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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 2 - Témoignages du 22 novembre 2006


OTTAWA, le mercredi 22 novembre 2006

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 h 5 pour étudier les services et les avantages sociaux offerts aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres des missions de maintien de la paix et à leurs familles en reconnaissance des services rendus au Canada.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. C'est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense. Au cours des prochains mois, notre comité examinera les services et les avantages sociaux offerts aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres des missions de maintien de la paix et à leurs familles. Le sous-comité commencera par examiner l'éventail des services et des programmes offerts aux soldats et à leurs familles depuis le moment où ils rentrent de mission en Afghanistan jusqu'à ce qu'ils deviennent anciens combattants.

Comparaissent devant nous aujourd'hui au nom du ministère de la Défense nationale le contre-amiral Tyrone H. W. Pile, CD, chef — personnel militaire, le lieutenant-colonel Gerry Blais, directeur — Soutien aux blessés et administration, et le brigadier général H. F. Jaeger, médecin-chef. Je suis le sénateur Meighen et j'ai l'honneur de présider le sous-comité.

Avant de commencer, j'aimerais présenter brièvement les sénateurs présents ici aujourd'hui.

Le sénateur Kenny, qui devrait arriver sous peu, préside le Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense, notre comité parent en quelque sorte. Il est également membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Le sénateur Atkins vient de la province de l'Ontario et est arrivé au Sénat en 1986. Le sénateur Atkins est l'ancien président de Camp Association Advertising Limited et il a été conseiller de l'ancien premier ministre Davis de l'Ontario. Il est également membre du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Le sénateur Day est du Nouveau-Brunswick. Il préside le Comité permanent des finances nationales. Il est également membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec et fellow de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Il a été président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Nouveau-Brunswick.

Enfin et surtout, le sénateur Downe, qui est de l'Île-du-Prince-Édouard et qui a été nommé au Sénat en juin 2003. Il est présentement membre du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Contre-amiral Tyrone H. W. Pile, CD, chef, personnel militaire, Défense nationale : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. Je suis conscient que vous m'avez invité aujourd'hui pour discuter des questions relatives aux soins prodigués aux soldats blessés.

Pour me prêter main-forte, je me suis fait accompagner par le médecin-chef des Forces canadiennes, le brigadier général Hilary Jaeger, et le directeur de Soutien aux blessés et Administration, le lieutenant-colonel Gerry Blais.

[Français]

Je commencerai par décrire les soins offerts aux membres des Forces canadiennes par le groupe des services de santé des forces canadiennes. J'expliquerai ensuite certains des services offerts aux militaires et aux anciens combattants sous l'égide du Centre pour le soutien des militaires blessés ou retraités et de leur famille et du ministère de la Défense nationale et d'anciens combattants Canada.

[Traduction]

La direction des Forces canadiennes a une rigoureuse obligation morale et juridique de fournir des soins médicaux et dentaires complets aux membres des Forces canadiennes en tout temps et peu importe où ils sont appelés à servir. Ce mandat découle en partie de la Loi canadienne sur la santé de 1984, qui exclut spécifiquement les membres des Forces canadiennes de la définition d'« assuré ».

En ma qualité de chef du personnel militaire, je suis responsable de toutes les questions relatives au bien-être physique, dentaire et spirituel des militaires, et cela présuppose de veiller à ce que nous disposions d'un système fiable et adaptable pour prendre soin des militaires blessés ou malades. Je suis très fier de notre façon de faciliter leur transition vers la vie civile après leur libération.

[Français]

Les services de santé sont prodigués aux membres des Forces canadiennes par des dispensateurs militaires et civils œuvrant au sein du groupe des services de santé des Forces canadiennes, sous la direction du commodore Margaret Kavanagh, la directrice générale des services de santé.

Le commodore Kavanagh agit aussi à titre de commandant du groupe des services de santé des Forces canadiennes. Ainsi, elle est responsable, sur le plan de la gestion, des politiques et de la prestation de programmes en matière de soins de santé, mais elle joue aussi un rôle de leadership direct en sa qualité de commandant de tout le personnel des services de santé.

[Traduction]

Jouant un rôle distinct de celui de la directrice générale — Services de santé, le médecin-chef des Forces canadiennes, le brigadier général Jaeger, et le directeur des services dentaires, le colonel Scott Becker, sont les autorités cliniques qui établissent et réglementent les normes relatives aux soins médicaux et dentaires, respectivement. La Gamme des soins offerts par les Forces canadiennes décrit les prestations et les services de santé qui sont subventionnés par l'État et offerts aux membres de la Force régulière des Forces canadiennes ainsi qu'à d'autres personnes admissibles, notamment des réservistes appelés ou en prolongation de contrat. Ainsi, la Gamme des soins donne des renseignements sur les services d'hospitalisation et de médecin, les services de santé au travail, les services dentaires et les prestations de santé supplémentaires, par exemple pour les produits pharmaceutiques. La Gamme des soins est gérée par la directrice générale des Services de santé, sous mon autorité, et elle est mise à jour pour tenir compte des progrès en matière de soins de santé.

[Français]

Les services de santé offerts aux militaires de la force régulière et aux réservistes qui se blessent ou tombent malade au cours de leur mission, seront les mêmes dans tous les cas.

Les décisions concernant les soins prodigués aux militaires blessés peuvent être prises de façon ponctuelle par le médecin traitant et d'autres dispensateurs de soins de santé.

Dans tous les cas, peu importe la nature de la blessure, ce sont les besoins cliniques du patient qui dictent toutes les démarches subséquentes.

[Traduction]

Par exemple, les membres du personnel déployés en Afghanistan qui souffrent de blessures ou de maladies relativement mineures les empêchant de s'acquitter de leurs tâches opérationnelles sont généralement rapatriés directement au Canada et envoyés à leur base d'origine. Un médecin militaire sur le théâtre assurera la liaison avec la base d'accueil afin d'établir les besoins en matière de traitement, le plan d'intervention et le suivi clinique.

Si le militaire souhaite se rétablir ailleurs, par exemple à un endroit où se trouve sa famille, le médecin-chef de la base de soutien du militaire évaluera la demande sur le plan clinique. Si la chose semble faisable, le médecin-chef prendra les dispositions nécessaires pour garantir que le patient bénéficie de soins médicaux et d'un suivi appropriés.

Les membres des Forces canadiennes en Afghanistan souffrant de blessures ou de maladies graves et devant recevoir un traitement spécialisé sont évacués vers l'établissement militaire américain en Allemagne connu sous le nom de centre médical régional de Landstuhl. Il s'agit d'un établissement sanitaire de renommée mondiale qui offre un soutien extraordinaire aux soldats canadiens.

Lorsque le moment est propice et que le patient est dans un état suffisamment stable pour être transféré au Canada, la décision critique du lieu où il sera envoyé est prise par le personnel de liaison du Groupe des services de santé des Forces canadiennes qui est stationné à Geilenkirchen, en Allemagne, en consultation avec des spécialistes qui se trouvent au Canada. L'état de santé du militaire constituera le facteur déterminant du processus décisionnel. Les facteurs à prendre en considération sont le type de soins requis, ainsi que le meilleur endroit pour les recevoir. Sont également pris en considération la disponibilité d'un bon système de soutien psychologique, la proximité du foyer et le lieu souhaité par le patient. Le besoin de soins hautement spécialisés peut obliger le patient à être loin de son foyer. Par exemple, un soldat du nord de l'Ontario pourrait avoir besoin de soins spécialisés offerts à l'Hôpital Sunnybrook de Toronto ou à l'Hôpital d'Ottawa. Dans le cas des patients figurant sur la liste des cas très graves, le plus proche parent et la famille élargie seraient amenés à l'établissement où le militaire se fait traiter pour être à ses côtés.

Le personnel de liaison des Forces canadiennes au centre médical régional de Landstuhl fait diligence pour répondre aux besoins des victimes, notamment leurs besoins psychosociaux et spirituels. Dans le cadre de l'évaluation, il avisera le médecin à destination de l'état de santé mentale du patient ou du besoin de services adaptés de gestion de cas, ou de tout autre besoin particulier. Le médecin principal de la base ou de la brigade prendra toutes les dispositions nécessaires pour assurer la prise en charge convenable du militaire blessé.

