Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 31 janvier 2007
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 5 pour examiner le projet de règlement d'application de l'article 8 de la Loi sur la procréation assistée, déposé auprès du Greffier du Sénat le 27 octobre 2006.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Le comité examinera le projet de règlement de l'application de l'article 8 de la Loi sur la procréation assistée. Nous entendrons des fonctionnaires de Santé Canada et Mme Françoise Baylis, professeure au département de bioéthique et de philosophie à l'Université Dalhousie.
[Traduction]
Nous allons commencer par nos deux témoins de Santé Canada, Mme Hélène Quesnel et Mme Francine Manseau.
Hélène Quesnel, directrice générale, Direction de l'élaboration des politiques, Direction générale de la politique de la santé, Santé Canada : Je m'excuse du retard survenu dans la transmission de nos documents. Nous croyions les avoir envoyés il y a quelques semaines, mais il semble que vous venez de les recevoir aujourd'hui. Veuillez accepter nos excuses les plus sincères. Cela en dit long sur la technologie moderne.
Je vous remercie de l'invitation à témoigner aujourd'hui devant le comité pour discuter des règlements proposés touchant l'article 8 de la Loi sur la procréation assistée en ce qui concerne le consentement éclairé. J'aimerais également saisir cette occasion pour vous donner un bref aperçu du cheminement de Santé Canada concernant la mise en application de la loi.
L'été dernier, Santé Canada a rédigé un plan en vue de permettre à Procréation assistée Canada, un organisme créé en vertu de la loi, de commencer le plus tôt possible le cadre d'homologation et les mécanismes d'application. Je traiterai de notre stratégie pour atteindre cet objectif.
La Loi sur la procréation assistée a reçu la sanction royale en mars 2004. Depuis lors, le ministère poursuit son travail visant l'application entière de la loi. Ce travail consiste essentiellement à élaborer un système de réglementation et à mettre sur pied Procréation assistée Canada, l'agence.
Je vous donnerai maintenant un bref aperçu des activités que le Bureau de la mise en oeuvre de la procréation assistée a entreprises. Une ébauche de règlements proposés a été préparée pour traiter l'article 8, dont le comité est saisi aujourd'hui. Cette ébauche a été publiée par anticipation dans la Gazette du Canada en septembre 2005 pour recueillir les commentaires des parties intéressées. La loi exige que le ministre dépose les règlements devant les deux Chambres du Parlement, ce qui a été fait le 27 octobre de l'année dernière.
Les règlements proposés ont alors été renvoyés aux deux comités compétents, et nous avons comparu devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes au début de décembre.
[Français]
Nous avons également organisé des ateliers et des consultations avec les parties intéressées afin d'examiner certaines questions, notamment l'autorisation, le counseling, les renseignements médicaux, les pratiques cliniques et les pratiques de laboratoire. Nous concentrons nos consultations afin de solliciter des avis de politiques sur les diverses activités cliniques et activités en laboratoire exercées dans les cliniques, car elles ont des enjeux complexes et exigent une connaissance détaillée et approfondie des procédures avant de pouvoir élaborer des règlements.
Nous devons également comprendre les opinions des parties touchées par ces activités, notamment les parents et les enfants issus de ces technologies. Le rapport de ces ateliers est disponible sur notre site web. Enfin, nous cherchons aussi d'autres moyens de solliciter et d'obtenir l'information supplémentaire et des avis d'experts, ce qui comprend par exemple des consultations en ligne afin d'accélérer le processus de développement de la réglementation. Par exemple, nous prévoyons afficher sous peu, un document sur le counseling afin de solliciter les commentaires de tous les intervenants.
[Traduction]
Le 21 décembre 2006, le gouvernement a annoncé la nomination de la Dre Elinor Wilson à titre de présidente de Procréation assistée Canada, celle du Dr John Hamm à titre de président du conseil d'administration et celle de huit membres du conseil. Ce dernier devrait tenir sa première réunion en mars prochain.
Nous avons loué des espaces de bureau temporaires à Vancouver. De plus, nous avons accompli un travail considérable pour mettre sur pied des structures de gouvernance et de responsabilisation, des plans opérationnels et des processus, ainsi que des outils de gestion. Nous poursuivons également l'organisation de l'agence pour qu'une fois nommé, son effectif puisse être opérationnel le plus rapidement possible. Cela suppose la création du registre de renseignements médicaux personnels.
L'élaboration d'un protocole d'entente avec l'Inspectorat de Santé Canada visant à assurer la conformité et un soutien à l'application par un personnel interne d'inspection a été une initiative importante à l'appui des activités de l'agence. Vingt-trois inspecteurs ont été nommés en vertu de la Loi sur le ministère de la Santé et ont commencé à mener des activités de communication l'automne dernier pour encourager la conformité en sensibilisant davantage les parties intéressées à la teneur de la Loi sur la procréation assistée, en leur donnant de l'information sur ses dispositions et en les informant des responsabilités qui leur incombent devant la loi.
J'aimerais maintenant partager avec vous l'approche adoptée par Santé Canada pour ce qui est de l'élaboration de la réglementation. Dans ce domaine particulier, le Canada compte peu de normes et de lignes directrices établies. À la suite d'un exercice approfondi de planification mené l'an dernier, nous avons élaboré une nouvelle approche axée sur un ensemble de priorités qui nous permet de rédiger les principaux règlements dans des délais plus courts. Nous nous concentrons sur un ensemble de base de règlements touchant le cadre d'homologation d'activités de fécondation in vitro auprès de personnes qui utilisent leurs propres gamètes. Cette façon de procéder devrait permettre à l'agence de devenir opérationnelle et de débuter ses activités à brève échéance.
[Français]
La fécondation in vitro (FIV) constitue l'activité autorisée principale des cliniques. Nous avons tenu une consultation dans trois villes, laquelle a débuté à Montréal le 24 novembre et a pris fin à Vancouver le 8 décembre. Lors de cette consultation, nous avons discuté des documents relatifs aux dix activités régies par la loi portant sur la fécondation in vitro. Nous avons profité de l'occasion pour discuter du cadre d'autorisation et des renseignements médicaux avec le secteur que nous allons réglementer. Ces discussions nous ont permis de mieux comprendre les enjeux, les activités, les préoccupations et les problèmes concernant l'élaboration de ces règlements. Si aucune situation imprévue ne se présente, nous espérons que ces règlements seront en place d'ici les prochains 18 à 24 mois.
[Traduction]
Je tiens cependant à rassurer le comité. Même si notre objectif vise à mettre en place des règlements qui permettront à l'agence de commencer ses activités relatives au cadre d'homologation plus tôt en mettant l'accent sur les règlements touchant la fécondation in vitro, nous poursuivons notre travail à l'égard des autres règlements nécessaires à la mise en oeuvre intégrale de la loi. J'ai tout lieu de croire que cette nouvelle approche produira les résultats attendus.
Comme vous le savez, le projet de règlement d'application de l'article 8 traite du consentement relativement à l'usage de matériel reproductif humain et d'embryons in vitro.
Mme Manseau va maintenant passer en revue la trousse d'information et traiter plus en détails des règlements et de certaines rétroactions que nous avons reçues.
Francine Manseau, directrice intérimaire, Bureau de la mise en oeuvre de la procréation assistée, Direction de l'élaboration des politiques, Direction générale de la politique de la santé, Santé Canada : J'ai en main le texte que nous avions préparé, et je pense que vous en avez un exemplaire. Cependant, il me faudra peut-être modifier mon exposé puisque je crois savoir que vous n'avez reçu ce document qu'aujourd'hui.
Je vais passer en revue la trousse d'information avec vous. Je parcourrai les pages et je m'arrêterai sur les questions importantes. Sentez-vous bien libres de poser des questions en tout temps.
L'article 8 est la seule interdiction de la Loi sur la procréation assistée qui n'est pas encore en vigueur. Toutes les autres interdictions le sont. Celle-ci ne l'est pas étant donné que son application exige l'adoption de règlements. Nous avons accordé la priorité à la rédaction de ces règlements pour que toutes les activités prohibées puissent entrer en vigueur dès que possible.
À la page 4 de notre document, il est précisé que l'article 8 est la seule interdiction de la loi qui exige l'élaboration d'un règlement. L'article 8 exige que le matériel reproductif humain et les embryons in vitro soient utilisés seulement sous réserve du consentement écrit du donneur. Le non-respect de l'article 8 engendre des sanctions pénales.
Le premier point de la page suivante précise exactement ce que l'article 8 de la loi interdit : l'utilisation de matériel reproductif humain dans le but de créer un embryon sans le consentement écrit du donneur; le prélèvement de matériel reproductif humain sur un donneur après sa mort dans le but de créer un embryon sans le consentement écrit du donneur. Dans le contexte de l'article 8, le projet de règlement précise qui doit fournir un consentement, pour quelles utilisations le consentement est nécessaire, l'information nécessaire pour que le consentement soit valide et les conditions relatives au retrait du consentement.
Le règlement d'application de l'article 8 ne porte pas sur les questions relatives à l'entreposage ou à la destruction. On n'a pas jugé que ces utilisations relevaient du champ de l'article 8, mais il en sera question dans d'autres articles de la loi, dans des règlements ultérieurs.
Le règlement d'application est divisé en trois parties qui reflètent les trois parties de l'article 8. Le matériel reproductif humain peut uniquement être utilisé avec le consentement écrit du donneur. Le prélèvement posthume de matériel reproductif humain peut être effectué uniquement avec le consentement du donneur et l'utilisation d'un embryon in vitro à quelque fin que ce soit doit faire l'objet au préalable d'un consentement écrit du donneur. Le règlement exige des preuves écrites que le donneur a été informé des utilisations admissibles et des conditions relatives au retrait du consentement avant de donner son consentement. Le règlement exige des preuves écrites du consentement, lequel doit être signé par le donneur et attesté par un témoin et ce, avant que le matériel reproductif humain ou l'embryon in vitro ne soit utilisé ou prélevé. Le retrait du consentement doit être fait par écrit et il incombe au donneur de s'assurer que celui-ci est reçu par la bonne personne.
