Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement
Fascicule 3 - Témoignages du 4 février 2008
OTTAWA, le lundi 4 février 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 12 h 33, pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour et bienvenue à la séance du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Avant de commencer, j'aimerais régler un petit point. Avec votre approbation, je vais présenter une motion cette semaine au Sénat pour demander une prolongation afin que notre comité fasse rapport le 30 septembre 2008 plutôt que le 31 mars.
Des voix : Approuvé.
La présidente : Aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur le vieillissement et les services aux détenus. Pour nous aider à comprendre les questions relatives à ce sujet, nous accueillons, du Service correctionnel du Canada, Ross Toller, commissaire adjoint aux Opérations et programmes correctionnels, et Leslie MacLean, commissaire adjointe aux Services de santé. Du Bureau de l'Enquêteur correctionnel, nous avons parmi nous Ed McIssac et Howard Sapers. Nous accueillons également Kim Pate de l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry.
Ross Toller, commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels, Service correctionnel du Canada : Je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis commissaire adjoint aux Opérations et programmes correctionnels pour le Service correctionnel du Canada. Je suis accompagné de Leslie MacLean, commissaire adjointe aux Services de santé. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de la façon dont le Service correctionnel du Canada gère les délinquants âgés. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions et que nous écouterons vos observations après notre exposé.
Aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le SCC est responsable de la prise en charge et de la garde des délinquants qui purgent des peines de deux ans ou plus. Pour ce faire, il doit leur offrir des programmes qui contribuent à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale, les préparer à leur mise en liberté dans la collectivité et les surveiller pendant qu'ils sont en liberté sous condition, en liberté d'office ou assujettis à une ordonnance de surveillance de longue durée, la protection de la société étant le critère prépondérant dans le processus correctionnel.
Nos politiques, pratiques et programmes correctionnels respectent les différences ethniques, culturelles et linguistiques ainsi que les différences entre les sexes; ils tiennent compte des besoins spéciaux des délinquantes et des délinquants autochtones et de ceux d'autres groupes de délinquants, y compris les délinquants âgés. Pour répondre à ces besoins, le SCC élabore et met en œuvre des interventions et des plans correctionnels individuels, qui sont évalués en permanence tout au long de la peine du délinquant.
Le SCC est en opération 24 heures par jour, 7 jours par semaine, 365 jours par année. Le service supervise une population de 21 617 délinquants, soit environ 13 170 délinquants en établissement et 8 447 délinquants dans la collectivité. Le service correctionnel fédéral gère 58 établissements, 16 centres correctionnels communautaires et 71 bureaux de libération conditionnelle à la grandeur du Canada et il emploie environ 14 500 personnes, avec un budget d'un peu moins de 2 milliards de dollars.
Il y a, et il continue d'y avoir, un débat entre les chercheurs. Je suis sûr que vous avez entendu parler des différents points de vue des biologistes et des épidémiologistes sur l'âge auquel une personne doit être considérée comme âgée ou vieillissante. Toutefois, l'expression « délinquant âgé » s'applique aux délinquants âgés de 50 à 64 ans et celle de « délinquant plus âgé » aux délinquants âgés de 65 ans et plus. Ces expressions décrivent les différents changements physiques, sociaux et biologiques que subit une personne avec le passage du temps et qui la rend moins apte à faire des activités qui nécessitent beaucoup de force physique. Pour ses besoins, le SCC considère les délinquants de 50 ans et plus comme des « délinquants âgés » en raison de facteurs liés aux déterminants de la santé, comme le tabagisme, la mauvaise alimentation, le manque de soins de santé et un faible statut socioéconomique.
Pour les besoins correctionnels, il existe trois catégories distinctes de délinquants âgés : les délinquants qui ont été incarcérés lorsqu'ils étaient jeunes et qui vieillissent en prison; les délinquants qui sont incarcérés à de multiples reprises et qui ont fait de leur carrière criminelle un mode de vie; les délinquants qui sont déjà âgés au moment où ils sont incarcérés pour la première fois.
Trois facteurs expliquent l'augmentation du nombre de délinquants âgés. L'âge moyen des délinquants nouvellement admis a augmenté. De 2006 à 2007, 10 p. 100 des nouvelles admissions découlant d'un mandat de dépôt étaient des délinquants âgés, ce qui est une hausse par rapport à une moyenne de 8 p. 100 au cours des sept dernières années. Il y a aussi l'effet cumulatif des délinquants âgés qui purgent des peines de longue durée — à perpétuité; ainsi, l'âge moyen des délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité était de 44 ans en avril 1998, comparativement à 48 ans, en avril 2007. L'âge moyen des délinquants qui sont réincarcérés a aussi augmenté. En avril 1998, l'âge moyen des délinquants dont la mise en liberté avait été révoquée était de 32 ans, comparativement à 34 ans en avril 2007.
Comme je l'ai dit, au cours des dix dernières années, l'âge moyen des délinquants sous responsabilité fédérale a augmenté. Pour les hommes, il est passé de 37,2 ans en 1997 à 39,4 ans en 2006-2007. Pour les femmes, il est passé de 36,9 ans en 1997-1998 à 37,6 ans en 2006-2007.
En moyenne, les délinquants non autochtones sont plus âgés que les délinquants autochtones. L'âge moyen des délinquants autochtones est passé de 33,7 ans en 1997-1998 à 35,7 ans en 2006-2007 et celui des délinquants non autochtones, de 37,8 ans en 1997-1998 à 40,1 ans en 2006-2007.
Les délinquants sous responsabilité fédérale âgés de 50 ans et plus représentent 20 p. 100 de la population fédérale, ce qui correspond à 4 339 délinquants, c'est-à-dire 2 068 délinquants en établissement ou 16 p. 100 de la population carcérale et 2 271 délinquants dans la collectivité ou 27 p. 100 de la population sous surveillance dans la collectivité.
Ces dix dernières années, le nombre de détenus sous responsabilité fédérale de 50 ans et plus a augmenté de 539. Durant la même période, le nombre de délinquants sous responsabilité fédérale de 50 ans et plus sous surveillance dans la collectivité a augmenté de 729.
