Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 18 - Témoignages du 16 février 2007
OTTAWA, le vendredi 16 février 2007
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h5 pour étudier l'avenir des programmes d'alphabétisation au Canada, la consolidation du financement desdits programmes et le rôle des organisations vouées à l'alphabétisation dans la promotion de l'instruction et de l'acquisition de compétences professionnelles.
Le sénateur Art Eggleton, C.P. (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie est ouverte.
[Français]
Je suis très heureux de vous informer que 14 organismes sont présents aujourd'hui. Toutes les régions du Canada sont représentées. Il y a aussi des organismes qui représentent les Autochtones et les personnes seules.
[Traduction]
Bienvenue à Ottawa et merci d'être venus malgré le court préavis. La semaine dernière, le comité a tenu des audiences publiques sur les programmes d'alphabétisation. Nous avons entendu des représentants du ministère, des organisations nationales d'alphabétisation ainsi que des apprenants. Ces témoins nous ont fourni des renseignements sur l'avenir des programmes d'alphabétisation au Canada, sur la consolidation du financement fédéral qui a été effectuée l'an dernier et sur le rôle des organisations vouées à l'alphabétisation dans la promotion de l'instruction et de l'acquisition des compétences professionnelles.
Aujourd'hui, le comité tient une table ronde pour obtenir des informations supplémentaires de la part des organisations d'alphabétisation qui exercent leur activité à l'échelle provinciale ou territoriale.
Avant que vous ne nous présentiez vos exposés, j'aimerais vous présenter les membres du comité. Je suis le sénateur Art Eggleton, et je suis de Toronto. Vous voyez à mes côtés le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que le sénateur Trenholme Counsell, ancien lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick qui est membre du Sénat depuis plusieurs années. Je vois également le sénateur Rompkey, qui est lui aussi de Terre-Neuve-et-Labrador, le sénateur Chaput, qui est du Manitoba, et le sénateur Joyce Fairbairn. Le sénateur Fairbairn est l'instigatrice de notre étude en ce sens que c'est elle qui a présenté au Sénat une motion par laquelle le comité a été mandaté pour approfondir le sujet que nous abordons aujourd'hui. Le sénateur Mercer est de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Carstairs est aussi présente, ce qui nous donne deux représentants du Manitoba. Enfin, il y a le sénateur Harb, qui est de l'Ontario.
Je m'adresse ici à chacun des groupes présents autour de la table. Au fur et à mesure que je vous donnerai la parole, je vous demanderais de bien vouloir nous parler un peu de votre organisation. Comme nous vous l'avons fait savoir, nous aimerions vous entendre sur les types de programmes que vous offrez aux apprenants de votre province ou de votre territoire, sur le degré d'accessibilité de vos programmes, sur la mesure dans laquelle vos programmes répondent à la demande existante, sur les adaptations, le cas échéant, que vous y avez apportées pour répondre aux besoins des Autochtones ainsi que sur vos sources de financement et les conditions qui s'y rattachent.
Nous souhaiterions également que vous nous disiez, tout d'abord, si votre capacité à travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral a été touchée par les modifications apportées au financement qui ont été annoncées le 25 septembre dernier puis que vous nous parliez des conséquences éventuelles de la restructuration des divers secteurs qui s'occupent d'alphabétisation au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada. Expliquez-nous en quoi cela vous a touché, le cas échéant.
Quelle pourrait être l'incidence des compressions budgétaires de septembre 2006 sur le fonctionnement futur de vos programmes et, si le comité, après vous avoir entendu, tout comme il a entendu d'autres témoins ces deux dernières réunions, devait faire des recommandations au gouvernement relativement à la décision qu'il a prise en septembre, à quoi pourraient ressembler ces recommandations? Quel plan d'action nous proposeriez-vous, quelles recommandations pourrions-nous faire au gouvernement et qui, nous l'espérons, pourraient avoir un effet bénéfique sur votre travail?
Nous avons décidé, pour structurer quelque peu nos discussions, de scinder la séance d'aujourd'hui en deux. Dans un premier temps, nous entendrons les diverses organisations et, comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je vous inviterais à ne pas prendre plus de cinq minutes pour nous présenter vos exposés.
Une fois que tous les groupes auront eu l'occasion de prendre la parole, nous passerons aux questions des membres du comité et nous nous engagerons dans une discussion générale.
Je vais d'abord donner la parole à quelqu'un qui veut aussi présenter des remarques d'ordre général au nom de certaines autres organisations, à savoir Mme Janet Lane.
Janet Lane, directrice exécutive, Literacy Alberta : On m'a demandé de vous présenter, au nom de mes collègues des diverses coalitions qui font partie du Movement for Canadian Literacy — MCL — des renseignements généraux, pour que nous ne nous répétions pas trop les uns les autres.
Nous représentons les milliers de programmes d'alphabétisation qui sont offerts dans les différentes régions du pays et, partant, tous les apprenants, enseignants et praticiens qui apprennent ou qui travaillent dans le cadre de ces programmes. Chaque coalition cherche à sa façon à répondre aux besoins et aux objectifs de la province ou du territoire où elle exerce son activité, si bien que nous faisons tous des choses différentes dans le cadre de notre travail, mais il y a quand même certains éléments communs. Nous sommes des coalitions autonomes et pourtant nous travaillons ensemble. Nous sommes les organisations clés du secteur de l'alphabétisation au Canada. Il y a aussi d'autres intervenants et, comme vous pouvez le constater ici aujourd'hui, il n'y a pas que les organisations du MCL qui font ce genre de travail — et vous avez entendu d'autres membres et d'autres organisations au cours des dernières semaines.
En tant que rassemblement de coalitions, nous servons d'armature aux activités d'alphabétisation de tout le pays. Mes collègues vous décriront le travail de leurs organisations respectives dans les minutes qui suivront. Nous travaillons ensemble pour promouvoir l'alphabétisation grâce à notre travail et à notre participation au MCL. Les informations et les connaissances qui sont échangées au sein du MCL sont un élément essentiel de notre travail et sont d'une importance capitale pour le MCL, qui peut ainsi savoir ce que fait chacun des intervenants.
Comme vous pourrez l'entendre, notre travail varie légèrement en partie à cause de la façon dont l'alphabétisation est financée et traitée dans chaque province. Nous avons toutefois des éléments en commun. Nous faisons de la recherche. Nous créons et diffusons de nouvelles connaissances au sujet de l'alphabétisation sous toutes ses formes. Nous élaborons des ressources. Nous participons à l'élaboration de programmes d'études pour les apprenants et les tuteurs ainsi que pour les professionnels qui travaillent dans le domaine. Nous mettons au point des outils et des ressources à l'intention des tuteurs. Nous offrons aux apprenants tout un éventail d'occasions d'apprentissage, notamment des possibilités de réseautage.
Ainsi, certaines des organisations membres ont des tribunes où les apprenants peuvent dialoguer et apprendre à présenter leurs témoignages de façon éloquente et où ils peuvent participer à des activités de sensibilisation aux enjeux de l'alphabétisation. Je sais que vous avez entendu la semaine dernière le témoignage de quatre apprenants, dont certains ont peut-être participé à ces tribunes par le passé. Qui ne serait pas ému par les témoignages que vous avez entendus la semaine dernière?
Nous offrons des activités de perfectionnement aux praticiens de l'alphabétisation. C'est sans doute là un des éléments les plus importants de notre travail. Beaucoup d'entre nous ont été à l'avant-garde des efforts pour élaborer et mettre en œuvre des programmes d'études destinés à professionnaliser notre travail, qui, comme vous le savez sûrement, est le fait d'un mouvement de la base.
Nous nous assurons que les apprenants puissent avoir accès au soutien et aux services liés aux programmes grâce à nos lignes d'aide téléphonique, grâce à l'accent que nous mettons sur l'utilisation d'un langage simple, et grâce aussi à nos programmes d'éducation et de sensibilisation, et j'en passe. Nous faisons du travail de sensibilisation en ce qui concerne les enjeux liés à l'alphabétisation, pour faire comprendre qu'il s'agit non pas seulement d'une question d'éducation, mais aussi d'une question de santé, de justice, d'équité, de pauvreté et de productivité.
Nous communiquons avec les employeurs, les agences et les travailleurs de l'entraide communautaire afin de leur apprendre les moyens qui leur permettront d'aider leurs clients peu alphabétisés. Par conséquent, nous sommes sans doute l'une des plus importantes sources d'information sur les enjeux liés à l'alphabétisation au Canada.
Il y a des coalitions qui existent depuis une vingtaine d'années. Il y a tellement de progrès qui ont été accomplis, mais les plus marquants se constatent dans le domaine de la sensibilisation, de l'engagement et des partenariats avec et entre les secteurs. Ainsi, il y a une coalition qui a réuni les agences du domaine de la santé, de lutte contre la pauvreté et de la réduction des méfaits afin qu'elles travaillent en partenariat à un programme d'alphabétisation destiné à assurer aux gens qui vivent et qui travaillent dans la rue une gamme complète de services.
Nous avons réuni des fournisseurs de services d'alphabétisation à la main-d'œuvre et en milieu de travail ainsi que des employeurs, des syndicats, des chambres de commerce et d'autres intervenants afin de discuter de solutions possibles aux pénuries de travailleurs spécialisés. Une de nos coalitions a créé une trousse de vérification en matière d'alphabétisation qui aide les collectivités à définir les besoins en alphabétisation de leurs clients pour pouvoir ensuite les aider à y répondre.
Nous avons formé des systèmes régionaux. Le plus souvent, nous avons un système ou un réseau régional dans la province qui sert à faire circuler l'information. On passe de la base à la coalition, de la coalition au niveau national, du niveau national on revient à la coalition puis, par l'intermédiaire des réseaux régionaux, on retourne à ceux qui s'occupent des apprenants en alphabétisation sur le terrain.
Le travail d'alphabétisation est complexe et les apprenants apportent toute leur vie avec eux lorsqu'ils viennent en classe — à condition qu'ils y viennent. Ils ont besoin d'une aide et d'un soutien pratique pour apprendre et nous devons être en mesure d'apporter ce soutien à ceux qui travaillent auprès des apprenants sur le terrain, afin qu'ils puissent eux- mêmes amener leurs étudiants à apprendre. Vous connaissez cette situation et dans un instant, nous allons vous préciser ce que cela signifie pour chacun d'entre nous.
Pour résoudre ce problème et faire face à la situation, il nous faut une stratégie pancanadienne d'alphabétisation, comme nous le disons depuis déjà un certain temps. Il nous faut une stratégie susceptible d'élever radicalement le niveau d'alphabétisation dans tout le pays. Nous avons obtenu une amélioration au cours des 20 dernières années et nous voulons nous intégrer à la stratégie qui va faire une différence encore plus importante et plus durable au cours des prochaines années.
L'alphabétisation est un domaine non partisan. Tout le monde en convenait dès 2003, lorsque le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et du statut des personnes handicapées de la Chambre des communes, qui réunit tous les partis, a constaté la nécessité d'une stratégie pancanadienne.
Cette stratégie devrait comporter quatre piliers. Nous avons travaillé sur ce dossier dans l'espoir de voir prochainement la stratégie apparaître. Ces quatre piliers sont les suivants : la mise en place d'un réseau solide et performant d'apprentissage pour adultes dans l'ensemble du pays; l'amélioration de l'accès au système pour les apprenants où qu'ils soient et où qu'ils aillent; l'élargissement de la base des connaissances entourant les besoins et les pratiques en alphabétisation; et l'établissement de partenariats, car l'alphabétisation concerne tout le monde.
Le gouvernement fédéral a été partenaire dans l'élaboration et la mise en œuvre d'une stratégie pancanadienne d'alphabétisation. C'était indispensable, parce que l'alphabétisation est en rapport direct avec la santé, la justice, l'immigration et l'établissement, l'emploi, l'acquisition de connaissances, l'engagement démocratique et l'ensemble de la société. Ce sont là des domaines de responsabilité fédérale. Par conséquent, le gouvernement fédéral doit intervenir dans cette stratégie pancanadienne. Nos coalitions sont également indispensables en tant que partenaires dans cette stratégie pancanadienne, car nous sommes un intervenant de premier plan dans le système actuel d'apprentissage pour adultes.
Nous sommes déterminés à améliorer le soutien et les conditions d'accès au système pour les apprenants. Nous participons activement à la création et à la diffusion des connaissances sur les besoins et les pratiques d'alphabétisation. Nous sommes des partenaires essentiels des programmes d'alphabétisation ainsi que des services de soutien. Grâce à nos contacts sur le terrain dans toutes les provinces et territoires, nous sommes en mesure de créer et d'entretenir les partenariats dont on aura besoin pour mettre en œuvre la stratégie pancanadienne.
Nous avons perdu du terrain et du potentiel au cours des derniers mois, et nous en sommes profondément désolés. Nous luttons pour conserver notre place au sein de cette œuvre. Nous voulons participer au travail important qui reste à faire.
Le président : Je voudrais vous présenter le vice-président du comité, le sénateur Keon, qui vient de se joindre à nous. Il représente lui aussi l'Ontario, en particulier la région d'Ottawa. C'est un imminent cardiologue et il compte dans sa famille un fameux joueur de hockey qui a joué pour les Maple Leaf de Toronto.
Nous allons maintenant écouter Carol Vandale, du Saskatchewan Aboriginal Literacy Network Inc.
Carol Vandale, coordonnatrice, Saskatchewan Aboriginal Literacy Network Inc. : Merci de nous avoir invités à cette table. Nous sommes un organisme saskatchewannais semblable au Saskatchewan Literacy Network, la coalition saskatchewannaise qui s'occupe d'alphabétisation. Cependant, nous avons également été invités à cette table en tant qu'organisme provincial de la Saskatchewan.
Notre organisme a été créé en 2000 et constitué en société en 2003; nous sommes donc des nouveaux venus dans ce domaine. Notre objectif est de faire de la sensibilisation, y compris auprès des ressources spécialisées, à propos des Autochtones de Saskatchewan de façon à inciter un plus grand nombre d'Autochtones à profiter des possibilités d'apprentissage.
En fait, l'un de nos rôles essentiels consiste à faire participer non seulement les apprenants mais également les chefs à un dialogue sur l'alphabétisation, dialogue qui fait défaut actuellement. Nous voulons aider les apprenants, les Autochtones, à profiter des possibilités offertes, nous voulons les aider à accéder aux ressources et aux programmes disponibles et leur proposer de meilleurs programmes qui comprennent de la sensibilisation à la culture et à la langue ainsi que des mesures de rétention, qui doivent faire partie de l'alphabétisation. C'est l'un de nos principaux objectifs.
Nous travaillons avec les éducateurs et les chefs autochtones, et c'est toujours pour nous un objectif primordial. Nous devons collaborer avec les chefs de la Saskatchewan pour leur faire comprendre les besoins d'alphabétisation qui existent au sein de notre population et pour les aider à trouver des stratégies permettant de faire face à ces besoins.
En novembre, nous avons terminé un programme de trois ans avec ceux qui s'appelaient initialement le Secrétariat national à l'alphabétisation, et nous avons obtenu du financement de la province pour collaborer avec elle à des initiatives qu'elle a mises en place. Cela fait partie de notre travail actuel.
À part cela, nous n'avons aucun autre financement. Nous avons proposé à ce qu'on appelle maintenant le Bureau national à l'alphabétisation et à l'apprentissage l'élaboration d'un programme, alors que nous n'étions pas encore prêts à le faire. Nous voulions faire encore de la consultation et de la sensibilisation auprès des chefs, pour les convaincre et définir avec eux les programmes susceptibles de répondre aux besoins de notre population. Cependant, nous avons décidé d'élaborer un programme pour inciter les apprenants à s'inscrire avant même qu'ils n'aient conscience d'être des apprenants. S'ils participent, par exemple, à un groupe concernant la violence faite aux femmes, nous travaillons auprès d'eux pour qu'ils s'engagent dans un programme d'apprentissage qui va — du moins nous l'espérons — les sensibiliser à la nécessité de l'alphabétisation, à leurs besoins dans ce domaine, et nous allons les aider à suivre un cours d'alphabétisation. C'est ce que nous espérons pouvoir faire au cours des deux prochaines années. Mais nous ne sommes pas encore certains d'y réussir. Nous attendons depuis plusieurs mois la réaction du Bureau national à l'alphabétisation et à l'apprentissage. Voilà où nous en sommes. Nous n'avons pas de financement pour répondre aux besoins des chefs qui se joignent à notre effort.
J'aimerais attirer l'attention du Sénat sur un rapport du Conseil du Trésor, rédigé par un groupe d'experts indépendants et consacré aux subventions et contributions. Il a recommandé au Conseil du Trésor une formule de financement pluriannuelle par projet accompagnée d'un financement de base. C'est précisément ce dont nous avons besoin en Saskatchewan, non pas de façon permanente, mais du moins pendant un certain temps, pour convaincre les chefs autochtones, pour établir des relations et pour constituer une capacité de planification stratégique en alphabétisation à notre niveau. C'est ce que je recommande au Sénat.
Sierra van der Meer, coordonnatrice de programme, Yukon Literacy Coalition : Il existe une abondance de faits, de chiffres, de documents de recherche et de statistiques sur l'alphabétisation. Je pourrais en parler, mais on vous a déjà présenté tout cela et je profiterais plutôt de l'occasion pour vous parler du Yukon et des conséquences des réductions de financement sur ce territoire.
Joe Clark a dit un jour que le Canada était une communauté de communautés, et la Yukon Literacy Coalition est bien d'accord avec lui. Nous formons un pays uni par ses différences. Personne ici, je suppose, n'oserait affirmer que les besoins de Terre-Neuve sont les mêmes que ceux de Old Crow ou du centre-ville de Toronto.
En collaboration avec le Movement for Canadian Literacy, les coalitions d'alphabétisation du Canada ont été en mesure de définir les besoins pancanadiens en matière d'alphabétisation tout en répondant aux besoins spécifiques et divers des provinces et territoires. Chaque coalition a ses propres programmes et objectifs, mais elles travaillent toutes ensemble à un objectif commun, qui est l'élimination de l'analphabétisme dans notre pays.
Le Yukon est un endroit bien particulier. Je vous dirais en toute franchise que je ne me suis pas épilé les jambes depuis quatre mois en prévision du concours de la jambe féminine la plus poilue qui doit se tenir ce soir à Whitehorse et pourtant, je suis ici parmi vous et je vais donc devoir renoncer à ma couronne, car je suis convaincue qu'il est très important de parler d'alphabétisation. À la pause, je vous montrerai mes jambes!
Le Yukon est un vaste territoire très peu peuplé qui compte 11 Première nations autonomes, trois Premières nations qui n'ont pas signé d'entente, 12 collectivités rurales et un centre urbain qui comprend plus de 80 p. 100 de la population du territoire.
Whitehorse a l'un des taux d'éducation les plus élevés du pays ainsi qu'un taux d'alphabétisation particulièrement haut. La population de Whitehorse comprend des professionnels qui occupent des postes importants au sein du gouvernement mais aussi des membres des Premières nations, des résidents des régions rurales et des personnes au Yukon qui sont laissés pour compte et qui connaissent des taux d'éducation et d'alphabétisation nettement inférieurs. Ce sont ces groupes que la Yukon Literacy Coalition s'est employée à aider à atteindre des objectifs d'alphabétisation.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons créé des programmes pertinents du point de vue culturel et régional. Nous avons également mis sur pied une structure de gouvernance pour s'assurer que la coalition témoigne des besoins des collectivités et des Premières nations. Nous offrons un vaste éventail de programmes, qui sont axés sur plusieurs domaines clés. Nous avons organisé des formations, notamment en développement de l'alphabétisation des jeunes, des familles et des adultes autochtones. Nous communiquons et échangeons des renseignements avec tous les intervenants au Yukon. C'est notamment important pour les endroits tels que Beaver Creek qui sont peuplés de 100 personnes et se trouvent à 500 km de Whitehorse. Ce genre de transmission d'information est essentiel pour les intervenants qui se retrouvent souvent dans une situation d'isolement.
Nous avons mis en place un réseau d'apprenants qui permet aux gens de prendre part à des décisions territoriales et nationales. Nous offrons des programmes d'alphabétisation familiale, qui ont connu un succès de taille lorsqu'ils respectaient les valeurs des collectivités et des Premières nations. Nous avons créé des ressources qui sont pertinentes pour les collectivités du Nord et les Premières nations. Nous menons des activités d'alphabétisation communautaires qui permettent de témoigner du fait que nous croyons que les collectivités connaissent leurs défis et qu'il faut les encourager à atteindre leurs objectifs en matière d'alphabétisation.
Depuis les compressions dans les programmes d'alphabétisation, tous les programmes ont été suspendus. C'est particulièrement décevant en raison de l'élan formidable qui se créait au Yukon. Il y a désormais des collectivités qui ont hâte de recevoir de la formation et qui veulent mettre sur pied leurs propres programmes, mais qui ne pourront pas recevoir le soutien dont elles ont besoin.
Depuis les compressions dans les programmes fédéraux d'alphabétisation, le gouvernement du Yukon a fourni un financement provisoire à la Yukon Literacy Coalition, qui nous permettra de rester ouvert jusqu'au 31 mars. Le financement a été fourni en tant que solution temporaire et à court terme. Il a été octroyé dans l'espoir que les demandes seraient reçues et que le financement serait assuré. Nous sommes à six semaines du 31 mars et, à moins qu'il n'y ait un revirement, la Yukon Literacy Coalition devra fermer boutique. Bien que nous ayons appris que des demandes fédérales avaient été reçues, cela fait des mois que nous n'avons pas de nouvelles et nous ne connaissons pas le sort que l'avenir nous réserve.
Les conséquences des compressions sont catastrophiques. Les taux d'alphabétisation du Canada ne s'améliorent pas. Nous avons besoin de plus de financement pour l'alphabétisation. Nous avons besoin de plus de soutien, d'un financement qui puisse combler tous nos besoins. Toutefois, au lieu de recevoir plus de financement, nous en recevons moins. Nos services essentiels ont été supprimés.
