Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 26 - Témoignages du 21 juin 2007
OTTAWA, le jeudi 21 juin 2007
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-14, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (adoption), se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour en étudier la teneur.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[traduction]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Ce matin, nous examinons le projet de loi C-14, qui modifie les dispositions de la Loi sur la citoyenneté concernant l'adoption. Nous accueillons des représentants du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui vont nous parler du fond du projet de loi et répondre à nos questions. Sont présents Mark Davidson, directeur, Législation et politique du programme, Section de la citoyenneté; Margaret Dritsas, conseillère en matière de nationalité, Section de la citoyenneté; Karen Clarke, gestionnaire par intérim, Section de la citoyenneté; et Alain Laurencelle, conseiller juridique. Bienvenue à tous.
Mark Davidson, directeur, Législation et politique du programme, Section de la citoyenneté, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration : Je suis heureux d'être ici, et je remercie les honorables sénateurs de l'intérêt qu'ils manifestent pour cet important projet de loi.
[français]
Je suis très attentivement les délibérations sur le projet de loi C-14. Je suis heureux de vous appuyer dans l'étude de celui-ci, article par article, et j'espère que mes collègues et moi-même pourrons répondre à toutes vos questions.
[traduction]
À l'heure actuelle, la Loi sur la citoyenneté fait une distinction entre les enfants nés de citoyens canadiens qui résident dans un autre pays et les enfants nés dans un autre pays et adoptés par des citoyens canadiens. Lorsque des citoyens canadiens qui vivent à l'étranger donnent naissance à un enfant, le Canada accueille, au même moment, un nouveau citoyen.
En revanche, lorsque des citoyens canadiens vont à l'étranger pour adopter un enfant et l'accueillir dans leur famille, celui-ci doit demander le statut de résident permanent et être admis au Canada avant d'y être accueilli comme citoyen. Un enfant né à l'extérieur du Canada d'un parent canadien acquière la citoyenneté par descendance et n'a qu'à présenter une demande pour obtenir une preuve de celle-ci, alors qu'un enfant adopté doit d'abord entrer au Canada par la filière de l'immigration avant de passer par le processus de la citoyenneté.
Le projet de loi C-14 vise précisément à éliminer l'étape de la résidence permanente. Ainsi, les enfants dont la demande répond aux normes établies dans le projet de loi pourraient obtenir la citoyenneté canadienne pendant qu'ils sont encore à l'étranger et entrer au Canada comme citoyens du pays.
[français]
Ces dispositions législatives résultent d'une étude exhaustive et ont obtenu l'appui de députés, de familles et de groupes d'intervenants comme le Conseil d'adoption du Canada, The Adoption Council of Ontario, The Adoptive Families Association of British Columbia. Les provinces et les territoires appuient aussi sans réserve le projet de loi.
Au cours de ces consultations exhaustives, certaines préoccupations légitimes ont été soulevées. Deux modifications au projet de loi ont été adoptées à la Chambre des communes. Elles ont trait à sa date d'entrée vigueur et au dépôt des dispositions réglementaires.
[traduction]
Le projet de loi C-14 et le règlement qui en découle contiennent plusieurs mesures pour protéger la citoyenneté canadienne. Par exemple, il faut démontrer l'existence d'un véritable lien affectif parent-enfant. Il faut aussi s'assurer que l'adoption a été faite dans l'intérêt supérieur de l'enfant et que le foyer d'adoption a fait l'objet d'une évaluation adéquate. Les parents biologiques doivent avoir consenti à l'adoption. Nous devons également être convaincus qu'il ne s'agit pas d'une adoption de complaisance et qu'aucune personne ne retirera des gains injustifiés de l'adoption.
Dans bien des cas, l'adoption doit être conforme aux dispositions de la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Par souci de simplicité, nous l'appellerons la Convention de la Haye.
Les adoptions doivent être approuvées par le pays où vit l'enfant et, si les parents sont des résidents du Canada, par le gouvernement de la province ou du territoire. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne participe pas au processus d'adoption lui-même, mais il est responsable du processus d'immigration qui permet à l'enfant né à l'étranger et adopté par un citoyen canadien dans un autre pays d'obtenir la citoyenneté ici.
