelle est l'ampleur de la pénurie? Vous avez parlé de fermeture d'établissements et du fait que des enfants et adolescents autistes doivent aller vivre avec leurs parents. J'aimerais savoir où dans le pays l'on ferme ces établissements afin que nous puissions trouver des solutions.

Quelles sommes sont actuellement disponibles pour la recherche? Existe-t-il un chiffre global que l'on puisse citer? Pour ce qui est de l'Île-du-Prince-Édouard et du chiffre de trois enfants autistes pour 1 000, il est intéressant que le sénateur Callbeck, qui siège à ce comité, ait immédiatement réagi et réalisé que dans l'île on cultive des pommes de terre et emploie des pesticides.

Nous sommes inondés de tellement de renseignements, qui vont de l'effet du glutamate monosodique jusqu'à l'environnement. C'est presque un excès d'information. Voilà juste quatre ou cinq questions élémentaires pour me situer en prévision de cet après-midi.

Dre Bryson : En Nouvelle-Écosse, cinq régions de la province n'ont pas d'orthophonistes spécialisés dans les enfants autistes. Je ne sais pas quelle est la situation ailleurs, mais toute cette région n'a aucun service d'orthophonie, en dépit du fait que les troubles ou déficiences de communication soient au cœur de l'autisme. Ce n'est pas facile.

Nous avons également grand besoin de psychologues cliniciens spécialisés dans le traitement de l'autisme.

Il faudrait parler également de la façon d'enrichir les programmes de formation afin de pouvoir remédier rapidement à cette situation. La volonté existe, il suffit de décider des modalités.

Dr Szatmari : Les pédopsychiatres jouent un rôle important dans le diagnostic et la médication. Nous savons que de 40 à 50 p. 100 des autistes prennent des médicaments psychotropes à tout moment.

Au Canada, nous formons en moyenne 10 pédopsychologues par an, de Terre-Neuve jusqu'à la Colombie- Britannique; cela fait 10 pour tout le pays chaque année. Sur ce nombre, très peu vont travailler dans le domaine de l'autisme. Un problème est que les programmes de formation du Collège Royal comportent tant de matières qu'il reste peu de temps pour s'intéresser à autre chose.

En ce qui concerne le financement de la recherche, depuis 2001, les IRSC ont versé 16 millions de dollars pour la recherche. Les National Institutes of Health aux États-Unis ont contribué 200 millions de dollars en une seule année. Même avec la différence de population, cela représente une différence sensible entre les niveaux de financement. Le Sénat américain a récemment adopté une loi prévoyant 1 milliard de dollars par an pour la recherche sur l'autisme. Les Américains sont loin en avance sur nous sur le plan du financement de la recherche.

La plus grande partie du financement provient des IRSC, mais il est difficile à obtenir. La concurrence est extrêmement forte. Le taux de succès global auprès des IRSC est de 17 p. 100. L'autisme ne bénéficie pas d'une enveloppe financière propre. Je demande la création d'une enveloppe financière pour la recherche sur l'autisme dans les IRSC, afin qu'il y ait un montant réservé pour ces chercheurs.

Un autre domaine où le financement des IRSC laisse à désirer est celui du traitement, car ces demandes sont transmises au Comité des essais à groupe de contrôle aléatoire, qui finance principalement des essais de médicaments de grande envergure. Les traitements que nous appliquons, soit principalement des thérapies psychosociales, sont très différents des grands essais de médicaments qui sont habituellement financés. Je soupçonne que ce comité ne comprend pas la nécessité de traitements psychosociaux ni leur fonctionnement. Or, il est important de les financer.

Dre Bryson : Les États-Unis ont fait avancer la recherche sur l'autisme en réservant des fonds spécifiquement à ce domaine. Cela a transformé la situation dans ce pays.

Dr Szatmari : Pour ce qui est de la fermeture d'établissements, une étude rédigée dans les années 80 nous indique que 70 p. 100 des autistes adultes étaient institutionnalisés en Ontario au cours des années 60 et 70. Tous ces établissements ontariens ont fermé leurs portes depuis.

Tout le soutien pour les personnes atteintes de déficience développementale est allé aux services communautaires. Cependant, comme on l'a vu avec les hôpitaux psychiatriques, la mise en place de soutiens communautaires n'a pas suivi le rythme de fermeture des établissements. Ces personnes se retrouvent ainsi délaissées, sans service.

Les parents utilisent le plus souvent l'Internet pour se renseigner sur l'autisme. La plus grande partie des renseignements disponibles sur l'Internet sont inexacts. Cette information est erronée et souvent de caractère publicitaire. Nous avons fait une étude pour évaluer les sites Internet sur l'autisme, et tous promeuvent leur propre produit. Ils ne fournissent pas une information objective fondée sur l'expérience clinique. Votre comité pourrait recommander une source d'informations qui soient fondées sur l'expérience clinique, scientifiquement rigoureuses et qui fournissent aux parents des renseignements sur l'autisme simples à comprendre et crédibles.

Mme Fleming : J'aimerais répondre à la question du sénateur Keon sur le temps qu'il faut pour former des formateurs. Avant de parler de la durée, il faut se demander qui fournit les services dans le pays et si ces prestataires sont accrédités et supervisés. Dans notre organisation, nous entendons régulièrement que des travailleurs sociaux dispensent la thérapie ACA dans une partie du pays et que des orthophonistes assurent des services de supervision dans d'autres parties du pays.

Le problème est que nous n'avons pas de normes de soin ou de traitement. Nous pensons qu'il est important de mettre en place ces normes afin d'offrir des services appropriés.

Il faut savoir également que les habitants des régions rurales du Canada cherchent désespérément des services et accepteront tout ce qu'ils trouvent. En outre, lorsque des parents cherchent de l'information sur l'Internet et qu'ils sont désespérés, ils vont recourir à ces services. Nous pouvons tous le comprendre. Beaucoup de gens dans ce pays gagnent beaucoup d'argent avec les services aux autistes. En tant qu'organisation nationale, nous déplorons l'absence de lignes directrices. Nous savons qu'il n'y a pas assez de psychologues cliniciens pour assurer la supervision requise.

Les parents ont besoin de soins à domicile. On dit souvent qu'il y a beaucoup d'argent en Alberta, mais les parents nous disent qu'ils ne trouvent personne possédant la formation voulue. En outre, même une personne ayant très peu de formation pour fournir des soins de relève ou des soins supervisés coûte aux parents 20 $ de l'heure. La contribution de la province est faible.

Il existe également une pénurie de personnel compétent dans les écoles. Les parents mettent leurs enfants à l'école. S'ils ont de la chance, les enfants ont eu plusieurs années d'ACA. Une fois à l'école, ils peuvent avoir affaire à un assistant dénué de formation. Les parents d'enfants autistes vous diront que septembre est probablement le pire mois de l'année pour eux. Les enfants sont de retour à l'école et les parents doivent de nouveau s'occuper d'apprendre aux enseignants et au système à s'occuper des enfants ayant des besoins spéciaux, car ce type de formation n'est pas dispensé dans les écoles. Nous avons un gros problème au niveau de la prestation des services du fait de l'absence de normes professionnelles couvrant les soignants. C'est un problème sérieux pour notre population.

Le sénateur Munson : Combien de temps faut-il pour former les formateurs? On nous a dit que la plupart d'entre eux viennent des États-Unis, ou du moins que c'est là où se situent certaines des écoles de formation. Pourquoi devons- nous aller pour cela aux États-Unis?

Mme Fleming : Parfois, c'est là où vont aussi les parents. Par exemple, les gens au Nouveau-Brunswick peuvent connaître un clinicien aux États-Unis. Je connais une famille qui a installé un laboratoire dans sa maison. Ils font venir quelqu'un des États-Unis et beaucoup de parents des environs participent aux frais.

Beaucoup se fait par le bouche-à-oreille. Si l'on habite une grande ville et peut obtenir une prise en charge, très bien. Rien ne remplace la formation pratique et le traitement par des professionnels accrédités, mais il y a de réelles lacunes dans l'accès des parents à ces services. Il faut combler cet écart. La Dre Holden a parlé de créer un service où les parents pourraient trouver une assistance en ligne.

Vous avez entendu les propos du Dr Karen Cohen tout à l'heure. Elle a parlé du manque de psychologues cliniciens. Nous pourrions demander aux experts autour de cette table : Combien de temps faut-il pour devenir psychologue clinicien? Il semble que nous en produisons bien peu aujourd'hui.

Mme Ouellette-Kuntz : Je ne puis répondre précisément à cette question, mais une autre est de savoir qui nous cherchons à former. Dans les six régions que nous étudions, nous avons des données sur près de 5 000 enfants. Il existe une variation énorme sur le plan des personnels intervenant dans le diagnostic. Il n'est pas établi clairement dans les différentes provinces quels personnels il faudrait former pour poser les diagnostics cliniques et qui devrait intervenir au niveau du diagnostic. Nous recommandons la méthode de l'équipe interdisciplinaire, mais toutes les disciplines n'interviennent pas au même degré à travers le pays.

En ce qui concerne l'Île-du-Prince-Édouard, la culture de la pomme de terre et les pesticides, la raison d'être d'un programme de surveillance est de suivre dans le temps des régions suffisamment grandes et différentes pour pouvoir isoler les différences géographiques dans la fréquence du trouble. Nous ne pouvons dire à ce stade si le taux de trois pour 1 000 dans l'Île-du-Prince-Édouard est supérieur à la norme, mais il vaut la peine d'y réfléchir.

Je parlerai du financement et de la façon d'effectuer ce travail. Nous avons regardé ce que les Américains ont fait avec les centres d'excellence créés par les Centers for Disease Control and Prevention dans des régions particulières. Ces centres assurent la surveillance de l'épidémiologie des troubles du spectre de l'autisme dans ces régions. C'est le modèle que nous employons dans notre étude.

[Français]

Dr Mottron : J'aimerais reprendre l'intervention du Dr Szatmari sur la nécessité d'avoir des sources d'informations non biaisées. Je soutiens évidemment tout ce que cette initiative permet d'obtenir en matière de lutte contre la fausse science, à laquelle nous savons que l'autisme est particulièrement vulnérable. Ce qui m'inquiète beaucoup plus est le fait que cette source non biaisée soit, en fait, toujours biaisée en faveur de la normalité. Je n'ai pas entendu, dans le discours du Dr Szatmari, la place que les autistes pourraient y prendre.

Nous sommes en train de parler à la place des autistes. Les autistes ont été partiellement invités à cette table. On ne ferait pas cela pour la communauté gaie ni pour un groupe ethnique. Je sais que cette métaphore en fait hurler un certain nombre, mais elle a un certain niveau de validité.

Lorsqu'il s'agit de fixer des priorités de traitements, de déterminer la place de la génétique, la place d'un possible eugénisme pour l'autisme, je crois que les autistes ont un important mot à dire sur la question et qu'ils doivent être invités.

Une source non biaisée d'informations, c'est une source qui n'est pas non plus biaisée en faveur de la normalité.

[Traduction]

Le président : L'autre jour, nous avons accueilli un panel de quatre adultes autistes. Nous nous sommes, dans le cadre d'une autre discussion, entretenus avec Michelle Dawson. Nous avons ainsi entendu des perspectives différentes de la bouche de personnes atteintes d'ASD. Nous voulons en tenir compte.

M. Yu : Je vais m'efforcer de répondre à deux des questions soulevées plus tôt par le sénateur Munson.

De quel ordre est la pénurie de personnel? Je peux parler de ce qui se passe au Manitoba sur la base de mes interactions avec des fournisseurs de services. Le délai d'attente pour le service ACA d'intervention précoce pour les enfants d'âge préscolaire est d'un à sept mois. La période d'attente pour le programme pour enfants d'âge scolaire est d'environ un an. D'après ce que je crois comprendre, la période d'attente pour ce qui est du diagnostic varie entre huit mois et un an. Cela vous donne une idée des délais cumulatifs pouvant intervenir entre la toute première étape et l'obtention par l'enfant de services. Avec de tels délais, comme d'autres l'ont déjà dit, nous pourrions manquer une lucarne essentielle. Cela est important.

De quel ordre est la pénurie de personnel? Je ne suis pas directement responsable de la prestation du service; je travaille étroitement avec la Dre Angela Cornick, qui est directrice du service d'intervention précoce ACA. Elle a de moi une commande permanente : tout étudiant diplômé que nous produisons, son service le prendra. La dernière fois que je lui ai parlé, elle m'a dit qu'il lui manque surtout des consultants en ACA de niveau maîtrise ou doctoral. En matière de personnel, c'est dans cette catégorie qu'il lui manque le plus de praticiens. Il lui manque également des tuteurs pouvant travailler directement avec les enfants. Compte tenu des périodes d'attente pour obtenir un diagnostic, l'on peut certainement en conclure qu'il y a également une pénurie de personnel pouvant faire des diagnostics et peut- être également une pénurie en matière d'équipes de diagnostic.

Combien de temps faut-il compter pour former un formateur? Vous pouvez vous pencher sur différents niveaux de formation. Je ne parle quant à moi ici que de formation en analyse comportementale appliquée. Typiquement, un expert-conseil en ACA pouvant offrir, de façon indépendante, des services d'intervention précoce d'ACA, possédera au moins une maîtrise ou un doctorat, avec spécialisation en analyse comportementale appliquée. À l'Université du Manitoba, nous pouvons accepter dans cette discipline environ dix étudiants diplômés. Nous ne parvenons pas à suivre la demande. Nous produisons des formateurs aussi rapidement que cela nous est possible. Pour les étudiants du niveau de la maîtrise, il faut en règle générale compter deux ou trois ans après le baccalauréat; pour faire un doctorat, il faut typiquement compter trois ou quatre années de plus. Cela vous donne une idée du temps de formation qui est requis.

Mme Perry : J'aimerais répondre à la question au sujet du temps qu'il faut pour former certains des professionnels de haut niveau. Il n'y a aucun doute qu'il nous faut davantage de pédopsychologues, d'orthophonistes et de psychologues cliniciens. C'est ce domaine-là que je connais le mieux. Comme l'a dit le Dr Yu, cela demande beaucoup de temps. Notre capacité de former des gens est limitée.

Je travaille dans le plus gros département de psychologie au Canada. Nous avons en tout 200 étudiants diplômés, dont 60 sont dans mon programme, le programme de psychologie clinique du développement. Ils œuvrent dans de nombreux domaines de recherche et de pratique. Une quinzaine d'entre eux travaillent dans le domaine de l'autisme, dans deux laboratoires différents. Ces étudiants font un baccalauréat de quatre ans, une maîtrise de deux ans et un doctorat de quatre ou cinq ans. La formation des psychologues englobe un doctorat ainsi que de la formation professionnelle répartie entre formation clinique, évaluation et traitement. À la fin de leur programme doctoral, ces étudiants font un internat d'un an à temps plein.

Il n'existe au Canada que 46 places d'interne. Nombre des étudiants doivent aller aux États-Unis pour leur internat. Il n'y a par ailleurs pas un très grand nombre de places en internat qui soient directement axées sur l'autisme. Il serait donc bon de créer des places qui soient réservées exclusivement à l'autisme et qui soient reconnues et rémunérées.

Après le doctorat, la thèse et l'internat, les gens doivent exercer pendant un an sous la supervision d'autrui, puis ils doivent obtenir leur licence ou leur autorisation à exercer auprès de leur organisme provincial de réglementation. En Ontario, c'est l'Ordre des psychologues de l'Ontario. Cela demande beaucoup de temps. Il nous faut la capacité d'accueillir davantage d'étudiants. L'an dernier, nous avions 25 étudiants présélectionnés avec des moyennes de A, de très bonnes lettres de référence et ainsi de suite, et nous n'avons pu en prendre qu'un ou deux, car il n'y a que deux professeurs.

J'ai pour ma part neuf étudiants diplômés, soit environ quatre fois plus que la plupart de mes collègues. J'ai intégré le milieu universitaire afin de pouvoir former des professionnels dans le domaine. Il nous faut plus de personnes qui fassent cela et plus de ressources financières pour appuyer ce travail.

Mme Ivanco : Ce ne sont définitivement pas des étudiants intéressés qui font défaut. Ce qui manque, plutôt, ce sont des possibilités de formation, du personnel pour les encadrer et du financement pour les étudiants diplômés. Le manque de financement pour les étudiants diplômés est un gros problème.