Le Yukon connaît déjà une pénurie de travailleurs qualifiés, et maintenant, nous ne pouvons même pas aider les adultes à acquérir les compétences fondamentales nécessaires pour se trouver un emploi.
Les coalitions ont créé des partenariats solides, des programmes qui ont connu un franc succès et des relations importantes qu'on ne devrait pas permettre de voir disparaître. Elles se sont employées sans relâche pendant près de 20 ans à accroître les capacités d'écriture et de lecture au pays. Les compressions ont été annoncées sans qu'il y ait de discussions ou de consultations avec les gens qui travaillent dans le domaine de l'alphabétisation.
J'aimerais que ce comité suggère au gouvernement de non seulement établir, voire augmenter, le financement des programmes d'alphabétisation, mais aussi de mener des consultations avec les personnes qui travaillent avec les apprenants et les intervenants. Le gouvernement fédéral a le droit de revoir ses priorités en matière d'alphabétisation, mais il devrait tenir compte du point de vue des personnes qui connaissent les véritables enjeux de l'alphabétisation au Canada.
Les coalitions devraient avoir la chance de modifier leur programme en fonction de l'évolution des objectifs du gouvernement fédéral. Elles devraient également être invitées à participer à l'élaboration d'une stratégie nationale qui tienne compte des problèmes d'alphabétisation au Canada et des besoins particuliers des régions dans ce domaine.
Je peux m'asseoir ici devant vous et vous parler avec ardeur et avec passion, je peux même vous supplier de changer cette décision et de rétablir le financement, mais, au bout du compte, ce n'est pas moi qui est importante. Je suis assise ici avec un discours entre les mains, avec des exemplaires de mémoires, et suis capable de lire tout ça.
Gordon Hardy représente le Yukon. Il a 48 ans et est analphabète. L'année dernière, je suis venue à Ottawa en compagnie de M. Hardy. C'était la toute première fois qu'il avait quitté le Yukon en 25 ans. Il habite à Dawson City, où il n'y a ni escalier roulant, ni ascenseur, ni taxi, ni, croyez-le ou non, de Tim Horton. Il est venu de très loin, car il estimait que c'était important de parler d'alphabétisation. Il voulait parler des défis auxquels il faisait face en tant qu'analphabète.
Nos programmes d'alphabétisation ont permis au tuteur de M. Hardy d'obtenir de la formation et d'avoir accès à un financement pour qu'il puisse prendre part au programme. Cela a permis à M. Hardy de quitter le Yukon pour la toute première fois en un quart de siècle. L'alphabétisation a ouvert des portes pour M. Hardy, et je vous implore de ne pas les refermer.
Le président : Je suis désolé que vous ayez dû manquer le concours de ce soir, mais vous avez fait un excellent exposé. C'était très marquant.
Mme van der Meer : Est-ce que vous allez me donner un rasoir en or?
Diana Twiss, présidente, Literacy British Columbia : Je suis présidente de la Literacy British Columbia et suis également intervenante en alphabétisation. Cela fait 14 ans que je travaille dans le domaine. Je préside à l'heure actuelle le département du développement communautaire et du rayonnement du collège Capilano. Nous estimons que le développement communautaire est la base d'un bon travail en alphabétisation.
Je dirige un programme d'alphabétisation familial pour environ 18 femmes asiatiques. Nous tentons de trouver des moyens de leur permettre de s'impliquer dans l'éducation de leurs enfants. Nous les aidons à appuyer leurs enfants dans leur apprentissage et à améliorer leurs compétences linguistiques.
Je participe également à deux programmes d'alphabétisation en milieu de travail. L'un des deux se trouve à Hastings Racecourse. Nous travaillons avec des personnes qui s'occupent de chevaux et qui, si le centre ne leur offrait pas une occasion d'apprentissage dans une aussi petite collectivité, resteraient à la grange toute la journée.
L'autre programme auquel je prends part se trouve dans la ville de Vancouver Nord. Nous travaillons avec les travailleurs de jour, les personnes qui nettoient nos parcs, nos égouts, nos usines de traitement d'eau et ramassent les déchets.
Literacy British Columbia est composé d'environ 400 membres. Bon nombre de personnes en Colombie-Britannique ont recours à nos services sans être membres, car nous ne l'imposons pas aux gens. Ainsi, même si nous avons 400 membres, nous travaillons régulièrement en fait avec environ 2 000 personnes.
Comme tout bon prof, je vous ai amené de la documentation. Je ne vais pas m'y attarder, mais je vous signale qu'il contient des renseignements sur notre coalition. Les données sont assez semblables à celles que vous a fournies Mme Lane. Nous prenons part à la recherche, à la mise sur pied de ressources et de réseaux d'apprenants, et cetera.
Nous vous répéterons systématiquement aujourd'hui que nous avons besoin de miser sur la formation professionnelle. Vous devez comprendre que l'on n'apprend pas à l'université comment donner des cours aux adultes. Vous y apprendrez comment aider de nouveaux lecteurs, surtout si vous optez pour l'éducation primaire. Alors, on vous montrera toute une gamme de jeux fantastiques qui permettront aux enfants d'apprendre à lire.
Par contre, si un apprenant ne saisit pas l'éducation qui lui est offerte et sort du système sans avoir appris à bien lire, il n'existe aucun programme qui forme les agents de l'éducation des adultes à enseigner à ces adultes comment lire. On ne peut pas faire des jeux avec l'alphabet avec un adulte; ce serait se moquer de lui. Les trucs phonétiques et les autres méthodes diverses ne fonctionnent pas de la même façon avec des adultes. Il nous faut utiliser des thèmes et des techniques pour les adultes. C'est pourquoi la formation professionnelle est si importante et c'est ce besoin que comble les coalitions. Elles nous aident constamment à trouver de nouvelles façons d'enseigner et de faire participer les adultes à l'exercice de la lecture.
Il m'a semblé important d'expliquer ce point, parce que vous entendrez le mot « formation » et que vous vous demanderez peut-être pourquoi ces personnes ont besoin de formation. Ne sont-elles pas censées savoir ce qu'elles font? Mais enseigner la lecture à des adultes, c'est différent de l'enseignement de la lecture à des enfants.
Vous entendrez aussi beaucoup parler du besoin de coordination. La coordination est hautement nécessaire parce que, comme l'a mentionné Mme Lane, bien travailler à l'alphabétisme des adultes est difficile. Nous avons, généralement parlant, de bonnes institutions d'éducation, des ministères de l'Éducation et des ministères de l'Éducation postsecondaire, avec tout un ensemble de programmes offerts. Toutefois, pour les gens qui n'ont pas accès à ces programmes ou qui ne veulent pas y avoir recours parce que, pour une raison ou pour une autre, ces programmes les ont mal desservis par le passé, il nous faut trouver d'autres façons de toucher les apprenants. C'est là qu'interviennent les programmes d'alphabétisation familiaux, communautaires et sur les lieux de travail. Ces programmes ne dépendant pas d'un établissement d'enseignement, nous devons trouver une façon de les relier.
Et la coalition relie ces programmes. Nous aidons toutes les personnes qui travaillent dans ces programmes à ne pas se sentir isolées. Nous leur fournissons des ressources, des services et du soutien. Quand ils nous appellent pour avoir de l'aide et des conseils sur des problèmes spécifiques rencontrés par les apprenants, nous leur fournissons des ressources, du soutien, des conseils ou une approche différente.
Dans mon mémoire, j'ai répondu à toutes les questions que vous posiez. Pour ce faire, j'ai consulté les coordonnateurs régionaux de l'alphabétisme de Colombie-Britannique. Nous avons divisé notre province en régions de collèges; il en existe 13; et nous avons un coordonnateur régional de l'alphabétisme dans chacune de ces régions. Cette personne a des liens avec le collège, dans l'espoir d'encourager le collège à porter la bonne parole dans la collectivité.
Le travail des coordonnateurs régionaux de l'alphabétisme consiste à sensibiliser les gens de leur région à la question de l'alphabétisme, à tisser des réseaux et des partenariats et à parrainer la création de nouveaux programmes.
Nous avons un système de conférences-vidéo avec un logiciel de premier ordre. C'est un outil primordial pour l'alphabétisme en Colombie-Britannique. Il permet d'avoir accès par Internet à des renseignements sur tout ce qui se passe en Colombie-Britannique. C'est un outil de communication, mais aussi un outil de formation. Nous organisons en effet des conférences en ligne et mettons nos ressources en commun. Il y a une section formidable sur la formation des tuteurs. Elle permet aux nouveaux tuteurs de télécharger du matériel de référence; c'est vraiment immédiat.
À la suite des récentes coupures budgétaires, nous allons perdre en Colombie-Britannique deux programmes d'infrastructure très importants. La restriction des sources de financement locales entrave beaucoup notre capacité à élaborer des programmes innovateurs. Nous voulons trouver sans cesse de nouvelles façons d'amener les apprenants à s'engager; nos coordonnateurs régionaux de l'alphabétisme suivent donc de très près l'évolution des choses sur le terrain. Quand ils élaborent des idées intéressantes, nous faisons une demande de financement et mettons un programme sur pied. C'est ainsi que nous avons utilisé l'argent fourni par le Secrétariat national à l'alphabétisation comme subvention de départ.
Je peux citer de nombreux cas où nous avons utilisé cet argent pour établir des programmes dont le collège a par la suite reconnu la nécessité. Ces programmes jouissent à présent d'un financement de base ou sont financés par les employeurs ou les associations communautaires. C'est ce que nous visons. Nous voulons trouver des façons de faire participer d'autres personnes au secteur, des personnes pouvant apporter un financement. L'argent du Secrétariat national à l'alphabétisation nous a aidés à mettre les choses en route.
La Colombie-Britannique est un bon exemple de ce qui peut être accompli quand on consacre à l'apprentissage tout au long de la vie des ressources financières, du soutien et un leadership adéquat. Notez mon utilisation du terme « adéquat ». Nous n'obtenons pas toujours le financement voulu mais il nous faut au moins un financement adéquat pour que nous puissions nous atteler à la tâche. Pendant un certain nombre d'années, nous avons eu la chance de travailler avec des gens aux gouvernement fédéral et provinciaux qui comprenaient quels efforts doivent être déployés pour promouvoir l'alphabétisation. Ils nous ont donné les coudées franches pour que nous puissions asseoir nos efforts sur une base solide. C'est dommage que nous ne puissions compter sur cette collaboration au niveau fédéral.
Le système n'est pas parfait et il comporte toujours des lacunes. L'accès aux études est l'un de nos objectifs premiers et nous avons pu l'atteindre. Nous obtenons de meilleurs résultats dans certains secteurs mais nous réussissons moins bien dans les régions rurales qui n'ont pas la même concentration de population. Dans les régions rurales, nous pouvons jumeler les programmes mais cela fonctionne moins bien dans ces régions.
Nous entendons constamment parler de programmes qui ne bénéficient pas d'un financement adéquat, qui doivent survivre avec des budgets de misère et que les fournitures sont achetées au magasin à un dollar. Imaginez les résultats que nous aurions pu obtenir si nous avions disposé, ces 10 dernières années, d'un financement suffisant. Au lieu de cela, nous n'étions en mesure de donner aux apprenants que la moitié des heures dont ils auraient eu besoin pour réussir.
Bref, nous devons repenser les moyens que nous déployons pour hausser les niveaux d'alphabétisation au Canada. Nous devons nous faire à l'idée que cette formation doit être dispensée tout au long de la vie plutôt que de la prématernelle à la 12e année. L'apprentissage doit se poursuivre tout au long de la vie et englober tous les aspects de la vie. Comme l'a dit Janet, de nombreux aspects de nos vies dépendent de notre capacité à comprendre les imprimés. Nous le voyons constamment dans les domaines de la santé, de la justice, de l'emploi et de l'immigration.
Nous devons adopter une approche intégrée et il faut qu'un plus grand nombre de ministères mettent l'épaule à la roue.
Ann Marie Downie, directrice exécutive, Literacy Nova Scotia : Merci de m'avoir invitée à participer à cette discussion. J'ai passé plusieurs jours à essayer de trouver des idées nouvelles et profondes dont je pourrais vous faire part mais je n'ai rien trouvé. Je m'occupe depuis très longtemps de l'alphabétisation des adultes. J'ai commencé ma carrière comme enseignante dans le secteur public. À l'époque, je me demandais pourquoi certains parents ne venaient jamais aux soirées parents-enseignants. J'ai constaté que souvent, ces parents ne venaient pas parce qu'ils gardaient de très mauvais souvenirs de leur passage à l'école et ne voulaient donc surtout pas se retrouver dans l'école de leurs enfants.
J'ai ensuite travaillé dans le domaine de l'alphabétisation des adultes et j'ai acquis une expérience très diverse. J'ai eu l'expérience d'être enseignante, administratrice, fonctionnaire du gouvernement chargée de gérer les services d'alphabétisation au ministère de l'Éducation et aussi membre de la coalition et de l'action communautaire. Ainsi, au fil des ans, j'en suis venu à comprendre ce qui doit être fait pour promouvoir l'alphabétisation des adultes.
Je vous ai présenté un mémoire sur les enjeux de l'alphabétisation en Nouvelle-Écosse. J'ai décrit l'action de Literacy Nova Scotia et la situation telle qu'elle existe dans la province. Je vais maintenant tenter de répondre aux questions que vous nous avez posées.
En Nouvelle-Écosse, le gouvernement offre des programmes par l'entremise de la Nova Scotia School for Adult Learning. Ces programmes sont administrés grâce à une série de partenariats avec les groupes communautaires, le collège communautaire et les commissions scolaires. Les adultes ont la possibilité de faire des études du niveau débutant jusqu'au niveau 4, où ils peuvent obtenir leur diplôme d'école secondaire pour adultes. Environ 5 000 personnes étaient inscrites au cours de la Nova Scotia School for Adult Learning l'an dernier, dont 2 200 environ étaient inscrits à des programmes communautaires. Environ 500 adultes ont obtenu leur diplôme d'école secondaire pour adultes. Je ne peux vous citer des données scientifiques, mais je crois qu'environ 2 p. 100 de ceux qui auraient pu et auraient dû suivre des cours d'alphabétisation l'ont fait.
Ces programmes donnent des résultats importants mais manquent de ressources. Ils sont difficilement accessibles, fonctionnent une partie de l'année seulement faute de financement suffisant et ils ne rejoignent qu'une fraction de ceux qui en ont besoin.
J'ai lu que le système d'alphabétisation devrait ressembler à un train. Il devrait être possible d'y monter et d'en descendre selon ses besoins et le train devrait mener ses passagers là où ils ont besoin d'aller, les rails devraient être bien entretenus et il devrait être possible de vivre d'autres aventures en cours de route. Si je pousse l'analogie un peu plus loin, j'ajouterais que le train doit avoir un horaire, il doit s'arrêter dans les stations où vivent les gens et, pour reprendre l'expression britannique, il faut « faire attention au vide », et ils sont nombreux en Nouvelle-Écosse pour ce qui est de l'accès aux cours d'alphabétisation.
L'une des lacunes qui existe, c'est que les apprenants adultes admissibles aux prestations d'assurance-emploi reçoivent en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi du financement afin qu'ils puissent suivre des cours mais uniquement pendant deux ans. Ceux qui ont besoin de cours d'alphabétisation ont très souvent besoin de suivre des cours pendant plus de deux ans pour pouvoir obtenir des résultats concrets.
L'autre lacune tient au fait qu'il existe en Nouvelle-Écosse un mouvement de fond en faveur de cours d'alphabétisation pour permettre d'obtenir une formation à l'emploi ou l'acquisition de compétences essentielles. Ce programme est sous-financé et manque de ressources et pourtant ceux qui y participent, les employeurs autant que les employés, disent avoir vécu une expérience profonde.
S'agissant des peuples autochtones, il y a en Nouvelle-Écosse 13 réserves Mi'kmaq dont deux qui sont assez grandes, bien que la majorité sont surtout des petites réserves. Les programmes d'alphabétisation sont offerts dans peu de réserves. Dans les petites réserves, les adultes ont accès au programme d'alphabétisation grâce à 30 organisations communautaires. Le collège communautaire offre des programmes qui s'adressent aux étudiants autochtones et qui les incite à s'inscrire.
Quant au financement, la province verse 6,5 millions de dollars pour la prestation de programmes en Nouvelle- Écosse, dont environ 20 p. 100 en vertu d'une entente fédérale-provinciale.
Quand vous me demandez dans quelle mesure les coupures ont une incidence sur les programmes, force m'est de répondre qu'aucun programme n'a été touché directement. Aucun adulte n'a été refoulé, aucun cours n'a été annulé, aucun programme n'a été abandonné. Or, les programmes ne pourront pas donner les résultats qu'ils devraient donner faute d'avoir accès à la formation et au développement professionnel nécessaires pour répondre aux besoins d'apprentissage de plus en plus complexe dont Diana a parlé avec tant d'éloquence que je ne vais pas répéter ses arguments. Je peux vous garantir que de nombreux adultes ont des besoins d'apprentissage de plus en plus complexes.
Les apprenants adultes ont de multiples problèmes. Quand j'ai commencé à travailler dans le domaine de l'alphabétisation des adultes en 1975, les apprenants étaient bien différents de ceux d'aujourd'hui. Bon nombre d'entre eux étaient très jeunes lorsqu'ils ont abandonné les études et nous reprenons leur apprentissage à la case départ. Aujourd'hui, les gens sont restés plus longtemps sur les bancs d'école et quand ils se présentent, ils ont des problèmes sociaux et d'apprentissage qu'il faut prendre en compte. L'offre de cours d'alphabétisation adaptés est un enjeu extrêmement important pour nous en Nouvelle-Écosse.
Si les problèmes résultant des coupures fédérales au programme d'alphabétisation ne sont pas réglés d'ici un an, Literacy Nova Scotia devra fermer ses portes. Quand cela se produira, la formation et le perfectionnement professionnel sur lesquels comptent les bénéficiaires ne seront plus disponibles.
Avant de vous parler de ce qui doit être fait, je me dois de signaler que les coalitions ont été créées par le gouvernement fédéral. Elles n'ont pas été mises sur pied par le gouvernement provincial; elles n'ont pas été imaginées par une quelconque organisation au niveau provincial, elles ont en fait été créées par le gouvernement fédéral à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Elles étaient censées faire partie de l'infrastructure de soutien à l'alphabétisation des adultes au Canada.
Lorsque le gouvernement Mulroney a créé le Secrétariat national à l'alphabétisation, je dois avouer que l'alphabétisation des adultes ne suscitait pas beaucoup d'intérêt en Nouvelle-Écosse. D'après moi, le fait que ce secrétariat ait été créé pour encourager la participation de la province et le fait que la Nova Scotia Provincial Literacy Coalition ait été mise sur pied pour offrir encouragement et aide aux gens sur le terrain ont contribué à susciter un intérêt à l'égard de l'alphabétisation des adultes.
En 1988, j'ai été recrutée par le gouvernement provincial pour créer une infrastructure d'alphabétisation sans fonds provinciaux. En 1994, le premier ministre provincial, M. John Savage, a annoncé un investissement de 1,6 million de dollars dans les programmes d'alphabétisation communautaires. Je ne pense pas que cela se serait fait sans l'aide du gouvernement fédéral. Peut-être, mais j'en doute.
Voilà le genre de choses qu'il faut examiner. Nous devons examiner le passé ainsi que les besoins actuels. C'est vrai, les provinces s'occupent maintenant de l'alphabétisation, certaines plus que d'autres. Il y a maintenant d'autre chose qui réclame notre attention. Je me dois de répéter ce que vous avez déjà entendu, soit qu'il nous faut un système au Canada pour appuyer cette évolution. Si le gouvernement fédéral retirait son appui, cela créerait un énorme vide dans le domaine de l'alphabétisation des adultes au pays.
Pour ce qui est des mesures qu'il faut prendre, je me dois de répéter ce que les témoins précédents ont déjà dit. Il faut relire le rapport de 2003 du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, intitulé Accroître l'alphabétisation des adultes : la nécessité d'une action pancanadienne. Nous devons déterminer de quelle manière il s'applique aujourd'hui. C'était un rapport de tous les partis. Lorsque je l'ai lu en 2003, j'étais ravie. J'ai vraiment cru qu'il y avait un bon espoir pour l'alphabétisation au Canada.
Je comprends également qu'un gouvernement nouvellement élu doit mettre sa touche aux politiques et programmes, mais il y a d'importantes informations et recommandations dans ce rapport qu'il faut relire aujourd'hui. Il faut que le gouvernement prenne ce rapport très au sérieux pour que nous sachions ce que nous réserve l'avenir.
Il nous faut une stratégie qui soit appuyée, financée et planifiée. Il faut que tous les ordres de gouvernements y adhèrent. Il faut que le gouvernement fédéral y adhère. Il faut également que les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales y participent.
L'alphabétisation des adultes doit s'inscrire dans l'apprentissage continu. En outre, nous devons l'appuyer, la faciliter et rendre toutes les formes d'apprentissage intéressantes pour tous les adultes canadiens. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. L'apprentissage n'inspire pas de respect et n'attire pas les adultes.
Ce sont les rôles que le gouvernement doit assumer pour que cela se réalise.
Le président : Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?
Mme Downie : Je n'ai pas encore eu la chance de terminer la lecture du rapport du groupe d'experts indépendants sur les programmes de subventions et de contributions qui vient de paraître, mais l'une des choses qui m'a frappée, c'est cette idée qu'il faut respecter les récipiendaires de subventions et de contributions.
J'ai vu les programmes gouvernementaux du point de vue du gouvernement et du point de vue communautaire. Ce qui me frappe très fort est que les niveaux de responsabilités exigés lorsque ces programmes sont exécutés par un groupe communautaire ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux que s'impose le gouvernement lorsque c'est lui-même qui s'en charge. Peut-être qu'il faudrait également examiner cette question.
