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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 24 - Témoignages - 7 juin 2007


OTTAWA, le jeudi 7 juin 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour étudier la situation de l'éducation et de la garde des jeunes enfants au Canada à la lumière du rapport Petite enfance, grands défis II publié par l'OCDE les 21 et 22 septembre 2006, qui classe le Canada au dernier rang de 14 pays pour ce qui est des fonds consacrés aux programmes d'éducation et de garde des jeunes enfants.

Le sénateur Jim Munson (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président suppléant : Bonjour à tous. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit pour examiner la situation de l'éducation et de la garde des jeunes enfants au pays. Il a été mentionné à quelques reprises, mais il convient de le répéter, que notre étude découle d'un rapport publié en septembre 2006 par le comité de l'éducation de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, dont le siège social se trouve à Paris, rapport intitulé Petite enfance, grands défis II : éducation et structures d'accueil. Ce rapport présente les progrès accomplis par 20 pays dans le domaine de l'éducation préscolaire et de la garde des enfants et offre des exemples de nouvelles initiatives mises en œuvre dans ces secteurs.

Selon ce rapport, qui a classé le Canada au dernier rang de 14 pays pour ce qui est des fonds consacrés aux programmes d'éducation et de garde des jeunes enfants, les politiques nationales et provinciales d'éducation et de garde des jeunes enfants au Canada en sont encore aux premières étapes et la couverture est faible si on la compare à celle d'autres pays de l'OCDE.

Cette conclusion ainsi que l'état général de l'éducation préscolaire et de la garde des jeunes enfants au Canada ont soulevé certaines inquiétudes au Sénat. À l'issue d'un débat constructif, il a donc été convenu que le comité examinerait ces questions.

Nous accueillons ce matin deux témoins, dont les propos seront importants pour nous. Le premier témoin sera Shawn Tupper, directeur général de la politique sociale, Ressources humaines et Développement social Canada.

Le deuxième témoin sera le Dr Gordon Chong, président de la Société des services de logement social. Le Dr Chong est l'ancien président du Comité consultatif ministériel sur l'Initiative sur les places en garderie. Le Dr Chong est dentiste et compte plus de 25 années d'expérience de la vie publique. Il m'a dit il y a un instant qu'il a fait partie du conseil municipal de Toronto pendant quelques années et qu'il a travaillé avec le président de notre comité, qui n'est pas ici aujourd'hui. Il compte 25 ans de vie publique, notamment à titre de conseiller élu au sein d'une administration municipale.

Messieurs, soyez les bienvenus.

Shawn Tupper, directeur général, Politique sociale, Ressources humaines et Développement social Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. J'ai l'intention de vous donner un aperçu des engagements pris par le gouvernement fédéral pour aider les familles avec de jeunes enfants, y compris dans le domaine de la garde des enfants. Je sais que vous vous intéressez en particulier aux investissements du Canada tels qu'ils sont présentés dans le rapport de l'OCDE intitulé Petite enfance, grands défis II : éducation et structures d'accueil. Je vous donnerai aussi quelques renseignements relatifs aux mesures de soutien offertes par le gouvernement du Canada, dont le récent plan universel pour la garde d'enfants et la manière dont il s'intègre dans l'éventail des mesures de soutien offertes aux familles canadiennes avec de jeunes enfants.

Comme vous le savez, au Canada, tous les ordres de gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales, jouent un rôle dans le soutien des familles avec enfants. Mes observations porteront exclusivement aujourd'hui sur le rôle du gouvernement fédéral.

En septembre dernier, j'ai eu le plaisir de me retrouver en Italie pour la publication du rapport de l'OCDE intitulé Petite enfance, grands défis II : éducation et structures d'accueil. Le rapport porte sur les politiques concernant l'éducation de la petite enfance et la garde d'enfants et il décrit les initiatives prises par 20 pays participants, dont le Canada, depuis le lancement de l'examen en 1998.

Récemment, il a été beaucoup question du niveau des investissements du Canada dans ce domaine. Le président du comité l'a mentionné dans son introduction. Je fais allusion en particulier à un tableau qui figurait dans le rapport de l'OCDE montrant que les investissements du Canada en 2003 correspondaient à 0,2 p. 100 du PIB, chiffre qui a été reproduit — plutôt à tort, selon nous — dans d'autres publications. D'autres témoins qui ont comparu devant vous ont sans doute mentionné ce tableau, et je parlerai de notre analyse un peu plus tard.

Il est difficile de faire des comparaisons entre les pays pour un certain nombre de raisons. En premier lieu, même l'OCDE reconnaît que les chiffres qu'elle a fournis ne peuvent être facilement comparés parce qu'il arrive souvent que des chiffres fiables ne soient pas disponibles. Les données posent un grand défi à tous les pays lorsqu'ils doivent analyser et évaluer la situation de la garde et du développement des enfants. La plupart des pays interprètent ces données différemment, en particulier dans le domaine des services préscolaires, d'où la difficulté d'évaluer ces chiffres et d'établir des comparaisons.

En deuxième lieu, contrairement aux investissements des autres pays, qui peuvent inclure les dépenses pour la garde d'enfants, les chiffres pour le Canada présentés dans ce rapport comprennent seulement les investissements faits à l'égard de la prématernelle et la maternelle. Autrement dit, les chiffres du Canada excluent les investissements dans l'apprentissage et la garde des jeunes enfants.

En troisième lieu, étant donné que le tableau porte uniquement sur les services et seulement sur ceux qui visent les enfants âgés de trois à six ans, il ne donne pas une idée complète de tout l'éventail des investissements des pays dans la garde d'enfants. Cette précision est importante pour le Canada puisque les mesures de soutien direct aux familles avec de jeunes enfants, les transferts aux provinces et aux territoires et les investissements importants dans les prestations de maternité et parentales constituent une proportion considérable des investissements que fait le Canada à l'égard des jeunes enfants.

Depuis toujours, le gouvernement fédéral a eu recours à divers leviers stratégiques pour aider les familles à prendre soin de leurs enfants. Mentionnons en particulier les mesures de soutien direct du revenu, comme la prestation fiscale canadienne pour enfants, la PFCE, et le supplément de la prestation nationale pour enfants, le SPNE, pour lesquels les investissements fédéraux sont passés de 6 milliards de dollars en 1999-2000 à 9,2 milliards de dollars en 2006-2007. Il est bon de signaler que certaines administrations ont choisi de consacrer les économies dont elles bénéficient sous la forme de prestations fédérales grâce au SPNE à leurs propres initiatives pour la garde d'enfants. En outre, le gouvernement fédéral offre depuis longtemps des mesures de soutien permettant aux parents de rester au foyer pour s'occuper de leurs enfants, comme les prestations de maternité et parentales de l'assurance-emploi et la clause d'exclusion pour élever des enfants du Régime de pensions du Canada, de même que la déduction pour frais de garde d'enfants aux parents qui travaillent afin de payer une partie de ces dépenses.

En outre, par le truchement du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le gouvernement fédéral continue d'augmenter les fonds qu'il verse aux provinces et aux territoires pour l'amélioration des programmes et des services dont ils sont les principaux responsables. Avec l'accord sur le développement de la petite enfance de 2000, les transferts aux provinces et aux territoires sont passés de 300 millions de dollars en 2001-2002 à 500 millions de dollars par année, et ce chiffre demeure constant. Avec le cadre multilatéral de 2003 pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, le financement est passé de 25 millions de dollars en 2003-2004 à 350 millions de dollars cette année.

Le gouvernement fédéral investit aussi dans des programmes et des services directs pour les enfants autochtones; mentionnons l'initiative de garde d'enfants à l'intention des Premières nations et des Inuits, le programme d'aide préscolaire aux Autochtones des réserves et le programme d'aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques. Il y a aussi des mesures de soutien pour le développement de la petite enfance à l'intention des familles de militaires.

Les études nous apprennent que les familles subissent de nombreuses pressions et doivent exercer des choix lorsqu'il s'agit de concilier le travail et la vie familiale. Certaines doivent compter sur des services de garde à l'extérieur du milieu familial, d'autres doivent travailler en dehors des heures normales ou avoir un régime de travail flexible, tandis que dans certains cas, un des parents reste au foyer à plein temps.

En 2002-2003, 47 p. 100 des parents qui travaillaient ou étudiaient gardaient encore eux-mêmes leurs enfants, 53 p. 100 comptaient sur des services à l'extérieur du foyer comme les garderies et les maternelles, ou encore sur la garde en milieu familial. La majorité des familles qui comptaient sur la garde à l'extérieur du foyer n'avaient pas recours à des services de garde agréés, mais plutôt à des parents, des voisins et des amis de la famille.

En 2006, le gouvernement a commencé à offrir la prestation universelle pour la garde d'enfants, qui vise à apporter aux parents les ressources nécessaires pour payer le coût des services de garde qu'ils choisissent d'utiliser. La prestation universelle pour la garde d'enfants procure à chaque famille 100 $ par mois, jusqu'à concurrence de 1 200 $ par année, pour chaque enfant de moins de six ans. Cette prestation, en vigueur depuis juillet 2006, est versée chaque mois à 1,5 million de familles comptant près de deux millions d'enfants. Au total, 2,4 milliards de dollars par année seront ainsi versés aux familles ayant de jeunes enfants.

Compte tenu du fait que de nombreux parents au Canada se heurtent à la pénurie de places en garderie, le gouvernement fédéral s'est engagé devant le budget de 2007 à subventionner la création de places en garderie. Dans le cadre de cet engagement, le gouvernement du Canada a entrepris des consultations auprès d'une vaste gamme d'intervenants, dont les gouvernements provinciaux et territoriaux, les entreprises, les fournisseurs de services de garde à but lucratif et sans but lucratif ainsi que les organisations communautaires, afin de concevoir l'initiative de manière éclairée.

En outre, à l'automne, nous avons constitué un comité consultatif ministériel composé de dirigeants locaux, d'employeurs et de spécialistes de la garde d'enfants, dont le mandat consiste à exprimer des avis sur la façon dont les leviers fédéraux pourraient être les mieux utilisés pour subventionner la création de places en garderie. Le Dr Chong pourra parler davantage des constatations faites par le comité.

Dans le dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé que les transferts aux provinces et aux territoires par le truchement du Transfert canadien en matière de programmes sociaux seront augmentés de 250 millions de dollars pour favoriser la création de places en garderie. En 2007-2008, les transferts aux provinces et aux territoires destinés au développement de la petite enfance et aux services de garde totaliseront 1,1 milliard de dollars et augmenteront ensuite de 3 p. 100 par année. La compétence première en matière de services de garde appartient aux provinces et aux territoires, qui doivent avoir toute la latitude nécessaire pour développer et améliorer leurs réseaux actuels de garde d'enfants.

Le gouvernement fédéral a aussi annoncé, dans le budget de 2007, un crédit d'impôt à l'investissement de 25 p. 100 pour les employeurs qui établissent des places en garderie pour leurs employés, ainsi qu'un nouveau crédit d'impôt pour enfants de 2 000 $ qui procurera des économies d'impôt de 310 $ pour chaque enfant de moins de 18 ans.

Voilà qui me ramène au tableau figurant dans le rapport de l'OCDE. J'aimerais profiter de l'occasion aujourd'hui pour dire au comité que les données remontent à 2003 et ne constituent peut-être pas un reflet exact de notre situation aujourd'hui. Depuis ce temps, les investissements ont augmenté tant au niveau fédéral que dans les provinces.

En 2007, les investissements prévus du Canada sous la forme à la fois de mesures de soutien direct et de transfert aux provinces et aux territoires pour les services relatifs à la garde d'enfants dépasseront 9 milliards de dollars, soit environ 0,75 p. 100 du PIB, et continueront d'augmenter. Ce chiffre ne comprend pas les dépenses des provinces ou des territoires pour la prématernelle ou la maternelle. Je ne connais pas les données récentes sur ces dépenses, mais je pense qu'elles feraient passer le total à 0,95 p. 100 — un peu moins de 1 p. 100 — du PIB du Canada.

Je vais m'arrêter ici. J'espère vous avoir donné un aperçu de l'ampleur des initiatives qui ont lieu actuellement au pays, en particulier dans le contexte du système fédéral. Je suis ravi de m'entretenir avec vous aujourd'hui et je serais heureux de transmettre au comité des documents détaillés sur les mesures dont j'ai parlé.

Dr Gordon Chong, président, Société des services de logement social; ancien président, Comité consultatif ministériel sur l'Initiative sur les places en garderie : Je remercie les honorables sénateurs de m'avoir invité à comparaître devant le comité.