[français]
Le fait que l'adoption relève des compétences provinciales et territoriales est pris en compte dans le projet de loi C- 14 et cela ne change en rien cette situation, que les adoptions soient traitées en vertu de la Loi sur la citoyenneté ou de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les gouvernements provinciaux et territoriaux collaborent étroitement pour soutenir les familles, assurer l'intégrité du programme et protéger les enfants.
[traduction]
Mes collègues et moi serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci d'avoir exposé les dispositions et l'objet du projet de loi. Avant de céder la parole à mes collègues, j'aimerais vous poser une question à propos d'un mémoire présenté au comité pertinent de la Chambre des communes par l'Association du Barreau canadien, plus particulièrement la Section nationale du droit de la citoyenneté et de l'immigration. Le mémoire date de juin 2006. J'ignore dans quelle mesure ses recommandations ont été mises en œuvre.
J'y ai seulement jeté un coup d'œil ce matin. L'Association recommande, par exemple, qu'une disposition semblable au paragraphe 5(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, soit incluse dans le projet de loi C- 14 pour que tout règlement mis en œuvre en vertu du projet de loi soit soumis au comité parlementaire concerné à des fins de consultations et de discussions complémentaires, pour assurer sa conformité à la LIPR. Voilà l'une des recommandations.
L'Association consacre ensuite une bonne partie de son mémoire à la question des droits d'appel. Le recours d'appel consiste à solliciter l'autorisation de présenter à la Cour fédérale du Canada une demande de révision judiciaire concernant le refus d'octroyer la citoyenneté, processus qui nécessite beaucoup de temps et d'argent. Selon l'Association, il serait préférable d'utiliser une démarche semblable à celle de la Section d'appel de l'immigration car, en vertu du projet de loi C-14, si une personne voit sa demande rejetée, la procédure d'appel sera très longue et coûteuse. Enfin, l'Association recommande qu'on établisse une marche à suivre et des lignes directrices claires et qu'on dispense la formation nécessaire aux agents des visas qui prennent les décisions concernant la citoyenneté.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des préoccupations soulevées par l'Association du Barreau canadien, et comment vous envisagez de les intégrer ici?
M. Davidson : En ce qui concerne la première question, c'est-à-dire le dépôt des règlements, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui a été adoptée par le Parlement en 2002, contient une disposition selon laquelle tout projet de règlement doit être déposé devant les deux Chambres du Parlement avant d'être approuvé par le gouverneur en conseil. Or, le projet de loi ne contenait pas une telle disposition dans la version déposée par le gouvernement au printemps dernier. Par contre, lorsque le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes en a étudié la teneur en juin 2006, il a apporté plusieurs modifications, dont une qui faisait écho à la demande particulière de l'Association du Barreau canadien.
Le projet de loi C-14, dans sa version actuelle — c'est-à-dire, celle adoptée par la Chambre et par le Sénat en deuxième lecture —, comprend l'article 3.1, qui ajoute à la loi le nouvel article 27.1, en vertu duquel le ministre fait déposer tout projet de règlement devant chaque Chambre du Parlement avant sa date d'entrée en vigueur. Toutefois, l'article précise qu'il n'est pas nécessaire de déposer de nouveau le projet de règlement s'il a subi des modifications après le premier dépôt. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés contient des dispositions semblables en matière de dépôt des règlements. En effet, cet article ressemble beaucoup à celui évoqué par l'Association du Barreau canadien.
En ce qui concerne votre deuxième point, soit la procédure d'appel, la Loi sur la citoyenneté prévoit un mécanisme de révision judiciaire en Cour fédérale pour les personnes qui souhaitent interjeter appel d'une décision du ministre ou de son délégué. Quiconque interjette appel d'une décision rendue par le ministre peut se prévaloir de ce mécanisme. Les décisions du ministre ou de son délégué correspondent aux types de décisions visées par le projet de loi C-14. Au moment de déposer le projet de loi, le gouvernement avait d'ailleurs indiqué que le mécanisme d'appel pertinent serait la révision judiciaire.