Mme Manseau : La partie 1, dont il est question à la page 8, a trait au consentement à l'utilisation de matériel reproductif humain, y compris les gamètes, le sperme ou les ovules, dans le but de créer un embryon. Il exige un consentement écrit et les utilisations en question doivent être conformes à l'article de la loi énonçant les fins pour lesquelles un embryon peut être créé, soit créer un être humain, améliorer les techniques de procréation assistée ou fournir une formation sur de telles techniques.
Le règlement d'application de l'article 8 exige le consentement du donneur. Celui-ci doit préciser si les embryons in vitro non utilisés aux fins reproductives d'un tiers peuvent être utilisés à d'autres fins, y compris la recherche. Le donneur doit préciser à quelles fins son matériel reproductif peut être utilisé. Les utilisations admissibles sont fondées sur l'alinéa 5(1)b) du projet de loi, qui limite la création d'un embryon aux trois fins que je viens de vous mentionner.
Si le matériel reproductif humain a été prélevé sur le donneur après sa mort, comme le permet la partie 2 de l'article 8, trois utilisations seulement sont admissibles : aux fins reproductives de l'époux ou du conjoint de fait; pour l'amélioration des techniques de procréation assistée et pour l'apprentissage de ces techniques. Le prélèvement n'est pas permis aux fins reproductives d'un tiers étant donné que le matériel doit faire l'objet de tests et qu'une période de quarantaine est exigée. Cela ne serait pas faisable et l'embryon est limité uniquement aux fins reproductives de l'époux ou du conjoint de fait.
À la page 9, on dresse la liste des renseignements qui doivent être fournis au donneur pour lui permettre de donner un consentement éclairé. Le donneur doit être informé qu'il est possible que le nombre d'embryons in vitro créés dépasse les besoins aux fins de la reproduction immédiate. Le donneur doit préciser s'il autorise que les embryons in vitro produits pour des tiers soient utilisés à d'autres fins, y compris la recherche. En l'occurrence, il faut savoir que des personnes font don d'embryons à des tierces parties. Le donneur ne sera pas présent au moment où, peut-être, les embryons dépassant les besoins reproductifs de la tierce partie doivent être utilisés pour la recherche. Nous devons nous assurer que cette personne est informée et qu'elle consent à ce qu'éventuellement, un jour, les embryons dont le nombre dépasse les besoins aux fins de reproduction puissent être utilisés pour la recherche, et elle doit donc fournir ce consentement. Si le matériel reproductif humain est donné à un tiers, le consentement ne peut être retiré une fois que le tiers confirme par écrit qu'il a été désigné pour en faire l'utilisation. Par exemple, dans le cas de quelqu'un qui donne son sperme à une tierce partie, il arrive souvent que le couple obtienne davantage de sperme qu'il n'est nécessaire pour concevoir un premier enfant. Le couple ignore combien de tentatives il devra faire pour concevoir un enfant. S'il veut avoir un deuxième enfant, il lui faudra mettre en banque les embryons excédentaires pour qu'essentiellement leurs enfants aient un lien génétique. Une fois que quelqu'un a reconnu que son matériel reproductif humain peut être utilisé pour une tierce partie, il ne peut retirer son consentement. Toutefois, il peut retirer son consentement à l'égard d'un autre matériel qui pourrait se trouver encore en entreposage et ne pas avoir été remis à une tierce partie.
La page 10 traite de la partie 2 de l'article 8, qui porte sur le prélèvement d'un matériel reproductif humain sur un donneur après sa mort et exige un consentement en ce qui concerne les utilisations suivantes. Il peut être utilisé uniquement aux fins reproductives de l'époux ou du conjoint de fait; pour créer un embryon dans le but d'améliorer des techniques de procréation assistée et pour l'apprentissage des techniques de procréation assistée. Un consentement au prélèvement après décès doit de plus être accompagné d'un consentement à l'utilisation. Cela est exigé à la partie 1.
La partie 3 a trait à l'utilisation d'un embryon in vitro pour toute fin et exige un consentement écrit s'il est utilisé aux fins reproductives du donneur, aux fins reproductives d'un tiers, pour l'amélioration des techniques de procréation assistée, pour l'apprentissage desdites techniques et/ou pour des projets de recherche précis.
La partie 3 définit également le donneur d'embryons in vitro de la façon suivante : une personne ou un couple aux fins reproductives duquel un embryon in vitro a été créé, peu importe la source du matériel reproductif humain utilisé. Seul le couple ou la personne pour lequel un embryon in vitro a été créé peut consentir à l'utilisation de ce dernier à ces fins. Si l'embryon in vitro n'est pas utilisé aux fins reproductives pour lesquelles il était désigné, il peut faire l'objet d'un don pour d'autres fins, à condition que le donneur et le fournisseur du gamète, si ce n'est pas la même personne — s'il s'agissait d'un tiers, en l'occurrence — aient consenti à son utilisation aux fins prévues. Le règlement permet le retrait du consentement à différents moments, en fonction des fins pour lesquelles le consentement a été donné.
Le règlement prévoit des dispositions transitoires pour le matériel reproductif humain et les embryons in vitro qui ont été recueillis ou créés avant l'entrée en vigueur de l'article 8. On souhaitait ainsi reconnaître les cas où un matériel reproductif humain comme du sperme a déjà été recueilli ou donné aux fins reproductives d'un tiers. L'utilisation de ce sperme aux fins reproductives d'un tiers doit faire l'objet d'un consentement. Toutefois, il peut arriver que l'information fournie ne corresponde pas exactement à ce qui est exigé en vertu du présent article, mais ce matériel peut tout de même être utilisé. Voilà pourquoi une période de transition a été prévue. Tout matériel reproductif humain fourni aux fins reproductives du donneur est habituellement fourni dans les délais prescrits, de sorte que la réglementation s'appliquera. Il faut aussi prendre en compte le matériel humain reproductif déjà donné dans le passé, auquel cas il faudrait obtenir un consentement pour autoriser son utilisation aux fins reproductives d'un tiers.
En général, à l'exception des fins reproductives du donneur, le matériel reproductif humain ou l'embryon in vitro peut encore être utilisé, à condition qu'il existe au moins un consentement écrit signé et daté par le donneur concernant l'utilisation du matériel reproductif humain ou de l'embryon in vitro aux fins prévues.
La dernière page traite des consultations que nous avons tenues en vue d'élaborer ce règlement. Nous avons soumis aux Canadiens un document de consultation publique. Nous avons également publié un projet de règlement dans la partie 1 de la Gazette du Canada. En général, les intervenants ont exprimé leur soutien au règlement, tout en faisant des commentaires. Certains d'entre eux n'étaient pas ciblés, notamment ceux précisant la nécessité du counselling, ce qui est prévu, mais ces préoccupations seront prises en compte dans d'autres règlements découlant de la loi.
Si vous avez des questions, j'y répondrai volontiers maintenant.
Le président : Oui, nous en avons. Je vous remercie beaucoup toutes les deux. Il nous reste environ 20 ou 25 minutes pour les questions.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je remercie nos invitées. Je ne sais pas quelle est la réaction de mes collègues, mais je me sens dépassée par cet exposé. Je trouve curieux que ce processus se soit déroulé pendant deux ou trois ans et qu'aujourd'hui, nous n'ayons que quelques minutes pour effectuer un examen sérieux de la question, comme l'exige notre mandat de sénateurs. Il est très difficile de suivre le dossier et d'être sûr de bien représenter les citoyens du Canada. Nous ferons de notre mieux, mais je ne sais pas si nous pourrons terminer notre examen dans les délais qui nous sont impartis. Il ne faut pas bâcler le travail.
Premièrement, pourquoi un délai aussi long? Que s'est-il passé dans l'intervalle au sujet de ce projet de loi? En vertu de quelle autorité ou réglementation a-t-on agi jusqu'ici? J'ai besoin tout d'abord de connaître ce contexte avant de pouvoir assimiler ce que l'on nous présente aujourd'hui. Le projet de loi a été présenté en 2004; il y a de cela près de trois ans maintenant.
Que s'est-il passé dans le domaine de la technologie de la procréation assistée? Tout cela a été fait à l'extérieur de l'objet du projet de loi. Les activités au Canada n'ont pas été assujetties à ce projet de loi; elles n'étaient pas réglementées.
Mme Quesnel : Les interdictions de la loi sont actuellement en vigueur. La dernière disposition de la loi qui nécessitait un règlement est l'article 8, dont vous êtes maintenant saisis. Je m'excuse encore une fois du retard. Le 27 octobre, nous avons envoyé au greffier du comité une trousse d'information accompagnée du projet de règlement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Avec toute cette documentation?
Mme Quesnel : Je crains que le texte de l'exposé n'en faisait pas partie, mais le 27 octobre, on a envoyé une lettre accompagnée du projet de règlement et d'une analyse de l'impact du règlement en question. Je comprends que c'est beaucoup d'information; j'en suis consciente.