Je souhaitais revenir sur votre discussion au sujet des pesticides et d'autres facteurs environnementaux. J'avais pensé en faire état dans mes remarques liminaires, mais ai décidé de m'abstenir, car il s'agit d'un dossier énorme. Il est vrai que nous avons dit à différentes occasions qu'il existe des déclencheurs environnementaux de troubles tels que l'autisme, mais la question est de savoir comment fonctionnent ces déclencheurs. Dans le cas de pesticides, un enfant peut y réagir, tandis qu'un autre, de la maison d'à côté, voire de la même famille, ne semble pas y être susceptible. Cela nous sensibilise au fait qu'il existe des risques, mais il doit y avoir une certaine prédisposition. Nous avons entendu parler des éléments génétiques qui font l'objet d'enquêtes et d'études sur les gènes porteurs de susceptibilité. La question concerne ces éléments-là également. Il nous faut continuer de nous préoccuper de ce qui rend les enfants plus susceptibles à l'autisme. Il se peut que les enfants qui semblent être prédisposés aux facteurs de risque environnementaux possèdent également des gènes qui les rendent susceptibles. Peut-être que leurs gènes leur imposent un développement plus fragile qui les rend plus susceptibles à l'environnement.

Il est possible que certains facteurs environnementaux aient une forte incidence sur le déroulement normal du développement et que ce qui se passe est que ces enfants sont exposés à des facteurs environnementaux à des moments critiques dans leur développement. Plusieurs études traitent de ce qui se passe au stade de la fermeture du tube neural et établissent un lien entre des problèmes de fermeture du tube neural et l'autisme et d'autres troubles du développement. Il importerait donc de faire également enquête là-dessus.

Votre question fait ressortir la nécessité de comprendre la susceptibilité à ce genre de trouble.

Le président : J'aimerais ajouter encore un autre élément. Hier, un témoin nous a soumis des aliments préparés renfermant du glutamate monosodique, ou GMS, laissant entendre que ce produit est un facteur important. Si vous avez des commentaires à faire là-dessus, ce sera très bien; dans le cas contraire, je comprendrai parfaitement.

Dre Bryson : J'ai interrogé des toxicologues là-dessus, et ils disent que, pour le moment en tout cas, il n'existe en la matière pas de bonnes preuves.

Le président : Il n'y en a pas.

Dre Bryson : Non. C'est là l'argument. J'ai en fait été abordée à ce sujet.

J'aimerais renforcer un certain nombre des points soulignés par M. Yu et Mme Perry. Juste pour que cela ne semble pas absolument insurmontable, je pense que nous pourrions former certaines personnes pour les amener au niveau de la maîtrise, et il s'agirait alors de programmes de diplôme post-baccalauréat de deux ans. Tant et aussi longtemps que nous aurions des professionnels de niveau doctoral que ceux-ci pourraient consulter, alors nous pourrions avoir des gens hautement qualifiés, je pense, au niveau maîtrise, ce qui pourrait de beaucoup changer les choses. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas à nous occuper de la question de savoir qui les formera et comment nous ferons pour enrichir cette formation. Si nous continuons de mettre au point de bons programmes de traitement, alors cela facilitera les choses sur le plan internat. Les deux éléments pourront travailler de pair.

Un groupe dont nous n'avons pas beaucoup parlé est celui des psychiatres pour adultes. Nous en avons énormément besoin, car il n'y a presque pas, dans ce pays, de psychiatres qui soient prêts à voir des adultes, même ceux souffrant de graves problèmes psychiatriques. Je me débats avec ce problème depuis des années. Peut-être qu'il nous faut regarder du côté de l'éducation permanente et qu'au lieu de ne former que de nouveaux professionnels, il y aurait lieu de faire appel aux gens qui sont déjà en place.

Je ne suis pas pessimiste, mais cela m'inquiète également un peu de voir des gens quitter le système public. Une partie du problème est attribuable à l'épuisement professionnel. Certaines de ces personnes sont de vrais champions et sont très passionnées, mais on leur en demande tellement que l'aspect satisfaction au travail devient un problème. Nous ne voulons pas perdre ces gens-là. Nous autres qui œuvrons à l'intérieur du système devons nous pencher là-dessus et essayer de nous occuper des bons éléments qui s'y trouvent. Il y a toujours moyen de faire quelque chose.

Dr Zwaigenbaum : J'aimerais dire quelques mots au sujet de certains thèmes récurrents qui ressortent. Nos discussions au sujet de la formation des formateurs et des besoins en matière de services devraient inclure tous les niveaux, depuis le diagnostic jusqu'au nombreux types d'intervention. Plusieurs ont dit que ce sont les personnes qui occupent les postes les plus élevés et qui jouent le rôle de leaders qui ont le plus besoin de formation et d'expertise. Cependant, il est clair que si nous ne faisons que de petits efforts pour changer la capacité sur le terrain de ces professionnels de haut rang, les effets seront ressentis bien plus loin en aval et seront bien trop limités. Il nous faut faire un effort beaucoup plus concerté pour pousser des psychologues cliniciens, des orthophonistes et des médecins à différents niveaux à assumer des rôles de leader.

J'aimerais revenir sur une observation qui a été faite plus tôt. Compte tenu de la grande prévalence de l'autisme, l'actuel paradigme du spécialiste expert par lequel filtre la connaissance jusqu'aux niveaux inférieurs ne fonctionne tout simplement pas. Les services et l'expertise en matière de diagnostic sont concentrés dans un trop petit nombre de centres, souvent dans les grosses zones urbaines, souvent dans des centres d'études traditionnels qui ne desservent pas forcément les enfants canadiens, surtout ceux vivant en région rurale ou dans le Nord.

Le Dr Bryson a parlé des psychiatres pour adultes. J'aimerais quant à moi faire un petit plaidoyer en faveur des médecins de famille et des pédiatres communautaires. Tout l'éventail de professionnels doit commencer à jouer un rôle de plus en plus important, au lieu que l'on s'inscrive dans un système dichotomique d'experts versus non-experts, de telle sorte qu'il y ait tout un éventail de compétences, chaque niveau appuyant et encadrant le niveau suivant, afin d'instaurer une approche véritablement coordonnée, tant pour le diagnostic que pour l'intervention.

Dre Lewis : Je vais parler au nom de mes collègues britanno-colombiens qui ne sont pas représentés autour de la table ici. Un ensemble distinct de lignes directrices a été instauré en 2000-2001 en vue de l'établissement de diagnostics et du développement du genre d'approche coordonnée que vient de décrire le Dr Zwaigenbaum. Le British Columbia Autism Assessment Network a pour objet de faire sortir les professionnels de leurs tours d'ivoire pour intervenir au sein des communautés. Cette initiative a été largement financée par le ministère des enfants et du développement de la famille de la Colombie-Britannique.

Même avec le réseau d'évaluation, il y a un clivage ou un décalage entre les systèmes médical et éducatif. Ce n'est qu'en septembre de cette année que les personnes dont nous disons qu'elles sont atteintes de troubles du spectre classique de l'autisme — c'est-à-dire trouble autistique, trouble envahissant du développement non autrement défini ou syndrome d'Asperger — ont été considérées, dans le cadre du système éducatif, comme ne formant qu'un seul et même groupe, ce de façon à pouvoir bénéficier des services qui sont définitivement et objectivement accordés lorsque l'intéressé est évalué par le B.C. Autism Assessment Network, ce qui se recoupe avec le financement qui leur est assuré pour les aider dans leur cadre familial. Cela n'est pas forcément transposé du côté du système éducatif. Ce décalage a existé en Colombie-Britannique jusqu'en septembre de cette année. Où d'autre en existe-t-il? Même si nous avions un nombre suffisant de thérapeutes pour faire le travail, il y a un décalage dans la façon dont le service est assuré par le biais de différents ministères provinciaux.

Dr Fombonne : J'aimerais revenir sur la question des pesticides et du GMS. Dans le domaine de l'autisme, et dans d'autres également, de nombreuses déclarations sont faites sur la base d'études d'observation dans le cadre desquelles l'on examine une tendance ou une différence dans l'espace ou dans le temps, pour ensuite essayer d'établir des corrélations avec d'autres éléments ayant changé pendant le même laps de temps. C'est ce que l'on appelle des études écologiques, qui mènent généralement à des corrélations, positives ou négatives, et qui donnent l'illusion d'un lien de causalité du fait de la corrélation, mais tel n'est pas le cas.

Il en existe quantité d'exemples dans la littérature épidémiologique — par exemple, des études établissant une corrélation entre taux de chômage et taux de suicide. Vous pouvez établir cette corrélation, mais cela ne veut pas dire qu'au niveau individuel le fait d'être chômeur amène le suicide. Dans le cas de la littérature épidémiologique sur l'autisme, il y a récemment été présenté des théories faisant un lien entre l'augmentation du nombre d'enfants autistiques survenue au cours des 10 ou 15 dernières années et des changements dans les pratiques d'immunisation, notamment l'ajout de mercure dans les vaccins, et cetera. Vous pouvez produire ces corrélations, mais il vous faut des études de contrôle. Par étude de contrôle, j'entends le genre d'étude épidémiologique que l'on qualifie en règle générale ou d'étude de contrôle de cas ou d'étude de contrôle, et dans le cadre de laquelle vous mesurez l'exposition individuelle à une variable de risque donnée, pour tenter ensuite de déterminer si cela a augmenté le risque de la maladie.

Les études de contrôle en matière d'immunisation n'ont fait ressortir aucune association dans le contexte où il y avait une corrélation au point de départ. Les hypothèses concernant les pesticides et l'exposition, dans l'environnement, à des substances toxiques doivent être examinées prudemment. Il importe qu'il y ait des preuves fondées sur des études épidémiologiques rigoureusement contrôlées.

Tout récemment, quelqu'un a établi une corrélation entre le nombre accru de cas d'autisme en Californie et le nombre d'heures que passent les jeunes enfants devant la télévision. Il y a maintenant une hypothèse liant l'autisme chez les jeunes enfants et le fait de regarder la télévision. Encore une fois, cela s'appuie sur une fausse corrélation. Il y aura un nombre croissant d'affirmations du genre. Il est très important que les familles et la communauté scientifique s'appuient sur des études épidémiologiques rigoureusement faites comme mécanisme pour établir des relations de cause à effet parmi différents segments de la population.

Le sénateur Fairbairn : Merci à vous tous d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui. Nous sommes assis autour d'une table absolument extraordinaire et, à écouter vos éloquentes explications sur un sujet extrêmement difficile, j'ai l'impression d'avoir remonté le temps jusqu'à mes années de jeune écolière.

En ce qui concerne la question de savoir comment amener davantage de jeunes gens à s'intéresser à la recherche et au traitement relativement à l'autisme, j'ai été très heureuse d'entendre dire que le problème n'est pas celui d'un manque d'intérêt de la part des étudiants. Cela est encourageant.

Docteur Holden, parmi toutes les observations que nous ont faites les témoins que nous avons entendus dans le cadre de nos audiences, c'est à vous qu'appartient la plus triste : ceux et celles qui sont atteints de ce trouble ne comprennent ni la peine ni la joie.

Dre Holden : Ils ressentent la peine.

Le sénateur Fairbairn : Votre commentaire m'a frappée car nous avons, il y a quelques jours, reçu un panel composé de quatre adultes autistes. J'avais trouvé très courageux de leur part de venir ici. Un jeune homme nous a assez gaiement dit qu'il ne nous fallait pas nous inquiéter des difficultés qu'il vivait, qu'il parviendrait très bien à se débrouiller. Ils se sont tous si bien débrouillés avec leurs exposés et leurs réponses que je leur ai demandé s'ils partageaient avec d'autres cette aptitude et ces efforts qu'ils déployaient dans leur quotidien. Ce jeune homme, avec qui j'ai discuté par la suite, avait dit comprendre. Cela lui avait plu de faire son exposé et il était particulièrement heureux de passer à la télévision. Il a été très ouvert, et nous le disait lorsqu'il éprouvait des difficultés devant nous. Il m'a dit par la suite que s'il lui était possible de continuer de travailler là-dessus et de s'améliorer, cela lui plairait beaucoup de faire de la télévision. C'était un commentaire positif, axé sur l'avenir, et il était de très bonne humeur.

D'un autre côté, à l'autre bout de la table, il y avait un type qui avait de la difficulté; je pense que la séance a été difficile pour lui, comparativement aux autres. J'ai bavardé un petit peu avec lui par la suite et je l'ai vu s'épanouir un petit peu, disant qu'il avait dérapé un petit peu en répondant à la question qu'on lui avait posée pendant qu'il était à la table; mais il a dit qu'il avait donné des discours à différents groupes au sujet de ce qu'est l'autisme. Il a dit avoir réellement pris plaisir à cela et qu'il espérait que davantage de gens lui en feraient la demande.

Dre Holden : Ces temps-ci, l'on entend surtout parler de familles avec de jeunes enfants qui cherchent désespérément des services. L'on n'entend pas trop souvent parler de familles avec des adultes, car l'on se concentre sur les interventions précoces.

De nombreux enfants atteints de TSA sont comme mon frère, lorsqu'il était jeune. Mon frère est peut-être l'une des personnes les plus heureuses que je connaisse, mais lorsqu'il était jeune il se tapait sans cesse la tête contre le mur. Il s'infligeait des blessures. Il n'a jamais blessé quelqu'un d'autre. Il était très frustré, car il essayait désespérément de dire des choses. Nous avons appris alors qu'il avait 48 ans qu'il a une déficience auditive. Il n'y a aucune excuse pour le fait que notre système médical ait trahi mon frère pendant 50 ans; il n'y a vraiment aucune excuse pour cela.

Je ne crois pas que sa situation doit atypique. Nous avons entendu dire que l'autisme est hétérogène. Nous comprenons cela. Cependant, nous ne comprenons pas les vrais facteurs qui ont précipité l'autisme dans les différents cas, sauf lorsque nous savons que nous sommes en présence des gènes spécifiques qui sont liés aux troubles du spectre de l'autisme, et il y en a certains.

Dans le cas de mon frère, nous ne savions pas que son ouïe avait diminué. Aujourd'hui, il existe pour les jeunes enfants des évaluations de l'audition et de l'ouïe, pour déterminer s'ils parviennent ou non à traiter les sons. Le problème de mon frère était qu'il n'entendait pas bien et qu'il ne traitait pas non plus très bien les messages. Les enfants autistes sont nombreux à ne pas traiter le langage de la même façon que les autres enfants. Il nous faut donc leur donner du temps. Encore aujourd'hui, lorsque mon frère veut parler, il lui faut du temps lorsque nous nous adressons à lui. Combien d'entre nous prenons le temps qu'il faut avec les personnes âgées, sans parler des personnes handicapées, pour leur dire les choses lentement, afin qu'elles puissent suivre ce que nous disons?

Mon frère devient frustré, mais il est en même temps heureux. Cela lui fait plaisir de montrer aux gens les progrès qu'il a faits : il y a trois ans, il était totalement analphabète, mais aujourd'hui il peut dactylographier des mots et nous parler des choses qui l'intéressent. Il a fait cela à l'Université Queen's. Je n'avais jamais été aussi fière de mon frère. Assis à mes côtés, il était la vedette. Il était en train de montrer aux 150 personnes dans la salle comment il avait appris à épeler des mots, que ce soit « chat », « Vancouver », « Sechelt » ou « Shania Twain » ou d'autres choses encore. Et il réussit à faire cela en l'absence de la capacité de comprendre le langage comme nous, avez la phonétique. Tout ce qu'il fait, il le fait de mémoire.

Il est heureux. Il est très heureux. Si seulement nous tous pouvions vivre, ne serait-ce que cinq minutes, la joie qui l'habite durant toute la journée. Si seulement nous pouvions également comprendre la frustration que ressentent les personnes atteintes de TSA lorsqu'elles ne parviennent pas à se faire comprendre. Une partie de la raison pour laquelle mon frère a besoin d'interaction individualisée est qu'il y a des gens qui ne le comprennent pas. Lorsqu'il participe à un programme de jour et que les gens ne le comprennent pas et qu'il sait que d'autres personnes y parviennent, en dépit de sa difficulté à prononcer certains mots, il ne parvient pas à comprendre pourquoi. Il utilise le même mécanisme quel que soit son interlocuteur.

Il importe que nous appréciions les dons qu'ils ont et leur capacité d'être heureux. Il nous faut également comprendre que nombre de ces enfants souffrent de problèmes médicaux qui ne sont pas reconnus. Peut-être qu'ils s'expriment par des mises en acte ou qu'ils éprouvent des difficultés du fait de souffrir de problèmes médicaux qui n'ont pas été reconnus. Il nous faut nous demander ce qui cause ces comportements. Ces enfants veulent-ils tout simplement être vilains et fatigants? Non. Il y a une raison. Ils sont ou intellectuellement frustrés ou affaiblis par des troubles médicaux. Il importe de tenir compte de tous ces facteurs.