Le président : Permettez-moi de vous interrompre. L'Association du Barreau canadien soutient que c'est une procédure très coûteuse et restrictive. Il s'agit seulement d'une révision des faits juridiques et non d'entendre d'autres témoignages — comme ce serait le cas dans une audience de la Section d'appel de l'immigration. Non seulement la procédure est-elle très restrictive au chapitre des preuves qui peuvent être fournies, mais elle est aussi très coûteuse. Comment a-t-on réglé le problème? Bien des parents adoptifs n'ont peut-être pas les moyens de faire appel aux tribunaux.
M. Davidson : Le comité permanent de la Chambre s'était penché sur cette question. En juin 2006, il a apporté un amendement selon lequel toute décision prise aux termes du projet de loi C-14 pouvait être portée en appel devant la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. C'est cette version du projet de loi que le comité permanent de la Chambre a renvoyée à la Chambre.
Par la suite, nous avons entrepris de vastes consultations, aussi bien avec les intervenants du milieu de l'adoption qu'avec les provinces et les territoires. Ces consultations, et surtout les discussions que nous avons eues avec les provinces, nous ont permis de dégager le problème que posait le mécanisme d'appel de la Section d'appel de l'immigration, tel qu'il était énoncé dans le projet de loi C-14 à la suite de l'amendement du comité permanent. C'est que ce mécanisme risquait de se substituer à l'autorité des provinces.
Nous pourrions nous retrouver dans une situation où une province refuserait à des requérants la possibilité d'adopter un enfant — par exemple, parce qu'elle les considère inaptes —, mais la Section d'appel de l'immigration serait habilitée à renverser cette décision et à imposer ou attribuer la citoyenneté à l'enfant. Nous serions dans la situation peu enviable où nous serions forcés d'attribuer la citoyenneté à l'enfant. Donc, l'enfant adopté viendrait au Canada, mais n'aurait pas de parent légal ici, parce que le gouvernement provincial ou territorial, qui assume la responsabilité constitutionnelle en matière de protection des enfants et d'adoption, jugerait la famille inapte.
Cette disposition du projet de loi C-14, adoptée par la Chambre, a été supprimée à l'étape du rapport. La version qu'a reçue le Sénat est celle qui renferme les dispositions relatives à la révision judiciaire comme mécanisme d'appel, ainsi que les deux autres amendements dont j'ai parlé tout à l'heure — c'est-à-dire la date d'entrée en vigueur et la disposition réglementaire. C'est cette version du projet de loi dont nous sommes saisis maintenant au Sénat.
Le président : Qu'en est-il de l'autre recommandation?
M. Davidson : La troisième recommandation porte sur l'établissement de lignes directrices claires et la formation. Comme je l'ai dit, avec le système actuel, les requérants font une demande de statut de résident permanent en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Leur demande est traitée à l'étranger par des agents des visas qui ont le pouvoir délégué de traiter les demandes d'adoption et les autres dossiers d'immigration, évidemment, hors du Canada. Ils ont reçu une formation approfondie sur le traitement des demandes d'adoption. Ils connaissent bien le contexte juridique, culturel et social des pays où ils travaillent. Ils sont donc les mieux placés pour évaluer la situation des requérants.
Dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi C-14, les agents des visas continueront de remplir un rôle semblable en vertu de la Loi sur la citoyenneté. La différence, c'est qu'au moment de traiter les demandes d'adoption en vertu de la Loi sur la citoyenneté, ils auront un pouvoir délégué à titre d'agents de citoyenneté, et non d'agents d'immigration. En fait, ils feront un travail semblable consistant à examiner les demandes d'adoption et à s'assurer que celles-ci respectent les exigences provinciales et les exigences juridiques du pays étranger, et que ce ne sont pas des adoptions de complaisance. Mais au lieu de délivrer un visa de résident permanent en qualité d'agents d'immigration, ils attribueront la citoyenneté à ces enfants dans le rôle d'agents de citoyenneté.