Quant à savoir pourquoi cela a pris autant de temps, car c'est au fond ce que vous demandez — c'est-à-dire pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui et non pas il y a deux ans —, nous avons appliqué le processus de la Partie 1 de la Gazette du Canada, en vue de consulter les intervenants sur le projet de règlement, cette dernière série de règlements, en 2005. Un certain nombre d'événements ont retardé notre comparution devant le comité, par exemple les élections qui ont tendance à perturber le cours ordinaire des travaux, et cetera. Nous devions avoir l'approbation pour déposer devant le comité cette dernière série de règlements que nous proposons, avant de passer à la Partie 2 de la Gazette du Canada, et nous avons obtenu cette approbation en octobre de l'année dernière, après quoi nous avons procédé le plus rapidement possible. Je ne veux pas dire que nous avons interrompu notre processus d'élaboration des politiques au ministère. Nous avons consulté les Canadiens sur d'autres aspects de la réglementation, par exemple le counselling, les besoins des patientes et les activités faisant l'objet d'une autorisation. Nous avons consulté les médecins qui nous ont parlé de leurs activités actuelles. Nous avons consulté des laboratoires au sujet de leurs responsabilités et des rapports exigés par la loi. Nous poursuivons nos travaux d'élaboration. Malheureusement, nous n'avons pas comparu devant votre comité avant aujourd'hui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Avez-vous eu connaissance d'objections scientifiques importantes dont on n'aurait pas tenu compte dans le règlement proposé? Je ne veux pas parler d'objections religieuses. Il serait utile d'avoir des renseignements généraux.
Mme Manseau : Vous voulez dire sur le règlement?
Le sénateur Trenholme Counsell : Oui.
Mme Manseau : Nous avons notamment reçu des observations sur la clarté, c'est-à-dire qu'il faut s'assurer que la personne qui donne du matériel reproductif consent également à l'utilisation future de l'embryon ainsi créé et que le consentement quant à l'utilisation future soit clairement précisé.
Quand la loi a été étudiée au Parlement, un amendement a été proposé pour stipuler que le consentement du donneur soit conforme aux lignes directrices sur les cellules souches élaborées par l'Institut canadien de recherche en santé. Dans le domaine du retrait du consentement, nous avons modifié l'amendement pour s'assurer de prendre en compte le retrait du consentement tel que précisé dans les directives sur les cellules souches. Un donneur peut retirer son consentement quant à l'utilisation d'un embryon in vitro aux fins de la recherche et le moment ultime où ce retrait est encore possible, c'est lorsque la cellule souche a été isolée à partir de l'embryon. Nous avons donc entendu des observations de ce genre, mais pas vraiment d'objections.
Le sénateur Trenholme Counsell : Au sujet du retrait du consentement, je trouve préoccupant que ce retrait doive être par écrit et qu'il incombe au donneur de s'assurer que le document soit reçu par la personne compétente. Comment le donneur peut-il s'y prendre si, par exemple, le matériel a été envoyé à un laboratoire de recherche?
J'ai essayé de m'imaginer dans cette situation et je me suis demandé comment je pourrais assumer la responsabilité de transmettre le retrait de mon consentement à un certain nombre de personnes ou de laboratoires. Je trouve cela inquiétant.
Je vais poser une question sur le niveau de littératie et le consentement. Cela m'inquiète. Je sais à quel point il est difficile d'obtenir le consentement quand il s'agit d'aller chez le dentiste ou d'obtenir la pilule anticonceptionnelle, mais dans le cas qui nous occupe, c'est beaucoup plus compliqué.
A-t-on bien réfléchi à cet aspect et au fait qu'il incombe au donneur de veiller à ce que le retrait de son consentement se fasse dans les formes? Nous devrons peut-être y réfléchir. Cela m'apparaît très complexe.
Mme Manseau : Si l'on prend l'exemple d'une personne qui donne un embryon aux fins de la recherche, nous demandons que le consentement soit accordé pour un projet de recherche précis. Il s'ensuit que la personne qui donne l'embryon sait exactement à quel projet de recherche précis l'embryon est destiné. On ne peut pas dire que cette personne ne saurait pas à qui s'adresser. Je pense que cela se justifie du fait que c'est la seule personne qui peut donner le consentement. Une clinique peut posséder des embryons stockés, mais ses responsables ne peuvent pas prendre la décision. Nous devons retourner voir la personne qui a donné le consentement. Cette personne est la seule qui peut dire oui ou non et changer d'avis.
Le sénateur Pépin : Il est important que les gens comprennent toute l'information que nous leur fournissons au préalable.
[Français]
Ce n'est pas nécessairement inclus, mais c'est un règlement qui est pris en isolation, si vous voulez, du reste de la législation. Cependant, la législation requiert que les personnes aient reçu du counseling. Quand tous les règlements seront développés, les personnes devront avoir du counseling avant de pouvoir émettre un consentement.
[Traduction]
Mme Quesnel : Autrement dit, ils n'auront pas la possibilité de refuser le counselling.
[Français]
Mme Manseau : Non, c'est aussi obligatoire par la loi de recevoir du counseling.
[Traduction]
Le sénateur Trenholme Counsell : Les autres membres du comité voudront peut-être réfléchir au fait que la personne doit veiller à signifier le retrait du consentement aux personnes compétentes.
Le consentement pour un prélèvement posthume doit être accompagné d'un consentement aux fins des utilisations énoncées dans la partie 1. Cela signifie que l'on remonte au donneur original.
Est-ce uniquement dans ces circonstances que le consentement à une utilisation posthume peut être donné?
Mme Manseau : Il faut que vous consentiez à ce que votre matériel reproductif soit prélevé après votre décès.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce la même chose que dans le cas des transplantations?
Mme Manseau : Oui, sauf qu'en l'occurrence, il est possible qu'un embryon soit créé. Par conséquent, si vous consentez à cette intervention, vous devez aussi signer un consentement autorisant l'utilisation de votre matériel reproductif dans le but de créer un embryon.
Le sénateur Trenholme Counsell : Cela se fait-il au même moment?
Mme Manseau : Cela pourrait se faire au même moment, oui.
Mme Quesnel : Le cadre d'intervention serait établi au même moment. Quiconque décide ou souhaite faire ce don devra être informé des modalités et être sensibilisé aux utilisations potentielles de son matériel reproductif humain ainsi que fournir son consentement. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la séance de counselling débouche au moins sur un consentement éclairé.
Le sénateur Trenholme Counsell : Il faudrait que cela se fasse simultanément avec le consentement original. Si cela doit être autorisé, il faudrait que cet aspect soit abordé dans le cadre du counselling.
À la page 13, en ce qui a trait à la recherche, on peut lire ceci :
En général, à l'exception des fins reproductives du donneur, le matériel reproductif humain ou l'embryon in vitro peut encore être utilisé, à condition qu'il existe au moins un consentement écrit signé et daté concernant l'utilisation du matériel reproductif humain ou de l'embryon in vitro aux fins prévues.
Cette disposition concerne-t-elle les embryons in vitro produits au cours de la période de transition?
Mme Manseau : Oui, comme je l'ai dit, le consentement à l'utilisation d'un embryon in vitro à des fins de recherche doit s'appliquer à un projet de recherche précis.
Je pense qu'on envisageait une situation où le matériel reproductif humain a déjà été recueilli, par exemple du sperme, qui aurait pu être prélevé ou fourni aux fins reproductives d'un tiers. Souvent, on peut conserver le sperme pendant un certain temps lorsqu'il est congelé. Nous ne voulions pas qu'à cause de ces règlements, les couples ne puissent pas utiliser ce sperme; cela est autorisé pour autant que le donneur ait consenti par écrit à l'utilisation de son matériel reproductif humain par un tiers.
Il se peut que l'information fournie à cette personne ne corresponde pas tout à fait à celle qui sera exigée en vertu de l'article 8, mais il a été décidé que pour peu que le donneur ait accepté que son matériel reproductif soit donné à un tiers et qu'il ait signé un consentement écrit à cet effet, son utilisation devrait être autorisée.
Le sénateur Trenholme Counsell : En l'occurrence, le niveau de littératie est crucial. Je possède certaines connaissances médicales — rien à voir avec celles du Dr Keon —, mais je trouve cela extrêmement difficile à comprendre. Nous discutons déjà depuis une trentaine de minutes, alors vous imaginez le temps dont on dispose vraiment pour une consultation entre un médecin, un chercheur, un patient ou un donneur. J'ignore si on l'a déjà fait, mais il me semble qu'il faudrait préciser clairement dans la réglementation la responsabilité de la personne qui fournit l'information et obtient le consentement. C'est un aspect sérieux, et je ne sais pas comment on pourrait intégrer cela dans les règlements.
Mme Manseau : Je répète que l'on fournirait aussi du counselling. Je conviens qu'il faut s'assurer que les gens comprennent la situation et à mon avis, il y aurait des possibilités de fournir cette information.
Mme Quesnel : Dans nos consultations tant auprès des parents que des cliniciens, on nous a dit que la possibilité d'échanger des renseignements détaillés et d'avoir une discussion sérieuse de part et d'autre est essentielle pour assurer la santé et la sécurité des parents et de leurs descendants. Toutes les parties ont reconnu l'importance de cette question.
Le sénateur Callbeck : Quelle a été l'ampleur de la participation des intervenants au cours des consultations publiques? Avez-vous entendu de nombreuses personnes?
Mme Manseau : Cinquante-six personnes ont présenté des commentaires écrits.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que les intervenants avaient exprimé leur soutien au projet de règlement d'application de l'article 8. Vous avez ensuite ajouté que ce projet de règlement avait été modifié pour refléter les commentaires et les préoccupations des intervenants. En quoi le règlement a-t-il été modifié?
Mme Manseau : Les principaux changements visaient à assurer la conformité avec les lignes directrices relatives aux cellules souches. Celles-ci stipulent que le fournisseur original de gamètes qui en fait don aux fins reproductives d'un tiers doit consentir également à ce que les embryons in vitro créés qui pourraient dépasser les besoins du couple aux fins de reproduction soient utilisés pour la recherche. Ce serait par exemple le cas d'un homme qui ferait don de son sperme pour créer un embryon pour un tiers.
Le second changement concerne le délai concernant le retrait du consentement. Nous avons modifié ce délai pour nous assurer qu'il respecte les lignes directrices relatives aux cellules souches. Il y est précisé que les donneurs d'embryons in vitro peuvent retirer leur consentement tant que la cellule souche n'aura pas été isolée de l'embryon in vitro. Cela a été ajouté au projet de règlement.