Oui, ils peuvent vivre la douleur. Oui, ils peuvent vivre l'amour. Mon frère apporte du thé à ma mère chaque soir, et il sait que c'est ce dont elle a besoin. Ces enfants sont très émotifs; tout simplement, ils ne manifestent pas leurs émotions de la même façon.

Mme Fleming : Je voulais dire quelque chose au sujet des panélistes que vous avez entendus plus tôt cette semaine, car cela fait trois ans que la Société canadienne d'autisme travaille fort pour devenir plus inclusive, et certains des militants pour les personnes handicapées nous y ont aidés. Car les besoins de notre communauté sont très divers. Michelle Dawson, que vous avez rencontrée, et d'autres encore nous ont aidés à comprendre qu'il importe d'être inclusif et de trouver une voix pour les personnes autistes autour de la table.

Nous avons lancé ce travail il y a quelques années en créant un comité consultatif de personnes atteintes de TSA. Nous nous sommes pour la première fois rencontrés en personne en septembre de cette année; c'est alors que notre conseil a eu l'occasion de se réunir. Ces personnes sont appuyées par le Dr Kevin Stoddard, qui travaille avec des adolescents et des adultes atteints du syndrome d'Asperger et des autistes à fonctionnalité élevée. Ils sont revenus avec de nombreuses recommandations pour nous. Je n'ai pas pris le temps aujourd'hui de les passer en revue.

Kristian Hooker est le plus jeune membre de notre conseil d'administration. Il a participé au panel que vous avez entendu l'autre jour; il est venu accompagné de sa mère. Il est très au courant des besoins en matière de logement, qui figurent parmi les besoins des personnes handicapées. M. Hooker préside également notre comité consultatif. Vous avez également entendu Brigitte Harrisson, qui est sans doute l'une des personnes autistiques les plus fonctionnelles que vous puissiez jamais rencontrer. Elle est travailleuse sociale, elle offre de la formation et elle fait toutes sortes de travail éducatif. Elle est absolument débordée au Québec, mais elle apporte beaucoup d'espoir et d'information, du point de vue des autistes. Jason Oldford siège lui aussi à notre comité consultatif.

Il est important de reconnaître que l'inclusion de ces personnes suppose énormément de travail. Ce n'est peut-être pas aussi difficile pour certains que pour les autres, mais nous savons que leur inclusion dans notre société exige un engagement à long terme et une capacité de prévoir des accommodements et des services. Nous ne disposons pas toujours de l'argent et des budgets nécessaires pour notre société et pour d'autres organisations.

J'ai été très fière de ces personnes et heureuse que les sénateurs aient eu l'occasion de les rencontrer, mais il vous faut également savoir qu'il y a des personnes qui ne seraient pas en mesure de faire la même chose. Les personnes que vous avez rencontrées ont une fonctionnalité élevée et font une contribution. M. Hooker m'a dit être très heureux. Il a 23 ans. Il travaille dans un magasin et son objectif était de devenir caissier. Il m'a annoncé cette semaine qu'il a été promu caissier, et qu'il travaille ainsi directement avec le public.

Il y a de l'espoir. Les personnes atteintes d'autisme peuvent participer à part entière à la société.

Le président : Quel pourcentage d'adultes autistes seraient selon vous en mesure de faire ce qu'ont fait les membres du panel l'autre jour? Est-ce un petit pourcentage ou un pourcentage élevé?

Mme Fleming : D'après ce que nous savons, je dirais qu'ils sont plus nombreux que nous ne le pensons. Les autistes sont plus nombreux qu'on le pense. Ils n'ont pas tous reçu un diagnostic. Des adultes autistes qui ont reçu leur diagnostic alors qu'ils étaient âgés dans la trentaine, la quarantaine ou la cinquantaine, font appel à moi; nous savons que ces personnes sont dans la société et qu'ils fonctionnent, peut-être bien, peut-être moins bien. Nous n'en connaissons pas le nombre. Nous ne disposons d'aucune statistique.

Dr Szatmari : Nous avons des statistiques là-dessus. Le Dr Bryson et moi-même suivons un groupe de personnes autistiques à fonctionnalité élevée qui souffrent de troubles du spectre de l'autisme depuis l'âge de quatre à six ans et qui sont aujourd'hui âgés de 19 à 21 ans. Il y a un groupe de jeunes adultes atteints du syndrome d'Asperger et un groupe d'autistes à fonctionnalité supérieure. Environ 20 p. 100 des personnes atteintes du syndrome d'Asperger obtiennent des scores dans fourchette typique pour ce qui est de leurs aptitudes sociales et de communications. Les autistes ont des scores d'environ 5 p. 100 dans la fourchette type pour ce qui est de leurs aptitudes sociales et de communication. En dépit de cela, il leur faut aide et soutien pour aller à l'école, se trouver un emploi et vivre de façon indépendante. Ces personnes ont également besoin d'autres choses.

Le président : Il y a un si grand ombre d'aspects différents qu'il nous faut examiner. Nous savons que la province a pour rôle d'assurer les services de soins de santé et les services sociaux. Cela ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas y avoir un rôle fédéral. Nous discuterons de cela cet après-midi. La prestation des programmes et des services relève en tout cas du palier provincial.

Il y a beaucoup de divergences quant à la façon dont les provinces offrent ces services. Certaines d'entre elles se concentrent sur les programmes relevant du domaine social, tandis que d'autres se préoccupent davantage de la santé. Quelles sont vos idées et vos expériences en la matière, peut-être du point de vue de votre propre province? Quelle province offre selon vous le meilleur appui?

Pour ce qui est des traitements, la plus grosse discussion tourne autour de l'ACA et de l'ICI. Nous avons entendu divers commentaires au sujet de ces traitements. D'aucuns disent qu'il n'existe en vérité rien d'autre qui soit axé sur des preuves et qui soit suffisant; d'autres disent qu'il y a des variations pour tout le monde. Il existe un si grand nombre de variantes individuelles, et l'ACA peut fonctionner pour certains, mais pas pour tous. Dans le cadre de l'élaboration de la stratégie nationale pour l'autisme, quelle importance devons-nous accorder à ces traitements?

Dre Bryson : Premièrement, l'ACA renvoie en réalité à un ensemble de principes : les principes de l'analyse comportementale appliquée ou principes d'apprentissage. Ces principes peuvent être appliqués de diverses façons. La méthode traditionnelle repose sur ce que l'on appelle l'apprentissage discret par essais, l'enfant étant assis à une table avec le thérapeute, et c'est le thérapeute qui dirige tout ce qui se passe. Peu importe ce à quoi s'intéresse l'enfant. Il a un programme à suivre, et l'enfant est assujetti à quantité d'essais pour apprendre des choses comme les couleurs, les formes, les grandeurs.

Voilà quelle est une application des principes d'apprentissage, ou des principes d'analyse comportementale appliquée. C'est sans doute cette application qui a fait couler le plus d'encre, mais ce n'est qu'une application. Je crains que nombre des adultes que vous ayez entendus aient exprimé des doutes quant à cette méthode très traditionnelle et, en un sens, rigide d'appliquer les principes d'ACA.

Je ne veux pas dire qu'il y a d'autres moyens d'utiliser les principes de l'apprentissage. Les principes de l'apprentissage sont un fait scientifique. Nous faisons des choses qui nous font nous sentir bien. Nous faisons des choses qui résultent en des conséquences positives plutôt qu'en des conséquences négatives. Ce sont là des faits. Nous appliquons toujours ces principes, que nous nous en rendions compte ou non, lorsque nous avons des interactions avec d'autres.

Cet ensemble de principes peut être appliqué d'autres façons. Il importe que vous sachiez cela, car les gens en sont arrivés à considérer l'ACA comme étant synonyme d'apprentissage discret par essais. Il ne s'agit là que d'une application. En fait, la littérature disponible regorge de preuves de l'efficacité de l'application de ces principes de manières différentes, dans des contextes naturalistes, au fur et à mesure de l'apprentissage par les enfants, et de l'utilisation de techniques très positives, comme par exemple l'exploitation de la motivation inhérente des enfants, l'écoute plus attentive de l'enfant dans ce qu'il nous dit et la mise à profit de ce qui le fait se sentir bien et heureux. Nous savons tous que nous apprenons mieux dans de telles circonstances.

J'estime qu'il n'est pas trivial du tout mais, au contraire, très important que les gens autour de cette table comprennent cela. Beaucoup des réactions que vous avez entendues concernent ce que j'appelle l'application traditionnelle et quelque peu dépassée des principes d'ACA. Même certains comportementalistes chefs de file dans leur domaine jugent qu'il nous faut utiliser ces principes de façon plus positive et dans des circonstances naturalistes.

[Français]

Dr Mottron : Je crois que, malgré les bémols très utiles que vient d'amener Mme Bryson, il est toujours important de souligner que, dans l'état actuel des connaissances, qui est l'état qui va être déterminant pour le choix des répartitions budgétaires, il n'existe pas de démonstration solide liant la durée des interventions avec le résultat à l'âge adulte. Je ne pense pas qu'on puisse nier cela.

Ce serait peut-être sans importance si les sommes en jeu n'étaient pas si importantes; mais comme, lorsqu'on décide de faire l'intervention précoce, on n'y va pas par quatre chemins — on demande des interventions de 30 heures et autres — l'aspiration budgétaire réalisée par ces décisions est absolument considérable. C'est pourquoi j'insiste beaucoup sur l'absence de travaux scientifiques que l'on peut mettre en regard de l'importance des choix budgétaires qui sont à faire à ce moment-là.

[Traduction]

Mme Ivanco : Vous avez posé une question au sujet des traitements. J'aimerais soulever l'aspect sémantique. Si vous avez une infection, le traitement sera un antibiotique qui éliminera l'infection. Nous ne disposons pas d'un réel traitement pour les TSA; nous avons des interventions. Il importe de se rappeler cette question sémantique, car nous avons un objectif plus ambitieux, celui de possiblement offrir des traitements. L'ACA et certains autres programmes sont fabuleux du fait des principes, comme l'a indiqué la Dre Bryson. Cependant, il importe de ne pas oublier la question sémantique.

Dre Holden : Il est également vrai que nous ne refuserions pas de la chimiothérapie à un enfant atteint de leucémie du fait que nous ne sachions pas quelle incidence cela pourrait avoir sur lui dans 30 ans, et nous avons fait de même avec quantité d'autres types de traitement. L'objectif est toujours de faire parvenir l'enfant à un certain âge critique. Cela peut vouloir dire que vous enseignez un certain langage à ceux qui n'en ont pas; nous ne pouvons réellement pas leur refuser cela. Je comprends tout à fait ce que dit le Dr Mottron, c'est-à-dire qu'il y a de nombreuses personnes hautement fonctionnelles qui veulent demeurer fidèles à elles-mêmes, en tant qu'individus. Je ne pense pas que quiconque veuille enlever cela à qui que ce soit. L'autisme renferme des qualités qui sont absolument merveilleuses. Ce n'est pas que quiconque veuille les éliminer, pas du tout. Cependant, il y a d'autres complications qui s'ensuivent, comme par exemple l'automutilation qui résulte du fait d'être frustré, le fait de se taper la tête et peut-être de s'infliger d'autres blessures. C'est cela que nous voulons éliminer, et c'est pourquoi nous tenons à veiller à ce que l'enfant qui ne possède pas de langage en acquière un. Cela est important pour moi.

M. Yu : La question de savoir si l'ACA est efficace est l'une des plus controversées. L'étude originale du Dr Lovaas, publiée en 1987, rapportait qu'un assez bon nombre d'enfants — neuf sur 19, si je me souviens bien — avaient atteint un QI normal ou presque après 40 heures d'interventions hebdomadaires sur plus de deux ans.

Depuis, plusieurs évaluations ont été publiées dans des revues évaluées par des pairs. La proportion de réussite rapportée dans des évaluations subséquentes a varié selon les études. Aucune d'entre elles n'a approché de l'étude Lovaas originale pour ce qui est du nombre ou de la proportion d'enfants manifestant des gains importants, modérés ou faibles. Cependant, l'on relève plusieurs différences dans les évaluations subséquentes. Aucune d'entre elles ne s'est approchée de l'étude originale sur le plan intensité, exprimée en nombre d'heures de traitement par semaine. Certaines d'entre elles sont restées très loin pour ce qui est de la durée du traitement, c'est-à-dire du nombre d'années pendant lesquelles les enfants avaient bénéficié de traitement.

Les preuves, prises ensemble, sont cependant probantes. Chaque étude comporte, certes, certaines faiblesses. Tous les scientifiques autour de cette table savent que nous pourrions prendre n'importe quel article revu par un comité de lecture et y trouver des faiblesses. Il importe de regarder toute la masse de documentation qui s'accumule. Prises collectivement, les preuves sont probantes. Elles nous donnent suffisamment de matière avec laquelle travailler, en attendant que nous nous améliorions, mais je pense que les avantages pour les enfants sont aujourd'hui suffisants pour que nous utilisions ces outils.

Dr Szatmari : J'aimerais répondre à votre question au sujet de la variabilité selon la province. Il y a des variations énormes d'une province à l'autre, depuis Terre-Neuve jusqu'à la Colombie-Britannique. À mon avis, personne n'a encore tout bon, mais tout le monde y est presque. Si tous se mettaient ensemble et discutaient de ces divergences, il serait possible d'en arriver à un consensus, et la moyenne qui en ressortirait serait peut-être quelque chose qui pourrait être mis en œuvre à l'échelle du pays.

D'après ce que je comprends, les provinces divergent de trois façons différentes. Premièrement, nous ne parlons ici que de l'ICI, c'est-à-dire intervention comportementale intensive, dans les premières années, ce qui est une forme d'ACA, distinction qu'a fait ressortir la Dre Bryson. Une différence a à voir avec l'admissibilité. Qui est admissible? En Ontario, seuls ceux qui sont à l'extrémité sévère du spectre sont admissibles à des interventions comportementales intensives précoces. J'ai 25 années d'expérience dans le domaine, mais je n'ai pas la moindre idée de ce qu'est l'extrémité sévère du spectre, car tout le monde est gravement atteint. Cela n'est pas logique pour moi. C'est difficile.

Deuxièmement, dans d'autres provinces, l'appui n'est destiné qu'aux personnes autistiques. La distinction entre autisme, trouble envahissant du développement non autrement précisé, TED-NOS et syndrome d'Asperger est purement théorique. Les universitaires ne parviennent pas à s'entendre. C'est pourquoi cela n'est pour moi pas logique. D'autres provinces reconnaissent comme admissibles tous les enfants s'inscrivant dans l'éventail des troubles du spectre de l'autisme. C'est là une variante.

La deuxième variante concerne le fait que des interventions soient assurées par un centre régional ou qu'un financement soit accordé à la famille pour que la famille se procure alors les services disponibles. Il existe diverses approches en la matière. En Ontario, les services ne sont assurés que par neuf centres régionaux éparpillés dans la province. En Alberta et en Colombie-Britannique, l'argent est remis à la famille et celle-ci doit elle-même se procurer les services, ce qui constitue pour elle un fardeau écrasant. Le diagnostic lui-même est écrasant. Essayez de trouver quelqu'un qui vous offre les services requis est également écrasant.

Viennent ensuite les interventions basées sur l'expérience clinique et les interventions non basées sur l'expérience clinique. Dans les provinces où il est possible de faire le tour du marché pour obtenir les services, les gens sont encouragés à obtenir des services qui ne soient pas du tout basés sur l'expérience clinique; en d'autres termes, il n'y a absolument aucune preuve que ces services soient efficaces, pertinents ou rentables dans quelque circonstance que ce soit.

Mme Perry : J'aimerais revenir sur certains des points qui ont été soulevés. Il existe certainement des variantes en matière d'analyse comportementale appliquée qui s'inscrivent sous l'ombrelle de l'intervention comportementale intensive. Il s'agit, là encore, d'un éventail de compétences en évolution.

Je maintiens qu'il existe d'assez solides preuves en faveur de l'efficacité de l'ICI pour les enfants d'âge préscolaire, mais l'on ne dispose pas de beaucoup de preuves, dans un sens ou dans l'autre, quant à son application à long terme. Même dans le cadre des petites études à qualité élevée, les résultats sont variables. Il importe de se rappeler que, bien que ce soit ce qu'il y a de mieux à certains égards, ce n'est pas une panacée.

