Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 22 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 9 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur le divorce (droit d'accès d'un époux en phase terminale ou dans un état critique), se réunit aujourd'hui à 16 h 12 pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. La réunion de cet après-midi porte sur le projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur le divorce (droit d'accès d'un époux en phase terminale ou dans un état critique), dont nous entreprendrons l'examen dans quelques instants.
Un de nos collègues, le sénateur Consiglio Di Nino, assis au bout de la table, est le parrain du projet de loi. Rick Casson, qui est également présent, parraine le projet de loi C-252 à la Chambre des communes et en est l'auteur.
Nous accueillons, du ministère de la Justice, Lise Lafrenière-Henrie, avocate-conseil, coordonnatrice, Politique en matière du droit de la famille, et Claire Farid, avocate, Politique en matière du droit de la famille. Elles pourront répondre à toutes vos questions. Nous passerons ensuite à l'étude article par article du projet de loi, s'il nous reste du temps.
J'invite le sénateur Di Nino à faire de brefs commentaires d'abord et à présenter le député qui parraine le projet de loi.
Le sénateur Fairbairn : J'aimerais ajouter qu'il représente ma circonscription. C'est un excellent homme.
L'honorable Consiglio Di Nino, parrain du projet de loi : Je signale que j'ai demandé à notre collègue si elle a voté pour M. Casson.
Le président : Nous attendons tous la réponse avec impatience.
Le sénateur Di Nino : Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter ce projet de loi. Je suis accompagné du député Rick Casson, qui parraine le projet de loi à l'autre endroit et qui fera la plupart des commentaires.
Vous avez entendu mes propos dans la salle du Sénat. J'aimerais amorcer la séance en soulignant qu'il s'agit d'un projet de loi très important. Il traite d'une des situations les plus difficiles pour les êtres humains, c'est-à-dire la relation entre un parent et un enfant lorsqu'il y a éclatement de la relation habituelle en raison d'un divorce. Lorsqu'il y a maladie en phase terminale ou état critique, le projet de loi vise à faire en sorte que le juge qui préside, s'il modifie l'ordonnance de garde, prenne en considération le fait que l'autre parent est en phase terminale ou dans un état critique.
Bon nombre d'entre nous ont vécu une situation semblable, quoique pas nécessairement à cause de l'éclatement de familles. La possibilité d'aller de l'avant après le décès d'un être cher est l'une des choses les plus importantes, surtout pour la personne survivante. Même si le projet de loi n'est pas contraignant, il confirme la question auprès du juge. En ce qui a trait à l'intérêt supérieur de l'enfant, le juge, en vertu du projet de loi, tiendra compte de ces deux éléments importants afin de pouvoir, si c'est dans l'intérêt de l'enfant, régler les différends qui sont peut-être survenus.
J'invite maintenant M. Rick Casson, le parrain du projet de loi dans l'autre endroit, à prendre la parole.
Rick Casson, député, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président. C'est toujours un plaisir de vous voir. Je suis ravi d'être ici et de pouvoir faire quelques observations sur ce que je considère être une initiative louable.
C'est un honneur pour moi de vous parler du projet de loi C-252, qui vise à modifier la Loi sur le divorce. Le projet de loi a pour but de faire en sorte que les parents divorcés qui sont en phase terminale ou dans un état critique aient accès à leurs enfants pour faire leurs adieux avant de mourir.
Le projet de loi a franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes. Il a été adopté suite à un vote par assis et levé par 302 voix contre aucune. Il est difficile, voire rare, pour les députés de donner leur consentement unanime. Cependant, le projet de loi est un exemple de ce qui peut être réalisé lorsqu'on donne suite aux opinions et aux critiques exprimées.
Le projet de loi témoigne également de la valeur de la collaboration qui, dans le cas qui nous occupe, se fonde sur une reconnaissance mutuelle des enjeux, c'est-à-dire les liens familiaux importants et l'intérêt supérieur des enfants.
Je pense qu'il est inutile pour moi d'expliquer la fréquence du divorce dans notre société aujourd'hui. C'est malheureusement une réalité qui, d'une façon ou d'une autre, a eu des conséquences pour la plupart des familles. Lors de la deuxième lecture du projet de loi, le sénateur Trenholme Counsell a parlé éloquemment de l'énorme responsabilité que doit assumer la société, et le système judiciaire en particulier, quand la famille cesse d'être un lieu où les plus jeunes sont aimés et protégés.
Le projet de loi vise précisément cette situation, lorsque les liens du mariage sont rompus, et que survient l'éclatement du noyau de la famille, les parents allant chacun de leur côté. En décembre 1998, le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a publié son rapport Pour l'amour des enfants, dans lequel il reconnaît que les liens entre les parents et les enfants ne disparaissaient pas avec la séparation ou le divorce.
Cela peut paraître tout à fait logique, mais c'est un principe important sur lequel repose le projet de loi. Peu importent les circonstances liées au divorce, les liens naturels entre parents et enfants continuent à exister comme il se doit.
Tout comme la vie, les relations ont un début et une fin. C'est une occasion heureuse d'accueillir un nouveau membre dans la famille, et c'est triste de dire adieu. Le projet de loi a pour but de faire en sorte que tant l'enfant que le parent divorcé puissent faire leurs adieux lorsque celui-ci est en phase terminale ou dans un état critique et lorsqu'un tribunal juge que le droit d'accès est dans l'intérêt supérieur de l'enfant ou des enfants.
Le projet de loi n'est qu'un amendement proposé à la Loi sur le divorce. Il a évolué tout au long du débat pendant lequel on a soulevé des questions précises sur la Loi sur le divorce et sur la façon dont les droits de visite et de garde sont pris en considération.
Ces questions ont fait ressortir plusieurs faits importants. Premièrement, le projet de loi ne tient compte que d'un ensemble de circonstances. Il est ciblé et concis et vise à apporter un amendement progressif mais néanmoins important à la Loi sur le divorce.
Deuxièmement, il existe bien d'autres circonstances semblables qui méritent notre attention; cependant, elles devront attendre qu'un autre projet de loi soit présenté afin d'être traitées. La concision du présent projet de loi permet de cibler un ensemble particulier de circonstances.