En règle générale, au cours de leur période de service dans les Forces canadiennes, les militaires se voient offrir une gamme complète de services de santé, depuis la promotion jusqu'à la prévention, en passant par le traitement et la réadaptation. Si la clinique de soins de santé d'une base quelconque ne peut offrir le service voulu, celui-ci est acheté dans le réseau civil de la santé. Des ententes ont été conclues à l'échelle du pays pour garantir que les soins régionaux sont dispensés à un endroit situé à proximité de la famille immédiate et du système de soutien du militaire. Beaucoup de ces liens avec des établissements civils ont été créés par la section de coopération civilo-militaire du Groupe des services de santé des Forces canadiennes en collaboration avec les commandants des cliniques locales de services de santé.

[Français]

Pour certains patients nécessitant des soins constants à long terme, il peut être compliqué de faire la navette entre plusieurs dispensateurs de soins civils issus des services cliniques des Forces canadiennes, sans parler de la transition vers des services civils, dans les cas où c'est nécessaire ou souhaité.

Pour simplifier la vie des militaires, les Forces canadiennes ont mis en place un programme dynamique de gestion de cas afin de coordonner toutes les prestations et les services dont les militaires ont besoin.

Ce point de convergence les aide à faire efficacement la navette entre les systèmes de santé militaire et civil, afin d'avoir accès aux prestations et aux services de santé requis et ce, dans le but ultime de parvenir à un état de santé optimal et au bien-être. En outre, plusieurs de nos cliniques de soins de santé se trouvent dans des grands centres, où la majeure partie de l'évaluation initiale des blessés, les traitements des militaires gravement blessés ou malades se fait en établissement civil. Pour assurer une liaison étroite et un suivi soutenu des membres des Forces canadiennes admis dans un établissement civil, le groupe des services de santé des Forces canadiennes emploie des infirmières de liaison, c'est-à- dire des infirmières qui agissent à titre d'agent de liaison entre les systèmes de santé militaire et civil.

[Traduction]

En ce qui concerne les besoins psychosociaux et spirituels, le militaire et sa famille seront soutenus tout au long du continuum des soins. À l'échelle du pays, les Forces canadiennes et Anciens Combattants Canada ont établi un vaste réseau de dispensateurs de soins de santé mentale, celui-ci comprenant notamment les centres de soutien pour trauma et stress opérationnels situés à Esquimalt, Edmonton, Ottawa, Valcartier et Halifax, ainsi que la clinique de santé mentale de l'Hôpital Sainte-Anne à Sainte-Anne-de-Bellevue. Des cliniques de soins de santé des Forces canadiennes offrent aussi des services d'éducation psychosociale et de soutien aux familles pour ce qui concerne l'état de santé du militaire.

Lorsqu'un militaire blessé ou malade est prêt à reprendre du service, il bénéficie de l'aide de programmes de retour au travail offerts sous la direction du directeur du soutien aux blessés et de l'administration. Dans les cas où l'état de santé du militaire l'empêche de reprendre du service en raison de restrictions à l'emploi pour motif médical, il peut être libéré des Forces canadiennes pour des raisons médicales. Le gestionnaire de cas facilitera le transfert approprié vers le système de santé civil et il coordonnera la transition vers Anciens Combattants Canada s'il y a lieu.

Je vais maintenant parler du rôle du Centre pour le soutien des militaires blessés ou retraités et de leurs familles du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, communément appelé « le centre ».

[Français]

Le centre, qui a ouvert ses portes en 1999, a été créé pour conjuguer les démarches de la Défense nationale et des anciens combattants afin d'offrir de l'information et des services aux militaires et anciens combattants blessés ou malades, ainsi qu'à leur famille.

Le personnel du centre est composé de membres des Forces canadiennes et du ministère des Anciens Combattants Canada qui s'efforcent de répondre aux besoins administratifs de leur clientèle.

Le personnel communique régulièrement avec des gestionnaires de cas, des officiers de sélection du personnel, de l'administration des bases et escadres, des conseillers en réadaptation professionnelle et divers autres dispensateurs de soins et parties intéressées dans leur démarche visant à offrir un traitement juste et équitable aux membres des Forces canadiennes qui font la transition de la vie militaire à la vie civile.

[Traduction]

Au nombre des services offerts par le centre figurent les suivants : gestion du Programme de retour au travail, dont l'objectif consiste à favoriser et à rétablir la santé physique et mentale des militaires blessés ou malades en les aidant à réintégrer le milieu de travail dès que leur état de santé le permet; recherches dans les dossiers du personnel et les documents à l'appui des demandes de primes et de prestations d'invalidité; liaison avec divers organismes internes et externes et appui, le cas échéant, en matière de défense des droits des militaires et des anciens combattants; communication de renseignements sur les services et les prestations d'Anciens Combattants Canada et aide à la communication avec le personnel des bureaux d'Anciens Combattants; aide d'urgence offerte aux militaires et à leurs familles pour la subsistance et les fournitures grâce à un fonds de prévoyance; gestion du programme de réadaptation professionnelle pour militaires en service actif qui permet à ceux-ci d'utiliser jusqu'aux six derniers mois de service précédant la libération pour raison médicale afin d'entreprendre la réadaptation professionnelle; gestion du programme d'aide à la transition qui aide les militaires libérés pour raison médicale à chercher un emploi après leur libération; mise en place d'un réseau de soutien par les pairs à l'intention des militaires et des anciens combattants chez qui l'on a diagnostiqué un traumatisme lié au stress opérationnel ou un problème de santé mentale, par l'entremise du programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel, ou programme SSVSO; défense des droits des membres des FC et des anciens combattants blessés ou malades qui ont de la difficulté à obtenir des services ou à recevoir des prestations.

[Français]

En terminant, concernant les soins aux soldats blessés, je ne le prends pas à la légère.

J'ai une grande confiance dans les soins offerts à l'étranger, dans un théâtre des opérations comme en Afghanistan, et dans les soins de santé fournis au Canada. Je suis également très fier des démarches que nous avons entreprises pour combler les besoins psychosociaux et spirituels de nos militaires.

Certes, nous sommes confrontés à un certain nombre de défis lorsqu'il s'agit de prendre soin des soldats qui reviennent d'Afghanistan et qui présentent des blessures affaiblissantes.

Nous faisons face à des défis liés à une pénurie de médecins militaires et d'autres dispensateurs de soins de santé. Nous faisons face à des défis en ce qui concerne la prestation de nos services à l'égard de tous les membres des Forces canadiennes et de la force régulière et de la réserve, qui sont répartis à l'échelle de ce grand et vaste pays qui est le nôtre.

Nous faisons face à des défis lorsqu'il s'agit de garantir une transition harmonieuse de la vie militaire à la vie civile, particulièrement chez les jeunes soldats qui ne peuvent plus servir en raison de blessures.

Malgré ces défis, je crois que le ministère de la Défense nationale et des anciens combattants Canada font preuve de diligence dans la prestation des programmes et des services nécessaires pour prendre soin des hommes et des femmes qui servent leur pays avec beaucoup d'honneur et de fierté.

[Traduction]

Voilà qui termine ma déclaration préliminaire, monsieur le président, et je suis maintenant prêt à répondre aux questions du comité.

Le président : Merci, contre-amiral Pile.

[Français]

Le président : Je suis certain que les sénateurs ont plusieurs questions à vous poser ainsi qu'à vos collègues.

[Traduction]

Le sénateur Day : Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui, ainsi que pour vos mots d'ouverture.

J'aimerais poser quelques questions afin de me familiariser quelque peu avec les services dispensés au personnel et aux retraités des Forces canadiennes et à leurs familles. Je veux m'assurer que la transition se fait en douceur entre d'une part les Forces armées et d'autre part les Anciens Combattants et le travail que vous accomplissez au centre. Je vous demande de garder à l'esprit que je veux m'assurer qu'il n'y a pas deux silos, comme nous l'avons si souvent vu.

Ma première question porte sur les militaires blessés, en Afghanistan par exemple, ainsi que sur la transition et le rôle des deux groupes que vous avez mentionnés au sein des forces armées : l'un sous la direction du commodore Margaret Kavanagh, directrice générale des Services de santé, et l'autre, un groupe offrant des services cliniques, dont des services dentaires, sous la direction du brigadier général Jaeger. Comment les deux groupes s'entendent-ils? Qui prend en charge un soldat blessé qui pourrait devoir faire un court séjour en Allemagne? Qui s'occupe de cette transition? Qui est responsable? Comment mettez-vous en oeuvre la Charte des anciens combattants et quelle incidence a-t-elle eue?