Je m'adresse à vous en ma qualité de président du Comité consultatif ministériel sur l'Initiative sur les places en garderie. Huit membres aux opinions et expertises les plus diverses ont participé à ce comité à titre d'employeurs, de professionnels des services de garde et de représentants d'organismes à but non lucratif. Diane Finley, ex-ministre des Ressources humaines et du Développement social du Canada, RHDSC, nous a désignés en septembre 2006 afin de conseiller le gouvernement sur les meilleurs moyens de répondre aux besoins en service de garde pour les familles canadiennes et de comprendre les divers rôles et intérêts des employeurs de ce secteur. La ministre Finley nous avait demandé de faire des recommandations sur la mise en œuvre de l'initiative. On nous a également demandé de conseiller le gouvernement fédéral sur la façon d'augmenter le nombre de places en garderie au Canada et de proposer des moyens pour mesurer et vérifier le succès de l'initiative. On nous a demandé précisément de nous concentrer sur les leviers fédéraux. Il est juste de dire que, compte tenu des contraintes de temps, nous n'avons pas eu la tâche facile.

Tout d'abord, le comité a examiné l'évolution historique et le contexte économique et social des services de garde au Canada. Nous avons également examiné les difficultés auxquelles sont actuellement confrontés ces services du point de vue des familles ainsi que des professionnels et employeurs de ce secteur. De plus, RHDSC nous a informés des résultats des consultations menées au cours de l'été et en début d'automne sur l'initiative. Je peux dire que ces consultations ont été longues et nous avons tous été bien informés à leur sujet. Les fonctionnaires du ministère ont rencontré des porte-parole des gouvernements provinciaux et territoriaux, des employeurs de petites, moyennes et grandes entreprises de divers secteurs, des professionnels des services de garde, des organisations de parents et des intervenants et experts régionaux et nationaux de chaque province et territoire. Le comité a également entendu, par le truchement d'une conférence téléphonique, les points de vue des sous-ministres provinciaux et territoriaux responsables des services sociaux. J'ai personnellement eu des conversations non officielles avec bon nombre d'entre eux également.

Nous avons ensuite exploré et examiné un échantillonnage des différentes options qui existent au Canada en matière de services de garde et les défis que pose la recherche d'un service de garde. Les membres du comité ont visité divers services de garde et nous avons examiné les conclusions d'un grand nombre d'études et de rapports réalisés sur cette question aux niveaux national et international, dont le rapport de l'OCDE. Le comité s'est également penché sur les aspects positifs et les lacunes de ce secteur, et sur ce qui peut être fait pour faciliter la création de nouvelles places en garderie et favoriser l'amélioration, l'enrichissement et la stabilisation des places nouvelles et de celles qui existent déjà. Nous nous sommes également penchés sur la façon dont l'initiative pourrait garantir des investissements dans des services de garde de qualité tout en respectant les divers besoins et préférences de l'ensemble des familles canadiennes.

Le comité a reconnu que les familles canadiennes d'aujourd'hui sont de plus en plus petites, qu'il y a plus de mères avec de jeunes enfants qui travaillent à l'extérieur, plus de pères qui participent aux soins des enfants et plus de grands- parents sur le marché du travail. Nous avons également constaté que la demande en services de garde varie d'une famille à l'autre.

Le comité a présenté dix recommandations axées sur quatre approches ou stratégies que le gouvernement du Canada pourrait adopter afin d'atteindre les objectifs de l'Initiative sur les places en garderie. Conformément à notre mandat, nous nous sommes concentrés sur les mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre en utilisant les leviers fédéraux tout en respectant les rôles importants des administrations municipales et des gouvernements provinciaux et territoriaux au chapitre de la réglementation et du soutien des services de garde, partout au pays.

La première approche consiste à accroître le nombre de places en garderie. Nous avons constaté qu'à certains endroits, il faut créer de nouvelles places, tandis qu'ailleurs, les installations existantes doivent être modernisées, améliorées ou agrandies. Comme le gouvernement s'est montré particulièrement intéressé à ce que les employeurs participent à cette initiative, le comité consultatif ministériel a recommandé différentes mesures visant à les encourager à participer à la création de ces places.

Nous avons recommandé, dans une deuxième approche, de diminuer la demande de places en garderie afin de régler le problème de disponibilité. Ainsi, nous avons exploré divers moyens qui permettraient de mieux soutenir les parents qui sont à la maison avec leurs enfants soit à temps partiel ou à temps plein.

Troisièmement, nous avons proposé que le gouvernement du Canada bonifie la nouvelle prestation universelle de garde d'enfants par d'autres mesures qui permettraient aux parents de payer des services de garde de qualité. Enfin, le comité a recommandé la mise en place d'une stratégie de communication qui sensibilisera les employeurs et les aidera à mieux comprendre les besoins en services de garde pour qu'ils soient mieux en mesure de répondre aux besoins des employés, des parents et des professionnels de ce secteur. Ils auront également une meilleure connaissance des moyens mis à leur disposition au niveau fédéral à ce chapitre.

Le comité a adopté une approche générale qui reflète la complexité des services de garde au Canada. Nous avons présenté notre rapport au ministre Solberg en janvier 2007. Le rapport fait état des expériences des membres du comité et de leurs délibérations sur les moyens de combler l'écart entre l'offre actuelle et la demande croissante pour des services de garde de qualité.

Nous croyons que nos recommandations donnent au gouvernement un vaste éventail d'options qu'il pourra analyser en vue d'investissements futurs dans les services de garde.

En conclusion, le point de vue que je vous offre n'est pas seulement celui d'un intervenant de la scène municipale, mais aussi celui d'un père et d'un grand-père. J'ai quatre petits-enfants, dont le premier a trois ans et le dernier compte cinq mois de vie foetale. Voilà un vocabulaire qui saurait plaire au corps médical. Dans le cadre de cet exercice, j'ai fait d'autres lectures sur le développement de la petite enfance. J'ai la liste de ces documents ici pour les férus de sciences et les autres. Les membres de votre comité ont une occasion sans précédent d'examiner la situation des services de garde, du développement et de l'éducation de la petite enfance « et cetera ». Les Canadiens et le Canada ont assez de maturité et de confiance pour pouvoir analyser les critiques formulées dans des rapports provenant d'autres pays. Il faut bien sûr en tenir compte, mais j'espère que nous serons plus proactifs que réactifs et que nous tracerons notre propre voie dans cet important domaine que constituent les services de garde, le développement et l'éducation de l'enfant, ce qui s'inscrit dans une continuité pour tous les Canadiens.

Le sénateur Callbeck : D'abord, monsieur Tupper, je vais vous poser des questions sur les programmes gouvernementaux que vous avez mentionnés. Dans le cadre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, l'argent versé aux provinces pour la création de places en garderie va augmenter. Quels sont les critères? Les provinces peuvent-elles dépenser l'argent comme bon leur semble ou doivent-elles respecter certains critères?

M. Tupper : Nous sommes sur le point d'entamer des discussions avec les provinces et les territoires à cet égard, alors nous n'avons pas encore conclu d'entente. Il était précisé dans le budget que l'argent serait transféré sous réserve d'une discussion entre les paliers de gouvernement. En ce qui concerne les 250 millions de dollars, nous prévoyons que les nouveaux rapports seront établis dans le cadre actuel, soit les ententes multilatérales de 2000 et de 2003. Dans ce contexte, tous les gouvernements ont convenu des mesures qu'ils vont examiner et des principes sous-jacents à l'établissement des rapports.

Le sénateur Callbeck : Rien n'a encore été conclu avec les provinces.

M. Tupper : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'un crédit d'impôt à l'investissement de 25 p. 100 sera accordé aux employeurs qui créent des places en garderie pour leurs employés. Cette mesure n'a-t-elle pas été mise à l'essai en Ontario, sans trop de succès?

M. Tupper : Un programme semblable a été mis en place en Ontario et a été aboli parce qu'il ne fonctionnait pas. M. Chong pourra vous en parler également. Nous avons cru que le moment était peut-être venu de reprendre cette idée. Des employeurs nous ont dit qu'ils étaient intéressés à avoir pareil mécanisme, d'une part, pour avoir un avantage concurrentiel et attirer des employés et, d'autre part, parce que ce sont de bonnes entreprises citoyennes qui souhaitent offrir des avantages à leurs employés. Certains employeurs nous ont dit qu'ils étaient intéressés à profiter d'un incitatif quelconque, alors c'est ce que le gouvernement a offert dans le dernier budget. Il est impossible de dire à l'heure actuelle quel sera le taux de participation. Toutefois, à la lumière des entretiens que nous avons eus au cours de l'été et de l'automne derniers, nous croyons qu'il existe un intérêt à l'heure actuelle.

Le sénateur Callbeck : J'ai beaucoup de réserve à l'égard du crédit d'impôt pour enfant de 2000. Par exemple, une mère seule qui vit sous le seuil de la pauvreté ne paie pas d'impôt sur le revenu. Elle ne peut donc pas profiter du crédit. Pourquoi le gouvernement propose-t-il un programme qui exclut les gens qui devraient le plus en profiter?

M. Tupper : Le gouvernement a une panoplie d'initiatives en place; certaines sont universelles, certaines sont offertes à tous les Canadiens tandis que d'autres visent les Canadiens à faible revenu. Cette mesure n'est peut-être pas avantageuse pour une personne qui vit sous le seuil de la pauvreté, mais d'autres initiatives, comme le SPNE, visent davantage les familles à faible revenu.

Le sénateur Callbeck : Comme je l'ai dit, celle-ci me renverse vraiment.

Docteur Chong, vous avez parlé de diminuer la demande pour les places en garderie et de modifier les prestations de maternité et les prestations parentales. Le comité consultatif ministériel a-t-il discuté des femmes entrepreneures et de la possibilité qu'elles contribuent à un fonds quelconque afin de pouvoir bénéficier de prestations de maternité?

Dr Chong : Nous avons examiné cet aspect en vue de réduire la demande et de mieux harmoniser les services offerts pour les nourrissons et les tout-petits. Nous voulions faire baisser la demande chez les nourrissons, simplement parce que ces services sont plus coûteux et exigent davantage de main-d'œuvre. Si l'on se fie à ce qui se passe au Québec, les familles aiment bien que la mère puisse demeurer à la maison pour s'occuper des jeunes enfants jusqu'à ce qu'ils commencent à marcher. Lorsqu'il y a congestion au sein d'un réseau, on s'efforce de réduire la demande. C'est l'une des raisons.

Il y a également une considération de nature plus intellectuelle. Dans les numéros de décembre 2006 et janvier 2007 du magazine francophone L'Actualité, il y avait des articles au sujet des plus récents développements dans les domaines de la plasticité synaptique et de la neurogénèse, notamment. Ce sont des sujets qui n'ont pas manqué de piquer notre curiosité.

Si je puis compléter le commentaire de M. Tupper concernant l'assurance-emploi, nous avions l'impression que les familles modernes avaient besoin d'aide, compte tenu du plus grand nombre de femmes se retrouvant sur le marché du travail. Il va de soi qu'une forme quelconque d'assistance s'impose à cet égard — les paiements directs ne suffisent pas, peut-être un soutien indirect serait-il préférable. Le régime d'assurance-emploi s'appuie sur des bases tout à fait logiques, car ce sont les intéressés qui y versent des cotisations, pendant que les employeurs sont également disposés à apporter leur contribution. Le régime ontarien a été abandonné parce qu'il n'avait pas été bien conçu. Quoi qu'il en soit, tous les employeurs auxquels nous avons parlé, des plus progressistes et des mieux sensibilisés qui avaient des services de garde sur place pour leurs employés et considéraient qu'il s'agissait d'un outil extrêmement important pour le recrutement et la rétention du personnel, jusqu'aux dirigeants des petites et moyennes entreprises, reconnaissaient clairement que c'est un avantage qu'il faut mettre à la disposition des familles. Les plus petites entreprises n'avaient pas les ressources nécessaires pour le faire directement. Elles étaient prêtes à offrir du soutien et de l'aide, mais elles ne pouvaient pas assurer le service elles-mêmes.

Il y a évolution de l'état d'esprit et de la volonté d'agir maintenant que les employeurs, dont un bon nombre ont eux- mêmes des enfants, sont davantage sensibilisés à la situation; ils n'arrivent tout simplement pas à voir quels mécanismes utiliser. En raison du peu de temps dont il disposait, notre comité n'a pas pu procéder à un examen détaillé. D'un point de vue conceptuel, nous croyons toutefois que c'est la chose à faire et nous encourageons le gouvernement à emprunter cette avenue. Nous espérons que votre comité pourra également mettre l'épaule à la roue pour appuyer ce concept et exhorter le gouvernement à agir.