J'ai d'abord envisagé de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire après avoir eu vent d'une situation regrettable dans ma circonscription. Il s'agissait d'une jeune famille frappée par un divorce mais dont un parent était en phase terminale. Comme c'est souvent le cas dans les affaires de divorce, il existe deux versions des faits. Je ne présente pas le projet de loi parce qu'une personne avait raison et que l'autre avait tort; ce n'était pas, et ce n'est pas, une décision qui m'appartient. Toutefois, j'ai vu qu'il y avait un problème, et ce n'était pas une question de savoir qui avait raison, mais de savoir ce qu'il fallait faire. Je crois qu'il est juste de veiller à ce que les enfants puissent dire adieu à un parent en phase terminale ou dans un état critique, à moins que le contact entre le parent et l'enfant ne soit pas dans l'intérêt de l'enfant.
En terminant, j'aimerais remercier le sénateur Di Nino d'avoir travaillé avec moi à ce dossier et d'avoir parrainé le projet de loi au Sénat. J'aimerais aussi remercier les parlementaires qui ont étudié le projet de loi C-252 et qui l'ont adopté à l'unanimité. Je remercie également les représentants du ministère de la Justice qui ont comparu devant le Comité de la justice de la Chambre des communes et qui sont parmi nous aujourd'hui pour répondre aux questions concernant le projet de loi C-252.
Le sénateur Fairbairn : Monsieur Casson, je sais que ce dossier a exigé beaucoup de temps et d'attention de votre part. Dans vos efforts d'atteindre votre objectif, avez-vous eu connaissance de réactions négatives et, le cas échéant, dans quelles circonstances?
M. Casson : De mémoire, je ne me rappelle d'aucune réponse négative. Je ne considère pas les débats à la Chambre comme une réponse négative. Je pense plutôt aux commentaires que j'ai reçus de la part du public partout au pays. Il n'y avait pas beaucoup de gens qui étaient en faveur de ce projet de loi, mais je ne me souviens de personne qui s'y opposait.
Durant les débats, je savais le résultat final que je voulais atteindre; je n'étais pas préoccupé par le libellé des différents articles du projet de loi. Nous étions flexibles durant les débats à la Chambre et au comité. Nous avons ensuite repris nos travaux avec les fonctionnaires et les collègues pour amender le projet de loi de façon à ce qu'il soit acceptable pour tous. C'est ce que nous avons fini par faire avec l'appui unanime de la Chambre. S'il y avait une préoccupation quelconque, nous essayions d'ajuster le libellé, parfois de façon très minime, afin de calmer ces inquiétudes. À la fin, nous y sommes arrivés, comme l'a démontré le résultat du vote.
Le sénateur Di Nino : Je peux dire, moi aussi, avec assurance qu'au Sénat, le sénateur Trenholme Counsell a donné un discours formidable où elle a soulevé des questions valides. Je sais que M. Casson les a traitées.
Le fait que le projet de loi a été amendé à la Chambre témoigne éloquemment de l'intérêt de M. Casson pour cette question et de celui d'autres personnes. Comme j'étais parrain du projet de loi au Sénat, plusieurs personnes sont venues me parler et pas une seule n'a exprimé une opinion négative sur le sujet.
Le sénateur Pépin : Il y a une chose qui me trouble et que je ne comprends pas. J'ai toujours cru que lorsque des parents se divorçaient et qu'un des parents avait la garde exclusive de l'enfant, l'autre parent avait quand même des droits d'accès à l'enfant. Si cette personne est si malade qu'elle est mourante et qu'elle n'arrive pas à voir son enfant, pourquoi a-t-elle perdu complètement la garde de son enfant? Je ne comprends pas cela. Si un parent a la garde exclusive d'un enfant, l'autre parent n'a-t-il pas des droits d'accès à l'enfant?
M. Casson : Chaque ordonnance de garde rendue par les tribunaux est examinée séparément. Parfois, la garde est partagée, parfois, elle ne l'est pas. Il y a un équilibre entre les droits de visite des deux parents.
Dans le cas de la mère mourante, toutefois, les enfants ont été retirés de sa garde et sa situation était si grave qu'elle est morte peu de temps après. Lorsque la famille a porté cette situation à mon attention, nous avons examiné la Loi sur le divorce et nous avons déterminé que nous devions en faire une des conditions que les juges devraient prendre en considération parmi tous les facteurs qu'ils examinent, mais toujours en gardant à l'esprit l'intérêt de l'enfant.
Sans cette disposition, je ne l'aurais pas appuyé moi-même; il fallait que ce soit dans l'intérêt de l'enfant. Quant à savoir comment on en arrive à un point où l'un des parents n'a aucun accès à l'enfant, chaque situation est différente et, malheureusement, dans certains cas, c'est ce qui arrive.
Le sénateur Pépin : Je suis d'accord pour dire qu'il n'y a aucun problème à inclure cet amendement et à adopter la loi. Je suis moi-même divorcée et je n'ai jamais pensé qu'un parent pouvait empêcher son enfant de visiter l'autre parent; cela ne m'est jamais venu à l'esprit. Je ferai tout pour m'assurer que cette situation ne se reproduise plus jamais.
Le sénateur Di Nino : Je crois qu'il serait utile pour nous tous de ne pas oublier que l'autorité prévue dans ce projet de loi ne sera utilisée qu'à de rares occasions. La plupart des ordonnances de garde sont des ordonnances de garde partagée et, de façon générale, je crois que la plupart des parents seraient d'accord. Toutefois, il existe des situations où ce n'est pas le cas. Nous connaissons tous des exemples : je connais un couple qui est très malheureux.
Ce qui m'a vraiment frappé dans cette question et ce qui m'a poussé à accepter à parrainer ce projet de loi au nom de M. Casson, c'est le fait que lorsqu'il y a ce genre de séparation, c'est habituellement un événement qui laisse des cicatrices non seulement chez les parents, mais aussi chez les enfants. Peut-être que cet ajout à la Loi sur le divorce aura pour résultat que l'enfant — qui, dans cette situation, est la personne qui est vivante — peut avoir l'occasion de faire son deuil, ce qui lui permettrait de continuer sa vie sans cette cicatrice ou avec une cicatrice moins profonde qu'avant.
Vous avez absolument raison, sénateur. Je ne m'attends pas à ce que cette disposition soit utilisée fréquemment. Les observations de M. Casson à ce sujet étaient également très judicieuses.