Cam Pile : La directrice générale des Services de santé, le commodore Margaret Kavanagh, est responsable de la prestation de tous les services de soins de santé dans les Forces canadiennes, et le brigadier général Jaeger fait partie de cette organisation. Ils ne font qu'un au sein de cette même organisation. Le brigadier général Jaeger travaille pour le commodore Kavanagh. C'est la même organisation. Les opérations sont effectuées sans discontinuité car ils travaillent ensemble quotidiennement. Toute la formule de prestation des soins, l'organisation de l'exécution du programme, l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques sont réalisées par la même organisation, qui bien entendu relève de moi, chef du personnel militaire, afin que nous puissions coordonner ces politiques.

Il est très important d'avoir de solides rapports entre les deux ministères lorsqu'un militaire est libéré des Forces canadiennes afin qu'il soit pris en charge par Anciens Combattants Canada par la suite. C'est à ce moment-là qu'il est très important d'avoir de solides rapports entre les deux ministères. Je travaille en étroite collaboration avec mes homologues d'Anciens Combattants Canada. Lors de l'élaboration de la nouvelle Charte des anciens combattants, nous avons travaillé main dans la main, et nous continuerons de travailler main dans la main parce qu'il s'agit d'un document évolutif. Il y a très longtemps que nous avons eu à faire face à une situation comme celle de l'Afghanistan. D'une certaine façon, nous sommes en terrain connu mais aussi en terrain inconnu en ce qu'il nous faut composer avec le retour de victimes d'un combat moderne dans cette partie du monde.

Brigadier général H.F. Jaeger, OMM, CSM, CD, médecin-chef, Défense nationale : Merci de votre question, sénateur. C'était une question de portée très large mais je vais tenter d'y répondre le mieux possible. Comme l'a souligné le contre-amiral Pile, il n'y a qu'une organisation, celle de la directrice générale des Services de santé, mais elle est responsable de la prestation des services tant médicaux que dentaires. En outre, le commodore Kavanagh est responsable de la gestion et de la direction en ce qui concerne la structure hiérarchique militaire des membres du groupe. Ma responsabilité de direction à l'égard des professionnels de la santé qui travaillent au sein de ce groupe englobe les normes cliniques de prestation des soins, la déontologie, les programmes de traitement clinique que nous offrons et tout ce qui se rapporte à la profession médicale, excluant l'aspect militaire de la profession.

Le sénateur Day : J'aimerais avoir davantage de détails. Le médecin militaire en Afghanistan travaille-t-il pour vous?

Bgén Jaeger : Il y en a plusieurs, mais le médecin principal, le lieutenant-colonel qui commande la compagnie des services de santé en Afghanistan, travaille pour le commandant de l'équipe d'intervention en Afghanistan, qui lui travaille pour le commandant du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, mais il relève de moi sur le plan professionnel par l'entremise du directeur des opérations des services de santé.

Le sénateur Day : Avez-vous des médecins militaires à l'installation hospitalière en Allemagne?

Bgén Jaeger : Non, pas en permanence, mais nous avons des médecins militaires à Geilenkirchen qui ont ce que nous pourrions presque appeler un service secondaire. Les capitaines y ont été placés afin qu'ils puissent se rendre à Landstuhl lorsqu'un Canadien y est admis pour travailler avec le patient et pour servir de lien de communication avec la famille et lui expliquer l'état du patient avant son arrivée dans le théâtre.

Le sénateur Day : Ce médecin militaire travaille-t-il pour vous ou pour le commandant en Afghanistan?

Bgén Jaeger : Il ne travaille pas pour le commandant en Afghanistan. Il travaille pour le Groupe des services de santé des Forces canadiennes.

Le sénateur Day : Lorsque le contre-amiral Pile parlait dans son exposé des gens des services de santé qui s'occupaient de la liaison de l'Allemagne au Canada et de trouver l'établissement approprié pour traiter les blessures de cette personne, s'agit-il de quelqu'un qui travaille pour vous ou pour le commodore Kavanagh, ou y a-t-il une transition harmonieuse? Cette personne n'est peut-être pas un professionnel de la santé. Cette personne peut être quelqu'un des services de santé mais il ou elle pourrait être un agent de liaison de type administratif.

Bgén Jaeger : Lorsque je dis médecin militaire, je parle bel et bien d'un médecin.

Le sénateur Day : Merci, moi aussi.

Bgén Jaeger : Nous sommes d'accord sur ce point. Nous avons des militaires en poste en permanence à Geilenkirchen qui ne sont pas des médecins militaires. Nous avons un infirmier affecté en permanence à l'évacuation sanitaire par air. Je ne voudrais pas donner l'impression que nous n'avons pas de personnel permanent à Landstuhl. Nous en avons.

La personne qui décide où au Canada ira le patient évacué, c'est le capitaine médecin détaché de Geilenkirchen. Ce capitaine médecin parle avec le patient, si le patient est conscient, la famille du patient et l'hôpital d'accueil au Canada qui selon nous pourra répondre aux besoins cliniques du patient ainsi qu'à ses besoins généraux en matière de soutien social. Ce capitaine travaille pour le Groupe des services de santé des Forces canadiennes, et toute la ligne hiérarchique directe de commandement dans notre groupe mène au commodore Kavanagh.

Le sénateur Day : Cela comprendrait, peut-être, un médecin, un infirmier ou l'un des autres intervenants en soins de santé qui n'a pas de formation médicale?

Bgén Jaeger : C'est exact.

Le sénateur Day : Ils ont tous leur propre chaîne de commandement.

Bgén Jaeger : Pour dire les choses simplement, disons que mon autorité dans le système suit une ligne pointillée. Nous pourrions tracer un parallèle avec la situation qui prévaut dans le système de soin de santé canadien, où un hôpital a un directeur de l'établissement et un chef du personnel médical. Je serais le chef du personnel médical et le commodore Kavanagh serait le directeur de l'hôpital.

Le sénateur Day : Si quelqu'un a été blessé et doit passer quelque temps en Allemagne avant de rentrer au Canada, des membres de sa famille peuvent-ils se rendre en Allemagne si la personne doit y rester pendant un certain temps? Vous assurez-vous que cela puisse se faire?

Bgén Jaeger : Les signes de la tête n'apparaissent sur aucune transcription mais oui, absolument, monsieur. Je ne crois pas qu'il y ait eu un seul cas où les membres de la famille d'un patient qui allait être admis à Landstuhl pour y demeurer pendant un certain temps n'ont pas eu l'occasion d'aller voir le patient.

Les autorités des États-Unis se sont mises en quatre pour satisfaire ces familles. Les militaires américains ont un réseau d'établissements semblables aux Manoirs Ronald McDonald. Les établissements Fisher House offrent l'hébergement provisoire aux personnes qui doivent se rendre là-bas. Les familles canadiennes utilisent beaucoup l'établissement militaire Fisher House de Landstuhl. À certains moments nous avons dû loger des gens dans des installations civiles parce que l'établissement était plein, mais cela n'a pas posé de problème non plus.

Le seul cas où cela ne se produirait pas ce serait, par exemple, si un appareil d'évacuation sanitaire se posait immédiatement et qu'un patient nouvellement arrivé serait suffisamment stable pour y monter et rentrer. S'il ne devait y avoir qu'un bref délai avant de rentrer au Canada, ce serait à peu près la seule raison pour laquelle une famille ne se rendrait pas en Allemagne.

Le sénateur Day : Lorsque le soldat est en mesure de rentrer au Canada et que vous déterminez l'endroit le plus approprié pour recevoir les services dont il a besoin, et le soutien à la famille, offrez-vous à la famille le genre de soutien qui ne serait pas du type soutien direct?

Il y a plusieurs années, nous avions des membres de familles de militaires blessés qui disaient ne pas avoir d'argent pour prendre un taxi pour se rendre à l'hôpital ou faire garder les enfants. Je parle de soutien indirect. Cette question est-elle réglée maintenant ou ces gens sont-ils plus ou moins livrés à eux-mêmes pour s'occuper seuls de leur famille?

Lieutenant-colonel Gerry Blais, directeur, Soutien aux blessés et Administration, Défense nationale : La plupart des familles ont un officier qui leur est assigné et cet officier signale les besoins de la famille à l'unité, et dans tous les cas où il y a des règlements en place et que les services ne peuvent pas être dispensés ils le sont au niveau de l'unité. Pour la plupart des cas externes ou ceux quelque peu hors de l'ordinaire, si vous voulez, une demande peut être transmise au centre où, par l'entremise du fonds de prévoyance dont parlait le contre-amiral Pile, nous pouvons fournir ce service à la famille.

Le sénateur Day : Qui est cet officier de service? La personne est-elle des Forces canadiennes?

Lcol Blais : La personne est un officier des Forces canadiennes.

Le sénateur Day : Depuis combien de temps cette personne est-elle en place?