Les études d'efficacité déterminent si une chose ou une autre peut fonctionner en situation relativement idéale. Il s'agit en règle générale d'études limitées, comme l'étude Lovaas, dont a parlé le Dr Yu, où les enfants sont sélectionnés et les thérapeutes sont choisis et supervisés d'une façon bien précise. Il s'exerce ainsi beaucoup de contrôle sur de nombreuses variables. Dans le cadre de ces études d'efficacité, l'ICI à intensité élevée s'est avérée être plus efficace que les interventions à faible intensité dans le cas des groupes de contrôle ayant reçu des quantités limitées d'interventions et plus efficace également que les formes éclectiques d'intervention offertes aux enfants au sein de la communauté. Il y a eu à ce jour deux études de bonne qualité qui ont montré que les enfants obtenaient de meilleurs résultats avec l'ICI comparativement à des interventions équivalentes dans le cadre d'une approche d'éducation spécialisée de qualité élevée. Voilà ce que nous pouvons dire au sujet de l'efficacité de l'ICI. Reste à savoir si cela fonctionnera dans le monde réel, dans le cadre de conditions types — il s'agit là d'une tout autre question.

Nous ne savons que très peu de choses quant à l'efficacité de l'ICI dans le monde réel. Il a récemment été mené un sondage dans le but de déterminer quelles techniques particulières utilisent les prestataires de services du secteur privé en Amérique du Nord. Nous ne savons que peu de choses au sujet de ce que font les gens, sans parler de l'efficacité de ce qu'ils font.

Nous ne sommes donc pas très bien renseignés. Si l'on s'appuie sur les rares études qui ont été publiées relativement à l'efficacité et qui ne sont pas affiliées à un programme modèle ou à un centre d'études, les preuves indiquent que les résultats sont sans doute bons, mais inférieurs; en d'autres termes, les enfants marquent certains gains, mais ceux-ci ne sont pas aussi importants. Il importe que l'on finance au Canada des recherches sur l'ICI.

L'on commence à faire des études en la matière en Ontario. Il reste encore à faire du travail méthodologique quant aux modèles de recherche, étant donné que ce genre de recherche est plus confus et moins concluant. L'étude de dossiers que je viens de terminer révèle que les issues sont variables, qu'environ 75 p. 100 des enfants manifestaient des gains mesurables positifs, qu'environ 25 p. 100 d'entre eux montraient des gains très conséquents, mais qu'environ 25 p. 100 ne manifestaient aucun gain quel qu'il soit.

Ce n'est pas une panacée pour l'ensemble des enfants, et il importe de s'en rappeler. Il ne sera pas forcément plus efficace de maintenir à très long terme des interventions de qualité élevée, de forte intensité et coûteuses. C'est la chose la plus efficace que nous puissions faire à l'heure actuelle pour les jeunes enfants, mais ce n'est pas la solution miracle à tous les problèmes.

Dr Zwaigenbaum : J'aimerais enchaîner sur la question des différences à l'échelle du pays et sur celle de savoir s'il existe un rôle national. Il y a des différences en matière d'admissibilité aux services, et il y a également des différences quant aux services de qualité élevée, fondés sur des preuves cliniques et efficaces qui sont en train d'être mis au point et offerts.

Nous avons ce matin entendu parler d'exemples de nombre de programmes novateurs qui ont réussi dans différentes régions du pays. En plus de la nécessité de prévoir une moyenne, soit des normes et des principes de base en matière d'intervention, il nous faut veiller à ce que soit consenti un effort beaucoup plus concerté en vue de partager nos réussites et nos innovations et d'en arriver à quelque chose qui soit supérieur aux parties composant le tout.

J'aimerais insister sur l'importance que nous ayons une perspective nationale. Je pense que le comité a plusieurs fois entendu parler de familles se déplaçant d'une région du pays à une autre. Il y a eu beaucoup de discussions quant à la difficulté de telles décisions. Il n'est pas clair que les familles recevront forcément de meilleures interventions dans une province par rapport à une autre. Tout cela fait néanmoins ressortir l'urgence de la situation. Je n'ai en tête aucune autre situation dans laquelle une famille quitterait une province en faveur d'une autre du fait d'une perception de différence dans les services. Bien que nous ne puissions pas dire qu'une province est forcément meilleure qu'une autre, la perception des besoins et de l'urgence de la situation devraient nous pousser à bouger.

Dr Fombonne : Il importe de se rappeler qu'il y a 10 ou 15 ans, nous ne disposions d'aucune étude d'efficacité dans le domaine des interventions psychosociales, mais que nous avons aujourd'hui des études répétées qui en montrent l'efficacité Il est vrai que tous les enfants n'ont pas bénéficié de telles interventions, mais cela n'est pas particulier à notre domaine. En médecine, lorsque nous prescrivons un antidépresseur, le taux de réponse est de 70 p. 100. Si nous n'avions pas effectué ces études, nous ne serions pas en mesure de soigner la dépression. Cela n'est pas particulier à l'autisme ni à l'ACA; il s'agit simplement d'un constat général.

Lorsque vous avez posé vos questions au sujet des comparaisons entre provinces, je me suis rendu compte que je suis préoccupé par les différences au sein de ma propre province en matière d'accès au traitement par les différentes classes sociales. La pénurie de ressources que l'on sait est sur le point de créer une situation d'inégalité sociale en matière d'accès au traitement.

Mes patients à Montréal qui appartiennent à des classes sociales inférieures sont sur les listes d'attente, où ils crépissent. Mes patients aisés ont tout de suite accès à des services privés. Ils réhypothèquent leur maison, car ils ont une maison à réhypothéquer. Je constate sans cesse cela, en plus de la difficulté de desservir les enfants vivant en région rurale. Il est une histoire au sujet des différences en matière d'accès au traitement en fonction de la classe sociale et qui mérite d'être racontée, bien que je ne dispose d'aucune donnée en la matière.

Le président : Ce que vous dites est intéressant.

Nous allons maintenant nous arrêter pour le déjeuner. Nous nous concentrerons après le déjeuner sur la voie de l'avenir. J'aimerais que vous tous arboriez un chapeau de sénateur et nous disiez ce que vous recommanderiez si vous siégiez au comité. Que faudrait-il intégrer à une stratégie nationale sur l'autisme? Quel est le rôle du gouvernement fédéral en la matière, et de quelle façon le gouvernement fédéral pourrait-il jouer un rôle de chef de file en vue de trouver des solutions à nombre des défis que vous avez soulevés aujourd'hui? Et ils sont nombreux.

Le comité suspend ses travaux pour le déjeuner.

Le président : Cet après-midi, il nous faut lever la séance à 15 heures, car certains d'entre nous avons des avions à prendre. C'est là notre couperet. Concentrons-nous sur la voie de l'avenir. Votre ordre du jour fait état de certaines des questions qu'il importe que nous abordions.

Notre séance d'aujourd'hui sera la dernière occasion pour le comité d'échanger avec des gens au sujet de l'autisme. Il nous faudra par la suite discuter entre nous ainsi qu'avec nos recherchistes en vue de l'élaboration de certaines recommandations.

Je pense que nous tendons vers une stratégie nationale pour l'autisme. Nous avons relevé le fait que le gouvernement fédéral a élaboré des stratégies dans d'autres secteurs, par exemple dans la lutte contre le cancer et le diabète, bien que nous sachions que la prestation de ces services relève de la compétence des provinces.

Il existe des façons dont le gouvernement fédéral peut intervenir. Je pense que nous sommes enclins à faire cela. Une suggestion qui a été mise de l'avant par certains, et qui nous inspire, je pense, bien que certains membres du comité ne soient pas forcément d'accord, est que nous demandions une modification à la Loi canadienne sur la santé afin d'y inclure l'autisme. La Loi canadienne sur la santé ne fait état d'aucun trouble ni maladie.

Les gens sont nombreux à nous faire part de leur désir que nous fassions quelque chose de profond et d'efficace. Ils y voient peut-être la solution. Cela n'est sans doute pas réaliste, mais une stratégie nationale pour l'autisme est réaliste. Une motion de la Chambre des communes demandant que le gouvernement élabore une stratégie nationale pour l'autisme a en fait tout juste été adoptée l'autre jour.

Jusqu'ici, nous n'avons entendu que peu de choses de la part du gouvernement. Il me faut me surveiller afin de ne pas être partisan. Tony Clement, le ministre de la Santé, a fait quelques déclarations. L'une de ses recommandations a été un symposium pour 2007. Il a fait un certain nombre d'autres recommandations. Nous comptons également recevoir de lui un document sur cette question dans les jours qui viennent. Nous aurons peut-être alors une meilleure idée de ce qu'envisage en la matière le ministère de la Santé.

Nous sommes en mesure de faire avancer ce dossier avec le gouvernement en soulignant ce qu'il importe selon nous de faire.

De nombreux aspects s'inscrivent à l'intérieur du cadre d'une stratégie nationale pour l'autisme. C'est ici qu'il nous faut vos idées. Que devrions-nous recommander?

Nous avons parlé aujourd'hui de formation et de la pénurie de professionnels dans certaines disciplines, et nous avons entendu parler de l'importance de l'intervention précoce. Beaucoup a été dit au sujet de la prévalence de l'autisme et des statistiques.

Ce matin, vous nous avez beaucoup éclairés quant à la situation de l'autisme au Canada. Il nous faut maintenant décider des recommandations que nous voulons faire. Vous vous rappelez que ce matin je vous ai demandé d'arborer un chapeau de sénateur et de vous demander ce que vous feriez à notre place.

Le sénateur Keon : Nous n'avons pas reçu de rétroaction suffisante au sujet de la psychopharmacologie de l'autisme et de la gestion psychopharmacologique des enfants autistiques. Cet aspect devrait figurer dans notre rapport. Le Dr Wendy Edwards en a brièvement fait état ce matin, mais cette question n'a pas figuré sur l'écran radar des témoins qui vous ont précédés. J'ai pensé que cela vous intéresserait peut-être de discuter un petit peu de la question de savoir si cela devrait figurer dans notre plan. Selon moi, ce le devrait.

Le président : Aimeriez-vous avoir une discussion à part là-dessus, ou bien devrais-je demander aux témoins d'inclure cela dans leurs commentaires sur la vision d'avenir?

Le sénateur Keon : Vous pourriez peut-être faire cela. C'est vous le président.

Le président : Très juste. Y a-t-il d'autres choses, sénateurs, sur lesquelles vous aimeriez des explications?

Le sénateur Cook : Le ministre ayant dit que la question des TSA avait été renvoyée au comité, j'aimerais savoir ce que vous tous pensez des cinq points mis en relief dans sa déclaration.

Il a dit que nous parrainerions un symposium des parties prenantes en matière de TSA en 2007. C'est très bien.

Il a évoqué l'examen de l'établissement d'une chaire de recherche. Devrait-il s'agir d'une chaire indépendante? Cela devrait-il faire partie de Santé Canada? À quelle structure devrait être intégrée cette chaire? Je crois fermement qu'elle devrait s'inscrire dans une relation.

Il parle de lancer un processus de consultation et de la faisabilité de l'élaboration d'un programme de surveillance. Avez-vous fait des pas en ce sens? Comment cela s'imbrique-t-il dans le reste?

Il parle de créer une page Web réservée sur le site de Santé Canada. J'ai entendu plusieurs d'entre vous nous dire ce matin que certains des renseignements figurant sur le Web ne sont pas justes. J'aimerais savoir d'où proviennent ces renseignements.

Le ministre parle de désigner la Direction générale de la politique de la santé de Santé Canada comme secteur directeur au niveau du portefeuille fédéral en matière de santé. J'aimerais également entendre vos commentaires là- dessus.

J'aimerais par ailleurs connaître vos idées au sujet du financement. Comment envisagez-vous le financement d'une stratégie nationale? Celle-ci devrait-elle être autonome? Quel sera l'échéancier? Devrait-il être de trois ans ou de cinq ans?

C'est là l'engagement du ministre. J'aimerais savoir ce qu'ont à dire les experts quant à l'intégration de cette stratégie dans la planification future. Je ne prétends ni connaître ni comprendre les données scientifiques que j'ai entendues ce matin. Je sais cependant que c'est en se frayant un chemin qu'on se le fait. Y a-t-il sur ce chemin de nombreuses pierres d'achoppement dont nous devrions régler le sort pour faire aboutir la stratégie?

Le président : Ce sont là des questions supplémentaires fort utiles qui vous sont soumises par les sénateurs Cook et Keon, en complément de ce que je vous ai demandé.

[Français]

M. Giroux : Je voudrais faire devant vous une réflexion sur des éléments possibles et, de fait, des éléments nécessaires d'une éventuelle stratégie nationale de l'autisme. Je me permets d'attirer votre attention sur la page 13, encadré 25, du mémoire que j'ai distribué ce matin, dans lequel j'ai listé ces éléments qu'il me semble incontournable et impérieux de considérer.

La première question à laquelle une stratégie nationale doit apporter des réponses, c'est l'accès aux services de diagnostic, puisque c'est la porte d'entrée vers le traitement, et en même temps l'accès aux services de soutien, car il y a des centaines de familles canadiennes qui vivent le stress insupportable de la présence d'enfant autistes en leur sein.

Ma première recommandation est que la stratégie nationale devrait fournir des moyens pour une accélération des filières d'accès diagnostic et pour une augmentation des provisions et des services de soutien aux parents.

Le deuxième élément, ce serait d'établir ou de promouvoir l'augmentation de l'intensité et de la qualité des programmes d'intervention comportementale intensive, qui laissent à désirer un peu partout. Je ne vais parler que du Québec; connaissant très bien la situation au Québec, je peux vous dire que nous sommes en-deçà des standards minimum que la discipline de l'analyse appliquée du comportement recommande.

Par exemple, au Québec, 550 enfants sont dans le réseau public de l'intervention comportementale intensive; ils reçoivent en moyenne 14 heures d'intervention par semaine, en dépit même du fait que la politique officielle du gouvernement est de donner, je la cite, « un minimum de 20 heures ».

De plus, dans un grand nombre d'établissements se développe une fâcheuse pratique qui consiste à amalgamer l'intervention comportementale intensive à différentes autres approches. Je pense qu'on doit corriger cette situation et rappeler aux praticiens de cette intervention qu'elle a été définie, scientifiquement validée, et qu'ils doivent agir selon les prescriptions, justement, des standards qui sont issus de la recherche. Il y a donc lieu de faire cette opération de mise à niveau des programmes et de l'augmentation du temps d'exposition des enfants.

J'ai estimé, plus loin dans le document, des coûts. J'ai fondé mon étude sur des données officielles et les taux de prévalence du Dr Fombonne, et je crois que, si on voulait donner tout de suite, à tous les enfants canadiens de deux à six ou sept ans atteints de troubles envahissants, l'intervention comportementale intensive dont ils ont besoin, il faudrait ajouter tout de suite de 25 millions à 350 millions de dollars. Les provinces font déjà un effort mais elles n'ont pas ces ressources financières additionnelles.

Par ailleurs, la disponibilité des ressources financières ne réglerait rien, dans le sens où il y a un manque de formation, un manque de main-d'œuvre qualifiée. C'est l'objet d'une autre recommandation de ma part pour la stratégie nationale de l'autisme.

On devrait créer, établir dans toutes les provinces canadiennes et territoires des centres d'expertise, des centres de démonstration et des centres de recherche pour former, perfectionner et enseigner, à tous les intervenants de toutes les sortes d'instances, comment pratiquer l'intervention comportementale intensive selon les standards qui sont les plus prometteurs, porteurs de résultats et d'efficacité.

Il y a là un réel problème et il est généralisé, je crois, à toutes les provinces et territoires du Canada. J'ai proposé que, dans la stratégie nationale de l'autisme, le gouvernement fédéral facilite, par des investissements incitatifs, l'établissement, la création de tels centres de pratique exemplaires en offrant à des universités canadiennes de prendre ces initiatives et en leur assurant les subsides nécessaires pour créer et opérer de tels centres.

Je rajouterai qu'après avoir répondu à ce premier ensemble de besoins urgents, il faudrait également que la stratégie inclue l'accès à des ressources d'analyse appliquée du comportement pour les personnes et enfants autistes âgés de plus de sept ou huit ans.

Je crois également que le système d'éducation comporte certaines lacunes à cet égard. Le système actuel d'éducation et les instances scolaires — particulièrement au Québec — offrent un service de soutien aux enfants diagnostiqués de troubles envahissants. Ce soutien se fait sur une base d'environ 15 heures par semaine. Pendant ces 15 heures une personne accompagne l'enfant en classe et agit comme une interface entre le professeur, le groupe et le programme. Toutefois, elle n'agit pas de façon systématique, selon les indications pourtant avantageuses de l'analyse appliquée du comportement. Je ne parle pas ici de l'intervention comportementale intensive de type Lovaas. Il faut aller vers des procédures plus génériques, différentes et qui sont proposées par la discipline de l'analyse appliquée du comportement.