En général, les détenus âgés d'aujourd'hui sont différents des détenus âgés d'il y a dix ans. Près de 80 p. 100 d'entre eux ont des antécédents criminels, à titre d'adultes ou de jeunes contrevenants. Ils sont plus nombreux à avoir des problèmes de santé mentale. Au moment de leur admission, 14 p. 100 ont déjà des troubles psychiatriques diagnostiqués. La moitié d'entre eux ont atteint l'âge de 50 ans pendant qu'ils purgeaient leur peine actuelle et la moitié d'entre eux ont été admis alors qu'ils étaient déjà âgés de 50 ans et plus. De plus, 46 p. 100 d'entre eux purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité et 13 p. 100, une peine de dix ans et plus.
Pour ce qui est des catégories d'infractions, 43 p. 100 ont commis des homicides et 32 p. 100, des infractions sexuelles, des vols qualifiés et des infractions en matière de drogue. Certains délinquants peuvent se trouver dans plus d'une catégorie.
Dans le cas des délinquants âgés, nous devons tenir compte des éléments suivants : l'adaptation au milieu carcéral, les programmes, l'infrastructure du milieu carcéral, les relations avec les pairs, les relations familiales, les préoccupations concernant la mise en liberté sous condition et les services médicaux, y compris les soins de santé mentale.
Quand un délinquant est admis dans un établissement correctionnel fédéral, il fait l'objet d'un processus de gestion des cas qui comporte quatre étapes. À l'étape d'évaluation initiale, un délinquant fait l'objet d'un processus systématique et complet pour déterminer le niveau de risque et les besoins en sécurité et pour assurer son placement initial dans un établissement au niveau de sécurité approprié. Une fois arrivé dans l'établissement, le délinquant subit une évaluation visant à déterminer les facteurs qui auraient pu l'inciter à commettre l'acte criminel pour lequel il a été condamné. Le processus d'évaluation initiale auquel sont soumis tous les délinquants, y compris les délinquants âgés, permet d'élaborer un plan correctionnel multidisciplinaire de traitement et d'intervention, qui sera mis en œuvre tout au long de leur peine.
On tient compte de l'âge dans le contexte de la sécurité de l'établissement pour les éléments suivants : le placement pénitentiaire; les besoins en matière de programmes et d'emploi, qui sont décrits dans le plan correctionnel du détenu; le dénombrement des détenus et les patrouilles de sécurité, même s'il existe des exemptions pour les détenus qui, pour des raisons médicales ou à cause de limitations physiques, ne peuvent pas se mettre debout pour le dénombrement; et les effets personnels des détenus. Le responsable de l'établissement peut aussi faire des exceptions, au cas par cas.
En plus de l'étape d'intervention, nous utilisons des marchepieds pour aider les détenus à monter dans les véhicules d'escorte et à en descendre. Les établissements du Service correctionnel du Canada sont dotés de cellules conçues pour permettre l'accès aux fauteuils roulants et d'appareils sanitaires destinés aux détenus ayant des déficiences physiques. Les établissements sont aussi dotés de cellules permettant l'utilisation en toute sécurité de bouteilles d'oxygène et de respirateurs. Les unités résidentielles, les aires de programmes et de travail ainsi que d'autres zones des établissements sont accessibles en fauteuil roulant grâce à des rampes d'accès et à des appareils de levage, au besoin. Le gouvernement a débloqué 1 million de dollars pour permettre à tous les établissements fédéraux de se doter de défibrillateurs d'ici la fin du présent exercice.
Une vaste gamme de programmes correctionnels, d'intensité variée, sont offerts pour répondre aux besoins des délinquants. Le SCC offre des programmes de réinsertion sociale à tous les délinquants, y compris les délinquants âgés, dans les domaines de l'éducation et de l'emploi, de la préparation à l'emploi, des compétences psychosociales, de la santé mentale, de la prévention de la toxicomanie, de la prévention des infractions sexuelles, de la prévention de la violence et de la prévention de la violence familiale. Il est prouvé que ces programmes permettent de réduire la récidive. Des séances de counseling individuelles sont aussi offertes.
Les progrès accomplis par le délinquant par rapport aux exigences de son plan correctionnel font l'objet d'une surveillance constante et ils constituent un facteur primordial dans toutes les décisions prises à son sujet. Parmi les problèmes de santé contemporains qui nécessitent des services de pastorale appropriés, on compte les détenus qui ont besoin de soins gériatriques et palliatifs ainsi que ceux qui sont atteints de maladies chroniques, comme l'hépatite C et le sida, ou qui ont des dépendances multiples aux drogues.
L'étape de préparation de cas et de mise en liberté comprend des programmes permettant de répondre aux besoins particuliers des délinquants âgés et des occasions de prouver qu'ils ont fait des progrès leur permettant d'être transférés dans un établissement de niveau de sécurité inférieur ou de bénéficier d'une mise en liberté sous condition, y compris les permissions de sortir, les placements à l'extérieur, la libération conditionnelle ou la libération d'office. La protection de la société et la sécurité de la collectivité sont les critères prépondérants dans toute décision touchant le processus correctionnel ou la mise en liberté sous condition. On évalue la pertinence de la mise en liberté et le risque de récidive et on élabore une stratégie visant à faciliter la transition du délinquant dans la collectivité.
La dernière étape est celle de la surveillance dans la collectivité. La surveillance est assurée par des agents de libération conditionnelle du SCC ou les membres du personnel d'un organisme avec lequel le SCC a conclu un contrat. Il s'agit d'un processus dynamique qui comporte des mesures de soutien et de contrôle, une collaboration directe avec le délinquant et le recours à de nombreuses ressources dans la collectivité. Tous les délinquants libérés sous condition sont placés sous surveillance, quel que soit l'endroit où ils habitent. Le degré de surveillance dépend des besoins du délinquant et du risque qu'il présente pour la collectivité. Les agents de libération conditionnelle comptent sur diverses sources d'information, y compris la police, la famille, les professionnels et les agents de programmes, pour vérifier les progrès accomplis par le délinquant et élaborer un plan de surveillance approprié. Ils sont en mesure d'aider le délinquant à résoudre ses problèmes et à prendre les mesures nécessaires si le risque qu'il présente augmente. Les délinquants âgés sont orientés vers des services communautaires en cas de besoin.