Lcol Blais : Depuis que je suis dans les forces armées, ce service a toujours été dispensé.

Le sénateur Day : Nous savons que cela ne marchait pas dans certains circonstances dans le passé. Quelles améliorations avez-vous apportées à ce service?

Lcol Blais : J'ignorais que cela n'avait pas marché dans le passé.

Le sénateur Day : D'accord, nous devrons travailler là-dessus pour vous.

Le président : Maintenant que la personne est de retour au Canada, je suppose que la prochaine étape consistera à déterminer si la personne continue de faire partie des forces armées ou si, en raison de la nature de ses blessures, elle doit quitter les forces armées; c'est bien cela? Une décision sera prise éventuellement. Qui prend cette décision?

Bgén Jaeger : Vous avez raison, sénateur; la décision doit éventuellement être prise. Je voudrais souligner que nous ne sommes pas pressés de prendre cette décision. Nous voulons donner à notre personnel la meilleur chance possible de guérir. Cela signifie que nous voulons que la personne soit le plus stable possible, qu'elle récupère le plus possible avant que nous imposions des restrictions permanentes à l'emploi pour motif médical. Comme l'indique l'appellation, « restrictions permanentes à l'emploi pour motif médical », il faut être raisonnablement certain que les restrictions seraient permanentes. Si nous croyons que la guérison est possible, nous ne devrions pas imposer de restriction permanente à l'emploi.

C'est le personnel médical qui enclenche le processus d'attribution de restrictions à l'emploi pour motif médical. Il tient alors compte de la nature de la maladie ou de l'incapacité du militaire et de ses conséquences sur les activités du membre des Forces canadiennes. Par exemple, pourra-t-il encore courir, marcher, porter un sac à dos, porter une carabine ou creuser?

Nous avons une série d'énoncés de tâches communes groupées sous le concept d'universalité du service. Cette dernière s'applique à tous les membres des Forces canadiennes. Ensuite il y a des énoncés spécifiques qui ne s'appliquent, par exemple, qu'aux fantassins, ou encore aux matelots. L'examen tient compte des effets pratiques de l'état du militaire. Peut-il physiquement accomplir son travail? Nous nous demandons également si l'accomplissement répété de la tâche risque d'empirer l'état de la personne. Pour ceux qui souffrent d'arthrose, par exemple, il serait peut- être préférable de ne pas être des militaires aéroportés. La nature du handicap peut-elle représenter un risque pour les autres, par exemple si le militaire avait une défaillance soudaine?

Nous ne nous limitons pas à l'état du militaire. Quelle incidence son état a-t-il sur les autres et sur les chances de succès de la mission?

Nous tenons compte de tous ces facteurs. Le tout commence à l'échelle locale, à la base où le militaire est affectée. Intervient ensuite le directeur de la politique de santé, la section des normes, qui est l'arbitre ultime. Nous avons une agence centrale afin d'assurer l'uniformité à l'échelle du pays. Des états similaires provoquant des incapacités similaires devraient entraîner des restrictions similaires à l'emploi pour motif médical.

Une fois la décision prise concernant les restrictions à l'emploi pour motif médical, ces restrictions sont communiquées au directeur de l'administration et de la gestion des ressources (carrières militaires), qui décide essentiellement de ce qui arrive au membre des Forces canadiennes. Ce ne sont pas les intervenants des services de santé qui décident si vous restez ou si vous partez. Le directeur de l'administration et de la gestion des ressources (carrières militaires) déclarera que ces restrictions à l'emploi pour motif médical contreviennent ou non au principe de l'universalité du service.

C'est là que mon rôle prend fin. Nous n'avons pas de représentant du directeur de l'administration et de la gestion des ressources (carrières militaires) ici aujourd'hui. Voulez-vous que je continue?

Le président : Avant de faire cela, je demanderais au sénateur Downe s'il a une question sur ce sujet ou un autre sujet parce qu'il doit nous quitter.

Le sénateur Downe : J'ai deux questions sur d'autres sujets.

Tous les grades des Forces canadiennes ont-ils les mêmes prestations et la même aide en cas de blessure?

Si je pose la question, c'est qu'il y a un certain nombre d'années, lorsque John McCallum était ministre de la Défense nationale, la question des grades et des prestations faisait problème. Une personne blessée recevait davantage d'assistance pécuniaire qu'un personne de rang inférieur, ce qui a été corrigé par le ministre. Est-ce toujours le cas?

Cam Pile : En ce qui concerne le niveau des soins, tous les membres des Forces canadiennes reçoivent le même niveau de soins. Je crois qu'il y a un régime pour les officiers généraux, auquel ils contribuent, qui est différent de celui des militaires du rang. Je n'ai pas tous les détails.

Le sénateur Downe : Vous parlez de prestations, pas de soins ici.

Cam Pile : Je parle de prestations.

Le sénateur Downe : Plus le rang est élevé, plus les prestations sont élevés, même si la blessure est identique.

Lcol Blais : Il y avait le régime d'assurance des officiers généraux pour mutilation par accident. À l'époque, la Loi d'indemnisation des militaires ayant subi des blessures est entrée en vigueur. À titre de mesure provisoire pour corriger l'écart lorsque les prestations n'étaient pas les mêmes, et maintenant par l'entremise du programme d'assurance que nous avons, il y a le programme d'assurance en cas de mutilation par accident qui s'occupe des gens exactement de la même façon.

Le sénateur Downe : Ma deuxième question porte sur la priorité d'embauche dans la fonction publique des militaires libérés pour raison médicale. Avez-vous des statistiques sur le nombre de personnes admissibles depuis sa mise en oeuvre en décembre 2005?

Cam Pile : Personnellement je l'ignore mais nous pouvons obtenir l'information pour vous.

Le sénateur Downe : Savez-vous si c'est à l'échelle du gouvernement ou si c'est à la discrétion du sous-ministre du Ministère?

Cam Pile : Je crois que c'est à la discrétion du sous-ministre du Ministère.

Le sénateur Downe : À mon avis, c'est un défaut dans la législation; seriez-vous d'accord pour dire que ce devrait être à l'échelle du gouvernement? Il m'apparaît évident que le ministère de la Défense nationale la mettrait en oeuvre, tout comme le ministère des Anciens Combattants; mais dans d'autres ministères, on dépend de la bonne volonté du sous- ministre. Si la politique est bonne, elle devrait s'appliquer partout.

Cam Pile : Je ne peux pas faire de commentaire sur les politiques.

Le sénateur Downe : C'était presque une déclaration.

Le président : Si un militaire est blessé ou ne peut plus pour une quelconque raison accomplir son travail — prenons le cas d'une personne amputée qui ne peut évidemment plus demeurer dans l'infanterie si c'est là qu'elle était avant de se blesser — avez-vous des programmes semblables à celui évoqué par le sénateur Downe? Y a-t-il un tel programme gouvernemental pour trouver de l'emploi pour ces gens?

Cam Pile : Cela fait partie de la transition — le programme de retour au travail dont nous parlions. Si un militaire ne répond pas aux critères relatifs aux restrictions à l'emploi pour motif médical ou à l'universalité du service et a une restriction permanente à l'emploi pour motif médical qui ne lui permet pas de satisfaire à cette exigence d'universalité, nous avons un programme de transition. Nous avons parlé de la priorité dans la fonction publique et d'un programme de retour au travail qui aidera à faire cette transition, mesures au sujet desquelles le lieutenant-colonel Blais pourra fournir de l'information additionnelle.

Le président : Pourrait-il, par exemple, être officier d'administration à la base?

Bgén Jaeger : Pour répondre simplement à votre question, sénateur, il le pourrait s'il satisfait aux exigences des énoncés de tâches communes, c'est-à-dire les critères de l'universalité du service.

Le président : Je ne suis toujours pas certain de la signification de l'universalité du service.

Bgén Jaeger : Cela signifie que le militaire doit être déployable à titre de membre des Forces canadiennes.

Le président : Désolé, je suis amputé; je ne suis pas déployable.

Bgén Jaeger : Je dirais que vous êtes déployable. Tout dépend de ce que vous pouvez faire avec votre prothèse et les membres qui vous restent.

Je crois que le monsieur à votre droite connaît un officier du RCR qui est devenu officier de logistique après avoir subi une amputation au-dessous du genou et a poursuivi sa carrière dans le service.

Le président : Expliquez-moi, s'il vous plaît, pourquoi je dois être déployable.

Bgén Jaeger : Tout membre des Forces canadiennes peut être appelé à servir dans un théâtre à l'étranger. Les conditions de vie dans ces endroits peuvent être très différentes de celles que nous connaissons ici au Canada. La nourriture peut être différente; l'accès aux soins médicaux est probablement plus limité qu'il l'est au Canada. Vos habitudes de sommeil peuvent être perturbées.