Il en va de même pour les adultes autistes. Une stratégie nationale devrait être mise sur pied afin d'aider cette clientèle parmi les plus oubliées. Mon mémoire expose un peu la vie d'un adulte autiste vivant en résidence au Québec. Il s'agit d'un cas réel. Cette réalité est très affligeante. Je ne parle pas de personnes souffrant d'autisme de haut niveau ou des cas d'Asperger qui, avec de l'aide, réussissent à fonctionner. Je parle des autistes de type Kanner, des autistes classiques, qui ne finissent pas dans des institutions mais dans des résidences. Ces résidences sont de petites institutions reconstituées où les autistes ne reçoivent pas la stimulation susceptible de les rendre apte à maintenir leurs acquis, ni l'aide appropriée et professionnelle pour assurer leur développement.

On a vu dans un témoignage, ce matin, qu'un adulte autiste peut apprendre à parler à 50 ans. Il ne faut donc jamais abandonner.

Je crois qu'une stratégie nationale devrait être en mesure de comprendre que les adultes autistes sont capables de développement. Elle devrait assurer également une mise à niveau de la qualité de l'intervention provenant de l'analyse appliquée du comportement.

[Traduction]

Le président : Sénateur Munson, avant que vous n'arriviez, nous avons mis sur la table nos idées quant à ce dont nous aimerions que nous entretiennent nos invités, c'est-à-dire leur vision de l'avenir et ce qui devrait selon eux faire partie d'une stratégie nationale pour l'autisme. Avez-vous quelque chose à mettre de l'avant? Nous discutons pour le moment de thèmes généraux et non pas de questions spécifiques.

Le sénateur Munson : Deux points qui sont petits, mais néanmoins importants. J'aimerais traiter de la déclaration de M. Clement voulant que l'on « commence à explorer la création d'une chaire de recherche ». Qu'est ce que c'est que cela, Seigneur Dieu? « Commence à explorer? » Il faudrait plutôt dire que l'on va créer une chaire de recherche axée sur des traitements efficaces. C'est là ce que je pense. Je ne veux pas jouer à la politique — cette question est trop importante.

Ou nous payons maintenant, ou nous payons plus tard. J'aimerais que la table rectangulaire explore cela. J'ai 60 ans. Qu'adviendra-t-il des gens de la génération du baby-boom d'ici sept ou huit ans? Comment allons-nous faire pour payer pour tout ce dont ils auront besoin? Nous nous en occuperons plus tard. Il faut ou payer maintenant ou payer plus tard.

Le président : Collègues, pendant que les gens mettent de l'avant des commentaires ou des suggestions, s'il vous faut poser une question en vue d'obtenir un éclaircissement, faites-le-moi savoir.

[Français]

Dr Mottron : La suggestion que j'aimerais faire aux sénateurs va tout à fait à l'encontre de ce qui vient d'être proposé par l'orateur précédent. Il s'agit, au contraire, d'une rééquilibration des ressources existantes, entre adultes et enfants, qui tienne compte de l'inégalité des populations impliquées — il y a actuellement trois adultes pour un enfant. Cette rééquilibration comprendrait, en particulier, un accroissement considérable des ressources et éducateurs pour le support aux adultes dans les domaines de l'accès à l'emploi et de l'autonomie résidentielle. Je préconise la création d'emplois et de logements protégés — il s'agirait d'emplois dans des domaines de traitement d'information où les autistes excellent.

Parlons de la chaire qui serait consacrée au traitement effectif. Je trouve qu'il serait aussi malsain qu'un traitement effectif veuille dire un type de traitement particulier que si on consacrait une chaire de pharmacologie uniquement à l'aspirine.

[Traduction]

Dr Zwaigenbaum : Je vais, dans le sillage du sénateur Cook et du sénateur Munson, faire quelques commentaires au sujet de la déclaration initiale de Tony Clement. Nous sommes sans doute plusieurs à y avoir à certains égards un bon point de départ, mais cela ne constitue pas en soi une stratégie nationale pour l'autisme.

Premièrement, en ce qui concerne le symposium des différentes parties prenantes, il ressort clairement des commentaires entendus plus tôt aujourd'hui qu'il nous faut faire preuve de prudence et éviter de réinventer la roue. Il nous faut reconnaître les efforts qui ont été par exemple déployés dans la préparation du livre blanc et dans le cadre de la rencontre Canadian Autism Intervention Research Network avec un groupe de parties prenantes dans le but d'élaborer une stratégie. Je ne suis pas aussi au courant des activités d'ASD-CARC, mais je me demande s'il n'aurait pas des documents pouvant contribuer à cet aspect-là. Si nous devions participer à un symposium, il faudrait que celui- ci ait des objectifs clairs. Idéalement, j'aimerais voir un symposium visant des objectifs bien particuliers, par exemple la création d'une enveloppe financière spéciale pour l'autisme ou des consultations finales avec des parties prenantes au sujet de mécanismes et de priorités bien précises. Cela pourrait s'inspirer des efforts consentis par les National Institutes of Health, aux Etats-Unis, en vue de l'établissement de centres ou de programmes de réseautage particuliers axés sur la réalisation d'objectifs prioritaires clairs, de telle sorte qu'il soit véritablement possible d'apporter des changements dans les genres de recherches qui se font autour de l'autisme.

Deuxièmement, la création d'une chaire de recherche est, en principe, une bonne idée. Il est cependant important que l'on n'ait pas une chaire sans table et installée dans une maison vide. Nous avons déjà entendu parler de l'importance de la formation à la base dans toutes les facultés d'enseignement professionnel pouvant comporter un volet sur l'autisme. Nous avons également entendu parler de différents mécanismes de financement. La réalité est qu'aucun d'entre eux n'est approprié pour le financement de recherches en matière d'interventions destinées aux adultes ou aux jeunes enfants, compte tenu des ressources qui sont disponibles et des sensibilités des communautés scientifiques qui passent en revue les demandes.

J'aimerais beaucoup voir établi un ordre de priorité afin que nous puissions non plus parler des écarts en matière de preuves à l'appui de différents points de vue, mais de preuves plus détaillées relatives à des interventions efficaces pour enfants et adultes et de l'identification d'éléments pouvant réellement changer les choses pour les familles.

Je vais m'arrêter là. Le symposium ne doit pas être simplement une tribune pour l'échange de renseignements, mais plutôt quelque chose qui vise des objectifs bien précis et, idéalement, des résultats pouvant transformer le paysage de la recherche sur l'autisme.

Mme Fleming : J'aimerais répondre aux commentaires du sénateur Cook au sujet du communiqué de presse et de l'annonce faite il y a quelques semaines par le ministre Clement. Voulant m'abstenir moi-même de m'engager dans de la politique partisane, je suppose que nous pourrions dire qu'en tant qu'organisme national de bienfaisance nous œuvrons depuis cinq ans plutôt intensivement, dans la limite des ressources dont nous disposons, à l'éducation des députés et des sénateurs dans le but d'en arriver à une stratégie nationale pour l'autisme. Nous avons peaufiné cette stratégie au fil des ans avec la participation de nombre de nos partenaires. Il y a des parents et d'autres assis au fond de la salle qui ont eux aussi fait du travail là-dessus, et c'est pourquoi je considère qu'il s'agit d'un très solide mouvement émanant de la communauté d'intervention sur l'autisme et des parties prenantes.

Je pourrais vous faire lecture de ce en quoi croit la Société canadienne d'autisme, et j'ai évoqué cela dans mon exposé. J'estime en effet que la porte nous a été ouverte; cela fait des années que j'œuvre dans ce domaine, et c'est la toute première fois que j'entends un ministre dire qu'il importe de faire quelque chose pour l'autisme. Nous savons que beaucoup plus encore doit être fait. Un tout petit pas seulement a été franchi. Le ministre l'a lui-même dit. Il incombe à tous de veiller à ce que soit instauré le programme national et exhaustif dont nous avons besoin.

Pour ce qui est du symposium des parties prenantes, j'étais là lorsque le ministre a fait les déclarations que l'on sait et je n'ai pas eu le sentiment qu'il nous limitait au simple échange de renseignements. La Société canadienne d'autisme aimerait en fait voir convoquer une conférence des premiers ministres fédéral, provinciaux et territoriaux, et pas simplement une conférence des ministres de la santé. Nous continuerons de pousser en ce sens à l'occasion de toutes nos rencontres avec le ministre et des fonctionnaires du ministère de la Santé. Comme nous l'avons entendu dire, l'autisme n'est pas un dossier qui est simplement limité au ministère de la Santé; cela a une incidence sur l'éducation, les services sociaux, le droit, le ministère de la Justice et la fiscalité, dont nous n'avons même pas parlé aujourd'hui. Le sénateur Callbeck a déjà soulevé la question des ramifications fiscales pour les gens.

Beaucoup de choses doivent être faites. Je pense qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, mais ce n'est qu'un pas. Je ne pense pas que cela couvre toutes les questions. Nous ne voulons pas voir une stratégie exhaustive tomber de la table en échange d'une ou deux choses seulement.

En ce qui concerne le commentaire du sénateur Munson au sujet de la création d'une chaire en matière d'autisme, je pense que les collègues autour de cette table sont en fait les chercheurs. Je sais, m'appuyant sur mes conversations avec eux, que certains d'entre eux ne sont pas aussi convaincus de la nécessité d'avoir une chaire, surtout, comme l'a dit le Dr Zwaigenbaum, s'il n'y a pas de table ni de nourriture ni de vêtements y correspondant. Peut-être que nous parviendrons à encourager le ministre à faire plus de consultation et à élaborer une approche davantage coopérative adaptée à nos besoins réels.

La dernière chose dont j'aimerais parler est la question de la durée de vie. Je sais que votre étude a porté sur le traitement de l'autisme. Bien sûr, le traitement est un bien grand mot sous lequel s'inscrivent appuis et adaptations. Nous croyons en effet qu'il importe de lancer le processus; nous n'en sommes pas à l'année dix de notre stratégie. Nos collègues qui œuvrent dans le domaine du cancer vous diront que cela leur a pris autant d'années pour élaborer une stratégie exhaustive. Nous en sommes à l'an un, alors il nous faut célébrer le fait que nous en soyons au moins à la première année et il nous faut nous demander ce qu'apporteront les années à venir. Notre vœu serait que nous puissions passer à l'étape suivante.

L'appui pour les traitements est, bien sûr, essentiel. La Société canadienne d'autisme se penche sur les questions de durée de vie, mais cela ne veut pas dire que nous ne croyons pas qu'il faille commencer avec les enfants chez qui l'on a diagnostiqué l'autisme. L'élaboration d'une stratégie constitue une tâche énorme. Il est formidable que le comité sénatorial fasse enquête sur l'autisme. Il nous faudra maintenant exiger du ministre et du gouvernement qu'ils tiennent leur promesse et les pousser. Voilà ce qui anime la Société canadienne d'autisme : nous voulons travailler avec le gouvernement, les députés et les sénateurs, mais qu'on nous laisse nous mettre à la tâche.

Le président : Oui. Nous avons votre mémoire au sujet d'une stratégie nationale pour l'autisme, alors nous disposons déjà de beaucoup de renseignements.

Dre Lewis : J'aimerais dire quelques mots au sujet du programme de Tony Clement, surtout en ce qui a trait à la création d'une chaire de recherche. Bien que ce soit une bonne idée, je pense qu'il importe que le projet soit différent dans son application.

M'exprimant ici en ma qualité de chercheure sur l'autisme œuvrant sur le terrain, je ne pense pas qu'il nous faille créer davantage de silos de recherche. Cela rejoint ce que disait également le Dr Zwaigenbaum. Il nous faut un mécanisme et peut-être une approche de financement plus large ou plus importante en vue de travaux de recherche davantage interdisciplinaires, recoupant plus de secteurs et intégrant différents participants.

La nature très concurrentielle de la distribution parmi nous du budget total de la recherche sur l'autisme crée des séparations inutiles qu'il serait peut-être possible de résoudre de manière à ce que nous nous retrouvions en groupe, afin d'être, collectivement, plus que le simple amalgame de ce que nous sommes individuellement. Je pense qu'il est très important d'appuyer cette approche de répartition de la recherche au lieu de la concentrer au sein d'une seule institution ou autour d'une seule personne Nous avons tous un intérêt dans l'aboutissement de la recherche. Peut-être qu'il nous faudrait en réalité plusieurs chaires de recherche afin que cela fonctionne.

Pour ce qui est du financement, les IRSC ont consenti plus de 15 millions de dollars depuis l'an 2000, c'est-à-dire sur près de sept ans, et cela est encore très loin de ce qui est nécessaire. Moi-même et d'autres autour de cette table venons tout juste de participer à une réunion à Washington avec le National Institute of Child Health and Human Development, NICHD, qui a alloué 200 millions de dollars pour une année de recherche et maintenant 1 milliard de dollars sur cinq ans. Comment pouvons-nous espérer concurrencer ce genre d'effort de recherche et livrer une solution canadienne au problème canadien de l'autisme? Nous ne voulons pas forcément être ceux qui feront la recherche appliquée autour de ce que découvriront les Américains. Nous voulons trouver nos propres solutions.

Dr Szatmari : Je pense qu'il s'établit un consensus autour de la table, ce qui est formidable. Je suis moi aussi tout à fait en faveur, pour commencer, du financement et de la chaire de recherche. Je pense que le Canada a déjà autour de cette table cinq titulaires de chaire qui se consacrent principalement à de la recherche sur l'autisme. Cela paraît tout à fait raisonnable, si vous regardez les chaires consacrées à la santé mentale des enfants qui existent au Canada : elles ne sont pas très nombreuses.

Quant à la question de tirer des leçons de l'expérience de nos amis et collègues américains, je pense que le concept de centres d'excellence et de réseaux de chercheurs œuvrant ensemble est la voie de l'avenir. Au Canada, nous progressons en collaborant les uns avec les autres. Les Américains ne peuvent pas collaborer; ils sont trop compétitifs. Les Canadiens sont beaucoup plus portés à œuvrer ensemble et à collaborer. C'est ce que nous avons vécu dans le cadre du projet sur la génétique, au cours duquel nous avons appris qu'en travaillant ensemble nous pouvions être les chefs de file mondiaux. C'est très excitant.

Les centres d'excellence devraient s'occuper de toute une gamme de travaux de recherche et de traitement. Ils devraient être à la fois des centres de recherche et des centres de traitement : l'intégration de la science fondamentale et de la recherche clinique à l'intérieur d'un seul et même centre est une formule qui amène le travail le plus excitant, y compris en psychopharmacologie. Il existe un rôle pour la psychopharmacologie; nous n'en savons pas assez. Que je sache, l'on ne dispose de preuves de l'efficacité que de deux médicaments, ce sur la base d'essais sur échantillon aléatoire, mais l'on relève au sein de la communauté beaucoup d'abus de médicaments, et il importe de s'attaquer à ce problème.

Il nous faut également développer la formation. Nos chercheurs cliniques sont si nombreux à partir aux États-Unis pour leur formation et à s'endetter pour pousser plus loin leurs études de médecine qu'ils n'ont pas les moyens de rester ici. Il est très difficile pour eux d'obtenir des postes dans des facultés d'université, pour appliquer toute leur formation, et c'est ainsi qu'ils aboutissent aux États-Unis. Il nous faut trouver le moyen de les ramener ici au Canada.

J'aimerais également faire ici un petit plaidoyer en faveur d'une enquête nationale longitudinale sur les enfants et les jeunes qui sont autistes. Statistique Canada fait depuis plusieurs années une Enquête longitudinale sur les enfants et les jeunes de la population générale, et il fait un excellent travail. Je pense que nous pourrions, en utilisant cette même méthodologie, suivre une cohorte nationale d'enfants autistes depuis le diagnostic jusqu'à l'âge adulte. Ce serait fascinant. Aucun autre pays ne possède la méthodologie requise pour effectuer une telle étude.