Les délinquants doivent suivre des programmes pour traiter leurs facteurs criminogènes. Le SCC s'efforce par conséquent de réduire les effets invalidants du vieillissement afin de maximiser la capacité de tous les délinquants à participer utilement à des programmes correctionnels. Si un délinquant âgé est incapable, pour des raisons indépendantes de sa volonté, de participer à un programme vers lequel il a été dirigé, il a droit à une indemnité quotidienne de 2,50 $ par jour. Par ailleurs, dans des circonstances exceptionnelles, le responsable de l'établissement peut autoriser la rémunération d'un détenu à un niveau auquel il ne serait autrement pas admissible.
L'article 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permet d'accorder, en tout temps, une libération conditionnelle à titre exceptionnel à un délinquant s'il est malade en phase terminale, si sa santé physique ou mentale risque d'être gravement compromise si la détention se poursuit, si l'incarcération constitue pour lui une contrainte excessive difficilement prévisible au moment de sa condamnation ou s'il fait l'objet d'un arrêté d'extradition pris aux termes de la Loi sur l'extradition et est incarcéré jusqu'à son extradition.
La libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel ne s'applique pas aux délinquants qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité infligée comme peine minimale ou une peine de mort commuée en emprisonnement à perpétuité ou encore une peine de détention dans un pénitencier pour une période indéterminée. Pour ce groupe de délinquants en particulier, le SCC considère d'autres pratiques internes telles que des visites supplémentaires, plus d'appels téléphoniques, et cetera.
[Français]
Leslie MacLean, commissaire adjointe, Services de santé, Service correctionnel du Canada : Madame la présidente, je vous parlerai de nos besoins et de nos défis de santé pour les détenus vieillissants.
[Traduction]
Nous sommes tenus par la loi de fournir aux détenus les soins de santé essentiels dont ils ont besoin. Nous faisons face aux mêmes difficultés que de nombreuses collectivités canadiennes pour ce qui est du maintien de la qualité, des résultats et des professionnels de la santé et des ressources humaines.
[Français]
Mais aussi, je vous parlerai un peu de ce qui est unique à notre contexte. Les coûts de soins de santé aux détenus sont beaucoup plus élevés que ceux des soins dont a besoin le Canadien moyen, car les délinquants ont un mode de vie à risques élevés, des problèmes de toxicomanie, des taux élevés de maladies infectieuses et des problèmes de santé mentale. Évidemment, à l'intérieur du contexte unique qui est le nôtre, nous avons également des défis d'économies d'échelle.
En ce moment, il existe trois types de centres de santé au service correctionnel. À l'intérieur de chaque établissement, on a de petits centres de soins ambulatoires; on a aussi des hôpitaux régionaux et également cinq centres de traitement psychiatrique au niveau régional. Contrairement à ce qui se passe dans les collectivités canadiennes, ce sont les infirmiers qui fournissent les services de santé en première ligne dans nos établissements. Le service emploie environ 750 infirmiers et infirmières, ainsi que d'autres professionnels de la santé. Pour cette année financière, notre budget pour les services de santé est de l'ordre de 155 millions.
[Traduction]
Je vais vous parler davantage des besoins uniques des délinquants en matière de santé. Bon nombre d'entre vous savent que les délinquants sous responsabilité fédérale affichent une prévalence élevée de VIH/sida, d'hépatite C et de troubles causés par l'alcoolisation fœtale. La proportion de délinquants qui ont consommé de l'alcool ou de la drogue de façon abusive avant leur admission est en hausse et une proportion croissante de délinquants ont de graves problèmes de santé mentale. Le taux de tabagisme est plus de deux fois plus élevé chez les délinquants que chez les membres de la population canadienne générale et le taux de suicide, je regrette de le dire, est également de trois fois plus élevé.
Il y a un certain nombre de maladies chroniques dont l'occurrence est disproportionnellement élevée chez les délinquants. Par exemple, les cas de diabète, d'affections cardiovasculaires et d'asthme dépassent les taux enregistrés dans la population canadienne générale. La consommation de médicaments est également plus importante.
Nous remarquons qu'un plus grand nombre de nos détenus utilisent des aides mécaniques pour se déplacer ou vaquer à des activités quotidiennes. Autre point intéressant, tous les délinquants dans nos établissements affichent des taux d'utilisation de services de santé supérieurs à la moyenne. Par conséquent, nous n'observons peut-être pas l'augmentation marquée qui est parfois associée au vieillissement; les délinquants affichent déjà un taux élevé d'accès aux soins de santé.
Comme M. Toller l'a signalé, lorsque nous regardons les caractéristiques démographiques du Canada, nous constatons que 16 p. 100 des détenus sont maintenant âgés de plus de 50 ans. En raison des déterminants de la santé, du mode de vie ou d'autres facteurs de risque, un grand nombre de besoins en matière de santé sont pratiquement les mêmes, peu importe l'âge du détenu. Nous observons que le traitement et l'intensité des soins augmentent avec l'âge.
Un véritable défi pour nous, c'est de fournir des services de santé adéquats en fonction des ressources dont nous disposons, avec l'aide de professionnels de la santé appropriés. Parmi les quelques initiatives qui pourraient vous intéresser en ce qui concerne les délinquants âgés, ou les délinquants en général, on compte celles liées à la santé mentale. C'est l'une de nos priorités. En 2007, un délinquant sur huit — soit une hausse de 61 p. 100 en dix ans — et une délinquante sur quatre incarcérés dans notre système ont été diagnostiqués comme ayant un trouble mental. Dans le cadre de notre stratégie, nous travaillons à poser les bases requises pour fournir aux délinquants un continuum de soins en santé mentale, depuis leur admission jusqu'à leur mise en liberté sous condition. Notre but est de répondre aux besoins les plus urgents en matière de services d'évaluation et de traitement et d'offrir une formation en santé mentale au personnel de sécurité et de santé.
La proportion de délinquants qui ont consommé de l'alcool ou de la drogue de façon abusive est en hausse. Notre approche actuelle comprend des mesures pour empêcher l'introduction de drogues dans les établissements et pour nous assurer que nous appuyons les détenus par l'évaluation, l'éducation, la réduction des méfaits et le traitement.
Nous avons mis en œuvre plusieurs initiatives de santé publique : l'accès à l'eau de Javel; des unités sans drogue; une formation sur la réduction des méfaits, y compris une éducation par des pairs; et un programme de traitement d'entretien à la méthadone pour les délinquants qui sont entrés dans le système avec de sérieux problèmes de toxicomanie. Nous sommes en train d'élaborer une stratégie de réduction des méfaits fondée sur les conseils de notre comité consultatif des soins de santé ainsi que les travaux dans le cadre de la Stratégie fédérale de lutte contre le VIH/ sida.