Le sénateur Munson : J'ai une petite question pour M. Casson. Dans notre société d'aujourd'hui, en 2007, pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour franchir une distance si courte, mais si importante?
M. Casson : Nous pouvons philosopher ou essayer d'imaginer les raisons. Les observations du sénateur Di Nino sont très à-propos. C'est un événement qui ne se produit pas tous les jours. Il faut beaucoup d'efforts pour se rendre jusqu'ici, comme vous le savez. Peut-être que personne ne pensait qu'il s'agissait d'une question qu'il fallait régler parce qu'elle ne touchait pas beaucoup de monde au pays.
Lorsque j'ai vu des photos et entendu les histoires et que je me suis impliqué dans cette affaire au niveau local, cela me semblait injuste. La question n'était pas de savoir combien de personnes étaient touchées ou combien de fois cette disposition serait utilisée dans l'avenir. La question, pour moi, était qu'il était injuste que ces enfants n'aient pas le droit de voir leur mère et que nous devions corriger cette situation. En agissant ainsi, nous sommes dans la bonne voie.
À un moment donné dans l'avenir, la Loi sur le divorce devra être examinée, ainsi que les autres particularités qui entrent en jeu. Si nous pouvons faire adopter cette disposition, elle sera là pour quiconque en aura besoin.
Le sénateur Trenholme Counsell : Merci de votre comparution, monsieur Casson. Je sais que vous avez lu mon discours. Je suis très en faveur du projet de loi, mais en tant que médecin et en tant que législatrice, j'ai quelques questions.
La plupart de mes questions s'adressent aux fonctionnaires de Justice Canada. Nous aurons l'occasion de leur poser des questions lorsqu'ils comparaîtront. J'ai lu mot à mot toutes les délibérations du comité en guise de préparation pour le discours que j'ai donné. J'ai dit qu'il ne s'agissait pas d'une mesure législative simple, et c'est vrai. Lorsqu'on lit uniquement le projet de loi, cela peut paraître simple.
D'après ce que j'ai entendu autour de la table, certaines personnes pourraient croire que cette disposition accorde au parent qui n'a pas la garde un accès automatique à l'enfant. Ce n'est pas le cas. Cette décision revient toujours au juge. Quelle sorte d'ordonnance de garde ne permettrait pas à un juge de rendre justice dans la présente loi? Nous devons peut-être poser cette question aux témoins de Justice Canada. Je connais des cas, comme tout le monde j'en suis sûre, où des personnes retournent constamment en cour pour obtenir une autre modification ou pour clarifier quelque chose. Ce projet de loi permettra peut-être d'accélérer le processus.
Ayant entendu les débats dans plusieurs réunions, j'ai commencé à me demander qu'est-ce qui est arrivé avec ce projet de loi. Je vais poser cette question et vous pourrez y répondre si vous le voulez; sinon, peut-être que les responsables de Justice Canada pourront y répondre. On se demandait d'où provenait le projet de loi. Provient-il du ministère? Qui l'a rédigé? Durant les débats, nous avons entendu des termes comme « zones grises » et « problèmes ». Lorsque vous lisez le projet de loi, il est évident que sa rédaction a été laborieuse. Le libellé a été changé deux ou trois fois et le projet de loi a été révisé.
L'autre question que j'aimerais poser s'adressera également aux responsables du ministère de la Justice. Le libellé indique « en phase terminale ou dans un état critique ». Comme je l'ai dit dans mon discours, une maladie en phase terminale ne signifie pas que la personne va mourir demain ou la semaine prochaine ou le mois prochain. La maladie de Lou-Gehrig ou SLA, par exemple, est une maladie en phase terminale qui peut durer jusqu'à 14 ans. Il existe de nombreuses maladies qui, dans le langage médical, pourraient être désignées comme des maladies en phase terminale.
Quelle latitude ce projet de loi donne-t-il aux tribunaux?
L'expression « état critique » est un autre problème. De nombreuses maladies sont critiques. Elles peuvent être critiques pendant dix minutes, pendant une heure, pendant une centaine d'heures ou peu importe la durée. J'examine cette question d'un point de vue médical.
Votre source de motivation dans ce projet de loi, et le résultat ultime, c'est l'aspect humanitaire; cela ne fait aucun doute. Au bout du compte, c'est notre système de justice qui décide. Il n'y a rien d'automatique dans ce processus.
Comme je l'ai dit dans mon discours, supposons que, pour des raisons difficiles à imaginer, un enfant n'a pas vu un parent mourant, disons, depuis dix ans et qu'un jour, ce parent demande une visite. Est-ce vraiment dans l'intérêt de l'enfant que de l'obliger à aller voir, d'urgence, cette personne qui lui est en fait étrangère, alors qu'elle est très proche de la mort? La plupart d'entre vous ont déjà vécu cette expérience et savent de quoi je parle. Mais, encore une fois, il incombe au juge de décider, et non pas à notre comité. Telle est la condition.
Voilà les pensées qui me sont venues à l'esprit. Ce n'est pas une mesure législative simple. C'est un sujet qu'on ne peut prendre à la légère et qui présente des conséquences d'une portée considérable pour les parents, mais surtout, pour les enfants. J'attends avec impatience de poser certaines de ces questions aux fonctionnaires.
M. Casson : Je vous suis reconnaissant de vos observations, sénateur. Lorsque j'ai lu votre discours, j'ai bien compris que vous aviez examiné cette question en profondeur et que vous aviez lu les délibérations pour essayer de comprendre ce qui se disait.
Pour ce qui est de la transformation graduelle du projet de loi, je n'avais pas l'intention, en tant que parrain du projet de loi, de compromettre sa progression sous une forme ou sous une autre. En ne perdant pas de vue l'objectif final, nous avons été en mesure d'aller de l'avant.
Les responsables du ministère de la Justice seront en mesure de répondre à certaines des autres questions. Notre objectif était d'inclure cette disposition dans la Loi sur le divorce, pour en faire l'une des conditions ou l'une des considérations qu'un juge aurait à examiner dans la modification d'une ordonnance de garde. Nous devrons certes traiter des questions liées à la profession médicale et comment les médecins classent une maladie comme étant terminale ou critique. La marge de temps compte beaucoup. La cause sous-jacente, c'est l'intérêt de l'enfant. Nos juges rendent couramment des décisions qu'ils considèrent comme étant dans l'intérêt des enfants, à la lumière des preuves dont ils disposent. Cette disposition ne sera qu'un autre moyen dont disposeront les juges pour poursuivre dans cette voie, je l'espère.