Nous ne pouvons pas garantir, dans la plupart des théâtres d'opérations, que vous aurez toujours accès à vos médicaments sans interruption. Je me rappelle que lors d'un bombardement de l'immeuble des PTT à Sarajevo, tout le monde s'est retrouvé dans l'abri au sous-sol pendant des jours. Tous les médicaments avaient été laissés derrière. Si un militaire ne peut endurer ce genre de contretemps, ces réalités qui parfois surviennent dans les zones d'opérations, alors il ne répond pas à l'exigence d'universalité du service.

Le président : Il ne peut demeurer dans les forces armées. Est-ce bien ce que vous dites?

Bgén Jaeger : Ce n'est pas mon travail; je décide de leurs restrictions à l'emploi.

Le président : Je ne comprends toujours pas très bien. J'ai l'impression que si je ne suis pas déployable, il m'est impossible, en théorie, de devenir officier d'administration dans une base militaire et de rester dans les forces armées.

Cam Pile : Je vais répondre d'une autre façon à cette question. Il y a la question de l'universalité du service dont a parlé le brigadier général Jaeger. Il y a aussi la question de la fréquence de déploiement du personnel des Forces canadiennes, la Force régulière et la Force de réserve.

Il n'y a qu'un nombre précis de postes que nous pourvoyons pour permettre aux gens de récupérer. Lorsque nous déployons un certain nombre de personnes, elles doivent rentrer au Canada pour récupérer avant que nous puissions les redéployer. En théorie, si nous pourvoyions tous ces postes avec des personnes non déployables, nous ne pourrions pas régénérer cette capacité.

Si un militaire en vient à ne plus répondre aux exigences de l'universalité du service et que le groupe des services de santé le détermine par des moyens médicaux, il est envoyé à une autre organisation afin de déterminer s'il doit être libéré ou non des Forces canadiennes.

Le sénateur Kenny : Je suis heureux de vous voir ici. Étiez-vous responsable de toutes ces histoires à la Coupe Grey? J'espère que vous l'étiez.

Cam Pile : Je l'étais en effet dans le cadre de notre opération Connection.

Le sénateur Kenny : Je crois que c'était là un formidable exemple et j'espère que vous poursuivrez.

Cam Pile : Merci, monsieur.

Le sénateur Kenny : Je partage les préoccupations du sénateur Meighen concernant l'universalité du service. Je comprends ce que vous dites au sujet de la fréquence de déploiement mais nous sommes dans une période de croissance dans les FC et il y a un certain nombre de pénuries. Je ne comprends pas l'argument. Nous retirons des gens des Forces canadiennes parce qu'ils ne peuvent être déployés, et pourtant nous sommes aux prises avec une pénurie de membres alors même que nous tentons d'atteindre notre cible de 75 000 membres. Il me semble que, compte tenu du temps qu'il faudra pour atteindre cet objectif, il est inutile d'exiger que tout le monde soit déployable, du moins pendant la prochaine décennie peut être, avant que la période de croissance ait eu lieu.

Cam Pile : Évidemment, il s'agit de trouver l'équilibre entre le désir du militaire de demeurer au sein des Forces canadiennes et la nécessité pour les Forces canadiennes de satisfaire à leurs exigences de mission, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain. La politique d'accommodement nous permet de garder des membres même s'ils ne respectent pas le principe de l'universalité du service. Nous pouvons le faire pendant trois ans afin de les aider à faire la transition et à les préparer au travail et à la vie en dehors des Forces canadiennes, et ce, tout en profitant de leurs compétences, de leurs connaissances, de leur leadership, et cetera.

Je suis présentement à étudier des solutions de rechange pour ce genre de transition. Très bientôt je travaillerai avec la Gendarmerie royale du Canada afin de savoir s'il y a des occasions à cet égard, et je poursuivrai mon travail auprès de la Commission de la fonction publique du Canada.

Le sénateur Kenny : Nous n'entendons que les choses négatives, mais ainsi va la politique : quand quelque chose semble scandaleux, quelqu'un viendra vous en parler. Souvent nous n'entendons que la moitié de l'histoire. Par exemple, j'ai entendu parler de quelqu'un qui avait un problème médical causé par un calcul rénal. Ce militaire est devenu non déployable en raison de la possibilité ou de la probabilité qu'il ait un autre calcul. Si cela devait arriver en déploiement, cette personne serait vraiment nuisible. Elle a évidemment été libérée. Il semblerait que cette personne pourrait accomplir de nombreuses autres tâches au Canada, où elle ne serait pas aussi nuisible.

Quand on sait qu'il manque beaucoup de monde et qu'on connaît les objectifs de croissance à atteindre, ne serait-il pas logique de reporter la mise en oeuvre de l'exigence de rendre tout le monde déployable jusqu'à ce que ces objectifs de croissance soient atteints? La question pourrait être réexaminée à ce moment-là.

Cam Pile : Le principe est en place pour que nous puissions adhérer à un principe durable qui nous sert bien.

Le sénateur Kenny : Croyez-vous que tout le monde dans cette pièce croit que tous les membres des FC sont déployables? Bien des gens en uniforme n'iront jamais à l'étranger et pourtant, en théorie, ils doivent tous être déployables. Je n'aimerais pas me promener dans l'édifice Pearkes et dire « nous savons que vous ne partirez jamais», mais on pourrait le faire.

Cam Pile : C'est une affirmation plutôt hypothétique sur la population des Forces canadiennes. Comme vous le savez probablement très bien, nous avons une norme de condition physique qui s'applique à tous les membres des Forces canadiennes. C'est un des freins et contrepoids qui permettent de veiller à ce que les membres demeurent en forme et déployables. Nous adhérons toujours à ce principe. Je renvoie la question du militaire avec un calcul rénal au brigadier général Jaeger. Nous avons en place des politiques et des règlements qui font en sorte que, comme elle l'a expliqué, lorsque des membres sont déployés, ils n'ont pas en place tous les systèmes de soutien qu'ils auraient normalement au pays.

Le sénateur Kenny : J'accepte cela. Je dis simplement que le type avec un calcul rénal aurait probablement pu faire du travail ici au Canada. Vous semblez dire que, oui, il aurait pu, mais il n'est pas déployable et nous voulons réserver cette place pour quelqu'un qui a été déployé afin qu'il puisse revenir et avoir quelque chose d'utile pendant qu'il n'est pas déployé. Je vous suggérerais de l'envoyer à Gagetown et de vous en servir comme entraîneur ou autre chose. Je constate qu'il n'y a pas de pénurie d'emplois dans les FC par les temps qui courent.

Cam Pile : Nous avons la période d'accommodement de trois ans pour utiliser ces compétences selon la politique d'accommodement dont j'ai parlé.

Le président : Trois années, c'est le chiffre magique?

Cam Pile : Il fallait choisir une période de temps et cette durée semblait appropriée à la transition. La plupart des gens désirent faire la transition avant.

Le président : Au sujet du point soulevé par le sénateur Kenny, si le militaire avec un calcul rénal est instructeur, et nous savons tous que vous manquez d'instructeurs parce que la plupart sont en Afghanistan, il pourrait être envoyé à Gagetown pour former les membres mais après trois ans, si je comprends bien, il serait parti.

Cam Pile : Encore une fois, nous avons le cycle et la fréquence de déploiement du personnel. Nous pourvoyons ces postes. Le recrutement marche bien et nous sommes en voie d'atteindre notre objectif.

Le président : Il ne faudra que cinq ans pour recruter encore 5 000 membres? C'est ce qu'on nous a dit.

Cam Pile : En 2010, nous aurons atteint notre objectif de 70 000 membres.

Le sénateur Kenny : Bien des gens plus haut gradés ont dit à ce comité qu'il n'y avait aucune chance que cela se produise.

Cam Pile : Je suis surpris d'entendre cela.

Le président : Si vous étiez dans une industrie privée, comment survivriez-vous en faisant les choses comme cela?

Cam Pile : Nous atteindrons nos objectifs de croissance. Nous sommes présentement sur la bonne voie. Tous nos indicateurs montrent que l'objectif de 70 000 membres de la Force régulière sera atteint en 2010.

Le président : C'est une très bonne nouvelle, contre-amiral. Nous vous inviterons à dîner si vous l'atteignez.

Le sénateur Atkins : Si un militaire qui est en poste depuis un certain nombre d'années apprenait tout à coup qu'il souffre de diabète, que feriez-vous? Cette personne serait-elle considérée comme déployable?