L'autre changement visait la période de transition, notamment en ce qui a trait aux gamètes recueillis avant l'entrée en vigueur de la réglementation, particulièrement lorsqu'ils étaient destinés à une tierce partie. En pareil cas, ils peuvent être utilisés pour autant qu'il y ait un consentement écrit et daté du donneur.
Dans le projet de règlement, il est précisé que quiconque fait don de son matériel aux fins reproductives d'un tiers doit comprendre que ce tiers sera ensuite habilité à prendre toute décision concernant ces embryons in vitro. Ainsi, si le nombre d'embryons dépasse les besoins de ce tiers aux fins de reproduction, il peut être décidé d'en faire don aux fins reproductives d'un autre couple. Je ne dis pas que cela se produit souvent, mais dans un cadre réglementaire, nous devons envisager toutes les possibilités. Personne ne sait ce qui peut se produire.
Le couple tiers peut décider de faire don de l'embryon à quelqu'un d'autre, d'autoriser son utilisation à des fins de recherche ou de le détruire. La personne qui fait don de son matériel reproductif humain à un tiers est informée de ces questions et doit préciser si elle autorise que les embryons in vitro produits soient utilisés aux fins de la recherche. Le donneur a déjà consenti à ce qu'ils soient utilisés aux fins reproductives d'une tierce partie, de sorte que cela ne change rien si le couple décide de donner cet embryon in vitro à un autre tiers.
Nous avons fait une modification. Supposons qu'un couple ait recours à un don de sperme parce que le mari a un problème de fertilité et que la femme utilise ses propres ovules. Auparavant, nous exigions le consentement des deux personnes concernées avant d'autoriser l'utilisation par l'une ou l'autre de l'embryon in vitro. Maintenant, nous sommes d'avis qu'il faut reconnaître que la femme jouit d'un droit différent étant donné qu'il s'agit de son propre matériel reproductif. Le sperme provient d'un tiers, et non de son mari, de sorte qu'il devrait lui appartenir de décider l'utilisation qu'elle veut faire de cet embryon in vitro.
Je ne sais pas si c'est clair. C'est un domaine compliqué. Il faut penser à toutes ces possibilités, et c'est la raison pour laquelle cela prend du temps. Il faut réfléchir longuement à l'intention de la politique.
Le sénateur Callbeck : J'ai lu qu'au Québec, on conteste plusieurs articles de la loi. Cela a-t-il un effet sur la réglementation au Québec?
Mme Manseau : La loi a été adoptée et il incombe au ministre de la Santé d'élaborer la réglementation permettant à cette mesure d'entrer en vigueur. C'est ce que nous faisons.
Le sénateur Keon : Je vous remercie toutes les deux. J'avoue essayer de suivre l'évolution de ce domaine depuis l'époque où Patricia Baird présidait la Commission royale d'enquête sur les nouvelles techniques de reproduction et que je faisais partie du Conseil de recherches médicales du Canada, il y a une douzaine d'années.
C'est une question tellement complexe que je soupçonne qu'elle suscitera passablement de confusion à mesure qu'évoluera la situation. Je vous félicite d'avoir aussi bien peaufiné le projet de règlement d'application de l'article 8. Je pense que vous avez fait du bon travail.
Combien de changements avez-vous dû apporter dans la foulée de vos consultations publiques? Combien de changements avez-vous dû faire pour être en mesure de nous fournir le document que nous avons en main?
Mme Manseau : Comme je l'ai mentionné, il n'y a eu que quelques changements. J'ai cité trois ou quatre changements que nous avons dû apporter par rapport au projet de règlement ayant fait l'objet d'une publication préalable dans la partie 1 de la Gazette du Canada.
Le sénateur Keon : Je crois savoir que la composition du conseil d'administration a suscité un certain mécontentement. J'ai reçu des lettres à ce sujet. Le problème a-t-il été réglé? Lorsque vous avez mené vos consultations, les gens étaient-ils généralement satisfaits de la constitution du conseil d'administration?
Mme Quesnel : La composition du conseil d'administration n'avait pas encore été annoncée lorsque nous avons mené nos consultations. En tant que haut fonctionnaire, je peux vous dire que nous sommes impatients de collaborer avec ses membres. Nous avons eu des rencontres préliminaires avec le président du conseil et la présidente. Chose certaine, nous sommes heureux qu'un conseil d'administration ait été formé, et nous collaborerons volontiers avec ses membres.
Le sénateur Keon : Vous êtes convaincue que le conseil d'administration commission est représentatif du domaine?
Mme Quesnel : Il serait sans doute préférable que quelqu'un d'autre répondre à cette question. C'est une nomination du gouverneur en conseil.
Le président : Notre prochaine invitée est membre du conseil d'administration.
Mme Quesnel : Pour ce qui est du processus de nomination du gouverneur en conseil, nous sommes convaincus d'avoir fait notre part en prodiguant des conseils au sujet des nominations. Les décisions ont été prises par le gouverneur en conseil.
Le sénateur Keon : Je pense que le processus a été assez mûrement réfléchi pour ce qui est du choix des candidats. Cependant, êtes-vous convaincue que tous ces garde-fous que vous avez mis en place vont servir dans le cas des embryons frais aussi bien que pour le lent processus de nomination?
Mme Manseau : Une fois que le régime au complet et le règlement seront établis, il y aura de nombreux garde-fous. La loi stipule qu'avant de pouvoir accorder une autorisation à quelqu'un qui veut utiliser un embryon congelé pour la recherche, l'agence doit être doit être convaincue que l'utilisation de cet embryon est nécessaire pour la recherche en cause.
Dans le cas de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, il faudra que le conseil ait le consentement écrit du donneur de l'embryon avant qu'une décision soit prise et qu'une autorisation soit accordée. Le règlement pourra stipuler d'autres conditions, par exemple la comparution devant un comité d'éthique de la recherche. Ce règlement est actuellement en voie d'élaboration et du counselling sera offert aux donneurs. Une abondante documentation sera disponible et il faudra respecter de nombreuses exigences avant qu'une autorisation soit accordée en vue d'utiliser un embryon aux fins de la recherche.
Mme Quesnel : Le règlement n'est pas encore en vigueur à cet égard et nous faisons donc des conjectures quant à la manière dont cela pourrait fonctionner.
Mme Manseau : Les deux premières dispositions — pour l'utilisation d'un embryon conçu in vitro et pour le consentement écrit — se trouvent à l'article 40 de la loi.
Mme Quesnel : Le reste sera précisé dans le règlement.
[Français]
Le sénateur Pépin : Le programme ne fait que commencer, mais pour ce qui est du consentement du stockage, est-ce que vous êtes certaines que l'information qu'on a donnée est bien comprise? Quelqu'un qui donne son consentement peut, à un moment donné, le retirer. Cependant, il y a une certaine étape où il ne peut pas le faire. Est-ce que c'est bien compris? À la lecture de tout cela, même si nous y travaillons, je suis parfois confuse. Est-ce que la personne qui n'a pas d'antécédents et qui veut participer au programme — que ce soit pour avoir des enfants ou donner à la recherche — comprend ce qu'est le stockage? Est-ce qu'on a une façon de connaître le degré de compréhension de la personne lorsqu'elle donne son consentement? C'est bien important. On dit plus loin que les gens peuvent retirer leur consentement, mais à certaines conditions. Même moi je ne m'y retrouve pas très bien.
Mme Quesnel : En plus d'être en évolution, c'est un domaine qui n'est pas facile. C'est très complexe. Le règlement tente d'établir, pour toutes les parties touchées, les exigences et leurs responsabilités. La responsabilité du donneur, la responsabilité des parents, la responsabilité des cliniciens et celle des gens en laboratoire. Les encadrements réglementaires vont établir, dans la mesure du possible — et aussi clairement que possible —, les rôles et les responsabilités de chacune des parties. Est-ce que chaque individu impliqué dans cette situation comprendra aussi bien que l'autre? Ce que nous avons compris lors de nos consultations, c'est que les gens sont satisfaits.
Le sénateur Pépin : Les gens sont satisfaits?
Mme Quesnel : La nature humaine étant ce qu'elle est, ce n'est pas tout le monde qui accepte les données de la même façon. Ce n'est pas tous les individus qui peuvent transiger avec toutes ces données de la même façon, dépendant de leur condition personnelle et de leur capacité à absorber de l'information. L'encadrement réglementaire que nous proposons est là pour s'assurer que l'intégrité de la personne est bien respectée.
Mme Manseau : À la section 14 de la loi, on dit qu'avant d'accepter un don de quelqu'un ou d'avoir une procédure, il faut que la personne ait reçu du counseling et qu'elle soit informée par écrit sur tout ce que la loi prévoit, sur ce qui arrivera avec son matériel ou ses embryons in vitro. La loi s'assurera qu'il y ait un minimum d'information requise et que tout le monde ait cette même information.
Le sénateur Pépin : Je pense toujours aux poursuites, vous comprenez?
Mme Manseau : Oui, mais la loi est assez claire et je pense qu'un des principes de la partie 2 est l'importance d'avoir un consentement éclairé. C'est un des principes de base dans la législation et dans le développement de la réglementation. Ce sont des principes qui nous guident dans le travail que nous faisons.
Le sénateur Champagne : Ma question a deux volets qui, à la fois, se recoupent et qui sont opposés complètement. On parle de la complexité du sujet, de l'évolution constante de la science, de l'opinion et des questions d'éthique. D'un côté, vous nous dites que s'il n'y a pas de problèmes majeurs, la réglementation devrait être en place dans 18 à 24 mois. On en parle déjà depuis plusieurs années. Quand aura-t-on une réglementation sur laquelle tout le monde pourra se baser pour prendre une décision? D'un autre côté, je vois que, pour le stockage et pour la destruction possible ou probable d'embryons, cela se fera ultérieurement. Il faut peut-être là aussi en arriver à quelque chose.