Le sénateur Di Nino : Je ne pense pas qu'il existe une jurisprudence liée à cette question. Je crois que nous pouvons trouver un certain réconfort dans le fait qu'un juge examinera ces questions, cas par cas. J'imagine aussi qu'un certain degré de preuve médicale sera nécessaire pour convaincre le juge. Comme l'a si bien dit le sénateur Trenholme Counsell, ce n'est pas nous qui prendrons cette décision; c'est le juge qui déterminera si c'est dans l'intérêt de l'enfant.
Je suppose qu'avec le temps, on créera une certaine jurisprudence. Cela pourrait aider, en effet, à faire avancer la question dans les années à venir. Il n'y a aucun doute que l'inclusion de cette modification dans la Loi sur le divorce sera, si vous voulez, un autre rappel à la magistrature qu'il s'agit de considérations sérieuses édictées par le Parlement du Canada. Cela donne un élan supplémentaire, qui sera utile.
Le sénateur Cordy : Il y a généralement un fait vécu derrière un projet de loi comme celui-ci. Il est intéressant d'entendre votre fait vécu. C'est bien que quelqu'un ayant vécu une telle expérience décide de prendre le taureau par les cornes et de dire : « Oui, je peux faire quelque chose à ce sujet. »
Vous l'avez très bien expliqué. Comme d'autres sénateurs l'ont dit, une mesure législative n'est jamais simple. Vous pensez résoudre le problème et vous espérez ne pas en créer d'autres.
Le projet de loi indique que les tribunaux pourront rendre une ordonnance modificative en ce qui concerne le droit d'accès. Le sénateur Trenholme Counsell a dit que certaines maladies ou états en phase terminale pouvaient durer longtemps. Par contre, d'autres maladies terminales ou états critiques peuvent se manifester soudainement, par exemple lorsqu'une personne perd la vie peu de temps après un diagnostic ou lorsqu'elle a un accident.
Quand un tribunal entend des causes liées à l'accès auprès d'un enfant, nous ne pouvons lui dire de régler l'affaire au plus vite, mais pouvez-vous être sûr qu'une décision sera rendue en temps opportun? Pouvons-nous prévoir une disposition dans le projet de loi à cet effet? D'après vous, est-ce suffisant que la décision puisse être prononcée rapidement au besoin?
M. Casson : Nous l'ignorons. Le calendrier des audiences et des comparutions varie, même entre les différentes régions du pays, j'imagine. Lorsque cette situation devient évidente et qu'on demande à un juge de rendre une ordonnance modificative, j'espère qu'on tiendra compte du fait que le temps est compté dans certains cas. À part cela, je ne crois pas qu'il soit possible de prévoir un délai dans le projet de loi pour que les tribunaux règlent l'une de ces affaires en deux jours, par exemple. Je ne pense pas que ce soit possible.
J'espère que les tribunaux et toutes les parties concernées comprendront. Dans certains cas, il est urgent de régler l'affaire rapidement.
En ce qui concerne la durée d'une maladie en phase terminale ou d'un état critique, il est préférable d'agir même en ne sachant pas s'il reste peu de temps que de ne pas agir du tout. C'est peut-être une manière de contourner le problème. Dans le cas d'une maladie en phase terminale, le patient peut vivre quatre mois ou quatre ans, mais assurons-nous de régler l'affaire à un moment donné.
Le sénateur Nancy Ruth : Permettez-moi de faire quelques observations d'abord, monsieur Casson. J'ai lu la déclaration que vous avez faite devant la Chambre des communes et les segments de phrases qui m'ont beaucoup frappée sont : « pour garantir les droits parentaux » et « toute ordonnance de garde doit être rendue en tenant compte de l'intérêt de l'enfant à charge ». Il s'agit d'établir un équilibre. Vous avez dit que les parents divorcés qui sont à l'article de la mort devraient avoir la certitude de pouvoir accéder à leurs enfants et que c'est « un droit auquel tous les parents, divorcés ou non, peuvent prétendre ».
Je ne suis pas contre ces affirmations, mais je présume que nous parlons ici de pères qui n'ont pas la garde de leurs enfants et qui font donc cette requête. Bien que le projet de loi ne traite pas de la garde des enfants mais plutôt du droit d'accès aux enfants, cela me préoccupe, surtout dans le cas d'une maladie en phase terminale comme la maladie de Parkinson, qui peut durer des années. Ce n'est pas un cas où la personne atteinte mourra la semaine prochaine. La question de l'accès me préoccupe, car cela veut dire que la prochaine étape pourrait être la garde des enfants. Cela m'inquiète.
J'aimerais savoir pourquoi le terme « rend » plutôt que « peut rendre » a été employé dans le projet de loi. Je vous demanderais à tous de lire le passage, car je l'ai reformulé à ma manière et je veux que vous me donniez votre avis. Je propose que le projet de loi se lise comme suit :
Pour les besoins du paragraphe (5), la maladie en phase terminale ou l'état critique d'un ex-époux peut constituer un changement dans la situation de l'enfant à charge; le tribunal peut rendre alors une ordonnance modificative relative à l'accès auprès de l'enfant, à la condition qu'elle soit dans l'intérêt de celui-ci.
M. Casson : Dans cet exemple, c'est une mère qui est décédée. Cela montre que ce pourrait être l'un ou l'autre des parents.
Le sénateur Nancy Ruth : Les statistiques révèlent le contraire.
M. Casson : Je m'efforce de faire intervenir les tribunaux et les juges. Le juge doit rendre une ordonnance relative à l'accès. Le projet de loi ne dit pas que le juge doit formuler une ordonnance pour octroyer le droit d'accès à l'enfant. Le juge doit tenir compte de la maladie terminale ou de l'état critique du parent parmi les facteurs à examiner concernant l'accès. Il demande au juge de trancher la question. Si vous dites « peut rendre », alors le juge n'est pas obligé de le faire, dans un sens ou dans l'autre. C'est une question d'accès, pas de changement; nous voulons que le juge en tienne compte lorsqu'il examine les ordonnances de garde. Les fonctionnaires du ministère de la Justice pourront peut-être vous l'expliquer plus clairement. C'est la raison pour laquelle je voulais que l'article soit formulé de cette manière.
