Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 7 février 2007
OTTAWA, le mercredi 7 février 2007
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 15 afin d'étudier et de faire rapport sur le trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, les ports à conteneurs de la côte Est et les ports à conteneurs du Centre du Canada, sur les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et sur les politiques actuelles et futures à cet égard.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous recevons comme témoins, ce soir, M. Dominic Taddeo, président-directeur général, Administration portuaire de Montréal, M. Jean-Luc Bédard, vice-président, Opérations et capitaine du port, et M. Robert Masson vice-président, Marketing et développement.
Comme vous le savez, nous avons, depuis quelque temps, étudié ces dossiers qui sont importants pour nous et je pense que votre visite ici ce soir est d'une grande importance pour les membres du comité. On vous souhaite la bienvenue au nom de tous les sénateurs présents.
Nous vous écoutons d'abord et ensuite les sénateurs auront beaucoup de questions à vous poser.
Dominic J. Taddeo, président-directeur général, port de Montréal : Je vous remercie, madame la présidente, de nous donner l'occasion de venir présenter le port de Montréal et son rôle stratégique primordial dans le domaine des conteneurs et comme plaque tournante de l'Est du Canada.
Je tiens d'abord, au nom du conseil d'administration et de la direction générale de l'Administration portuaire de Montréal, à vous remercier de l'occasion que vous nous donnez ce soir de comparaître devant vous afin de discuter du système des transports du fret conteneurisé au Canada et de sa compétitivité, tant au pays que sur le marché nord- américain international.
Le travail que mène présentement ce comité sur la question du transport du fret conteneurisé représente une excellente occasion pour l'industrie de faire connaître son importance dans la compétitivité des industries canadiennes et surtout le rôle de levier économique que représente un port et son activité dans le succès d'une ville, d'une région, d'une province et même d'un pays.
À cet égard, le port de Montréal, qui relie la ville à plus 80 pays dans le monde, est un phare, un leader dans son secteur d'activités et un modèle d'efficacité pour l'industrie en Amérique du Nord. Il est surtout un moteur du développement économique pour Montréal, le Québec et le Canada tout entier.
Vous me permettrez de vous saisir, au cours des prochaines minutes, de l'importance du port dans notre économie.
Je répondrai également, tout au long de ma présentation, aux questions que le comité nous a soumises afin d'alimenter ses réflexions quant aux enjeux du transport intermodal.
Je vous présente une photo du port de Montréal et de sa structure. Comme vous le savez, c'est une agence fédérale autonome et rentable, créée par la Loi maritime du Canada le 1er mars 1999.
Notre conseil d'administration compte sept membres. Les trois paliers de gouvernement — fédéral, provincial et municipal — nomment un administrateur et les quatre autres membres sont nommés par le ministre des Transports sur recommandation des utilisateurs du port et en consultation avec eux. Le président du conseil est élu par les membres du conseil d'administration.
Vous trouverez dans ce document les membres de notre conseil d'administration d'aujourd'hui : M. Marc Bruneau, président, a été nommé il y a deux ans; M. Jeremy Bolger, vice-président; Mme Diane Provost, dont le mandat vient d'être renouvelé par la Ville de Montréal qui, eux, nomme une personne; le mandat de M. Raymond Massi, président de notre comité exécutif, dont le se terminera à la fin du mois; Mme Michèle Gouin, dont le mandat a été renouvelé aujourd'hui même par le gouvernement du Québec; et M. Normand Morin, qui fut nommé par le ministre des Transports il y a à peine deux mois. La direction générale du port de Montréal est représentée par moi, M. Jean-Luc Bédard, M. Robert Masson, maître Jean Mongeau, qui est absent aujourd'hui, ainsi que par Mme Sylvie Vachon.
La mission du port de Montréal est de fournir à ses clients des installations et des services portuaires efficaces dans le plus grand respect de l'environnement, ainsi que de rehausser et promouvoir les avantages concurrentiels du port de Montréal.
Notre objectif est de favoriser le développement des affaires, d'accroître la compétitivité du système portuaire, d'assurer l'autosuffisance financière, d'optimiser l'efficacité des ressources humaines et de maintenir de bonnes relations avec la collectivité.
Sur l'acétate précédent, vous avez sans doute remarqué que nous avons célébré l'an dernier les 175 ans de notre institution, à Montréal et au Canada.
Je vous montre une autre photographie de notre port.
[Traduction]
Le port de Montréal est le premier port à conteneurs de l'est du Canada et la porte d'entrée menant au cœur industriel de l'Amérique du Nord. Il occupe une position dominante sur la route commerciale transatlantique; c'est le port le plus proche du centre du Canada ainsi que du Midwest et du Nord-Ouest américains; c'est aussi le seul port à conteneurs sur le Saint-Laurent. L'industrie du transport a fait de Montréal une plaque tournante internationale et intermodale. Elle a investi plus d'un milliard de dollars dans des navires et du matériel de manutention au cours des 20 dernières années et relie Montréal à plus de 80 pays du monde entier.
[Français]
Voici les faits saillants sur le port de Montréal : un port multifonctionnel s'étalant sur 25 kilomètres sur l'île de Montréal; nous avons notre propre réseau ferroviaire long de 100 kilomètres, exploité par nos employés, qui est directement relié aux réseaux du CP et du CN; quatre terminaux à conteneurs parmi les plus efficaces en Amérique du Nord; un terminal céréalier et une gare maritime; un terminal de vrac solide à Contrecœur; une réserve foncière de 375 hectares, à Contrecœur. Nous exploitons notre propre réseau électrique, notre propre réseau d'égouts, notre propre système d'eau ainsi que notre propre voie de service privée à l'intérieur de la municipalité de Montréal, au sud de la rue Notre-Dame.
Nous sommes véritablement une ville dans une ville. Nous générons des retombées économiques évaluées à deux milliards de dollars par année et 18 000 emplois, directs et indirects. Nos infrastructures portuaires sont parmi les plus sécuritaires au monde répondant au code ISPS.
Je passe aux avantages du port de Montréal : Nous sommes un modèle d'efficacité. Situation géographique enviable sur le fleuve Saint-Laurent, à 1 600 kilomètres au cœur du continent, lieu où convergent trois grands réseaux — fluvial, ferroviaire et routier —, et nous sommes en exploitation 12 mois par année, depuis 1964, même en hiver.
[Traduction]
Nous sommes fiers que neuf des plus importantes compagnies de transport par conteneurs du monde desservent le port de Montréal : Maersk occupe la première place mondiale; Mediterranean Shipping Company, la seconde; CMA CGM la troisième; Hapag-Lloyd la cinquième; il y a aussi APL, Senator Lines, OOCL, NYK Line and MOL. Et je ne parle là que du secteur des conteneurs. Je tiens à souligner qu'en 1974, il n'y avait que deux grandes compagnies de transport maritime qui utilisaient Montréal comme port de transbordement.
Les principaux vraquiers qui utilisent le port sont les suivants : Fednav International Ltd., Canada Steamship Lines Inc., Canfornav Inc., Algoma Tankers, Seaway Marine Transport, Upper Lakes Group Inc. et Petro-Nav Inc. Nous avons aussi les transporteurs intérieurs qui desservent Montréal, Terre-Neuve et les Îles-de-la-Madeleine depuis le port de Montréal. Nous sommes un port terminus pour Océanex Inc., qui vient de construire un navire de 59 millions de dollars afin de desservir Montréal et Terre-Neuve. Cette compagnie utilise aussi Halifax mais fait surtout affaire avec Montréal.
[Français]
Transport Nanuk et le groupe C.T.M.A. sont principalement pour le cabotage sur le Saint-Laurent.
En ce qui a trait aux avantages concurrentiels du port de Montréal, nous sommes desservis par deux des plus grands transporteurs ferroviaires nord-américains, le CN et le CP; un port terminus qui permet une rotation plus élevée des navires ainsi que la préparation de trains unitaires par destination — je vous expliquerai plus tard, si vous le désirez — directement relié aux réseaux autoroutiers menant vers les marchés du Québec, de l'Ontario et des États du nord-est américain.
C'est une plaque tournante complètement intégrée : un Réseau rail-route : connexions directes avec les principales artères. Efficacité de transport : 55 p. 100 des mouvements se font par train au niveau des conteneurs avec CP et CN, 45 p. 100, et il y a plus de 25 compagnies de camionnage.
Je vous montre une photo de notre intermodalité, photo que vous reconnaissez : le pont Jacques-Cartier et l'accès au port de Montréal, qui est adjacent. Le réseau ferroviaire que vous voyez là, justement, passe en partie dans le Vieux- Port et se dirige ensuite vers l'Est où sont nos terminaux.
Comme je l'ai dit tantôt, c'est une plaque tournante intégrée. Nombre de trains entrant au port : chaque semaine, nous avons 45 trains conteneurs-intermodaux, ce qui veut dire qu'il y en a 45 qui sortent. Trois trains unitaires/ train bloc de grain par semaine, cinq trains unitaires/train bloc de vrac par semaine. Environ 2 000 camions par jour utilisent le port de Montréal.
Nous sommes au cœur d'une chaîne logistique diversifiée et bien intégrée : exploitant les terminaux, la Garde côtière, les arrimeurs, les transports ferroviaires, routiers, transitaires, expéditeurs, les entrepôts, les agences gouvernementales, débardeurs et vérificateurs, pilotes de lignes maritimes, agences maritimes. Il faut donc jouer sur tous ces tableaux et suivre de très près ce qui se déroule dans tous les domaines.
Nous avons aussi au port de Montréal un autre grand avantage : la paix industrielle au niveau des débardeurs et des vérificateurs, dont le contrat prendra fin en décembre 2008. Les employés du port de Montréal ont cinq conventions collectives. Nous avons signé avec les gens de quatre de ces cinq conventions jusqu'en 2011, et le cinquième, avec le réseau ferroviaire, est en voie d'être résolue jusqu'en 2012. À l'administration portuaire proprement dite, nous avons 325 employés.
Avec fierté, je vous montre un tableau du trafic total maintenant.
[Traduction]
Ce graphique représente le trafic total du port de Montréal. Comme vous pouvez le voir, la répartition est la suivante : en premier lieu, les chargements solides en vrac tels que le grain; les liquides, c'est-à-dire le pétrole; et les autres marchandises, qui sont conteneurisées. Le graphique illustre notre croissance de 2002 à 2006 et la croissance prévue en 2007. En ce qui concerne le trafic conteneurisé, nous sommes passés de 9,1 millions de tonnes à 12 millions de tonnes. L'an dernier, nous avons connu notre meilleure année de toute l'histoire du port, avec un trafic total de 25,1 millions de tonnes.
Que s'est-il passé à Montréal de 1960 à 2007? Cet acétate montre la croissance spectaculaire du trafic conteneurisé. En 1960, nous avons manutentionné 3,4 millions de tonnes de marchandises diverses, en majorité non conteneurisées. Aujourd'hui, le chiffre est passé à 11,8 millions de tonnes en majorité conteneurisées, soit une augmentation de 243 p. 100. Nous avons transformé ce port qui était essentiellement un port de marchandises en vrac pour le grain et le pétrole afin de répondre aux exigences internationales du commerce international et de tirer parti de notre situation géographiques privilégiée et nous en avons fait le port dominant qu'il est aujourd'hui dans l'Atlantique nord. En voici d'autres preuves.
Nous avons aussi des élévateurs à grains. À une certaine époque, Montréal était le point de transit pour le grain venu de l'ouest du Canada. Aujourd'hui, il ne reste plus qu'un seul élévateur opérationnel. En 1980, à Montréal nous avons manutentionné 8,5 millions de tonnes de grain. Aujourd'hui, le chiffre est de 1,2 million à 1,8 million de tonnes. Une fois par an, je me rends en pèlerinage à la Commission canadienne du blé pour lui demander ce que je pourrais faire de plus pour elle, au grand dam du port de Québec, qui a un élévateur privé. Le nôtre est public. Nous devons réserver 77 p. 100 de la capacité de l'élévateur à la Commission canadienne du blé, ce qui signifie qu'il ne nous reste que 23 p. 100 pour faire affaire avec les opérateurs privés. Ce n'est pas un problème; l'élévateur demeure très profitable et c'est la raison pour laquelle nous continuons à l'exploiter.
En ce qui concerne le trafic conteneurisé international sur l'Atlantique nord, 96 p. 100 de nos activités visent l'Europe et la région méditerranéenne. Nous faisons affaire avec tous les pays d'Europe et nous avons établi une tête de pont dans les pays du Bloc de l'Est qui commencent à s'ouvrir.
Le trafic conteneurisé domestique se fait surtout avec Terre-Neuve, et un peu avec le CTMA Group.
Ce qui fait notre force à Montréal, comme le montre le graphique à la page 13 de notre présentation, c'est que nous offrons le lien le plus rapide et le plus direct avec Toronto, Detroit, Chicago et New York. Au bas de ce graphique, vous pouvez voir que nous avons un nouveau lien avec Freeport. J'y reviendrai tout à l'heure lorsque je vous parlerai des nouvelles compagnies de transport maritime qui utilisent Montréal. Vous pouvez aussi voir les ports que nous desservons en Europe.