Le sénateur Callbeck : Croyez-vous qu'il soit avantageux pour les femmes de pouvoir compter sur un fonds auquel les femmes entrepreneures peuvent cotiser pour avoir accès à des congés de maternité?

Dr Chong : C'est un aspect qui m'a échappé. Nous nous sommes également penchés sur la situation des travailleurs autonomes pour constater qu'au Québec, ils avaient effectivement accès à la protection du régime d'assurance-emploi. Bien qu'aucun système ne soit parfait, nous estimions que le gouvernement pourrait tirer des enseignements de la situation qui prévaut au Québec ainsi qu'ailleurs dans le monde. Le gouvernement devrait adopter une approche éclectique dans ce dossier. Notre pays devrait aller de l'avant de façon beaucoup plus mature et confiante, plutôt que de se contenter de réagir aux critiques à l'égard du système en place.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous beaucoup discuté de la question des femmes entrepreneures? Cela faisait partie des recommandations du Groupe de travail du premier ministre qui ont été déposées en 2003. J'étais membre de ce groupe de travail. Nous sommes allés dans toutes les régions du Canada. Partout, les femmes entrepreneures nous ont dit qu'elles avaient vraiment besoin d'un tel soutien. Chaque année, le nombre de femmes entrepreneures connaît une croissance exponentielle et elles obtiennent beaucoup de succès à la tête de petites entreprises.

Dr Chong : Nous avions une femme entrepreneure, Victoria Sopik, une mère de huit enfants, au sein de notre comité. Elle a mené des actions novatrices à cet égard à Toronto et à Calgary. Nous reconnaissons en principe que non seulement les femmes entrepreneures, mais l'ensemble des travailleurs autonomes, ne bénéficient pas de la protection voulue. C'est est l'un des aspects qui auraient mérité une attention plus soutenue. S'il y a une volonté en ce sens et si l'on peut dégager les ressources nécessaires, le jeu en vaudrait la chandelle. Notre comité a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'options en matière de service de garde pour les parents qui doivent ou qui souhaitent travailler.

Le sénateur Cochrane : Nos témoins d'hier nous ont appris qu'il y avait des places libres dans des garderies du Manitoba. Étiez-vous au courant?

M. Tupper : Nous sommes au courant que le pays est très grand. Il y a certains secteurs ou régions du pays où des places peuvent effectivement être disponibles. Il y en a également d'autres où aucune place n'est accessible, malgré la forte demande au sein de la collectivité. Je présume que dans certaines régions du Manitoba des places peuvent être libres, alors que la situation peut être plus difficile dans les secteurs ruraux de la province.

Le sénateur Cochrane : Compte tenu de votre position au sein du ministère, ne devriez-vous pas pouvoir nous fournir des données quant aux provinces où des places sont disponibles et à celles où il en faudrait davantage? On nous a également dit hier qu'on ne disposait pas de données suffisantes pour contribuer à la résolution de bon nombre des problèmes. Il y a également un manque au niveau de la recherche. Mme Friendly, de Toronto, nous a indiqué que ses recherches avaient dû être interrompues, faute de financement. Voudriez-vous nous parler de ce financement insuffisant de la part du gouvernement fédéral? C'est bien pour ce gouvernement que vous travaillez, n'est-ce pas?

M. Tupper : Tout à fait. Ressources humaines et Développement social Canada dépense des millions de dollars chaque année pour financer différentes mesures sociales, notamment pour la garde et le développement des jeunes enfants. Je pense qu'on peut affirmer sans crainte de se tromper que les fonds disponibles ne sont pas suffisants pour financer toutes les recherches pouvant être souhaitables; il faut donc établir des priorités et faire certains choix.

Je peux vous dire que les travaux de Mme Friendly ont toujours figuré parmi les priorités du gouvernement pour ce qui est de ses investissements annuels. Ces efforts vont désormais se poursuivre dans le cadre d'un processus public; nous avons lancé un appel d'offres pour des travaux de recherche dans le domaine où Mme Friendly se spécialise. Les provinces produisent également une bonne quantité de travaux de recherche et de données dans les secteurs relevant de leur compétence.

Une de nos difficultés vient du fait que certains éléments nous sont encore inconnus. Nous sommes bien renseignés sur les garderies agréées et les enfants participant à un programme de garde reconnu, mais nous n'en savons pas beaucoup sur les décisions que prennent les parents. Près de la moitié des enfants sont gardés à la maison ou dans le cadre d'un arrangement privé. Nous ne connaissons pas les motifs des choix des parents. Est-ce simplement une question de places insuffisantes ou plutôt un choix personnel de garder leurs enfants à la maison ou d'avoir recours à un arrangement privé? On pourrait investir dans la recherche à ce sujet.

Le sénateur Cochrane : Voici ce que nous déclarait hier le professeur Douglas Willms : « Nous n'avons pas d'étude nationale sur l'éducation et la garde des jeunes enfants. Nous avons l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, mais c'est passablement différent. Elle ne comporte pas assez de détails sur les programmes dans lesquels les enfants se trouvent, et elle ne porte pas non plus sur les questions d'offre et de demande dont vous parlez. »

C'est ce qu'il nous a dit. J'aimerais savoir si votre ministère est d'accord avec cette évaluation. Dans l'affirmative, quelles mesures ont été prises pour combler cette lacune? Combien d'argent votre ministère dépense-t-il expressément dans les domaines reliés à la garde des enfants?

M. Tupper : Pour répondre à votre question de portée plus générale, il va sans dire que nos difficultés viennent en partie du fait que les questions liées à la garde et au développement des jeunes enfants ne relèvent pas de la compétence fédérale. C'est un peu notre grand défi à nous. Au sein de l'OCDE, certains pays qui ont adhéré aux principes de fonctionnement communs les appliquent de manière différente en fonction de leur conjoncture particulière. De la même façon, au Canada, 13 gouvernements sont responsables de la mise en œuvre des programmes de garde d'enfants. Ils ont convenu d'un ensemble commun de principes, mais ont choisi des méthodologies et des modèles différents pour les mettre en œuvre. Il s'agit de voir ce qui nous manque. Nous savons ce qui se passe dans chacune des provinces. Nous ne brossons pas un tableau national de ces différentes situations en établissant un repère qui permettrait de les comparer. Cette lacune est attribuable en partie au fait que les provinces et les territoires ne souhaitent pas être comparés les uns aux autres.

Dr Chong : Nous devrions intensifier les recherches au Canada relativement à la composante éducative des programmes de garde et de développement des enfants, mais nous pourrions tirer des enseignements de certaines des études à long terme qui ont été menées aux États-Unis. Au début des années 1990, la Carnegie Corporation de New York a lancé un vaste programme de recherche. De 1962 à 1967, il y a également eu l'étude High/Scope Perry Preschool sur quelque 125 enfants vivant en milieu défavorisé. Il y a eu un suivi à long terme, y compris des recherches dans les domaines des sciences neurologiques et du comportement. On ne peut pas nécessairement présumer que la situation serait identique au Canada, mais s'il y a un pays avec lequel nous avons des points en commun, c'est certes celui qui est au sud de notre frontière. Je pense qu'il serait bon que vos recherchistes essaient de retracer une partie de ces travaux.

Le sénateur Cordy : À l'instar du sénateur Callbeck, j'arrive difficilement à comprendre le concept des crédits d'impôt pour la garde d'enfants. Les personnes que nous nous efforçons d'aider figurent parmi les plus démunies de notre société. La situation est particulièrement précaire pour les personnes vivant dans la pauvreté, celles qui ont un revenu faible et les petits salariés.

J'ai enseigné dans une école élémentaire et j'ai vu ces enfants clé au cou parce que leurs parents n'avaient pas les moyens de payer les services de garde. C'est la triste réalité. Parfois, nous aimerions croire que de telles choses n'arrivent pas ici au Canada, mais il suffit de travailler dans le système scolaire pour en être témoin. Je ne vois pas comment nous pouvons prétendre aider ainsi les plus nécessiteux, alors que ces gens n'ont pas un revenu suffisant pour payer des impôts et ainsi profiter de tels crédits.

M. Tupper : Pour le gouvernement fédéral, le problème vient partiellement du fait que nous n'offrons pas les programmes, ce qui ne nous permet pas de les concevoir à notre guise.

Le sénateur Cordy : Ce crédit d'impôt à l'intention de ceux qui n'ont pas un revenu suffisant pour payer des impôts est pourtant bel et bien un programme fédéral. S'il est vrai d'affirmer que nous ne mettons pas en œuvre les services de garde, c'est pourtant à nous qu'il incombe d'établir les paramètres de telles mesures fiscales.

M. Tupper : Je voudrais faire valoir que si nous utilisons le régime fiscal pour aider directement tout au moins quelques familles canadiennes, nous appuyons également nos homologues provinciaux et territoriaux au moyen d'un financement fédéral qui est transféré directement aux provinces. C'est à celles-ci qu'il revient ensuite d'assurer la mise en œuvre des programmes en optant pour des subventions ou d'autres mesures pour régler les problèmes de coût et en faisant les choix qui s'imposent en matière d'investissement dans les infrastructures.

Le gouvernement fédéral a choisi de confier les fonds aux personnes qui offrent les services sur place. Par conséquent, vous ne verrez pas d'intervention directe du fédéral dans les domaines dont vous parlez, mais nous essayons de soutenir les efforts déployés dans ces secteurs par l'entremise des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Le président suppléant : Il n'y a pas de rapport ou de suivi à ce sujet, n'est-ce pas?

M. Tupper : Dans les ententes intervenues en 2000 et en 2003, toutes les provinces se sont engagées à présenter un rapport annuel. Vous allez me dire qu'elles accusent du retard à ce chapitre, et vous avez tout à fait raison. Ces retards sont partiellement attribuables à la confusion qui règne dans ce secteur depuis 2004. L'adoption d'un mode de négociations bilatérales à compter de 2004-2005 a modifié la portée des rapports prévus. Avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement et le changement d'orientation stratégique, il est devenu encore plus difficile pour les provinces de savoir quel type de rapport elles devaient soumettre au gouvernement fédéral.

Cette même question a été posée lorsque j'ai comparu récemment devant un comité de la Chambre. À la suite de la réponse que nous avons donnée en faisant état du retard des provinces, nous avons reçu de nombreux appels téléphoniques de nos homologues.

Tout ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'on nous a assuré que les provinces sont déterminées à faire le nécessaire et qu'elles constatent également la volonté du gouvernement fédéral — pour lequel je travaille — qui a également pris du retard dans la présentation de ses rapports. Une entente a été conclue et nous pouvons maintenant compter sur un engagement ferme à produire les rapports requis. Nos rapports seront rendus publics sous peu et il semblerait que l'ensemble des provinces et des territoires s'emploient à produire actuellement ceux qui sont dus.

Le sénateur Cordy : J'aimerais maintenant parler du Transfert social canadien et du financement accru qui sera versé aux provinces en application du dernier budget, selon ce que vous nous avez dit. Je voudrais traiter de la question de la reddition de comptes. Bon nombre d'entre nous faisions partie du comité présidé par le sénateur Kirby qui a effectué une étude sur le système des soins de santé. Nous savons à quel point la situation peut être délicate lorsque c'est un ordre de gouvernement qui effectue le travail sur le terrain pendant qu'un autre tient les cordons de la bourse.

Je m'inquiète également de la question de la reddition de comptes. Vous avez indiqué que vous étiez actuellement en négociation avec les provinces. Dans les faits, les provinces n'aiment pas que les fonds qu'ils reçoivent du gouvernement fédéral soient assortis de différentes conditions.

De quelles garanties disposons-nous, en notre qualité de membres de ce comité et de citoyens canadiens, pour nous assurer que les provinces auront des comptes à rendre et dépenseront les sommes allouées aux fins prévues?

M. Tupper : Nous espérons que les rapports, dès qu'ils seront publiés, permettront de fournir en partie ces garanties.

Le sénateur Cordy : Ces données remontent au début de 2000.

M. Tupper : Les données sur les dépenses portent sur les activités de l'année précédente. Par exemple, les données relatives à 2006 doivent être rendues publiques en novembre 2007.

Le sénateur Cordy : Habituellement, quand au juste les données sont-elles effectivement fournies? Nous savons à quel moment elles sont censées nous être transmises, mais quand les recevons-nous vraiment?