Alors d'un côté je me dis que cela vous donne trop de temps et d'un autre, je ne vous envie pas et je voudrais être rassurée que vous continuiez à faire les choses le plus rapidement possible.
Mme Quesnel : Quant à l'article 8, le point central de cette discussion, nous espérons que le règlement soit en place d'ici le printemps. Lorsque j'ai dit 18 à 24 mois, c'était l'encadrement pour tous les autres règlements.
Le sénateur Champagne : Bravo! Bonne nouvelle!
Mme Quesnel : On pousse vers mars-avril, mais cela devrait être sous peu parce que c'est la dernière prohibition de la loi et l'on aimerait bien que tout soit en place afin d'aller de l'avant avec le reste. J'aurais dû être plus claire là-dessus.
Le sénateur Champagne : Je croyais avoir été assez précise dans ce que j'avais entendu, mais l'important c'est que cela se règle dans les meilleurs délais. Merci pour l'espoir.
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn : Je reviens à la question soulevée par le sénateur Trenholme Counsell, qui est intéressante pour nous tous, bien qu'il soit difficile d'en comprendre toutes les dimensions.
Durant votre exposé, madame Manseau, vous avez dit que le règlement exige que les donneurs donnent un consentement écrit attesté par un témoin. Compte tenu de l'état d'esprit dans lequel se trouveront les gens qui auront à prendre cette décision, sont-ils autorisés à se faire accompagner d'une tierce personne pour les aider à poser des questions?
Mme Manseau : Avant qu'un don soit accepté, la personne doit obtenir du counselling et fournir des renseignements détaillés par écrit sur ce qu'il adviendra du matériel génétique donné. Elle aura donc amplement le temps de poser des questions.
Le témoin doit confirmer la signature apposée sur le formulaire de consentement. Dans le règlement d'application de l'article 8, on a voulu respecter l'autonomie reproductrice de la personne. Seule la personne visée peut consentir à l'utilisation de ce matériel à des fins reproductives.
La loi stipule qu'il y aura counselling et que toute l'information sera fournie. Nous tentons de nous assurer que ce sera le cas, dans toute la mesure du possible, et que ce sera fait de la même manière dans toutes les cliniques au Canada.
Mme Quesnel : Est-ce que vous demandez s'il est interdit d'avoir une tierce personne dans la salle pour assurer un soutien moral?
Le sénateur Fairbairn : Oui.
Mme Quesnel : Non, il n'y a pas d'interdiction. La personne qui fait le don doit donner son consentement et il doit y avoir un témoin, ce qui est juste. Il est certain qu'en pareil cas, c'est exigé par le règlement. Durant nos consultations, on nous a décrit des situations où des gens cherchent non seulement à donner un consentement éclairé, mais aussi à obtenir un soutien moral.
Le sénateur Fairbairn : Exactement.
Mme Quesnel : Surtout quand des couples utilisent leur propre matériel. En pareil cas, ils ont souvent quelqu'un présent pour les aider à vivre cette expérience difficile.
Le sénateur Fairbairn : Ou bien s'ils changent d'avis à la dernière minute.
Mme Quesnel : Oui, il semble y avoir tout un réseau.
Le sénateur Fairbairn : Il est important de le savoir.
Mme Quesnel : Je ne garantis pas que c'est toujours le cas, mais on semble conscient de la nécessité de pouvoir compter sur un solide réseau.
Mme Manseau : Il y a beaucoup de groupes de soutien.
Le sénateur Fairbairn : Je ne peux pas imaginer une situation plus fondamentale.
Le sénateur Cook : Les cliniques ont-elles un permis? Qui leur octroie le permis? Quel est leur mandat? Quand ce règlement entrera en vigueur, quelle en sera l'incidence sur les cliniques existantes?
J'examine le processus plutôt que les modalités. Quelles sont les normes éthiques et qui les a élaborées? Nous allons maintenant réglementer les cliniques qui existent déjà; voilà ce que j'essaie de comprendre.
Mme Quesnel : C'est une excellente question et je vous remercie de l'avoir posée.
Je crois qu'il y a environ 25 cliniques de fécondation in vitro, surtout à Toronto, Montréal et Vancouver, bien que nous ayons rencontré des gens des quatre coins du pays. Ces cliniques ne sont pas autorisées aux termes de la présente loi car il n'existe pas de cadre réglementaire permettant de les autoriser. Cependant, elles fonctionnent à l'heure actuelle. Beaucoup d'entre elles étaient en activité avant l'entrée en vigueur de la loi.
Le sénateur Cook : Quels critères ont présidé à leur création? Qui supervise l'aspect éthique de tout cela? Voilà ce que j'essaie de comprendre. Quelle sera l'incidence de l'entrée en vigueur de ce règlement?
Mme Manseau : Comme vous l'avez dit, la loi est déjà en vigueur. Nous travaillons à la rédaction de règlements pour l'octroi des autorisations. Une fois que le règlement sera en vigueur, la clinique devra s'adresser à l'agence, obtenir une autorisation et suivre le règlement.
Il y a bien des domaines dans lesquels nous devons élaborer des règlements. Si vous examinez la loi, à l'article 65, les paragraphes sont numérotés de A à Z, et même Z.1 et Z.2; il faut des règlements pour toutes ces situations et nous y travaillons actuellement. C'est un domaine difficile parce qu'il n'a jamais été réglementé et qu'il n'y a pas tellement de lignes directrices ou normes nationales vers lesquelles nous pouvons nous tourner. Nous devons créer tout cela de toutes pièces. Nous travaillons avec des gens oeuvrant dans ce domaine et nous essayons de progresser le plus vite possible. Les cliniques ne sont pas encore autorisées, mais elles le seront à un moment donné.
Au sujet du règlement, nous savons que la plupart des cliniques ont déjà un formulaire de consentement. Nous essayons d'assurer l'uniformité et de veiller à ce que les mêmes renseignements soient fournis à tous. Une fois que le règlement sera en place, il incombera à l'agence de veiller à ce que les cliniques soient informées. Au moyen des consultations, nous avons fait comprendre clairement aux responsables des cliniques qu'ils doivent élaborer des formulaires de consentement qui respectent les exigences du règlement.
Le sénateur Cook : Sera-t-il obligatoire pour les cliniques d'obtenir une autorisation?
Mme Manseau : Oui, quiconque manipule du matériel reproductif humain ou des gamètes en vue de créer un embryon devra obtenir une autorisation; et quiconque utilise un embryon in vitro à quelque fin que ce soit devra obtenir une autorisation.
Le sénateur Cook : Je peux maintenant réfléchir à tous les autres éléments. J'essayais de me faire une idée du processus, car les cliniques sont déjà en activité.
Dans quel environnement fonctionnent-elles? Sont-elles régies par l'éthique, par la profession médicale, d'où tirent- elles leur origine?
Mme Manseau : Des cliniques ont simplement ouvert leurs portes. Un médecin a ouvert une clinique et a commencé à offrir ses services. Nous avons un processus d'accréditation volontaire depuis le début de 2000. Ce service a été lancé en collaboration entre la Société canadienne de fertilité et d'andrologie et le Conseil canadien d'agrément des services de santé. Il y a une forme quelconque d'accréditation ou de gouvernance. C'est volontaire, mais beaucoup de cliniques y participent. À un moment donné, il faudra toutefois obtenir l'autorisation de l'agence, en fonction du règlement en cours de rédaction.
Le sénateur Cook : Envisagez-vous que ce règlement pourrait avoir une incidence négative quelconque sur les activités actuelles de ces cliniques?
Mme Manseau : Vous voulez parler du règlement afférent à l'article 8?
Le sénateur Cook : Oui.
Mme Manseau : Non, nous ne prévoyons aucune incidence négative.
Le sénateur Cochrane : Je dois dire que je ne vous envie pas. Vous avez une lourde tâche, car l'article 8 entraîne un véritable questionnement personnel.
À votre avis, quelle sera l'incidence de ce nouveau règlement?
Mme Manseau : Le règlement va garantir l'uniformité et va donner l'assurance que l'on donne une information minimale. Il faudra aussi un consentement écrit. À l'heure actuelle, dans certains cas, du sperme est mis au congélateur, après quoi le mari meurt. La femme déclare alors : « Il m'a dit qu'il voulait utiliser ce matériel ». Désormais, tout sera clair parce qu'il faudra que ce soit par écrit.
Le but est de s'assurer que tout soit clair quant à ce qui est exigé et obligatoire. L'un des principes les plus importants est de respecter l'autonomie procréatrice et il faudra donc le consentement écrit. Ce consentement écrit garantira l'uniformité et chacun recevra la même information nécessaire pour prendre une décision éclairée.
Le sénateur Cochrane : Au sujet du droit de retrait, comment cela fonctionne-t-il en pratique pour les chercheurs? Conservent-ils également le droit de retrait?
Mme Manseau : Oui.
Le sénateur Cochrane : Comment cela fonctionne-t-il? Y a-t-il des considérations spéciales en pareil cas? Il arrive que les gens changent d'avis.
Mme Manseau : La loi en tient compte et prévoit divers moments auxquels on peut retirer son consentement. Disons que quelqu'un a donné des embryons in vitro aux fins de la recherche. Selon la nature de la recherche, il y a trois points auxquels on peut retirer le consentement.
Le premier est lorsque les embryons sont retirés du congélateur. À ce moment-là, si la personne change d'avis, il faudra détruire les embryons parce qu'ils ne peuvent servir à aucune autre fin. Nous avons essayé de reculer ce moment le plus loin possible afin que les gens aient la possibilité de changer d'avis. À ce moment-là, si la personne change d'avis, c'est très bien, mais on ne pourra pas utiliser les embryons à des fins reproductives.
Le moment ultime, c'est lorsque l'on isole des cellules souches à même les embryons in vitro. Jusqu'à ce moment-là, quelqu'un peut toujours changer d'avis. Encore une fois, on donne également son consentement à l'égard d'un projet de recherche précis. C'est exigé.