J'estime qu'un symposium serait utile si, comme l'a indiqué le Dr Zwaigenbaum, les motifs le sous-tendant et les objectifs visés sont clairement énoncés. Un objectif important serait de partager les renseignements au sujet de la variabilité en matière de services. Les conférences du Canadian Autism Intervention Research Network, qui ont eu lieu sur une période de cinq ans, ont été utiles en ce qu'elles ont réuni les gens. Cependant, nous avons eu de la difficulté à obtenir qu'y assistent les décideurs provinciaux. Ils ne pouvaient pas venir, pour une raison ou une autre. Nombre de parents, de chercheurs et de cliniciens sont venus, mais les personnes dont on avait le plus besoin n'étaient pas au rendez-vous. Si la perspective d'une stratégie nationale pouvait amener à la table les responsables des politiques et les premiers ministres, alors ce serait formidable.

Un seul symposium ne suffit pas car cela ne fait qu'ouvrir le bal. Il faudrait qu'il y ait de multiples symposiums afin d'assurer le développement de concepts et leur dissémination au sein de la communauté.

Pour ce qui est du site Web, nous avons fait beaucoup de recherches pour déterminer ce que doivent savoir les parents. Il leur faut avoir des renseignements en provenance de sources crédibles. Malheureusement, ils ont tendance à ne pas croire les gouvernements. Ils ne considèrent pas les pouvoirs publics comme étant des sources crédibles. Ils estiment cependant que les chercheurs sont des sources crédibles. Les renseignements importants doivent provenir d'une organisation qui fonctionne à distance. Autant je respecte et admire le travail de Santé Canada, je ne pense pas qu'il soit considéré comme une source crédible de renseignements par les parents d'autistes.

Une page Web qui est affichée aujourd'hui sera déjà dépassée au bout de six mois. Il faudrait qu'un site Web sur l'autisme soit sans cesse mis à jour, car les renseignements dont on dispose changent de semaine en semaine. Si le National Post rapporte que le fait de regarder la télévision déclenche l'autisme, le site Web doit comporter une déclaration claire et nette au sujet des preuves de cela. Vous ne pouvez pas tout simplement laisser planer une telle théorie. Il importe donc que le site Web soit tenu à jour, ce qui n'est pas donné. C'est coûteux de faire cela.

Le sénateur Keon : J'aimerais revenir sur la question de la psychopharmacologie. Vous avez parlé de thérapies psychopharmacologiques, mais cela m'inquiète que nous n'ayons pas du tout d'information au sujet de la chimie, normale ou anormale, du cerveau de la personne atteinte. Je me demande si nous ne sommes pas ici en train de passer à côté de quelque chose d'important qui devrait être examiné.

Dr Szatmari : Il est certain que les cerveaux de ces enfants sont anormaux. Ils sont différents de ce qu'ils devraient être aux différents stades de développement. Nous savons que les neurotransmetteurs sont distribués différemment dans les cerveaux des enfants autistes comparativement au reste de la population. Nous savons, par exemple, que la sérotonine doit être un important neurotransmetteur dans le développement de ce trouble. Les médicaments dont nous disposons et qui visent les niveaux de sérotonine ne semblent pas très bien fonctionner, et nous ne savons pas très bien pourquoi. Il reste beaucoup de travail à faire. Un message important est que les gens consomment mal à propos des médicaments pendant trop longtemps et ne tiennent pas compte des effets secondaires possibles.

Le sénateur Keon : Dans le contexte des recommandations que nous ferons sur le travail de recherche requis, en plus de recherches génétiques, épidémiologiques et comportementales, nous conseilleriez-vous de recommander qu'il se fasse de la recherche sur la biochimie du cerveau?

Dr Szatmari : Absolument. J'inclus cela dans ma catégorie recherche scientifique de base : recherche sur les neurotransmetteurs, études post-mortem de neurotransmetteurs et études d'imagerie. Il est très difficile de faire des balayages TEP, ou tomographie par émission de positons, à l'heure actuelle au Canada avec des neurotransmetteurs à cause des règles en place. Il nous faut ces genres d'études. Les études d'imagerie renferment un énorme potentiel en ce qui concerne la biochimie, et il nous faut faire des études de médicaments pouvant cibler des symptômes particuliers. La clé est que les médicaments ne traitent pas le trouble mais ciblent certains symptômes pouvant être handicapants, et il importe donc que nous fassions davantage de recherche en la matière afin de pouvoir mettre au point de nouveaux médicaments.

Dre Edwards : J'aimerais parler un petit peu de la pharmacologie et de la psychopharmacologie. Une chose qu'oublient les médecins, les enseignants et la communauté au sens large est qu'une fois qu'un enfant est qualifié d'autiste, les gens cessent de le regarder dans son entier. Il nous faut des centres d'excellence médicaux, et pas seulement des centres d'excellence pour la recherche ou des centres d'excellence pour l'intervention. Ces centres d'excellence médicaux mettraient au point les traitements.

Il y a deux raisons à cela. La première, est que nous passons sérieusement à côté de certains éléments. Il suffit d'écouter l'histoire de la Dre Holden. Personne n'a compris pendant des années et des années. J'ai des patients qui s'auto-mutilent; un enfant a cassé le nez de sa mère; il y a des enfants qui se tapent la tête contre les murs ou qui se font vomir. Ils ne s'adonnent plus à ces comportements. Nous faisons un diagnostic de migraine; l'enfant prend des médicaments et n'est plus violent à l'école. Dans les cas d'enfants atteints de colite, lorsqu'ils prennent le bon médicament, ils peuvent participer à des programmes d'ACA et apprendre. Il est important de tenir compte des problèmes médicaux connexes de ces enfants. Nous savons qu'il intervient tous ces gènes. Ceux-ci doivent certainement faire autre chose que tout simplement avoir une incidence sur la façon dont se développe leur cerveau. Des états pathologiques sont également présents.

La deuxième raison pour laquelle il importerait d'appuyer des centres d'excellence médicaux est celle donnée par le Dr Szatmari, soit qu'il importe d'appuyer la recherche médicale. Il se fait du bon travail de recherche. J'ai déjà mentionné l'Université de Western Ontario et le Dr Derrick MacFabe. La recherche qui se fait à l'heure actuelle n'est pas spécifique à un traitement. Les chercheurs ne sont pas en train de dire que si l'on administre telle ou telle chose, cela réglera le problème de l'autisme. Cependant, il se fait de la recherche selon laquelle ces enfants vivent également des états pathologiques.

Par exemple, il y a des cytokines; ce sont des marqueurs de l'inflammation qui est présente dans le cerveau de ces enfants et que l'on constate lors d'autopsies. Nous connaissons les études de la Dre Martha Herbert sur la taille du cerveau à différents stades de développement des enfants. Pourquoi? Pourquoi les cellules gliales sont-elles sur- stimulées? Que se passe-t-il chez ces enfants? Il n'y aura peut-être pas de recherche sur le traitement, mais s'il se fait de la recherche expliquant ces états pathologiques, alors nous serons peut-être en mesure de trouver des traitements, et c'est pourquoi il nous faut appuyer ce travail.

Certains des travaux de recherche qui émergent — et je mentionnerai tout particulièrement le travail du Dr MacFabe — commencent à appuyer des mesures que prennent spontanément certains parents, dont moi. La recherche du Dr MacFabe commence à expliquer pourquoi la diète sans gluten et sans caséine peut peut-être fonctionner pour une sous-population d'autistes, et pourquoi cela améliore la situation pour ces personnes.

Les médicaments psychotropes qui sont prescrits en vue de modérer le comportement ne font pas forcément du bien aux enfants. Ils ont peut-être un effet modérateur sur leur comportement, mais ils masquent peut-être en même temps ce qui se passe réellement. Nombre d'entre nous avons prêté ce serment dont le premier principe est de ne faire aucun mal. C'est un problème de donner des médicaments qui modèrent quelque chose.

Les médicaments jouent de multiples rôles. Il y a un rôle pour la psychopharmacologie. La Dre Bryson l'a dit. Certaines personnes autistes souffrent de dépression et se sentent mieux lorsque nous les traitons pour la dépression ou l'anxiété, mais comment pouvons-nous diagnostiquer ces états si ces personnes ne connaissent pas une santé optimale, de façon à ce qu'elles puissent nous expliquer ce qui se passe, ou si elles n'obtiennent pas le traitement ou les interventions dont elles ont besoin et qui les aideraient à s'expliquer avec nous?

Dre Holden : En ce qui concerne la question de la chaire de recherche, je souscris à plusieurs des commentaires qui ont été faits. Nous avons au Canada un sérieux problème : une insuffisance absolue de fonds pour quelque recherche que ce soit. Vous êtes en train de retirer de l'argent aux chercheurs que vous appuyez depuis longtemps, et nos subventions sont en train d'être réduites. Cela veut dire que tout cet argent qui a été investi dans la formation ne sert plus à rien. Nous ne sommes pas en mesure de poursuivre le travail de recherche du simple fait qu'il n'y ait plus d'argent à notre disposition.

Vous avez dans cette salle un nombre énorme d'excellents chercheurs, et d'autres qui ne sont pas ici aujourd'hui mais qui font de la recherche sur l'autisme et dont le travail est excellent, mais ils ne peuvent pas le poursuivre sans appui. Il vous faut nous donner de l'argent ciblé. Je vais me battre pour obtenir des budgets de recherche qui soient distribués parmi tous les chercheurs, car s'il n'y a pas d'autres chercheurs œuvrant dans des domaines apparemment non reliés au nôtre, vous n'obtiendrez pas toutes les réponses qu'il vous faut. Nous ignorons d'où viendront les réponses. Si nous savions d'où elles nous arriveront, nous ne nous adonnerions pas à tous ces différents travaux de recherche.

Comme cela a déjà été souligné, l'établissement d'un plus grand nombre de liens nous apporterait force et puissance. Deux programmes de formation sur l'autisme qui existent au Canada englobent un grand nombre de chercheurs et de cliniciens qui font de leur mieux pour former la génération suivante, mais il y a des chercheurs qui ne participent pas à ces programmes de formation. Si nous pouvions élargir ces programmes de formation et établir des interliaisons, nous serions alors à même de faire un travail du tonnerre de transmission à la génération suivante de tout le pouvoir mental que nous avons dans cette salle. Il nous faut appuyer la relève.

Le financement disparaîtra très bientôt pour les deux programmes de formation qui sont présentement appuyés par les IRSC et Autism Speaks. Quant à la question de savoir s'il restera un programme, nous ne le savons pas. Pourquoi réduirait-on de moitié les programmes existants, qui ne suffisent déjà pas à la tâche, s'agissant de former toutes les personnes dont nous avons besoin? Nous devrions plutôt être en train de les augmenter, d'encourager de nouveaux chercheurs à participer à des programmes de formation et de créer des liens entre les programmes de façon à les renforcer tous les deux.

Il en est de même pour la surveillance. Nous avons en cours plusieurs études épidémiologiques qui s'appliquent sur différentes stratégies. Il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas planifier ensemble la façon de faire pour que cela englobe tous les chercheurs et tous les différents éléments.

Je me suis également occupée de recherche sur des déficiences intellectuelles. Il est important de savoir que s'il y a un symposium en face-à-face en 2007, et peut-être d'autres par la suite, il n'y aura pas beaucoup de gens autour de la table. Il n'y aura pas suffisamment d'argent pour y amener les personnes qui devraient pourtant y être. Il nous faut recourir à des webémissions. Il nous faut inviter certaines personnes. Il nous faut organiser des ateliers et d'autres moyens de faire intervenir le reste de la population. Songez à la formation et au travail qu'il a fallu faire pour amener ici à cette rencontre certains des porte-parole atteints d'autisme. Il leur faut, à certains d'entre eux, plusieurs semaines de préparation. Aurons-nous un symposium dans le cadre duquel les gens prendront la parole spontanément? Ce n'est pas ce qui va se passer dans le cas de nombre des personnes dont il nous faut entendre les paroles. Il nous faut être en mesure de leur donner le temps de dire les choses qu'elles doivent dire, et il nous faut également tenir compte du fait que ce n'est pas tout le monde qui pourra s'exprimer oralement ou fournir des réponses par écrit. Il nous faut faire intervenir une vaste gamme de participants, dont des enseignants et quiconque d'autre joue un rôle, ce afin de veiller à ce que tout cela débouche sur une stratégie nationale qui soit représentative de tout le monde.

Comme l'ont expliqué le Dr Szatmari et d'autres, il importe que les pages Web soient tenues à jour, mais il nous faut plus que cela encore. Il nous faut quelque chose qui soit interactif. Nous essayons de faire participer les gens en distribuant des questionnaires et en menant des sondages auprès d'un grand nombre de personnes. Nous avons fait une chose qui m'a vraiment secouée. Lorsqu'est sortie l'étude au sujet du fait que les pères plus âgés risquent plus d'avoir un enfant autistique, nous avons distribué aux gens un questionnaire fort simple. Nous avons obtenu plus de 1 000 réponses, d'un petit peu partout, en l'espace de moins de cinq jours. Cela représente un taux de participation énorme. Il nous a été possible de retracer le pays d'origine des réponses, et nous en avions reçues d'Argentine, bien qu'aucun des participants habituels à nos travaux de recherche ne soit Argentin. Il nous faut embrasser la technologie dans tout ce qu'elle nous offre pour obtenir un maximum de renseignements.

En ce qui concerne les traitements, avez-vous déjà entendu parler de Virtual Expert Clinics, une société canadienne qui œuvre à un protocole-conseil en matière de traitement en ligne? L'idée n'est pas de supplanter les thérapeutes. Cependant, les familles sont sur des listes d'attente et ne savent pas quoi aller chercher sur Internet ni à quels genres de mesures consacrer leur temps. Les parents se disent : « Si je fais 30 minutes de ceci et 15 minutes de cela et que j'enchaîne avec ceci, peut-être qu'au moins je ne passerai pas à côté de quelque chose. Je vais essayer tout ce qu'il m'est possible d'essayer, car je ne veux pas perdre mon enfant », ce qui est, bien sûr, ce dont tout le monde parle, et ce qu'ils entendent. Peu importe le nombre de fois que vous dites aux parents qu'ils ne vont pas perdre leur enfant, c'est toujours le contraire qu'ils entendent.

Il nous faut nous pencher sur les technologies pouvant améliorer notre travail, nous guider et nous venir en aide. Ces enfants réagissent à la technologie. Réunissez cela et les thérapeutes bien formés, ayant bénéficié de toute l'aide des experts autour de la table, et je pense que nous pourrons réellement avoir ici un système formidable.

J'ai l'impression d'être un prêcheur.

Le président : Les réponses deviennent de plus en plus passionnées. C'est bien.

Le sénateur Munson : Docteur Holden, je suis sensible au message de tout le monde relativement à l'établissement de centres de recherche plutôt que d'une chaire. Nous entendons le message haut et fort.

Pourquoi ce financement va-t-il disparaître prochainement?

Dre Holden : Nous livrons concurrence pour des fonds pour la recherche dans de nombreux secteurs. Si notre subvention fait partie des 17 ou des 19 p. 100 qui ne vont pas être renouvelées la prochaine fois, alors notre travail de recherche viendra à mourir. Il viendra à mourir parce que nous n'avons pas les moyens de le maintenir. Il en est de même pour toutes les personnes qui sont actives dans le domaine de la recherche. Il nous faut pouvoir compter sur quelque chose dans le temps, mais vous êtes en train de faire des compressions. Vous réduisez de façon très marquée le financement des IRSC. Cela n'aide personne. Ces réductions ne nuiront pas simplement à nous, mais à l'ensemble des chercheurs. Je ne suis pas en train de dire que le financement ne devrait pas être concurrentiel, car il le devrait justement; cependant, il nous faut davantage de dollars sur la table.

Dr Zwaigenbaum : J'aimerais réagir à la réponse donnée par le Dr Holden à cette question. Si j'ai bien compris, vous vous interrogiez également sur les programmes de formation en recherche sur l'autisme, n'est-ce pas? En fait, pour moi, il s'agit là de l'une des plus belles initiatives que nous ayons eues au Canada en vue de la formation de la génération suivante de chercheurs, mais le financement original pour chacun de ces programmes était pour six ans. Nous en sommes à l'heure actuelle à notre dernière cohorte d'étudiants. À moins que nous n'obtenions un engagement à renouveler le financement de ces programmes, alors ceux-ci disparaîtront.

Dr Scherer : Il importe d'être très prudent sur le plan de la terminologie. Le financement des IRSC n'a pas été réduit. Cette question revient sans cesse sur le tapis. J'y reviendrai peut-être dans un instant.