Pour répondre aux besoins des détenus âgés, la clé se trouve dans l'évaluation de la santé d'un délinquant lorsqu'il entre dans notre système. Nous avons mis en place un outil d'évaluation spécial pour les détenus de 50 ans et plus et pour ceux qui ont du mal à vaquer à des activités quotidiennes. Nous disposons aussi, depuis plusieurs années, de lignes directrices sur les soins palliatifs, qui comprennent une approche multidisciplinaire. Au besoin, les détenus reçoivent une formation et un soutien pour qu'ils puissent aider d'autres détenus.
Nous avons des problèmes continus en matière de mobilité. Bon nombre de nos établissements sont, eux-mêmes, assez vieux. Lors de la construction de nouveaux bâtiments ou de la rénovation de bâtiments existants, nous travaillons constamment à nous conformer aux normes de logement. Quelques projets sont en cours pour évaluer la perte d'autonomie et ce que cela signifie pour nous en matière de logement, de santé et d'autres besoins en santé. En ce qui a trait à la nouvelle formation, nous offrirons, durant le prochain exercice financier, une formation supplémentaire à nos infirmières dans un certain nombre de domaines, y compris la gériatrie.
Enfin, pour ce qui est de la gestion des délinquants âgés, de toute évidence, à mesure que le Canada s'adapte aux changements démographiques de la population actuelle, il en va de même pour notre population carcérale. Nous devons bien utiliser nos ressources pour faire face à ces pressions.
Nous reconnaissons la nécessité de travailler avec toutes les instances. Identifier et gérer les délinquants âgés n'est pas le lot du SCC seulement. Les personnes viennent de la collectivité et y retournent. Nous reconnaissons que bon nombre des leviers du changement se situent dans des domaines qui influent sur les déterminants de la santé ou les comportements à risque, comme l'éducation, le bien-être social, les services de la santé au palier provincial-territorial et, bien sûr, dans les collectivités elles-mêmes pour ce qui est du soutien aux individus.
Pour l'avenir, nous continuerons de collaborer avec nos partenaires fédéraux et provinciaux, tout en examinant les moyens de lier l'information du système de soins de santé et celle du système de justice pénale. Nous continuerons de miser sur les pratiques exemplaires pour pouvoir adapter, s'il y a lieu, nos services, de façon à répondre le mieux aux besoins des délinquants âgés en matière de santé, de logement et de sécurité.
Howard Sapers, enquêteur correctionnel, Bureau de l'Enquêteur correctionnel : Bonjour et merci beaucoup de me donner l'occasion de vous parler de ce sujet. En tant qu'enquêteur correctionnel, mon rôle consiste à agir à titre de protecteur indépendant des délinquants sous responsabilité fédérale. Il m'incombe aussi d'examiner les politiques et les procédures du Service correctionnel du Canada, de formuler des recommandations à ce sujet et de veiller à ce que les sources de préoccupation soient repérées et traitées correctement.
Mon mandat illustre des éléments importants du système de justice pénale du Canada. Le Bureau de l'Enquêteur correctionnel reflète les valeurs des Canadiens en matière de respect de la loi et des droits de la personne, ainsi que leurs attentes à l'égard des employés et des cadres supérieurs du Service correctionnel, lesquels sont responsables de l'application de la loi et des politiques en leur nom. Après tout, des services correctionnels efficaces favorisent la sécurité publique.
Je suis ici aujourd'hui pour faire état de mes préoccupations au sujet des délinquants âgés. Le Service correctionnel a traditionnellement défini les délinquants âgés comme étant ceux de 50 ans et plus, parce que le processus du vieillissement est accéléré en milieu correctionnel en raison de facteurs tels que le statut socioéconomique, les besoins accélérés en soins médicaux et le mode de vie difficile que bon nombre des délinquants avaient avant leur incarcération.
Les délinquants âgés représentent environ 16 p. 100 de la population carcérale, soit quelque 2 200 détenus sous responsabilité fédérale, parmi lesquels environ 300 sont âgés de plus de 65 ans. L'augmentation constante du nombre de délinquants âgés incarcérés dans les établissements fédéraux n'est pas un phénomène nouveau. Le SCC a commencé à s'intéresser de plus en plus à la hausse du nombre de délinquants âgés il y a une dizaine d'années environ. À cette époque, il a admis que sa capacité de répondre aux besoins des délinquants âgés était déficiente et que si aucune mesure corrective n'était prise, le problème s'aggraverait, car on prévoyait que le nombre de délinquants âgés continuerait d'augmenter. C'est ce qui s'est produit.
En novembre 1999, le SCC a pris une mesure décisive en créant la nouvelle « Division des services aux délinquants âgés », dont le mandat consistait à « élaborer une stratégie correctionnelle adaptée aux besoins des délinquants âgés ». À cette époque, le Bureau de l'Enquêteur correctionnel a soutenu le Service correctionnel dans ses mesures proactives destinées à traiter un problème nouveau et il a participé à la consultation avec le Service correctionnel.
Le SCC a établi une vaste stratégie portant sur les principaux besoins des délinquants âgés, notamment : la planification du logement dans les établissements; les services correctionnels communautaires, y compris la surveillance et les programmes offerts aux délinquants libérés; les soins de santé physique et mentale, y compris les soins palliatifs; la dotation et la formation du personnel afin de répondre aux besoins des délinquants âgés; et l'évaluation, la gestion des cas et la planification de la mise en liberté.
Dans son rapport annuel de 2000-2001, mon bureau a qualifié le rapport du SCC sur les délinquants âgés de document crucial qui, si ses recommandations étaient appliquées, permettrait, dans une large mesure, de résoudre les problèmes avec lesquels sont aux prises les délinquants âgés. À cette époque, le Service correctionnel s'est engagé à régler les problèmes liés au logement, aux soins palliatifs, aux options de réintégration et à l'élaboration de programmes. Malheureusement, peu après la publication de son rapport, le SCC s'est éloigné de la mise en œuvre de ses nombreuses recommandations.
À l'origine, on a parlé d'un « changement de priorités » pour justifier l'inaction; toutefois, il est apparu plus tard qu'un manque de ressources faisait aussi partie du problème. Le SCC a commencé à prendre ses distances à l'égard de son rapport et adopté une approche visant à fournir des programmes et des soins de santé individualisés, fondés sur une évaluation des besoins de chaque détenu, peu importe son âge.