Sur la côte est de l'Amérique du Nord, Montréal se classe au troisième rang des ports à conteneurs après New York et Hampton Roads. Nous nous plaçons avant Baltimore, Halifax, Philadelphie ou Boston. On dit toujours de Halifax que c'est un port en eau profonde. Dans la presse, on parle toujours de Halifax et de Vancouver, jamais de Montréal. Nous sommes pourtant la vraie plaque tournante; nous sommes la vraie porte d'entrée. Nous avons le potentiel de croissance nécessaire, n'en déplaise à Halifax.
En ce qui concerne le trafic conteneurisé au Canada, 60 p. 100 de celui-ci est destiné au Canada et 40 p. 100 aux États-Unis. Aux États-Unis, 15 p. 100 de nos activités se déroulent dans le nord-est où nous allons jusqu'à Rhode Island, le Connecticut et le Massachusetts. Nous portons ombrage au port de Boston. Les transporteurs passent par Montréal ou New York pour aller à Boston.
Soixante-quinze pour cent de nos activités commerciales aux États-Unis concernent le Midwest, à cause de nos liens ferroviaires. Nous avons été les précurseurs du libre-échange. Souvenez-vous qu'en 1984, le Canada avait explosé d'indignation parce que M. Mulroney voulait le libre-échange. Montréal avait déjà commencé à pénétrer aux États- Unis sur un axe nord-sud grâce à CP Rail en 1980. Nous avions déjà établi notre corridor, notre porte d'entrée, le dernier mot à la mode.
J'ai écrit aux membres de l'industrie en 1986 pour les remercier d'utiliser le système portuaire de Montréal, la porte d'entrée qu'est notre port. Bien entendu, lorsque M. Lapierre a utilisé pour la première fois le terme « port d'entrée », il y a trois ans, j'ai répondu, « Plus ça change, plus c'est la même chose ».
Si vous voulez savoir pourquoi nous sommes une plaque tournante intégrée, considérez les distances entre Montréal et Toronto, Detroit ou Chicago et comparez-les avec celles qui existent entre Halifax, New York, la Virginie et Baltimore.
[Français]
Nous sommes le port international le plus près du cœur industriel de l'Amérique du Nord, celui qui offre l'accès concurrentiel aux principaux marchés du Canada et à ceux du Midwest américain.
[Traduction]
Une distance de 1 300 kilomètres sépare Montréal de Chicago. Elle double si vous passez par Halifax. Cela coûte quatre fois moins cher de remonter aussi loin que possible dans l'intérieur par voie fluviale que d'utiliser le transport ferroviaire ou routier. Nous avons fait de gros efforts pour que ce soit une réussite. Nous avons tiré parti de notre situation géographique.
Cet acétate illustre le trafic ferroviaire et routier canadiens et américains. Comme il l'est indiqué au bas de l'acétate, vous pouvez rejoindre Toronto en dix heures, Detroit en 23 heures, et Chicago en 33 heures. Il y a dix ans, il nous fallait 72 heures pour atteindre Chicago. Nous avons établi un système intégré avec le CN et le CP. Nous formons maintenant les trains intégraux, les trains unitaires, directement sur nos quais. Je vous expliquerai plus tard pourquoi nous sommes les terminaux les plus productifs non seulement du Canada mais de toute l'Amérique du Nord. Nous rejoignons Chicago en 33 heures et nous projetons de le faire en 24 heures avec le CP et le CN.
Cet acétate vous montre la situation sur la côte nord-est. De 2001 à 2005, dans les ports avec lesquels nous sommes en concurrence — Boston, New York, la rivière Delaware, Baltimore et les ports de Virginie — le nombre total des conteneurs manutentionnés est passé de 1 687 656 à 1 920 312 — soit une croissance moyenne de 3,3 p. 100. À Montréal, ce chiffre est passé de 843 325 à 1 078 492 — soit une croissance moyenne de 6,3 p. 100. Le nombre total des conteneurs manutentionnés sur ce marché a augmenté de 4,3 p. 100. C'est pourquoi nous disons que nous sommes le leader et nous justifions nos déclarations dans la pratique. Au cours des cinq dernières années, le trafic de conteneurs a augmenté de 30,3 p. 100 à Montréal.
L'acétate suivant illustre ce qui se passe dans les ports de la côte est. À Montréal, de 2001 à 2006, le trafic est passé de 989 427 E.V.P. à 1 288 910 E.V.P. — soit une augmentation de 30,4 p. 100, (E.V.P. correspond à équivalent vingt pieds pour les conteneurs). N'en déplaise à Halifax, son trafic portuaire augmenté de 1 p. 100.
Nous sommes un leader sur l'Atlantique Nord. Pour ce qui est du trafic transatlantique avec l'Europe du Nord, l'Angleterre, et cetera, les ports de Montréal et de New York sont à égalité avec 38 p. 100 chacun du trafic. Les autres ports se partagent les 24 p. 100 restants.
Au fil des années, nous avons fait des études de marketing et de capacité. Nous avons entrepris une autre étude de capacité parce que nous allons bientôt être à cours d'espace sur l'île de Montréal. Nous nous sommes lancés dans une étude approfondie sur notre capacité de manutention de conteneurs afin de ternir compte de la croissance. Cette étude confirme le potentiel de croissance du trafic commercial sur l'Atlantique Nord et celui du port de Montréal pour les dix prochaines années. Une étude indépendante effectuée par l'IBI Group le confirme. Elle confirme notamment que nos plans d'amélioration de l'infrastructure permettront de répondre aux besoins additionnels en matière de capacité traditionnelle et de croissance.
Il s'agit de l'étude de Moffatt & Nichol, une société canadienne qui a un bureau à Vancouver. Les données sont confidentielles, mais nous devons vous les communiquer. Il s'agit de la capacité de traitement des mouvements à Montréal et de la superficie de nos terminaux. La productivité est de 7 719 E.V.P. par acre. Il s'agit d'un tout petit bout de terrain adossé à la rue Notre-Dame.
Nous sommes un terminus, ce qui signifie que les navires porte-conteneurs arrivent à Montréal où ils sont complètement déchargés et complètement rechargés. Trois jours et demi plus tard, ils repartent pour l'Europe et reviennent à Montréal sept jours après.
Vancouver est un port en pleine expansion. Il manutentionne plus de conteneurs que Montréal, mais ces conteneurs représentent un tonnage moins élevé parce qu'ils contiennent des jouets, des vêtements et des articles de Noël, alors que nous importons des vins, du scotch et des pièces détachées d'automobile. Nos conteneurs représentent un plus gros tonnage que ceux de Vancouver.
Cet acétate illustre la productivité des terminaux à conteneurs. Vous remarquerez que la productivité de Montréal comparée à celle de Halifax est presque le double. Nous voyons aussi celle de New York, de Los Angeles et de Long Beach. En comparaison de Rotterdam, Singapour et d'autres ports, Montréal se classe dans les cinq premiers sur le plan de la productivité. Cela plaît aux débardeurs parce que lorsqu'ils négocient leur convention collective, ils peuvent se permettre de dire « Nous sommes bons, nous sommes intelligents et nous sommes gentils; donnez-nous plus d'argent ».
La sécurité est une priorité pour nous. Depuis 1998, nous avons installé un système de surveillance vidéo intégré de pointe qui comporte quelque 150 caméras de surveillance qui couvrent nos 25 kilomètres sur l'île et s'étend à la côte sud. Nous avons été le premier port canadien à être accrédité en vertu du code ISPS. Nous l'avons fait 42 jours avant la date limite du 1er juillet, et nous avons été réaccrédités pour une période supplémentaire de cinq ans. Nous avons consacré plus de huit millions de dollars à des immobilisations dans le cadre de projets de sécurité, et nous avons l'intention de dépenser 11,2 millions de dollars supplémentaires au cours des quatre ou cinq prochaines années.
Notre centre de contrôle est à la fine pointe de la technologie et les visiteurs, comme cela a été le cas du sénateur Mercer, n'en croient pas leurs yeux. Nous avons tout : en ligne, le système d'identification automatique et la Garde côtière. Nous pouvons voir la position des navires dans le golfe du Saint-Laurent. Nous savons où se trouvent les brise- glaces. Nous avons accès aux prévisions des niveaux d'eau. Les compagnies maritimes qui chargent leurs navires peuvent utiliser l'Internet et planifier l'entrée de leurs navires dans le port de Montréal. C'et un système de pointe dont nous sommes très fiers.
Depuis 1997, nous utilisons une compagnie privée pour assurer la sécurité. Des gardes patrouillent le port 24 heures par jour, sept jour par semaine. Nous sommes totalement intégrés avec la GRC, l'équipe nationale d'enquêtes portuaires, la Sûreté du Québec et les Douanes. Jusqu'à présent, nous avons délivré 7 000 cartes d'identité. La GRC, les Douanes et les divers corps de police ont librement accès à nos biens portuaires et à un réseau de caméras vidéo en temps réel et ils sont installés dans notre édifice.
Depuis 2000, nous travaillons en partenariat avec les polices et les douanes canadiennes et américaines, ainsi qu'avec le port de Halifax et avec les responsables du Projet sur la sécurité des marchandises canado-américains.
En avril 2006, nous avons été félicités par la Garde côtière américaine, qui, avec Transports Canada, a effectué une vérification des meilleures pratiques de sécurité en ce qui concerne la formation conjointe des agents de sécurité, l'intégration des systèmes de communications, mise en commun des images vidéo et la capacité d'alarme et d'intervention. Nous sommes le port qui a dit à Transports Canada, « Si vous voulez traiter avec nos exploitants de terminal, vous devrez passer par notre administration portuaire ». Notre conseil est responsable de cette gestion et nous assumons cette responsabilité.
Les autres ports canadiens ne l'ont pas fait. Ils ont dit à Transports Canada de traiter directement avec les exploitants de terminal. Grand bien leur fasse. Vive la différence.
L'Unité de sécurité des enquêtes de l'Équipe intégrée de police portuaire basée dans l'édifice du port regroupe des membres de la GRC, de l'Agence des services frontaliers du Canada, de l'immigration, de Transports Canada, de la Sûreté du Québec et de la police de Montréal. L'Administration du port de Montréal collabore étroitement avec l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC. L'installation d'inspection est fournie et payée annuellement par l'Administration du port de Montréal; nous fournissons l'installation et nous prenons les frais en charge.
L'ASFC dispose de deux VACIS qui sont des systèmes mobiles d'inspection des véhicules et du fret dans le port et procède maintenant à l'installation de portiques de balayage et de détection des radiations à Montréal. Nous pourrons en reparler car nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont l'ASFC veut procéder, mais nous collaborerons, quelle que soit la décision prise par les autorités.
Des agents des douanes des États-Unis sont présents en permanence dans le port.
Le Programme de sécurité du transport maritime du gouvernement canadien doit entrer en vigueur à Montréal le 15 décembre 2007. Nous avons recommandé que les règlements récemment promulgués soient applicables à tous les travailleurs et personnes qui ont accès aux infrastructures et aux terminaux du port de Montréal. Les mêmes dispositions existent pour les ports de Floride et seront étendues à tous les ports des États-Unis d'ici 2009.
Nous disons cela parce que ce ne sont pas les dispositions qui ont été promulguées. Il y a un processus de sélection, mais certaines personnes n'ont pas d'habilitation de sécurité. Nous n'approuvons pas cette situation.
Nous sommes le seul port au Canada qui insiste pour que tous les conteneurs pour l'exportation qui entrent dans notre port soient placés sous scellés. Nous avons transféré la responsabilité à qui de droit. Les débardeurs ne l'ont pas apprécié, mais nous avons insisté.
[Français]
On va arrêter de niaiser. Ils ont tous un sceau.
[Traduction]
Nous dépensons 2,5 millions de dollars annuellement pour la sécurité.
Parlons de l'environnement. Nous protégeons l'environnement, valeur inhérente à notre mission. Nous avons une politique environnementale et un système de gestion environnementale en vigueur. Nous avons une équipe complète de protection de l'environnement composée de quatre personnes qui travaillent avec tous les utilisateurs du port.
Nous possédons 977 hectares de terrain, dont nous avons évalué 99 p. 100. Un pour cent seulement, soit 13 hectares, ne satisfont pas aux exigences, et des mesures d'atténuation ont été mises en place. D'ici trois ans, tout satisfera aux normes environnementales du gouvernement canadien. Au cours des deux dernières années, les projets d'expertise et de protection de l'environnement ont coûté un total de trois millions de dollars. Nous savons qu'il est indispensable de le faire.
On sait très peu de choses des données financières concernant le port de Montréal. Avant 1980, le port de Montréal perdait de l'argent. Depuis 1980, il réalise des profits nets.
[Français]
Le bénéfice net est de 301 millions de dollars.
[Traduction]
Nous avons une encaisse de 587 millions de dollars qui, comme vous le savez, représente le profit net plus l'amortissement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons dépensé 432 millions de dollars pour reconstruire le port. Cela n'a pas coûté un sou aux contribuables ou au gouvernement fédéral; nous n'avons eu aucune subvention. Nous ne pleurons sur l'épaule de personne.
Au cours de la même période, nous avons payé des dividendes au gouvernement fédéral, un montant de l'ordre de 148 millions de dollars à nos actionnaires, mais les conditions ont changé en 1999 avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, qui impose des frais sur les revenus bruts, ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord.