En ce qui concerne la question des chaires de recherche et des ateliers, j'approuve en principe ce qu'ont dit mes collègues, mais il nous faut être pratiques. Dans le contexte actuel, le gouvernement ne s'est pas encore montré intéressé à augmenter le financement, mais, que je sache, il n'a réduit le financement d'aucune des agences. Pour être pratique, il vous faut prendre le message qu'il vous a donné. Il a offert une chaire. Mon interprétation du message est que le titulaire de cette chaire devrait être une personne qui mènera la cause de l'initiative nationale devant réunir les différents éléments. Chaque chaire est accompagnée de fonds de recherche, alors vous dites au gouvernement de combien d'argent la chaire a besoin pour que cela donne des résultats. Il souhaite peut-être entendre dire 1 million de dollars, mais vous devriez peut-être parler plutôt de 20 millions de dollars. Je ne sais trop — on vous montrera peut- être alors à la porte.

Le sénateur Munson : Il y a un surplus de 13 milliards de dollars.

Dr Scherer : Je siège à de nombreux conseils et comités, et toutes les agences retournent voir le gouvernement. Il a offert cette feuille et ce rameau, et je pense qu'il vous faut les prendre puis agir rapidement pour définir un mécanisme en vue de l'établissement de la chaire. Je recommanderais fermement que vous utilisiez un système de type examen par les pairs, qui existe peut-être déjà dans le cadre des IRSC, par exemple, et de choisir une personne ayant des relations et suffisamment le feu sacré pour véritablement mener à bout l'initiative.

Le président : Docteure Bryson, dans le cadre de votre déclaration de ce matin, vous avez parlé de tirer des leçons de programmes modèles, dont j'ai pensé qu'il doit s'agir de modèles internationaux ou en tout cas d'ailleurs, étant donné qu'il n'existe au Canada aucun grand modèle établi.

Dre Bryson : Si nous prenons les États-Unis comme exemple, presque tous les programmes réussis aux États-Unis ont été créés avec des fonds considérables, une relation avec une université et un mandat visant non seulement la recherche mais également des services, avec des liens entre les deux. Dans certains États, ce mandat a en fait été inscrit dans la loi. Le gouvernement avait maintes fois demandé aux gens d'élaborer des services, mais rien n'avait vu le jour. Finalement, plusieurs États, dont l'Indiana, ont adopté des lois disant qu'il fallait que soient créés des services et qu'il était dorénavant interdit de rabrouer les gens. C'est ainsi que des programmes modèles ont été conçus. Un groupe de personnes composé de chercheurs et de cliniciens passionnés et talentueux a élaboré des programmes modèles pour des services qui ont alors été rattachés à la recherche. Dans plusieurs États, ces programmes sont liés à la recherche fondamentale ainsi qu'à de la recherche davantage appliquée. Nous pourrions vous indiquer plusieurs programmes. Comme vous pouvez vous l'imaginer, les gens ont voulu les reproduire. Les services étaient bons. Ils étaient fondés sur des preuves et sur des pratiques exemplaires. C'était merveilleux. Des gens d'autres régions de l'État ou d'autres régions du pays venaient y faire un tour et c'est ainsi qu'il y a eu de nombreux calques.

Il nous faut faire avancer le programme de la recherche. Cependant, autant des familles d'enfants autistes ont été très généreuses envers nous en acceptant d'être des participants, autant leur bonne volonté commence à s'effriter du fait des frustrations qu'elles ont vécues du côté des services. Cela témoigne de l'importance d'établir des programmes parallèles qui fassent le lien entre les services et la recherche.

J'ignore si cela vous est utile. Pour vous donner un exemple puissant, je peux vous dire que dans le cadre de travaux de recherche sur des bébés que nous menons à l'heure actuelle avec le Dr Zwaigenbaum, il nous est aujourd'hui possible de détecter l'autisme chez certains enfants âgés de 12 à 18 mois. Quelle occasion formidable de faire des interventions encore plus précoces pour voir si nous ne pourrions pas changer certaines choses à un stade où le cerveau est encore plus plastique.

Il importe de souligner les efforts d'Autism Speaks. Ce groupe est venu en aide à nombre d'entre nous ici au Canada. Il était autrefois connu sous le nom de National Alliance for Autism Research. Autism Speaks et cette alliance sont maintenant partenaires. Vous avez sans doute entendu les deux appellations, alors je voulais que vous soyez au courant. Ils ont aidé beaucoup d'entre nous au Canada, et je tiens à souligner ce travail. Ils jouent le rôle de chef de file quant à l'idée d'allouer des fonds afin que nous puissions intervenir encore plus tôt. Je tiens à ce que cela soit très clair. Nous sommes également très reconnaissants de ce qu'a fait ce groupe pour nous aider à faire avancer les choses au Canada.

Cependant, en ce qui concerne notre capacité de concurrencer pour obtenir des fonds pour des interventions très précoces, notre problème le plus pressant est la nécessité d'infrastructures de traitement. Nous allons devoir concurrencer des gens aux États-Unis qui disposent de l'infrastructure de traitement nécessaire à la recherche. Nous continuons d'essayer de planifier de bonnes études, mais il y a ce dilemme.

L'idée de programmes modèles pourrait faire partie des centres d'excellence vers lesquels nous tendrions. Nous ne devons pas perdre de vue l'importance de l'établissement de programmes modèles en matière de traitement et de formation. Nous ne voulons pas que cela se perde à l'intérieur du programme de recherche; celui-ci doit avoir trois volets.

Nous devrions consacrer un petit peu de temps à discuter des options qui devraient être incluses. Quelles sont certaines des priorités?

Sauf tout le respect que je dois à la Dre Edwards, je m'inquiète quant à l'établissement de centres d'excellence médicaux distincts. Je ne pourrais pas appuyer cela. Il serait préférable que ces centres soient intégrés.

Dre Edwards : Je n'ai pas voulu dire qu'ils devraient être distincts.

Dre Bryson : Parfait. Je vous avais mal compris, et je m'en excuse. Cela me paraît maintenant plus logique.

Nous aimerions passer un peu de temps à esquisser des éléments qui pourraient être poursuivis dans le cadre des programmes modèles ou des centres d'excellence du côté traitements et services. Certains de nos collègues penseront qu'ils n'ont pas de rôle à jouer, mais dès lors que l'on élargira la discussion à l'élaboration de traitements modèles et de programmes de formation, l'on inclura un grand nombre de personnes qui seront très intéressées, dont des partenaires dans l'éducation et dans les services communautaires.

Nous n'avons jusqu'ici pas parlé des départements provinciaux de services communautaires, mais je pense que chaque province en a un. Cela est pertinent car, dans notre province, comme c'est le cas ailleurs, un pourcentage élevé des familles en situation de crise aiguë, où tout s'effondre et elles ne sont plus en mesure de s'occuper d'un jeune ou d'un adulte, comptent des personnes autistiques. Comme cela a été dit tout à l'heure, il nous faut forger des liens entre les différents services. Cela pourrait également être fait par l'intermédiaire de ces centres.

Dr Fombonne : J'aimerais revenir sur la question de la psychopharmacologie, afin d'apporter quelques éclaircissements. En ce qui concerne la chimie du cerveau de l'autiste, nous n'en savons pas grand-chose. Le seul constat qui résiste depuis 30 ans est que l'on relève une anormalité du métabolisme de la sérotonine dans 30 p. 100 environ des sujets. Cette découverte a donné lieu à un certain nombre d'études portant sur l'efficacité des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine, ou ISRS, pour traiter certains symptômes de l'autisme, avec des résultats variables.

Nous ne savons pas qui peut présenter cette anomalie. L'on a obtenu certains résultats intéressants avec des adultes, mais ceux-ci n'ont pas toujours été reproduits chez de jeunes enfants. La discussion se poursuit donc toujours.

En dehors de cela, il n'y a eu que très peu d'études fondées sur des hypothèses dans le domaine de la psychopharmacologie. Un certain nombre d'études se sont penchées sur l'efficacité de médicaments utilisés pour des symptômes qui ne sont pas les déficits essentiels de l'autisme, mais qui sont liés à l'autisme, comme par exemple les déficiences de l'attention, l'hyperactivité ou l'irritabilité. Ce ne sont pas là des symptômes essentiels de l'autisme, mais des problèmes qui sont souvent cooccurrents. Nous disposons de certaines études montrant l'efficacité de différents composés.

Tout le monde conviendrait que le recours aux médicaments par les praticiens semble être élevé. De très nombreux patients prennent des médicaments, mais cela vient sans doute à la place d'interventions comportementales appropriées. L'on s'inquiète sur le terrain des risques de consommation excessive de médicaments. En l'absence d'études à long terme sur la sécurité de ces produits, nous ne savons pas exactement ce que nous faisons en les administrant à de jeunes enfants, et il y a donc à cet égard quelques inquiétudes.

Il nous faut encore nous pencher sur les études psychopharmacologiques dans une perspective développementale. Par exemple, il nous faut déterminer pourquoi les jeunes enfants ne réagissent pas aux ISRS, alors que c'est le cas des adultes. Il importerait d'examiner cela à l'avenir.

Un autre volet important qui pourrait être développé et intégré à la recherche en matière d'intervention psychosociale est l'aspect combinaison : la combinaison de certains médicaments avec des techniques psychosociales données améliore-t-elle les résultats par rapport au recours à l'un ou à l'autre seulement? Il s'agit sans doute là de travaux pour la prochaine génération d'études.

J'aimerais revenir sur la question de la recherche. Je conviens avec tout le monde qu'il est important de reconnaître qu'il est difficile de réaliser des études portant sur des traitements. L'on ne peut dénombrer que quelques rares essais cliniques sur échantillon aléatoire sur le terrain, études psychopharmacologiques ou interventions psychosociales. Je ne pense pas qu'accorder à quiconque une chaire suffise. Il nous faut faire les études; il nous faut la combinaison d'expertises multiples.

Si nous voulons progresser, alors il nous faudra faire intervenir d'excellents biostatisticiens et épidémiologistes, des personnes ayant de l'expérience dans la conception d'essais cliniques sur échantillon aléatoire. Cela n'a typiquement pas été le cas jusqu'ici dans ce domaine. Il nous faut franchir ce pas. Cela signifie que, dans la pratique, il nous faut des groupes réunissant des masses critiques de personnes possédant différents types d'expertise dans le traitement lui- même, dans la conception d'essais sur échantillon aléatoire et dans l'analyse des résultats. Il faut que cela se fasse à l'intérieur d'un centre. Par ailleurs, ce qui se passe en matière de traitement et de recherche ailleurs, et tout particulièrement aux États-Unis, laisse entendre qu'un centre ne peut pas recruter à l'intérieur d'un délai raisonnable le nombre de sujets nécessaires pour que les résultats obtenus aient le poids voulu. Il importe de disposer d'un réseau ou d'un groupe de centres pouvant faire œuvre commune en vue d'objectifs de traitement particuliers. Notre approche doit être multicentrique et chaque centre doit renfermer des compétences multiples.

Le sénateur Keon : Merci beaucoup de ces explications, docteur Fombonne.

J'aimerais vous ramener à la question de la chaire de recherche. J'ai joué un rôle actif dans la transition du Conseil de recherches médicales aux Instituts de recherche en santé du Canada. J'ai aidé à façonner le projet de loi qui a créé les IRSC et j'ai participé à la création de la Fondation canadienne pour l'innovation et à celle de Génome Canada.

Mon sentiment était que, si nous ne créions pas Génome Canada, alors il y aurait eu 100 millions de dollars de moins dans la caisse pour la recherche. C'était très astucieux de créer les IRSC. Il s'agit d'une organisation formidable dotée d'une formidable philosophie. Nous avons par ailleurs doublé, grâce à cette manœuvre, l'argent consacré à la recherche au Canada.

Cela m'ennuierait énormément que vous jetiez ici le bébé avec l'eau du bain. L'un des bons centres établis ou l'une des bonnes universités pourrait loger une chaire de recherche, qui pourrait probablement être rattachée à un centre de partage de savoir sur l'autisme, lui-même branché sur un réseau. Vous ne pourriez pas obtenir une aide financière des IRSC en l'absence de cela.

Vous autres êtes plus au courant que moi. Vous pourriez concevoir cette chose, et il y aurait ainsi la possibilité d'exiger du gouvernement qu'il tienne sa promesse, d'en faire quelque chose de vraiment bien et d'augmenter ce que vous avez. Autrement, vous pourriez pendant longtemps hurler à la lune en essayant d'obtenir des ajustements au budget des IRSC. Nous n'avons même pas encore abordé la question de savoir à quel institut vous aimeriez vous adresser pour une augmentation, qu'il s'agisse de celui qui se consacre à la neuroscience ou à un autre.

Je vous lance cela dans le but d'obtenir des éclaircissements quant à ce vers quoi nous tendons.

Dr Fombonne : Je comprends. Je ne dispose pas des données historiques sur la Canada qui seraient nécessaires pour que je me prononce là-dessus. Je sais simplement qu'aux États-Unis, au cours des dix dernières années, les traitements qui ont donné des résultats ont été multicentriques, basés dans des centres d'excellence reliés à des réseaux.

Dans le domaine de la pédopsychiatrie et des interventions psychosociales, les essais cliniques sur échantillon aléatoire que nous avons faits sur l'ACA portaient sur un échantillon total de 40. Nous ne relèverons jamais les effets subtils de différents traitements si nous ne recourons pas à des échantillons plus importants. Pour ce faire, il vous faut des relations de collaboration entre centres.

Le sénateur Keon : Absolument.

Dr Fombonne : Je ne rejette pas l'idée de la création d'une chaire de recherche si l'occasion devait se présenter.

Mme Ivanco : En février 2005, j'ai participé à un panel organisé par les IRSC et qui était présidé par un membre du groupe de Rémi Quirion. Nous avons discuté de questions liées à la psychopharmacologie. Il était intéressant que nombre des participants à ce panel étaient curieux de savoir ce qui arrive aux cerveaux d'enfants à qui l'on donne des médicaments, étant donné que nous savons que les enfants présentant des troubles développementaux sont nombreux à se faire prescrire toute une gamme de médicaments différents. Cette discussion a débouché sur un programme de financement, mais seules quatre subventions ont été financées en vertu de ce programme.

La vraie question n'est pas une absence d'intérêt quant à ce qui se passe. C'est encore une fois une question d'argent. Nous sommes vraiment très limités lorsque nous ne disposons pas des fonds nécessaires pour faire la recherche. Les médicaments coûtent cher; les animaux coûtent cher. Il est difficile de faire des études à long terme sur des enfants à qui l'on a fait prendre un ou plusieurs médicaments.

Tout revient à la question de la distribution de l'argent. Il est important de s'en rappeler.

Le président : En plus de faire des commentaires particuliers au sujet de l'annonce du ministre Clement, vous avez beaucoup parlé de la chaire de recherche et du symposium. Dans le tableau plus général de ce que vous nous recommanderiez dans le cadre d'une stratégie nationale pour l'autisme, s'il y a des besoins particuliers qui méritent d'être soulignés, c'est maintenant qu'il vous faut en faire état. Il nous reste encore une demi-heure environ.

Dre Holden : Je veux parler des réductions des crédits. J'espère avoir précisé les réductions effectives. Chaque fois qu'arrivent de nouvelles demandes de subvention, il y a une redistribution des montants alloués à un domaine particulier. Cela doit se faire, mais pour maintenir le niveau de subvention acquis au cours des deux dernières années, il faut plus de fonds si nous voulons maintenir les travaux de nos chercheurs. Il n'est pas nécessaire que ces fonds soient dirigés directement vers l'autisme.

Les IRSC lancent plusieurs nouveaux appels de demandes. Ce sont tous là des programmes merveilleux. Cependant, je crains que si l'on accorde un financement à deux programmes de formation en autisme pour six ans, quelqu'un va dire : « Nous n'avons jamais rien eu pour notre domaine ». Quoi que l'on fasse, cela signifiera une baisse effective des crédits pour le programme de formation en autisme qui cherche à se constituer. Je ne voulais pas dire que les IRSC ne jouent pas leur rôle, mais il faut tenir compte de cette réalité.

Dr Zwaigenbaum : Je veux répondre à la question du sénateur Keon sur la chaire. Je suis encouragé de voir qu'une grande partie de ce qui devrait figurer, à mon avis, dans une stratégie nationale sur l'autisme a été énoncée aujourd'hui. Je trouve que cela a été une journée réussie et constructive.

J'espère que la stratégie énoncera un certain nombre de principes essentiels, ainsi que les mesures concrètes. La discussion sur les services et la recherche a montré qu'il faut changer radicalement la façon de faire les choses.

Le thème de la chaire recouvre presque deux questions différentes. Est-ce que l'existence d'une chaire pourrait potentiellement produire des résultats positifs et cette démarche présente-t-elle des avantages? Absolument. À cheval donné on ne regarde point la bouche.