En mars 2004, la Revue canadienne de santé publique a publié un rapport, intitulé Évaluation des besoins en soins de santé des détenus sous responsabilité fédérale, dans lequel on faisait remarquer que, depuis 1993, le nombre de détenus de 50 ans ou plus avait augmenté de 60 p. 100, alors que le nombre des 65 ans ou plus avait augmenté de 87 p. 100. Les auteurs de ce rapport exhortaient les autorités à accorder une attention particulière aux besoins en soins de santé de ce segment croissant de la population carcérale.
Ils décrivaient les problèmes psychosociaux de ce groupe comme étant les suivants : un isolement des autres détenus ou manque de rapports avec eux étant donné la proportion relativement petite de détenus âgés; une vulnérabilité physique à des répercussions plus graves d'un acte d'agression; plus de difficulté à s'adapter à un nouveau milieu et plus de temps requis pour faire cette adaptation; un taux de suicide plus élevé; une plus grande probabilité de mourir en prison; une incidence plus élevée de perte de soutiens dans la collectivité — par exemple, la conjointe ou le conjoint, les proches et les amis.
Les auteurs soulignaient un certain nombre de questions en matière de planification sur lesquelles il fallait se pencher, notamment : l'intégration des détenus âgés dans la population carcérale générale; l'aménagement physique des établissements, plus précisément les distances entre les bâtiments, les escaliers, le surpeuplement, l'espace pour fauteuils roulants; les programmes et services, y compris les besoins alimentaires des détenus âgés et l'adaptation des programmes à leurs contraintes physiques, mentales et sociales; et la formation du personnel, en notant que les défis ne sont pas les mêmes que chez les détenus plus jeunes.
Avant de vous donner plus de détails sur les besoins et les défis des délinquants âgés, permettez-moi de souligner certaines initiatives positives mises en œuvre par le Service correctionnel.
L'Établissement du Pacifique/Centre régional de traitement a un excellent programme de soins palliatifs. Les détenus qui prennent soin d'autres détenus ayant des besoins particuliers — aussi bien des personnes âgées que des délinquants aux prises avec des difficultés physiques — sont des assistants en soins de santé auprès de leurs pairs. Jumelé à un détenu ayant besoin d'aide, l'assistant lui prête main-forte pendant toute la journée. Comme il s'agit d'un travail, les assistants touchent une rémunération. Je crois comprendre que la majorité des assistants en soins de santé auprès de leurs pairs prennent leur travail au sérieux — il leur arrive même d'appeler au Bureau de l'Enquêteur correctionnel pour eux.
Pour assurer une approche uniforme en matière de soins palliatifs au sein du Service correctionnel, il est maintenant obligatoire de se conformer aux lignes directrices sur les soins palliatifs lorsqu'une maladie terminale est diagnostiquée. Ces lignes directrices ainsi que celles liées à la planification des congés sont actuellement examinées.
Certains établissements résidentiels communautaires, CRT ou maisons de transition, ont acquis des compétences dans les soins à prodiguer aux délinquants âgés. Malgré toutes ces initiatives, il n'y a toujours pas de plan complet pour répondre aux besoins des délinquants âgés, et les cas portés à notre attention ces dernières années ne laissent pas entendre que des progrès suffisants ont été réalisés pour répondre à ces besoins croissants. Permettez-moi de vous présenter quelques exemples de situations sur lesquelles nous sommes appelés à nous pencher.
Certains délinquants âgés sont incarcérés dans des établissements à sécurité moyenne et maximale même s'ils ont des problèmes de mobilité ou une maladie tellement grave qu'ils ne présenteraient aucune menace pour la sécurité publique s'ils étaient placés dans un établissement à sécurité minimale. À cause de cette situation, ils ne peuvent avoir accès à l'éventail complet des soutiens communautaires et des programmes correctionnels. De nombreux délinquants âgés, dont certains sont septuagénaires et très malades ou lourdement handicapés, ont dépassé leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle. On peut se demander pourquoi ils n'ont pas été mis en liberté sous condition dans la collectivité sous une forme ou une autre. Des données récentes du SCC révèlent que plus de 150 détenus âgés de plus de 65 ans ont dépassé leur date d'admissibilité à la semi-liberté ou à la libération conditionnelle totale.
Le Service correctionnel du Canada poursuit ses efforts en vue d'assurer un financement adéquat et permanent qui permettra d'améliorer sa capacité de fournir des services de santé mentale au nombre croissant de délinquants ayant des troubles psychiatriques. Nous le reconnaissons. Le pourcentage de délinquants de ce groupe a doublé ces dix dernières années. Les délinquants âgés ayant des problèmes de santé mentale et des déficits cognitifs sont vulnérables, et le fait que le Service correctionnel admet lui-même ne pas avoir assez de moyens pour répondre à leurs besoins continue d'inquiéter grandement le Bureau de l'Enquêteur correctionnel. De nombreux délinquants aux prises avec des problèmes de santé mentale sont placés en isolement protecteur ou sont victimisés par d'autres délinquants. Le manque de programmes offerts par le Service correctionnel à la population carcérale et les retards dans leur mise en œuvre constituent un problème majeur. Les longues listes d'attente font en sorte que les programmes ne sont offerts que très tard au cours de la peine des délinquants, souvent même après leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Les retards dans la participation aux programmes sont liés directement aux retards dans la mise en liberté sous condition. À cause de cela, il peut arriver que certains délinquants soient mal préparés à réintégrer la collectivité et que, lorsqu'ils sont mis en liberté, ils le soient trop souvent dans le cadre d'une libération d'office, qui fait l'objet d'une surveillance de moins longue durée par un agent de libération conditionnelle.
Peu d'initiatives et d'options en matière de logement ont été élaborées pour répondre aux besoins physiques des délinquants âgés. Il faut mettre en place des programmes précis et des mesures spéciales de logement. Certains délinquants âgés se sentent isolés ou ont cessé de participer à de saines activités en raison de l'absence de possibilités qui leur sont offertes. Bon nombre d'entre eux préfèrent rester dans leurs cellules par crainte des contacts avec le reste de la population carcérale ou par nécessité, car l'environnement physique, les programmes ou les possibilités de travail ne cadrent pas avec leurs besoins et avec leurs limites. Dans le système correctionnel fédéral, l'accès aux soins chroniques, palliatifs et de longue durée axés sur les patients est très restreint, et d'autres ressources sont nécessaires. Parfois, mon bureau enquête sur des cas concernant des retards importants dans l'obtention d'articles essentiels au bien-être et à la dignité de délinquants, comme les appareils auditifs, les prothèses dentaires et les produits d'incontinence pour adultes. En outre, des régimes alimentaires spéciaux sont rarement offerts aux délinquants âgés.