Le sénateur Nancy Ruth : Pouvez-vous me dire si les associations de droit familial de votre province, ou celle de toute autre province au pays, ont eu l'occasion d'examiner ce projet de loi?
M. Casson : Non, pas que je sache.
Le sénateur Nancy Ruth : Je sais que ce projet de loi n'a pas été examiné par cette association en Ontario.
M. Casson : Je ne saurais vous dire ce qu'il en est pour chaque province.
Le sénateur Di Nino : Je voulais ajouter que ce n'est pas juste la magistrature. Pour demander une modification, une personne fera fort probablement appel à un avocat-conseil. L'avocat-conseil peut examiner le libellé du projet de loi et l'utiliser pour donner du poids à son appel auprès d'un juge visant à demander une ordonnance modificative. Le terme « rend » en est un élément important, pas seulement pour que le juge en tienne compte, mais pour donner plus de poids à l'argument de l'avocat représentant la famille. Je suis d'accord avec M. Casson. L'ajout de « peut » signifie qu'un juge pourrait décider de ne pas en tenir compte.
Nous voulons veiller à renforcer cette partie particulière de la Loi sur le divorce pour faire en sorte que la magistrature doive en tenir compte quand elle examine une modification potentielle.
Le sénateur Keon : Je veux aussi discuter avec les avocats spécialisés en droit de la famille lorsqu'ils viendront, mais j'envisageais ce projet de loi avec enthousiasme lorsque j'en ai pris connaissance, car j'ai très souvent été confronté à cette situation. Des patients m'ont parlé de toute urgence, deux ou trois heures avant d'être en salle d'opération ou parfois la veille de l'intervention. Le système juridique ne pouvait intervenir dans ces circonstances.
Ce projet de loi habiliterait le système judiciaire à intervenir, mais je veux interroger les avocats sur le délai. Je ne pose pas une question; je fais cette observation pour que nous leur demandions des précisions lorsqu'ils viendront. Il est important d'apporter des précisions dans la Loi sur le divorce concernant l'accélération de processus juridique, car il manque certainement de précision en ce moment.
Le président : Le cas qui vous a motivé à agir était celui d'une femme mourante qui avait perdu la garde de ses enfants. Avait-elle perdu la garde de ses enfants à cause de sa maladie? Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on lui a refusé le droit d'accès à ses enfants si elle a perdu la garde de ses enfants à cause de sa maladie. Vous pouvez peut-être m'éclairer là-dessus.
M. Casson : Monsieur le président, tout au long de cette démarche, j'ai essayé de ne pas m'attarder à l'affaire qui m'a incité à intervenir parce que, comme je l'ai dit dans ma déclaration, il y a toujours deux versions des faits.
Dans cette affaire, la mère était malade et les parents avaient une entente de garde partagée. Le père est allé chercher les enfants à la maison de la mère un ou deux jours avant qu'elle ne décède, conformément à l'ordonnance de garde. Il avait un droit d'accès aux enfants et il s'en est prévalu en prenant les enfants pour le week-end ou cette journée en particulier. La mère a été incapable de les reprendre pour les deux ou trois derniers jours.
Le président : Merci, monsieur Casson et sénateur Di Nino.
Claire Farid, avocate, Politique en matière du droit de la famille, ministère de la Justice Canada : Je suis avocate au service des Politiques en matière de droit de la famille de la Section de la famille, des enfants et des adolescents du ministère. Je suis accompagnée de Lise Lafrenière-Henrie, avocate-conseil et coordonnatrice du service des Politiques en matière de droits de la famille. Nous vous remercions de nous avoir invitées à participer à vos travaux. Nous aimerions vous fournir certains renseignements généraux sur les aspects techniques de la Loi sur le divorce et du projet de loi C-252.
Comme vous le savez, le droit de la famille est un domaine où les pouvoirs constitutionnels sont partagés. La Loi sur le divorce et les questions relatives à la garde et au droit de visite qui en découlent relèvent de l'instance fédérale. Les provinces et les territoires, quant à eux, sont chargés des questions relatives à la garde et au droit de visite qui se posent hors d'un contexte de divorce.
Les ordonnances initiales concernant la garde et le droit de visite sont rendues en vertu de l'article 16 de la Loi sur le divorce. Selon le paragraphe 16(8), ce type d'ordonnance doit être fondé uniquement sur l'intérêt de l'enfant.
Le tribunal doit tenir compte de toutes les particularités de la situation de l'enfant et rendre la meilleure ordonnance possible dans l'intérêt de l'enfant. Le paragraphe 16(8) prévoit que le tribunal tienne compte de l'intérêt de l'enfant en fonction « de ses ressources, de ses besoins et, d'une façon générale, de sa situation ».
[Français]
La loi insiste sur l'importance de la relation entre l'enfant et ses deux parents. Selon le paragraphe 16(10), le tribunal doit respecter le principe selon lequel l'enfant doit avoir, avec chaque époux, le plus de contacts compatibles avec son propre intérêt et tenir compte du fait que la personne pour qui la garde est demandée est disposée ou non à faciliter ce contact avec l'autre parent.
[Traduction]
Lorsque la situation de l'enfant évolue de sorte que l'ordonnance initiale devient inadéquate, il est possible de retourner au tribunal pour faire modifier l'ordonnance. C'est le paragraphe 17(5) de la loi qui établit actuellement les conditions devant présider à la modification de l'ordonnance.
Avant de rendre une ordonnance modificative, le tribunal doit « s'assurer qu'il est survenu un changement dans les ressources, les besoins ou, d'une façon générale, dans la situation de l'enfant » depuis l'ordonnance précédente. La Cour suprême du Canada a précisé qu'il faut un changement majeur dans la situation de l'enfant et ce changement doit avoir un effet sur les besoins de l'enfant ou sur la capacité des parents de répondre à ces besoins d'une manière fondamentale.
Un changement important survenu dans la vie d'un des deux parents et ayant une incidence sur l'enfant peut être considéré comme un changement majeur dans la situation de l'enfant. Par exemple, il existe un cas, dans la jurisprudence de la Loi sur le divorce, où le fait que l'un des parents a été atteint d'une maladie incurable a été considéré comme un changement majeur dans la situation de l'enfant.