Cependant, est-ce là toute la solution? Est-ce la voie d'avenir? Ce n'est qu'un petit élément. Les Canadiens sont les champions du compromis mais il est temps que les parents d'enfants autistes n'aient plus à accepter des compromis lorsqu'il s'agit de l'accès aux services et au soutien pour leurs enfants.

Pour nous les scientifiques aussi, il est temps que nous n'ayons plus à accepter de compromis lorsque nous parlons des meilleures solutions pour l'avenir. La voie de l'avenir, c'est de financer adéquatement les programmes qui vont réorienter la recherche, comme le Dr Bryson, le Dr Fombonne et d'autres l'ont dit. Même si cela peut paraître un objectif lointain, il ne faut pas oublier que cette réorientation de la recherche a déjà eu lieu dans d'autres pays du monde, notamment aux États-Unis, où nous nouveaux chercheurs partiront si nous n'apportons pas des changements réels chez nous.

Mme Ivanco : Un dernier point au sujet d'une stratégie nationale sur l'autisme. Nous avons beaucoup parlé du financement de la recherche et des options thérapeutiques mais il ne faut pas oublier que les familles ont besoin de services. C'est là une dimension globale qui risque d'être oubliée si l'on est obnubilé par la thérapie et la recherche. N'oublions pas que les familles ont besoin de services. Par exemple, des soins de relève pour les parents sont importants. Lorsqu'on a des enfants qui accaparent énormément le temps, une conséquence peut être l'apparition d'autres problèmes qui exigent une attention médicale, telle que la dépression dans les familles.

Il est important d'avoir des programmes pour régler les autres problèmes familiaux liés à l'autisme. Beaucoup d'enfants autistes ont tendance à faire des fugues. Il existe des services de chien de garde qui pourraient potentiellement constituer un autre système de surveillance des enfants, afin qu'ils restent en santé et aient une longue vie. Ce sont des éléments importants à englober dans une stratégie nationale.

Le président : Merci de mentionner cela.

Dre Bryson : Pour ajouter un mot à cela, je sais d'après mes contacts avec les services sociaux et les parents que dans beaucoup d'endroits le plus gros problème est que les parents n'ont jamais de répit, mais il n'existe personne qui ait la formation voulue pour prendre la relève.

Mme Ivanco : Exactement.

Dre Bryson : Par conséquent, les parents s'adressent aux centres de services mais ceux-ci n'ont rien à proposer ou bien les personnes disponibles ne font pas l'affaire parce qu'elles n'ont aucune formation. Cela souligne l'importance d'une formation au-delà des deux programmes de formation des ISRC, dont je suis pleinement partisan. Je ne veux surtout pas les voir disparaître. Mais il faut former également des professionnels. Si l'on pouvait intégrer cela dans notre vision des centres d'excellence et des programmes modèles, ce serait extrêmement précieux.

Mme Fleming : Le comité a reçu quantité de parents qui ont parlé des frais qu'ils encourent pendant qu'ils sont sur une liste d'attente ou qui vivent dans une province où il n'y a pas de service. Nous n'avons pas, jusqu'à présent, parlé d'un soutien par le biais de la fiscalité. Le gouvernement pourrait avancer rapidement sur cet élément de notre stratégie. Quelques déductions fiscales sont offertes aux familles pour couvrir le coût des services, mais ces déductions sont insuffisantes. Des familles qui dépensent de 30 000 $ à 50 000 $ ou plus par an pour payer l'intervention précoce indispensable sont loin de pouvoir déduire tous ces frais. Nous connaissons une mère qui payait pour ces services avec sa carte de crédit.

Le comité pourrait recommander que le gouvernement prenne des mesures immédiates sous forme d'allègements fiscaux.

Le sénateur Munson : Certains témoins ont parlé de réviser la Loi canadienne sur la santé. Le Dr Keon a évoqué la possibilité que l'autisme soit classé service essentiel. J'aimerais connaître vos opinions sur ce sujet car cela pourrait être un volet important de nos recommandations. Certains pensent que si l'on ouvre la Loi canadienne sur la santé, des milliards de dollars seront canalisés vers l'autisme, et certains pensent que si on le classe comme service essentiel, des crédits iront dans cette direction. Je pose la question à la cantonade.

Dre Lewis : J'aimerais revenir sur la question des services et la nécessité de former des thérapeutes. J'aimerais ajouter un enjeu qui n'a pas été abordé encore en Colombie-Britannique et probablement pas dans les autres provinces : comment assurer le contrôle de la qualité des thérapeutes que nous formons. À l'heure actuelle, il n'y a pas de normes. Nous ne savons pas comment cette formation se traduira pour les patients et les familles. Cet aspect est très important aussi et sera mis en jeu avec l'établissement de meilleurs programmes de traitement, qui devront s'accompagner de lignes directrices et de l'accréditation des thérapeutes.

La fourniture de services à l'intérieur des provinces et d'une province à l'autre devra également être mise sur la table si l'on veut trouver une approche consensuelle. Les ministères provinciaux interprètent de manière différente les notions d'autisme, de troubles autistiques et de troubles du spectre de l'autisme. En Colombie-Britannique, le ministère de la Santé ne joue aucun rôle. Si l'on veut que l'autisme devienne un service essentiel, alors c'est une considération cruciale. Pourquoi, dans notre province et probablement aussi dans d'autres, les ministères de la santé ne font rien dans ce domaine me dépasse; je ne peux me l'expliquer.

Dre Joober : J'aimerais comparer le type de recherche que font les sociétés pharmaceutiques et les universités. Nous avons affaire là à une maladie très complexe. Lorsque nous recherchons les facteurs de risque ou des thérapies efficaces, les effets de nos traitements ou de nos facteurs de risque sont très faibles. Pour parvenir à prouver quoi que ce soit, il faut des échantillons de très, très grande taille. Il n'est pas étonnant que lorsqu'une compagnie pharmaceutique veut prouver l'efficacité de son traitement, elle utilise des échantillons de 5 000 à 6 000 sujets. Les recherches effectuées au Canada sont financées sur la base de 100 ou 300 sujets au plus. Ensuite, on nous coupe les vivres en cours de route. Avec ce type de stratégie de recherche, nous n'aboutirons à rien.

Nous ne pourrons établir une relation véritable entre les facteurs de risque ou entre le traitement et les résultats. Pour avoir une stratégie efficace, il nous faudra combiner tous nos efforts et travailler sur des échantillons plus grands. Nous devons homogénéiser nos approches et avoir une stratégie commune. Sinon, tout le monde aura ses 100 ou 200 sujets et publiera les résultats de sa recherche. Cependant, je ne sais pas ce que cela rapportera au bout du compte aux gens touchés par la maladie ou aux contribuables.

Mme Ouellette-Kuntz : Il n'est pas seulement important d'avoir un grand nombre de sujets dans nos groupes échantillons et d'homogénéiser ces groupes, il importe aussi de standardiser l'approche du diagnostic. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas au Canada. Si nous voulons améliorer les services cliniques, nous devrons standardiser la façon dont nous identifions ces enfants. Cela aura des répercussions notables sur la manière dont nous étudions la prévalence de ces troubles et sur l'efficacité de la thérapie. Si nous englobons différents sujets dans différentes études parce que nous définissons ou évaluons différemment les critères d'inclusion, nous ne parviendrons pas à prouver l'efficacité des traitements.

Dr Szatmari : Je veux répondre à la question du sénateur Munson, même si ce que je vais dire n'apporte pas une réponse complète car je ne comprends pas les considérations politiques qui sous-tendent le problème. Je suis très fermement d'avis que ces services doivent être publiquement financés. Il est vrai que les autistes souffrent d'un système de santé à deux vitesses.

Cela se passe au niveau des services sociaux, et non au niveau des soins de santé sous les auspices des ministères de la Santé. Nous semblons tolérer cela sans aucune difficulté lorsqu'il s'agit de services sociaux et pourtant nous sommes indignés lorsque la même chose se fait dans le domaine des services médicaux. Je ne comprends pas cette hypocrisie. Les services doivent être financés publiquement. Si les ministères de la Santé et des Services sociaux et de l'Éducation se concertaient et collaboraient et mettaient en commun les ressources, ils parviendraient à le faire. Cependant, les ministères provinciaux s'ignorent les uns les autres. Peut-être le gouvernement fédéral pourrait-il avoir le rôle de mobiliser les ressources des divers ministères.

Si les services sont financés publiquement, la nécessité qu'ils soient fondés sur l'expérience clinique devient plus impérative. Nous ne pouvons tolérer des services publics qui ne soient pas fondés sur l'expérience clinique. Cette dernière doit être déterminante lorsqu'il s'agit de décider quels services seront financés publiquement.

Il faut un éventail de services couvrant les différentes tranches d'âge. Il faut des services pour les très jeunes enfants, mais pas seulement pour eux. Il faut avoir un éventail de services fondés sur l'expérience clinique et financés publiquement. Cela devrait être la toile de fond de votre rapport.

M. Yu : Je ne veux pas citer le Manitoba en exemple, mais le programme d'intervention précoce ACA pour les enfants d'âge scolaire est effectivement financé par les trois ministères que le Dr Szatmari a mentionnés — Éducation, Santé et Services sociaux. Ils semblent s'être rejoints au Manitoba.

Je veux également réitérer ce qu'a dit le Dr Lewis au sujet des normes et le maintien de la qualité du service. Comme d'autres l'ont mentionné, il importe de considérer l'intégrité du traitement afin d'en préserver l'efficacité. Il est très important d'avoir non seulement du personnel qualifié mais aussi de définir des normes afin d'aider les praticiens à maintenir l'intégrité du traitement au fil du temps, surtout sur la longue durée.

Dre Edwards : Vous mentionnez l'éducation qui sera dispensée dans les centres d'excellence que l'on va établir. Le gouvernement ontarien a placé des experts en autisme dans les conseils scolaires. Je n'en ai encore jamais rencontré un seul. Aucun des enfants scolarisés n'a jamais été vu par ces gens-là. Ils semblent nourrir le préjugé dont j'ai parlé, adhérer à la conception stéréotypée de l'autisme, à savoir vous faites A, B et C pour l'enfant autiste. Si le consultant apprenait à connaître l'enfant et parlait à la mère et à l'enseignant, les choses pourraient facilement se régler, mais ce n'est pas ce qui se passe. À la place, le contact se limite à un appel téléphonique où l'instruction est donnée d'employer la thérapie de l'immobilisation et d'entraver l'enfant.

C'est ce qui se passe dans ma collectivité. Il faut mettre ces gens de notre côté et les former adéquatement.

[Français]

M. Giroux : Je voulais ajouter deux suggestions sur l'ensemble des points qui ont été évoqués et qui doivent faire l'objet de recherches en autisme. Je voudrais d'abord qu'on pense à contribuer à une clarification des critères diagnostiques des différentes conditions qui sont sur la gamme autistique. On sait très bien que cette gamme autistique est définie par le DSM4 et qu'elle comporte des ambiguïtés. Une de ces ambiguïtés est le manque de critères différentiels entre l'autisme et le syndrome d'Asperger et le trouver envahissant non spécifié ou l'autisme atypique.

Je ne sais pas si on réalise à quel point de telles ambiguïtés se répercutent à tous les niveaux parce qu'on fonde nos décisions diagnostiques, nos décisions de services sur le diagnostic et donc sur la nosologie ou la catégorisation des troubles et pourtant elle laisse beaucoup à désirer. Je dirais que la recherche devrait différencier au point qu'on puisse obtenir un algorithme de diagnostics qui sépare les différentes conditions sur le spectre autistique.

Ma deuxième suggestion. Au Québec, pour être reconnu comme ayant un trouble envahissant, un enfant d'âge scolaire, c'est-à-dire de quatre à 21 ans doit avoir reçu un diagnostic par un psychiatre, un pédopsychiatre ou un neurologue. C'est une des causes de l'engorgement. Le diagnostic dépend de l'intervention de ces spécialistes, et à mon avis, une des solutions, une des avenues à explorer pour accélérer la filière d'accès au diagnostic, c'est de permettre et de créer une instance d'accréditation à d'autres types de médecins ou à des psychologues pour poser des diagnostics de troubles sur la gamme autistique. Si on faisait cela, on débloquerait peut-être une bonne partie des listes d'attente. Cela ne serait pas la solution à tous nos maux, mais ce serait tout de même un pas dans la bonne direction.

[Traduction]

Dre Joober : Il est extrêmement important, pour améliorer la qualité de la recherche, d'améliorer la qualité des soins. Si l'on veut avancer, les deux doivent être très intimement liés.

Le président : Sont présentes dans la salle plusieurs personnes qui ont déjà comparu devant nous, dont des parents qui s'intéressent de près à ce dossier.

Y en a-t-il parmi vous qui ont une observation ou une question brûlante à soumettre au panel? Je vous demanderais de vous présenter et, si vous représentez une organisation, de la nommer, après quoi vous pourrez commencer.

Barbara Beckett, à titre personnel : Je viens de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies aux IRSC. J'aimerais dire quelques mots au sujet de la chaire de recherche. Je crois comprendre que cette idée est attribuable à des pétitions de parents de la Colombie-Britannique qui étaient très intéressés par l'aspect formation dont il a beaucoup été question ici. Une partie de l'idée était que cela créerait des possibilités de formation en milieu universitaire. Je pense que cela devait être axé davantage sur la formation que sur la recherche.

Le président : Merci.

Laurel Gibbons, à titre personnel : Je suis la mère d'un enfant de neuf ans atteint d'autisme. J'ai comparu hier devant le comité.

La Loi canadienne sur la santé ne peut pas être modifiée pour inclure un traitement qui n'existe pas à l'intérieur du régime de soins de santé, un point c'est tout. Il est possible qu'une stratégie nationale définisse l'autisme comme étant un problème de santé, auquel cas nous pourrions en traiter à l'avenir. Je crois que la loi pourrait être modifiée et que les traitements pour l'autisme pourraient être ajoutés aux lignes directrices en matière de traitements. Cependant, il nous faut à court terme prendre tout de suite des mesures si nous voulons qu'il y ait des effets immédiats. L'élaboration d'une stratégie nationale, reconnaissant l'autisme comme étant, en tout premier lieu, une question de santé, et travaillant en synergie avec les milieux de l'éducation, du travail social et de la justice et ainsi de suite, serait la solution qui servirait le mieux à court terme les Canadiens et les chercheurs.

J'ai entendu parler ici des critères diagnostiques devant être mis en place. Mon fils avait cinq ans et demi lorsqu'on a fini par lui faire un diagnostic, même si tous les signes étaient déjà présents alors qu'il avait entre 12 et 18 mois. Les pédiatres y étaient restés indifférents.

Après son diagnostic, on nous a dit de ne pas nous donner la peine de nous inscrire sur quelque liste d'attente en vue d'une intervention dans le cadre d'un programme préscolaire pour autistes, nous recommandant plutôt deux livres et nous donnant une ordonnance pour un médicament appelé Respridone.

Robbie a aujourd'hui neuf ans et demi et il est toujours assujetti à des moyens de contention dans le cadre du système scolaire. En quatrième année, il avait cinq A dans son bulletin et il était au niveau de la classe. Nous sommes confrontés à quantité de difficultés au jour le jour. C'est une lutte permanente chez nous.

Robbie prend à l'heure actuelle trois médicaments sur ordonnance, et je me demande chaque jour ce que cela est en train de faire à son petit corps. Je suis si heureuse que le sénateur Keon ait soulevé cette question aujourd'hui, car j'estime qu'il s'agit là d'un aspect essentiel qui mérite qu'on s'y penche. Nous ne disposons pas d'études à long terme sur l'incidence que ces médicaments puissants et parfois dangereux pourraient avoir sur son foie, par exemple. Serons- nous confrontés à la nécessité d'une greffe de foie d'ici dix ans?

Je suis heureuse qu'un si grand nombre de merveilleux professionnels se soient ici réunis. Et je remercie le Sénat de vous avoir accueillis aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup. Nous en sommes arrivés à la fin de notre programme d'aujourd'hui. Cela a été formidable de vous avoir tous ici parmi nous. Vous nous avez livré toute une masse de renseignements à digérer, ainsi que des documents écrits que nous pourrons lire. Si vous avez autre chose que vous aimeriez nous faire parvenir par écrit, n'hésitez surtout pas.

Merci encore d'être venus. Je vous souhaite une agréable fin de semaine. Tous nos meilleurs vœux pour la saison des Fêtes et la nouvelle année. Vous aurez sans doute de nos nouvelles à l'avenir.

La séance est levée.


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