Les membres du personnel ne sont pas suffisamment formés et équipés pour répondre aux besoins des délinquants âgés, en particulier ceux aux prises avec de graves problèmes de santé mentale et de mobilité, ainsi qu'avec des troubles médicaux graves. Il faut offrir davantage de programmes de sensibilisation et de formation au personnel de première ligne, et le Service correctionnel doit recruter des employés ayant des compétences et de l'expérience en gérontologie.
Le système des indemnités et les possibilités de travail pour les détenus ne conviennent pas à la situation particulière des délinquants âgés. Certains d'entre eux ne peuvent pas travailler en raison de leur propres contraintes physiques, mais aussi parce que les occasions d'emploi limitées dans les établissements correctionnels ne répondent pas à leurs besoins spéciaux. De plus, le milieu carcéral n'offre pas aux délinquants âgés des activités productives qui les tiennent occuper. Un grand nombre de ces délinquants passent le plus clair de leur temps seuls dans leur cellule. Comme ils n'occupent pas d'emplois rémunérés et ne participent pas à des programmes, ces délinquants ont peu d'argent et donc peu accès aux articles essentiels qui sont vendus à la cantine.
De toute évidence, il est urgent de faire mieux. Le manque de ressources nous apparaît comme un obstacle important que le Service correctionnel doit surmonter. Le SCC doit aussi s'assurer que des ressources humaines et financières sont allouées pour répondre à ces besoins bien définis et justifiés sur le plan juridique.
En guise de conclusion, je tiens à remercier le Comité spécial sur le vieillissement d'avoir examiné la réalité peu connue de certains Canadiens âgés, c'est-à-dire les défis que présente le fait de vieillir avec dignité dans le contexte correctionnel fédéral. J'aimerais profiter de l'occasion pour formuler quelques suggestions au comité.
En 2000, un sous-comité parlementaire a recommandé que l'on modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) afin d'ajouter les délinquants jeunes, les délinquants âgés et des délinquants ayant de graves problèmes de santé à la liste des groupes de délinquants ayant des besoins spéciaux. Si le comité est appelé à examiner la LSCMLC, je suggère que vous envisagez un amendement de cette nature. Le sous-comité a également recommandé que la LSCMLC soit modifiée pour que les délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité ou d'une durée indéterminée et qui sont en phase terminale puissent être admissibles à la libération conditionnelle pour des motifs humanitaires, ce qui n'est pas le cas actuellement. Encore là, si le comité est appelé à examiner la LSCMLC, je vous demande instamment d'envisager une telle modification. Enfin, je recommande que le sous- comité encourage le Service correctionnel à élaborer et à mettre en œuvre des programmes, des initiatives et des services qui répondront à l'éventail complet des besoins des délinquants âgés.
Kim Pate, directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs de nous avoir invités et donné l'occasion de vous présenter notre point de vue sur la question de plus en plus importante des femmes détenues. Je vous transmets les excuses de ma présidente, Maître Lucie Joncas qui n'a pas pu venir, car ses responsabilités l'appelaient au tribunal.
Certains d'entre vous savent que j'ai aussi travaillé avec des hommes et des jeunes incarcérés, mais durant les 16 dernières années, je me suis surtout penchée sur les femmes en prison. C'est un sujet qui préoccupe de plus en plus les 26 membres de notre organisation nationale qui fournissent des services dans un grand nombre de collectivités. Certains d'entre vous en connaissent peut-être plusieurs. Elles fournissent de nombreux services allant de l'intervention précoce au travail avec des personnes âgées et malades comme solutions de rechange à l'incarcération et dès leur mise en liberté sous condition.
J'ai consulté, ces six dernières semaines, d'autres personnes et il se trouve que la question des détenus âgés était déjà inscrite au programme d'action sociale de notre organisation. Cependant, nous avons accéléré nos consultations avec les personnes qui vieillissent dans les établissements. Le mois dernier, j'ai visité un certain nombre d'établissements fédéraux. Je me suis entretenue avec un grand nombre de femmes dont vous avez entendu parler au cours des témoignages précédents.
Je propose de présenter au comité les questions qu'elles ont soulevées. Je ne conteste évidemment pas les chiffres fournis par mes collègues du Service correctionnel du Canada ou du Bureau de l'Enquêteur correctionnel, mais j'estime utile de donner un visage à certaines de ces personnes.
Le problème avec cette question, c'est qu'elle n'était pas une priorité au sein de l'organisation. Il est intéressant de noter que beaucoup de personnes âgées se préoccupaient en premier lieu de celles qui viendront après elles. Celles qui sont dans le système sont conscientes de leur situation et essaient d'y faire face le mieux qu'elles peuvent. J'y reviendrai dans un instant. L'effet de l'éventualité de la réforme de la loi sur cette question est ce qui intéresse le plus les détenues et ceux qui travaillent avec elles, les intervenants accompagnateurs, des gens qui ont été en prison et qui retournent travailler avec les détenues. Les peines plus longues, les peines minimales obligatoires plus longues et la proposition visant l'élimination de la liberté d'office comptent parmi les points soulevés. Les détenues âgées pensent que toutes ces questions auront un effet non seulement sur elles, mais aussi, et c'est plus important, sur les futures détenues.
Comme vous l'avez déjà entendu, une personne âgée qui veut sortir de prison peut ne pas avoir l'occasion de suivre un programme approprié à son âge ou tout simplement approprié, car on leur demande une habilité mentale supérieure ou de suivre un programme qui conviendrait mieux à quelqu'un de plus jeune. Je me souviens d'une femme qui venait tout juste de parler à l'équipe de gestion de son cas, dont la plupart des membres étaient plus jeunes que ses propres enfants et certains plus jeunes que ses petits-enfants. L'équipe l'encourageait à reprendre des études, alors qu'elle aura 65 ans à sa sortie de prison. L'idée d'aller à l'école à son âge était ridicule, non seulement pour elle, mais aussi pour certains d'entre nous.