Il y a aussi les frais sur les revenus bruts — ce que nous n'approuvons pas non plus — mais nous payons 148 millions de dollars à notre actionnaire, le gouvernement fédéral, et nous avons payé près de 90 millions de dollars de taxes à la ville de Montréal. Je dis cela parce que nous sommes en concurrence avec les ports américains qui perçoivent des taxes sur leurs citoyens, ce qui leur permet de prendre de l'expansion, de commercialiser et de vendre leurs installations. Au Canada, nous avons une loi qui prévoit des subventions au lieu des taxes. Nous payons en fonction de certaines évaluations.
Nous bénéficions de peu ou pas de services. Nous avons notre propre voie carrossable, dont nous assurons nous- mêmes le revêtement. Nous avons notre propre système d'électricité. Nous achetons notre électricité à Hydro-Québec et nous la vendons à nos clients; nous sommes les seuls au Québec à faire cela. Nous achetons notre eau à la Ville de Montréal. Nous avons notre propre système d'arrosage. Nous nettoyons nos propres routes. Nous assurons l'enlèvement de la neige et des ordures. Le seul service que nous fournit la ville est le service d'incendie; or, le dernier incendie remonte à 18 ans environ. Nous payons; c'est cela la réalité et nous sommes obligés d'être une entreprise socialement responsable, mais un homme d'affaires digne de ce nom demanderait pourquoi nous payons si nous n'obtenons aucun service.
[Français]
À l'avenir, nous prévoyons une croissance continue et la profitabilité pour le port de Montréal. Ceci est bien important pour nous.
[Traduction]
Voici nos prévisions pour l'augmentation de la conteneurisation au cours des cinq prochaines années. Nous prévoyons une augmentation de 18 p. 100 sur cette période de cinq ans, soit une augmentation moyenne de 3,3 p. 100. Comment réagirons-nous? Voici nos projets d'immobilisations approuvés par le conseil. Chaque année, nous présentons un plan d'entreprise quinquennal à celui-ci. Au cours des cinq prochaines années, nous dépenserons 175 millions de dollars pour continuer à entretenir ce port. Nous continuerons à être un des principaux acteurs dans l'économie canadienne. Après 2011, nous dépenserons probablement un minimum de 195 millions de dollars.
Vous vous posez alors la question suivante : le port de Montréal en a-t-il les moyens? Et notre réponse est oui. Notre profit net sera 37 millions de dollars et notre encaisse, 150 millions de dollars.
Nos coûts associés à la propriété seront de 176 millions de dollars. Et vous dites, où allons-nous trouver le reste? Nous avons 100 millions de dollars en banque. Le port de Montréal a adopté pour politique que lorsque nos plans d'entreprise et notre budget d'immobilisation sont approuvés, il nous reste toujours 50 millions de dollars en banque. C'est une directive que j'ai imposée en 1974 lorsque j'étais directeur des finances. Je suis devenu premier dirigeant en 1984. Des conseils d'administration successifs ont accepté cette politique. Nous gardons cet argent pour les moments où le temps pourrait se gâter. Notre processus de planification est sérieux; nous ne nous faisons pas une « liste de magasinage », parce que nous savons que nous devons garder 50 millions de dollars. Au cours de cette période, nous payerons 75 millions de dollars.
[Français]
Le port de Montréal est un inestimable avantage pour les exportateurs de Montréal, du Québec et du Canada tout entier. Il est et demeurera un chantier perpétuel pour répondre à la demande croissante. D'abord, sur l'île de Montréal, pour le marché des conteneurs et dans l'avenir, en comptant sur ses réserves foncières à Contrecœur.
[Traduction]
Je pourrais vous raconter bien des choses au sujet des mythes qui ont encore cours au sujet du port de Montréal, mais je crois que je vais m'arrêter là. Avant la fin de la discussion, si vous me le permettez, je voudrais vous parler de ces mythes. C'est une situation qui nous attriste car nous sommes conscients de notre importance.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions. Je le ferai aussi ouvertement et honnêtement que je l'ai toujours fait; après quoi, nous aurons quelques remarques supplémentaires à faire.
[Français]
La présidente : Ma première question porte sur les relations de travail au port de Montréal, qui semblent aller pour le mieux. En 2005, vous avez signé une nouvelle convention collective entre le port et l'Association des employeurs maritimes qui sera en vigueur jusqu'en 2008. La convention collective des employés professionnels et techniques a été ratifiée et sera en vigueur jusqu'en 2012.
Étant donné les pressions de plus en plus grandes pour améliorer l'efficacité et la performance des ports, j'aimerais savoir quel est l'impact du climat, qui est très compétitif pour les employés, et comment s'adaptent-ils à l'arrivée rapide des nouvelles technologies? Comment envisagez-vous l'avenir sur le plan des relations de travail? N'anticipez-vous pas des difficultés? Comment les difficultés passées peuvent-elles vous aider à identifier adéquatement les principaux enjeux en la matière?
M. Taddeo : Dans un premier temps, l'Association des employeurs maritimes est complètement autonome. On ne négocie pas avec eux. Ils embauchent les débardeurs et vérificateurs. L'Association des employeurs des maritimes représentent les lignes maritimes et les arrimeurs.
[Traduction]
Elles représentent également les manutentionnaires de fret qui recrutent les débardeurs. Avec l'arrivée des grandes compagnies maritimes au fil des années, les débardeurs sont maintenant conscients de leur importance et les compagnies maritimes aussi. C'est pourquoi la paix sociale régnera jusqu'en 2008.
[Français]
Quant à moi, cela va continuer parce que chaque partie réalise son importance. Il n'y a pas vraiment de menace qui se fera de la part des débardeurs.
Les débardeurs ont demandé à ce qu'on augmente le seuil — comme vous le savez, leurs salaires sont garantis — et l'industrie l'a accepté. Les rapports sont bons. Il y a une dizaine d'années, avec l'industrie et l'AEM, nous avons installé au port de Montréal un simulateur, un peu comme CAE. Autrement dit, il y a un module dans un édifice sur les quais, par lequel les débardeurs s'entraînent eux-mêmes. Le port avait payé à ce moment-là 600 000 $, nous continuons à payer l'électricité, l'édifice est fourni gratuitement, et nous continuons aussi à nous assurer qu'il y a l'équipement. J'y suis allé pour passer un test et, Dieu merci, heureusement que je ne suis pas un débardeur, parce qu'il n'y aurait pas beaucoup de conteneurs qui arriveraient sur le bateau ou qui sortiraient du bateau, car j'ai manqué mon coup souvent.
[Traduction]
C'est une histoire vraie. C'est une technique impressionnante. Ils sont là, assis, à 30 mètres au-dessus du sol; il fait froid, il y a du vent, et ils jouent avec tous ces petits trucs. La productivité est sans égale.
Au fil des années, ils ont appris ce qu'est la paix sociale. La communication s'est considérablement améliorée à Montréal. Ils savent tous qu'ils doivent jouer le jeu. Nous avons créé des comités spéciaux au port de Montréal pour dissiper la mauvaise réputation qui s'attachait à celui-ci. Nous avons un comité de marketing qui se réunit deux fois par an, un comité de la concurrence auquel tous les intervenants participent, y compris les débardeurs et les contrôleurs. Nous les avons invités à prendre part aux réunions et nous leur avons dit, « Vous êtes une des raisons de notre réussite. Venez nous dire ce qui vous plaît et ce qui ne vous plaît pas. Venez entendre ce que les autres personnes ont à dire ».
Le port de Montréal organise une tournée de promotion commerciale six fois par an. Au cours de cette tournée, nous nous rendons à Toronto et à Boston et y organisons des réceptions avec l'industrie. Nous amenons avec nous le président du syndicat et les contrôleurs, et nous assumons les frais de manière à ce qu'ils puissent entendre eux-mêmes les importateurs et les exportateurs parler de l'utilisation des compagnies maritimes et du port comme porte d'entrée et leur dire combien cela est important. Je suis absolument convaincu que cela continuera. Nous avons signé une convention avec nos employés qui va jusqu'en 2011, ce qui est tout à fait exceptionnel, et maintenant avec les chemins de fer jusqu'en 2012, ce qui est tout aussi exceptionnel.
[Français]
La présidente : Je pense que ce que nous venons de voir est significatif; le port de Montréal est probablement, de tous les ports internationaux de la côte Est américaine, celui qui offre le meilleur accès, et vous le dites dans votre présentation, un accès rapide, direct et économique au marché du centre du Canada et du Midwest américain.
Pour la période qui s'est terminé en 2005, le trafic de marchandises conteneurisées au port de Montréal s'est accru de 2,6 p. 100 d'après mes lectures et par rapport à l'année précédente. C'est une donnée encourageante; toutefois les navires à conteneurs ont tendance à prendre une certaine expansion, vous le savez comme moi, ainsi que de la profondeur. Nous en sommes peut-être à la quatrième ou cinquième génération de navires, qu'on appelle des post- Panamax et post-Panamax Plus.
Le port de Montréal accueille présentement des navires de classe Panamax, c'est-à-dire de troisième génération. Comment le port envisage-t-il de se positionner à l'avenir? Est-il envisageable de penser accueillir des navires post- Panamax dans le futur? Est-ce que Montréal peut continuer à prendre de l'importance et croître avec une flotte de navire de cette taille?
M. Taddeo : Les navires de 8 000, 9 000, 10 000 et 12 000 conteneurs ne nous préoccupent pas; ils ne nous ont jamais préoccupé. La force du port de Montréal, c'est que, étant un port terminus, les lignes maritimes qui viennent à Montréal vivent avec la réalité du fleuve Saint-Laurent et sa profondeur. Dans la flotte courante existante, 54 p. 100 des navires qui naviguent dans les eaux peuvent venir à Montréal. Si on inclut les navires de 5 000 conteneurs, on ajoute un autre 19 p. 100. Pour nous, notre force a été de travailler avec ces lignes et de grossir.
Votre question est très appropriée car, en 1970, une étude a été faite par Transports Canada qui a dit : « N'allez plus au port de Montréal », car on a été le premier port à manutentionner des conteneurs au Canada, en 1967; 11 374 conteneurs, l'année de l'Expo. L'étude a dit : « Les bateaux vont grossir et le Canada va souffrir parce que, étant un pays exportateur, on ne pourra pas desservir et donner nos services et échanger avec les autres pays, avec un port qui est à 1 600 kilomètres à l'intérieur des terres et où le niveau d'eau sera trop faible. Les navires vont aller au-delà de 1 000 conteneurs. » On a alors construit un terminal à Halifax, c'était cela leur idée. Le terminal de Halterm a été construit pour cette raison, suivi par le terminal Brunterm, au Nouveau Brunswick.
Pour ce qui est des lignes maritimes, il y a eu une espèce de déplacement, mais ils ont vu la lumière et, à un moment donné, et ils ont dit « on va s'adapter à la réalité de Montréal avec ses hivers, avec sa profondeur », et les navires ont commencé à grossir. On est arrivé avec des navires de 4 200 conteneurs.
[Traduction]
La compagnie Orient Overseas Container Line étudie actuellement la possibilité d'amener à Montréal des navires capables de transporter jusqu'à 4 400 conteneurs ou même 5 000 conteneurs en élargissant ces navires tout en tenant compte de la profondeur de l'eau dans notre port, qui est maintenant de 37 pieds, soit 11,3 mètres. Nous avons approfondi le chenal à deux reprises, la première fois jusqu'à une profondeur de 36 pieds puis de 37 pieds.
D'autre part, avec la nouvelle technologie, les aides à la navigation, le GPS et tout l'équipement que les commandants doivent avoir à bord de leurs navires, on nous dit qu'il faut avoir une réserve, qu'il faut protéger l'environnement, qu'il faut respecter la sécurité.
[Français]
Mais les pilotes continuent à dire que la garde côtière se garde trop une marge de sécurité, il y a encore de la profondeur. Sauf que, pour Montréal, avec les bateaux de 4 200, 4 400, à un moment donné le marché va être saturé, mais la rentabilité, les bateaux vont continuer à venir à Montréal. Les lignes maritimes qui sont là continuent d'exploiter à Montréal et c'est pour cela qu'elles viennent à Montréal, car c'est plus proche des marchés et plus facile de rejoindre la clientèle. Ils vivent avec cette réalité. Nous sommes très confiants.
L'autre chose, c'est que nous sommes un port terminus.
[Traduction]
Dans notre diaporama, nous montrons que nous sommes le port intérieur le plus proche des marchés. Toutes les compagnies maritimes ont bondi là-dessus, les importateurs et les exportateurs ont suivi leur exemple. Le premier et le second exploitant de conteneurs desservent maintenant Montréal.
Je vous ai parlé de Freeport. Pour décongestionner les ports de la côte ouest avec leurs navires de 5 200 TEU qui empruntent le canal de Panama, la Mediterranean Shipping Company (MSC), a acheté les ports de Freeport. Elle a construit des postes de mouillage capables d'accueillir six navires. Freeport est maintenant une plaque tournante. À partir de Freeport, les marchandises sont transportées non seulement jusqu'à Montréal et en Amérique du Nord, mais aussi en Europe. C'est un avantage pour Montréal. Aux dernières nouvelles, MSC envisage également d'utiliser Montréal comme plaque tournante pour desservir Cuba, ce qu'elle est autorisée à faire. Tout cet effort de concentration est aujourd'hui en marche. Je ne dis pas cela parce que je suis un fédéraliste et que j'aime notre grand pays, mais parce que je considère ce qu'est la réalité du commerce, des échanges et des coûts.