Le président : Notre prochain témoin est Jan Greer, directrice générale de la Literacy Coalition of New Brunswick.
Jan Greer, directrice générale, Literacy Coalition of New Brunswick : La Literacy Coalition of New Brunswick a été créée en 1988, l'année même de la création du Secrétariat national à l'alphabétisation par le gouvernement fédéral. À l'époque, les intervenants de la province se sont réunis et ont déterminé qu'il existait un réel besoin pour un organisme multisectoriel comme la coalition pour réaliser des initiatives dans l'ensemble de la province.
Notre conseil d'administration est composé de 15 volontaires. La majorité représente des organismes d'alphabétisation communautaire, mais nous avons également à notre conseil d'administration des partenaires des ministères fédéraux et provinciaux qui ont des mandats en matière d'alphabétisation.
De 1998 jusqu'en septembre dernier, nous recevions des fonds pour réaliser des initiatives d'alphabétisation dans des secteurs précis. Parmi ces secteurs, je mentionnerai l'accès et la communication, la coordination et le partage de l'information, la rédaction de matériel d'apprentissage, les campagnes de sensibilisation du public et la recherche.
La coalition a été chargée d'élaborer et d'exécuter des projets dans les secteurs qui complètent la prestation de service direct par la province. La coalition recevait des fonds du gouvernement fédéral pour aider les enseignants, les apprenants et le domaine de l'alphabétisation en général. D'après moi, le gouvernement fédéral faisait ainsi preuve de leadership dans l'apprentissage continu sans empiéter sur la responsabilité des provinces pour ce qui est de la prestation des services.
Par exemple, notre coalition travaille avec des partenaires pour mettre sur pied un institut d'une semaine sur l'alphabétisation des adultes et les difficultés d'apprentissage qui aura lieu cette année. En août, 50 enseignants dans le domaine de l'alphabétisation des adultes recevront des cours de perfectionnement pratiques; ils y découvriront des stratégies d'enseignement pour aider leurs étudiants à mieux développer leur potentiel d'apprentissage.
Environ 80 p. 100 des adultes qui participent aux programmes d'alphabétisation ont des difficultés d'apprentissage qui n'ont jamais été diagnostiquées. Les enseignants et les tuteurs volontaires ne savent pas comment évaluer ou répondre aux besoins d'apprentissage de ces étudiants. Ils ont demandé à maintes et maintes reprises qu'on leur donne cette formation spécialisée. C'est la coalition qui répond à ce besoin. Nous le faisons de manière à ce que l'apprentissage de cet institut ne soit pas stagnant. Il sera continu. Ceux qui participeront encadreront les enseignants et les bénévoles dans leurs régions pendant les années à venir. Songez aux avantages pour les étudiants adultes.
Je viens d'apprendre que 45 des 118 enseignants qui donnent les cours d'alphabétisation aux adultes de la province n'ont pas de formation postsecondaire. Ils ont un diplôme secondaire, et c'est tout. Ils ont besoin de ce perfectionnement professionnel afin d'enseigner aux étudiants dans leur milieu.
Une visite à notre site Web aujourd'hui vous aurait appris que rien que cette année, la coalition offre aux praticiens trois principales possibilités d'apprentissage.
Nous avons fourni à la province des programmes d'alphabétisation familiale qui sont nouveaux et novateurs, comme le programme Prêt-à-conter, qui est maintenant un programme national pour toutes les cultures et toutes les langues. Ce programme est offert dans toutes les régions du pays.
La Literacy Coalition of New Brunswick a contribué à une étude réalisée en 2002 qui a permis d'identifier d'énormes problèmes dans le système de prestation de services de la province. Ces résultats ont secoué la province et notre gouvernement. Celui-ci utilise encore ce document comme plan d'amélioration de la stratégie d'alphabétisation des adultes.
Suite à cette recherche, le gouvernement provincial a commencé à examiner la quarantaine de recommandations de ce rapport. Il est en train d'élaborer des stratégies pour empêcher l'épuisement des volontaires. Il fournit davantage de ressources matérielles et financières pour ces programmes et il a établi des normes de qualité pour les milieux d'apprentissage. Le gouvernement provincial vient d'installer deux ordinateurs à la pointe de la technologie dans chaque salle de classe et ces salles de classe viennent d'être dotées d'un accès à l'Internet et au service de messagerie électronique. Il a créé un mécanisme pour permettre aux enseignants de communiquer par voie électronique et il fournit maintenant l'accès à des programmes en ligne aux étudiants. C'est une vaste amélioration par rapport à un programme qui date déjà de seize ans. Ces améliorations n'auraient pas été apportées si nous n'avions pas fait cette étude.
Enfin, seize ans après avoir élaboré ces programmes communautaires, le gouvernement provincial a mis en place un système de suivi en décembre 2006. Enfin, le gouvernement pourra savoir combien d'étudiants sont inscrits à ces programmes et il pourra déterminer pourquoi ces étudiants abandonnent. Il documente enfin les réussites des étudiants, ce qui ne se faisait pas auparavant.
Ce sont les efforts de la Literacy Coalition of New Brunswick qui a permis de combler en partie l'écart entre le gouvernement provincial et les travailleurs sur le terrain et cela a permis de créer de solides relations de travail entre les différents groupes chargés de la prestation des services. Auparavant, chacun travaillait indépendamment, alors que maintenant ils travaillent en collaboration et en partenariat.
La coalition a établi une bonne relation de travail avec ma collègue en face, Mme Rhéaume, qui représente la Fédération d'alphabétisation du Nouveau-Brunswick. Nous collaborons à de nombreux projets.
Les autres rôles de la coalition consistent notamment à échanger de connaissances et à offrir des activités de réflexion sur des sujets pratiques et des forums de discussion. En effet, nous faisons la promotion de pratiques en matière d'alphabétisation auprès du public et appuyons des programmes d'alphabétisation dans l'ensemble de la province.
Du fait de notre existence, nous sommes en mesure d'amasser quelque 185 000 $ par année pour appuyer les programmes d'alphabétisation provinciaux. Cet argent permet d'offrir des bourses aux étudiants et des ressources pour les salles de cours, les enseignants, les apprenants et les bénévoles. Cette année seulement, nous avons distribué 4 000 nouveaux livres pour enfants dans l'ensemble de la province dans le cadre de notre campagne annuelle Books Brighten Life.
Il y a toutes sortes d'efforts qui seront perdus. Aucun autre organisme d'alphabétisation au Nouveau-Brunswick n'a la capacité d'assumer ces responsabilités.
Quand l'éditeur de notre quotidien provincial voulait obtenir des renseignements objectifs sur l'état de l'alphabétisation au Nouveau-Brunswick, c'est moi qu'il est venu voir. On m'a demandé de préparer une analyse contextuelle de l'alphabétisation dans notre province et d'en faire rapport à notre premier ministre.
Grâce à Literacy Coalition of New Brunswick, l'alphabétisation est en train de devenir l'assise de notre stratégie provinciale d'autosuffisance. Nous jouons un rôle central au sein du groupe de travail provincial œuvrant dans le secteur à but non lucratif et dans le secteur de l'éducation postsecondaire. Notre province est aux prises avec des difficultés énormes. Nous accusons une pénurie de main-d'œuvre, nos travailleurs qualifiés quittent la province massivement, si bien que les commissaires qui dirigent le groupe de travail sur l'autosuffisance parle d'hémorragie. Nous sommes déjà anémiques.
Plus de 278 000 adultes en âge de travailler au Nouveau-Brunswick ont des lacunes en matière de littéracie et de numératie. Or nous ne pouvons aider que quelque 2 000 personnes par année.
Sans le concours financier de l'État fédéral, toutes ces initiatives seront perdues.
Le président : Nous entendrons maintenant le témoignage de l'Ontario Native Literacy Coalition.
Ellen Paterson, directrice exécutive, Ontario Native Literacy Coalition : Merci de nous donner l'occasion de vous faire part de nos points de vue sur l'alphabétisation. Nous sommes dirigés par un conseil d'administration bénévole élu constitué des quatre orientations de la roue médicinale. C'est pourquoi toutes les régions y sont représentées également.
Nous avons de la chance en ceci que nous recevons du financement de base du ministère de la Formation et des Collèges et Universités, mais nous n'avons pas eu d'augmentation de budget depuis 10 ans.
L'alphabétisation autochtone dans la province de l'Ontario est abordée de façon holistique. C'est un outil qui nourrit l'esprit des Autochtones. Les services d'alphabétisation autochtones reconnaissent et renforcent les cultures uniques des Autochtones ainsi que la corrélation entre tous les aspects de la création. S'inscrivant dans un parcours d'apprentissage à vie, l'alphabétisation autochtone contribue au développement de la connaissance de soi et de la pensée critique.
L'alphabétisation autochtone privilégie l'acquisition de compétences dont les gens ont besoin pour réussir chez eux, au travail et au sein de la collectivité. Au plan le plus fondamental, cela comprend l'apprentissage de base, l'écriture, les mathématiques et les compétences de communication, mais il comprend également l'acquisition d'autres compétences essentielles dont les gens ont besoin pour effectuer leurs tâches quotidiennes et professionnelles, comme la résolution de problèmes, la prise de décisions et la planification de tâches.
Comme nous faisons partie d'une communauté élargie, notre programme d'alphabétisation a une assise communautaire. L'apprenant est au cœur du cercle d'alphabétisation autochtone, et c'est pourquoi le programme est axé sur l'apprenant. Rien n'est plus important.
La population autochtone n'a pas été prise en compte dans l'enquête de 2003, pas plus qu'elle ne l'a été dans les enquêtes internationales sur l'alphabétisation des adultes, les EIAA. Par conséquent, les programmes autochtones n'ont pas accès aux mêmes types de données statistiques fiables que les groupes non autochtones.
La nature intergénérationnelle des enjeux relatifs à l'alphabétisation est mise en évidence par le fait que le niveau d'instruction du parent a un lien direct avec les résultats des enfants en matière d'alphabétisation. Cela est vrai des Autochtones et des non-Autochtones. L'écart est plus prononcé dans le cas des Indiens vivant dans les réserves. En Ontario, 31 p. 100 des Autochtones vivant en réserve n'ont pas d'instruction formelle ou ont un niveau d'instruction inférieur à la 9e année secondaire.
La bonne nouvelle, toutefois, est que nous savons que bon nombre de ces jeunes personnes seront prêtes à reprendre leurs études. Chez la population autochtone, ces tendances se manifestent plus tard dans la vie, ce qui fait des Autochtones de bons candidats pour les programmes d'apprentissage adulte.
En Ontario nous avons 26 programmes : 10 sont offerts dans les réserves, 5 sont autonomes et 11 sont offerts dans des centres d'amitié. Tous sont financés par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités.
Les organismes d'alphabétisation communautaires jouent un rôle important en matière d'alphabétisation et d'apprentissage en Ontario, car l'essentiel de nos programmes est offert en communauté. Les groupes communautaires d'apprentissage et d'alphabétisation sont prêts à accueillir des apprenants adultes ayant besoin d'aide.
L'alphabétisation est liée à quelques défis de taille auxquels font face nos collectivités et la société actuellement : l'emploi, la pauvreté, l'enseignement supérieur, la santé, le bien-être des enfants et des familles, ainsi qu'un certain nombre d'enjeux socioculturels.
Les apprenants ne sont pas payés pour participer à nos programmes d'alphabétisation. Dans certains cas, les programmes sont accessibles, mais dans bien des cas, nous n'en avons pas suffisamment, surtout dans les réserves éloignées du nord de l'Ontario comme vous avez dû le lire dans les journaux, le taux de suicide chez les jeunes Autochtones est élevé, car ceux-ci n'ont pas d'avenir et ne savent pas quoi faire. L'Ontario a envisagé l'apprentissage à distance dans les collectivités isolées, et nous venons de commencer à offrir l'apprentissage électronique.
Certains de nos programmes d'alphabétisation en Ontario sont déjà combles. Nous avons des listes d'attente.
Les 26 programmes sont financés par le MSCU. Ils reçoivent actuellement entre 40 000 et 50 000 $ par année. Leurs budgets n'ont pas été augmentés, alors qu'ils doivent assumer les coûts d'administration et de prestations. Cela signifie que le traitement des praticiens est souvent inférieur à 30 000 $, ce qui est presque le seuil de la pauvreté.
Les programmes d'alphabétisation doivent satisfaire à une exigence relative en nombre d'heures de contact pour continuer à recevoir du financement. Le nombre d'heures moyen est d'environ 6 000 heures par année. Le stress et le roulement sont élevés dans le domaine de l'alphabétisation, étant donné la lourde charge administrative dont est assorti le financement. Souvent, une personne s'y consacre à plein temps. Les praticiens, quant à eux, assument le fardeau d'être des formateurs, des animateurs, des enseignants, des conseillers ainsi que des administrateurs.
Les conséquences du budget de 2006 seront telles que les praticiens n'auront pas la formation dont ils besoin, et c'est le perfectionnement professionnel, le développement de programmes d'apprentissage, la recherche et l'échange de connaissances sur les pratiques exemplaires qui s'en ressentiront.
L'enveloppe budgétaire nécessaire pour offrir du matériel adapté à la culture autochtone, des ressources et du contenu pédagogique doit être suffisante.
Voici nos recommandations à l'intention du comité : il est essentiel de souligner le travail fait dans le domaine de l'alphabétisation des adultes, et tout particulièrement les idées sous-tendant l'apprentissage à vie qui a trait à la capacité communautaire, en dehors du cadre des établissements d'enseignement; d'assurer du financement durable, c'est-à-dire pluriannuel, car les subventions à court terme axées sur des projets imposent un fardeau administratif aux organismes; de faire de l'amélioration des compétences des Autochtones en littéracie et en numératie une grande priorité; de nous engager à faire la promotion de la vulgarisation de tout le matériel de communication et des ressources offertes au public; de former une main-d'œuvre professionnelle dans le domaine de l'alphabétisation; de faire de la sensibilisation pour que la stigmatisation liée à un manque d'alphabétisation soit réduite et que la participation à des programmes d'alphabétisation pour adultes augmente; de réduire l'écart entre les Autochtones et les non-Autochtones en matière d'éducation; de créer des ressources pour élaborer et offrir des programmes d'alphabétisation adaptés à la réalité culturelle des Premières nations, et ce, dans un contexte d'apprentissage formel et informel; de fournir une infrastructure vitale à tous les programmes d'alphabétisation du pays comme le SNA.
En bref, Dorothy Silver, une apprenante qui avait pris la parole à l'occasion de la Journée d'action pour l'alphabétisation en 1999, à Ottawa, a très bien résumé la situation : « Vous pensez peut-être que vous n'avez pas les moyens d'offrir plus de programmes d'alphabétisation, mais si vous pensez que l'alphabétisation est chère, essayez de penser aux coûts de l'ignorance. »
Daniel Page, trésorier du conseil, Nunavut Literacy Council : Le Nunavut Literacy Council est un organisme à but non lucratif inscrit, dirigé par un conseil d'administration bénévole qui représente les trois régions du Nunavut. Notre organisme utilise l'approche du renforcement des capacités communautaires pour faire la promotion de l'alphabétisation des adultes, des familles, des jeunes enfants, des jeunes et des travailleurs, y compris en milieu de travail, dans toutes les langues officielles du Nunavut.
Notre conseil travaille surtout auprès de la population inuite. Tous nos programmes, services, séances de formation et matériel sont en inuktitut et en anglais. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement territorial, le Collège arctique du Nunavut et des syndicats, entreprises et organisations inuites pour bien répondre aux besoins de ceux qui travaillent dans le domaine de l'alphabétisation.
Nous menons aussi des recherches pour rester informés sur les tendances et les enjeux. Les informations que nous recueillons sont disséminées auprès de ceux qui travaillent dans notre domaine.
Le Nunavut Literacy Council représente les intérêts d'environ 100 membres individuels, 25 éducateurs d'adultes et 20 organisations communautaires. Nous représentons aussi les intérêts d'environ 200 apprenants adultes, ainsi que des nombreux enseignants et intervenants en santé communautaire et en petite enfance du territoire.
Jusqu'à présent, nous avons tenu des ateliers de perfectionnement professionnel à l'intention de 700 personnes dans toutes les régions du Nunavut. Ces ateliers et autres activités de perfectionnement professionnel portaient notamment sur le travail auprès d'apprenants adultes ayant des troubles d'apprentissage, l'élaboration de programmes de littéracie familiale en inuktitut, la rédaction de propositions, l'évaluation de programmes et la manière d'utiliser les ressources du conseil. Nous avons conçu plus de 50 outils qui sont couramment utilisés dans le cadre des programmes de littéracie dans tout le territoire.
Nous avons aussi, de concert avec le gouvernement du Nunavut, Nunavut Tunngavik Incorporated, l'organisation des revendications territoriales inuites, et d'autres partenaires, conçu la stratégie de formation des adultes du Nunavut qui a été rendue publique récemment. Les subventions annuelles de 256 500 $ que nous a versées le Secrétariat national à l'alphabétisation nous ont permis de réaliser cet important travail.
Avant les compressions budgétaires qui ont été annoncées en septembre, le Collège de l'Arctique du Nunavut dispensait des programmes d'alphabétisation dans quelques localités du Nunavut. Le budget annuel du collège pour ces programmes était de 300 000 $, ce qui comprenait les 125 000 $ versés par le SNA. Ce financement partagé servait au recrutement de coordonnateurs des programmes d'alphabétisation qui concevaient et coordonnaient les programmes de littéracie communautaire et qui élaboraient les ressources utilisées pour la prestation de ces programmes.
Les programmes dispensés par les collèges le sont en inuktitut ou en anglais, selon les besoins de la localité. Il n'y a pas d'autres programmes indépendants d'alphabétisation dans notre territoire, sauf pour quelques petits programmes à court terme offerts par le Collège de l'Arctique du Nunavut. Il y a donc moins de 200 000 $ en fonds territoriaux pour l'élaboration et la prestation de programmes d'alphabétisation au Nunavut.
Le Nunavut Literacy Council a travaillé d'arrache-pied depuis sa création pour aider les groupes et organisations communautaires à intégrer l'alphabétisation dans leurs programmes. Ces efforts ont été très fructueux, mais le manque de fonds a nui au progrès. La réduction du financement annoncée en septembre conjuguée aux changements apportés au Programme national d'alphabétisation ont eu un effet dévastateur sur l'alphabétisation au Nunavut. Les compressions budgétaires ont été particulièrement dommageables du fait qu'elles ont été effectuées au beau milieu de l'année financière, après échéance pour la présentation de demandes de fonds auprès d'autres sources de financement.
Les taux d'alphabétisation au Nunavut sont les plus bas au Canada. Dans un pays aussi prospère que le nôtre, c'est une honte nationale. Au Nunavut, ces taux peu élevés d'alphabétisation ont mené à d'importantes pénuries de main- d'œuvre, dont toutes les entreprises, tous les ministères et tous les organismes gouvernementaux se ressentent. De plus, les pertes de revenu pour les Inuits sont considérables. Environ la moitié des habitants du Nunavut ne sont pas pleinement alphabètes. Quatre-vingt-huit pour cent des Inuits sont à un niveau inférieur du niveau nécessaire pour participer activement à la main-d'œuvre et à la vie communautaire. Le faible taux d'alphabétisation des jeunes du Nunavut est particulièrement alarmant. Environ 80 p. 100 des jeunes de 16 à 25 ans n'ont pas le niveau d'alphabétisation nécessaire pour participer à la main-d'œuvre.
Les effets de la pénurie de main-d'œuvre au Nunavut sont importants et se font sentir partout. Plus de 60 p. 100 de ceux qui ont actuellement un emploi se classent à un niveau inférieur du minimum reconnu par l'enquête international sur l'alphabétisation et les compétences des adultes. Cela se traduit par le nombre élevé d'accidents de travail, des coûts accrus pour les employeurs en raison du roulement important des employés, du taux d'absentéisme élevé et des nombreuses erreurs commises en milieu de travail. Cela se traduit aussi par des coûts de soins de santé élevés, et par des taux élevés de décrochage, de pauvreté et de suicide.
Les habitants du Nunavut veulent la même chose que les autres Canadiens. Ils veulent être des membres actifs et productifs de la société, ce qu'ils peuvent difficilement être avec un si faible taux d'alphabétisation.
Les réductions de financement qui ont été apportées en septembre 2006 ont eu des conséquences profondes. Le Collège de l'Arctique du Nunavut a dû annuler des programmes d'alphabétisation par manque de fonds. Notre conseil a dû licencier deux membres de son personnel; le directeur exécutif et le personnel cadre doivent maintenant assumer des tâches supplémentaires pour répondre aux obligations imposées par les autres partenaires financiers. Notre conseil ne pourra continuer de dispenser ses programmes actuels sans les sommes versées auparavant par l'entremise du Programme national d'alphabétisation qui était la seule source d'argent pour les programmes d'alphabétisation des adultes.
Le Nunavut Literacy Council dispensait aux formateurs pour adultes la majorité des programmes de perfectionnement professionnel. Nous sommes la seule organisation au Nunavut qui offre aux organisations et groupes communautaires une formation en langue et en alphabétisation et nous sommes l'une des rares organisations qui conçoit du matériel didactique adapté au Nunavut à l'intention des éducateurs, des enseignants et des instructeurs. En fait, notre conseil est la seule organisation d'alphabétisation dans tout le territoire.
En conclusion, nos recommandations ont déjà été formulées : premièrement, annuler les réductions de financement apportées en septembre 2006; deuxièmement, accélérer l'examen de toutes les propositions présentées par les coalitions provinciales-territoriales et par le Movement for Canadian Literacy, l'organisation cadre qui nous représente tous et, enfin, je répète la recommandation de Mme Lane sur la nécessité d'adopter une stratégie pancanadienne d'alphabétisation.