Le président : Est-ce que je dois comprendre par là que la réponse, c'est oui, Citoyenneté et Immigration Canada formulera des procédures et des lignes directrices claires?
M. Davidson : Oui, en un mot, absolument.
Le sénateur Callbeck : Merci d'être ici ce matin. Vous avez dit que les provinces appuient fermement cette loi. J'en déduis que toutes les provinces l'ont acceptée.
M. Davidson : Tout à fait.
Le sénateur Callbeck : J'entends souvent parler du long délai que prend pour un couple canadien l'adoption d'un enfant dans un autre pays. Pouvez-vous nous parler des étapes à franchir, y compris des délais moyens et des frais et coûts afférents?
M. Davidson : Je vais demander à ma collègue, Mme Clarke, de répondre à cette question. Je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure de donner tous les détails, particulièrement en ce qui a trait aux coûts. Mme Clarke pourra vous expliquer le processus, où l'immigration ou la citoyenneté ne sont que des éléments d'un tout.
Karen Clarke, gestionnaire par intérim, Direction générale de la Citoyenneté, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration : Avec le processus d'immigration actuel, comme la loi C-14 n'est pas encore en vigueur, les couples qui souhaitent adopter un enfant doivent s'adresser au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada. En général, nous leur conseillons de revenir nous voir après avoir fait faire l'étude du milieu familial, qui est menée en coordination avec la province ou le territoire. L'étude peut parfois prendre plusieurs mois, après quoi, la province donne le feu vert pour passer à l'étape suivante — soit, à l'heure actuelle, le dépôt d'une demande de parrainage.
Le sénateur Callbeck : Où envoie-t-on cette demande?
Mme Clarke : On l'envoie à Mississauga, où se trouve un centre de traitement du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le processus de demande de parrainage est bref, car les dossiers d'adoption sont traités en priorité. Par conséquent, l'examen de la conformité aux exigences de parrainage est rapide. Je crois que cette vérification ne prend que quelques jours.
Par ailleurs, il faut prendre d'autres mesures à l'étranger, en l'occurrence avec l'agence d'adoption afin de sélectionner un enfant, et s'assurer que les provinces ont, elles aussi, effectué leurs vérifications. J'ignore les délais relativement à cet aspect.
Une fois que l'enfant est sélectionné et que la province a donné le feu vert aux parents adoptifs pour aller le chercher dans son pays d'origine, le processus est, en fait, très rapide. Prenons l'exemple de Beijing, d'où viennent environ la moitié des enfants adoptés, soit à peu près 1 000 par année. Dès que les vérifications sont faites, nous pouvons délivrer des visas de résidents permanents dans les quelques jours qui suivent l'arrivée des parents adoptifs en Chine.
Le processus d'immigration comporte d'autres exigences, comme l'obtention d'un certificat médical pour protéger la santé et la sécurité publiques, et aussi d'un passeport pour l'enfant. Là encore, il ne faut que quelques jours. Toutefois, j'ignore le temps que prennent la plupart des démarches qui se font en coulisses, comme la sélection de l'enfant et l'obtention du consentement. Mais dès que le ministère entre en jeu, tout va vite.
M. Davidson : L'autre facteur qu'il faut prendre en compte, c'est que le délai dépend beaucoup aussi du pays où se rend la personne, car chaque pays peut avoir des exigences assez différentes et imposer un plus grand nombre de vérifications initiales, ce genre de choses. Il est difficile de dire exactement combien de temps tout cela peut prendre. De toute évidence, le processus d'adoption dans son ensemble peut s'étirer sur une très longue période, qui dure souvent plusieurs années. Or, en ce qui concerne l'immigration ou la citoyenneté, quelques jours suffisent d'habitude au terme de ce processus qui s'échelonne sur deux ans ou plus.
Le sénateur Callbeck : Vous dites que le processus peut être long, mais vous ne pouvez indiquer de délai approximatif. Par exemple, vous dites qu'un grand nombre de couples canadiens adoptent des enfants de Beijing. N'avez-vous pas une idée du temps que cela peut prendre en moyenne?