Vous avez récemment appris que Maersk a quitté le port de Halifax. C'est très regrettable. Il y a dix ans, Maersk voulait utiliser Halifax comme plaque tournante. Cette compagnie négocie avec Halifax et avec New York en vue d'entreprendre la construction d'un nouveau terminal à conteneurs. À l'époque, j'avais dit à M. Cauchon et à M. Chrétien que je ne pensais pas que Halifax était une option valable comme plaque tournante, parce que les provinces maritimes demandaient 40 millions de dollars au gouvernement fédéral. Je leur avais alors dit : « Vous pouvez leur donner cet argent, mais vous pouvez être absolument certains que si vous donnez 40 millions de dollars à Halifax, Québec va pousser des cris d'orfraie, et Montréal aussi ». Cela dit, il faut considérer objectivement la question du transport, les coûts et tout ce que nous avons fait à Montréal au cours des années. À ce propos, tous les 15 mois nous mettons à jour notre système de gestion des coûts et des routes. Je me souviens d'avoir dit à M. Cauchon que je pensais que Maersk jouait Halifax contre New York, et en fin de compte, c'est New York qui a gagné, New York est en train d'approfondir son chenal, et les compagnies maritimes disent : « Comment pouvons-nous atteindre les marchés plus rapidement? » Les gros navires qui ne remontent pas jusqu'à Montréal déchargent 400 ou 500 conteneurs à Halifax et sont ensuite obligés de poursuivre leur route; ils essaient donc de réduire le nombre des escales. Pour cela, ils choisissent le point le plus proche.
Maersk et MSC réacheminent actuellement leur trafic. MSC est la plus récente compagnie à le faire. Ces compagnies accroissent leur trafic par Montréal de plus de 160 p. 100. Elles ne sont pas satisfaites du service qui leur est offert entre le port de New York et Detroit, parce que 95 p. 100 du transport de fret depuis New York est assuré par des camions. C'est la raison pour laquelle Maersk et MSC utilisent Montréal comme porté d'entrée. Cela leur fait gagner du temps. Ces compagnies réacheminent le fret américain qui pourrait passer par New York et vont le décharger à Montréal. D'autres font maintenant la même chose. Je ne pense pas que Halifax ait encore été prévenu, mais ça ne saurait tarder.
Tout ce que je dis, c'est qu'à cause des bons résultats qu'elles obtiennent à Montréal, ces compagnies maritimes déclarent, « Nous allons là où c'est payant et où nous obtenons le service désiré ». Je m'exprime un peu brutalement, mais c'est ce qu'elles disent. Elles nous utilisent parce que nous avons mis en place — il y a de cela 25 ans, un système qui est incomparable. C'est un système sans pareil, même si on le compare avec ce qu'il y a à Singapour, en ce qui concerne le camionnage et la répartition. Le port de Long Beach/Los Angeles a envoyé des représentants à Montréal pour voir notre système intermodal. Nos aînés à Montréal ont vu loin. Ils avaient une vision. Ils ont amené la voie ferrée jusqu'aux docks. Nous en avons profité. Du navire, tous les conteneurs peuvent être chargés sur un camion ou sur un wagon pour être amenés, à notre point de raccordement avec les locomotives du CP et du CN.
Imaginez 12 compagnies maritimes différentes venues de divers ports européens, qui arrivent dans nos trois terminaux à conteneurs. Nous avons mis en place un système qui nous permet de former des trains unitaires spécialisés à destination de Chicago à partir de trois terminaux différents utilisés par 12 compagnies différentes. Lorsque ces conteneurs arrivent au terminal Cast, c'est le lot qui est destiné à Chicago. Nos locomotives l'amènent au terminal Racine où il est raccordé avec un autre lot pour Chicago. Après cela, le tout est amené jusqu'au point d'interconnexion, où toute la rame est alors prise en charge par le CP; et le CN fait la même chose. Organiser cela a demandé beaucoup de temps. Nous l'avons fait discrètement, après bien des discussions et de nombreux repas dans des restaurants italiens pour convaincre ces compagnies que nous pouvions les aider. Le système est donc maintenant en place et continuera à se développer. Les gens du CN et du CP travaillent en étroite collaboration avec le port.
Nous avons procédé de la même manière en ce qui concerne les niveaux de l'eau car c'est là un point crucial pour nous. Tous les vendredis, nous avons une conférence téléphonique avec Hydro-Québec, en particulier en période difficile. Il peut arriver qu'Hydro-Québec dise au port de Montréal qu'elle va couper l'eau et réduire le niveau de six pouces ou de douze pouces. Nous lui demandons alors parfois d'attendre jusqu'au samedi après-midi ou au dimanche matin. Nous le faisons pour les vraquiers et les pétroliers, mais surtout pour les porte-conteneurs. Nous avons travaillé très fort pour mettre en place ce dispositif, et c'est la raison pour laquelle nous sommes arrivés au point où nous en sommes aujourd'hui.
Oui, cela fait longtemps qu'on me pose des questions au sujet des navires de plus grande taille et des répercussions que cela a sur le port de Montréal, et ma réponse a été « aucune ».
[Français]
On me répond : « C'est parce que vous défendez votre job, M. Taddeo. » Ce n'est pas le cas, car je ne serai plus là. Vous avez sans doute lu dans les journaux que mon mandat au port de Montréal se terminera à la fin de cette année. J'aurai 68 ans le mois prochain et le moment est venu de passer le flambeau. Mes successeurs poursuivront donc le travail.
[Traduction]
Il y a trop de complications, lorsque vous avez neuf des 12 plus grandes compagnies maritimes. Les seules qui ne viennent pas ici, viennent de Chine, Costco; et du Japon; et aussi Evergreen de Taïwan. Nous n'en avons pas besoin; elles peuvent aller à Vancouver, à Prince Rupert ou à Long Beach. Nous ne faisons pas partie de leur marché.
L'autre point encourageant pour nous est que, cette année, il y aura une forte croissance du trafic européen. Notre marché est l'Europe et c'est là où nous concentrons nos efforts. La croissance là-bas sera plus forte que celle de l'économie canadienne ou américaine. Tout cela repose sur des faits. Je sais que j'ai un peu trop tendance à me laisser gagner par l'émotion, mais c'est cela la réalité.
[Français]
La présidente : Vous avez mentionné que le port de Long Beach, à Los Angeles, a développé un programme plutôt innovateur du nom de PierPASS pour faciliter le camionnage en tout temps. J'aimerais savoir si le port de Montréal a développé des initiatives similaires? Quelles sont les voies possibles pour augmenter la manutention des conteneurs sans pour autant prendre plus d'expansion?
M. Taddeo : Nous avons le même système. Nous sommes ouverts à partir de 6 heures le matin.
Le terminal a huit compagnies différentes de conteneurs, avec des clients compétiteurs, et 12 compagnies de camionnage viennent chercher la marchandise. Avec le système que nous avons mis en place, ces compagnies de camionnage peuvent appeler et obtenir des informations par courriel, par fax ou par téléphone. On leur dit de se présenter à une heure donnée. Ils arrivent, le laissez-passer est prêt, ils vont chercher leur cargaison et s'en vont. On compte plus de 2 000 camions.
D'ailleurs, le maire de Montréal me parlait des camions sur la rue Notre-Dame et des camions du port. Premièrement, ce ne sont pas les camions du port.
[Traduction]
Deuxièmement, dans la pratique, 83 p. 100 des camions qui empruntent la rue Notre-Dame à Montréal n'utilisent pas le port de Montréal. Ils travaillent pour les industries sur l'île de Montréal mais les gens comprennent aujourd'hui l'importance du port. Les syndicats savent ce qu'ils font et lorsqu'ils veulent obtenir quelque chose, ils ferment le port pour l'obtenir.
[Français]
En résumé, nous avons déjà le système PierPASS.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Je vous remercie de cet exposé si plein d'enthousiasme. Il était bon, intéressant et passionnant. Nous avons beaucoup entendu parler des problèmes portuaires au Canada. Cela nous change agréablement d'entendre quelqu'un qui se montre aussi enthousiaste et qui apparemment réussit si bien dans ce secteur.
J'ai deux questions spécifiques et deux ou trois questions d'ordre général à vous poser. Le comité disposera ainsi de l'information correcte sur la question de la propriété. Qui sont les actionnaires du port de Montréal?
M. Taddeo : Le gouvernement fédéral est le seul actionnaire. Il a adopté une loi qui nous confie la gestion en tant que conseil d'administration autonome, et il n'intervient pas. Ottawa nomme un administrateur; la province de Québec et la Ville de Montréal en nomment aussi un chacune. Il ne peut pas s'agir de personnalités politiques ou liées à ce milieu. Nous avons aussi un comité des usagers, un comité de nomination, qui recommande au ministre les candidatures au conseil. Ces sept personnes se réunissent pour élire un président et un vice-président.
Je suis heureux que vous ayez posé la question. Lors de la promulgation de cette loi, Montréal a dit au gouvernement fédéral que le gouvernement est l'actionnaire et que la personne nommée par le Bureau du premier ministre devrait être automatiquement président du conseil d'administration. Ottawa a refusé parce qu'il voulait faire preuve d'esprit de démocratie. Nous avons alors dit que, le gouvernement était l'actionnaire et continuerait à l'être.
Le gouvernement fédéral est l'actionnaire de toutes les infrastructures portuaires mais, au cours du processus, il a commercialisé les ports. L'étape suivante aurait été de les privatiser, comme on l'a fait pour le CN et pour Air Canada. Montréal et Vancouver exerçaient des pressions dans ce sens et nous avons vraiment été très près d'être totalement privatisés comme cela a été le cas des ports d'Angleterre et de Nouvelle-Zélande. Cependant, quelqu'un au Conseil du Trésor a dit que les ports créeraient de la richesse pour le Canada. Le gouvernement a donc fourni les outils nécessaires pour que ces ports soient une opération commerciale, tout en en demeurant l'actionnaire. Cela donne au ministre et au gouvernement le droit de nous enlever notre territoire s'il le désire, mais il n'y a eu aucune ingérence de leur part.
Les représentants du gouvernement ont dit qu'au lieu de payer des dividendes nous paierions au gouvernement des frais sur les revenus bruts en fonction de nos recettes totales. Nous avons protesté à Montréal mais on nous a dit que si nous payions des dividendes en fonction des profits nets, nous en profiterons pour gonfler nos dépenses. On nous disait que nos vérificateurs et nos administrateurs ne savent pas ce qu'ils font et que nous augmenterions nos dépenses pour réduire le profit net afin de payer un dividende moins élevé au gouvernement.
Dans le cas de Montréal, nous avons été obligés de payer deux millions de dollars supplémentaires au cours des six dernières années au gouvernement fédéral, en contrepartie de quoi, nous avons obtenu de biens minces services, si je puis m'exprimer ainsi. Donc, c'est le gouvernement fédéral qui est l'actionnaire.
Le sénateur Tkachuk : Vous calculez le montant payable au gouvernement fédéral en tant que dividende. Est-ce que c'est le conseil qui décide de ce montant ou le calculez-vous d'après un modèle fiscal?
M. Taddeo : C'est le gouvernement fédéral qui prescrit la formule.
Le sénateur Tkachuk : Trouvez-vous que le montant est trop élevé?
M. Taddeo : Non, nous le payons sans rechigner. On nous a demandé d'exprimer notre point de vue, ce que nous avons fait, et maintenant, nous faisons avec. Nous préférerions payer un dividende parce que cela nous permettrait d'utiliser les deux millions de dollars supplémentaires. Nous avons été le premier conseil d'administration au Canada à adopter un système d'incitatifs en 1986, à savoir 10 p. 100 la tonne. Les gens se sont dit : « Cet Italien, à Montréal, est complètement cinglé. » En 1985, notre droit de terre-plein pour les conteneurs s'élevait à 2,25 $ la tonne. En 2007, le droit moyen est de 2,41 $ la tonne, ce qui représente une augmentation de 16 cents la tonne seulement sur une période de 22 ans.
Le sénateur Tkachuk : Nous sommes bénis d'avoir le service ferroviaire que nous avons en partance de Montréal et à destination des États-Unis. Quel est le pourcentage des conteneurs qui quittent Montréal par camion et par rail?
M. Taddeo : Par rail, il y en a 60 p. 100, et par camion, 40 p. 100.
Le sénateur Tkachuk : Que fait le Canada pour accroître sa compétitivité et pour capturer une plus grande part du marché nord-américain des conteneurs?
M. Taddeo : Bien, je vous parlerai du Canada en général.
Le sénateur Tkachuk : Parlez plutôt spécifiquement de Montréal, si vous le voulez bien.
M. Taddeo : Je ne sais pas si vous vous souvenez de feu Ron Huntington, qui était un bon ami. Quand il a vu le modèle de Montréal, Vancouver n'était pas la porte d'entrée au Midwest des États-Unis. Montréal était la porte d'entrée. Nous avons fait une étude pancanadienne alors qu'il était président de la Société canadienne des ports. Je faisais partie de son comité et nous avons voyagé pour mettre en place ce qui existe maintenant à Vancouver afin que l'on puisse pénétrer le marché américain du Midwest, parce que c'était là que notre croissance devait survenir. Vancouver est la principale porte d'entrée pour les provinces de l'Ouest. Comme les représentants de Vancouver l'ont dit, les infrastructures pour les routes de l'axe Asie-Pacifique doivent être mises en place rapidement. Il devrait y avoir un fonds spécial pour l'infrastructure portuaire, mais la loi ne le permet. L'article 25 précise que nous n'avons droit à aucune subvention.