M. Tupper : Nous en revenons à la question des retards accumulés. Cette considération mise à part, tous les indicateurs permettent de croire que les provinces ont effectivement consenti, depuis l'an 2000, les investissements prévus dans les accords de 2000 et de 2003. La croissance constatée au sein du système suffit à s'en convaincre.

En 1998-1999, on recensait au sein du système entre 325 000 et 340 000 places en garderie. Ce nombre dépasse maintenant les 800 000 pour l'ensemble du pays. Nous avons donc pu constater une croissance considérable au sein du système au cours des sept dernières années. Nous n'avons pas reçu les rapports, mais nous pouvons certes observer ces indices de croissance et nous présumons qu'ils sont le fruit de nos investissements.

Le sénateur Cordy : Vous venez de nous fournir quelques chiffres. Je me demande si vous pourriez transmettre au comité un relevé montrant l'évolution du nombre de places en garderie au cours des dernières années.

M. Tupper : Avec grand plaisir.

Le sénateur Cordy : Est-ce que vous pourriez inclure une répartition annuelle pour chacune des provinces?

M. Tupper : J'ai toutes ces données.

Le sénateur Cordy : J'ai une question concernant l'allocation de 100 $ par mois. Encore là, je me fie aux témoignages divers que j'ai recueillis au téléphone ou en rencontrant des gens au supermarché ou ailleurs. La Nouvelle-Écosse, et tout particulièrement Halifax, ne figurent pas au nombre des endroits où il y a des places libres en garderie. Il y a plutôt des listes d'attente. Une personne m'a appelée pour me dire qu'elle avait dû refuser une promotion à Toronto parce que le délai d'attente pour des services de garde y était de six mois et qu'elle n'avait pas de famille dans cette ville. Elle a donc dû refuser l'offre et demeurer en Nouvelle-Écosse où elle avait finalement obtenu une place en garderie pour son enfant après s'être retrouvée sur une telle liste d'attente. Il s'agit de cas véridiques, mais pas de données scientifiques que l'on peut aisément faire valoir.

Dans quelle mesure l'allocation de 100 $ par mois a-t-elle permis d'améliorer les services de garde d'enfants au Canada? Voilà déjà près d'un an qu'elle est en vigueur.

M. Tupper : Cette allocation de 100 $ par mois avait pour but de mettre davantage d'argent à la disposition des parents pour leur permettre de faire des choix. On soutient souvent qu'elle n'a permis de créer aucune place en garderie. Ce n'était pas le but visé. On voulait aider les parents à assumer ces coûts.

J'ai entendu certaines personnes affirmer que ce n'est pas suffisant, mais j'en ai entendu également dire — bien que ce ne soit pas encore assez — qu'un montant de 100 $ par mois peut vraiment faire une différence lorsque votre revenu mensuel disponible est de 200 $ ou 500 $. J'ai entendu un large éventail de commentaires à cet égard, comme vous sans doute.

Les témoignages ainsi recueillis sont très importants parce qu'ils viennent directement des gens que nous desservons et pour lesquels nous travaillons tous. Lors de nos consultations, nous avons entendu bon nombre de commentaires semblables. À ce titre, je vous dirais que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux appuient une vaste gamme d'initiatives qui, nous l'espérons, peuvent satisfaire aux exigences variées qui se manifestent dans les différentes régions du pays.

Le sénateur Cordy : Il y a aussi quelqu'un qui m'a dit n'avoir jamais entendu parler du programme. Son enfant avait un peu plus d'un an. Ce commentaire m'a complètement renversée. À partir de notre perspective gouvernementale, nous croyons parfois que le monde entier connaît nos différents programmes. Je serais curieuse de savoir combien de citoyens en ignorent l'existence. Je suppose qu'à la naissance des enfants, les hôpitaux fournissent certains renseignements. Il y a lieu d'en faire davantage pour que tous connaissent l'existence de ces programmes.

M. Tupper : Nous avons commencé à envoyer des chèques en juillet dernier, et ce mois-là le taux d'admissibilité était de 89 p. 100. Au bout de trois mois, ce pourcentage était passé à 95 p. 100. Notre objectif pour cette année est d'atteindre 100 p. 100. Toutefois, je dois dire qu'il s'agit d'un objectif un peu artificiel, car il faut penser que des enfants auront sept ans durant l'année et deviendront donc inadmissibles et qu'il y aura aussi des décès.

Le sénateur Cordy : Avez-vous accès aux déclarations de revenu?

M. Tupper : Pour déterminer l'admissibilité à la Prestation universelle pour la garde d'enfants, nous nous servons des données recueillies aux fins de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. C'est pour cette raison que nous avons pu atteindre aussi rapidement le taux d'admissibilité de 95 p. 100; nous nous sommes fondés sur l'information existante.

Comme vous l'avez fait remarquer, nous sommes également en mesure de fournir, en même temps que l'information concernant la Prestation universelle pour la garde d'enfants, des renseignements au sujet de divers autres programmes qui pourraient intéresser les nouvelles familles, qu'elles soient nouvelles parce qu'elles viennent d'arriver au Canada ou parce qu'elles viennent d'avoir un premier enfant.

Le sénateur Cordy : Si la déclaration de revenu d'une personne indique qu'elle a des enfants de moins de sept ans, mais qu'elle ne reçoit pas la prestation, est-ce que votre ministère veillera à ce qu'elle la reçoive?

M. Tupper : C'est l'Agence du revenu du Canada qui s'occupe de verser la prestation. Je crois savoir qu'elle fait de son mieux en ce qui a trait aux croisements d'information.

Le sénateur Cordy : Je m'interroge au sujet de la recherche. Un certain nombre de témoins nous ont affirmé qu'on ne fait pas suffisamment de recherche sur la garde d'enfants et sur l'éducation de qualité des jeunes enfants. Je crois savoir que de bonnes études ont été menées aux États-Unis, et j'estime que nous devrions les examiner, mais elles ne peuvent pas remplacer les études canadiennes.

Hier, nous avons appris que le financement accordé au programme de recherche de l'Université de Toronto, qui avait été mis en place en 1985, a récemment pris fin. Étant donné la nécessité pour le Canada d'effectuer davantage de recherche dans le domaine, comme nous l'ont affirmé des témoins et comme nous avons pu le lire dans la documentation, les sommes consacrées à la recherche ont-elles augmenté?

M. Tupper : D'après ce que je sais, la situation que vit l'Université de Toronto n'a rien à voir avec le financement fédéral; elle est attribuable aux priorités en matière d'attribution des locaux à l'Université, qui a établi depuis des liens avec l'Université de Guelph.

Quant au financement de la recherche, je peux vous dire que Mme Friendly est en train de terminer les travaux qu'elle mène grâce à l'accord actuel de financement. Nous sommes sur le point de lancer un autre appel de fonds qui donnera lieu à l'affectation d'argent neuf pour la recherche dans le domaine.

Le sénateur Cordy : Vous vous êtes contenté de me donner un exemple. Pouvez-vous me dire si, dans l'ensemble, au cours de la dernière année, le financement a augmenté ou diminué?

M. Tupper : Je ne suis pas un spécialiste. Dans le cadre du Programme de partenariats pour le développement social — cela répondra aussi en partie à la question précédente — nous allons continuer d'investir 139,6 millions de dollars au cours des cinq prochaines années afin d'appuyer les priorités du gouvernement touchant les familles et les enfants.

Le sénateur Cordy : De quel ordre était le financement auparavant?

M. Tupper : Je n'ai pas cette donnée en main.

Le sénateur Cordy : Pourriez-vous nous la transmettre?

M. Tupper : Absolument.

Dr Chong : Je veux revenir sur la question de la recherche au Canada qui a été posée ainsi que sur la réponse qui a été donnée. Les travaux en sciences biologiques et les études qui sont menés partout sur la planète sont aussi valables pour le Canada qu'ils le sont pour les États-Unis, la France, l'Allemagne ou n'importe quel autre pays. Beaucoup de recherche a été effectuée dans le domaine du développement de l'enfant, tant sur le plan neurologique que comportemental.

Ces dix dernières années, on a commencé à effectuer des études qui examinent à la fois le développement neurologique et comportemental. Certaines recherches permettent de confirmer des croyances populaires alors que d'autres ne le permettent pas. Je vous remettrai plus tard une liste à ce sujet. Il s'agit là d'un domaine qui intéressera certains d'entre vous au plus haut point à mon avis, surtout si vous avez œuvré dans le milieu de l'enseignement. En ce qui me concerne, c'est un domaine qui me fascine.

Comme je l'ai dit au début, si vous voulez lire un bon article relativement court, je vous suggère l'entrevue, parue dans le no de décembre 2006 de L'actualité, avec un neuropsychiatre français, le Dr Boris Cyrulnik, qui a maintenant plus de 70 ans et qui a passé sa vie à étudier le sujet. Selon lui, la plus grande découverte des 10 à 15 dernières années est celle de la plasticité synaptique, ou plus généralement, la plasticité cérébrale. Récemment, un Canadien talentueux, le Dr Norman Doidge, a écrit un livre intitulé The Brain That Changes Itself. Cet homme partage son temps entre Toronto et New York. Il est psychiatre de formation, et il a passé plusieurs années à étudier les progrès dans ce domaine.

Les recherches à ce niveau auront une énorme incidence sur la façon dont nous envisagerons l'éducation des enfants dans l'avenir. Je ne suis certes pas en faveur de l'établissement d'un grand système monolithique. Certains membres de ma proche famille ont enseigné au primaire et au secondaire. J'encourage les membres du comité à étudier en profondeur la question et à trouver une solution qui sera véritablement proactive et nouvelle. Ne vous contentez pas simplement de réagir aux rapports qui ont été produits. Les professionnels et les médias peuvent parfois déformer les faits, si je puis m'exprimer ainsi.

Le président suppléant : Je travaille dans le domaine des médias depuis 32 ans, et je me demande comment vous osez dire une telle chose. Je blague, bien entendu. Nous savons que les médias font leurs choux gras des mauvaises nouvelles.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est un moment unique pour moi dans ma carrière au Sénat. Après avoir écouté ma collègue, le sénateur Cochrane, je conclus que nous devrons peut-être demander au Sénat de prolonger le mandat du sous-comité, car nous ne faisons que commencer. C'est comme aller à la pêche. Notre travail est très important et nous en constatons la valeur à chaque séance.

Cela me préoccupe lorsque je vous entends, à l'instar d'autres témoins, parler de places. Nous avons maintenant l'habitude de parler de l'éducation préscolaire et des services de garde de qualité; une place, ce n'est qu'une place. J'ai entendu un commentaire similaire de la part de représentants de l'organisme Habitat pour l'humanité Canada. De leur avis, construire des maisons ne suffit pas.

Cela me préoccupe grandement. Quand on parle de places, il faut préciser la nécessité d'offrir des programmes d'éducation et de garde des jeunes enfants de qualité.

J'ai l'impression que vous discréditez le rapport de l'OCDE, surtout vous, monsieur Tupper. Je peux comprendre ce que vous voulez dire quand vous avez affirmé qu'il a été utilisé incorrectement; il est vrai que les chiffres ont peut-être été mal interprétés. Je peux comprendre aussi qu'il est difficile de comparer les données financières de notre pays avec celles d'autres nations qui ne constituent pas une fédération de provinces ou d'États.

Avant de poser ma question, je tiens à dire que le rapport de l'OCDE ne porte pas seulement sur le financement. Peut-être que cela aurait dû être précisé dans le document de référence préparé pour le comité. Par exemple, parmi une vingtaine de pays, le Canada se classe au 14e rang pour ce qui est de l'accès aux programmes d'éducation et de garde des jeunes enfants de zéro à trois ans — j'essaie de faire ressortir des aspects autres que financiers — et nous occupons le dernier rang, c'est-à-dire le 20e, pour ce qui est de l'accès à ces programmes visant les enfants de trois à six ans. Je le répète, ces chiffres datent de plusieurs années et ne sont peut-être plus tout à fait exacts.

C'est la première fois que j'entends autant de critiques au sujet de ce rapport. Mon mentor est M. Fraser Mustard. Je l'ai entendu s'exprimer il y a deux semaines lors d'une conférence dans les provinces de l'Atlantique sur l'éducation et la garde des jeunes enfants. J'aimerais que vous en disiez un peu plus long sur le rapport dans son ensemble. Si vous vous en tenez aux dépenses, il est difficile d'effectuer une comparaison. C'est pourquoi j'aimerais obtenir votre opinion, monsieur Tupper, au sujet de l'ensemble du rapport et du processus utilisé par l'OCDE pour l'établissement de ses rapports en général.

M. Tupper : Je suis ravi que vous me posiez cette question. Il est vrai que mes commentaires portaient sur le tableau concernant les dépenses.