M. Davidson : En général, nous ne voyons la famille qu'après qu'elle ait déjà fait quantités de démarches. Nous n'intervenons pas dans ses négociations avec le gouvernement provincial pour en obtenir l'autorisation, ni avec le gouvernement chinois ou les centres d'adoption à l'étranger pour trouver l'enfant. Nous ne voyons qu'une partie du tout et nous ne pouvons vous dire si les familles adoptives doivent attendre en moyenne 12, 14 ou 24 mois. Nous ne disposons pas de cette information.
Le sénateur Callbeck : Qu'en est-il des frais et des coûts? Combien un couple doit-il s'attendre à payer en moyenne?
M. Davidson : Il a déjà été question d'un coût moyen de l'ordre de 10 000 à 20 000 $, mais nous ne sommes pas en mesure de le confirmer. Il varie énormément selon le pays et le contexte.
Le sénateur Callbeck : Merci.
Le sénateur Keon : À l'heure actuelle, combien de pays sont ouverts à l'adoption? J'entends parler de la Chine et de la Russie, mais il ne semble pas y en avoir beaucoup d'autres. Quel choix de pays s'offre-t-il à un parent adoptif?
M. Davidson : En réalité, il est bien vrai que les enfants adoptés dont nous entendons parler viennent d'un petit nombre de pays. Actuellement, environ 50 p. 100 des enfants adoptés viennent de la Chine. En théorie, on peut adopter dans n'importe quel pays, mais la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur la citoyenneté stipulent que l'adoption doit être légale au Canada, soit dans la province d'accueil, et dans le pays étranger. Certains pays sont favorables à l'adoption internationale, alors que d'autres, pour toutes sortes de raisons, ne le sont pas ou font en sorte que le processus d'adoption soit extrêmement complexe.
De plus, parce qu'il leur incombe d'approuver les demandes d'adoption des résidents canadiens, les provinces sont également dotées d'un mécanisme qui leur donne droit de regard sur le processus d'adoption des autres pays. De temps à autre, si les provinces apprennent qu'il pourrait y avoir certains problèmes dans un pays donné, elles peuvent très bien imposer un moratoire sur les adoptions dans ce pays. Au cours des dernières années, plusieurs pays ont fait l'objet de moratoires officiels ou officieux, soit parce que l'on y constatait un taux élevé d'abus, soit parce qu'eux-mêmes modifiaient leurs règlements en matière d'adoption. Ces pays avaient fait savoir aux administrations canadiennes qu'étant en train de peaufiner et modifier leurs exigences, ils ne souhaitaient pas recevoir de demandes d'adoption de familles du Canada ou de l'étranger durant cette période.
En deux mots, tous les pays sont admissibles en théorie, mais en pratique, 50 p. 100 des enfants adoptés viennent d'un pays et la grande majorité des autres proviennent d'une dizaine d'autres pays.
Le sénateur Keon : Et si quelqu'un veut adopter un enfant d'un pays qui affiche une forte incidence de maladies transmissibles? L'adoption est-elle impossible ou peut-elle se faire s'il y a une sélection rigoureuse et un examen médical?
M. Davidson : En matière d'adoption, il importe d'aborder l'état de santé sous deux angles. D'une part, il faut songer à l'aspect juridique, autrement dit ce que prévoient les lois en vigueur. En l'occurrence, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur la citoyenneté. D'autre part, il faut penser à l'état de santé de la famille et à l'information qu'on peut obtenir.
Dans les cas d'adoption qui sont traités conformément à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les candidats doivent subir un examen médical pour déterminer surtout s'ils présentent un danger pour la santé ou la sécurité publiques. Le fait qu'un immigrant au Canada, y compris un enfant adopté, soit atteint d'une maladie transmissible pourrait constituer un motif de refus du visa d'immigrant. On pourrait lui demander s'il est atteint de tuberculose progressive et de subir une série de traitements avant sa venue au Canada. C'est l'aspect de l'immigration.