La plupart des femmes ont les mêmes préoccupations que le reste d'entre nous quand nous vieillissons — ménopause, ostéoporose, diabète — qui font partie des maladies de vieillesse et chroniques qui touchent beaucoup plus les femmes. Bien que les soins de santé soient donnés, il semble que ce soit surtout des ordonnances. Il n'y a pas beaucoup de possibilités de participation à d'autres activités telles que l'exercice, le régime alimentaire ou autres.
M. Sapers, du Bureau de l'Enquêteur correctionnel, a donné quelques bons exemples de soins prodigués par des pairs. Il y a aussi quelques exemples pas très bons de personnes dont on attend qu'elles se dispensent des soins mutuels sans aide, récompense ni expertise. C'est l'autre aspect de la question.
Les détenues âgées n'ont pas accès aux prestations de retraite. On s'attend à ce qu'elles travaillent ou reçoivent des ressources minimales pendant leur emprisonnement. Un certain nombre de personnes ont demandé si une proposition de ce genre allait être présentée. Pendant leur séjour dans les établissements, elles veulent avoir les mêmes possibilités qui existent dans la collectivité. Par exemple, au fur et à mesure que les années passent et qu'elles vieillissent, elles veulent des semaines ou des journées de travail plus courtes et la possibilité de recevoir des prestations de retraite et ne pas finir sans aucun salaire. Cela ne leur permet pas d'acheter plus de nourriture ou de vitamines pour complémenter leurs besoins personnels. Certaines femmes utilisent des tampons hygiéniques, car elles n'ont pas accès aux serviettes pour incontinents.
Il y a une perception à l'effet que les hommes âgés reçoivent plus de services que les femmes âgées. On nous a dit qu'un homme victime d'une crise cardiaque sera examiné rapidement alors que l'on dira d'une femme qui s'inquiète d'une grosseur au sein, d'ostéoporose ou d'une autre maladie aussi grave, qu'elle se plaint toujours.
Dans un certain nombre de cas, des femmes ont été diagnostiquées beaucoup trop tard et ont dû subir des interventions chirurgicales importantes, car les cancers du sein n'étaient pas diagnostiqués ou parce qu'elles ne se sentaient pas à l'aise pour poser des questions à ceux qui ont recommandé l'intervention.
Les recommandations du Bureau de l'Enquêteur correctionnel ressemblent à celles soutenues et proposées par les détenues. Cependant, les femmes suggéraient que l'accès aux ressources de la collectivité se fasse plus tôt. L'idée voulant que les services correctionnels fournissent plus de services en prison n'est pas très utile quand on sait qu'il y a de plus en plus de personnes âgées en prison. Il serait plus approprié, particulièrement pour les personnes qui ne posent pas de danger pour la société ou qui sont admissibles à la libération, de commencer des placements à l'extérieur comme le retour à la maison, pour s'occuper des petits-enfants ou fournir d'autres types de soutien à domicile. Il devrait être possible de libérer des détenues et les envoyer dans des foyers familiaux au lieu de maisons de transition qui ne sont pas équipées pour les accueillir.
Il y a le terrible cas d'une femme âgée en fauteuil roulant qui ne pouvait habiter dans aucune maison de transition dans les Prairies, car ces maisons n'étaient pas adaptées aux fauteuils roulants. Elle a fini par vivre dans une maison de transition réservée aux hommes où elle a été isolée et maltraitée. Cette femme s'est suicidée.
Les placements dans des maisons privées sont prévus dans la loi et les femmes ont parlé de la façon dont l'article 84 sur la mise en liberté sous condition, que nous associons souvent aux détenus autochtones, pourrait servir pour envoyer des personnes dans les foyers pour personnes âgées, d'autres résidences de ce genre ou des établissements de soins palliatifs au lieu d'essayer d'en créer dans les prisons.
La plupart des détenues ont exprimé leur intérêt pour des unités réservées aux personnes âgées. L'une d'entre elles a donné en exemple la maison dans laquelle elle a été d'abord placée dans la prison. Elle avait la cinquantaine et habitait avec plusieurs jeunes femmes dans la vingtaine qui aimaient jouer très fort de la musique et souvent quand elle-même dormait. Inversement, elle était debout tôt le matin pour faire les travaux ménagers alors que ces jeunes femmes dormaient. Ce genre de situation ne dérange pas beaucoup d'entre nous, car nous avons la possibilité et la liberté de nous déplacer, ce qui est impossible en prison.
Finalement, une autre question était la possibilité que les femmes participent à l'élaboration des options qui seraient disponibles. Elles devraient être autorisées à faire des recherches sur les ressources qui peuvent être offertes dans la collectivité. De même, des dispositions de la LSCMLC permettent aux prisonniers de sortir de prison pour des raisons de santé à n'importe quel moment de leur peine. Ces dispositions devraient être utilisées en plus des recommandations que mes collègues ont faites au sujet de la mise en liberté pour des raisons d'ordre humanitaire.
Le sénateur Mercer : C'est un sujet fascinant auquel les Canadiens ne portent pas suffisamment attention. Je suis heureux que nous ayons pu le faire.
Monsieur Toller, vous avez dit que 14 p. 100 des délinquants âgés de 50 ans et plus ont aujourd'hui un diagnostic psychiatrique. Monsieur Saper, vous avez aussi parlé de la santé mentale. Pensez-vous, l'un ou l'autre, qu'il serait préférable que ces personnes soient dans un établissement psychiatrique conçu pour traiter leurs troubles éventuels au lieu d'être incarcérées?
M. Sapers : Je vous donnerai la première partie de la réponse. Nous avons fait beaucoup de recommandations à ce sujet.
Le Service correctionnel du Canada a cinq centres psychiatriques régionaux qui traitent des délinquants atteints de troubles mentaux graves. Ces centres sont en fait des hôpitaux psychiatriques assurant la moitié des services requis pour traiter les délinquants atteints de ce genre de troubles mentaux.
Le Service correctionnel a élaboré un plan qui répond de manière assez satisfaisante aux besoins additionnels, mais le Service n'a pas pu obtenir un financement sûr et permanent pour ce plan. Il n'a aussi pas pu trouver tout le personnel ni mettre en œuvre les éléments de l'initiative qui ont été financés.