Une fois qu'il est établi qu'il y a eu un changement majeur dans la situation de l'enfant, le tribunal doit déterminer la teneur de la nouvelle ordonnance qui serait dans l'intérêt de l'enfant. Durant cette dernière étape, tout comme en vertu de l'article 16, le tribunal doit considérer sérieusement l'importance de la relation de l'enfant avec chaque ex-conjoint. Puisque les ordonnances initiales et les ordonnances modificatives concernant la garde et le droit de visite doivent être fondées sur l'intérêt de l'enfant, le tribunal a toute la latitude voulue pour rendre une ordonnance appropriée.
Le projet de loi C-252 vise à ajouter à la Loi sur le divorce le paragraphe 17(5.1), qui s'appliquerait dans les cas où un des deux parents serait atteint d'une maladie en phase terminale ou se trouverait dans un état critique.
Il y a deux aspects à la disposition envisagée. Premièrement, le paragraphe (5.1) prévoirait que « pour les besoins du paragraphe (5), la maladie en phase terminale ou l'état critique d'un ex-époux constitue un changement dans la situation de l'enfant à charge [...] ». La maladie terminale ou l'état critique d'un ex-époux serait donc réputé constituer un changement majeur de la situation de l'enfant. Par conséquent, si l'un des ex-époux réussit à démontrer, grâce à une preuve médicale, qu'il est atteint d'une maladie terminale ou d'un état critique, le premier critère du paragraphe 17(5) serait réputé rempli et le tribunal devrait trancher sur l'opportunité de réviser l'ordonnance initiale. Il s'agit d'un changement de fond par rapport à ce qui est prévu dans la loi actuelle.
Le paragraphe (5.1) prévoit que le tribunal « rend alors une ordonnance modificative relative à l'accès auprès de l'enfant qui est dans l'intérêt de celui-ci ». L'ordonnance modificative doit être rendue dans l'intérêt de l'enfant. Ainsi, le tribunal doit tenir compte de toutes les particularités de la situation de l'enfant pour rendre une ordonnance appropriée. Par exemple, le tribunal devra fixer la fréquence des visites et décider si une personne doit être présente lors de ces visites.
Comme vous le savez, au cours de la présentation au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, une modification a été proposée par le gouvernement en vue de modifier l'ancien libellé du projet de loi, à savoir : « le tribunal veille alors à ce que l'ex-époux obtienne le droit d'accès à l'enfant aussi longtemps que cela est compatible avec l'intérêt de l'enfant ». Le nouveau libellé, comme je l'ai dit plus tôt, prévoit que le tribunal « rend alors une ordonnance modificative relative à l'accès auprès de l'enfant qui est dans l'intérêt de celui-ci ». L'expression « veiller à ce que » aurait pu se lire de manière à donner l'impression que le tribunal serait obligé de garantir le droit d'accès ou l'exécution d'une ordonnance. Le libellé actuel est davantage conforme à ce qui est prévu dans la Loi sur le divorce.
J'espère que cette information est utile; nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je vous écoutais en essayant d'apprendre. La Loi sur le divorce ainsi que la première détermination relative à la garde et au droit de visite relèvent du fédéral. Ai-je bien entendu que les modifications, par la suite, sont du ressort des provinces?
Mme Farid : Au Canada, les pouvoirs constitutionnels sont partagés de telle façon que les ordonnances concernant le divorce sont de compétence fédérale. Mais les ordonnances hors du contexte d'un divorce — par exemple, dans le cas des couples en union de fait ou des couples mariés qui ne divorcent pas — relèvent des tribunaux provinciaux.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez probablement entendu mon discours, mais pourquoi y a-t-il eu, au cours des délibérations du comité, cette discussion teintée de négativisme au sujet de l'auteur et de la provenance du projet de loi? Comme je l'ai dit dans mon discours, lors des audiences du comité de la Chambre des communes, une discussion plutôt inquiétante s'est engagée quant à savoir qui avait rédigé l'amendement, d'où il venait et s'il émanait des fonctionnaires du ministère de la Justice. On a qualifié certains de ces facteurs inconnus de « zones grises qui risquent de poser problème ».
Une avocate-conseil du ministère de la Justice a déclaré au comité de la Chambre des communes : « Je veux seulement clarifier le fait que ce n'est pas le ministère qui propose cela. Nous avons proposé différentes options devant être considérées. »
Lise Lafrenière-Henrie, avocate-conseil, coordonnatrice, Politique en matière du droit de la famille : Pour ce qui est du négativisme du débat, malheureusement, nous ignorons de quoi il retourne. Peut-être y a-t-il eu des discussions au niveau politique. Quant à l'identité des rédacteurs du projet de loi, c'est toujours un grand groupe de personnes qui participent à la rédaction de n'importe quel type de mesure législative sur le plan gouvernemental. C'est un travail collectif, et non individuel. Au bout du compte, il s'agit d'une recommandation à l'intention du ministre, qui décidera des amendements à proposer. Voilà la réponse, en somme. Le cabinet du ministre prend une décision — comme il l'a fait, en l'occurrence — quant aux modifications à recommander.
Pour clarifier la question de la position du ministère et de son appui à l'égard du projet de loi, je répète qu'il ne lui revient pas d'adopter une quelconque position vis-à-vis de ces mesures législatives. C'est dans ce contexte qu'on a émis ce commentaire. Le ministère ne peut se prononcer sur ce genre de questions. Toutes les recommandations relatives aux aspects légaux du projet de loi ont été adressées au ministre, puis communiquées au député.
Le président : J'aimerais intervenir ici, car on a posé une question et je n'ai pas entendu de réponse. Vous avez dit ceci devant le comité : « nous avons proposé différentes options devant être considérées. » Quelles étaient ces options?
Mme Lafrenière-Henrie : En tant que fonctionnaires, nous donnons des conseils au ministre, qui en tient compte et prend une décision. Comme les membres le savent certainement, nous ne pouvons parler d'aucun conseil donné au ministre. Cela ne sert qu'aux fins d'une discussion.
Le sénateur Trenholme Counsell : Il y a deux choses. Premièrement, le sénateur Nancy Ruth a proposé de changer « constitue » pour « pourrait constituer ». J'aimerais avoir quelques précisions quant à l'importance de ce changement, du point de vue législatif. Je crois comprendre; je ne dis pas que je suis pour ou contre, mais je pense que nous devrions en discuter avec les experts juridiques.