Dans le cas de Prince Rupert, il est tout à fait acceptable de passer par la banque lorsqu'il faut emprunter, mais pour le pays, il est urgent de le faire. Dans notre cas, sur c'est la rue Notre-Dame dont parlons depuis 30 ans — la paralysie par l'analyse. Ce n'est pas une diarrhée verbale. C'est incroyable.
Le sénateur Tkachuk : Comme de construire un pont à Vancouver.
M. Taddeo : Je crois qu'il nous faut deux autres ponts à Montréal, mais personne ne veut rien entendre à ce sujet. Selon moi, c'est ce qui doit être fait et c'est là où le gouvernement fédéral doit concentrer ses efforts. Il est prioritaire de construire cette infrastructure. Les ports situés dans des endroits stratégiques clés font leur travail auprès de l'industrie parce qu'on leur a donné les outils pour le faire.
Quand j'ai commencé, je ne pouvais rien faire sans parler à quelqu'un de Transports Canada. Tout était fortement centralisé au Conseil des ports nationaux. Au fil des ans, la police des ports et la Société canadienne des ports ont été dissolus à cause de M. Ron Huntington. Il a écouté ceux qui demandaient que les ports soient commercialisés.
Je sais que je dévie un peu, mais à Montréal nous avions 120 policiers qui coûtaient 44 millions de dollars par année pour patrouiller les dépôts de sel, de céréales, de sucre et d'acier, de même que les conteneurs qui demeuraient sur notre quai pendant 12 heures. Leurs véhicules étaient équipés de fusils. Pour faire quoi? Qui volerait de l'acier? Ou du sel?
Avant de dissoudre la Police de Ports Canada, chaque port, en commençant par celui de Montréal, a communiqué avec la GRC et a créé un comité formé de représentants de la GRC, de la Sûreté du Québec, de la police de la Ville de Montréal et de Douanes Canada. Nous avons dit : « Voilà ce que font nos policiers. Dites-nous comment vous pensez être plus productifs, plus rentables. Y a-t-il une meilleure façon d'assurer la sécurité dont nous avons besoin? » Nous n'avons pas le droit de faire enquête. Dieu merci, c'est une responsabilité des Douanes et de la police. On nous a répondu « Vous n'avez pas besoin de toutes ces personnes. Vous avez besoin de caméras et d'un système à la fine pointe de la technologie. Vous pouvez retenir les services d'une société de sécurité et vous pourrez assurer une interface. »
C'est exactement ce que nous avons fait. Nous avons conclu des Protocoles d'entente avec la Ville de Montréal et avec les Douanes et les personnes intéressées ont accès au port. Chaque fois qu'ils décident de saisir un navire, j'en suis le dernier informé. Et je souhaite que cela demeure ainsi, que je sois le dernier à l'apprendre. C'est ainsi que les choses devraient être. C'est leur travail. Nous leur facilitons les choses. Toutefois, la GRC — et c'est là l'ironie de ce que vous lisez dans les journaux au sujet de ce qui se passe — dit maintenant que nous devrions avoir un service de police à Ports Canada. Si le gouvernement fédéral veut qu'il en soit ainsi, et bien soit. Le service de police a été dissolu pour des raisons commerciales. Il n'a pas été simplement été abandonné ni mis de côté. Nous avions des préoccupations concernant la criminalité et ainsi de suite. C'est plutôt le contraire. La police de Ports Canada n'avait pas de pouvoirs d'enquête ni de pouvoirs d'arrestation. Aujourd'hui, le gouvernement revient sur ce dossier. Le système a été mis en place dans tous les ports du Canada avec l'idée que si les ports peuvent faire le travail convenablement en assurant une interface avec d'autres services de police, tel est leur travail.
Aucun conteneur de marijuana ou d'héroïne n'a été trouvé dans le port de Montréal. La GRC m'a dit qu'au cours des trois dernières années, les trafiquants de drogue ont utilisé d'autres ports et d'autres passerelles. Cela n'est pas officiel, mais on m'a dit que c'est ce qui se produit parce que le crime organisé a changé sa façon de procéder avec l'arrivée de la GRC. Les policiers de la GRC sont visibles et nous faisons en sorte de promouvoir cette visibilité.
Pour répondre à votre question, oui, le gouvernement fédéral est un actionnaire.
Notre pays, est le meilleur au monde. J'ai eu la chance de visiter plusieurs pays comme vous tous. Nous devons profiter de notre force, c'est-à-dire notre système de navigation et l'immensité de notre territoire, qui compte 35 millions d'habitants, et des mesures concrètes sont en cours. Je vois ce qui se fait pour l'infrastructure de Prince Rupert, pour l'aspect ferroviaire avec le CN et avec le CP et pour le réseau routier. C'est une priorité. Il faut que cela devienne une réalité. Il faut avancer.
À Montréal, 70 p. 100 de nos affaires concernant les conteneurs ne visent pas la province ni la ville. Ces conteneurs sont destinés à l'Ontario. C'est là où se trouvent les usines de fabrication. Ils sont aussi destinés aux usines de distribution aux États-Unis, à Albanie et à Burlington, de sorte que l'objectif est d'atteindre les États-Unis. C'est pourquoi nous avons une réserve foncière sur la rive sud. La décision n'a pas été fait à l'aveuglette, mais bien après une analyse appropriée. Ces terrains sont situés en territoire fédéral, à un demi-mille de l'autoroute 30, qui deviendra maintenant réalité afin de contourner Montréal. Voilà ce qui doit se faire. Les choses commencent à bouger, mais il faut beaucoup trop de temps.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de décentralisation, d'autonomie locale et d'amélioration de l'infrastructure. Pouvez-vous nous parler de quelques-uns des principes que nous pourrions mettre de l'avant? Je pense que vous en avez mentionné deux très importants.
M. Taddeo : Un facteur clé a été le changement de la loi en 1999, changement qui nous a donné une plus grande autonomie. Les membres de notre conseil d'administration sont maintenant plus consciencieux, il y a une gouvernance et nous savons que nous devons faire des profits et que nous devons le faire tout en demeurant concurrentiel.
Le sénateur Tkachuk : Je suis de la Saskatchewan. Les dirigeants du port de Vancouver vous ont-ils jamais demandé conseil sur la façon d'instaurer la paix ouvrière?
M. Taddeo : Nous appartenons à deux mondes différents.
Le sénateur Tkachuk : Ce que vous m'avez décrit serait le paradis sur la côte ouest.
M. Taddeo : Les conflits de travail sont une réalité mondiale. Quand les débardeurs décident d'être têtus, ils le sont. Comme vous le savez, ils ont tous la sécurité d'emploi, comme c'est le cas des pilotes.
Le sénateur Phalen : Je ne suis pas sûr par où je devrais commencer puisque je suis le cousin pauvre de la Nouvelle- Écosse.
Vous ne croyez pas que ces gros navires de classe Panamax affecteront votre port à Montréal?
M. Taddeo : Pas du tout. Ils n'ont jamais représenté une menace parce qu'ils assurent un service autour du monde.
Le sénateur Phalen : Quels sont les plus gros navires en service à l'heure actuelle?
M. Taddeo : On utilise actuellement des navires qui peuvent transporter 8 000 E.V.P. et des navires pouvant en transporter 12 000 sont déjà à l'oeuvre.
Le sénateur Phalen : Est-ce que la Voie maritime du Saint-Laurent peut accommoder des navires transportant 8 000 E.V.P.?
M. Taddeo : Non, le port de Montréal ne peut accommoder ces navires et la Voie maritime encore moins puisqu'il n'y a que 27 pieds ou neuf mètres d'eau.
Le sénateur Phalen : Quelle est la limite pour la Voie maritime?
M. Taddeo : La Voie maritime ne reçoit aucun navire porte-conteneurs. Ces navires s'arrêtent à Montréal, où il est possible d'accommoder des navires transportant jusqu'à 5 000 E.V.P. Nous sommes un marché à créneau. Les plus gros navires desservent principalement de l'Asie, et ils font ce que nous appelons des circuits autour du monde. Nous ne faisons pas partie de ce circuit et nous n'en ferons jamais partie.
Le sénateur Phalen : Certains des témoins qui ont comparu devant notre comité ont suggéré qu'il devrait y avoir des terminaux intérieurs pour soulager la congestion à Montréal et à Prince Rupert. Voyez-vous une telle nécessité à Montréal?
M. Taddeo : Des terminaux intérieurs existent déjà à Detroit, Toronto, Chicago et à l'extérieur de Montréal.
Le sénateur Phalen : Où sont-ils situés à l'extérieur de Montréal?
M. Taddeo : À Côte Saint-Luc et le long de l'autoroute 13 où le CN se trouve maintenant, et le CP construit actuellement une nouvelle installation à Rigaud, peut-être à 35 milles à l'ouest de Montréal. La compagnie a acheté du terrain et elle magasine toujours. Ce qui avantage Montréal, c'est que les silos terminaux intérieurs sont là où vous voulez qu'ils se trouvent. Ils sont à Vaughan près de Toronto, à Detroit et à Chicago. À Montréal, presque tout le marché local est desservi par camion et non par rail. Les conteneurs passent devant le Port de Québec et les Québécois regardent les navires porte-conteneurs et rêvent qu'ils pourront un jour en accueillir, mais tel ne sera pas le cas. La marchandise revient ensuite vers la ville de Québec par camion.
Le sénateur Phalen : Nous avons entendu dire que pour permettre aux ports canadiens de profiter entièrement de l'augmentation du trafic conteneurisé, le gouvernement fédéral devrait mettre l'accent sur les règles de cabotage, sur le tarif, sur la restriction de la sécurité et sur la notion de porte d'entrée. Quels sont les changements à la réglementation fédérale qui profiteraient le plus au port de Montréal?
M. Taddeo : Nous avons déjà tout ce que vous avez mentionné. Nous avons créé un conseil qui s'occupe du projet de corridor commercial de l'axe Saint-Laurent-Grands Lacs. Je suis membre de ce conseil qui est présidé par Madeleine Paquin. Ce corridor sert de passerelle depuis 20 ans.
Toutefois, peu de gens sont conscients que la Voie maritime est fermée pendant trois mois et demi par année. Les navires porte-conteneurs ne viennent pas dans la Voie maritime et n'y viendront jamais. Le port de Montréal a mis un terme à la primauté de la Voie maritime. La Voie maritime accueille principalement des vraquiers. À une époque bénie, la Voie maritime assurait le transport de 80 millions de tonnes de marchandises, y compris du pétrole, des minéraux et des céréales. Aujourd'hui, elle manutentionne 40 millions ou 45 millions de tonnes. Certains pensent que l'avenir se trouve dans le transport maritime à courte distance, que la Voie maritime sera une porte d'entrée, que nous enlèverons les conteneurs des navires à Montréal et que nous les mettrons sur des barges pour les transporter vers Toronto, Detroit et Chicago par la Voie maritime. Toutefois, cela a été tenté et l'expérience a échoué. C'est pourquoi Montréal est devenu le centre qu'il est maintenant. Premièrement, les compagnies maritimes nous ont dit que la Voie maritime était trop coûteuse et qu'elle est fermée en hiver. Les compagnies de chemin de fer ont plutôt dit aux importateurs et aux exportateurs qu'ils pourraient les accommoder à prix avantageux et sur une période de 12 mois par année. Deuxièmement, il en coûte trop cher de déplacer un conteneur. Si vous deviez les transporter par barge vers l'extérieur de Montréal et expédier un conteneur jusqu'à Chicago, il faudrait compter de 120 à 130 heures, comparativement à 33 par train.
Nos plus gros clients à Detroit sont Ford, Chrysler et GM — suivant le principe de la fabrication juste-à-temps. Nous transportons des pièces d'automobile qui arrivent à Montréal en provenance de Stuttgart et qui sont acheminées soit à Detroit soit, croyez-le ou non, au Nouveau-Mexique, en passant par le port de Montréal. Peu de gens en sont conscients.
Telle est la réalité. La Voie maritime existe et elle pourrait aider, mais ce serait surtout pour le cabotage sur les eaux intérieures, mais elle ne pourrait accueillir les gros porte-conteneurs. Du côté du cabotage, il y a Oceanex qui fait la liaison Terre-Neuve, Montréal et Halifax. Bien entendu, les navires sont chargés de conteneurs de marchandises lorsqu'ils se rendent à Terre-Neuve, mais ils reviennent vides vers Montréal.
Le sénateur Phalen : Si les gros navires se rendent à Halifax, y aurait-il un avantage pour Montréal si la marchandise était dépotée à cet endroit et livrée sur une courte distance vers Montréal?
M. Taddeo : Non, pas du tout. Et c'est ce que je dis. Les expéditeurs ne le feront pas parce que cela n'est pas rentable, ni en temps ni en argent. Les navires qui vont à Halifax ne viennent jamais à Montréal. Ils se rendent à New York. New York cherche actuellement à approfondir son canal de navigation. Les expéditeurs nous disent : « Pourquoi desservir l'Ontario à partir du port d'Halifax alors que nous pouvons le faire à partir de New York? Le CP a une liaison ferroviaire avec New York. »
Le sénateur Phalen : N'est-il pas vrai que le port de New York contient de la vase et que même si on le drague, il continuera de se remplir, ce qui rendra le port inutilisable pour les plus gros navires?