Pour obtenir la citoyenneté, il n'y a pas d'exigences médicales de ce genre. Le projet de loi tente d'atténuer la distinction qui est faite entre les enfants adoptifs et les enfants biologiques nés à l'étranger. Les interdictions de territoire ou autres, qui sont peut-être justifiées sous l'angle de l'immigration ne le sont pas dans le cas de la citoyenneté. Si un Canadien a un enfant biologique né à l'étranger qui est atteint d'une maladie transmissible, cet enfant est tout aussi canadien qu'un enfant sain. Par conséquent, en vertu de la Loi sur la citoyenneté, il n'y a pas de refus pour motifs d'ordre médical.
J'ai parlé au début de ma réponse de deux aspects d'ordre médical. Le deuxième, c'est que nous voulons nous assurer, tant pour les enfants immigrants que les enfants biologiques nés à l'étranger, que les parents sont pleinement informés de l'état de santé de l'enfant et que c'est pris en compte dans la décision de la province d'accepter l'étude du milieu familial. Par exemple, la province voudra s'assurer que les parents comprennent bien les problèmes de santé de l'enfant et en tiennent compte, et que la famille adoptive ait les ressources appropriées à sa disposition.
Nous tenons, et les provinces aussi, à nous assurer que la famille sache à quoi elle s'engage quand elle adopte un enfant. L'enfant pourrait avoir une maladie qui ne l'empêcherait pas forcément d'obtenir la citoyenneté canadienne, mais nous voulons nous assurer que la famille est au courant de la maladie et ce qu'elle implique pour qu'elle n'ait pas la surprise d'apprendre que l'enfant est atteint d'une maladie grave à son arrivée au pays.
En troisième lieu, il y a les aspects de santé et de sécurité publiques dont les gouvernements provinciaux et fédéral doivent s'assurer que nous assumons la surveillance. Si une personne atteinte d'une maladie transmissible débarque au pays, il existe un mécanisme pour la repérer et la signaler aux autorités sanitaires dans n'importe quelle collectivité ou province cette personne se rend, pour que soient prises les mesures appropriées.
Le sénateur Trenholme Counsell : Cette loi ne sera pas appliquée tant que le règlement ne sera pas en place. Si je me souviens bien, il s'est écoulé beaucoup de temps avant qu'il y ait un règlement dans le cas de la Loi sur la procréation assistée, peut-être deux ans. Vous ne précisez jamais, dans les projets de loi, d'échéance pour l'entrée en vigueur du règlement, n'est-ce pas? Alors, combien de temps faudra-t-il, selon vous, pour le rédiger? Je sais qu'il doit être approuvé par les deux Chambres du Parlement.
M. Davidson : En fait, la Chambre des communes a modifié le projet de loi pour stipuler qu'il entrera en vigueur à une date fixée par le gouverneur en conseil ou six mois après avoir reçu la sanction royale, selon la première éventualité. Dans ce cas-ci, nous savons que le projet de loi entrera en vigueur dans les six mois qui suivront la sanction royale, ce qui signifie pour nous que nous devons veiller non seulement à ce que le projet de règlement soit publié et que les intéressés auront été consultés, mais aussi qu'ils soient prêts à être mis en œuvre.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce paragraphe n'indique pas clairement si les règlements doivent aussi être prêts dans le délai de six mois. Donc, ces règlements devront être présentés aux deux Chambres bien avant, c'est-à-dire dès notre retour.
M. Davidson : Il faut procéder à la rédaction des règlements, ce que nous avons commencé à faire.
Le sénateur Trenholme Counsell : Devez-vous consulter l'ensemble des provinces et des territoires pour obtenir les informations et les données nécessaires à la rédaction ou les avez-vous déjà en mains?
M. Davidson : Nous avons un modèle, car un grand nombre des règlements ressembleront beaucoup au règlement d'application de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Toutefois, nous devrons rédiger un règlement précis relatif à la citoyenneté, qui fera l'objet de discussions avec les provinces : Nous avons d'ailleurs déjà entamé ce processus. Nous discutons avec elles de la teneur du règlement depuis deux ans.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pensez-vous passer à la rédaction très bientôt?