Nous avons cru comprendre que ce rapport ne constitue pas une analyse comparative. Il ne vise pas à établir un classement. Il ne fait que dresser une liste des pays en fonction des données disponibles. Je crois que c'est ce qu'on explique dans le rapport. Il ne s'agit pas d'une analyse comparative. Quant aux dépenses, c'est certes le cas, toutefois.

Quant au processus, je tiens à dire que le Canada appuie entièrement le processus utilisé par l'Organisation de coopération et de développement économiques ainsi que ses travaux. Nous sommes un pays membre et nous avons participé au financement de la préparation de ce rapport et aux travaux de suivi qui ont été effectués lors de la rencontre qui a eu lieu en Italie l'automne dernier. Nous faisons également partie du réseau qui est en train d'être créé et nous y apportons une contribution financière. Nous appuyons sans réserve les travaux de l'OCDE et les principes qu'elle applique. Tous les gouvernements au Canada s'appuient sur les mêmes principes en ce qui concerne la qualité, l'accessibilité et tous ces autres critères essentiels. Je crois vous avoir donné une fausse impression, et je vous prie de m'en excuser.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci. Je dois vous dire que j'ai lu vos rapports du début à la fin, et j'ai trouvé le vôtre, docteur Chong, particulièrement excellent.

Vous recommandez qu'on exige une reddition des comptes. Vous utilisez dans votre rapport le mot « qualité ». Vous n'employez pas cependant les expressions « développement du jeune enfant ou éducation des jeunes enfants ». Je ne crois pas que ces mots figurent une seule fois dans le rapport, mais peut-être que je me trompe. Vous ne mettez certes pas l'accent là-dessus.

Monsieur Tupper, vous avez affirmé que puisque le gouvernement fédéral n'a pas la responsabilité d'offrir les programmes, il ne peut pas en élaborer. Ce que prévoyaient les accords bilatéraux de 2004-2005 a été considéré comme étant le plus grand programme social au Canada depuis le régime d'assurance-maladie. Dans le cas de ce régime, nous avons établi des normes et exigé une reddition des comptes envers le gouvernement fédéral. Il faudrait que je passe en revue tous les accords pour voir ce qu'ils prévoient, quoique vous en parlez un peu dans votre allocution.

Il me semble qu'au moment où les accords ont été signés, on a insisté sur le fait que l'argent devait servir à améliorer la qualité et que les provinces devaient veiller à créer des programmes d'éducation préscolaire, et pas seulement des places. J'aimerais obtenir vos commentaires au sujet de la question de l'attribution sans condition de sommes devant servir à créer des places dans des garderies offrant des programmes élaborés en tenant compte des plus récentes connaissances que nous possédons au sujet de l'apprentissage en bas âge et du développement de l'enfant.

Bien que je sache qu'il existe d'excellentes universités aux États-Unis, qui comptent d'éminents universitaires reconnus mondialement, je ne crois pas que nous prendrons exemple sur ce pays quand il s'agit d'élaborer des programmes universels de garde d'enfants au Canada.

Dr Chong : Je ne sais pas par où commencer. Vous avez raison de dire qu'il ne faut pas simplement parler de places, mais le mandat qu'on nous a donné concerne précisément les places en garderie. C'est le mot qui est utilisé et nous devons l'employer. À mon avis, aucun membre du comité, et même moi-même, n'a jamais parlé des places en garderie sans penser aux enfants qui les occupent, peu importe leur âge.

Quant au développement de l'enfant, nous savons tous, qu'ils soient américains ou européens, que les enfants en général — pour ainsi dire les êtres humains — se développent de la même manière. Parfois, en tant que Canadiens, nous fermons les yeux sur ce que nous pouvons apprendre des États-Unis, et j'estime que nous ne devrions pas faire cela. Nous devrions examiner ce qui se fait un peu partout. Nous sommes suffisamment intelligents pour pouvoir discerner ce qui est bon de ce qui ne l'est pas. Il ne faudrait pas fermer les yeux.

Je crois que, grâce à ses deux rapports, M. Mustard est devenu un porte-parole important en matière d'éducation préscolaire. Je l'ai entendu dire qu'il existe différentes façons d'élever les enfants. Précisément, à Toronto — je ne peux parler que de Toronto, car c'est là que j'ai toujours travaillé — on a surtout visé les enfants qui vivent dans des milieux socioéconomiques où les moyens sont déficients, notamment au centre-ville de Toronto, comme on le fait dans toute autre région urbaine ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Je crois qu'auparavant on visait davantage à aider ceux qui en ont le plus besoin, comme vous l'avez dit plus tôt, alors que maintenant les sommes sont réparties un peu partout. J'estime qu'il faudrait utiliser de la manière la plus judicieuse possible l'argent des contribuables. Il faut que les gouvernements rendent compte de la façon dont les fonds publics sont dépensés. Je ne connais pas grand-chose à propos des relations fédérales-provinciales, alors je ne sais pas ce qui se passe. Toutefois, je ne crois pas qu'elles soient tellement différentes des relations entre les provinces et les municipalités, qui, lorsqu'elles reçoivent de l'argent, doivent rendre compte d'une manière ou d'une autre de la façon dont il est dépensé. Tout le monde aime bien recevoir des fonds sans conditions, mais il devrait toujours y avoir des critères.

Les programmes d'éducation préscolaire suscitent un débat en ce sens que nous voulons tous que nos enfants et nos petits-enfants aient le meilleur départ possible dans la vie, mais il s'avère que cela est beaucoup plus facile à assurer pour les familles de la classe moyenne ou supérieure. Presque tous les professionnels de la santé vous diront qu'un enfant d'une famille de classe moyenne développera naturellement des aptitudes qu'un enfant d'un milieu défavorisé ne développera pas. Cela n'a rien à voir avec le sujet d'étude du comité, mais je tenais à expliquer pourquoi j'estime que le financement devrait être ciblé.

Madame le sénateur Trenholme Counsell, vous avez raison de faire valoir que nous devons nous pencher là-dessus. Le système actuel d'éducation, tel qu'il est structuré, ne pourra pas assumer davantage de responsabilités tant qu'il n'aura pas fait certains changements. Votre expérience vous permet certainement de confirmer cela.

M. Tupper : Il s'agit d'une discussion très intéressante, car je dois dire que parfois j'assiste à des rencontres où on ne parle strictement que de places en garderie et je sors de ces rencontres avec le sentiment que la discussion a été incomplète.

Je vais vous parler un peu de l'élaboration des accords bilatéraux et multilatéraux. Je crois que cela répondra à votre question, car vous allez constater qu'il y a eu une évolution. J'aurais aimé occuper ce poste pendant cette période-là parce que c'est fascinant.

L'accord conclu en 2000 mettait l'accent sur le développement du jeune enfant, qui est un domaine assez vaste puisqu'il comprend le développement cognitif, comportemental et social. L'accord portait aussi sur le soutien aux familles, l'éducation des parents, les aspects plus fondamentaux du soin des enfants et la façon dont on peut concilier les besoins des familles et ceux des enfants.

En 2003 — c'est donc dire trois ans après la mise en œuvre de l'accord de 2000 — l'entente qui a été négociée était plus précise. Elle portait en majeure partie sur la garde d'enfants, notamment sur ce qu'on peut appeler de façon générale le développement du jeune enfant. D'après ce que je sais, on avait cerné des domaines où il y avait des lacunes et on voulait investir davantage dans ces domaines-là. Il est donc vrai que l'accord multilatéral de 2003 portait davantage sur la garde des jeunes enfants et l'éducation préscolaire.

Vous avez tout à fait raison. Il faut comprendre comment tout cela a évolué. Nous ne voulons pas nécessairement entamer un débat sur l'un ou sur l'autre. Cela fait un an que j'occupe ce poste. Au cours des consultations, auxquelles j'ai commencé à participer lorsque je suis entré en fonction au début de l'année dernière, je pensais que nous pourrions parler de places en garderie et d'une prestation pour la garde d'enfants. Durant mes rencontres avec des familles — et aussi avec des experts — j'ai appris qu'il faut comprendre le contexte dans lequel les nouveaux investissements seront faits.

Essentiellement, c'est pour cette raison que le gouvernement a changé son discours et son programme lorsqu'il a été élu. Ses propos ont changé quant à ce qu'il avait l'intention de faire au sujet des régimes universels relatifs à la garde d'enfants. Au début, il avait annoncé qu'il s'agirait d'une initiative fédérale, mais dans le budget de 2007, il a plutôt prévu 250 millions de dollars pour les provinces et les territoires. C'est que nous comprenons mieux maintenant qu'il faut appuyer les systèmes existants. Nous comprenons qu'il ne s'agit pas simplement de construire un établissement que les enfants fréquenteront, mais qu'il faut soutenir les provinces et les territoires, qui ont déjà des systèmes en place, de sorte qu'ils puissent décider de consacrer l'argent aux salaires, aux programmes ou à la formation d'éducateurs. Ils pourraient très bien aussi décider d'investir dans l'infrastructure. Toutes les discussions que nous avons eues en 2006 nous ont permis de comprendre qu'il n'appartient pas au gouvernement fédéral de dépenser cet argent. Nous ne voulons pas créer des systèmes ou des initiatives parallèles qui ne seraient pas étroitement liés ensemble. C'est pourquoi les fonds sont versés aux provinces par l'entremise du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.

Le sénateur Trenholme Counsell : Les fonds peuvent-ils être utilisés pour les places ou une province peut-elle décider d'en utiliser une partie pour la formation du personnel, par exemple? J'ai cru comprendre que c'est par place?

M. Tupper : Le gouvernement fédéral a déclaré son intention d'augmenter les fonds de 250 millions de dollars et de demander aux provinces de créer des places avec cet argent. Je n'aurais pas dû vous laisser parler avant moi parce que l'argent du TCPS est versé sans condition. Les provinces peuvent le dépenser comme bon leur semble.

Dr Chong : Parlons-nous de manière générale?

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est quelque chose que nous devons éclaircir. J'ai posé deux ou trois fois cette question au leader du gouvernement au Sénat. L'argent que reçoivent les provinces est calculé par habitant. J'ai une liste ici. Est-il versé au Transfert canadien en matière de programmes sociaux?

M. Tupper : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Y a-t-il des conditions? J'ai quelque chose à ajouter à cela. C'est la question que j'ai posée au leader du gouvernement au Sénat et je n'ai pas eu de réponse. Dans son rapport, le Dr Chong recommande très sagement que cet argent soit versé à un fonds affecté à la création de places en garderie, mais un tel fonds n'existe pas.

M. Tupper : C'est exact.

Le sénateur Trenholme Counsell : Il est amalgamé au Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Quel degré de responsabilité exigez-vous, disons à la fin de la première année, relativement à la création de places? Je suppose que ce n'est que pour les places.

M. Tupper : Par définition, l'argent versé par le truchement du Transfert canadien en matière de programmes sociaux n'est lié à aucune condition. Bien que le gouvernement ait fait une déclaration d'intention — et, dans le budget de 2007, il a réparti le TCPS afin d'identifier un financement particulier concernant non seulement les services de garde, mais aussi l'enseignement postsecondaire — il ne s'agit toutefois que d'une déclaration d'intention expliquant pourquoi le gouvernement fédéral met cet argent à disposition. Cependant, par définition, il n'y a jamais eu de conditions liées au TCPS.

L'une des raisons pour lesquelles nous avons négocié les accords de 2000 et de 2003 était d'associer un engagement politique à cet argent. Comme je l'ai indiqué plus tôt, bien que la publication des rapports ait été retardée, tous les indicateurs indiquent que les provinces reçoivent cet argent et qu'elles l'investissent dans les services de garde d'enfants conformément à leur engagement politique énoncé dans les accords multilatéraux, parce que nous avons vu ce genre de croissance. Nous leur demandons encore une fois — nous en discutons actuellement avec nos collègues — de déclarer que ces 250 millions de dollars doivent servir à subventionner la création de places en garderie, car, nous avons entendu dire, durant nos consultations, qu'il en manquait. Nous leur demanderons d'en parler dans leurs prochains rapports, et aussi de dire comment ils ont dépensé cet argent et s'ils ont créé de nouvelles places.

Le sénateur Trenholme Counsell : Avez-vous l'autorisation légale de leur demander de rendre compte de l'utilisation de ces fonds? Pourquoi ne l'avez-vous pas versé dans un fonds affecté?