M. Taddeo : New York accueille ces navires maintenant, monsieur.
Le sénateur Phalen : Est-ce que New York accueille les navires transportant 12 000 E.V.P.?
M. Taddeo : Non, pas les navires transportant 12 000 U.E.C.
Le sénateur Phalen : C'est ce qui s'en vient.
M. Taddeo : Oui, je sais, mais il n'y en a que trois qui entreront en service. Les navires transportant 7 000 E.V.P. et plus représentent 8 p. 100 de la flotte actuelle. Ces plus gros navires vont vers les ports de la côte ouest, par exemple à Vancouver, Los Angeles et Long Beach.
Sur la côte Est, ils vont à Hampton Roads, mais pas tellement à Baltimore, et quelques-uns vont à New York. Il y a maintenant une tendance vers Savannah et Charleston. Charleston devient un centre majeur. Là, on a établi un lien ferroviaire avec le Midwest des États-Unis pour acheminer les produits que transportent ces plus gros navires.
[Français]
Le sénateur Dawson : En 1979, j'étais membre du Comité des transports quand on a débattu la question du terminal Cast entre Québec et Montréal. J'étais tout à fait d'accord que la centralisation du conteneur sur Montréal était une décision logique. D'ailleurs, le succès du port de Québec aujourd'hui est attribuable à cela.
Ce qui m'amène à vous dire que c'est un peu l'esprit qui nous a animés. J'espère que notre objectif n'est pas de mettre le port de Halifax en compétition avec le port de Prince Rupert ou celui de Montréal. Dans l'esprit de la conteneurisation, on s'est demandé ce dont auraient besoin les ports de la côte Ouest, du centre et de la côte Est afin de savoir comment on pourrait leur venir en aide. Vous avez parlé tantôt de subventionner potentiellement la capitalisation d'expansion de certains ports, que ce soit sur la côte Est ou sur la côte Ouest. C'est ce dont on veut parler. Pour moi, c'est très clair — même si on se taquine entre gens de l'Est et de l'Ouest —, c'est la compétition avec les États-Unis et la croissance qu'il va y avoir avec l'Asie. Vous l'avez admis, les cadeaux qui passent par l'Asie, ce n'est pas votre objectif.
On va à Vancouver et à Prince Rupert dans trois semaines et notre objectif est de leur venir en aide dans l'expansion de ce marché. Je vois que vous suivez très bien les travaux du comité. Comme disent les médecins : « First, do no harm. » Continuez à surveiller ce qu'on fait et ce qu'on dit et si vous pensez qu'on s'en va dans une mauvaise direction, ne vous gênez pas d'intervenir directement auprès du comité. Vous pouvez faire affaire avec moi si vous voulez et soyez assurés qu'on est ici pour défendre vos intérêts collectivement et non pas pour choisir entre la côte Est et la côte Ouest.
L'Asie pour vous, c'est très clair. Ce n'est pas un marché dans lequel vous faites de la compétition ni avec Halifax ni avec l'Ouest.
[Traduction]
M. Taddeo : Vous avez posé une question concernant les tarifs. En 1991, le port de Montréal a adopté un tarif spécial d'un dollar la tonne pour les conteneurs qui seraient déposés à Vancouver, transportés par rail vers Montréal ou Halifax puis envoyés vers l'Europe parce que nous voulions favoriser l'utilisation du Canada comme corridor vers l'Europe. Cela n'a pas fonctionné parce que le système était trop coûteux.
[Français]
Le sénateur Dawson : On s'est fait dire à quelques reprises qu'il y a une sous-capacité de 40 p. 100, si je ne me trompe pas, à Halifax et qu'avant de développer ailleurs, on devrait remplir Halifax. Est-ce que vous avez vous-même évalué votre sous-capacité? Qu'est-ce qu'il vous reste comme possibilité d'expansion versus les arguments qui viennent d'autres ports?
M. Taddeo : C'est toujours un grand débat à Montréal. Je vous ai montré tantôt la productivité. Si on avait une productivité normale à Montréal, on n'aurait plus de place pour le trafic. C'est pour cela qu'on a acheté en 1989, quand M. Ronald Corey était président du conseil — avec André Gingras, Bernie Finestone, des noms que vous connaissez — les terre-pleins à Contrecoeur parce que je leur avais dit : « Il faut préparer l'avenir. Un jour, il n'y aura plus de place sur l'île de Montréal. Il y a tellement de pression économique, socio-économique et environnementale. » Vous êtes là, on vous aime, vous dérangez. C'est un peu comme le livre de Gerry Kramer sur Vince Lombardi.
[Traduction]
Il s'agit d'une relation haine-amour. Nous adorions détester Vince, mais nous jouions pour lui. Les joueurs jouaient avec des chevilles cassées, des orteils cassées.
[Français]
À Montréal, c'est un peu comme cela. On dérange, mais on est important pour l'économie de Montréal : il y a 18 000 emplois, des retombées économiques et j'en passe. L'étude qu'on fait est pour optimiser l'exploitation de nos terminaux avec un espace de cinq hectares additionnels. C'est tout ce qu'il nous reste sur l'île pour un conteneur. Dans mon esprit, le jour va venir où, qu'on le veuille ou non, une compagnie ferroviaire, un armateur, un arrimeur va aller à Contrecœur et y construire les terminaux qui s'imposent.
Donc Montréal est encore là. Il y a d'autres places sur l'île de Montréal où on pourrait aussi prendre de l'expansion. M. Drapeau nous avait dit : « La promenade Bellerive, n'importe quand, je vous la donne. » Le BAPE s'est prononcé en 1983 qu'on ne pouvait pas y toucher. Peut-être un jour. Les choses changent.
On veut collaborer, mais il y a de plus en plus de pressions sur les infrastructures portuaires situées au coeur d'une ville. C'est notre grosse crainte. Dans notre cas, ce sont les conteneurs. Il y a un grand débat à Montréal sur le trafic qui va à Terre-Neuve et sur les investissements qui ont été faits. Ils me disent : « M. Taddeo, vous ne pouvez pas manutentionner ailleurs. » Je me le fais dire. Ça n'a pas de bon sens. On ne croit pas qu'on ne peut pas manutentionner ailleurs. On a fait des études, on a dépensé un million de dollars. Ce n'est pas moi qui décide. J'ai des gens chevronnés autour de moi. Raymond Lemay, Yvon Lamarre et Sam Elkas étaient là. Ce ne sont pas des deux de pique, ces gens-là. Ils ont dit qu'il fallait protéger ces infrastructures. Donc sur l'île de Montréal, d'après nous, d'ici huit ans on aura alors atteint notre pleine capacité.
[Traduction]
Comment pouvons-nous le surmonter si nous n'avons plus d'espace sur l'île de Montréal? Vous y arrivez en mettant plus de grues et plus de personnes, mais alors vous faites augmenter les coûts.
La beauté de notre système est que, idéalement, si vous allez au-delà de 250 mètres, vous avez une manutention double. C'est à la fois trop coûteux et trop lent. Toutefois, c'est ce que nous avons à Montréal et nous avons profité de notre petite taille.
J'ai été président de l'Association internationale des ports, le premier Canadien à occuper ce poste. J'en suis fier, mais quand ces gens sont venus à Montréal en mai 2001 et qu'ils ont vu notre port, ils ne pouvaient tout simplement pas le croire — que des navires puissent pénétrer jusqu'à 1 600 kilomètres à l'intérieur des terres pour y être déchargés et rechargés sur une surface aussi petite, puis repartir.
[Français]
C'est la réalité pour Montréal et c'est pour ça qu'on a acheté un terre-plein sur la rive-sud. La personne qui exporte de Stuttgart vers Detroit, que ce soit Montréal ou Contrecoeur, ça ne la dérange pas.
Le sénateur Dawson : Voyez-vous Contrecoeur comme étant une « inland » ou carrément une expansion du port?
M. Taddeo : Contrecoeur, c'est pour le futur, c'est l'expansion. Ce n'est pas un déménagement. Il y a encore des Montréalais qui pensent qu'on devrait déménager. Ce n'est pas un déménagement, au contraire. L'autre facteur sur l'île de Montréal, c'est qu'on dessert les industries locales : le sel, le sucre, le charbon, Molson, la mélasse, les aciéries et j'en passe. Tout ça est sur l'île de Montréal. Des gens m'ont dit au fil des ans : « Dominic, déplace tout ça à Contrecoeur puis on va construire des condominiums, des parcs. » Ça va prendre des ponts et ça va coûter trop cher.
Le sénateur Meighen : J'ai bien aimé votre présentation. En tant que Montréalais de naissance, je ne reconnais plus mon port. Dans le bon vieux temps, le port fonctionnait à peine.
[Traduction]
Je faisais partie du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense il y a quatre ans lorsque la police des ports nationaux été dissolue. La police nous avait dit qu'elle n'avait aucune présence au port, que les vols étaient monnaie courante, que les organisations criminelles familiales en menaient large, et que la police n'avait aucun contrôle. J'arrive ici ce soir pour constater qu'il s'agit d'un paradis.
Vous avez un système de surveillance policière intégrée, si je comprends bien. Est-ce que l'on patrouille sur le port? Fait-on des inspections ponctuelles ou aléatoires sur le port? Avez-vous des statistiques démontrant une diminution des vols et du pillage?
M. Taddeo : Je suis heureux que vous posiez la question.
Le sénateur Meighen : Je pensais bien que vous le seriez.
M. Taddeo : Premièrement, nous nous apparentons un peu aux journalistes et aux médias. Pour tout dire, j'ai été personnellement déçu que votre comité ne se déplace pas pour rencontrer les autorités portuaires. Je ne me laisserai pas emporter par mes émotions. Vous avez visité Vancouver et Halifax, mais n'êtes jamais venus à Montréal.
Le sénateur Meighen : Qui n'y est pas allé?
M. Taddeo : Les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Le sénateur Meighen : Nous étions à Montréal.
M. Taddeo : Oui, mais vous n'êtes pas venu au port. De toute façon, les policiers qui vous ont dit que nous étions débordés par la criminalité sont les mêmes qui vous ont dit que nous n'avions pas besoin d'un service de police. Je mourais d'envie de le dire, mais personne ne m'a posé la question. Aujourd'hui, je puis le dire. Ce sont les policiers. Avec l'aide de Ron Huntington, nous avons créé des comités constitués de policiers, qui sont des experts : GRC, Ville de Montréal, Sûreté du Québec. Ils nous ont tous dit que nous n'avions pas besoin de ces personnes, que nous pourrions le faire. C'était leur travail, avec tout leur réseau.
Je voulais répondre à l'autre question maintenant. La question a été posée au port de Montréal; je sais que la réponse voulant qu'il s'agisse d'une approche holistique ressemblait à un enseignement de l'Église.
À Montréal, les douanes inspectent 4 à 5 p. 100 des conteneurs d'importation. C'est leur décision. Nous n'avons rien à dire. L'an dernier, nous avons manutentionné 1 300 000 conteneurs et de ce nombre, 600 000 étaient des importations.
Le sénateur Meighen : C'est un pourcentage élevé. Voulez-vous dire dépoter?
M. Taddeo : Non, ce sont eux qui décident. Ils arrivent et nous disent « Nous voulons inspecter tel conteneur », puis ils le vident ou ils le font passer dans le VACIS.
Le sénateur Meighen : Vous avez dit 4 à 5 p. 100?
M. Taddeo : Oui.
M. Bédard : Cela s'applique aux deux activités.
M. Taddeo : Selon nos statistiques, le nombre de conteneurs volés entre 1996 et 2006 à Montréal était le suivant : 1996, un conteneur; 1997, un conteneur; 1998, un conteneur; 2000, quatre conteneurs; 2001, un conteneur; 2002, un conteneur. Depuis 2003, aucun conteneur n'a été volé. Quand ce rapport a été publié, M. André Arthur, qui est maintenant député, faisait de la radio. Savez-vous ce qu'il a dit à la radio? « Ne vous demandez pas pourquoi le crime organisé est présent dans le port de Montréal. Le chef du port est d'origine italienne. » Voilà ce qui s'est passé. Je l'ai poursuivi, et vous faites bien de me croire. Il a fait marche arrière et quand les avocats sont entrés en scène, ils m'ont dit : « Dominic, ce que vous demandez, des excuses, c'est trop. » Je leur ai répondu : « Non, je veux des excuses ou je poursuivrai. »
Aujourd'hui, le service des douanes se charge des saisies, comme vous le savez. Nous devons nous assurer que ces gens disposent de tous les outils nécessaires et ils les ont. Ils ont accès au port 24 heures par jour. Nous avons dit à la GRC : « Venez dans notre édifice. » Ils ont accès à nos caméras. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent, quand ils le veulent et de la manière qu'ils le veulent. Nous voulons que la GRC le fasse. Toutefois, nous avons également des gardiens de sécurité et des inspecteurs au port. Comme dans le cas des marchandises dangereuses, nous devons émettre des permis. Nous travaillons en étroite collaboration avec les Douanes et avec la police.