M. Davidson : Nous avons nos consignes, alors oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais qu'on me donne plus d'explications sur les adoptions de complaisance. Sont-elles fréquentes? Quel est le processus et de quelle façon ces adoptions sont-elles signalées aux autorités?
M. Davidson : Dans la vaste majorité des cas que nous traitons, il s'agit de familles canadiennes qui ont décidé d'adopter à l'étranger. Les adoptions en Chine sont le meilleur exemple. Souvent, ces familles ont déjà un enfant ou veulent en adopter un.
Elles entreprennent des démarches auprès du gouvernement provincial et du gouvernement étranger, qui leur trouve un très jeune enfant, souvent âgé de moins de cinq ans. Ces adoptions de jeunes enfants représentent environ 80 p. 100 de l'ensemble des adoptions, parmi lesquelles on ne retrouve pratiquement aucune adoption de complaisance. Je ne dirai pas qu'il n'en existe pas, mais je sais qu'elles sont extrêmement rares. Dans 80 p. 100 des cas, il ne s'agit pas d'adoption de complaisance.
Cependant, depuis que des enfants plus vieux ont commencé à être adoptés, nous avons constaté certaines situations. Sans trop entrer dans les détails, je vais vous expliquer comment ces situations peuvent être portées à notre attention.
Il pourrait arriver qu'une famille vivant au Canada ait adopté légalement un enfant dans un pays étranger. Elle a fait une demande pour obtenir le statut d'immigrant ou, plus tard, le statut de citoyen pour cet enfant. Nous nous rendons compte que l'enfant a été adopté depuis cinq ou dix ans. Nous apprenons que l'enfant adoptif vit depuis cinq ou dix ans avec sa famille biologique, à savoir ses frères et sœurs, sa mère et son père. L'enfant a vécu sous le même toit qu'eux, autrement dit, durant cinq ou dix ans après l'adoption. Nous apprenons que la famille adoptive est celle d'une tante ou d'un oncle de l'enfant. Nous nous sommes parfois entretenus avec les parents biologiques et l'enfant adoptif qui, souvent, n'est plus un enfant. Il peut être adolescent. Nous examinons avec eux ce qui est arrivé après l'adoption. Nous constatons qu'on n'a jamais informé l'enfant qu'il a été adopté. On ne lui a jamais dit que ces gens au Canada qu'il appelle sa tante et son oncle sont, en fait, considérés comme ses parents légaux. On ne lui a jamais dit que ses parents et ses frères et sœurs biologiques ne font plus légalement partie de sa famille.
C'est l'un des meilleurs exemples d'une adoption de complaisance. Cette adoption n'avait pas pour but de constituer une nouvelle famille légale. L'intention n'était pas que l'enfant se joigne à cette nouvelle famille au Canada. Il était plutôt prévu, probablement depuis de nombreuses années, comme c'est souvent le cas, qu'il vienne au Canada rejoindre une tante, un oncle ou un autre membre de sa famille.
Le président : Y a-t-il d'autres questions?
Je vous remercie tous beaucoup d'être venus.
Chers collègues, nous devons étudier le projet de loi dont nous sommes saisis.
Je ne suis pas emballé par cette procédure d'appel. La Chambre des communes, en réponse à l'Association du Barreau canadien, semble avoir tenté de régler l'affaire, mais quand elle s'est butée à la résistance des provinces, si je comprends bien, elle a alors fait marche arrière et a laissé la procédure telle quelle, même si elle est lourde, coûteuse et restrictive.
Dans l'ensemble, cela me paraît un projet de loi qui vaut la peine d'être adopté. C'est à vous de décider.
Avez-vous des observations générales à faire ou désirez-vous passer à l'étude article par article?
Le sénateur Munson : Passons à l'étude article par article.
Le président : Allons-y.
L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. L'article 3.1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. Le projet de loi est-il adopté tel quel?
Des voix : C'est entendu.
Le président : Adopté. Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat dès que j'en aurai l'occasion, c'est-à-dire cet après-midi?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'ordre du jour est épuisé. Puisque que c'est notre dernière réunion avant le congé, je vous souhaite un très bel été.
La séance est levée.