Le sénateur Hubley : Je vous remercie pour votre exposé. Ma question découle de la page 8 de votre exposé où il est question de l'utilisation de matériel reproductif humain dans le but de créer un embryon. Aux paragraphes 4 et 5, vous dites : « pour l'amélioration des techniques de procréation assistée; pour l'apprentissage des techniques de procréation assistée. »
Précisera-t-on exactement comment ce matériel sera utilisé? Serait-il possible de créer un être humain par inadvertance autrement qu'entre le donneur et le bénéficiaire? Y aurait-il une possibilité quelconque d'utiliser ce matériel pour créer un être humain qui n'était pas envisagé au départ?
Mme Manseau : Il y aurait des problèmes. Pour utiliser le matériel dans le but de créer un embryon, il faut le consentement du donneur. Le consentement doit indiquer clairement à quelles fins l'embryon est donné et celui-ci doit être utilisé uniquement à cette fin.
Le sénateur Hubley : Aux termes des deux derniers points que j'ai cités, il ne pourrait y avoir d'erreur quant à la manière dont ce matériel pourrait être utilisé? Il ne pourrait y avoir d'incidents imprévisibles et regrettables?
Mme Manseau : On dit bien qu'on ne peut utiliser le matériel dans le but de créer un embryon à moins d'avoir le consentement du donneur, et il faut préciser clairement à quelles fins.
Mme Quesnel : Est-ce que vous insinuez qu'il pourrait y avoir une erreur comme d'utiliser le mauvais sperme?
Le sénateur Hubley : Non. Je me demande seulement jusqu'où on pourrait aller relativement à ces deux divisions. Pourrait-on s'en servir pour créer un être humain?
Mme Manseau : Il est interdit sous peine de sanctions criminelles d'utiliser du matériel reproductif humain dans le but de créer un embryon sans avoir obtenu le consentement écrit du donneur à cette fin précise.
Le sénateur Hubley : Vous êtes manifestement à l'aise avec cela.
Le président : Je remercie nos deux témoins. Nous aurons l'occasion de vous entendre de nouveau. Nous avons seulement abordé le règlement afférent à l'article 8 et il y a encore beaucoup de travail à faire. On m'a dit que cet article est l'un des plus faciles à encadrer et nous verrons donc ce qu'il en est du reste le moment venu.
Notre témoin suivant est Mme Françoise Baylis, professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en bioéthique et en philosophie à l'Université Dalhousie. Mme Baylis est également fondatrice de l'équipe de recherche Novel Tech Ethics. Mme Baylis a une feuille de route impressionnante dans le domaine de la recherche et des publications; elle a travaillé dans un vaste éventail de domaines, notamment les nouvelles technologies, la procréation humaine assistée, la recherche sur les cellules souches, la recherche mettant en cause des personnes humaines, la santé des femmes et l'éthique féministe. Ses travaux sont réputés et considérés originaux et stimulants. Elle est actuellement chercheur principal pour deux programmes de subventions en neuroéthique à l'Institut canadien de recherche en santé, le premier étant intitulé « States of Mind : Emerging Issues in Neuroethics », et le second « Therapeutic Hopes and Ethical Concerns : Clinical Research in the Neurosciences ».
En plus de ses travaux universitaires, le professeur Baylis contribue à l'élaboration de politiques nationales au moyen de contrats de recherche accordés par le gouvernement, en participant aux travaux de comités nationaux et à des campagnes d'éducation publique. Ces travaux portent essentiellement sur des questions de justice dans la collectivité.
Mme Baylis est actuellement membre du conseil d'administration du Centre canadien pour l'éthique dans le sport, et aussi du conseil d'administration de l'organisme dont il est ici question, l'Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée.
[Français]
Françoise Baylis, professeure, départements de bioéthique et philosophie, Université Dalhousie : Monsieur le président, c'est un grand plaisir d'avoir été invitée ici pour vous adresser la parole. Je veux brièvement vous expliquer le document que vous avez devant vous. Je ferai par la suite ma présentation en anglais en m'assurant que ce soit très bref afin de vous donner du temps pour poser vos questions.
Je vous ai donné un document qui est assez long, mais la première page est le sommaire de ce que j'ai à dire avec les quelques recommandations précises.
Aux pages 2 et 3, j'essaie de regrouper les recommandations pour vous faire comprendre la thématique qui me préoccupe. J'essaie de vous offrir des raisons pour appuyer les recommandations. Et finalement, pour ceux qui sont vraiment intéressés, j'élabore encore plus sur les même trois points.
[Traduction]
J'ai cru comprendre, d'après certaines de vos observations, que vous êtes déjà d'accord pour dire qu'il est important de mettre en place le règlement. C'est le seul moyen d'atteindre les objectifs de la loi, pour ce qui est de promouvoir la santé et la sécurité des femmes et des enfants issus de ces technologies. Je suis en faveur de tout ce qui est susceptible de favoriser l'atteinte de cet objectif.
Plusieurs d'entre vous ont dit que le règlement découlant de l'article 8 est compliqué. C'est vrai, mais c'est parce que la question à l'étude est compliquée. Il s'est fait énormément de travail immensément novateur dans ce domaine. Je peux vous en donner l'assurance car je suis au courant d'autres règlements qui ont été pris dans le monde. Certains éléments de ces règlements conviennent tout à fait. Il aura fallu du temps pour les élaborer car cela ne se trouve nulle part ailleurs. Ceux qui ont travaillé à ce dossier méritent des félicitations pour leur travail.
Il me reste à aborder trois questions qui continuent de me préoccuper, et je les ai groupées par thème. J'ai encore des réserves au sujet du moment auquel on peut donner le consentement, surtout pour ce qui est de l'utilisation des embryons aux fins de la recherche. J'ai également des réserves au sujet du moment où il est possible de retirer son consentement et au sujet de l'utilisation d'embryons frais pour la recherche.
À la page 1 de mon mémoire, on trouve mes recommandations. Je vous invite à vous reporter aux pages 2 et 3, où vous trouverez un résumé de mon argumentation à cet égard.
Il est important que la loi reprenne explicitement les lignes directrices énoncées en 2001 pour les IRSC. À l'annexe B, vous trouverez d'importants extraits de cette loi. Dans les lignes directrices des IRSC, on exige le consentement réitéré. Je pense que la raison en est qu'il faut respecter le droit de retirer son consentement. On reconnaît ainsi qu'une personne pourrait subir aujourd'hui un traitement pour infertilité, faire congeler des embryons et peut-être ne pas en faire don pour la recherche avant une dizaine d'années. Dans ce contexte, il devient important que cette personne ait l'occasion de réitérer son consentement. Pourquoi? Parce qu'il peut s'être produit dans l'intervalle des événements qui l'auraient amenée à changer d'avis.
L'un des éléments du règlement visant à répondre à ce besoin est l'exigence, dont on vous a déjà parlé, que le consentement soit donné à l'égard d'un projet de recherche précis. Il ne pourrait s'agir de recherche qui aurait lieu dix ans plus tard.
L'un des arguments que j'essaie d'énoncer clairement dans mon commentaire est qu'un projet peut prendre plusieurs formes. Ce peut être un plan, une stratégie, un scénario, une proposition ou une entreprise.
Si l'on envisage la situation dans ce contexte, on constate que la pratique actuellement suivie dans les cliniques de FIV consiste à faire signer un formulaire de consentement dans lequel on dit simplement qu'on fait don des embryons aux fins de la recherche, un point c'est tout. Je possède tous les formulaires de consentement que les gens ont accepté de remettre dans le contexte de la recherche empirique que j'ai faite. D'autres formulaires de consentement disent qu'on en fait don expressément pour la recherche sur le diagnostic génétique préimplantatoire. Il y en a un dans lequel on précise qu'on fait don de l'embryon pour la recherche sur les cellules souches.
Il y a déjà une différence parce que c'est plus spécifique. On pourrait croire qu'il ne s'agit pas d'un don pour la recherche en général, mais bien d'un don visant spécifiquement la recherche sur les cellules souches. Par contre, on pourrait dire aussi que ce n'est pas ce que l'on entendait par projet de recherche spécifique. Je répondrais à cela en disant : « oh, vous vouliez que je dise que c'était pour la recherche sur les cellules souches hématopoïétiques à l'Université McMaster, sous la tutelle du docteur untel? » Ce serait peut-être plus précis, mais peut-être que vous vouliez en fait que je précise qu'il s'agissait de tel chercheur, de tel numéro de projet de recherche, financé à telle date et prenant fin à telle date, et cetera.
Ce qui m'inquiète, c'est que nous ne savons pas comment comprendre ou interpréter ce consentement. Par conséquent, il est possible que cette description d'un projet de recherche précis puisse être comprise en toute légitimité comme étant un projet à très long terme. Par exemple, il m'est arrivé de financer des travaux de recherche d'une durée de cinq ans. Si j'obtenais le consentement aujourd'hui, dans cinq ans, ce consentement pourrait toujours s'appliquer à ce projet de recherche précis. J'ai recommandé un échéancier plus serré. J'ai utilisé l'expression « immédiatement avant la recherche prévue » pour éviter cette longue période pendant laquelle les gens peuvent avoir changé d'avis.
Mon argument est que si vous tenez vraiment à obtenir un consentement de grande qualité, plus ce consentement est proche dans le temps de l'activité envisagée et plus on est en mesure de donner des renseignements précis, meilleure est la qualité de ce consentement.
Mon deuxième point porte sur le moment choisi pour le retrait du consentement. Tout au long du règlement, on dit essentiellement qu'il est possible de retirer son consentement, ce qui est important. Nous devons protéger le droit de retrait afin de comprendre que le consentement était chargé de sens au départ, parce qu'il y a toujours la possibilité de dire « non ».