Deuxièmement, à mes yeux, « grave » a une signification. Y aurait-il moyen d'intégrer une disposition quelconque au projet de loi pour qu'une maladie qui doit durer un an, dix ans ou autre ne serve pas nécessairement de justification pour rendre une ordonnance modificative? Autrement dit, on a recouru à l'expression « état critique » — mais, pour parler en langage courant, je pense qu'une dépression nerveuse pourrait constituer un état critique. Y aurait-il moyen de définir ces termes — la maladie en phase terminale et l'état critique?
Mme Farid : En ce qui concerne la première question, cette notion d'obligation revient à deux endroits dans la disposition. J'ai cru comprendre que le sénateur Nancy Ruth faisait référence à ces deux occurrences; est-ce exact?
Le sénateur Nancy Ruth : Oui.
Mme Farid : Si la disposition devait se lire ainsi « la maladie en phase terminale ou l'état critique d'un ex-époux pourrait constituer un changement dans la situation », il ne s'agirait plus d'une disposition déterminative faisant en sorte qu'il y ait un changement de situation dans tous les cas où la maladie en phase terminale ou l'état critique a été prouvé. C'est la question de fond que le comité doit trancher, à savoir s'il estime ce changement approprié. Mais il s'agirait d'une modification importante à la disposition.
De même, le fait de changer « rend alors une ordonnance modificative relative à l'accès » pour « pourrait alors rendre une ordonnance modificative relative à l'accès » rendrait cette exigence non obligatoire, et conférerait davantage de pouvoir discrétionnaire.
Par ailleurs, le libellé de cette disposition pourrait être problématique, parce qu'on aurait à trancher la question de savoir si elle est discrétionnaire et si la décision doit être prise dans l'intérêt de l'enfant. Cela se lirait ainsi : « le tribunal pourrait rendre une ordonnance modificative relative à l'accès auprès de l'enfant qui est dans l'intérêt de celui-ci ». Ainsi, cela pose problème. Pour faire en sorte que l'intérêt de l'enfant soit le critère, on devrait remanier le libellé au-delà du simple remplacement de « rend » par « pourrait rendre ». Encore une fois, il s'agit de questions de fond que le comité doit trancher.
L'autre question, celle de « grave » par rapport à « critique », concerne une terminologie différente. Je ne pense pas que nous serions prêts, à ce stade-ci, à vous donner une réponse quant au terme qui serait le plus approprié. Il s'agirait de déterminer quel objectif de politique vous tentez d'atteindre, et si c'est un sujet dont le comité souhaite discuter de façon plus approfondie.
Mme Lafrenière-Henrie : Actuellement, en vertu de la Loi sur le divorce, la cour a le pouvoir discrétionnaire d'émettre ce type d'ordonnance. Comme Mme Farid l'a mentionné dans son allocution initiale, la cour a déjà, par le passé, établi qu'une maladie constituait un changement de situation. Cette possibilité existe.
Cet amendement apporterait davantage de clarté et pourrait aider un parent qui se trouve déjà dans une telle situation de satisfaire, à tout le moins, plus rapidement au critère de changement. Une fois sa décision prise, la cour a encore le pouvoir discrétionnaire — toujours selon le même critère, c'est-à-dire l'intérêt de l'enfant — de déterminer la meilleure ordonnance d'accès à adopter dans les circonstances. Cette ordonnance pourrait prévoir que le parent doit continuer à voir l'enfant avec l'assistance de quelqu'un, car il n'est plus en mesure de le faire seul. Cet amendement confère cette plus grande clarté.
Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de la façon dont on définit la maladie, la cour dispose déjà d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Entrer dans des définitions pourrait avoir comme effet d'imposer des limites dans certains cas où elles ne sont pas souhaitables. Il est probablement préférable de laisser cela au tribunal, mais de faire en sorte que ce principe soit appliqué.
Le sénateur Nancy Ruth : Je constate que certains termes de la disposition évoquent la contrainte.
Avez-vous une idée de ce qu'est une maladie en phase terminale et de la façon dont les tribunaux définissent habituellement cette expression?
Mme Farid : Il y a une affaire visée par la Loi sur le divorce où la cour a tranché qu'une maladie en phase terminale constituait un changement important dans la situation. Dans ce cas-là, on avait diagnostiqué chez la mère un cancer en phase terminale et établi qu'il ne lui restait plus qu'un certain temps à vivre; le tribunal a donc pris cette décision. Il existe d'autres exemples où les tribunaux ont appliqué le concept de maladie en phase terminale en ce qui concerne des causes de droit familial relatives à la garde et à l'accès.
Le sénateur Nancy Ruth : Ils l'ont appliqué dans les deux cas, l'accès et la garde?
Mme Farid : Dans les affaires dont je parle, il s'agissait du droit de visite et de déterminer si celui-ci devait faire l'objet d'une modification ou non, ou encore d'établir si un parent devrait être en mesure de partir en vacances avec un enfant lorsque l'autre parent est aux prises avec une maladie en phase terminale.
Le sénateur Nancy Ruth : Cette maladie en phase terminale a-t-elle duré pendant moins de 12 mois ou pendant une période inconnue et indéterminée?
Mme Farid : Je ne me souviens pas de la durée de la maladie dans ce cas particulier.
Le sénateur Nancy Ruth : À quels critères les provinces recourent-elles pour évaluer les droits d'un parent par rapport à ceux d'un enfant?
Mme Farid : Dans toutes les provinces du Canada, le critère est ce qui constitue le meilleur intérêt de l'enfant.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce la seule disposition, dans la Loi sur le divorce, où l'on demande une ordonnance modificative en fonction de la situation du parent plutôt qu'en fonction du critère traditionnel qui consiste à se préoccuper uniquement de la situation de l'enfant? Y a-t-il d'autres dispositions en ce sens?
Mme Farid : Je pense que l'intérêt de l'enfant nécessite qu'on ne tienne pas seulement compte de la situation de ce dernier, mais aussi de n'importe quelle situation du parent qui aurait un impact pour lui. C'est inhérent au concept de l'intérêt de l'enfant. Si un fait pertinent pour les parents doit avoir une incidence pour l'enfant, il fera partie des facteurs que le tribunal considérera.