Il y a eu quatre saisies de marchandises importées en 1996, deux en 1997, huit en 2000, une en 2001, deux en 2004 et trois en 2006. Il y a également eu des interventions de la police : 17 en 2003, 11 en 2004, 2005 et 2006. L'an dernier, il y a eu 18 interventions parce que des conteneurs qui avaient été ouverts, surtout par des jeunes qui jouaient sur la voie ferre, comparativement à 36 en 1995. Il y a donc eu diminution. En 2006, il y a eu quatre cas de conteneurs ouverts à des échangeurs.
Ce sont les données statistiques et nous travaillons en étroite collaboration avec les douanes et avec la police. Je le répète, nous étions les chefs de file concernant ce que nous avons miss en place et je le dis en toute humilité.
Pour en revenir à ce qui a été mis en place au Canada concernant l'accès à nos terminaux, nous ne voulions pas être difficiles ou différents et nous chamailler avec les avocats et ainsi de suite. Nous avons dit à Transports Canada : « Attendez un peu. Nous avons un conseil d'administration. Nous vous avons donné juridiction sur toute cette infrastructure. Notre conseil a la responsabilité de s'assurer du respect de toutes les règles environnementales, opérationnelles, de santé et autres du Canada, pourquoi pas en matière de sécurité? Pour les aspects de sécurité, adressez-vous au conseil. »
[Français]
On va agir en bon père de famille.
[Traduction]
Nous nous assurerons que nos terminaux respectent le code ISPS. Nous l'avons fait et tout s'est très bien passé.
[Français]
Le sénateur Meighen : Je vous en félicite car les preuves sont là.
M. Taddeo : Les gens ont toujours la mauvaise impression et c'est un mythe dont je voulais vous parler.
[Traduction]
Pour nous, c'est insultant que vous disiez que des éléments criminels contrôlent le port. Cela signifie que moi et les gens qui font partie du conseil d'administration sommes une bande de malhonnêtes.
[Français]
Le sénateur Meighen : Je savais que vous vouliez parler des mythes, alors je vous en ai donné la chance.
M. Taddeo : Merci beaucoup. C'est un des mythes.
Le sénateur Meighen : J'ai une dernière question. Comment les employés ont-ils réagi concernant la vérification de leurs antécédents?
M. Taddeo : Ah, mais ce n'est pas fait encore, cela. Cela va commencer en décembre prochain.
Le sénateur Meighen : Alors comment vont-ils réagir?
M. Taddeo : Eh bien, c'est le débat. Vous avez posé la bonne question. Les débardeurs et les vérificateurs ont convaincu je ne sais qui qu'on ne devrait pas demander une vérification des antécédents de tous les gens, mais seulement des gens qui occupent des postes-clés. On dit que le crime organisé concerne les débardeurs, mais les débardeurs, qui sont supposés avoir un dossier criminel, ne seront pas inspectés. C'est pour nous une dichotomie. Nous, on pense que pour le plus haut au plus bas, comme aux États-Unis, la vérification devrait être faite.
[Traduction]
Premièrement, ce n'est pas ce qui est promulgué. Deuxièmement, Transports Canada a établi ce que le ministère appelle des zones : la zone un et la zone deux. Un port est comme un aéroport. Au port de Montréal, par exemple, il s'agit d'un terminal. Dans le terminal, il y a une sous-station, des conteneurs frigorifiques, des portiques à conteneurs et des camions. Les débardeurs vont de la zone un à la zone deux. On dit : « Ce type peut aller à la zone deux, mais pas à la zone un. » Comme je l'ai dit, un port est une zone. Nous l'avons expliqué à satiété. Je pense que le sénateur Meighen comprend que les débardeurs sont assignés à différents postes chaque jour. Ils ne vont pas toujours au même endroit. Un jour, ils peuvent aller vers un navire de passagers, le lendemain vers un navire céréalier, puis un autre jour vers un vraquier, puis un autre jour vers un navire de transport de sel, et enfin un autre jour être affectés à un navire de transport de sucre. Nous avons dit que pour nous toute l'infrastructure, le terminal tout entier, peu importe qu'il se trouve à Halifax ou à Vancouver, devrait être assujetti à des procédures d'autorisation. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons toujours collaboré et coopéré et nous voulons continuer de le faire. Nous avons exposé notre cas, nous avons dit que nous voulons la paix avec les Américains. Pour nous, tout le monde devrait être autorisé. Toutefois, ce n'est pas ce que l'on cherche à promulguer.
Nous avons les lettres nécessaires pour soutenir notre position. Vous pouvez prendre connaissance des discussions que nous avons eues. C'est la même chose avec l'installation des portails de détection par radiation que l'on s'affaire à installer. Nous avons eu de nombreuses discussions avec les représentants des Douanes. Les conteneurs sont inspectés pour la présence d'uranium dès leur arrivée. Cela est contrôlé à partir d'Ottawa. Il y a quelqu'un dans un bureau et la lumière s'allume. Trois conteneurs arrivent : conteneur A; conteneur B, qui est suspect, et le conteneur C. On dit que le conteneur B doit être laissé sur notre quai. J'ai la responsabilité de protéger les personnes et d'assurer la sécurité. Je n'ai pas la responsabilité d'inspecter les conteneurs. Le conteneur que vous qualifiez de suspect ne devrait pas rester sur mon quai; vous devriez en assumer la responsabilité. Nous avons obtenu un avis juridique à cet effet. Nous avons envoyé une lettre la semaine dernière dont j'ai copie ici. Nous avons dit : « C'est très bien. Vous voulez laisser le conteneur sur notre quai, c'est votre responsabilité. »
Je ne cherche pas à jouer les difficiles. Je veux tout simplement m'assurer que moi, en tant que premier dirigeant, et les membres de mon conseil d'administration assurent une bonne gouvernance d'entreprise, que nous savons où nous nous situons et où ces gens se situent. Si quelque chose tourne mal, nous aurons exprimé notre point de vue, mais nous jouerons selon les règles.
Le sénateur Tkachuk : Après la publication du rapport de sécurité en 2004, le conseil d'administration du port de Montréal a-t-il envoyé une lettre au président de notre comité pour lui demander de clarifier la situation ou de tenter de clarifier la situation?
M. Taddeo : Non, nous ne l'avons pas fait. Nous ne l'avons pas fait parce que notre dossier indique que ce problème n'existait pas. On nous a dit qu'il n'y avait pas de problème. J'ai fait partie du Conseil d'administration de Ports Canada, qui était sous la direction de M. Ron Huntington. Le vice-président était une personnalité bien connue à Montréal, M. Bernie Finestone. Nous sommes venus à Ottawa, et il a dit à la police de Ports Canada : « Si notre port compte des criminels, je veux savoir qui ils sont. J'ai une responsabilité en tant que vice-président du conseil d'administration. » On nous a dit : « Cela ne vous concerne pas. C'est notre problème. Nous ne vous dirons pas, à titre de membre du conseil, qui est un criminel et qui ne l'est pas. C'est notre problème et non le vôtre. Votre travail est de vous assurer que cette infrastructure fasse la promotion du commerce canadien, et non de vous préoccuper des questions de sécurité et de criminalité. C'est notre travail. » C'est ce que dit la loi. La question a été soulevée et peut- être aurions-nous dû inviter votre comité à venir nous voir.
Le rapport dit également qu'Agriculture Canada avait les coudées franches dans ce dossier et que le ministère faisait partie du port. Nous n'avons rien à faire avec ce ministère au port de Montréal. Encore une fois, tout cela revient à une question de mythes et d'image. Les gens parlent des débardeurs du port de Montréal, des camions du port de Montréal, de la criminalité du port de Montréal, mais le port de Montréal est une installation et plusieurs personnes y travaillent.
Le sénateur Munson : Votre exposé a été très intéressant. Pourtant, je n'arrive pas à croire qu'il n'y a rien qui aille mal au port de Montréal, rien qui vous mette vraiment en colère. Tout ne peut être rose. Je suis tout simplement curieux. I doit bien y avoir quelque chose qui vous chicote et dont vous voudriez parler ce soir, non?
M. Taddeo : Bien sûr qu'il y a des irritants.
Le sénateur Munson : Nous pouvons en parler. Dans cet univers considérable et concurrentiel, vous avez dit que le port de Montréal occupe un créneau, et il y a aussi la nouvelle réalité de Panamax. Vous vous êtes décrit comme un fédéraliste convaincu et vous avez également dit que notre pays est le meilleur au monde. Quels sont les points fort de Halifax?
M. Taddeo : On a toujours dit que Halifax faisait partie d'un corridor de navigation du Nord. Il faut espérer que es responsables aient la possibilité d'attirer des clients des Indes. J'étais en Chine avec Mme Karen Oldfield, première dirigeante de l'Autorité portuaire de Halifax, il y a deux ans et demi. Elle a dit aux responsables de China Ocean Shipping and Orient Overseas Container Line qu'ils pouvaient venir à Halifax aussi facilement qu'ils peuvent se rendre à Vancouver, et elle a raison.
Le sénateur Munson : Êtes-vous en train de me dire qu'il y a place pour tout le monde, que vous êtes concurrentiel, mais qu'il y a place pour d'autres joueurs?
M. Taddeo : Bien sûr.
Le sénateur Munson : Compte tenu des plus gros navires qui viennent de l'Inde, ne serait-il point logique pour le port de Halifax de prendre de l'expansion?
M. Taddeo : C'est bien ce que ses dirigeants comptent faire. Ils viennent tout juste d'ouvrir un bureau en Inde et si j'étais à leur place, je ferais de même. Ils comptent sur le fait que l'Inde sera le prochain pays à prendre une expansion considérable, qu'il utilisera le canal de Suez et que le port de Halifax pourra en tirer avantage. Toutefois, les facteurs du marché sont tels que leur travail est de foncer.
Canadian Tire ouvre avec Fastfrate consolidé un grand centre de distribution à Halifax avec un système de transport rapide, et c'est la raison pour laquelle cette entreprise attire et retient une partie du commerce qui vient d'Asie en passant par le canal de Suez. Nous le faisons également parce qu'une partie des marchandises transportées sont déposés dans un port du sud de l'Italie, appelé Gioia Tauro. Les navires qui peuvent venir à Montréal s'y rendent et rapportent des cargaisons à Montréal, non seulement pour le marché de Montréal mais également pour celui des États- Unis.
Le port de Halifax est un port en eau profonde ouvert 12 mois par année, mais il fait face à une concurrence féroce. Son principal inconvénient est qu'il est tout juste un peu trop loin des marchés intérieurs. C'est ce que je pense, et c'est ce que j'ai toujours pensé. Selon moi, les faits parlent d'eux-mêmes. Le CN s'est engagé vis-à-vis Halifax, comme vous le savez. Nous avons dit au CN de venir à Montréal parce que nous sommes plus près, que c'est plus rapide et que nous sommes plus fiables, mais le CN nous a répondu : « Non, Halifax est notre port. » Quand les compagnies maritimes qui prennent les décisions commencent à perdre de l'argent, elles cherchent des solutions de rechange. Elles peuvent maintenant aller à New York; elles peuvent desservir l'Ontario à partir de New York, de même que par l'entremise de Montréal.
M. Bernie Finestone avait coutume de me dire que le CP n'est pas notre ami parce qu'il peut nous livrer concurrence à partir de New York. Je lui ai dit que je le savais, mais que cela faisait partie du grand jeu des affaires. C'est ainsi que les choses fonctionnent.
Nous savons que les plus gros navires s'y rendent, mais nous ne sommes pas dans ce marché. Même les navires en provenance d'Asie transitent par le canal de Panama et déposent leur cargaison à Freeport, ou par le canal de Suez et déposent leurs marchandises à Gioia Tauro.
Nous n'aurons pas une croissance rapide dans ce secteur. Notre point fort demeurera l'Europe, la Méditerranée et les pays d'Europe de l'Est. Le point fort du port d'Halifax sera sans doute de prendre une partie du commerce qui se fait dans les ports de la côte ouest et de l'Inde. Toutefois, le port est là et il continuera de desservir le pays et il aidera notre pays, mais c'est une démarche que seul les dirigeants du port peuvent entreprendre. C'est leur défi.
Le sénateur Munson : Je comprends que vous partez à la retraite prochainement. Pourquoi ne pas aller travailler à Halifax?
[Français]
M. Taddeo : Non, je suis un Montréalais, un Québécois, un fédéraliste et vive Montréal!
[Traduction]
Je n'ai rien contre Halifax. La ville n'a pas d'équipe de hockey alors que nous avons une équipe qui n'est pas fameuse.
Le sénateur Munson : C'est ce que je pensais. Vous aviez l'air de la première ligne d'attaque du Canadien de Montréal.
Vous croyez en ce marché à créneau et vous croyez également que les navires de la taille dont nous parlons, c'est-à- dire transportant 5 000 ou 4 000 E.V.P, continueront de venir à Montréal bon an mal an et pour des années à venir. En tant que comité, nous travaillons dans le milieu plus large de Panamax. Je crois que nous avions oublié ce que vous nous avez raconté ce soir au sujet de cet autre univers qui continuera d'exister de votre point de vue et selon votre expérience. Est-ce exact?