Dans cet exercice qui est très important, il faut s'efforcer de mettre dans la balance des besoins et intérêts contradictoires. Les besoins et intérêts contradictoires sont ceux du donneur et du receveur du matériel reproductif. Par exemple, le couple qui a terminé son projet reproductif et le chercheur qui veut recevoir ce projet ont des besoins et des intérêts différents.
En essayant de mettre en équilibre ces intérêts et besoins contradictoires, on dit que l'on peut retirer son consentement jusqu'au moment où la personne désignée pour recevoir ce matériel reconnaît par écrit que le matériel en question a été désigné pour son utilisation.
Je suis d'avis que cette limite au droit de retrait est prématurée. La date limite devrait se trouver plus loin durant ce processus. Je crois qu'il faut fixer une limite parce que les deux parties doivent avoir des garanties; cependant, je dis que la limite doit se situer au moment où le matériel désigné est reçu. On est alors déjà un peu plus avancé dans le processus.
Je voudrais donner en exemple l'utilisation du sperme et un aspect qui est très important pour un couple, à savoir que si les conjoints choisissent d'avoir un deuxième enfant ou tentent d'obtenir une deuxième grossesse, il y aurait alors possibilité d'un lien génétique. On ne voudrait pas être tenu en otage devant la possibilité que le donneur change d'idée et dise : désolé, vous avez eu un enfant et je retire maintenant mon sperme.
Je vous demande d'envisager la question sous l'angle d'une donneuse d'ovule plutôt que d'un donneur de sperme. On ne peut pas congeler des ovules et cet exemple se situe donc dans le contexte d'un don d'embryons frais. Cela pose un véritable problème parce que, par exemple, si je suis la donneuse et que l'on commence à me traiter à coup d'hormones, on traite en même temps l'autre femme que l'on veut préparer à recevoir ce matériel.
Imaginons le scénario suivant. Ma soeur ou ma meilleure amie m'a demandé d'être donneuse et j'accepte. Je signe le formulaire de consentement dans lequel j'affirme que je comprends tout à fait ce que je m'apprête à faire, et mon amie ou ma soeur signe de son côté des documents affirmant que l'ovule est désigné pour son utilisation à elle. Je ne peux pas retirer mon consentement et, aux termes de la loi, elle a fait ce qu'il fallait, c'est-à-dire qu'elle a signé un bout de papier dans lequel elle affirme comprendre que l'ovule en question est désigné pour son utilisation à elle. Je commence alors le cycle de superovulation et je déteste cela. C'est épouvantable, je suis malade et enflée. Je retourne alors voir mon amie ou ma soeur pour lui dire : désolée, je t'aime bien, je voulais faire cela, mais je ne le peux pas.
J'ai changé d'avis. Voici que, tout à coup, je ne veux pas que mon enfant génétique soit à la fois ma nièce et ma fille. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y a absolument aucun clinicien qui me forcera à faire quoi que ce soit. On ne peut pas me forcer à prendre les médicaments ou à venir faire prélever mes ovules. Je ne suis pas inquiète, en un sens, du fait que je ne peux pas retirer mon consentement. Je peux me retirer du processus. Je peux quitter le pays ou poser une foule de gestes qui équivaudraient à un retrait. Cependant, qu'arrive-t-il si ma meilleure amie n'est plus ma meilleure amie ou si ma soeur décide de dire que j'ai violé une relation contractuelle? Je ne comprends pas toutes les répercussions possibles, mais je sais que cela pourrait être résolu en grande partie en précisant que le point de retrait est le moment où le matériel est reçu. Évidemment, cela veut dire qu'il pourrait arriver que des gens soient déçus. Il faut mettre dans la balance les intérêts des deux parties.
Je vous invite à considérer que la même situation s'applique aux embryons congelés. Dans ce contexte, j'ai peut-être dit que l'on peut utiliser ces embryons congelés, ceux-ci sont stockés à la clinique de FIV, ils n'ont pas été remis au chercheur, les recherches n'ont pas commencé, mais le chercheur a signé un document dans lequel il affirme comprendre qu'il y a à la clinique de FIV des embryons congelés qui ont été désignés aux fins de son projet de recherche précis. Si j'ai changé d'avis, si les embryons sont stockés à la clinique et n'ont pas encore été reçus par le chercheur, pourquoi ne puis-je dire non, laissez tomber? Vous savez que le matériel doit être envoyé lundi; ne l'envoyez pas.
Il y a une énorme différence entre dire que le droit au retrait n'existe plus dès que la personne désignée indique par écrit que le matériel a été désigné et dire que ce droit disparaît au moment où il est indiqué par écrit que le matériel désigné a été reçu. C'est une distinction importante qui repousse plus loin le droit de retrait.
Le dernier point concerne l'utilisation d'embryons frais pour la recherche. Je me reporte encore une fois à la Loi sur la procréation assistée et aux dispositions qui ont été introduites dans cette loi. Les rédacteurs voulaient que le règlement sur le consentement soit conforme aux lignes directrices énoncées en 2002 pour les IRSC.
Il est très clair que ces lignes directrices permettaient l'utilisation d'embryons congelés aux fins de la recherche, mais pas d'embryons frais. Il est vrai que les lignes directrices ont été modifiées en 2005 et qu'elles précisent maintenant explicitement que l'on peut utiliser aussi bien des embryons frais que congelés. Cependant, cette phrase n'y était pas en 2002. Ce qu'on disait clairement en 2002, c'est qu'il fallait un consentement réitéré, à cause du délai prévu entre le don et l'utilisation du matériel.
On n'aurait pas écrit cela si l'on avait pensé qu'il s'agissait d'embryons frais, parce qu'il n'y aurait pas eu ce long délai comme dans le cas où il faut poser la question le lundi et ensuite, trois jours plus tard, au moment du début de la recherche, il faut encore obtenir le consentement à cause du long délai pendant lequel vous avez peut-être changé d'idée.
Outre le fait qu'à mon avis, il faudrait un énoncé pour se conformer à la loi, je pense qu'un certain nombre d'arguments ont été avancés à l'appui de la position selon laquelle ce serait la bonne façon de procéder du point de vue éthique. Si vous êtes intéressés, j'ai résumé quelques-uns de ces arguments à la page 5.
Du point de vue médical, il n'est pas dans l'intérêt des femmes qui se font traiter pour infertilité de donner leurs embryons frais pour la recherche. Si elles doivent passer par un autre cycle, il faut alors provoquer de nouveau la superovulation, prélever de nouveau des ovocytes, payer un coût additionnel, sans compter le stress psychologique et le bouleversement de la vie sociale. Pourquoi les femmes font-elles tout cela?
Si l'on tente de protéger les buts et objectifs des femmes qui ont fait don de leur matériel ou de celles qui participent à un projet de traitement de l'infertilité prétendument à des fins de procréation, à mon avis, ces embryons ne deviennent pas surnuméraires tant que le projet reproducteur n'est pas terminé. Ils ne deviennent pas surnuméraires à chaque cycle, de sorte qu'on puisse les donner et recommencer un nouveau cycle. De mon point de vue, c'est une distinction importante et qui m'apparaît conforme sinon à la lettre, du moins assurément à l'esprit des lignes directrices.
Je suis disposée à répondre aux questions en français ou en anglais.
Le président : Avez-vous discuté de ces changements recommandés avec le ministère ou le bureau du ministre? Vous avez également fait un exposé, sauf erreur, devant le comité de la Chambre des communes.
Mme Baylis : J'ai effectivement fait un exposé devant le comité de la Chambre des communes en décembre. Le fond de mon intervention était semblable et j'ai exprimé essentiellement les mêmes préoccupations qu'aujourd'hui. Je dirais que l'exposé que j'ai fait devant vous est plus clair et plus concis, car j'ai eu l'occasion de réfléchir et de préciser ma pensée. Mais sur le fond, j'ai fait les mêmes observations et présenté les mêmes points de vue.
Le président : Avez-vous eu l'occasion de discuter de ces changements proposés avec les représentants du ministère ou du ministre?
Mme Baylis : Je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter en détail avec un quelconque représentant de Santé Canada. Ceux-ci sont à mon avis au courant de mes observations, celles-ci ayant été faites en public, dans un contexte officiel, notamment lors de mon exposé devant le Comité permanent de la santé, et aussi dans des articles publiés dans les médias et dans mes communications écrites.
Au début du processus, quand on s'affairait à rédiger le projet de règlement, je faisais partie de ceux qui ont présenté des observations et j'ai eu des entretiens avec des gens de Santé Canada. J'ai constaté qu'ils étaient ouverts et favorables à mes idées. Nous avons des relations collégiales et positives.
Le président : Je me demande pourquoi ils n'ont pas fait les changements eux-mêmes, ou pourquoi le comité de la Chambre n'a pas apporté ces changements. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?
Mme Baylis : Le 12 décembre 2006, un représentant de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, un représentant de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, M. Tim Caulfield et moi avons comparu devant le Comité permanent de la santé. À la fin de la séance, on nous a demandé si nous étions prêts à approuver cela tel quel, sachant que ce n'était peut-être pas parfait, dans le souci d'éviter de nouveaux retards. Trois personnes sur quatre ont répondu oui; j'ai été la seule à dire non. Même si, de manière générale, j'étais très favorable au projet de règlement, je demeurais convaincue qu'il était important de prendre ce règlement. Même si je ne voulais pas être celle qui cause un retard, j'estimais que les trois points que j'avais abordés étaient importants. Il y avait divergence d'opinion.
Le président : Vous les avez raffinés davantage depuis lors.
Mme Baylis : Dans l'intervalle, j'ai en effet peaufiné mon argumentation et j'estime que je viens de faire un exposé plus clair. Si j'avais la chance de refaire cet exposé, je n'hésiterais pas.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'était un exposé très stimulant.
Pourriez-vous revenir brièvement sur la transition entre l'utilisation d'embryons congelés seulement et l'utilisation d'embryons frais dans le contexte de la loi canadienne et maintenant du règlement? Comment cela s'est-il passé? Quelles ont été les étapes?