Le sénateur Nancy Ruth : Y a-t-il une règle de droit autre que la jurisprudence? On nous demande d'intégrer cela à la Loi sur le divorce. Y a-t-il une autre disposition de cette loi qui prévoit que la situation du parent doit être mise en parallèle avec le critère de l'intérêt de l'enfant?
Mme Farid : Nulle part ailleurs, dans la Loi sur le divorce, on ne mentionne la situation particulière du parent; mais c'est un facteur qu'on considérerait sous l'angle de l'intérêt de l'enfant.
Le sénateur Nancy Ruth : A-t-on consulté des avocats en droit familial de partout au pays? Ce sont eux qui auront à défendre cette cause de part et d'autre.
Mme Farid : Pas à notre connaissance.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce courant pour le ministère de la Justice, lorsqu'une mesure législative relève de la compétence fédérale?
Mme Farid : Il ne s'agit pas d'un projet de loi d'initiative gouvernementale, mais d'un projet de loi émanant d'un député.
Le sénateur Nancy Ruth : Qu'est-ce que cela signifie sur le plan de la consultation?
Mme Farid : Comme ce n'est pas un projet de loi qui émane du ministre de la Justice, le ministère de la Justice n'en est pas responsable de la même façon qu'il le serait pour un projet de loi d'initiative ministérielle.
Le sénateur Nancy Ruth : Donc, vous ne posez pas de questions. Est-ce bien ce que vous me dites? Vous nous demanderiez de créer une loi que vous n'avez pas mise à l'épreuve, contrairement à ce que vous feriez normalement dans le cas d'un projet de loi du gouvernement? Je suis un nouveau sénateur, alors je ne suis pas au courant de ces choses.
Mme Lafrenière-Henrie : Lorsqu'un projet de loi émanant d'un député est présenté, le ministère intervient après coup. Une fois ce projet de loi déposé, on n'a pas la possibilité de formuler des observations, sauf peut-être pour ce qui est de prendre connaissance de différentes questions. Mais le ministère ne peut donner son avis avant la présentation du projet de loi. C'est ainsi qu'on procède d'ordinaire. Les idées ou opinions sont habituellement exprimées au préalable en ce qui concerne l'orientation stratégique.
Le sénateur Nancy Ruth : Il me semble qu'il suffirait d'un courriel et de deux minutes pour consulter les présidents des sections du droit de la famille des barreaux.
Le président : Ils ne sont pas les parrains du projet de loi.
Le sénateur Nancy Ruth : Je comprends cela. Certains avocats en droit familial ont des inquiétudes.
Le sénateur Keon : Pourriez-vous me dire comment ce projet de loi accélèrera le processus pour une famille qui éprouve un problème? D'après mon expérience, les événements surviennent rapidement; un jour, tout va bien, et le lendemain, la famille apprend qu'un de l'un de ses membres va mourir, parfois dans quelques heures, parfois dans quelques jours ou semaines. Mais les tribunaux sont lents. Ce projet de loi fera-t-il accélérer le processus judiciaire? Si non, pourrait-on ajouter une disposition à cet effet dans cette mesure législative?
Mme Lafrenière-Henrie : Le processus judiciaire fait partie intégrante de l'administration de la justice, qui relève elle-même de la compétence des provinces et territoires. Quant à ce que nous pouvons faire au niveau fédéral, cette mesure est utile en ce sens que le changement dans la situation sera davantage reconnu et que, par conséquent, on passera moins de temps à entendre l'affaire qu'on ne le fait à l'heure actuelle.
Pour ce qui est du temps que cela prend avant d'arriver devant le juge, on peut probablement déjà utiliser l'urgence de la situation familiale comme justification pour faire avancer plus rapidement les choses au moyen d'une requête urgente, mais ce type de mesure législative ne permet pas de régler la question plus large des retards dans le système judiciaire. Elle constituerait certainement un progrès pour ce qui est de faciliter le processus et de le rendre plus rapide, mais je doute que cela aille plus loin.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je pense que vous avez peut-être mis le doigt sur la réponse quand vous avez dit que ce n'était pas un projet de loi émanant du ministère de la Justice. Je n'ai jamais vu le ministre parler de ce projet de loi, que ce soit à la Chambre ou devant un comité.
Mme Farid : Non, je ne crois pas.
Le sénateur Trenholme Counsell : Le secrétaire parlementaire l'a fait, mais pas le ministre. Si cela avait été un projet de loi du gouvernement, le ministre aurait-il automatiquement témoigné?
Mme Lafrenière-Henrie : Dans le cas d'un projet de loi du gouvernement, ce n'est pas non plus nécessairement le ministre qui témoignera; le secrétaire parlementaire pourra le faire en son nom.
Le président : J'en déduis que le secrétaire parlementaire a parlé en faveur de cette mesure législative et pourrait s'adresser aux fonctionnaires du ministère de la Justice pour connaître leurs avis à son sujet?
Mme Lafrenière-Henrie : Oui.
Le président : Il a reçu ce genre d'avis dont vous ne pouvez nous parler aujourd'hui, et s'est finalement prononcé en faveur de cette mesure législative. Je peux tirer une conclusion.
Les fonctionnaires ont-ils d'autres questions? D'accord, merci beaucoup.
Honorables sénateurs, nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi. Nous pouvons procéder de deux façons. Soit nous formulons des remarques d'ordre général d'abord puis passons à l'étude article par article ensuite, soit nous faisons toutes les remarques souhaitées au cours du processus. D'une façon ou d'une autre, le résultat est le même.
Le sénateur Cordy : Il n'y a qu'un seul article dans le projet de loi.
Le président : C'est vrai. Dois-je procéder article par article?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Nancy Ruth : Laissez-moi lire d'abord; je suis prête à concéder qu'on y laisse les termes impliquant une contrainte. Cela oblige la cour à agir, mais j'ai quand même beaucoup de préoccupations à ce sujet, et je ne voterai certainement pas en sa faveur au Sénat.
Le président : L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté. Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Oui.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence. Voulez-vous que je fasse rapport du projet de loi au Sénat sans amendements ni observations?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté. Voilà. Le projet de loi est renvoyé au Sénat pour une troisième lecture.
La séance est levée.