Cam Pile : Nous appliquerions le même processus.

Bgén Jaeger : Cela dépendrait en partie du type de diabète diagnostiqué pour en déterminer la gravité. Ceux qui souffrent de diabète de type 2 — non insulinodépendant — peuvent satisfaire à l'exigence d'universalité du service dans certaines circonstances et dans certains métiers s'ils maintiennent leur taux de glycémie en suivant un régime et en faisant de l'exercice, et peut-être en prenant de petites doses de médicaments. Ils peuvent satisfaire à l'exigences d'universalité du service et occuper un poste quelconque au sein des Forces canadiennes.

Le diabète qui exige un traitement à l'insuline comporte de nombreuses variables en ce qui concerne la stabilité médicale. Il exige aussi le stockage de médicaments dans certaines conditions et ceux-ci doivent toujours être disponibles. Par conséquent, les diabétiques insulinodépendants ne satisferaient pas à l'exigence d'universalité du service. Le processus relatif aux restrictions permanentes à l'emploi pour motif médical passe du côté administratif de l'organisation, où serait vraisemblablement prise la décision de garder le diabétique pendant cette période de trois ans afin de continuer de bénéficier de ses compétences et de son expertise ou de le libérer pour raison médicale.

Le sénateur Atkins : C'est intéressant. J'ai un fils souffrant du diabète de type 1 et il est capitaine aux services d'incendies de Toronto et fait partie de l'équipe de sauvetage. Il n'est pas considéré comme une personne à haut risque.

Bgén Jaeger : C'est un cas isolé mais je crois que Bobby Clarke de la LNH était insulinodépendant. Dans de tels cas, il y a un horaire connu et les déplacements se font en Amérique du Nord. Il est donc possible de faire les choses nécessaires qu'on ne peut pas faire quand on est isolé à Kandahar; c'est comme ça, voilà tout.

Le sénateur Atkins : Depuis que le président et moi faisons parti de ce comité, nous avons vu beaucoup de progrès dans la façon dont les militaires traitent le SSPT et d'autres types de problèmes de santé mentale.

Pouvez-vous nous décrire le processus par lequel un soldat doit passer — ou mieux peut-être, par lequel une épouse doit passer — pour signaler aux responsables le fait qu'un membre des Forces canadiennes pourrait souffrir d'un traumatisme lié au stress opérationnel?

Cam Pile : Il y a diverses façons pour un partenaire de signaler ce qu'il croit être les signes d'un traumatisme lié au stress opérationnel vécu par un militaire. Il peut passer par la chaîne de commandement; il peut le signaler à son propre fournisseur de soins de santé; il peut le signaler aux autorités de la santé des Forces canadiennes.

Bgén Jaeger : Les possibilités sont multiples; et elles sont multiples intentionnellement car certaines personnes se sentent plus à l'aise avec certains fournisseurs que d'autres. Les militaires ou leurs conjoints peuvent parler à un compagnon-conseiller en SSVSO pour sonder le terrain — simplement pour dire : vous croyez que je vais bien? Où devrais-je aller? Je suis un peu perdu! — et cela est accessible aux militaires et à leurs conjoints.

Le militaire peut consulter les services de santé des Forces canadiennes directement. Certaines personnes préfèrent parler à un médecin plutôt qu'à un compagnon-conseiller. Le militaire ou son conjoint, ou un autre membre de la famille, peut se prévaloir du programme d'aide aux membres des Forces canadiennes, un service d'aide téléphonique confidentiel accessible vingt-quatre heures par jour par l'entremise duquel il peut obtenir un certain nombre de séances de consultation. L'un ou l'autre peut consulter un aumônier ou un travailleur social. Le conjoint peut demander conseil auprès du centre de ressources pour les familles des militaires.

Les possibilités sont nombreuses. On pourrait croire qu'une pléthore de choix ne peut qu'ajouter à la confusion mais je crois que le système a été conçu ainsi pour éviter que les gens aient l'impression qu'il n'y a nulle part où aller ou qu'il n'y a personne qu'ils se sentiraient à l'aise de consulter.

Le sénateur Atkins : Soit dit en passant, le sénateur Kenny et moi avons rencontré des épouses à Petawawa. Le facteur de stress des épouses était stupéfiant.

Bgén Jaeger : Je peux vous dire, sénateur, que j'ai vécu les deux situations, celle de la personne déployée et celle l'épouse restée derrière, et il est plus facile d'être la première que la dernière. Il est moins stressant et, franchement, plus gratifiant sur le plan professionnel d'être la personne déployée.

Le sénateur Atkins : Selon votre expérience des traumatismes liés au stress opérationnel, les divers théâtres d'opération produisent-ils des types de traumatismes différents les uns des autres?

Bgén Jaeger : Il est évident que oui. Chaque théâtre d'opération a ses propres facteurs de stress et chaque affectation de chaque mission est différente des autres. Nous sommes tentés de voir dans la mission de Chypre le petit coin tranquille des missions de maintien de la paix; mais si vous y étiez à l'été de 1974, le coin n'avait rien de tranquille. Les Turcs avaient traversé la ligne et des gens ont été tués et blessés. Chaque mission, chaque affectation est particulière; et chaque personne en mission réagira à sa façon aux facteurs de stress.

Dans le cas de la mission actuelle, il est trop tôt pour dire comment les choses tourneront. Nous faisons intentionnellement les examens de la santé mentale de quatre à six mois après le retour de mission. Pour les gens de la PPCLI qui sont rentrés en août, nous commencerons le processus après les vacances de Noël. Les examens auront lieu en janvier et février, et tous ceux qui sont rentrés seront soumis au dépistage. Nous aurons une bien meilleure idée après que nous aurons étudié et analysé les données. Nous pouvons comparer les données à celles d'autres affectations afin de voir si les opérations plus vigoureuses accroissent le nombre de personnes qui ont des problèmes.

Il existe une théorie psychodynamique selon laquelle le fait de faire le travail pour lequel on a été formé et d'agir contre l'ennemi peut être moins stressant. Cette situation a ses propres facteurs de stress, parce qu'on court un danger physique et qu'on risque de devoir enlever la vie à quelqu'un, ce qui n'est pas négligeable; mais pour certaines personnes dans certaines circonstances, cela peut être moins stressant que d'être un observateur. La passivité obligatoire est aussi un important facteur de stress. Nous ne savons pas, somme toute, comment les choses tourneront pour ce groupe de personnes.

Le sénateur Atkins : Il est mentionné dans mes notes que vous avez mené des enquêtes sur l'ensemble de la question. Vous avez constaté, dans certains cas où les militaires avaient servi deux ou trois fois dans le théâtre, que leur niveau de stress et la possibilité qu'ils souffrent du SSPT peuvent être plus importants que dans d'autres cas.

Bgén Jaeger : Nous avons effectué une importante enquête sur la santé mentale, sénateur. Les données ont été collectées en 2003 et le rapport a été publié en 2004, mais je me trompe peut-être d'une année. Ma mémoire n'est plus ce qu'elle était.

Nous avons passé un contrat avec Statistique Canada, l'autorité nationale en matière d'analyse de données statistiques. Statistique Canada a examiné un éventail de problèmes de santé mentale au sein des Forces canadiennes. Nous avons constaté que, de façon générale, le nombre d'affectations, le nombre de déploiements à l'étranger, n'avait pas de corrélation avec les problèmes de santé mentale, exception faite du SSPT. Il y avait une corrélation entre le nombre de déploiements à l'extérieur du pays et la probabilité que le SSPT soit diagnostiqué chez un militaire au cours de la dernière année ou au cours de sa vie. Ces données ont été colligées avant le début de notre mission actuelle en Afghanistan.

Je sais très bien que les données commencent à dater un peu mais c'était une enquête très difficile, longue et dispendieuse à réaliser. Nous nous demandons s'il faut en réaliser une autre mais nous ne nous sommes pas engagés à le faire d'une façon aussi systématique et formelle.

Le sénateur Atkins : Compte tenu des circonstances en Afghanistan, je me demandais si un membre de l'infanterie en reconnaissance connaît des niveaux de stress plus élevés et est davantage susceptible de souffrir de traumatismes liés au stress que d'autres membres des FC — surtout lorsque les fantassins ne connaissent pas l'ennemi.