Le président : Malheureusement, Literacy Newfoundland and Labrador n'a pu envoyer de représentant aujourd'hui à Ottawa en raison du mauvais temps.
Monika Feist, présidente du conseil d'administration, Literacy Partners of Manitoba : Notre conseil représente des localités isolées, des centres urbains et des régions rurales du nord du Manitoba, ainsi que le secteur. Notre conseil et notre personnel consacrent leur énergie et l'argent provenant du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial, des subventions de base, des dons que nous recevons et de nos activités de collecte de fonds à des projets donnant de véritables résultats pour plus de 290 000 Manitobains en âge de travailler peu alphabétisés.
Au cours des deux dernières années, nous avons notamment offert aux apprenants adultes des programmes d'alphabétisation et d'autres programmes d'apprentissage dans le cadre desquels nous avons recruté plus de 100 participants volontaires en partenariat avec le Winnipeg Free Press, le quotidien de Winnipeg, et nous avons donné des cours d'alphabétisation. Nous avons versé plus de 19 000 $ provenant de nos activités de collecte de fonds en bourses à des apprenants adultes pour des lunettes prescrites, des services de garde d'enfants, du transport et des fournitures scolaires. Il s'agissait des profits nets du PGI, le Tournoi de golf invitation Peter Gzowski. Nous appuyons aussi les événements régionaux pour nos apprenants. Nous assurons le fonctionnement d'un centre de ressources pour les enseignants et nous contribuons au fonds L'alphabétisme pour la vie, une initiative que nous avons lancée et que nous menons avec la Winnipeg Foundation et la Bibliothèque publique de Winnipeg. Nos ressources sont constituées de plus de 5 000 articles que nous envoyons n'importe où dans la province.
Nous nous considérons comme le pivot de tout ce qui touche l'alphabétisation dans notre province. Les autres provinces ont déjà beaucoup parlé de leur situation. Nous menons des activités semblables et nous croyons aussi être à la fois des chefs de file et des courroies de transmission dans notre province. C'est aussi ce que nous faisons.
De plus, nous avons fait preuve de leadership dans la mesure où nous sommes devenus la conscience du gouvernement provincial. Nous avons su créer une situation qui a amené le gouvernement à assumer davantage de responsabilités et de leadership dans le domaine de l'alphabétisation.
Nous tentons de faire un usage optimal de nos ressources à travers toutes les régions de la province pour appuyer les apprenants et les divers programmes. Nous avons établi des partenariats avec la province pour la création de programmes et de projets de recherche.
En outre, nous avons récemment collaboré avec le premier ministre de notre province à la création du comité directeur de la stratégie d'alphabétisation. Ce comité se compose de trois membres — le sous-ministre adjoint responsable de la formation en éducation permanente qui fait l'impossible pour assister à toutes les réunions en dépit de son emploi du temps très chargé, un professeur d'études autochtones de l'Université de Brandon et le directeur de l'un de nos quatre centres d'alphabétisation et d'apprentissage des adultes.
Nous avons présenté au ministre la deuxième ébauche d'une stratégie avancée d'alphabétisation au sein du système d'éducation qui a mené à la présentation d'un projet de loi qui servira à élaborer une loi pour l'alphabétisation des adultes. Le comité de six membres continue de travailler aux recommandations qui serviront à l'élaboration d'une nouvelle stratégie provinciale en matière d'alphabétisation.
Nous nous occupons de 34 programmes d'alphabétisation pour adultes provinciaux qui sont financés tant par le gouvernement fédéral que par le gouvernement provincial et qui desservent 2 700 apprenants adultes. Nous avons compté au moins 63 programmes d'alphabétisation familiale dont 14 sont financés par le gouvernement provincial, avec 109 praticiens et plus de 200 tuteurs bénévoles.
Nous avons aussi parmi nos membres des centres d'apprentissage pour adultes, des programmes d'acquisition de compétences professionnelles, des programmes d'anglais en d'autres langues, des programmes pour immigrants, pour Autochtones, ainsi que leurs apprenants et leurs enseignants.
Notre objectif est d'augmenter le niveau d'alphabétisation au Manitoba. Nous avons appuyé les programmes grâce à la recherche et avons présenté une soumission nationale, mais ce qui nous touchera, c'est la possibilité de faire une évaluation de l'alphabétisation, une évaluation des besoins. Sans le financement du fédéral, nous estimons impossible de fournir ce renseignement à la collectivité et au gouvernement.
Comme je le disais, nous sommes une conscience pour la province. Nous sommes très fiers de la relation que nous avons avec le gouvernement provincial. Nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d'onde, mais nous sommes consultés, à l'initiative du gouvernement. Nous trouvons diverses solutions lorsqu'il y a des difficultés pour travailler avec les apprenants, les praticiens de l'alphabétisation, et cetera.
Comme d'autres organismes que j'ai entendus, nous distribuons nos ressources, et sans financement, ce genre de service sera supprimé. L'une de nos plus grandes difficultés, c'est que 15 de nos programmes d'alphabétisation communautaires sont situés à Winnipeg, où habitent environ les deux tiers de la population de la province et nous estimons que c'est loin d'être suffisant.
Il y a deux centres qui offrent des programmes à plein temps à l'année, et les autres n'ont que des programmes à temps partiel. Nous avons 19 programmes dans les régions rurales du Nord qui ne sont certainement pas suffisants. L'isolement, les déplacements nécessaires pour ces programmes représentent des obstacles supplémentaires pour les tuteurs et pour les apprenants inscrits dans ces programmes. La participation est difficile en effet pour les petits salariés et les assistés sociaux. En dehors des grands centres urbains, il n'y a pas de transport public et les déplacements sont très coûteux, sans oublier qu'ils sont difficiles compte tenu de l'état des routes et des conditions météorologiques.
Malgré tous les obstacles dont je viens de parler, le nombre de Manitobains ayant le plus faible niveau d'alphabétisation, le niveau 1, a baissé en une décennie, et il est de 13 p. 100 inférieur à la moyenne nationale. Nous pensons donc vraiment que nous avons changé des choses.
Le succès de notre travail d'alphabétisation au Manitoba se voit aussi dans le fait que la croissance la plus forte a été enregistrée au niveau 3, pour la même période. Ce sont les chiffres, pour la période 1995-2005, de l'EIACA de Statistique Canada. Le niveau 3 est le niveau d'alphabétisation nécessaire pour la plupart des tâches quotidiennes, pour les Manitobains. Cela montre l'efficacité du système manitobain de formation et de perfectionnement, particulièrement des centres d'apprentissage pour adultes et des centres d'apprentissage familiaux. Tous ces programmes ont l'appui de notre coalition.
J'ai quelques observations d'ordre général. On veut qu'au niveau national, il y ait du leadership, mais aussi un point de vue global sur ce qui se passe au pays. Grâce à ce portrait de la situation, dans nos propres provinces, en lien avec les autres provinces, nous comprenons quels doivent être les objectifs pour notre province. Ce capital de départ, c'est ainsi que je le vois, permet le lancement de bon nombre de ces initiatives. Heureusement, nous reconnaissons tous l'importance d'être prudents dans les dépenses publiques et c'est pourquoi nous partageons tant les renseignements sur les services offerts que les ressources que nous distribuons, pour l'ensemble du pays.
Récemment, nous avons eu le bonheur de recevoir des fonds de la Fondation Winnipeg qui nous a permis de mettre sur pied un programme. Il s'agit d'alphabétisation à domicile de parents. Les tuteurs bénévoles vont chez eux les mettre en contact avec des livres, des documents, pour lancer l'apprentissage en famille, afin que lorsque les enfants entrent à l'école, l'enthousiasme pour la lecture soit déjà présent.
Nous avons des partenariats avec la ligne aérienne Polar Air, pour envoyer des livres par avion dans des collectivités isolées et des réserves; il s'agit de livres que des éditeurs nous ont fournis gratuitement. La rupture de ce lien est tragique pour les Manitobains. Ce doit être la même chose partout au pays.
J'aimerais que le gouvernement fédéral nous réponde. Discutons ensemble, voyons comment nous pouvons fixer ensemble des priorités communes. Je ne voudrais pas que l'alphabétisation perde l'appui du gouvernement fédéral. Le genre de participation que nous avons permise, à partir du programme Raise-a-Reader, partout au pays, est très importante et nous avons l'appui de divers organismes qui contribuent à amasser des fonds pour l'alphabétisation. Les communautés veulent appuyer l'alphabétisation, mais l'appui doit aussi venir du gouvernement.
Nous aimerions discuter avec le gouvernement. Notre personnel connaît très bien son domaine. Je crains que le gouvernement ne nous perçoive comme un simple lobby, comme un groupe d'intérêts. Ce n'est pas le cas. Je suis bénévole. Je consacre beaucoup d'heures à ce travail, comme beaucoup d'autres ici présents. Nous sommes désintéressés et nous agissons pour répondre à un besoin, en tant que membres de la collectivité, parce que ce qui se passe au Canada compte à nos yeux.
Au Manitoba, nous avons une augmentation incroyable du nombre d'immigrants. Nous voyons déjà ce qui se produira. Nous sommes le plus important territoire d'accueil de réfugiés au Canada. Nous avons divers programmes pour servir ces groupes, mais le financement est épuisé.
Nous vous demandons donc d'annuler les compressions budgétaires, tant au niveau provincial que national.
[Français]
Le président : Nous recevons maintenant le coordonnateur du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, M. Christian Pelletier.
Christian Pelletier, coordonnateur, Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec : Monsieur le président, le Québec compte deux réseaux reconnus : le réseau des commissions scolaires — le réseau institutionnel — et le nôtre, le Réseau des groupes d'alphabétisation populaire, qui regroupent 132 organismes.
Depuis 30 ans, nous avons développé une approche particulière appelée l'alphabétisation populaire parce que selon nous, l'alphabétisation n'est qu'un élément de la lutte à l'analphabétisme. C'est une approche importante où l'on fait l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul, mais qui vise aussi la prise de parole des personnes, leur implication citoyenne et la prise en charge de leurs conditions de vie.
Notre clientèle vit dans une pauvreté évidente et cela cause souvent des problèmes. L'approche que l'on a développée permet d'avoir des horaires adaptés, de travailler en tenant compte des besoins des gens et de mettre sur pied des outils d'apprentissage adaptés au quotidien des gens, soit en mettant de l'avant ce que l'on voit dans les journaux, ce qui arrive dans le quartier, et cetera.
L'implication des gens dans la prise en charge des groupes, dans la structure démocratique est importante pour nous.
Au Québec, il y a plus d'un million de personnes qui ont des difficultés de lecture et d'écriture. Le réseau institutionnel en rejoint 13 000 et nous en rejoignons 7 000 avec des moyens financiers beaucoup moins importants. Les réseaux ne rejoignent que 2 p. 100 des personnes. C'est peu édifiant. Cela s'explique parce que lorsque l'on parle d'accessibilité, la difficulté se situe beaucoup au niveau de la situation financière précaire des gens. Quand on est préoccupé par un budget restreint au quotidien ou en situation de survie, on a certaines difficultés à mettre l'accent sur autres choses.
Il y a aussi les conditions d'accessibilité aux ressources qui sont difficiles. On pense entre autres aux grands territoires à couvrir, aux difficultés d'accès aux moyens de transport, et quand je parle de moyens de transport, il ne faut pas penser que l'on fait seulement référence aux régions éloignées. Il y a des gens dans les villes qui ne sont pas capables de se payer le transport en commun qui est coûteux, et souvent, les groupes qui sont soit à Québec ou à Montréal ont un problème au niveau de l'accès au transport.
En région, c'est aussi un problème parce qu'il n'y a carrément pas de transport. Il y a aussi des gens qui ont des enfants en bas âge et c'est difficile aussi de leur donner accès.
Au Québec, le gouvernement subventionne les groupes mais il y a une autre source de financement pour les groupes d'alphabétisation qui vient du gouvernement fédéral. Le financement est divisé en deux parties, il y a un montant de 1,3 million disponible pour des ressources d'organismes nationaux ou des organismes en périphérie de l'alphabétisation et il y a pour 3,7 millions dans une entente fédérale-provinciale que l'on appelle IFPCA, qui existe depuis plusieurs années.
Par le biais de cette entente, c'est le gouvernement fédéral qui subventionne et les fonds servent à financer des activités qui ne sont pas directement reliées à la formation parce que c'est de juridiction provinciale et on connaît les batailles entre le Québec et le gouvernement fédéral là-dessus.
Les groupes reçoivent 1,4 million de dollars de cette enveloppe fédérale. En tant que réseau, on reçoit environ 235 000 $ pour notre programme de formation, la formation des formateurs et pour le développement de matériel didactique.
Je vais essayer de me concentrer sur les compressions budgétaires qui ont eu lieu antérieurement. Le programme a changé l'année dernière et vous savez que dans l'entente fédérale-provinciale les groupes reçoivent cet argent pour l'année 2006-2007. Pour cette année, il n'y a pas eu de compressions budgétaires. Pour le programme 2006-2007, la demande devait être faite au mois de février l'année dernière et débuter au mois de septembre 2006.
La mise en place du nouveau programme a retardé les demandes qui ont été faites en septembre seulement, pour être appliquées au mois de décembre. Cet argent doit être dépensé avant le 31 mars prochain et à l'heure actuelle, personne n'a reçu d'argent et les demandes sont encore à Ottawa. Nous sommes à la mi-février et il reste un mois et demi avant la fin de l'exercice financier. En plus des compressions budgétaires, il y a des problèmes dans l'application du programme. En fait, j'en aurais long à dire sur le changement de programme car il cause parfois de sérieux inconvénients.
J'aimerais qu'on se souvienne que les compressions budgétaires ont été faites au mois de septembre, pratiquement la même journée où le gouvernement fédéral annonçait des compressions de 18 millions de dollars, dont 5 millions de dollars au Québec. Paradoxalement, la même journée le gouvernement fédéral annonçait un surplus budgétaire de 13 milliards pour l'année financière. Quand je parle de 18 millions de dollars et que je le compare au budget fédéral, j'ai l'impression de parler des deux sous qui restent dans le fond de ma poche.
De plus, la compression budgétaire de 235 000 $ s'appliquait immédiatement au mois de septembre et ce montant d'argent servait au soutien aux organismes, aux programmes de formation, à la publication de matériel didactique. Le programme de formation rejoignait en moyenne 200 formateurs et formatrices par année.
En plus on a fait des mises à pied et le programme de formation a été abandonné. Près de quatre mois plus tard, on a appris que la demande avait été réétudiée et qu'on nous accordait la somme de 235 000 $. On parle souvent d'efficacité, mais je pense qu'on n'a pas de leçon à recevoir sur ce plan quand on est obligés de réembaucher du personnel pas nécessairement disponible et qu'il faut refaire les choses.
L'entente fédérale-provinciale prend fin le 31 mars et on a appris qu'elle ne serait pas renouvelée. La somme de 1,4 million de dollars ne sera donc pas disponible l'an prochain. Ce n'était pas une grosse somme, mais elle permettait d'en faire beaucoup. Il était possible de faire du recrutement et de la sensibilisation, tout cela donnait lieu à des choses très intéressantes.
On sait que la clientèle est difficile d'accès. Je vous l'ai dit tantôt, avec les deux réseaux on ne joignait que 2 p. 100 des personnes potentielles. En ce qui concerne les recommandations, je pense qu'il serait très important de réinjecter les sommes qui ont été coupées de façon permanente. Il faudrait aussi réinvestir dans les programmes d'alphabétisation dès le prochain budget.
Il faut un plan d'action pour soutenir les différents acteurs qui luttent contre l'analphabétisme au Canada. Il faut aussi tenir compte des diverses réalités territoriales, économiques, sociales et culturelles des personnes peu alphabétisées. Je partage la vision de ma collègue du Yukon et je suis content de voir que vous avez consulté des apprenants la semaine dernière. Je crois que c'est une expérience qu'il faut répéter.
Il faut se rapprocher de ces personnes pour connaître leurs besoins et savoir comment y répondre. Je travaille avec cette clientèle depuis 17 ans et laissez-moi vous dire qu'elles nous apprennent beaucoup. Il ne faut pas seulement les consulter de temps en temps, il faut prévoir un mécanisme qui permette un suivi à long terme.
[Traduction]
Le président : Nous passons maintenant aux deux autres témoins, afin de faciliter le travail des interprètes gestuels qui se sont avancés pour tenir compte du changement de langue.
[Français]
Solange Basque Rhéaume, directrice générale par intérim, Fédération d'alphabétisation du Nouveau-Brunswick : Monsieur le président, je vais résumer brièvement ce que fait la Fédération d'alphabétisation du Nouveau-Brunswick. Je remarque que dans les différentes provinces il y a des choses semblables, mais il y a quand même des choses qui sont différentes au Nouveau-Brunswick.
La Fédération d'alphabétisation du Nouveau-Brunswick, communément appelée la FANB, est un organisme à but non lucratif qui compte 16 conseils régionaux qui sont membres de la fédération et qui ont pour rôle de sensibiliser et de promouvoir l'alphabétisme dans leur région respective.
Afin de contribuer à l'amélioration de l'alphabétisme au Nouveau-Brunswick, la fédération coordonne des projets, organise des colloques et des forums, conscientise les Acadiens et les francophones sur l'alphabétisme, agit comme porte-parole auprès des instances gouvernementales, publie des documents d'information et met à la disposition des intervenants un centre de ressources en alphabétisation.
Elle est également au service du recrutement des apprenants pour les classes qu'on appelle les programmes communautaires d'apprentissage aux adultes, les PCAA. Parmi les types de programmes offerts au Nouveau- Brunswick, on retrouve les programmes communautaires d'apprentissage aux adultes qui sont plutôt axés sur la scolarité plutôt que sur l'alphabétisation. Ces programmes ne rejoignent que 1 p. 100 de notre population et il ne faut pas oublier que le Nouveau-Brunswick compte près de 67 p. 100 de sa population qui est peu alphabétisée. Ces programmes communautaires sont vraiment gérés par des bénévoles, de bons samaritains de la communauté qui s'intéressent à l'alphabétisation, mais qui ne sont aucunement des experts en la matière.
La fédération est gérée par une équipe d'experts en alphabétisation, des gens qui ont œuvré dans le domaine depuis de nombreuses années. Avant d'être directrice générale de la fédération, j'ai enseigné près de 13 ans dans les PCAA au Nouveau-Brunswick et je peux vous assurer que ces programmes ne répondent pas aux besoins des apprenants peu alphabétisés. Les deux matières qui sont offertes dans les PCAA sont le français et les mathématiques.
Depuis très peu de temps, on commence à les initier aux ordinateurs. Les apprenants de ces classes ne sont pas prêts à travailler le français et les mathématiques durant de grandes journées. Ils ont besoin de beaucoup plus; ils ont besoin d'apprendre des choses de la vie, des méthodes de savoir-vivre, ce que la fédération préconise.
La fédération met de l'avant l'alphabétisation familiale au Nouveau-Brunswick et offre des programmes de formation pour les experts et pour les parents. L'alphabétisation familiale nous fait remarquer qu'on ne peut pas demander aux adultes qui ont des enfants, de donner à leurs enfants ce qu'ils n'ont pas eux-mêmes. Ils ont besoin de compétences plus basiques que celles offertes par la scolarisation.
Puisque nos PCAA ne répondent pas aux besoins réels de notre population, il est certain qu'ils ne répondent pas à ceux des Autochtones. La fédération est financée par le fédéral et nous avons été fortement touchés par les récentes compressions budgétaires. Nous avons dû procéder à une réduction de personnel et nous déménageons nos locaux. Nous avons deux projets majeurs qui se terminent en mars 2008. Deux viennent d'être soumis, avec une révision complète afin de répondre aux fameux critères nationaux. Si ces deux projets ne sont pas approuvés, la fédération devra fermer ses portes en mars 2008 car nos deux projets majeurs vont se terminer à ce moment.
Si on considère cela sur le long terme, le gouvernement a besoin d'organismes dans chaque province, et il a besoin de la Fédération d'alphabétisation du Nouveau-Brunswick pour atteindre l'objectif d'une société pleinement alphabétisée.
En ce qui concerne les recommandations, la fédération a tenu une importante réunion de son conseil d'administration récemment. On a toujours les mêmes problèmes au Nouveau-Brunswick et l'on revient toujours au questionnement : est-ce que ce sont des solutions, des recommandations? Quatre principaux éléments posent problème en matière de l'alphabétisation au Nouveau-Brunswick : la conscientisation de la population, la communication, la collaboration de tous les secteurs et, finalement, le financement adéquat, justifiable, comme pour toutes les autres provinces.
Pour terminer, j'aimerais vous dire que, depuis une quinzaine d'années au Nouveau-Brunswick, des milliers de bénévoles, des intervenants, des enseignants des programmes communautaires, des gestionnaires, ont travaillé d'arrache-pied pour faire de l'alphabétisation ce qu'elle est aujourd'hui. Il est plus que jamais temps de concerter nos efforts, de déployer nos ressources humaines, matérielles et financières et de collaborer étroitement dans tous les secteurs afin de viser à beaucoup plus qu'à la simple survie de nos citoyens.
L'alphabétisation est un droit fondamental et le principal outil pour rendre l'individu autonome, permettre aux familles de sortir de la pauvreté et de se doter des moyens pour participer pleinement à la vie de la communauté. La Fédération d'alphabétisation du Nouveau-Brunswick croit en l'égalité des individus et à la dignité humaine. De plus, elle croit que tout individu est capable d'apprendre et que chaque personne a le droit à une éducation continue, de qualité, qui réponde vraiment à ses besoins.
[Traduction]
Le président : Les deux dernières présentations sont celles des représentants de l'Ontario. D'abord, Mme Wesolowski, présidente de la Ontario Literacy Coalition.