M. Tupper : Je ne peux pas répondre à cette question.

Le sénateur Cordy : Je n'ai pas eu cette impression quand vous avez répondu à une question similaire que je vous avais posée. Vous aviez dit, me semble-t-il, que vous étiez engagés dans des négociations avec les provinces et que cet argent était dépensé pour l'éducation des jeunes enfants, des services de garde. Maintenant, je crois comprendre qu'elles vous présenteront un rapport, mais si elles n'ont pas dépensé l'argent pour l'éducation des jeunes enfants, alors tant pis; vous n'y pouvez rien. Est-ce exact?

M. Tupper : C'est à peu près cela, oui.

Le sénateur Callbeck : C'est incroyable. En réponse à la question que je vous ai posée, j'avais cru vous entendre dire qu'il y aurait des négociations avec les provinces.

M. Tupper : Il y en aura. Ces négociations, comme celles de 2002 et de 2003, se feront autour de notre engagement mutuel à faire quelque chose. Vous m'avez demandé si le gouvernement fédéral avait une autorisation légale, un engagement légal ou un mécanisme légal relativement à l'argent versé par le truchement du TCPS, la réponse est non. Les ordres de gouvernement sont politiquement engagés à faire quelque chose, mais il n'y a jamais eu de conditions liées au TCPS, d'après ce que je comprends. Il y a des spécialistes de ce genre de financement et du versement de fonds par le truchement du TCPS.

Le sénateur Callbeck : Sur quoi porteront les négociations? Sans disposition concernant les 250 millions de dollars versés au TCPS, des provinces pourront dépenser l'argent pour l'éducation ou comme bon leur semblera. Je ne comprends pas pourquoi vous dites qu'il y aura des négociations portant sur les 250 millions de dollars.

M. Tupper : Pour nous, le but de la discussion sera de savoir la façon dont elles feront rapport. Les provinces ou les territoires ne nous ont pas dit qu'ils s'y opposaient fermement. Depuis 2000, il y a une approche collaborative entre les ordres de gouvernement. Il a été convenu de suivre un ensemble de principes et d'approches. Les provinces ont respecté les dispositions des accords de 2000 et de 2003. D'après ce que nous savons, il n'y a aucune raison de croire qu'elles dépenseraient l'argent autrement que prévu.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Tupper, cela a-t-il été toujours vrai?

M. Tupper : Voulez-vous dire le TCPS?

Le sénateur Cochrane : Je parle de l'argent versé aux provinces et de leur responsabilité.

M. Tupper : Ça toujours été vrai dans le cadre de l'Accord sur le développement de la petite enfance et de celui de l'apprentissage et la garde des jeunes enfants.

Le sénateur Pépin : Si vous me le permettez, je m'exprimerai en français.

[Français]

Votre rapport mentionne que les employeurs en général, durant l'été 2006, ne veulent pas fournir des services de garde. Toutefois, ils seraient peut-être intéressés à participer d'une autre façon. Quand on dit que les femmes entrepreneures en veulent, mais l'ensemble des employeurs ne veulent pas donner des services de garde.

Est-ce que vous pouvez élaborer un peu à ce sujet? Quels sont les points sur lesquels ils pourraient participer? On sait que si des services de garde étaient disponibles directement où les gens travaillent, surtout ceux qui n'ont pas beaucoup d'argent, cela faciliterait énormément l'accès pour les parents au service de garde pour les enfants.

[Traduction]

M. Tupper : Le Dr Chong parlera certainement de ce qu'il a entendu à son comité. Au cours de nos consultations, nous avons entendu dire que quelqu'un qui fait des gadgets ne sait pas comment approcher l'ensemble de la question relative à la création de places en garderie, « et cetera ». Des employeurs nous ont dit qu'ils étaient prêts à contracter des partenariats avec des spécialistes en création de garderies. Par conséquent, ils investiront au moyen d'une relation contractuelle avec des fournisseurs de garderies afin que ces derniers établissent des garderies au sein de leurs organisations.

Cela peut se faire de plusieurs façons. Ce pourrait être un service de garde d'enfants à but lucratif créé sur place, l'employeur verserait la subvention ou il pourrait simplement choisir de créer des places pour lesquelles les employés devront payer. Il y a plusieurs façons de le faire. Cependant, des employeurs ont dit : « nous faisons des gadgets; nous ne voulons pas être des spécialistes en garderie. » Donc, nous cherchions des moyens de faciliter les relations.

[Français]

Le sénateur Pépin : À un autre endroit, j'ai lu des articles qui m'ont étonnée. On parle du Québec en disant que c'est actuellement la province où le nombre de places et le taux de croissance des services de garde se sont le plus développés. Par exemple, on dit qu'entre 2001 et 2004, 60 p. 100 des places créées au Canada l'ont été au Québec, et que 43 p. 100 des enfants canadiens inscrits dans une garderie au Canada vivent au Québec.

Pouvez-vous expliquer pourquoi on dit que les services de garde se développent davantage au Québec? Je ne pense pas que le taux de natalité augmente à un rythme aussi effarant qu'il y a plusieurs années.

[Traduction]

M. Tupper : De manière générale, le Québec a toujours été à l'avant-garde dans le domaine de la politique sociale. Il est évident que la création du système de garderies — le système de 5 $ par jour qui est aujourd'hui de 7 $ par jour — a eu une énorme incidence sur l'accès et a permis à des familles de faire ces choix. Le Québec a choisi d'investir et de mettre en place ce système. D'autres provinces n'ont tout simplement pas fait le même investissement que le Québec.

[Français]

Le sénateur Pépin : Ce serait alors l'accessibilité qui serait la clé de tout cela?

M. Tupper : Absolument.

Le sénateur Pépin : C'est parce que c'est beaucoup plus accessible.

M. Tupper : Oui.

[Traduction]

Il y a aussi la question de la qualité et de l'équilibre pour créer un système non seulement accessible, mais aussi de qualité. Je pense que les provinces devraient engager un débat pour déterminer si le Québec a atteint certaines des normes de qualité recherchées par d'autres provinces.

Le sénateur Pépin : Nous en avons entendu parler hier.

[Français]

À la recommandation no 5, on incite le gouvernement fédéral à créer des places de garderie en milieu de travail, par exemple pour les travailleurs à temps partiel. On dit que ce serait très incitatif.

Comme j'ai participé à l'ouverture de la première garderie sur la colline du Parlement en 1983 avec Mme Jeanne Sauvé, je me demandais si on avait ouvert plusieurs autres garderies. Est-ce que le gouvernement fédéral fait preuve de leadership dans ce domaine ou est-ce qu'il se situe au même niveau que les provinces?

[Traduction]

M. Tupper : Au cours des 20 ans que j'ai passés au gouvernement, j'ai toujours su que des places en garderie étaient mises à la disposition des employés du gouvernement au sein de ministères. Le ministère où je travaille actuellement a deux garderies, une à la Place du Portage, Phase IV, à Hull et l'autre à la Place Vanier à Vanier. Nous sommes en cours de discussion avec un fournisseur de garderies pour créer des places en garderie à la Place Vanier. Le gouvernement fédéral fait ces investissements. Leur efficacité dépend de chaque ministère, car je pense que ce sont les ministères qui font individuellement ces choix plutôt qu'un programme fédéral. Cependant, ces services sont disponibles du moins dans certains ministères, mais pas dans tous. Le gouvernement fédéral a fait preuve de leadership en autorisant de tels investissements.

Le sénateur Pépin : Je voudrais bien avoir le même leadership pour nos employés. Il y a neuf ans que j'essaie d'en avoir une autre pour le personnel des sénateurs. Jusqu'à présent, nous n'avons aucune place de disponible.

Dr Chong : Je voudrais ajouter quelque chose concernant la situation au Québec. Dans son no de janvier, L'actualité publie un bon article sur l'augmentation du taux de fécondité après la prolongation de la durée des prestations d'emploi. Il y a de toute évidence une incidence, au cas où quelqu'un voudrait augmenter le taux de fécondité au pays.

Le président suppléant : C'est un sujet remarquable qui nous tient vraiment à cœur et ainsi commence une deuxième série de questions. Si vous avez le temps, nous continuerons tant que nous le pouvons, car les garderies sont importantes pour nous tous.

Monsieur Tupper, j'ai une question concernant les rouages administratifs. Comment le gouvernement fédéral fait-il rapport de ses propres secteurs de compétence, particulièrement les Premières nations, les Inuits, les familles des militaires, les immigrants et les réfugiés?

M. Tupper : Nous avons deux activités et des comptes rendus des dépenses. L'un concerne le développement et l'autre les garderies. Puis, nous avons un troisième rapport appelé le rapport de bien-être. Nous sommes supposés publier ces rapports en même temps que ceux des provinces et des territoires. Tous nos rapports sont aujourd'hui en production, sous presse et seront disponibles au public dans très peu de temps.

Le sénateur Fairbairn : Le problème est évidemment important et il s'accompagne d'énormes responsabilités financières si l'on veut de bons résultats. Je voudrais savoir si le ministère des Finances prévoit de faire une évaluation. Est-il prévu de faire une évaluation des prestations fiscales pour enfants dans les cinq ans à venir? Avez-vous un processus en place pour vous assurer que tout fonctionne comme vous le voulez et que tout est bien utilisé?

M. Tupper : Nous sommes activement engagés au sein de mon ministère. C'est quelque chose de difficile à faire dans mon domaine particulier, car je fais de la politique; il est difficile d'évaluer les politiques si elles ne sont pas attachées à des programmes, et les programmes sont de la responsabilité des provinces.

Je vous reviendrai plus tard avec des renseignements concernant ce que fait le ministère des Finances relativement aux initiatives fiscales. Je ne suis pas au fait de calendrier ou de ce qu'ils font particulièrement au niveau de l'évaluation, mais je serais heureux de vous communiquer ces renseignements.

Au niveau plus large de l'investissement, toutes les provinces font des évaluations de leurs programmes séparément de leurs rapports déposés conformément à l'Accord sur le développement de la petite enfance et à celui de l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Des évaluations sur les investissements provinciaux sont disponibles.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Tupper, puisque vous êtes directeur général de la politique sociale au RHDSC, je veux vous faire part de ce que m'ont dit des parents et plusieurs mères.

Le gouvernement fédéral aide depuis longtemps les parents à rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants au moyen de l'assurance-emploi, des prestations de maternité et des prestations parentales. Ils m'ont dit que ces prestations étaient excellentes. Je n'ai pas ici les documents de recherche, mais je sais que les résultats des recherches confirment leur opinion. Quand un enfant naît, les liens affectifs qu'il forme avec sa mère sont absolument essentiels pour le développement des aspects positifs chez l'enfant. L'initiative prise autorisant les mères à rester au foyer pendant une année pour s'occuper de leur enfant après sa naissance est une excellente initiative. Ce sont les propos que m'ont tenus les mères et je voulais vous les relayer. Étant mère, je sais que les liens affectifs sont importants.

Je crois comprendre qu'il y a un problème majeur dans le système de garderies au Canada pour recruter et garder le personnel.

M. Tupper : Oui.

Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous nous dire pourquoi? Que faut-il faire pour régler ce problème?

On nous dit que dans d'autres pays, en France par exemple, la situation dans ce domaine est bien meilleure que chez nous. Ils n'ont pas ce problème; ils s'en tirent bien. Pouvons-nous tirer des leçons de leur expérience?

M. Tupper : Vous avez posé une question que j'ai moi-même posée plusieurs fois. Le recrutement et la conservation du personnel étaient la question no un ou le problème no un que j'ai rencontré au cours de notre déplacement fait les six mois de l'année dernière. Nous ne payons pas assez les employés. Ils s'inscrivent à des programmes de formation, obtiennent des diplômes, mais les utilisent pour entrer dans d'autres carrières. Nous ne mettons pas en place un système qui comporte cette stabilité.

C'est un domaine qui relève de la compétence des provinces et une question qui porte sur la façon dont les provinces choisissent de faire ces investissements et où elles placent leurs fonds.

Le sénateur Cochrane : L'intervention des spécialistes précédents concernant les problèmes de comportement liés empiriquement aux garderies m'a particulièrement intéressée.

Hier, le professeur Kevin Milligan a dit qu'il trouvait que les enfants ont un comportement plus agressif, qu'ils souffrent beaucoup plus d'anxiété et sont plus hyperactifs s'ils passent beaucoup de temps sans leurs parents. Il a expliqué qu'au cours des cinq dernières années, plusieurs auteurs utilisant des données différentes provenant de pays différents ont obtenu des résultats semblables concernant le comportement.

Est-ce que cela concorde avec les informations que vous avez? Est-ce que ces résultats dépendent de la qualité des garderies? Que pouvons-nous faire pour assurer que les résultats concernant les enfants soient plus positifs? Vous pouvez répondre ou bien le Dr Chong. Quand nous envoyons nos enfants dans des garderies, nous voulons des services de qualité.