Bgén Jaeger : Il y a toutes sortes de facteurs de stress en jeu. Nous savons que certaines personnes seront malades; nous savons que bien des gens ne le seront pas. La plupart des gens, en fait, afficheront des symptômes pendant une brève période et récupéreront, ou ils se porteront bien. Nous savons également que tout le monde à ses limites. C'est juste qu'elles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Chacun a une limite particulière pour chaque type de stress. Certaines personnes toléreront les privations physiques et le danger beaucoup plus facilement que la frustration ou le stress émotionnel.

Le sénateur Atkins : Y a-t-il une façon de mesurer cela?

Bgén Jaeger : De façon prospective, comme pour prévoir l'avenir, non, il n'y a pas de façon de mesurer cela en ce moment.

Le sénateur Atkins : Non, je voulais dire, y a-t-il une façon de le mesurer d'avance?

Bgén Jaeger : Il n'y a rien de fiable pour le moment. Il y a des recherches, mais elles sont préliminaires.

Le président : Faites-vous une évaluation de la santé mentale avant le déploiement?

Bgén Jaeger : Nous en faisons une. Nous la faisons par l'entremise de nos travailleurs sociaux et des aumôniers. Il y a évaluation en ce sens, mais ce n'est pas un test de personnalité; nous ne faisons pas cela. Nous évaluons les gens pour savoir où ils en sont dans leur vie, pour savoir s'il y a autre chose dans leur vie susceptible de causer des problèmes lorsqu'ils seront à l'étranger.

Le président : Prenons une personne qui vit un divorce ou la perte d'un enfant. Cette personne serait-elle admissible pour un déploiement? Les problèmes personnels pourraient-ils empêcher le déploiement?

Bgén Jaeger : Selon ce qui arrive, la personne peut être classée GAD rouge — GAD, c'est le groupe d'aide au départ; il s'agit du processus d'examen avant d'aller à l'étranger. Un drapeau rouge signifie que la personne ne devrait pas partir. S'il est déterminé que cette personne s'en sort bien et a les aptitudes voulues et que des structures de soutien sont en place, même avec des problèmes similaires, elle pourrait recevoir le feu vert. Ce processus est en place.

Cam Pile : Je voudrais ajouter un commentaire concernant le SSPT ou les traumatismes liés au stress opérationnel.

Tous nos soldats, nos matelots et nos aviateurs ont une formation professionnelle. Nous faisons une évaluation complète de tous les membres avant déploiement. C'est ce qu'on appelle GAD, le groupe d'aide au départ auquel le brigadier général Jaeger a fait référence.

L'incidence des TSO, les traumatismes liés au stress opérationnel, est évidemment élevée s'ils se trouvent dans une situation de stress intense, ce qui peut arriver n'importe où selon la situation. L'Afghanistan est évidemment une situation de stress intense en ce moment pour les fantassins.

Personnellement, j'ai vu des cas de SSPT causés par l'incendie de Chicoutimi, par exemple. Nous avons eu des cas de SSPT causés par le déploiement et les patrouilles dans le nord du golfe Persique.

Nous tentons d'éliminer ce stress autant que possible par le biais du cycle de formation avant déploiement en exposant les membres à des expériences qu'ils pourraient s'attendre de vivre lors de leur déploiement. Ils savent évidemment que la formation ne sera jamais tout à fait la même chose que la réalité mais ce processus de préparation est un outil efficace.

Le sénateur Kenny : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Downe concernant la discrétion des sous- ministres. Vous avez conclu fort à propos en disant que vous ne feriez pas de commentaire là-dessus.

Lorsque vous organiserez la réponse au retour au comité, pourriez-vous l'organiser de façon à ce que les chiffres soient triés par ministère? Ainsi nous pourrons voir combien de personnes ont été recueillies par chaque ministère. Cela nous permettra peut-être de savoir si le système discrétionnaire fonctionne bien ou non.

Cam Pile : Oui, nous ferons cela.

Le sénateur Kenny : Merci. J'ai une question concernant la capacité du système.

Combien de personnes traitez-vous en temps ordinaire, et quelle est votre capacité de pointe? Pouvez-vous dire au comité combien de personnes souffrant d'une quelconque forme de blessure ou de maladie vous traitez ordinairement? Êtes-vous sur le point d'atteindre votre pleine capacité? Que faites-vous lorsque vous atteignez la pleine capacité?

Lcol Blais : Voulez-vous avoir les chiffres portant sur le théâtre des opérations actuel?

Le sénateur Kenny : Dans un monde parfait, avant d'avoir un théâtre des opérations, comment étaient les choses? Qu'est-ce qui a changé maintenant qu'il y a des gens en Afghanistan, qu'il y a plus d'action, et plus de gens qui se font blesser et tuer? Que feriez-vous si les chiffres doublaient demain?

Bgén Jaeger : Nous devons envisager la capacité de traitement sous plusieurs angles. Tout d'abord, nous dispensons nous-mêmes les soins de santé primaires dont nous avons besoins sans faire d'impartition. La majeure partie de cette charge de travail est générée au Canada parce, selon les besoins du jour, les 58 000 à 60 000 membres des Forces canadiennes qui ne sont pas en Afghanistan génèrent beaucoup plus de travail que les 2 300 à 2 500 qui y sont. Cette charge de travail ne disparaît pas et ne change pas.

En comparaison du système de santé canadien, notre capacité de gérer cette charge de travail est raisonnablement stable. L'absorption d'une charge additionnelle serait très contraignante sans une augmentation importante de ressources pour dispenser les soins de santé.

Le sénateur Kenny : Voulez-vous dire que vos temps d'attente sont plus courts? Sur quoi vous basez-vous pour dire que vous êtes dans un état raisonnablement stable? Tout le monde attend-il six mois ou deux mois?

Bgén Jaeger : Pour ce qui concerne les données spécifiques, notre organisation en a relativement peu. Nous sommes en mesure de collecter et de gérer des données mais nous attendons la mise en oeuvre complète de nos dossiers médicaux électroniques avant de pouvoir faire des améliorations. Cependant, nous assurons une surveillance générale des indicateurs, par exemple la durée du cycle, c'est-à-dire le temps qu'il faut pour avoir une consultation dans une clinique sans rendez-vous.

En ce qui concerne le troisième rendez-vous disponible, qui mesure la facilité d'obtenir un rendez-vous, c'est pour des raisons de gestion qu'on choisit le troisième rendez-vous et non le premier ou le deuxième. Ces indicateurs dans toutes nos bases sont suivis et demeurent relativement constants. Nous ne grugeons pas nos temps d'attente mais nous ne perdons pas de terrain non plus. C'est pourquoi je dis que nous sommes dans un état relativement stable.

Le sénateur Kenny : Cette séance sera éventuellement télévisée. Allons-nous recevoir plusieurs appels de la part de personnes qui diront avoir entendu le brigadier général et qu'elle n'a aucune idée du temps pendant lequel les gens attendront?

Bgén Jaeger : Pour ce qui concerne les soins primaires, à certaines bases le délai du troisième rendez-vous peut être de quatre à six semaines. Ce n'est pas toujours court; cependant, il y a toujours la clinique sans rendez-vous. En d'autres mots, le temps d'attente n'empire pas en ce moment. Nous faisons de notre mieux pour veiller à ce qu'il n'empire pas et travaillons très fort pour tenter de le réduire.

Le reste de la question concerne la capacité des services spécialisés et cette capacité est importante pour les gens qui rentrent d'Afghanistan, certains d'entre eux nécessitant des services très spécialisés pendant de très longues périodes. Ce sont des services difficiles à maintenir et coûteux et il n'y en a pas à profusion au pays.

Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas connu de situation où, par exemple, le service n'étant tout simplement pas disponible, nous aurions dû déplacer des gens sur de grandes distances. Je songe à la réadaptation d'un amputé qui doit apprendre à utiliser sa prothèse; le processus de réadaptation est long dans un tel cas.

Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu d'établissement civil de réadaptation nous demandant de ne plus envoyer de patients, mais il est concevable que cela puisse se produire. La première chose que nous pourrions faire dans un tel cas serait d'aller dans une autre province ou dans un grand centre, tout en reconnaissant que ce n'est pas la solution idéale sur le plan du soutien social. Cela dit, si c'est nécessaire, alors il faut le faire.

Le sénateur Kenny : En ce qui concerne les chiffres, je crois que nous connaissons tous le nombre de décès qui se sont produits. Je crois que nous en savons moins sur le nombre de personnes qui nous sont revenues blessées ou avec des problèmes.

Cam Pile : Nous avons ces chiffres.

Le sénateur Kenny : C'est ce qui m'intéresse. Y a-t-il augmentation? À quel moment atteignez-vous votre capacité? Que ferez-vous lorsque vous aurez atteint votre capacité?