Annmarie Wesolowski, présidente, Ontario Literacy Coalition : Je suis actuellement présidente de la Coalition, mais je suis aussi directrice exécutive d'un réseau d'alphabétisation pour adultes du nord-ouest de l'Ontario, appelé Literacy Northwest. Auparavant, j'étais coordonnatrice d'un programme d'alphabétisation pour adultes d'une petite collectivité minière du nord-ouest de l'Ontario, Red Lake. Je parle ce matin au nom de la Coalition, mais je peux aussi vous présenter le point de vue des membres de la base.
La Ontario Literacy Coalition est un organisme au service de ses membres, représentant des apprenants adultes de tout l'Ontario ainsi que des praticiens en alphabétisation, des organismes de service et des intervenants communautaires. Comme d'autres coalitions l'ont dit aujourd'hui, nous sommes un agent de liaison, recueillant et disséminant l'information en temps opportun, à l'échelle de la province, pour répondre aux besoins des divers intervenants.
Pour ce qui est des services offerts en Ontario, le programme d'alphabétisation et de compétences de base est du ressort de la Direction de l'acquisition des compétences du ministère de la Formation, des Collèges et Universités. Il y a eu une restructuration le 1er janvier dernier.
Le président : Désolé de vous interrompre. Je sais que vous essayez de respecter les cinq minutes qui vous sont accordées, mais veuillez ralentir, pour faciliter le travail des interprètes.
Mme Wesolowski : Merci.
La restructuration effectuée le 1er janvier découle de l'entente sur le partenariat et le développement du marché du travail signée en 2006.
En Ontario, les programmes d'alphabétisation sont subventionnés en vertu de trois secteurs distincts et d'un certain nombre de catégories. Il y a le secteur communautaire, les commissions scolaires et les collèges. Les catégories sont les programmes pour anglophones, pour personnes sourdes, pour les Autochtones et pour les francophones.
Dans ces différentes catégories, il existe en tout 290 centres d'alphabétisation qui desservaient plus de 49 000 adultes en 2006. Outre ces centres, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités finance également 23 agences provinciales et régionales d'alphabétisation et d'enseignement des compétences de base qui desservent les 290 centres. Il y a dans la province 16 réseaux régionaux couvrant un vaste territoire, quatre coalitions provinciales pour l'alphabétisation, l'une pour chacune de ces catégories de clientèle, et trois agences sectorielles qui représentent les secteurs subventionnés. Les services qu'ils offrent recoupent ceux qui ont été décrits ici aujourd'hui.
Au chapitre de l'accès aux programmes, bien que la population ontarienne soit hautement qualifiée et éduquée, on compte dans la province 3,4 millions d'adultes qui éprouvent des difficultés à accomplir les activités de la vie quotidienne ou à décrocher et garder un emploi. Moins de 10 p. 100 de ces adultes ont recours aux services d'alphabétisation.
Le défi est de taille compte tenu du soutien que la province est en mesure d'offrir. Bon an, mal an, moins de 1,5 p. 100 des adultes ontariens ayant des capacités de lecture de niveaux 1 et 2 reçoivent des services. La structure de financement actuelle laisse manifestement à désirer. Il y a beaucoup de gens que les programmes d'alphabétisation ne peuvent rejoindre, surtout dans le Nord et les régions isolées de la province. Il y a donc de vastes territoires qui ne sont pas assez ou pas du tout desservis.
Dans ces régions isolées, il faut adopter une stratégie de télé-apprentissage caractérisée par la souplesse. Cela suppose des investissements en technologie, en infrastructure, en expertise, en achat d'équipement et en ressources. Les besoins sont d'autant plus grands que la demande de services augmente, ce qui a entraîné l'établissement de listes d'attente et la nécessité d'augmenter les subventions. Or, le fait est que le financement consenti à la plupart des organismes en Ontario n'a pas changé depuis 10 ans; dans ces conditions, il leur est impossible de maintenir, et encore moins d'augmenter, les services pour répondre à l'accroissement de la demande.
Les programmes sont financés sur la base d'une formule tenant compte du nombre d'élèves et des heures de contact avec des intervenants. En 2006, le gouvernement de l'Ontario a affecté 69 millions de dollars au programme d'alphabétisation et d'enseignement des compétences de base. Ces fonds couvrent essentiellement les frais généraux, les locaux, les frais administratifs et les salaires. Bien que tous les organismes aient besoin de plus de fonds pour répondre à la croissance de la demande, ce sont les petits programmes communautaires qui sont les plus vulnérables. La formule de financement actuelle ne leur permet pas de faire face à l'augmentation de leurs frais généraux, ce qui vient gruger leur budget d'enseignement.
Outre la prestation des programmes, la province subventionne également des projet de recherche-développement à hauteur de 1,5 million de dollars par année et octroie 3,8 millions de dollars aux réseaux régionaux des coalitions et à tous les autres organismes de soutien.
Avant l'annonce des compressions budgétaires fédérales en 2006, le gouvernement fédéral s'associait avec l'Ontario pour financer les projets liés à l'infrastructure d'alphabétisation des adultes; il y consacrait 3 millions de dollars, qui venaient s'ajouter à la cagnotte de 1,5 million de dollars fournie par le gouvernement provincial. Ces sommes étaient affectées à la formation, à la recherche, au développement et à la mise en valeur de ressources pour favoriser la prestation de services de qualité en Ontario.
Les services d'alphabétisation en Ontario sont vulnérables parce qu'ils reposent sur le financement de projets et de programmes à court terme. L'expérience des 10 dernières années et les compressions budgétaires annoncées par le gouvernement ont montré qu'ils peuvent être érodés avec des résultats désastreux.
Pour augmenter le taux d'alphabétisation des adultes au Canada, nous devrons améliorer nos politiques, renforcer notre infrastructure nationale d'alphabétisation et augmenter sensiblement le financement au lieu de détruire les bases que nous avons établies au fil des ans.
La fin du financement fédéral, provincial et territorial est en train de démanteler notre infrastructure nationale d'alphabétisation des adultes. En Ontario, nous risquons de perdre le centre AlphaPlus, une bibliothèque ressource pour l'alphabétisation des adultes reconnue dans le monde qui pourrait fermer ses portes à la fin de mars 2007. La structure antérieure nous permettait de garder cette infrastructure et sa disparition aura des effets dévastateurs.
Les gens qui travaillent sur le terrain s'attendent à ce qu'une portion des fonds que l'Ontario recevra dans le cadre de l'entente de développement des partenariats avec les marchés du travail serve à accroître les services offerts en Ontario afin que les organismes soient en mesure d'augmenter le nombre de leurs élèves et aider les organismes de soutien à répondre aux divers besoins des différents secteurs et différentes clientèles d'alphabétisation de la province.
Nous estimons que ce n'est pas le moment de réduire les efforts mais bien de miser sur le travail déjà fait. En 2005, le Comité consultatif sur l'alphabétisation et les compétences essentielles a présenté au ministre d'État du Développement des ressources humaines un rapport intitulé Vers un Canada pleinement alphabétisé : atteindre les objectifs nationaux au moyen d'une stratégie pancanadienne globale. Les auteurs du rapport recommandaient l'adoption d'une approche pancanadienne en matière d'alphabétisation et le financement durable de tels services par le gouvernement fédéral. Sur le plan économique et social, il est logique de rétablir le financement des services d'alphabétisation, de tracer une stratégie pancanadienne et de rattacher la politique en matière d'alphabétisation à d'autres politiques relatives aux services sociaux pour que le Canada soit compétitif avec les autres pays du monde sur le plan de l'alphabétisation.
Il est évident, à la lumière de ce qu'ont dit les témoins qui ont parlé avant moi, qu'il existe ici même autour de la table une véritable mine de connaissances, d'expérience et d'expertise dans le domaine et nous sommes heureux de voir que votre comité sénatorial y fait appel.
Le président : Merci.
[Témoignage livré par l'entremise d'un interprète gestuel]
Peggy Anne Moore, directrice exécutive, Ontario Literacy for Deaf People : Permettez-moi de vous donner certains renseignements au sujet de l'organisation cadre que je représente et qui s'appelle GOLD, acronyme de Goal : Ontario Literacy for Deaf People. Nous avons été fondés par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités. GOLD est le seul organisme d'alphabétisation provincial qui s'adresse à une clientèle sourde et sourde-aveugle. Nous avons quatre centres de service disséminés dans la province et sommes toujours à la recherche d'enseignants qualifiés, qui sont très rares. La plupart des intervenants n'ont pas reçu de formation en bonne et due forme dans le domaine de l'alphabétisation. Ils ont pour la plupart acquis leurs connaissances en faisant ce travail. Nous avons un manque chronique de ressources. Nous devons puiser à même les ressources existantes et les adapter à la clientèle de personnes sourdes et de personnes sourdes et aveugles que nous desservons.
Pour améliorer les connaissances techniques d'une personne, nous devons adapter les ressources. Beaucoup de documents sont sonores et nous devons les verser dans une base de données de documents visuels.
Nous consultons beaucoup d'organisations de l'extérieur de la province qui dépendent de GOLD pour avoir accès à des connaissances, à des ressources, à du perfectionnement professionnel et pour adapter leurs programmes provinciaux. Il y a au Canada un besoin criant de programmes d'alphabétisation conçus pour les personnes sourdes et sourdes-aveugles.
De plus en plus d'intervenants qui sont eux-mêmes sourds et qui offrent des services d'alphabétisation dans le cadre de nos programmes s'épuisent à la tâche. Ils ne peuvent tout simplement pas répondre à l'énorme demande.
Vous pouvez vous imaginer l'effet désastreux que les compressions budgétaires décrétées par le gouvernement fédéral auront sur nos programmes. La clientèle sourde et aveugle est déjà désavantagée, et ces compressions augmenteront encore notre retard par rapport aux autres citoyens canadiens. Je dirais que 50 p. 100 des étudiants universitaires sourds ou sourds et aveugles accusent déjà un retard par rapport à leurs collègues qui ne sont pas atteints de surdité ni de cécité.
La situation des Autochtones sourds est encore pire, parce qu'ils ne peuvent pas faire appel aux programmes offerts aux Autochtones. Par ailleurs, les programmes pour personnes sourdes qui existent ne s'adressent pas à une clientèle autochtone, ce qui l'isole encore plus.
En Ontario, l'alphabétisation est actuellement une priorité du ministère de la Formation, des Collèges et Universités, mais les réductions de subventions nous affecteront considérablement.
L'intervenant précédent a décrit la menace qui plane sur le programme AlphaPlus. Si on supprime ces ressources, qu'arrivera-t-il de notre droit d'y avoir accès? AlphaPlus a pris beaucoup d'expansion et rend les services accessibles aux personnes sourdes et sourdes-aveugles. Les ressources existent à l'heure actuelle, mais si AlphaPlus et d'autres programmes semblables disparaissent, nous reviendrons à notre point de départ et devrons adapter de nouveau ce qui avait déjà été adapté.
AlphaPlus a mis sur pied AlphaRoot à l'intention des étudiants des niveaux 1 et 2 afin de les aider à poursuivre leur formation. La plupart des gens avec lesquels nous faisons affaire sont toutefois en deçà du niveau 1. Ils doivent se familiariser par exemple avec l'ordinateur. Vous pouvez imaginer à quel point cet apprentissage ajoute au stress de l'alphabétisation.
Chez AlphaPlus, nous comptions sur des gens qui avaient les connaissances voulues pour enseigner aux sourds et aux personnes sourdes et aveugles, mais nous sommes en train de les perdre, car ils ont été mis à pied et nous devons maintenant de nouveau faire du rattrapage. Il nous faut chercher ailleurs du soutien financier, et cela alourdit la charge de travail des quelques membres de notre personnel.
Dans le passé, GOLD a conçu certaines ressources d'enseignement, la plupart dans un format bilingue. Nous en disposons aussi en format de langage gestuel et en format papier. Certains de ces outils étaient d'abord du matériel audio mais nous les avons ensuite adaptés en langage gestuel.
Les programmes semblables à GOLD sont très rentables. Leur rendement est élevé et durable. Nous recommandons donc le rétablissement des crédits supprimés en septembre.
Le Secrétariat national à l'alphabétisation comprend des volets pour les Autochtones, les francophones et d'autres encore, mais aucun programme national destiné aux sourds ou aux personnes sourdes et aveugles. Je suis convaincue que si chaque programme provincial était appuyé par le gouvernement fédéral, notre coalition serait forte et efficace.
J'aimerais vous parler en dernier lieu du WebNet. J'ignore si vous en avez entendu parler mais, quoi qu'il en soit, il ne fournit pas de service de sous-titrage ni de langage gestuel à l'intention des sourds et des personnes sourdes et aveugles. Or, l'élaboration des programmes doit prendre en compte l'accessibilité. À mon avis, nous devons envisager une stratégie nationale d'alphabétisation, susceptible de combler les lacunes actuelles. Il y a bien des particuliers à l'œuvre et les provinces agissent chacune de son côté, mais nous ne nous sommes pas dotés d'une stratégie d'ensemble au profit des sourds ou des personnes sourdes et aveugles.
Le président : Merci à tous les témoins de leurs exposés, qui nous ont ainsi permis de profiter de leurs connaissances et de leur expérience, acquises dans toutes les régions du pays. Tout cela nous est très précieux.
En seconde partie, nous allons passer à une période de questions et de réponses, pendant laquelle vous aurez l'occasion de discuter avec les sénateurs.
Le sénateur Keon : J'aimerais d'abord remercier chacun d'entre vous d'avoir parcouru de longues distances pour venir nous aider à élaborer ce rapport. Permettez-moi aussi de vous féliciter de tout le travail que vous avez réalisé jusqu'à maintenant.
Grâce aux nombreuses et excellentes choses qui ont déjà été mises sur pied et sont encore en fonction, nous pouvons aller plus loin. Internet m'a renseigné sur vos coalitions et sur le centre de partage des connaissances de la Colombie- Britannique, ainsi que sur les programmes de coopération auxquels participent les gouvernements, les ONG, les milieux communautaires et l'industrie, de même que sur les progrès observés au Manitoba et enfin sur votre secrétariat national.
Comment pouvons-nous vous aider? Lorsque nous avons entendu des représentants de l'administration fédérale, j'ai soulevé un problème paradoxal. Si l'on observe les choses de haut, ainsi qu'on le fait toujours au gouvernement, il ne semble pas y avoir eu de progrès sur le plan macroéconomique. Pourtant, je suis sûr que tous vos indicateurs affichent bel et bien des progrès. Vous avez aussi parlé de la nécessité d'une stratégie pancanadienne, et il faudra qu'elle se concrétise. J'espère que cela viendra une fois que notre rapport sera terminé.
Dans cette stratégie, ce que vous pouvez faire de plus important, c'est de proposer une façon de mesurer le progrès et de souligner les résultats de vos programmes, et aussi de vous efforcer de normaliser tout cela à l'échelle nationale, afin que chacun d'entre vous puisse s'en nourrir. Si les autorités fédérales donnent suite à la recommandation que je leur ai faite lors de leur comparution, elles pourraient bien vous recommander certaines personnes en mesure de vous aider à cette fin.
Une fois que vous aurez fait cela, il n'y aura plus de raison de vous refuser des crédits substantiels pour assurer votre avenir. À mon avis, vos demandes doivent donc être assorties de données indiquant vos progrès, que ce soit à l'échelle locale ou nationale.
La question que je vous pose collectivement est la suivante : comment pouvons-nous souligner dans notre rapport ce que vous faites déjà pour évaluer les résultats et les progrès?
Mme Twiss : C'est une excellente question et c'est une préoccupation pour nous également. Nous étions très frustrés et préoccupés par les données de l'EIACA.
L'une des choses que nous devons reconnaître, c'est que les données de l'EIACA mesuraient la population générale. Il aurait été intéressant d'évaluer les analphabètes apprenants avant qu'ils n'entreprennent le programme et ensuite au bout de trois mois, six mois ou deux ans. Il serait alors possible de déterminer si ces programmes ont fait une différence.
Je ne veux pas parler trop longuement des données. Je veux parler de ce que nous faisons à l'heure actuelle pour évaluer les progrès car c'est une préoccupation en Colombie-Britannique.
Nous évaluons nos programmes constamment car nous nous préoccupons des progrès accomplis par les élèves. Avec cette information, nous pouvons ensuite modifier nos programmes et changer nos styles d'enseignement. Il y avait un manque de communication avec le gouvernement qui avait besoin de savoir comment nous évaluions cela.
Il y a quelques années, nous avons présenté une demande de financement au Secrétariat national à l'alphabétisation en vue de faire une étude, et notre demande a été acceptée. L'étude s'intitule From the Ground Up et nous travaillons en collaboration avec le Ministry of Advanced Education et une équipe de recherche sur le terrain pour mettre au point des outils de recherche efficaces afin de pouvoir mesurer les résultats d'apprentissage de l'évaluation du programme, les progrès des apprenants, les progrès de groupe et le développement des praticiens dans quatre différentes régions. Nous travaillons avec le gouvernement pour trouver des façons de faire en sorte que les données que nous recueillons et les outils que nous évaluons puissent lui être utiles, qu'il puisse faire quelque chose avec cette information.
La première partie du projet est terminée et nous sommes actuellement en train de mettre à l'essai ces outils de recherche. J'espère que le programme sera terminé d'ici la fin septembre.
Le président : Permettez-moi de poser une question supplémentaire.
Nous avons invité le ministre et des collaborateurs politiques à comparaître, mais ils n'ont pas comparu. Nous avons entendu les témoignages des membres du personnel qui s'occupent des programmes d'alphabétisation, mais nous ne savons pas exactement — du moins je ne sais pas exactement — ce qu'ils veulent faire.
J'imagine, à la suite de la question du sénateur Keon, que les fonctionnaires sont peut-être en fait influencés par l'EIACA lorsqu'ils disent que les résultats semblent être les mêmes qu'ils étaient il y a 10 ou 12 ans, et qu'il y a peut-être quelque chose qui ne va pas avec les programmes. Si c'est ce qu'ils pensent, il faudrait en parler également.
Le financement a été suspendu. Vous avez tous mentionné cela. On semble s'orienter vers les programmes plutôt que vers des organismes cadres ou des entités de coordination. Il est difficile de savoir exactement ce qu'ils veulent faire. J'imagine que c'est ce qu'ils pensent à ce moment-ci. Nous devons en parler.
Mme Lane : Au cours des 20 dernières années, les coalitions ont été extrêmement responsables et ont atteint leurs objectifs pour tous les projets qui ont été financés par le Secrétariat national à l'alphabétisation au cours de cette période. Chaque fois que nous exécutons un projet, nous parlons de ce que nous voulons réaliser, de la façon dont nous allons l'évaluer et ensuite nous faisons rapport. Nous avons continué — du moins à Literacy Alberta — et je présume que c'est la même chose pour mes collègues — d'obtenir des fonds du Secrétariat national à l'alphabétisation jusqu'à cette dernière année, étant donné que nous avons atteint les objectifs prévus lorsque nous avons mis le projet sur pied.
Je pense que nous avons prouvé que nous étions des organisations responsables et que nous atteignons nos objectifs. Cependant, le Secrétariat national à l'alphabétisation qui nous finance depuis les 20 dernières années ne s'est pas donné comme objectif, entre autres, d'améliorer les résultats des apprenants. Il devait augmenter l'appui pour la programmation. On nous a évalués selon un critère, et on nous tient maintenant responsables pour autre chose. Je ne conteste pas le fait que l'avenir réserve quelque chose de différent du passé. Je dis, très bien. Nous ne voulons pas revenir en arrière. Nous sommes ici aujourd'hui pour dire que nous sommes prêts, disposés et tout à fait capables d'aller de l'avant. Nous voulons améliorer les niveaux d'alphabétisation au Canada, mais ce que nous vous disons à vous et au gouvernement, c'est que si on nous donne une chance, cela coûtera un peu plus qu'un dollar par personne par an, c'est-à-dire ce qui était le budget du Secrétariat national à l'alphabétisation depuis les dernières années. Nous ne pouvons pas faire ce qu'il faut faire, faire ce que nous avons fait par le passé, en nous fondant sur ce qu'on nous demandait de faire par le passé et avec le financement que nous recevions par le passé.
Nous sommes certainement prêts à rendre des comptes. Il y a une proposition de projet qui a été présentée au gouvernement en vue de mettre en place un système de reddition de comptes. Pratiquement toutes les coalitions ont signé pour participer à ce projet. Ce qui est ironique, c'est que nous devions faire ce travail dans le cadre du Rassemblement canadien pour l'alphabétisation qui risque de fermer ses portes à la fin mars. Jamais on a eu autant besoin de ce projet. Même s'il est financé, nous ne pourrons peut-être jamais réaliser ce projet.
Mme Greer : Je voulais dire en partie ce à quoi Janet a déjà fait allusion. Au début de mon mémoire, j'ai expliqué quelles coalitions étaient financées pour faire quoi. Il y a quelques années, un modèle logique a été mis sur pied pour examiner le succès du Secrétariat national à l'alphabétisation et les résultats de l'alphabétisation. Ce qu'on a constaté en fin de compte, c'est une amélioration des niveaux d'alphabétisation des Canadiens, mais ce n'est pas ce que le Secrétariat national à l'alphabétisation a reçu l'ordre de faire ni pour cette raison que nous avons reçu du financement. Il y a une différence entre ce qu'on nous demande de faire et ce pourquoi nous recevons du financement et quel était le résultat à la suite de cette évaluation.
Une autre chose que je voudrais ajouter c'est qu'au Nouveau-Brunswick, la province est responsable des services directs de sorte qu'elle est responsable des programmes d'alphabétisation des adultes. Dans notre province, on vient tout juste de concevoir un outil d'évaluation qui permet de faire correspondre les résultats de l'EIACA aux niveaux scolaires traditionnels de la province, ce dont les systèmes d'éducation ont l'habitude. Ils seront dorénavant en mesure d'évaluer par exemple les 2 000 élèves à qui ils offrent le service, de sorte qu'ils pourront faire un lien entre les résultats de ces élèves et la recherche et les données de l'EIACA. Ça ne fait que commencer à l'heure actuelle.