Mme Baylis : C'est assez simple pour ce qui est de la loi. La Loi sur la procréation assistée, qui a reçu la sanction royale en mars 2004, n'aborde pas cette question. On ne s'y prononce pas dans un sens ou dans l'autre. On n'y fait pas la distinction entre les embryons frais et congelés. À deux endroits, on y fait mention des lignes directrices des IRSC qui datent de 2002.
En 2002, les lignes directrices des IRSC ne comprenaient pas d'énoncé dans un sens ou dans l'autre. En fait, le texte était complètement muet là-dessus. Il ne disait pas que l'on peut ou que l'on ne peut pas utiliser des embryons frais ou congelés, on disait seulement qu'il faut obtenir le consentement et un consentement réitéré à cause du délai prévu. Ce libellé incite la plupart des gens à conclure qu'il s'agissait d'embryons congelés. J'étais membre du comité de rédaction de ces lignes directrices et à titre de coauteur, je peux dire que c'était notre hypothèse de travail.
Cette question a été soulevée et c'était une lacune des lignes directrices, qui aurait dû être plus précises. Autrement dit, il y avait ambiguïté et l'on pouvait choisir d'interpréter les lignes directrices dans un sens ou dans l'autre parce que ce n'était pas dit explicitement. Il y a seulement la disposition 7.2.2 qui dit clairement qu'il doit y avoir consentement réitéré au moment de l'utilisation prévue aux fins de la recherche, à cause du long délai entre le moment où l'embryon est donné et celui où il est utilisé. Dans l'esprit des auteurs, il était question d'embryons congelés.
En 2005, les IRSC, à titre de l'une des sources de financement, ont choisi de mettre à jour leurs lignes directrices. C'est leur droit de le faire. Ce n'est pas un organe législatif. Dans ce contexte, on a choisi de changer les lignes directrices pour éliminer toute confusion ou possibilité de malentendu. On a choisi de dire que cela s'appliquait à la fois aux embryons frais et congelés.
J'ai rédigé un article donnant en détails l'historique de cette affaire, lequel sera publié dans environ deux mois, et j'y soulève des préoccupations ou questions précises sur les raisons qui ont motivé ce changement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je continue d'entendre ce que nous avons entendu au cours de ces audiences en 2004, et il me semble que l'on discutait de l'utilisation des embryons congelés en entreposage. Je me demande si toutes les personnes qui ont participé aussi passionnément à ce débat souhaiteraient le faire de nouveau maintenant qu'il est question d'embryons frais et congelés. Je ne voudrais pas que l'on se méprenne. Je suis en faveur de l'utilisation d'embryons frais à condition que tous ces consentements fonctionnent bien, que tout soit très clair et que personne ne soit exploité. Cela nous concerne tous. C'est un débat différent de celui de 2004. L'enjeu est différent. À l'époque, il était question de matériel congelé qui était disponible.
Mme Baylis : Il faut que vous sachiez que les deux premières lignes de cellules souches ont été dérivées d'embryons frais, et c'est un fait important dans ce contexte.
Je partage votre inquiétude à propos du consentement. En ce qui a trait au consentement à l'utilisation d'embryons frais, le problème c'est que les gens s'attachent aux exigences de divulgation, mais un consentement valide comporte trois parties : la divulgation, la compétence et le libre-arbitre. Je m'inquiète surtout du volet libre-arbitre et de formes possibles de coercition et d'exploitation qui ne seraient pas volontaires mais plutôt subtiles et indirectes. Ces femmes et ces couples sont potentiellement vulnérables. Ils suivent un traitement de fertilité dans le but d'avoir un enfant. Ils sont dépendants de ces cliniques et de ces médecins. Ils ne peuvent pas magasiner. Ils ne sont pas si nombreux au pays. Il est difficile de dire : « Non, je ne veux pas vous aider » et ensuite s'attendre à ce que le médecin fasse la même chose.
C'est un scénario compliqué, et il y a d'autres domaines où nous avons établi que la chose la plus importante n'est peut-être pas cette notion de consentement éclairé. Pour en revenir à la mesure législative, nous n'autorisons pas les accords de préconception, et j'estime que ce n'est pas parce qu'il serait impossible de trouver une femme compétente et autonome qui accepterait de faire cela, mais parce qu'il y a des restrictions. Nous autorisons cette pratique dans un contexte volontaire où n'intervient aucune rémunération. Il y a des contextes dans lesquels nous choisissons de limiter les pratiques, non pas à cause de la difficulté de trouver des personnes compétentes, mais parce que d'autres éléments entrent en jeu.
Le sénateur Trenholme Counsell : À quelle date ces deux lignées de cellules souches sont-elles apparues dans le cours de nos recherches? Était-ce avant l'adoption de la loi?
Mme Baylis : Leur création a été annoncée publiquement quelques jours après l'actualisation des lignes directrices de l'IRSC. Ces cellules n'étaient pas utilisées. Elles ont été créées.
Le sénateur Keon : Dans vos propositions d'amendement au sujet de l'utilisation d'embryons frais à des fins de recherche, dans les deux cas, vous précisez dans les deux cas entre parenthèses « pour des raisons morphologiques, biologiques ou génétiques ». J'aurais cru que les problèmes génétiques auraient été réglés bien avant ce stade. N'est-ce pas le cas?
Mme Baylis : Je ne suis pas sûre de ce que vous entendez lorsque vous dites que « les problèmes génétiques auraient été réglés. » Ces embryons sont créés à l'extérieur du corps et à ce moment-là, il est possible de faire un diagnostic génétique préalable à l'implantation. Au cours de ce processus, il est possible de déceler si cet embryon en particulier est à risque pour une maladie génétique en particulier et il ne ferait pas partie des embryons qui seraient implantés au cours de ce cycle ou congelés à des fins reproductives ultérieures. En effet, si elle ne souhaite pas qu'ils soient implantés alors qu'ils sont frais, il est probable qu'elle ne souhaitera pas qu'ils soient implantés une fois congelés. Si les embryons sont impropres à la congélation, autrement dit s'ils ne sont pas perçus comme étant utiles à la réalisation d'un projet reproductif, je n'aurais aucune objection à ce qu'on les utilise alors qu'ils sont frais puisqu'autrement, ils seront détruits.
Le sénateur Keon : Je comprends.
Le sénateur Pépin : À propos du conseil dont vous assurerez la direction, y a-t-il des femmes qui ont suivi intégralement tout le processus?
[Français]
Y a-t-il des patientes qui ont eu un enfant par le biais de la procréation artificielle? Y a-t-il des personnes qui sont déjà passées à travers ce processus?
Mme Baylis : C'est l'un des commentaires qui revient souvent dans les médias. Lorsqu'on examine l'institution des comités, on remarque un manque d'expertise dans ce domaine. Présentement, on ne sait pas si cette expertise existe ou non. Bien que personne ne se soit présenté comme étant infertile, il se peut que parmi les membres, quelqu'un ait cette expertise mais qu'elle n'apparaisse pas dans le domaine public.
La réponse que je donne habituellement aux médias est celle-ci : « Est-ce que vous savez si je suis infertile ou non? Est-ce que vous savez ce que j'ai fait dans ma vie privée? Non. Alors, donnez-moi une chance de rencontrer mes collègues, car je ne les connais pas, et un moment donné, si je me rends compte qu'il manque cette expertise autour de la table, je serai la première à insister sur cette question. »
On ne doit pas considérer que les connaissances scientifiques ou académiques, l'expérience aussi est absolument importante.
Donc, en réponse à votre question, je ne sais pas si cette expertise existe, mais c'est évidemment une situation qui me préoccupe. Si je me rends compte du fait qu'il y a lacune à ce niveau, je serai certainement parmi ceux qui demanderont à voir cette expertise.
Je vous souligne que pour le moment, seulement huit membres ont été nommés et des postes sont encore à combler. Il est possible de corriger cette erreur si c'est effectivement une erreur.
Le sénateur Pépin : On vous souhaite bonne chance.
Mme Baylis : Merci bien.
[Traduction]
Le président : Permettez-moi de poursuivre dans cette veine. La composition du conseil a suscité une controverse assez vive car on se demandait si tous les intérêts y étaient représentés et s'il était équilibré. Hormis cette perspective spécifique dont vous venez de parler, quelle serait votre réponse à cette question?
Mme Baylis : À certains égards, elle serait la même étant donné que je connais mal les autres membres du conseil. J'en connais quelques-uns de réputation et j'ai une bonne idée de leur champ d'expertise. La presse a porté de nombreux jugements que j'estime malheureux, et je tire cette conclusion à partir de ma propre expérience. Le lendemain de l'annonce, le Globe and Mail s'est empressé de m'accoler l'étiquette de conservatrice sociale, ce qui m'a étonnée. Selon l'orthodoxie intellectuelle, c'est ainsi qu'on qualifie quelqu'un d'extrême-droite. Je ne sais plus ce qu'on entend par là.
Je trouve extrêmement curieux que quelqu'un qui souscrit au droit de la femme de choisir, qui appuie l'utilisation aux fins de la recherche d'embryons frais dans certains contextes soit décrit comme une conservatrice sociale. Qu'est-ce que cela signifie d'être un libéral avec un petit l, ou un conservateur avec un petit c? Si je vous raconte cela, c'est pour vous dire que si on m'a mal jugée, d'autres ont pu l'être aussi. Je dois accorder à chacun le bénéfice du doute.
En termes de compétence, il est possible qu'au moment de prendre des décisions éthiques, une personne puisse adhérer à certaines valeurs tout en étant capable de s'acquitter de la tâche qui lui a été confiée. Il ne faut pas confondre ses propres valeurs et la qualité du travail que l'on peut exécuter autour d'une table, entre professionnels. Je compte attendre et juger les gens en fonction de leur travail.
Le président : Nous allons maintenant passer à cette étape et poursuivre à huis clos.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.