Lcol Blais : Depuis le début de la mission afghane, nous avons eu 170 blessés au combat et 42 décès.

Le sénateur Kenny : Que faut-il qu'il arrive pour que quelqu'un soit déclaré blessé?

Lcol Blais : Une blessure se dit de toute lésion ou atteinte attribuable au processus opérationnel.

Le président : Cela comprendrait-il le cas où je me tordrais ou briserais la cheville en sortant de mon dortoir?

Lcol Blais : Ce n'est pas considéré comme une blessure au combat. C'est une blessure mais vous n'avez pas été blessé au combat.

Le sénateur Kenny : Et s'il était dans un échange de feu et se tordait la cheville?

Lcol Blais : Ce serait considéré comme une blessure subie au combat.

Le sénateur Kenny : Le traitement est-il le même dans les deux cas?

Lcol Blais : Oui.

Le sénateur Kenny : Quel était le chiffre pour cela?

Lcol Blais : Le chiffre était de 170 blessés au combat.

Le sénateur Kenny : Les blessures surviennent-elles de façon régulière ou y a-t-il des hauts et des bas? Pourrait-on prévoir avec quelque certitude le nombre de blessures qui surviendront chaque mois?

Cam Pile : C'est difficile à prédire. Il y a en effet des hauts et des bas. Nous connaissons des périodes actives et des moins actives. Je demanderais au lieutenant-colonel Blais de lire ces statistiques.

Lcol Blais : En août, il y a eu huit blessés au combat; en septembre, 71; en octobre, 18; et jusqu'à maintenant en novembre, 2 blessés au combat.

Le sénateur Kenny : Comment faites-vous pour gérer cela alors qu'il y a de tels écarts? Comment vous en sortez- vous? Que feriez-vous si votre maximum était de 71 ou si vous en aviez 142 au cours d'un mois, par exemple? Avez- vous une telle capacité de pointe?

Cam Pile : Cela fait parti de notre processus de planification opérationnelle. Il semble y avoir des période d'activité plus intense en Afghanistan au cours de certains mois. C'est par l'entremise du processus de planification opérationnelle que nous pouvons composer avec ce genre de pointes et d'accalmies dans les activités.

Ici du côté médical, nous pouvons tenter de prévoir quand nous pourrions avoir une augmentation dans les activités médicales aussi, pour ce qui est du rapatriement ou des soins à dispenser aux blessés.

Bgén Jaeger : L'augmentation dans le théâtre, sénateur, est gérée à partir de notre installation de Kandahar, qui est très petite mais raffinée et dont nous sommes très fiers. Elle compte deux salles d'opération. Par conséquent, s'il arrivait huit ou dix victimes en même temps elle serait débordée. La solution de rechange, si vous voulez, pour cette installation, ce sont nos arrangements avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui ont leurs propres salles de chirurgie situées relativement près des nôtres par hélicoptère à l'aéroport de Kandahar. Plus loin il y a les installations de Bagrum, l'aéroport près de Kaboul. Nous pouvons envoyer le surplus là-bas et ensuite à Landstuhl. Si Landstuhl est trop occupé, nous avons des ententes avec nos amis allemands. Dans le passé, nous avons utilisé certaines installations civiles allemandes, ou le Royaume-Uni peut nous offrir des solutions de rechange pour ce qui concerne l'aéroport d'étape au retour. Nous avons de très bons rapports avec Landstuhl. C'est une culture dans laquelle nos soldats sont à l'aise et nous préférons utiliser cette installation jusqu'à ce qu'elle ne soit plus disponible. Notre capacité au Canada est limitée par la capacité du système de soins de santé canadien.

Le président : Nous connaissons tous ce système.

Bgén Jaeger : Jusqu'à maintenant, ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour affecter à nos militaires qui rentrent toutes les ressources dont nous avons besoins.

Comme je l'ai dit, il est concevable que dans une localité, par exemple Edmonton, si le gros des soldats viennent de cette partie du pays, ou Ottawa maintenant que le gros des soldats viennent de Petawawa, nous pourrions excéder leur capacité en ce qui concerne les soins intensifs neurologiques ou la réadaptation des amputés. Dans un tel cas, nous allons à l'endroit le plus près qui dispose du même genre de capacité pour voir si les patients peuvent y être traités.

Le président : Vous avez dit que le traitement et les procédures sont les mêmes, qu'on soit réserviste ou régulier, du moins en situation de déploiement. Qu'arrive-t-il au Canada si vous êtes un réserviste à l'entraînement? Avez-vous le même traitement et les mêmes procédures que si vous étiez un régulier à la maison?

Bgén Jaeger : Pour répondre brièvement, sénateur, non. La différence réside dans la nature du service de réserve et ce qui a créé le besoin de soins médicaux. Les politiques sont claires mais lorsque vient le temps de les mettre en oeuvre, il y a des zones grises qu'il faut interpréter lorsqu'il faut les appliquer à des cas particuliers.

Un réserviste en service plus de 180 jours a les mêmes droits qu'un membre de la Force régulière; c'est simple. Les réservistes affectés à ce qu'ils appellent une classe B, c'est-à-dire un service continu de moins de 180 jours, ou à une classe A, c'est-à-dire le service des soirs de parade et des fins de semaine, n'auraient droit à des soins médicaux que s'ils sont en lien avec ce qu'ils faisaient. S'ils camouflaient un véhicule et se blessaient ou se fracturaient le dos en tombant du véhicule, ils recevraient des soins pour cette blessure. Il y a une zone grise lorsque le militaire croit que sa blessure est liée à ce qu'il faisait lorsqu'il était en service et que les responsables du système de santé ne voient pas les choses du même oeil.

Le président : Ma dernière question porte sur ce que le contre-amiral Pile nous a dit à la fin de son exposé concernant les défis. Il en a mentionné trois. Je m'arrête sur la pénurie de médecins militaires et de fournisseurs de soins de santé. Est-ce le principal défi? Pouvez-vous nous dire franchement, si vous aviez une baguette magique, quel est le principal obstacle à la prestation des services que vous dispensez?

Cam Pile : Dans l'ensemble des professions liés aux services de santé chez les militaires, historiquement, au cours de la dernière décennie il y a certainement eu d'importantes pénuries de médecins et d'infirmiers. Les pharmaciens sont encore aujourd'hui un de nos groupes critiques. Je voudrais vous dire que nous avons fait beaucoup de chemin dans nos méthodes de recrutement. Nous commençons a voir les résultats de ces efforts. Je peux laisser le brigadier général Jaeger vous donner quelques détails à ce sujet mais nous sommes certainement dans une meilleure position aujourd'hui que nous l'étions il y a à peine quelques années. Cependant, nous devons poursuivre nos efforts parce que le problème ne se réglera pas de lui-même. Il y a une très vive concurrence pour les médecins, les infirmiers, les physiothérapeutes et les pharmaciens. Dans ce marché très concurrentiel, nous tentons d'attirer les meilleurs dans les Forces canadiennes.

Le président : Est-ce une question d'argent? Si j'étais un sympathique ministre des Finances et vous disais que vous pouvez avoir des fonds additionnels, le problème ne serait-il pas réglé?

Bgén Jaeger : Non, sénateur, le problème n'est pas l'argent. Il s'agit de la disponibilité de personnes biens formés qui acceptent de travailler pour nous, soit en uniforme ou à titre de fonctionnaires ou de civils à contrat.

Si j'avais une baguette magique, je ferais apparaître des fournisseurs de soins de santé mentale. Aujourd'hui, leur embauche est notre plus important défi. Vous pourrez entendre parler des gens de Petawawa. Petawawa n'est pas très loin d'Ottawa, mais par rapport à l'endroit où les fournisseurs de soins de santé bien formés voudraient vivre, ce pourrait tout aussi bien être sur la lune, parce qu'ils sont difficiles à attirer dans la vallée supérieure de l'Outaouais

Le président : Et Gagetown?

Bgén Jaeger : Gagetown est difficile aussi en raison de la grande concentration des troupes militaires qui s'y activent. Les petites collectivités éloignées et les zones militaires occupées sont deux importants défis en ce qui concerne le recrutement.

Le président : Je suis désolé de mettre fin au débat. Nous pourrions continuer beaucoup plus longtemps. Nous avons beaucoup apprécié vos témoignages aujourd'hui. Ils nous ont été très utiles. Ils constituent une excellente introduction à notre étude.

Au nom des membres du comité, je remercie chacun de vous d'être venu aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants pour le temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Si vous pouviez nous faire parvenir cette information que vous avez accepté de nous fournir, elle nous serait très utile.

La séance est levée.


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