Mme Feist : Nous ne reconnaissons pas tout d'abord qu'il y a une croissance démographique; ensuite les statistiques ne tiennent pas compte des collectivités éloignées et isolées et des réserves et ne tiennent pas compte non plus de la population de réfugiés qui arrive. Pour ce qui est des évaluations qui sont faites, nous ne reconnaissons pas que les collectivités commencent à se déplacer dans les centres urbains. Par exemple, il y a de plus en plus d'Autochtones qui vont s'installer dans des centres urbains au Manitoba. Encore une fois, on ne verra pas une augmentation, car s'il est déjà difficile d'offrir des services à ces collectivités au départ, alors les niveaux d'alphabétisation de ces gens qui s'installent dans les centres urbains seront peu élevés, si on commence à les mesurer. Les statistiques ne vont pas augmenter avant longtemps au Canada à moins que nous adoptions une approche très énergique et globale dans chacune des provinces pour répondre aux besoins des diverses populations en matière d'alphabétisation. Nous devons répondre à des besoins d'alphabétisation pour des gens qui sont extrêmement bien éduqués, mais qui arrivent ici et qui ne parlent pas l'anglais; ils doivent commencer au tout début. Pour apprendre la base, il faut un an et pour être en mesure de bien communiquer, il faut entre quatre et cinq ans.
Je sais que bon nombre d'immigrants qui sont ici depuis 20 ou 30 ans échoueraient si on mesurait leur niveau d'alphabétisation. Le représentant de Boeing qui est membre de notre conseil d'administration a montré à notre sous- ministre certains tests TOWES qui ont été faits, et plus de 50 p. 100 des gens échouaient. Ce sont des gens éduqués, des gens qui sont considérés comme étant alphabétisés, mais ils ne peuvent réussir le test et ils n'ont pas pu être embauchés pour des postes techniques.
Nous devons examiner cela de très près. Nous disons que nous avons besoin d'une main-d'œuvre qualifiée. Nous devons commencer ici au pays avec les gens qui sont sur place et nous ne le faisons pas. Le gouvernement fédéral, à mon avis, a ce point de vue. Il est très difficile de travailler avec un système de mesures disparates — car c'est essentiellement ce que nous faisons. Nous faisons chacun notre part du travail. Il est important de mettre en place un cadre de travail global de façon à ce que nous puissions mettre tous ces éléments ensemble et en arriver à un résultat global. C'est très difficile à l'heure actuelle. La plupart d'entre nous, sinon la totalité, devront fermer.
[Témoignage livré par l'entremise d'un interprète gestuel]
Mme Moore : En vertu de l'EIACA, à l'heure actuelle, nous n'avons aucune façon de mesurer le revenu des personnes autochtones, sourdes ou nouvellement arrivées au Canada. Il faudrait compter le nombre de personnes sourdes, ainsi que le nombre de personnes sourdes chez les Autochtones et chez les nouveaux arrivants au Canada. Il faut absolument le faire, parce qu'à l'heure actuelle on ne tient pas compte d'elles.
L'an dernier, une table ronde a eu lieu dans tout le Canada pour parler de l'alphabétisation; la ministre Bradshaw y a participé. Nous avons parlé de 30 millions de dollars supplémentaires affectés aux programmes d'alphabétisation. Au cours de ces discussions, l'ambiance était très positive. Aujourd'hui, nous avons vu des compressions majeures. Il est très important d'apporter toute notre expertise à la table afin de pouvoir les informer de la situation et aussi pour découvrir ce qui s'est passé entre la table ronde de l'an dernier et ces compressions.
Je dois également indiquer que, en ce qui concerne les personnes sourdes ou sourdes et aveugles, de nombreuses recherches ont été réalisées sur l'emploi. L'Association canadienne des sourds a réalisé une recherche de grande envergure. Le taux de chômage en 2006 était de 70 p. 100. En 2007, ce taux atteint maintenant 85 p. 100. Vous pouvez imaginer les effets de ces compressions sur nos populations, ainsi que l'effet domino; vous pouvez également imaginer les pressions exercées sur les différents programmes d'alphabétisation destinés à ces populations. C'est un effet domino assez significatif.
[Français]
M. Pelletier : Il faudrait s'entendre sur le sens du mot « progrès ». Premièrement, on ne peut pas se fier qu'aux statistiques pour calculer le niveau d'alphabétisme des gens. Comment déterminer s'il y a eu progression entre le niveau un et le niveau deux ou une progression à l'intérieur d'un même niveau et si cela pourrait faire une différence? Le processus d'alphabétisation chez des adultes est lent et il faut en tenir compte.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral n'est pas seul responsable des progrès. Quand on ne veut pas voir une réalité, on peut interpréter des statistiques à son gré. Le gouvernement du Québec a toujours refusé de reconnaître le nombre de personnes intervenues dans les enquêtes en prétendant que l'échantillonnage n'était pas exact. On a déjà vu la reprise des études statistiques en utilisant les mots sous-scolarité au lieu d'analphabétisme, ce qui n'est pas du tout la même affaire.
Il y a des obstacles dans la progression. L'Université du Québec à Rimouski a mené une enquête à laquelle nous avons collaboré auprès de personnes qui avaient reçu des services d'alphabétisation dans les commissions scolaires. On cherchait à évaluer quels étaient les obstacles à l'apprentissage. Plusieurs facteurs sont apparus. Entre autres, en période de prospérité économique, les gens ne s'inscrivent pas pour des formations et ce de façon générale, pas juste en alphabétisation. Un autre facteur est le découragement. Les gens pensent apprendre à lire et à écrire en six mois, que cela se fait automatiquement. Cela crée une pression supplémentaire chez les gens qui viennent de perdre leur emploi, qui n'ont jamais été alphabétisés et qui pensaient régler leur problème rapidement. Il faudrait déterminer ce que veut dire progresser et y réfléchir plus à fond.
Alors pourquoi ne rejoignons-nous pas plus de personnes? Pourquoi n'atteignons-nous pas plus que 1 ou 2 p. 100 des personnes analphabètes? Je ne sais pas et je n'ai pas de solutions magiques à proposer, mais il faudrait s'attarder sur ce point. Chose certaine, dans notre réseau, nous sommes allés chercher plus de personnes. Nous avons toutefois pris des mesures. Le gouvernement du Québec a mis sur pied une ligne Info Alpa, qu'il finance. Ils ont des statistiques à l'effet que 2000 personnes ont appelé. Mais quand on leur demande combien de ces personnes font aujourd'hui partie d'un groupe ou de la commission scolaire, ils nous répondent que ce n'est pas l'objet de leur financement.
Premièrement, on ne s'attarde pas suffisamment aux obstacles et deuxièmement, on est ignorant du processus d'apprentissage chez l'adulte. Ce sont deux voies à explorer. Une recherche a été effectuée auprès de groupes de jeunes de 16 à 24 ans. L'étude de leur parcours, tel leur rapport à l'écrit dans leur jeunesse, est très intéressante. Tous ces facteurs sont importants, mais il faudrait aller plus loin.
[Traduction]
Mme Downie : Lorsque la première étude internationale a été publiée, au milieu des années 1990, d'autres pays qui faisaient partie de cette étude ont adopté une approche dynamique pour s'attaquer à ce problème. Pour être tout à fait honnête, je ne crois pas que le Canada ait agi de façon dynamique lorsqu'il a réagi à la première étude de l'EIACA.
Au sujet des critères de mesures, l'autre problème, c'est qu'il faut qu'ils soient élaborés et compris dès le départ. L'appui du gouvernement fédéral à l'alphabétisation n'a jamais fait partie du domaine de la prestation. Dans ce domaine, nous sommes tous des spécialistes pour ce qui est de rédiger des propositions, croyez-moi, et nous avons toujours fait attention de ne pas rédiger une proposition qui pourrait être considérée comme de la prestation. Par la suite, il est très difficile de rendre des comptes lorsqu'on modifie certains critères, lorsque rien ne parlait de prestation au départ.
Un autre problème doit être examiné de façon très attentive : nous sommes un pays où l'alphabétisation des adultes est isolée. La Nouvelle-Écosse agit de son côté, le gouvernement fédéral fait de même, ainsi que 12 autres secteurs de compétence. Il y a un manque de coordination. Il est très difficile de rendre des comptes après coup, et pour quoi?
Par exemple, récemment, j'ai travaillé sur une proposition à RHDSC, et cette proposition a été rédigée de façon très prudente afin de ne pas sembler avantager directement les apprenants adultes. J'ai rédigé cette proposition et je l'ai envoyée dans le système, puis, par la suite, les critères ont changé. Le ministre a annoncé que, oui, le ministère examinerait ma proposition, entre autres, mais qu'elle serait également examinée selon les nouveaux critères, soit les avantages directs pour les apprenants adultes. On mesure ma proposition avec des critères que je n'avais aucune façon de prévoir et que je n'ai pas aidé à élaborer. Encore une fois, il se pourrait que je sois punie, de même que mon organisation, à cause de cela. Il ne s'agit que d'un petit exemple du fait d'être jugé après coup et de ne pas vraiment connaître les règles.
Nous pouvons nous adapter et nous pouvons travailler en collaboration pour élaborer de nouvelles règles. Nous sommes assez intelligents pour le faire, mais il faut le faire dès le début et il faut que ce soit coordonné, puis nous serons prêts à avancer.
Le président : Si les règles changent, il faut qu'il y ait une période de transition entre les nouvelles règles et les anciennes.
Mme Downie : J'ai demandé au ministère responsable de l'alphabétisation de me donner la chance de formuler mes commentaires sur la façon dont les 81 millions de dollars annoncés en septembre — au moment même où les compressions de 17,1 millions de dollars sur deux ans ont été annoncées — seront affectés et quels programmes seront élaborés pour dépenser cet argent. Personne n'est venu me demander si j'aurais aimé en parler, et je suis certaine que d'autres personnes autour de la table aimeraient également en parler.
Mme van der Meer : Sénateur Keon, vous avez dit que les représentants du gouvernement parlent de l'EIACA comme étant une mesure indiquant qu'il n'y a pas eu de progrès. Je crois que c'est une logique erronée. Il s'agit d'une façon très injuste de présenter ces statistiques, parce que cela laisse entendre que, s'il n'y avait pas eu de programmes d'alphabétisation, les niveaux seraient demeurés identiques. Si les taux de cancer demeurent les mêmes pendant une dizaine d'années, on ne dit pas : Évidemment, on ne fait pas beaucoup de recherche. Abolissons toute la recherche et tous les programmes.
Sans programmes, les taux d'alphabétisation auraient chuté; ils ne seraient pas demeurés constants. En disant que puisque nos résultats de l'EIACA sont demeurés les mêmes, c'est que nous sommes inefficaces, on oublie que les taux d'alphabétisation diminuent avec le temps. L'alphabétisation est comme les muscles — elle doit être utilisée pour demeurer au même niveau. Avec le temps, il se peut que les gens perdent leurs compétences en lecture et en écriture. Malheureusement, il s'agit d'un exemple où le gouvernement utilise des statistiques à son avantage, sans se soucier de savoir si ces statistiques reflètent en réalité cette information.
Si le gouvernement souhaite constater si les programmes d'alphabétisation ont fait des progrès, il doit suivre les apprenants pendant un certain temps. Le gouvernement ne pourrait pas simplement dire, par exemple, que 50 p. 100 de la population générale porte aujourd'hui des chemises rouges, et que si dans dix ans, 50 p. 100 d'entre nous portent des chemises rouges, ça signifie que nous sommes tous les mêmes. Les personnes qui ont de faibles compétences en lecture et en écriture seront différentes, de même que les personnes qui sont évaluées. Il est important de garder cela en tête, plutôt que d'utiliser ces statistiques comme une justification pour couper le financement, plutôt que comme une raison pour augmenter le financement afin que nous puissions avancer.
Le sénateur Keon : Il est intéressant de voir que vous avez mentionné les gens qui se préoccupent du cancer, car ils ont eu beaucoup de succès grâce à leur stratégie dans le domaine du cancer. Ils obtiennent beaucoup d'argent. Leur stratégie indiquait ce qui suit : « Voilà ce que nous faisons. Nous avons guéri le cancer le plus mortel chez les femmes » — il s'agit de l'un des cancers de l'utérus, qui peut être guéri complètement — « et certains cancers de la peau qu'on peut guérir complètement », et la liste se poursuivait. Ensuite, ils ont dit ce qui suit : « Voici ceux pour lesquels nous n'avons rien pu faire, et voici la recherche que nous souhaitons faire. » Je crois que vous devriez adopter la même approche. Vous avez de très bonnes choses à offrir, mais vous ne le démontrez pas de la bonne façon.
Le sénateur Fairbairn : Je veux remercier tous ceux qui sont venus ici aujourd'hui et qui ont expliqué, comme je m'y attendais, leur situation et leurs pensées de façon très ferme et éloquente. Il s'agit d'une question complètement différente des autres. Pour plusieurs, l'apprentissage est un objectif difficile à atteindre. De même — et je crois que les statisticiens seraient d'accord pour le dire — il s'agit d'une question extrêmement difficile du point de vue du travail également.
Je sais que vous avez communiqué aux membres du comité la réalité. C'est pourquoi il est si important de vous recevoir ici ce matin. Évidemment, les choses ont changé assez radicalement. Je veux poser quelques questions. Une nouvelle situation prévaut au sein du ministère, c'est-à-dire que des changements ont été apportés à ce regroupement plus grand comportant l'apprentissage, l'alphabétisation, l'acquisition de nouvelles compétences, et ainsi de suite, mais avez-vous reçu des indices selon lesquelles vous aurez une relation avec une personne au sein de ce nouveau regroupement qui travaillera avec vous et qui vous visitera pour apprendre ce qui est le plus important dans les différentes parties du pays? C'est très important et ça varie énormément.
Pouvez-vous nous dire ce dont vous avez besoin et quelle serait la meilleure façon, pour le gouvernement, de vous aider?
Le Secrétariat national à l'alphabétisation comportait des gens très qualifiés dont la responsabilité était de visiter les différentes régions et provinces du pays. Ils discutaient avec les différentes organisations pour déterminer les questions les plus importantes et les plus difficiles à résoudre, ainsi que pour travailler avec ces organisations en vue de déterminer les meilleures façons de dépenser l'argent du gouvernement fédéral pour régler les problèmes pertinents — pas les problèmes qu'Ottawa jugeait pertinents — sur le terrain, dans le but d'aider les personnes de tous âges dans leur apprentissage. Par la suite, ces personnes pouvaient, en commençant par leurs familles, former leurs enfants et les aider à apprendre, et combler les emplois qui, selon certains, ne peuvent être comblés en raison d'un manque de main- d'œuvre qualifiée.
Y a-t-il des liens, autres que celui, surprenant, que nous avons vu à l'automne, lorsqu'on a indiqué que personne ne semblait savoir ce qui se passait? Quelqu'un s'est-il présenté chez vous en disant : « Très bien, les choses seront un peu différentes. Comment pouvons-nous travailler ensemble? »
Le président : Voici votre réponse : un non retentissant.
Le sénateur Fairbairn : C'était plutôt rapide. Je vous pose la question parce que ceux d'entre nous qui siègent ici à Ottawa ne sont pas en mesure de tirer les mêmes conclusions que vous. Il doit y avoir des relations de travail sur le terrain, partout au pays, avec les membres du mouvement d'alphabétisation. Ce sont les personnes qui ont l'expérience; ce sont elles qui enseignent. Nous parlons de l'accord pancanadien, mais nous devons garder en tête que cet accord n'a pas non plus été créé par un esprit gouvernemental. Il s'agissait d'une création d'un comité parlementaire, le tout premier à la Chambre des communes qui s'est penché sur cette question. Ce comité a produit l'un des meilleurs rapports sur l'alphabétisation que j'aie lus au cours des nombreuses années où je me suis intéressée à cette question. C'est ce qui a fait avancer cette question.
Avez-vous reçu des propositions au cours de la dernière année à ce sujet?
Le président : Nous avons entendu un non général, mais trois personnes veulent élaborer davantage.
Mme Vandale : Il n'y a pas eu beaucoup de consultations avec nous, mais, d'un point de vue personnel, certaines personnes sont toujours prêtes à être liées — mais certainement pas comme ministère ou comme ministère changeant. Nous ne savons même pas comment nommer les propositions que nous sommes censés faire.
Le président : Ne nous donnez pas de nom, mais dites-nous ce que cette personne qui, selon vous, communique bien avec vous, dit au sujet de ce que fait le ministère.
Mme Vandale : Très peu. Tout d'abord, nous sommes revenus à la table en décembre pour examiner les propositions. J'ai eu la chance d'y siéger avec notre province, la Saskatchewan, et d'examiner les propositions en vertu des nouveaux critères. Bien entendu, un grand nombre de ces critères ont été renvoyés afin d'être réécrits. Nous pensions apprendre la semaine suivante que nous pourrions rédiger nos propositions à nouveau, et que nous aurions peut-être jusqu'à la mi-janvier. Non, nous avons eu des nouvelles à la mi-janvier, et nous avons appris que nous avions une semaine pour rédiger les propositions à nouveau, pour nous recentrer et pour trouver de nouvelles idées; c'est ce que j'ai fait, et c'est aussi ce qu'a fait le SNA de même que, j'en suis sûre, de nombreuses autres personnes. Toutefois, pendant ce temps, nous entendions sans cesse dire que le processus prendrait un ou deux mois après la présentation de nos propositions.
Le président : Avez-vous véritablement rédigé de nouveaux critères?
Mme Vandale : Avec le comité de révision, oui.
Mme Twiss : Il n'y a pas eu de relation directe, mais comme Mme Vandale l'a mentionné, la gestionnaire de projet nous a beaucoup aidés à interpréter les nouvelles lignes directrices lorsqu'on lui a téléphoné. Je dois également ajouter que lire les lignes directrices constitue en soi une activité d'alphabétisation. Elles sont extrêmement complexes. La personne chargée des liaisons reconnaît également que les lignes directrices sont extrêmement complexes. Elle a dit, à un certain nombre de reprises : « Je sais qu'on pourrait l'interpréter comme ceci, mais pourquoi ne pas essayer avec ceci et garder le tout ouvert? » Les choses ne sont pas bien établies et ce doit être très frustrant aussi, de son côté, car elle ne veut pas faire de promesses qui ne se concrétiseront pas.
Il est important pour nous d'avoir une relation honnête avec nos bailleurs de fonds parce que c'est ainsi que nous avons fonctionné par le passé. Ils nous aident à envisager les possibilités qui existent. Nous travaillons à petite échelle et devons rester aux aguets. Le bailleur de fonds possède une vue d'ensemble plus générale et nous indique : « Si vous faites ceci et ceci, je sais que cet autre groupe fait cela et cela. Nous pourrions augmenter le montant de tant pour financer un projet de plus grande envergure. » Cette façon de faire nous a été utile par le passé.
Aujourd'hui, nous sommes en train de passer à un modèle caritatif. Nous n'entretenons pas de relations. Nous avons une série rigoureuse de critères. Nous présentons une demande et notre demande est rejetée. Il n'y a pas de négociation; il n'y a aucune marge de manœuvre; il y a une absence de respect. Nous avons présenté des demandes. On vient de mettre fin au financement. Ils ont décidé à nouveau de le revoir. Comme Mme Downie l'a mentionné, les critères ont été modifiés. Si vous m'aviez dit que vous vouliez que j'assure l'exécution directe du projet, je l'aurais indiqué. Si vous m'aviez dit que j'étais autorisée à faire cela avec cet argent, je l'aurais indiqué, parce que c'est précisément ce que nous voulons faire. Nous sommes obligés de tourner autour du pot. Nous devons trouver quelqu'un d'autre pour assurer l'exécution directe. Nous devons consacrer la totalité de notre temps à coordonner ce processus et à entretenir ce genre de relations, parce que c'est tout ce que nous sommes autorisés à faire avec cet argent. Par la suite on nous dit : « Oubliez ça. Ce projet n'a pas suffisamment d'incidence directe sur les apprenants, donc il est rejeté. » Voilà en quoi consiste le modèle caritatif.
[Français]
M. Pelletier : Dans les années antérieures, nous avions la chance d'avoir une personne ressource exceptionnelle au Québec; depuis son départ à la retraite, le lien est plus difficile avec le gouvernement. Le gouvernement fédéral a engagé quelqu'un à contrat pour remplir ce rôle. Je vous ai dit tout à l'heure que les projets qu'on devait débuter n'étaient pas encore étudiés. J'essaie de ne pas avoir une attitude ironique ici, mais ils ont engagé quelqu'un pour prendre contact avec les groupes afin de faciliter le processus au fédéral — cela a passé à Québec et c'est maintenant au tour du gouvernement fédéral — et, à mon humble avis, les questions posées ne sont pas fondées sur la pertinence du projet, les objectifs ou les solutions à apporter au projet. Pour vous donner un exemple, on nous a demandé si le montant de 200 $ sur le budget de 12 000 $ pour le transport visait le taxi ou le transport en commun. Personnellement, je ne pense pas que de telles questions fassent avancer les choses. Cela fait une nette différence et ce n'est pas nécessairement à cause du nouveau programme. Dans le passé, nous étions très gâtés, car le fonctionnaire en poste pour notre province était capable de nous poser des questions pertinentes et réalistes pour faire avancer les affaires. Son soutien était important et il n'existe plus.