Dr Chong : C'est un grand sujet, un grand nombre d'études ont été faites, notamment des études remontant aux années 1960 et 1970 faites par Jay Belsky quand il était ici; il les a poursuivies à Pittsburgh, en Pennsylvanie, me semble-t-il.

Vous avez mentionné les liens affectifs de l'enfant. Ce sont des théories proposées par John Bolby dans les années 1950 et 1960. Elle comporte des éléments de vérité, mais il y aussi des études qui montrent que lorsque les employés des garderies sont assez bien payés et qu'il n'y a pas une grande rotation du personnel, l'enfant formera des liens affectifs avec un adulte attentionné. Dans la plupart des cas, les liens commencent à se former avec la mère, mais cela n'empêche pas l'enfant de se sentir à l'aise avec un autre adulte.

Quand la situation familiale change, que la stabilité n'est plus là et que les enfants subissent des conséquences négatives. Que ce soit une famille ou une garderie qui s'occupe de l'enfant, l'important est la stabilité de la garde. La garde peut se faire dans le milieu familial ou hors du milieu familial. Certaines études révèlent qu'étant donné que les différences ne sont pas extrêmes, l'importance clinique n'est pas aussi importante.

Malheureusement, je dois mentionner un travail fait dans notre pays et aux États-Unis qui montre que des enfants âgés jusqu'à trois ans acquièrent automatiquement des expériences dans des circonstances normales. À moins de les soumettre à des privations extrêmes, comme c'est le cas des enfants roumains, qui sont extrêmement défavorisés et isolés, la plupart des enfants dans des circonstances normales se développeront normalement sauf si on les enferme dans un placard, si on leur donne des coups sur la tête et si on ne les nourrit pas comme il faut.

Si des études indiquent que les garderies ne sont pas bonnes, c'est dans la plupart des cas à cause de la rotation du personnel. Il y a une rotation parce que les employés ne sont pas bien payés. Les employés ne sont pas suffisamment respectés pour continuer cette carrière.

Tous ces facteurs doivent être considérés quand nous lisons et évaluons une étude. C'est la raison pour laquelle j'espère que le comité examinera plus en détail cette question, car il y a la possibilité pour le Canada de faire quelque chose à ce niveau.

La question n'est pas de savoir si la garderie est bonne ou mauvaise. Ce qui compte ce sont les relations et les liens affectifs formés entre l'employé et l'enfant. Dans certains cas, en cas de forte rotation du personnel et de mauvaise qualité du service de garde, les problèmes soulevés par certaines de ces études seront présents.

Le sénateur Cordy : Je rejoins complètement les propos du sénateur Cochrane au sujet des parents qui restent à la maison pour s'occuper, ensemble ou l'un des deux, de leur enfant durant sa première année.

Moi qui suis retournée travailler peu de temps après la naissance de mon enfant, j'ai le sentiment que cela aurait été très bénéfique si j'avais pu faire la même chose. Je crois que c'est la ministre Jane Stewart qui a eu cette initiative et que c'est peut-être une mère qui a eu le mérite de présenter cette mesure législative.

J'aimerais poser une question sur la création de places de garderie en milieu de travail. Je n'ai pas l'information sous la main, mais j'ai lu quelque part que le chef de l'association des entreprises indépendantes du Canada, je crois, a déclaré que ses membres ne s'occupent pas de fournir des services de garde.

Il y a beaucoup de petites entreprises au Canada qui comptent un petit nombre d'employés. Elles ne sont peut-être pas disposées à mettre sur pied des garderies.

Docteur Chong, dans votre résumé, vous dites que les consultations ainsi que l'expérience du comité ont montré toutefois que les employeurs veulent participer de façon directe à la création et à la prestation de services de garde et travailleraient plutôt avec les fournisseurs actuels de services de garde. Cela correspond assurément à ce que j'ai déjà lu sur le sujet.

D'autres informations m'indiquent que l'aménagement de garderies ne représente qu'une fraction du coût des services de garde. En fait, 80 p. 100 des coûts seraient attribuables au fonctionnement quotidien des garderies. Celui qui reçoit un financement de 20 p. 100 pour ouvrir une garderie aura encore des coûts importants à assumer.

Plus tôt, le sénateur Callbeck a parlé d'un programme semblable mis à l'essai en Ontario qui n'a pas créé une seule place de garderie.

Même si je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous là-dessus, pourquoi pensons-nous que les entreprises vont vouloir accepter cette idée? Tout ce que j'ai lu jusqu'ici indique qu'ils ne sont pas intéressés.

Dr Chong : D'après le rapport et nos rencontres, il est clair que les employeurs sont préoccupés par le fait d'avoir à fournir d'autres avantages, comme des services de garde.

Il y a d'assez grandes entreprises qui ont des idées progressistes. C'est une mesure qui est en partie dans leur intérêt parce qu'elles savent qu'il est important pour les familles d'avoir accès à des services de garde et que c'est un aspect qui peut servir de moyen de recrutement et de rétention.

Ce sont les grosses entreprises qui vont s'attaquer à ce problème, ainsi que certains grands employeurs, comme la fonction publique fédérale. Nous reconnaissons également, comme le rapport l'indique d'ailleurs, que les petites et moyennes entreprises n'ont pas les moyens d'offrir ces services même si elles veulent faire quelque chose. Nous pensons qu'elles peuvent se regrouper de différentes façons. À Toronto, il y a de grandes institutions, comme les banques, qui se sont associées pour ouvrir un centre de la petite enfance à l'intention d'un certain nombre d'employeurs.

Les employeurs commencent à se moderniser. Les spécialistes des ressources humaines savent qu'il vaut mieux que la main-d'œuvre soit heureuse parce qu'il en coûte deux à trois fois plus cher pour remplacer une bonne employée qui prend un congé de maternité de 12 mois ou, ce qui est encore mieux à mon avis, de 18 mois. Par conséquent, les employeurs qui voient loin sont plus ouverts à cette idée et ne refusent pas de faire leur part d'une façon ou d'une autre.

Vous remarquerez que nous avons recommandé que les employeurs qui choisissent de créer un programme de garderie puissent réclamer les coûts d'immobilisation liés à ce projet rapidement. Nous sommes aussi conscients que ce sont les coûts de fonctionnement qui sont la source du problème. Le gouvernement au pouvoir a choisi de verser 100 $ directement aux familles. Il y a aussi des modes de financement indirects et c'est pourquoi on a pensé à la caisse d'assurance-chômage et à la création d'un fonds indépendant, géré par une tierce partie.

Il n'est pas question de prétendre que le ministère ne fonctionnerait pas de façon assez transparente, mais les contribuables et la population seraient peut-être mieux disposés à l'égard d'un fonds indépendant. Il y a une foule d'exemples de fonds du genre aux niveaux fédéral, provincial et municipal.

Pour répondre à votre question, l'initiative de l'Ontario a probablement été mal conçue et mise en œuvre. Ce qui ne veut pas dire que les employeurs ne veulent pas, en principe, fournir les services. Les petits employeurs n'en ont tout seulement pas les moyens, mais ils aimeraient bien avoir l'aide voulue pour le faire.

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord avec vous. Les entreprises sont plus attentives aux familles, de la même façon qu'elles ont accepté d'aménager des salles de conditionnement physique dans leurs locaux. Je crois comprendre que les employeurs installent maintenant des aires de repos pour qu'on puisse faire la sieste au travail.

Dr Chong : Ce sont des installations individuelles, cependant.

Le sénateur Cordy : C'est vrai. J'aimerais avoir des précisions.

Vous avez parlé de petites entreprises qui se regroupent à Toronto. Elles peuvent le faire à Toronto, mais pas à Musquodoboit ou à East Bay, en Nouvelle-Écosse, dans de plus petites localités où elles sont peu nombreuses.

Le modèle des garderies en milieu de travail semble valable sur papier. Les parents seraient très heureux de pouvoir faire garder leurs enfants au travail, ce qui leur simplifierait beaucoup la vie pour une foule de raisons.

Le gouvernement a tendance à être assez figé. Si les besoins sortent de l'ordinaire, les programmes ne semblent pas souvent pouvoir offrir la souplesse voulue. Je le constate quand les gens m'appellent pour me faire part de leurs préoccupations. Les services ne sont pas adaptés aux besoins, les ordinateurs communiquent mal l'information, et le reste. C'est ce qui m'inquiète parce que, de par sa nature, le gouvernement manque de souplesse. Vous avez parlé d'un fonds spécial, mais il ne fait pas partie de la politique en matière de services de garde mise en œuvre jusqu'ici par le gouvernement.

Dr Chong : C'est une option parmi tant d'autres. Dans les petites localités rurales, des groupes communautaires coordonnent leurs efforts au centre communautaire, afin d'avoir la masse critique nécessaire pour fournir les services.

Nous pensons aux grands-parents pour garder les enfants. Nous savons que les grands-parents restent sur le marché du travail, comme moi. Avec un peu de créativité, on peut trouver des moyens de permettre aux grands-parents de garder les enfants pendant un certain temps, et c'est d'ailleurs pourquoi nous proposons de créer un nouveau congé de 60 jours pour les grands-parents.

Il devient parfois très difficile de laisser libre cours à son imagination quand on vieillit. Si on fait l'effort, on va trouver des possibilités. Nous voulons offrir aux familles une série de choix.

Je ne crois pas que verser 100 $ aux familles soit la solution miracle. J'ai pensé que le gouvernement a fait cela pour montrer que ce sont les familles qui vont choisir comment elles veulent éduquer leurs enfants. C'est seulement une formule parmi d'autres. Il y a d'autres moyens indirects d'aider financièrement les familles dont les deux parents doivent ou veulent travailler pour des raisons professionnelles ou économiques.

Nous n'offrons pas assez de choix dans notre pays. Nous sommes en 2007. J'ai commencé à travailler dans le domaine des services de garde dans les années 1980 et à intervenir sur le plan politique depuis un certain temps déjà. Nous n'offrons pas assez de choix. Nous n'accordons pas, directement ou indirectement, une aide financière aux familles qui en ont besoin maintenant, à celles qui ne peuvent pas joindre les deux bouts.

Je me suis dit trois ou quatre fois que votre comité a une occasion unique de présenter des recommandations vraiment intéressantes. Vous n'êtes pas limités par le temps, comme nous l'avons été.

Le sénateur Cordy : Depuis 1980, nous offrons essentiellement des services de garde de neuf à cinq, du lundi au vendredi.

M. Tupper : Ce sont certains des problèmes qui rendent toutes ces discussions intéressantes. Il y a deux employeurs qui ont fait partie du comité consultatif; l'un d'eux offrait des services de garde dans son organisation, assez restreinte. L'entreprise investissait d'une façon assez importante pour le compte de huit de ses employés et 12 enfants. C'était extraordinaire. Il a simplement fait ce choix.

Les universités qui offrent des programmes de garderies et à qui nous nous sommes adressés, nous ont dit qu'il est très difficile d'assurer un tel programme. Pendant huit mois, elles ont du mal à suffire à la demande pour ensuite connaître des périodes creuses pendant lesquelles il est difficile de maintenir le personnel en poste. Il y a des fluctuations saisonnières.

Nos rencontres à Terre-Neuve et sur la côte ouest avec les pêcheurs et les employés forestiers ont été incroyables. En Nouvelle-Écosse, c'est essentiellement Halifax qui est le grand centre urbain. Ailleurs, les gens partagent des infrastructures centralisées. Ils doivent envisager des formules très différentes qui ne feront probablement pas intervenir les employeurs.

Certains employeurs ne veulent pas offrir un service de garde de neuf à cinq et c'est pourquoi j'ai commencé à en discuter. Ce sont les services de garde adaptés et d'urgence qui les intéressent. Ils font preuve d'innovation dans leurs partenariats et leurs investissements pour offrir des services plus souples aux familles. C'est dans l'intérêt de l'entreprise et c'est aussi une formule qui simplifie la vie des parents parce qu'ils ont un souci de moins.

Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur Tupper, la discussion est très intéressante et instructive.

Vous a-t-on fait rapport de l'utilisation des fonds au cours de la première année de mise en oeuvre des accords signés en 2004-2005, c'est-à-dire en 2005-2006? Si oui, pourrions-nous savoir ce que les gouvernements provinciaux ont fait, à l'exception du Québec, avec cet argent en 2005-2006?