M. Taddeo : Oui, les faits sont là. Cinquante-six pour cent des navires qui sont en commande, des navires qui arriveront bientôt sur le marché, ont une capacité qui leur permettra de venir jusqu'à Montréal. Parmi les nouveaux navires qui sont en construction, seulement 22 p. 100 pourront transporter plus de 7 000 E.V.P. Les points forts de Montréal sont l'Europe et la rapidité et la fiabilité du service. Les compagnies maritimes vivent avec cette réalité et elles accroissent la taille de leurs navires afin qu'ils soient plus rentables.
Tout le monde parle des navires qui viendront après l'ère Panamax, mais il n'y en aura pas tant que cela sur le marché. De toute manière, ils serviront davantage au transport plus lent et ils se rendront plus loin et feront escales dans des ports en eau profonde. C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas préoccupés par cette nouvelle réalité.
Je ne dis pas que nous ne sommes pas préoccupés du tout. Nous avons fait des études et nous avons eu des rencontres avec les responsables des compagnies maritimes et nous connaissons leurs engagements. Hapag-Lloyd a un engagement de 40 ans à Montréal. Cette compagnie a signé un contrat et a garanti deux millions de tonnes pendant 40 ans. Les faits parlent d'eux-mêmes.
Le CP a signé une entente de 25 ans avec Hapag-Lloyd et avec les autres grandes compagnies maritimes qui desservent Montréal. Bien entendu, un contrat peut toujours être résilié, mais ces entreprises n'ont pas mis tous ces gens, tout cet équipement, toute cette infrastructure en place si elles veulent disparaître du port de Montréal. L'arrière- pays demeurera et continuera de progresser.
Le sénateur Munson : Pensez-vous que le port de Montréal obtient une part équitable de l'attention politique? Les jeux de coulisse et de politique sont le fait de tous les gouvernements et de tous les temps, que ce soit à Halifax, Vancouver, Québec ou Montréal.
M. Taddeo : Je le suis, et mon conseil l'est également. Nous ne nous sommes jamais plaints. Nous avons toujours annoncé clairement nos couleurs et nous avons vécu avec ce que cela supposait et nous avons apporté les correctifs nécessaires. Toutefois, il y a certains groupes de personnes qui ne pensent pas de la même manière. Certains m'ont dit que si nous étions un pays souverain, Montréal serait mieux nantie. Je leur dis allez-y, continuez d'y penser. Je leur dis aussi que le système fédéral n'a jamais nui au port de Montréal.
[Français]
C'est de la foutaise. Ce n'est pas vrai.
[Traduction]
Même des représentants du Bloc québécois sont venus me voir à ce propos. On me pose la même question et je réponds non.
[Français]
C'est là, et ça continue à croître.
[Traduction]
Quel est le problème? Il a même fallu que je me rende aux États-Unis en 1976 pour parler aux importateurs et aux exportateurs. On leur disait de ne pas utiliser le port de Montréal, que le Québec allait peut-être se séparer, et qu'ils ne devraient parler que français. J'ai dû répéter aux Américains que tout cela était tout à fait acceptable. Certains pensent ainsi, mais je ne le crois pas et mon conseil ne le croit pas non plus.
Au fil des ans, nous avons toujours respecté notre plan. Nous avons eu des déceptions, mais nous avons continué. Nous sommes heureux. Nous connaissons du succès. Et nous aimerions avoir un peu plus de liberté.
Vous nous avez demandé comment nous investissons notre argent. En vertu de la nouvelle loi, comme vous le savez, le fonds de pension que nous gérons actuellement est notre fonds de pension et nous pouvons y investir comme nous le voulons. Toutefois, la Loi maritime du Canada nous impose des limites quant à la façon d'investir les profits, les 100 millions de dollars que nous avons. Cet argent prend surtout la forme d'obligations, ce qui est tout à fait acceptable. C'est un médium sécuritaire, mais nous ne profitons pas pleinement de cet aspect commercial.
Un autre irritant est que nous devons payer les frais de location pour les douanes. Nous payons 450 000 $ par année pour les bureaux des douanes. Pourquoi devrions-nous payer? La GRC qui occupe notre immeuble nous verse un loyer, mais dans le cas des douanes, on m'a cité la loi. Je m'y suis opposé, mais quelqu'un à Ottawa a dit que nous devions fournir des locaux et les payer.
Nous payons pour le dragage d'entretien du port de Montréal. Nous nous sommes opposés à une telle pratique, mais en vain. Chaque année nous devons draguer entre Québec et Montréal. Il y a de la vase. Trois-Rivières ne paie rien. Sorel ne paie rien, Bécancour ne paie rien et Québec ne paie rien.
[Français]
Mais à Montréal, on paie 500 000 $ par année.
[Traduction]
Cela représente un million de dollars. Le fait que nous payons des frais à partir de revenus bruts plutôt qu'à partir des dividendes représente un supplément de 300 000 $ à 400 000 $ par année. Nous en sommes donc à 1,2 million de dollars, et nous payons.
Ce sont des irritants, mais telle est la réalité et c'est là notre contribution, comme je le répète à notre conseil, ce que nous devons verser à titre de bons citoyens corporatifs. Nous pouvons vivre avec cela, bien que ce ne soit pas équitable. Transports Canada nous a dit de manière très catégorique que nous devions payer. Nous avons approfondi le chenal à nos frais. Cela nous a coûté 9,2 millions de dollars pour passer de 36 à 37 pieds. Mon conseil m'a dit que nous allions encourir une perte et que le ministre devrait intervenir. J'ai dit non. Pour que l'on puisse se rendre à l'infrastructure que nous avons érigée, qui nous a coûté 425 millions de dollars, il nous faut ce chenal. Les compagnies maritimes se sont engagées à construire des navires plus larges afin de venir à Montréal. Nous avons amorti le coût sur une période de 25 ans.
Ce sont des choses que nous devons faire. Nous devons faire preuve d'innovation. Et je suis fier de dire que le système fédéral ne nous a jamais véritablement nui. C'est pourquoi je suis un fier Canadien et un fier fédéraliste. Il y a eu des dissensions en cours de route, mais tel est le Canada. Nous devons nous défendre un peu.
Le président : Les sénateurs ont-ils d'autres questions à poser? L'exposé était très clair.
[Français]
La présidente : Monsieur Taddeo, nous aimerions vous remercier de votre comparution et de votre enthousiasme.
M. Taddeo : Le plaisir fut pour moi.
La présidente : Nous nous rendrons à Montréal le plus rapidement possible afin de constater ce que vous nous dites.
M. Taddeo : J'ai lancé l'invitation par l'entremise du sénateur Mercer. Il nous fera plaisir de vous faire visiter le port et vous montrer notre maquette et l'infrastructure.
En terminant, j'aimerais parler des mythes, car plusieurs Montréalais sont ici ce soir.
[Traduction]
Permettez-moi de parler des mythes. J'ai prononcé devant la Chambre de commerce, il y a deux, une allocution dans laquelle j'ai parlé des mythes concernant le port de Montréal. En français, le mot mythe — qui se prononce de la même manière mais qui s'écrit différemment — est utilisé dans l'expression « boules à mites » — mothballs. Nous avions une boîte de bonbons à la menthe qui ressemblaient à des boules à mites et nous en avons donné un à chacune des 800 personnes qui se sont présentées.
Le premier mythe est que la Voie maritime du Saint-Laurent allait tuer le port de Montréal. Lorsque le système a été centralisé en 1936, le Conseil des ports nationaux nous a retiré notre pouvoir et le port a survécu. Par la suite, la Voie maritime du Saint-Laurent a été aménagée et la Chambre de commerce nous a dit qu'elle tuerait le port de Montréal, que les navires ne s'y arrêteraient plus, ce qui ne s'est pas produit. Puis, il y a eu la déréglementation dont je vous ai parlé et les méga porte-conteneurs ont commencé à faire leur apparition, ceux qui pouvaient transporter un minimum de 1 000 E.V.P. On nous a alors dit d'oublier tout cela et qu'il faudrait construire un terminal à Halifax.
En ce qui a trait à la navigation sur le Saint-Laurent et à la Voie maritime du Saint-Laurent, les gens se trompent toujours. Ils me voient en hiver et pensent que nous ne faisons rien, que le port est fermé. Non, je viens tout juste de remettre la Canne à pommeau d'or. C'est une tradition, et cela signifie que le port est ouvert.
Le port de Montréal et le vieux port sont des choses fort différentes. Nous faisons face à de nombreuses pressions pour abandonner l'infrastructure portuaire du port intérieur. Je crois comprendre que nous devons collaborer, mais on m'accuse d'être trop tenace, obstiné et étroit d'esprit. Nous avons une mission. Il y a des affaires à faire dans le bassin Bickerdike où nous avons dépensé 15 millions de dollars pour améliorer le terminal. Oceanex a dépensé 60 millions de dollars pour l'aménager pour les navires qui s'y rendront. Empire Stevedoring a dépensé quatre millions de dollars pour construire des grues adaptées à ce terminal.
L'industrie maritime est un vestige de la vieille économie. Je crois que nous l'avons indiqué, mais nous n'en faisons pas partie. Nous n'avons que faire de la sécurité. Il n'est pas vrai que nous avons des pouvoirs absolus, que nous pouvons faire ce que nous voulons quand nous le voulons et de la manière dont nous le voulons.
Lors de la publication du rapport par le Sénat, il y a eu une conférence de presse fort courue. Les médias ont dit « Ne nous dites pas que vous ne pouvez rien faire concernant le crime organisé dans le port ». Allons. Je leur ai dit que nous n'avions pas les pouvoirs de faire enquête. Ce n'est pas notre travail. C'est le travail des policiers et nous leur avons donné les outils pour qu'ils puissent faire leur travail convenablement.
Ensuite, les gens croient que nous sommes un fardeau pour les contribuables. Cela est toujours un mythe. Jusqu'à ce jour, les politiciens de Montréal y croient toujours.
[Français]
« Monsieur Taddeo, l'argent vient d'Ottawa. C'est quoi ton problème à nous en donner plus dans les taxes? »
[Traduction]
Pour ce qui est des taxes, nous ne sommes pas une entreprise privée, de sorte que nous nous assurons de verser à la ville notre juste part de taxes, mais rien de plus. La ville aimerait que nous en versions davantage.
En passant, les représentants de la Fédération canadienne des municipalités viennent à Ottawa vendredi. Ils demanderont davantage d'argent au gouvernement fédéral, ce qui est bien. La Fédération cherche de l'aide et demande aux ports de l'aider.
En ce qui a trait à l'aspect concurrentiel des compagnies maritimes au pays, il y a un seuil de rentabilité qu'elles doivent atteindre. Heureusement pour Montréal, et grâce à toutes les études que nous avons faites, et malgré l'augmentation de la devise américaine ou sa diminution au fil des ans, nous avons établi un climat de confiance pour les compagnies maritimes, les importateurs et les exportateurs, ce qui leur permet de venir à Montréal. Je ne saurais garantir que cette confiance existerait si notre fiabilité disparaissait.
Ces gens signent des contrats confidentiels et à long terme. C'est pourquoi je suis si confiant, optimiste et enthousiaste, et non parce que tout semble rose. Nous avons de nombreux défis à relever et ils sont sources de stress. Nous devons nous préoccuper de plusieurs choses, mais notre plus grande inquiétude actuelle est la saturation.
J'ai confiance que les études que nous faisons et que les partenariats que nous avons établis avec les compagnies de débardeurs produiront des résultats. Ces entreprises investissent de l'argent, par exemple pour les grues qui, à Montréal, coûtent dix millions de dollars chacune. C'est une dépense.
Je reviens tout juste de Hambourg et j'y retournerai, puis je me rendrai à Genève. J'ai parlé là-bas de notre plan d'incitatifs. Quand nous l'avons présenté, on nous a accusé de ne pas savoir ce que nous faisions. À l'époque, j'ai expliqué à M. Mazankowski que 50 p. 100 de nos activités de transbordement de conteneurs en 1986 étaient constituées de 5,2 millions de tonnes ou 500 000 conteneurs. Cinquante pour cent de ces conteneurs sont destinés aux États-Unis et 50 p. 100 au Canada.
Avec tout le respect que je dois à Halifax, je lui ai expliqué que ce trafic qui va aux États-Unis à partir de Montréal est perdu pour le Canada. Il n'ira pas vers Halifax. Nous lui avons montré les faits, nous avons consacré beaucoup d'argent à faire des études en profondeur avec des spécialistes du domaine et nous avons obtenu que les compagnies maritimes nous montrent leurs coûts réels. Non pas les chiffres publiés, mais les coûts réels.
[Français]
Combien il vous en coûte pour passer par Montréal, comparativement à New York ou Baltimore?
[Traduction]
C'est la raison pour laquelle je suis revenu à la question de l'infrastructure. Elle est essentielle pour le succès du pays. Plus nous pouvons en faire, plus nous pouvons le faire rapidement et mieux nous pouvons le faire, plus grandes seront les retombées pour nous. Nous sommes et nous continuerons d'être un pays exportateur. Nous sommes une porte d'entrée majeure.
[Français]
La présidente : Merci de votre visite et à bientôt.
[Traduction]
Sénateurs, vous avez tous reçu la lettre que je vous ai envoyée hier ou aujourd'hui concernant le voyage à Vancouver et à Prince Rupert. Veuillez nous laisser savoir d'ici la fin de la semaine si vous serez disponibles au cours de la semaine du 12 mars afin que nous puissions faire des arrangements.
La séance est levée.