[Traduction]
[Témoignage livré par l'entremise d'un interprète gestuel]
Mme Moore : Vous parliez du Québec et du contact avec des personnes ressources. Les critères et les lignes directrices peuvent être exprimés en langage politique, mais je pense qu'un bon exercice consisterait à les transcrire dans un anglais simple, pour que le reste d'entre nous puisse travailler efficacement et rapidement. Dans un grand nombre de nos organisations, par exemple en Ontario, les travailleurs de la base ne peuvent pas nécessairement présenter des demandes pour avoir accès à de tels programmes si le libellé du programme, de la demande même, constitue un obstacle.
GOLD a présenté une demande AlphaPlus pour nous, mais nous avons dû beaucoup insister pour établir une relation avec le gouvernement. Pourquoi cela est-il nécessaire? Lorsque nous entreprenons effectivement de telles démarches, la réponse que nous obtenons est plutôt vague. Nous ne sommes alors pas sûrs de ce qui se passe du côté du gouvernement et nous sommes obligés de courir après l'information.
J'aurais cru que les responsables de l'octroi de fonds fédéraux ou d'autres fonds provinciaux s'intéresseraient à ce que nous faisions, en ce sens qu'étant donné que nous demandons de l'argent, ne veulent-ils pas en savoir plus à propos de l'utilisation que nous en ferons? Nous pouvons vous l'expliquer si vous nous posez des questions. Cette relation de réciprocité présente des avantages considérables.
Le président : Je vous remercie de vos réponses. Quatre autres sénateurs ont des questions à poser.
Le sénateur Rompkey : Je tenais à faire certaines observations, et je serai heureux de connaître votre réaction. En octobre, il y aura 35 ans que je travaille sur la Colline parlementaire. J'ai rarement constaté ce qui se passe ici aujourd'hui. Ce genre d'interaction avec un comité est rare. Je tiens à féliciter le comité et les personnes présentes. Je ne suis pas un membre régulier du comité; je ne suis peut-être pas autant au courant de la situation que mes collègues qui ont entendu les témoins précédents.
J'ai été enseignant et je reste en contact avec la coalition pour l'alphabétisation du Labrador, qui se trouve dans la région que je représente.
Je tiens tout d'abord à commenter la raison du sous-financement. Terre-Neuve avait un train en 1949. Après que nous nous sommes joints à la Confédération, le gouvernement n'a cessé de sous-financer les services ferroviaires au point où les services se sont détériorés et plus personne n'a pris le train. Le gouvernement a alors dit : « Comme personne n'utilise le train, nous allons mettre fin au service ferroviaire. » Nous n'avons donc plus de train. Il y a une pièce de théâtre à Terre-Neuve-et-Labrador, intitulée Daddy, What's a Train?
Il existe un autre stratagème bureaucratique. Si vous leur demandez de mettre sur pied un service, ils répondront : « Nous devons évaluer l'offre de trafic. » Après quoi ils vous répondront qu'étant donné qu'il n'y a pas d'offre de trafic, ils ne peuvent pas établir de service. S'il n'y a pas d'offre de trafic, c'est tout d'abord parce qu'aucun service n'existe.
Je ne crois pas que la coalition pour l'alphabétisation et les programmes d'alphabétisation au pays soient sous- financés à cause d'une absence de progrès; je crois qu'il existe un malaise au niveau de la classe dirigeante. Je sais que nous sommes censés être impartiaux, et je tiens à l'être. Il ne s'agit pas d'une question partisane. C'est M. Mulroney qui a mis sur pied le Secrétariat à l'alphabétisation et c'est M. Harper qui est en train de le démolir. Il existe un malaise au sein de la classe dirigeante, une absence de vision et d'engagement. C'est là où se situe le problème et c'est le problème sur lequel le comité doit se pencher. Dans un certain sens, le gouvernement fédéral a saboté son propre projet.
La présentation qui m'a le plus interpellé était celle du Nunavut, parce que ma région ressemble beaucoup au Nunavut. Il s'agit d'un vaste territoire. La superficie du Labrador est de 112 000 milles carrés, et compte plusieurs grandes collectivités et un grand nombre de petites collectivités dispersées le long de la côte, dans l'ensemble sans réseau de transport et qui sont en majeure partie autochtones, et dont beaucoup connaissent les mêmes conditions et les mêmes besoins qui ont été exprimés par l'organisation du Nunavut.
John Ibbitson a écrit un article intéressant dans le Globe and Mail ce matin. Il a présenté un argument intéressant à propos du financement de l'alphabétisation des Autochtones et des programmes autochtones. Il a fait valoir que la population du Nunavut ne peut aller nulle part, car si elle le fait, elle se trouve à détruire toute une culture. Pour nous, à Terre-Neuve, il existe un vol direct désormais entre St. John's et Fort McMurray. Les gens de notre région prennent la route tout comme l'ont fait les Néo-Écossais pendant des années. Pour ceux qui parlent l'inuktitut, il faut d'abord les amener à Fort McMurray puis les encourager à s'assimiler. Le problème est différent dans certaines régions du pays, particulièrement dans les collectivités autochtones, et nous devons le comprendre. M. Ibbitson le comprend.
Cela m'amène à un autre point. Une fois que le comité aura préparé son rapport, et les témoignages entendus aujourd'hui renferment beaucoup d'information qui lui sera utile, il faudra alors qu'il obtienne l'appui des provinces et de la presse. Nous devons trouver des gens comme Ibbitson qui s'intéressent à cette question.
Dans le même article, Ibbitson a dit que le gouvernement du Nunavut venait de poursuivre le gouvernement fédéral devant les tribunaux parce qu'il a avant tout une responsabilité fiduciaire. Le gouvernement du Nunavut appuie l'organisation de revendications territoriales qui poursuit le gouvernement fédéral devant les tribunaux. Il s'agit d'une intervention directe de la part d'un gouvernement régional dans une région du pays qui donne suite à ce qui constitue essentiellement un problème d'alphabétisation et d'éducation.
Je constate que le premier ministre du Nouveau-Brunswick a été renseigné à ce sujet. Ce sont des signes encourageants. Si les premiers ministres des provinces peuvent se réunir pour discuter de soins de santé, de péréquation et de toutes ces choses, encouragez-les à se réunir pour discuter d'alphabétisation et pour présenter votre position. C'est là où se situe le pouvoir. L'éducation est une responsabilité provinciale.
Je tenais à faire ces observations, et j'appuie de toute évidence le travail que fait le comité, même si je n'en fais pas partie. Je vous remercie de cette occasion que vous m'avez offerte. Je me ferai un plaisir d'entendre ceux qui veulent poursuivre la discussion.
M. Page : Je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire. Pour revenir à ce qui a été dit plus tôt, l'autre élément dont il faut tenir compte, c'est que le sénateur Keon a parlé des résultats de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes et sur le fait qu'il s'agit d'une évaluation à grande échelle. Le problème que cela pose, c'est qu'au Nunavut, lorsqu'on évalue les progrès en matière d'alphabétisation dans une nation, on part du principe que seules des activités pédagogiques formelles influent sur les niveaux d'éducation et d'alphabétisation. En fait, ce sont d'autres politiques gouvernementales, comme la politique du logement, qui influent sur les niveaux d'éducation ou d'alphabétisation.
Dans son ouvrage intitulé Radical Possibilities, la chercheure Jean Anyon fait état des résultats des recherches approfondies qu'elle a effectuées aux États-Unis sur l'effet des niveaux d'alphabétisation sur le logement, la planification communautaire et le salaire minimum, et inversement. Elle a sélectionné cinq villes américaines et on peut tirer des leçons de ces recherches au Nunavut. Par exemple, les habitants du Nunavut, où le coût de la vie est élevé, surtout pour ce qui est des logements, sont isolés. La pénurie de logements a un effet direct sur l'alphabétisation et le degré de scolarisation. Dans le territoire, les gens vivent trop nombreux dans leurs logements. Il n'y a pas de sans-abri parce qu'on ne pourrait pas survivre en vivant dehors. Ainsi, les gens s'entassent dans les maisons, où l'on peut retrouver 14 ou 15 personnes. Les jeunes n'ont pas de pièce séparée pour faire leurs devoirs. Il n'est pas facile de faire ses devoirs dans le noir. Cela a un impact sur les niveaux d'alphabétisation et de scolarisation, les programmes d'alphabétisation visant les adultes, et cetera.
Lorsque les autorités gouvernementales examinent les divers outils d'évaluation, il est important qu'elles comprennent précisément ce qui est évalué et que lorsqu'elles ont recours à quelque chose d'aussi simple qu'une enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, même s'il s'agit d'un processus complexe, ce ne sont pas uniquement le travail des coalitions et les pratiques en matière d'éducation au pays qui sont évalués. Il y a d'autres politiques qui entrent en ligne de compte. Pour établir une stratégie pancanadienne, il faudrait s'intéresser au logement et aux autres facteurs pertinents afin de concevoir une politique qui soit la plus efficace possible et dont les effets ne seraient pas minimisés par l'existence d'autres politiques contradictoires.
Le sénateur Cochrane : J'ai entre les mains le communiqué de presse du 14 février, c'est-à-dire il y a quelques jours, qui traite de la rencontre du Conseil des ministres de l'Éducation à Toronto. D'après le document, on dit que les ministres de l'Éducation continuent à assumer un rôle de leadership en matière d'alphabétisation en mettant en œuvre la prochaine étape du plan d'action sur l'alphabétisation qui comprendrait, entre autres, la création dans chaque province et territoire de cadres politiques formels sur la question, axés sur les enfants d'âge scolaire mais également sur les adultes. Les ministres se sont rencontrés le 14 février. Nous devrions suivre attentivement le dossier, car après tout il s'agit des ministres de l'Éducation de chacune des provinces.
Ce qui m'inquiète, pour ma part, c'est qu'on ne parle que de programmes. Qu'en est-il du financement de base?
Mme Lane : On voulait éviter ce sujet.
Le sénateur Cochrane : Pourquoi l'éviter? Qu'en est-il du financement de base? Ne bénéficiez-vous pas d'un financement de base? Dans l'affirmative, pourquoi l'a-t-on retiré et quand?
Mme van der Meer : Je m'étonne du fait que vous utilisiez l'expression financement de base parce qu'au sein de la coalition pour l'alphabétisation, c'est un mot qu'on évite. En effet, par le simple fait de dire les mots, cela pourrait sonner le glas de toute demande, parce que le gouvernement a dit très clairement qu'il ne peut attribuer de financement de base. Par contre, la réalité, c'est que par le biais du Secrétariat national à l'alphabétisation et de nos demandes antérieures, nous étions en mesure d'assumer le coût d'infrastructure par le biais de programmes offrant ce qu'on pourrait appeler des services de base. On était ainsi en mesure d'assumer nos coûts d'infrastructure généraux. Mais en fait c'est comme si on tentait de déguiser une vache en poulet pour faire semblant qu'il ne s'agit plus d'une vache. Nous avions nos services de base et nos coûts d'infrastructure de base étaient assumés par le Secrétariat national à l'alphabétisation, mais nous ne pouvions jamais le dire ouvertement ni même le reconnaître. En fait, on parlait uniquement de programmes qui en fait visaient la prestation de services de base. C'est ce financement qui a été coupé le 25 septembre. J'ai recherché dans mon document toutes les occurrences de financement de base pour remplacer ce terme par « coûts liés aux programmes ».
Mme Paterson : Nous recevons du financement de base du gouvernement provincial de l'Ontario, mais il n'y a eu aucune augmentation au cours des dix dernières années. Grâce à ce financement, nous pouvons embaucher une personne pour travailler au sein de la coalition et un praticien qui s'occupe des programmes dans la province. Pour ce qui est de l'argent accordé par le gouvernement fédéral, c'était toujours du financement axé sur les projets et la contribution se faisait annuellement. Cela nous permettait d'embaucher une personne à temps partiel à la coalition pour s'occuper de tâches administratives. Voilà donc d'où provient notre financement de base qui existe toujours en Ontario pour les quatre grandes organisations.
Mme Lane : Le financement de la coalition n'a jamais été du financement de base, mais nous a quand même permis d'assumer nos tâches administratives. Par exemple, l'an passé, Literacy Alberta a présenté six demandes de financement de projets. L'un de ces projets relevait de la coalition et ne pouvait pas bénéficier de financement de base — tout ce qui avait rapport à notre conseil a donc dû être retiré — mais le financement nous a permis de payer une partie de mon temps et une partie du temps de la personne s'occupant des tâches administratives. On devait pouvoir faire beaucoup de choses grâce à cet argent.
Par contre, pour ce qui est des cinq autres projets, nous avons pu nous partager le loyer et les autres coûts associés à la location d'un bureau au centre-ville de Calgary. Ainsi, nous avons pu utiliser l'argent du gouvernement de façon responsable. Nous avons mis en place un conseil d'administration et embauché un comptable. Grâce au financement attribué à divers projets, nous étions bien administrés et avions de bonnes politiques et procédures.
La proposition de ma coalition a été reçue par le bureau du ministre le 12 novembre environ, et nous n'avons pas encore reçu de nouvelles. Trois de nos demandes de projets qui devaient être étudiées sont toujours en traitement. D'ailleurs, si on accepte de financer seulement un ou deux de ces projets, je risque de devoir refuser le financement parce que je ne pourrais pas payer le loyer ou nourrir les enfants. Le financement destiné à l'infrastructure accordé dans le cadre d'un seul projet ne nous permettra pas de continuer nos activités, étant donné que j'ai fait une demande de financement pour six projets.
Le sénateur Cochrane : Quand le premier ministre Mulroney a annoncé l'existence de ce programme, n'a-t-il pas accordé du financement de base? S'agissait-il uniquement d'un financement destiné aux programmes?
Mme Twist : Il faut bien dire « projet », et pas « de base ». En raison des compétences partagées entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral ne peut pas donner l'impression de financer par le biais d'un financement de base une initiative dans le secteur de l'éducation. Mais il peut financer des projets. D'ailleurs, pour ce qui est des projets, notre expérience en Colombie-Britannique ressemble beaucoup à ce dont a parlé Mme Patterson. Nous obtenons du financement de base de la province. Mais cela ne suffit pas et nous y ajoutons du financement destiné aux projets, ce qui veut dire qu'on doit se réinventer chaque année. Nous faisons les mêmes choses, mais devons trouver de nouvelles façons de les faire. C'est bien, parce que ça nous empêche de nous reposer sur nos lauriers, mais des fois on a l'impression de toujours refaire la même chose.
Le sénateur Cochrane : Au moins vous venez en aide à vos clients de base.
Mme Twist : Si le financement était quinquennal, ce serait bien, mais nous sommes obligés de faire des demandes de financement chaque année.
Le sénateur Cochrane : Y a-t-il d'autres provinces qui assurent du financement de base?
Mme Downie : Le gouvernement néo-écossais ne donne aucun financement à Literacy Nova Scotia, que ce soit du financement de base ou autre chose. Par contre, notre association a reçu du financement du gouvernement fédéral. Au cours des premières années de l'existence du Secrétariat national à l'alphabétisation, nous recevions des subventions, qui sont beaucoup plus souples que les accords de contribution qui ne nous permettent pas d'assumer les coûts d'exploitation.
Le financement de projets a toujours existé. Le plus gros inconvénient, c'était qu'on devait toujours personnaliser nos projets pour répondre à des critères bien définis, que ça réponde adéquatement aux besoins de nos clients ou pas. Donc, au lieu de prendre en compte les besoins de notre collectivité, nous tentions de rédiger une demande pour qu'elle concorde avec les critères de financement, ce qui est un énorme inconvénient.
Le sénateur Cochrane : C'est peut-être un inconvénient, mais ce n'est pas quelque chose qui est propre au secteur de l'alphabétisation.
Mme Downie : C'est vrai. Quand vous avez parlé de financement de base, ça nous a fait rigoler parce que c'est quelque chose qui est complètement inatteignable pour les organisations s'intéressant à l'alphabétisation à l'heure actuelle.
Le sénateur Cochrane : J'aimerais bien qu'il y ait quelque chose à l'échelle nationale qui vous permettrait de tirer des leçons des programmes qui marchent bien. Mais pour qu'on sache si un programme fonctionne bien, il faut l'évaluer. C'est seulement après l'évaluation qu'on est en mesure de dire si un programme devrait toujours être offert. De même, si on détermine, après évaluation, qu'il y a un programme qui ne marche pas, qui ne permet pas aux étudiants de progresser, il faut s'en débarrasser. L'évaluation, c'est quelque chose qui est très important. Mme Downie a dit que le manque d'évaluation était l'une des problématiques.
Mme Twiss a parlé d'un logiciel que l'on pourrait partager avec d'autres groupes dans le pays. Le partage et l'évaluation sont des choses importantes.
Je vous félicite pour tout ce que vous faites et vous exhorte à continuer à le faire. Nous devrions peut-être réévaluer beaucoup de choses et trouver les lacunes dont parlait Mme Downie.
[Témoignage livré par l'entremise d'un interprète gestuel]
Mme Moore : Nous avons parlé du financement de base et du financement des coalitions, qui est primordial. Au cours des 15 dernières années, les coalitions ont été essentielles. Certaines coalitions ont reçu un financement de la part du SNA. Je l'ignorais. J'ai déjà voulu présenter une demande de financement, mais on m'avait dit que ce n'était pas possible. J'apprends maintenant que d'autres coalitions reçoivent ce financement.
S'agit-il d'un privilège que celui de recevoir un financement pour sa coalition? Il existe des occasions que nous n'avons pas pu toutes saisir. Est-ce que ce financement est encore en vigueur? Je pense qu'il serait bon de mettre sur pied une méthode normalisée pour l'obtention du financement.
Cela fait deux ans que je suis seule à diriger mon organisation. Si je pouvais obtenir un financement, je pourrais embaucher quelqu'un. Cela me faciliterait la tâche. Nous avons toujours été sous-payés. Nous faisons ce travail car il nous tient à cœur.
Est-ce que le financement des coalitions existe toujours? S'agit-il d'un fonds secret auquel on a uniquement accès si l'on a certains renseignements?
Le président : Je ne sais pas si les sénateurs connaissent la réponse à cette question. Nous aimerions connaître la réponse.
[Français]
M. Pelletier : Je voudrais ajouter quelque chose à ce sujet. La somme de 235 000 $ qui va à notre organisation, qui soutient le réseau des groupes, est financée soi-disant parce qu'on est une coalition. Lorsque l'on reçoit ce montant, avec le projet présenté — on présente à chaque année des projets —, on ne sait pas d'où vient l'argent. Je n'ai pas de réponse à ce sujet. Cela fait des années qu'il y a de l'argent pour cela. C'était dans l'ancien programme SNA.
J'aimerais revenir à la question de l'évaluation. Lorsque l'on parle d'une subvention, par exemple une coalition de 235 000 $ comme la nôtre, il faut l'évaluer, c'est beaucoup d'argent. Mais lorsque l'on regarde la subvention d'un groupe subventionné au niveau local, au Québec, cela représente en moyenne 10 000 $. Cette somme paraît plus petite qu'elle ne l'est en réalité, et plusieurs peuvent penser qu'elle ne vaut pas la peine. Il faut faire attention parce que ce montant nous permet à chaque année de faire des projets et de compléter des choses, comme aller chercher des gens, de faire de la sensibilisation et du recrutement, de mettre sur pied des outils que le financement de base ne nous permet pas de faire parce que l'on concentre tout ce financement de base — qui est inadéquat de toute façon — à la prestation de services. Et c'est important.
Comme je l'ai dit tantôt, au moment de l'évaluation d'une subvention il faut insister sur la clarté des critères afin d'éviter qu'on nous en impose de nouveaux après-coup et qu'on évoque d'autres raisons de faire des compressions budgétaires.
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn : J'aimerais signaler que lorsque j'étais ministre chargé de l'alphabétisation, cela m'a toujours étonnée de voir que le Québec avait signé avec le gouvernement fédéral une entente qui portait sur ses propositions relativement à l'alphabétisation. C'était un plaisir de voir ces noms écrits sur une feuille. Nous savions que ça allait durer. Je crois que beaucoup de bonnes choses ont été accomplies au Québec grâce à cela.
Le président : Merci de cette observation. Nous avons maintenant sous les yeux un exemplaire du communiqué de presse sur l'alphabétisation dont nous parlait le sénateur Cochrane.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est merveilleux que vous soyez tous venus aujourd'hui. Votre visite constitue un événement marquant dans ma carrière au Sénat. Car vous êtes merveilleux et effectuez un travail fantastique.
J'aimerais, tout comme mes collègues l'ont fait, vous parler de l'évaluation. Il existe une énorme différence entre l'évaluation de l'incidence et du taux de guérison, entre le taux de succès et le traitement, des personnes analphabètes par rapport à celles qui ont le cancer. J'aimerais avoir davantage de détails sur l'EIACA. C'est ce à quoi les gens se réfèrent constamment : c'est de l'ordre de 66 p. 100 au Nouveau-Brunswick pour les francophones et de 40 p. 100 pour les anglophones au Canada. Pouvez-vous nous expliquer ces statistiques? Qu'en pensez-vous?
Songez, par exemple, à ceux qui ont des difficultés d'apprentissage. On nous a appris ce matin que, dans bon nombre de programmes, 80 p. 100 des participants avaient des difficultés d'apprentissage. Il faut bien plus qu'un an ou deux pour surmonter une difficulté d'apprentissage. C'est presque l'affaire de toute une vie, ou au moins de nombreuses années. Vous les aidez graduellement. Nous avons beaucoup de nouveaux Canadiens dans notre pays. Cette population va augmenter ainsi que les défis qu'elle pose. Quelle incidence cela a-t-il sur l'évaluation?
Pour ce qui est de l'évaluation, je vais vous poser une question en deux parties, car j'aimerais récolter le plus d'information possible. Pouvez-vous nous dire à quel point il est difficile, long et presque impossible de répondre aux besoins grandissants du gouvernement fédéral qui souhaite que vous lui fournissiez une évaluation à la fin de vos projets d'une durée d'un ou de deux ans? D'abord, parlez-nous du temps que cela prendra avant que vous compreniez comment faire cette évaluation et que vous l'effectuiez. Vous travaillez seul dans votre bureau, le téléphone sonne, vous recevez des fax, ou autre. De plus, il n'est pas facile d'évaluer de telles choses, surtout dans le domaine de l'alphabétisation familiale. Il est difficile d'évaluer quelqu'un au bout d'un an ou deux lorsqu'il fait face à de grandes difficultés.