En réponse à une question du sénateur Cochrane, vous avez dit que l'argent était toujours envoyé aux provinces qui en faisaient ce qu'elles voulaient. Je n'ai pas les dates exactes et vous le savez peut-être, mais, en 2000, nous avions deux milliards de dollars pour les programmes d'éducation de la petite enfance. Je crois comprendre que cet argent était destiné précisément à des programmes très utiles pour les enfants, le Programme canadien de nutrition prénatale, le Programme d'action communautaire pour les enfants, le PACE, et d'autres. Le PACE a permis de constituer un grand réseau de ressources familiales dans l'ensemble du pays.

M. Tupper : Seulement une poignée de provinces ont rendu publics les rapports sur leurs activités et leurs dépenses relativement aux ententes de 2004-2005. Oui, elles ont des rapports à présenter, mais il y a des provinces qui ne l'ont pas encore fait. Cet argent doit figurer dans le rapport sur leurs activités et leurs dépenses.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pouvons-nous avoir ces rapports?

M. Tupper : Je peux vous dire comment vous pouvez vous les procurer auprès des provinces qui les ont déjà rendus publics et de celles qui vont le faire.

Le sénateur Trenholme Counsell : Ce sera important que nous sachions ce qui s'est passé.

Qu'en est-il des deux milliards de dollars versés en 2000? L'argent était destiné à des programmes pour enfants.

M. Tupper : À cette époque, les fonds provenaient de diverses sources. Il y en a qui venaient du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, comme cela a toujours été le cas. D'autres fonds ont été prévus par des accords de contribution qui sont conditionnels de par nature.

Le sénateur Trenholme Counsell : Par conséquent, il y a des précédents dans l'administration fédérale, c'est-à-dire que des fonds peuvent être destinés à des programmes précis pour enfants si c'est ce qui est voulu et décidé.

M. Tupper : Cela peut faire l'objet de négociations dans le cadre de discussions fédérales-provinciales.

Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur Chong, vous qui êtes grand-père avez dit que la plupart des enfants grandissent normalement.

Il y a un nouveau plan en matière d'éducation qui vient à peine d'être rendu public au Nouveau-Brunswick, et ce plan indique que 20 à 30 p. 100 des enfants ne sont pas prêts à lire quand ils entrent à la maternelle. Est-ce normal ou non?

D'après les recherches effectuées par M. Willms, environ 40 p. 100 des enfants qui arrivent en 2e ou en 3e année à l'âge de 8 ans ne sont pas capables de lire correctement. S'ils ont encore du mal à lire à cet âge-là et qu'ils ne peuvent pas apprendre en lisant, cela va les suivre toute leur vie. Est-ce normal?

Nous apprenons beaucoup aujourd'hui que le jeune enfant doit recevoir les stimuli voulus dans le milieu voulu pour bien développer son cerveau. Je ne dis pas que ce développement n'est pas possible à la maison, mais 70 p. 100 des mères travaillent. Qu'entendez-vous par normal?

Dr Chong : J'aimerais préciser deux choses. Quand je parle de conditions, je suis assez vieux pour me rappeler du Régime d'assistance publique du Canada qui a été remplacé par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Des enfants normaux de classe moyenne qui grandissent dans un milieu normal et qui n'ont pas de problème auditif ou visuel vont se développer comme prévu, c'est-à-dire qu'ils vont recevoir les stimuli normaux que nous avons tous reçus quand nous étions enfants. Cependant, ce peut ne pas être le cas s'ils vivent dans un milieu défavorisé. Beaucoup de recherches effectuées dans les domaines de la neuroscience et du comportement des enfants montrent que les valeurs transmises, comme la lecture ou l'apprentissage d'un instrument de musique, doivent faire l'objet d'un enseignement. Elles ne sont pas acquises spontanément.

Si j'ai donné l'impression que les enfants vont savoir lire naturellement, ce n'était pas mon intention. Je fais une différence entre les stimuli qui se retrouvent normalement dans le milieu et ceux qui sont transmis, c'est-à-dire qu'il faut apprendre. Personne ne sait d'instinct comment lire ou jouer du piano ou du violon; il faut l'apprendre. La lecture et la littératie sont des capacités que nous développons seulement depuis quelques centaines d'années.

Cela dit, je crois toujours que nos maigres ressources devraient être destinées aux personnes les plus démunies. À Toronto, par exemple, les enfants qui vivent à Rosedale et Forest Hill, à moins d'être négligés par leurs parents, vont bien se débrouiller. Je sais que M. Mustard en parle dans son deuxième rapport. Cependant, il reste que les enfants qui sont entourés de soins normaux par leurs parents et leurs grands-parents n'auront pas de problème. Par contre, il y a des problèmes dans les quartiers d'habitations subventionnées, comme Regent Park, où les enfants n'ont pas l'occasion de vivre les mêmes expériences que des enfants de classe moyenne ou supérieure.

J'ai fréquenté l'école primaire et secondaire au centre-ville de Toronto et j'avais des compagnons de classe qui venaient de Regent Park. C'est ce qui a alimenté ma réflexion. J'ai lu les rapports produits par Fraser Mustard, Margaret Norrie McCain et Stuart Shanker. Je comprends certaines de leurs observations, mais ils n'ont pas assuré un suivi sur 20 à 30 ans à propos du Abecedarian Project et du Perry Preschool Project. Le rapport résume ces études pour une raison ou une autre et les suivis montrent que les gains acquis quand les enfants avaient six, sept, huit et douze ans commençaient à s'estomper et que ces enfants finissaient par devenir comme les autres petits Américains de classe moyenne, parce que ces études ont été menées aux États-Unis.

Ces programmes ont permis à des enfants de quartiers socioéconomiques défavorisés d'être exposés à un milieu qu'ils n'auraient pas fréquenté normalement. Cela a été bénéfique de toute façon, parce qu'ils ont pu entreprendre des carrières et mener des vies bien remplies. Voilà pourquoi les rapports du Dr Mustard et ses arguments ont eu autant d'impact. Je n'approuve pas nécessairement tout ce qui figure dans ces rapports, pas plus que beaucoup d'autres scientifiques d'ailleurs.

Le sénateur Trenholme Counsell : M. Willms, au nom du gouvernement fédéral et de Statistique Canada, termine une étude sur les enfants vulnérables. Il est l'un des principaux chercheurs de l'Institut canadien de recherches avancées. Il a des graphiques sur les enfants vulnérables. Ces enfants ne sont pas prêts à fréquenter l'école et ont de nombreux problèmes. Nous parlons ici d'enfants venant de milieux défavorisés.

Au Canada, il y a beaucoup plus d'enfants vulnérables parmi la classe moyenne. Par conséquent, les enfants issus de la classe moyenne ne réussissent pas nécessairement bien, pas plus que les enfants issus de milieux aisés, selon une étude sérieuse faite au nom de Statistique Canada. Au Canada, c'est parmi la classe moyenne qu'il y a le plus grand nombre d'enfants qui éprouvent des problèmes de développement et des difficultés d'apprentissage.

Dr Chong : Selon moi, si les parents ont les moyens et ne font pas leur travail, c'est un problème qu'ils devront corriger.

Lorsque les ressources sont limitées, nous ne pouvons pas nous permettre de les éparpiller.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est un grand débat.

Le sénateur Fairbairn : Vous avez parlé de l'importance d'investir dans les services de garde de jeunes enfants, au sein des secteurs en difficulté de notre société. Il ne semble pas y en avoir de plus problématique que celui de nos communautés autochtones, que ce soit dans les provinces ou les territoires.

Le rapport Petite enfance, grands défis II : politique gouvernementale concernant l'éducation et les soins destinés à la petite enfance de l'OCDE indique qu'on finance les services de garde pour les enfants vivant dans les réserves ou dans les collectivités inuites, mais que le nombre de places en garderie est insuffisant pour répondre à la demande. L'accessibilité aux services de garde a-t-elle changé pour ces groupes depuis la publication du rapport? Pouvez-vous nous dire quels ministères travaillent directement sur cet important dossier?

M. Tupper : J'ai passé 10 ans à préparer la réponse du gouvernement à la situation dans les pensionnats. Après toutes ces années à m'occuper des cas de maltraitance d'enfants, je suis heureux de pouvoir maintenant chercher des moyens d'aider les jeunes.

Le ministère que je représente offre le programme le plus important qui soit par l'intermédiaire de l'Initiative de la garde d'enfants à l'intention des Premières nations et des Inuits, avec un financement d'environ 57 millions de dollars par année. Il y a deux programmes émanant de Santé Canada et de l'Agence de santé publique du Canada qui concernent le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Celui de Santé Canada est mené dans les réserves et celui de l'Agence de santé publique est destiné aux enfants vivant dans les collectivités nordiques et inuites. En outre, il y a deux autres programmes financés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui reprennent des initiatives remontant à 1968. Ce sont des ententes conclues avec l'Ontario et l'Alberta par lesquelles le ministère consent du financement à ces provinces pour les services d'aide à l'enfance des Premières nations.

Les dépenses fédérales s'élèvent à environ 160 millions de dollars par année. Ce montant a augmenté considérablement depuis 2000. La zone de rayonnement de notre programme de places en garderie, offert par Ressources humaines et Développement social Canada, couvre environ les deux tiers des communautés autochtones, soit plus de 400 sur les 600 qui existent actuellement. Ce programme est lié à d'autres services offerts par mon ministère en matière d'emploi, et fait partie d'une entente sur le développement des ressources humaines autochtones. Nous essayons de faire profiter au maximum les sommes investies en examinant divers problèmes sociaux au sein des communautés et en tentant de soutenir les familles par différents moyens qui leur permettent de trouver des emplois et de suivre une formation, entre autres. Les services de garde sont donc un élément essentiel de cette initiative, au-delà des questions de qualité des places offertes.

En ce qui concerne le nombre exact de places pour la population dans les réserves, nous examinons et analysons actuellement la situation. À notre avis, il faudra probablement effectuer d'autres investissements, mais nous n'avons pas encore terminé notre étude.

Le président suppléant : Le Comité consultatif ministériel sur l'Initiative sur les places en garderie du gouvernement du Canada a recommandé que l'on augmente la « déduction pour frais de garde d'enfants (DFGE) pour l'établir à 9 000 $ par année pour les enfants de moins de 7 ans et à 6 000 $ pour les enfants de 7 à 16 ans, à compter de 2007 ».

Quel est le coût moyen des services de garde pour les enfants de moins de 7 ans qui vont à la garderie à plein temps? Quels seraient les avantages d'augmenter la déduction pour frais de garde d'enfants? Quels en seraient les inconvénients?

Dr Chong : Je ne peux vous fournir le coût des services de garde, car il varie. Peut-être que M. Tupper pourrait le faire. Il peut aller de 800 $ à 2 000 $ par mois, selon qu'il s'agit d'un nourrisson, d'un bambin ou d'un enfant d'âge préscolaire.

Nous recommandons que les déductions soient augmentées afin que les familles aient accès à des fonds additionnels. Je ne peux toutefois dire si cela aura une incidence sur l'utilisation des services de garde. Je vais laisser le soin à M. Tupper de répondre.

M. Tupper : Je ne suis pas fiscaliste. Je peux vous parler de notre analyse et de notre opinion concernant les déductions pour frais de garde.

Au niveau national — et c'est très trompeur — les services de garde pour les nourrissons de moins de 2 ans coûtent en moyenne un peu plus de 5 600 $ par année. Pour les enfants de plus de 2 ans, c'est un peu moins, soit 5 200 $ par année. Si on habite au centre-ville de Toronto, de Montréal ou de Vancouver, on dépense probablement entre 8 000 et 12 000 $ par année en frais de garderie. Par contre, dans une petite communauté, selon les garderies, un parent peut débourser moins de 5 000 $. C'est sans doute le prix le plus bas, mais cela varie en fonction des régions.

Dr Chong : Le comité a reconnu qu'il importait avant tout que les familles disposent de plus d'argent. Que ce soit directement ou indirectement, nous pensons que cela en vaut la peine. Cela peut représenter plusieurs milliards de dollars, mais nous avons fait cette recommandation parce que nous considérons qu'il est très important d'investir dans ce domaine. Nous ne pensions pas qu'il s'agirait d'une petite somme, nous savions que ce serait beaucoup.

Le président suppléant : Nous tenons à vous remercier tous deux de votre présence. Nous avons beaucoup appris durant ces deux heures. J'ai dit aux gens que j'ai travaillé durant 32 ans comme journaliste, à poser des questions, et que maintenant, je dois faire mes devoirs. Nous allons poursuivre la séance à huis clos trois ou quatre minutes pour régler des questions d'ordre administratif.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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