J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre les statistiques nationales qui se trouvent dans les enquêtes. Pouvez-vous nous parler des difficultés auxquelles vous faites face dans vos coalitions, où il n'y a qu'une ou deux personnes qui se démènent pour répondre à ces demandes croissantes et exigeantes.
Mme Twiss : J'aimerais d'abord répondre à la question qui me semble la plus facile, soit votre deuxième question. Ensuite, je vais tenter de vous parler de l'enquête EIACA et mes collègues pourront compléter mes propos.
Il est difficile d'évaluer le progrès des apprenants d'une manière qui sera reconnue et appréciée par le gouvernement provincial ou fédéral. Le progrès n'est cependant pas difficile à évaluer pour un intervenant qui travaille sur le terrain. C'est presque une évidence. Vous le constatez lorsque vous travaillez avec quelqu'un qui détestait écrire, qui n'arrivait pas à organiser sa vie pour arriver quotidiennement en classe à 9 heures du matin et qui ne se pointait aux cours que trois fois par semaine. Puis, du jour au lendemain, vous remarquez que cette même personne se présente régulièrement en classe. Elle a organisé des choses dans sa vie et ses enfants sont dans une bonne garderie et ont un bon rapport avec leur école. Cette personne vient maintenant à vos cours et écrit plus que jamais. Elle loue des livres à la bibliothèque, chose qu'elle n'avait jamais faite auparavant. Nous écrivons ces faits dans nos rapports. Nous les notons car il s'agit des objectifs que nous nous étions fixés. Nous voulons que les gens viennent régulièrement aux cours et que le programme soit couronné de succès. Nous voulons qu'ils puissent interagir avec l'école de leurs enfants à quatre ou cinq reprises. Ce sont des objectifs que nous nous fixons et nous inscrivons dans nos rapports si les gens les ont atteints ou non.
Il y a un écart entre ce que nous percevons comme constituant un progrès ou une réussite et les perceptions de l'enquête illusoire EIACA. S'agit-il d'un apprenant de niveau 1, 2 ou 3? Nous ne faisons pas d'enquête EIACA dans nos programmes. Nous évaluons les personnes pour savoir si elles sont capables d'écrire, de le faire avec aise et de communiquer de manière efficace. Puis nous allons un peu plus loin — nous tentons de voir si cette personne écrit des choses plus complexes, travaille avec un matériel plus compliqué, en utilisant notamment des structures grammaticales plus avancées comme, par exemple, des points-virgules. C'est comme cela que nous fonctionnons. Si nous ne pouvons le faire et que nous voyons que la personne ne se présente pas en classe, n'écrit pas et ne réussit pas, alors nous modifions notre programme pour voir ce qui se passe.
Est-ce que cela est suffisant pour répondre à cette partie de votre question?
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce cela que recherche le gouvernement fédéral?
Mme Twiss : Non.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'apprécie ce que vous me dites. Mais j'ai l'impression que vous me racontez une histoire. Ce n'est pas assez précis. Est-ce que cette histoire est suffisante pour obtenir un financement de la part du gouvernement actuel?
Mme Twiss : Ce dont le gouvernement actuel a besoin et, pour être franche, ce dont nos gouvernements provinciaux ont besoin, ce sont des références.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais connaître les critères.
Mme Twiss : Ils veulent qu'on leur donne des unités que l'on peut compléter. C'est ce que nous faisons. Dans nos programmes de formation de base des adultes, les FBA, nous avons des niveaux et des objectifs que les gens doivent atteindre. Lorsqu'une personne a atteint un objectif en particulier, elle passe du niveau de base au deuxième ou au quatrième niveau. Nous avons tous nos propres niveaux. Les provinces et les territoires ont leur propre système de classification.
J'ai été ravie d'entendre Mme Greer dire qu'on voulait structurer les classifications provinciales pour la FBA. Nous incorporons même les niveaux de compétence linguistiques en Colombie-Britannique, soit les niveaux pour l'anglais langue seconde avec l'enquête EIACA. Ainsi, quand quelqu'un atteint ce niveau, on peut lui dire : «Vous êtes à mi- chemin du niveau 2 de l'EIACA. » Tous ces renseignements sont nouveaux et nous tentons de les incorporer.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez presque besoin d'un doctorat en statistique pour pouvoir respecter ces critères.
Mme Twiss : Nous ne sommes que des enseignants.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pouvez-vous me fournir un exemple de critères qui seraient acceptables? Bon nombre d'entre vous ont dit que vos projets avaient été refusés, qu'ils n'étaient pas assez bons, et qu'on vous avait accordé une ou deux autres semaines pour les réécrire. Est-ce que cette décision était basée sur les critères d'évaluation? Parlez-moi des critères d'évaluation.
Mme Twiss : D'abord, vous devez comprendre que les lignes directrices portaient à confusion. Elles étaient difficiles à interpréter.
Ainsi, par exemple, mes collègues et moi-même avons soumis une proposition sur l'alphabétisation en milieu carcéral. Nous avions déjà travaillé avec ce groupe, alors nous avions une bonne idée de ses besoins. Nous avons mis sur pied un programme de deux ans pour mener ces activités. On nous a ensuite appris que le gouvernement ne trouvait pas que ce que nous faisions la première année valait la peine et voulait qu'on fasse un programme d'un an.
Il existe une différence de taille entre un programme d'un an et un programme de deux ans. Ça prend beaucoup de temps. Et c'est pour cela que j'en ai assez de ce financement arbitraire. Ça prend beaucoup de temps pour bâtir une relation de confiance avec les apprenants en alphabétisation. Cela fait six ans que nous avons un programme à la piste de course. Ce n'est que maintenant que les apprenants en alphabétisation sortent de la piste de course pour venir à notre centre d'apprentissage.
Au cours des premières années d'ouverture du centre, nous avons travaillé avec un premier groupe d'apprenants qui n'avaient besoin que d'un peu d'aide. Mais ce n'était pas grave : on gardait les portes ouvertes et on travaillait avec eux, parce qu'on savait que les gens de l'extérieur nous observaient. Ils se demandaient ce qui se passait, s'il s'agissait d'un bon endroit, si les gens étaient bizarres. Ils se demandaient si on allait raconter aux autres ce qu'ils ne savaient pas. C'est un processus qui prend beaucoup de temps.
Cela fait six ans que nous avons ouvert le centre et nous commençons à peine à progresser. Le financement pour un programme d'un an ou de deux ans gâche tout. C'est terrible pour les collectivités.
En ce qui concerne l'enquête EIACA, Statistique Canada a un bon site Web qui fournit les renseignements sur l'enquête et sur l'évaluation statistique. Le site explique comment ils ont rassemblé des groupes. On y trouve le nombre de personnes qui ont été interviewées par province. C'est statistiquement valable. J'ai parcouru les renseignements et ça ne m'a pas inquiétée.
Ce qui m'a préoccupée c'est que les entrevues avaient eu lieu avec les gens chez eux et qu'il s'agissait de quelque chose de ponctuel. Je ne suis pas toujours aussi intelligente que j'aimerais l'être, ça dépend des jours. Ils sont peut-être venus m'évaluer un jour où ça allait moins bien.
Vous pouvez consulter leur site Web pour avoir des renseignements sur l'enquête. Vous pouvez également voir les questions types pour avoir une idée de ce qu'on demande aux répondants.
Mme Vandale : Je remercie le Sénat de donner des messages au gouvernement. C'est peut-être difficile pour le gouvernement.
Soyons clairs : le gouvernement pense peut-être que ça ne vaut la peine que de financer les programmes nationaux dotés d'un organisme national. Je peux me tromper, mais j'ai l'impression qu'il ne veut que financer des programmes nationaux et non pas provinciaux, car il estime que les provinces devraient s'en occuper. Toutefois, les provinces n'ont pas assez d'argent.
En Saskatchewan, nous recevons 1 million de dollars pour le financement des établissements d'éducation et environ 900 000 $ pour d'autres initiatives en matière d'alphabétisation. Ces montants sont faibles.
Le gouvernement fédéral a beaucoup d'argent. Nous nous adressons toujours au gouvernement fédéral en nous attendant à ce qu'il aide les provinces.
J'aimerais poser la question suivante au Sénat : pouvez-vous nous fournir un argument convaincant afin de faire valoir que le gouvernement doit continuer à aider les provinces dans ces programmes? J'ai l'impression que le gouvernement fédéral revient toujours avec un énoncé philosophique déclarant qu'il n'aide que les programmes nationaux. Je crois qu'il serait important de faire valoir ce point.
Le président : Les ministres de l'Éducation ont indiqué qu'ils voulaient conclure des ententes de financement conjoint avec le gouvernement fédéral. On pourrait également emprunter cette voie.
M. Page : Je ne crois pas que ce soit une bonne idée que de comparer cela à la guérison du cancer.
Le travail effectué par les coalitions a montré que la prestation de programmes n'a pas été effectuée au Nunavut. Nous avons donné des ateliers pour les groupes communautaires afin de leur permettre de faire une prestation de programmes, mais nous n'avons pas fait la prestation nous-mêmes.
On ne peut pas démontrer que les niveaux d'alphabétisation ont diminué en évaluant nos apprenants car nous n'en avons pas. En raison des critères utilisés dans le passé, nous n'avons pas le droit d'avoir des apprenants.
Si l'on revient au modèle du cancer, on peut comparer cela à l'appui fourni aux médecins, aux chercheurs ou encore à l'équipement qu'ils utilisent, comme les appareils IRM. Si vous voulez calculer l'efficacité de la présence d'un appareil IRM dans une collectivité donnée, à savoir si cela permet de réduire les taux de cancer, vous verrez que c'est difficile à évaluer. Vous devez notamment également tenir compte de ce que font les chercheurs et praticiens.
Nous créons des ressources et offrons du soutien aux travailleurs sur le terrain. Nous aurions besoin de beaucoup d'argent pour pouvoir évaluer les résultats de l'EIACA afin de déterminer l'incidence de notre travail en alphabétisation, et de le distinguer de celui des écoles, des universités et des employeurs — qui ont une influence notable sur le taux d'alphabétisation — ainsi que des politiques gouvernementales.
Mme van der Meer : J'aimerais parler des problèmes liés à l'évaluation. Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles l'évaluation est nécessaire. Tous nos programmes sont soumis à une certaine évaluation, mais il existe parfois un écart entre l'évaluation souhaitée par le gouvernement et celle qui convient le mieux à nos programmes.
Mme Twiss a noté les distinctions entre les évaluations qualitatives et quantitatives. Imaginez donc pour un instant que vous êtes un apprenant adulte. Vous avez sans doute eu beaucoup de difficultés à l'école. Vous n'aimez sans doute pas les examens. Si vous songez au contexte du Nord, il y a peut-être des Autochtones qui ont fréquenté les pensionnats. Nous ne voulons pas reproduire une situation qui a été particulièrement traumatisante. Nous voulons créer des programmes d'alphabétisation qui soient accueillants et qui encouragent la participation. Dire à quelqu'un de s'asseoir et de passer un examen pour qu'on connaisse son niveau d'intelligence n'aidera personne. Ça ne produira pas de résultats positifs. Nous savons déjà que moins de 10 p. 100 des personnes qui ont les niveaux d'alphabétisation les plus bas ont accès à ces programmes. Nous devons tenter de trouver tous les moyens possibles pour améliorer l'alphabétisation.
Bien qu'il soit absolument nécessaire de procéder à une évaluation, il faut que l'on comprenne le point de vue des apprenants. Nous devrions les évaluer de sorte à ne pas mettre en péril nos programmes.
Des voix : Bravo, bravo!
Mme Greer : De nouveau, le gouvernement souhaite obtenir une évaluation quantitative. Les programmes sociaux ont toujours offert une évaluation qualitative et des éléments à caractère anecdotique. Ces deux méthodes sont complètement opposées.
J'aimerais réitérer que les coalitions ne sont pas responsables de la prestation de programmes sur le terrain. Cette responsabilité incombe aux provinces. J'ai l'impression qu'on nous punit pour quelque chose qui ne nous concerne pas.
[Français]
Le sénateur Chaput : Une brève observation : je pense que la réalité que nous vivons tous présentement existe quand même depuis quelque temps. C'est non partisan, c'est la réalité quand on traite avec des gouvernements — dans notre cas, le gouvernement fédéral. Vous soumettez vos projets à des critères de programmes fédéraux qui ont été élaborés sans vous avoir consultés, donc votre réalité est une chose et les nouveaux programmes en sont une autre. Par conséquent, vous ajustez vos projets pour recevoir de l'argent et cela ne répond pas à votre réalité autant que vous le souhaiteriez.
Maintenant, on parle d'évaluation. Je pense qu'autour de la table, nous sommes tous d'accord pour dire que nous devons évaluer un projet pour en connaître son impact. En faisant cette évaluation, si les critères d'évaluation sont élaborés uniquement par les fonctionnaires ou par un gouvernement, sans vous consulter, vous serez obligés de répondre à des critères d'évaluation ne répondant pas vraiment à votre réalité, et donc, votre évaluation ne sera pas peut-être pas aussi positive que vous le souhaiteriez. Est-ce que je comprends bien la réalité?
[Traduction]
Des voix : Oui.
Le sénateur Chaput : Très bien. J'aimerais que ce soit inscrit au procès-verbal.
Le sénateur Carstairs : Merci. Je vous souhaite la bienvenue. Moi non plus, je ne suis pas membre de ce comité. Par contre, j'ai enseigné pendant 20 ans et l'alphabétisation m'a toujours interpellée.
Hier, ma fille est venue visiter le Parlement avec sa classe ainsi que les autres classes de huitième année de Toronto. Moins de 50 p. 100 de ces enfants peuvent lire à un niveau de huitième année. Ils passeront au secondaire l'année prochaine et n'auront plus droit à des programmes officiels de lecture. Ces programmes prennent fin à la fin de la huitième année.
Que va-t-on offrir à ces enfants? J'imagine que bon nombre d'entre eux, s'ils sont chanceux, vont lire à un niveau de cinquième, sixième ou septième année. Est-ce qu'on leur fournit des renseignements sur le fait que, en quittant le secondaire, ils risquent de devenir des apprenants à long terme?
Mme Paterson : Dans le secteur autochtone, nous avons beaucoup d'adolescents âgés de 14 ans qui quittent le système scolaire car ils n'ont pas atteint le niveau requis pour la huitième année. Il faut tenir compte de plusieurs choses. En Ontario, par exemple, les élèves vont à l'école sur les réserves jusqu'au secondaire. Il n'existe pas d'écoles secondaires sur les réserves. Ainsi, les écoles secondaires ressemblent en quelque sorte aux pensionnats — les élèves doivent quitter leurs collectivités, leurs pairs et leur famille. Pour ces motifs, bon nombre d'entre eux décrochent. Ils s'inscrivent à nos programmes d'alphabétisation, mais nous ne sommes pas censés les aider car nos programmes sont destinés aux adultes. Les intervenants disent qu'il faut aider ces enfants maintenant. Sinon, dans 10 ans, nous allons nous retrouver aux prises avec des personnes qui ont un faible taux d'alphabétisation.
On retrouve cette situation chez bon nombre d'enfants autochtones. Nous devons faire quelque chose. Je ne sais pas si cela répond à votre question. C'est à cela que nous devons faire face.
Mme Moore : J'aimerais ajouter quelque chose aux observations de M. Page sur le financement des organisations nationales. Le gouvernement devrait permettre aux associations et aux organisations provinciales de faire des demandes de subvention auprès d'une organisation nationale. Nous avons besoin d'une stratégie nationale. C'est ce qui nous fait défaut en ce moment.
Sénateur Chaput, vous avez parlé des critères qui devraient être établis comme une rue à deux sens. Le gouvernement ne peut pas mettre sur pied des critères sans nous consulter. C'est notre principale préoccupation. Il faut que ça aille dans les deux sens. Nous devons avoir un dialogue. Nous devons prendre part à l'élaboration des critères et lignes directrices pour que ces programmes soient couronnés de succès à l'avenir.
Mme Greer : Nous avons constaté que, au Nouveau-Brunswick, il y a une grande différence maintenant dans l'âge des gens qui fréquentent les cours d'alphabétisation pour adultes. Il y a beaucoup de jeunes qui fréquentent ces cours. Les conseillers en orientation disent aux élèves qui quittent le secondaire et qui ont des problèmes de lecture et d'écriture de s'inscrire dans un cours d'alphabétisation pour adultes. Ces élèves viennent nous voir pour apprendre à lire.
La coalition a pour objectif de promouvoir l'alphabétisation. Je crois que nous sommes en train de passer le message. Il y a plus d'enfants qui arrivent à l'école et qui sont prêts à lire car leurs parents ont écouté les messages sur l'alphabétisation familiale. Je vois de plus en plus d'enfants avec des livres dans leur poussette. Il y a de plus en plus de parents qui lisent des histoires à leurs enfants, de plus en plus de pères qui lisent des histoires à leurs enfants — et c'est crucial.
Je crois que notre promotion de l'alphabétisation est couronnée de succès. J'espère qu'il y aura des changements dans les années à venir. Le fait que 50 p. 100 des élèves de huitième année sont capables de lire est une statistique qui est probablement plus élevée qu'elle ne l'aurait été il y a 10 ans.
Le président : Il nous reste encore quelques minutes avant que la partie officielle de cette réunion ne tire à sa fin. Lorsque la partie officielle se terminera, soit lorsqu'on ne transcrira plus nos propos, nous irons déjeuner. Ensuite, nous pourrons poursuivre avec une discussion informelle.
Avant de mettre un terme à la partie officielle de cette séance, y a-t-il quelqu'un qui n'aurait pas parlé récemment mais qui aurait maintenant quelque chose à exprimer? Je tiens à donner à chacun l'occasion de prendre la parole.
Mme Lane : Comme je l'ai dit dans mon exposé en début de séance, la nécessité d'une stratégie pancanadienne correspond à la nécessité de partenariats entre tous les niveaux de gouvernement et tous les secteurs. En Alberta, je lutte pour ma propre survie. J'essaie de recueillir des fonds pour mon organisme en faisant de la sensibilisation et en établissant des partenariats entre les différents secteurs. Il faut absolument que le gouvernement fédéral vienne s'asseoir à cette table et dialogue avec nous. Il faut qu'il sache également que nous sommes prêts à travailler en partenariat avec lui, avec nos provinces, nos municipalités, nos industries et notre secteur privé.
En Alberta, le secteur privé vient tout juste de se rendre compte de l'existence du problème d'analphabétisme qu'il ne va plus pouvoir ignorer désormais. Les gens du secteur privé commencent à se demander ce qu'ils peuvent faire dans ce domaine. J'espère que Literacy Alberta pourra obtenir des entreprises privées le financement qu'il lui faut pour agir. Il n'y a aucune raison pour que les entreprises privées soient exclues de la stratégie pancanadienne. Elles en sont partie prenante.
J'ai fondé Literacy Alberta il y a deux ans, avec le mandat de faire de l'alphabétisation pour adultes. Entre-temps, ce mandat a été élargi pour couvrir tous les aspects de l'alphabétisation, car c'est un problème qui se pose du berceau à la tombe. Je pourrais moi-même améliorer mes aptitudes dans ce domaine. Je me classe sans doute assez haut dans l'échelle des connaissances, mais il reste des disciplines dans lesquelles je suis encore illettrée.
J'ai besoin de passer du temps avec les responsables de l'enseignement en Alberta. Il faut que je m'entretienne avec le ministre provincial de l'Éducation, qui dit qu'il ne veut pas me rencontrer parce que je m'occupe d'alphabétisation des adultes, et que ce n'est donc pas son problème.
Nous commençons à agir très efficacement en matière d'alphabétisation des familles, mais je dois dire que les coalitions n'ont encore eu aucun effet sur les enfants d'âge scolaire, de la maternelle à la 12e année. Il nous faut également progresser dans ce secteur. Lorsque nous réunissons des participants pour parler de cette stratégie pancanadienne, il faut avoir des représentants de tous les secteurs, de tous les ministères et de tous les niveaux de gouvernement. Tout le monde doit décider de ce qu'il faut faire, à défaut de quoi nous sommes condamnés à devenir un pays du tiers monde.
M. Page : Lorsque le Nunavut Literacy Council demande le rétablissement du financement de l'alphabétisation, nous voulons dire aussi qu'il ne faut pas modifier les montants en question ni les critères. Cela n'écarte pas la possibilité de nouveaux crédits pour l'exécution des programmes, mais jusqu'à maintenant, le financement et les activités ont été consacrés au développement communautaire et au soutien accordé aux participants. Compte tenu des problèmes d'éloignement, il est essentiel que les cours d'alphabétisation soient donnés dans les collectivités. La prestation des programmes va poser un véritable défi si elle est centralisée sous l'autorité du Nunavut Literacy Council. Le conseil souhaite élaborer des critères d'évaluation en coopération avec le gouvernement fédéral.
Nous espérons que les crédits et les critères qui se sont appliqués jusqu'à maintenant et qui ont permis de bâtir l'infrastructure indispensable à tout progrès futur de l'alphabétisation au Nunavut seront rétablis.
Le sénateur Keon : Les stratégies nationales les plus efficaces ont été élaborées sur le terrain par les abeilles ouvrières, et j'estime que les échecs sont imputables à la bureaucratie.
Je pense qu'il faut saisir la balle au bond et partir avec.
Le président : Voilà qui met un terme à la partie officielle de nos délibérations, qui ont été très utiles. Merci beaucoup de vous être joints à nous.
La séance est levée.