Les problèmes continuent de s'aggraver. Certains délinquants sont hospitalisés de façon permanente. Il n'en reste que le Service doit appliquer les peines imposées par les tribunaux. Le problème qui se pose à la prise en charge des délinquants par le Service est de déterminer la façon de procéder soigneusement et rapidement à l'évaluation; de décider de la pertinence des options de placement à sa disposition et du genre de services qu'il peut fournir en collaboration avec les collectivités voisines pour tirer avantage des services de soins de santé qui y sont offerts. Il convient de dire que ce problème a été identifié. Des solutions ont été élaborées, mais leur mise en œuvre accuse du retard.
M. Toller : J'ajouterai que nous avons assisté à une augmentation considérable de la population ces dernières années. C'est la raison pour laquelle, nous avons décidé ces deux dernières années d'en faire l'une de nos priorités. Nous avons fait des services de santé une entité distincte au sein du Service correctionnel du Canada pour pouvoir nous pencher plus attentivement sur cette question.
Comme l'a dit M. Sapers, bien que les diagnostics d'un certain nombre de délinquants révèlent des troubles mentaux, ils ont quand même été déclarés coupables d'une infraction et nous devons administrer la peine. Nous avons bien cinq centres régionaux travers le pays qui respectent les lois provinciales pour ce qui est des diagnostics et des traitements psychiatriques complets. Nous avons aussi des protocoles d'accord avec d'autres établissements, tels que l'hôpital psychiatrique de St. Thomas, pour collaborer dans le domaine de la santé mentale.
J'aimerais aussi souligner que nous sommes encore au stade du développement. Mme McLean en parlera plus éloquemment que moi. Pour l'heure, il est difficile de trouver du personnel et nous accordons énormément d'importance au recrutement des futurs employés dans ce secteur.
Je reconnais que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour gérer l'évolution de cette population.
Le sénateur Mercer : Ce qui m'amène à poser une autre question sur les difficultés que vous rencontrez dans la dotation de personnel. Vous avez dit que le nombre de délinquants est de 12 617, 13 170 dans les établissements et 8 447 dans les collectivités. Vous avez poursuivi en disant que votre effectif compte environ 14 500 employés, et c'est cela qui a suscité mon attention. C'est un très bon rapport entre le nombre de détenus et le nombre d'employés. Parmi les 14 500 employés, combien sont attachés à des services administratifs et n'ont pas de contact avec les détenus, que ce soit dans les établissements ou les collectivités?
M. Toller : Je ne peux pas vous donner les chiffres exacts. Cela dépend de l'interprétation que l'on donne à cette définition. En tant qu'administrateur, je peux avoir des contacts avec des détenus. D'autres fois, je n'en ai pas. Il m'arrive parfois de voir, directement ou par le biais d'organismes, les produits fabriqués par les détenus. Même les administrateurs travaillent généralement en première ligne. Notre effectif est principalement composé d'agents de correction. Un certain nombre d'employés chargés de l'exécution des programmes travaillent directement avec les détenus. Les infirmiers et le personnel des soins de santé travaillent aussi directement avec les détenus, c'est le groupe qui a le plus de contacts avec eux.
Le sénateur Mercer : Voilà de bonnes nouvelles.
Cependant, en mentionnant la phase de l'évaluation initiale, vous n'avez pas parlé de parents, de la personne incarcérée, vivant à proximité. Est-ce que ce facteur n'a pas été mentionné parce qu'il n'est pas directement lié à l'âge?
M. Toller : C'est quelque chose qui est absolument pris en compte pour le placement éventuel et initial. On en tient aussi compte pendant la peine et à la sortie de prison.
Le sénateur Mercer : Madame Pate, pour moi, ceux qui commettent des crimes méritent d'être punis, emprisonnés et de purger leur peine. Ils sortiront de prison que ce soit en liberté sous caution ou une fois qu'ils auront purgé la totalité de leur peine. Nous les avons punis, mais dans de nombreux cas, nous n'avons pas résolu le problème. Qu'arrive-t-il aux détenus âgés quand ils sortent de prison? Quelles ressources le Canada offre-t-il aux Canadiens qui ont purgé leur peine?
Ils n'ont pas de retraite; ils n'ont pas versé de cotisations. Ont-ils droit au Régime de pensions du Canada? S'ils ont passé quelques années en prison, ils n'y ont pas contribué. Peuvent-ils recevoir les prestations de la Sécurité de la vieillesse? Est-ce que des programmes doivent être redéfinis ou réévalués pour s'assurer que les personnes qui sortent de prison n'aient pas à se dire qu'il ne leur reste pas beaucoup de choix que celui de reprendre leurs vieilles habitudes pour survivre?
Mme Pate : Je m'en remets encore une fois à mes collègues, s'ils ont des renseignements supplémentaires à ce sujet. Toutefois, d'après ce que j'ai vu, les femmes, une fois sortie de prison, ont en général trois possibilités. Elles ont pu avoir un mari qui a eu une retraite à laquelle elles ont droit, elles peuvent elles-mêmes être admissibles au RCP ou elles peuvent vivre avec leur famille.
Si elles n'ont droit à rien d'autre, les femmes survivent en demandant l'aide sociale, ce qui n'est pas toujours suffisant. Souvent, elles essaieront de vivre avec quelqu'un qui subviendra à leurs besoins.
Le sénateur Mercer : Par conséquent, la seule ressource mise à la disposition d'une personne sortant de prison après, peut-être un grand nombre d'années, est de demander de l'aide sociale. C'est tout?
Mme Pate : C'est tout pour certains d'entre eux. Comme je l'ai dit, certains meurent peu de temps après leur libération; certains se suicident. Certaines personnes sont allées vivre avec leur famille.
C'est en partie pour cette raison que je vous encourage à réfléchir aux dispositions de l'article 84. Pendant l'emprisonnement, les détenus disposent de possibilités créatives pour purger leurs peines, mais aussi d'une transition dans une collectivité plus appropriée, que ce soit un centre gériatrique ou un foyer ou une résidence pour personnes âgées.
Une femme a déclaré qu'elle voulait formuler une plainte touchant les droits de la personne en raison de l'insuffisance de personnel dans l'établissement, il n'y a pas beaucoup de personnel expérimenté dans ce domaine. Elle a dit que si vous vouliez visiter des prisons, vous verrez le genre de possibilités qui y existent. C'est peut-être l'occasion aussi pour la collectivité de se rendre compte de la situation dans les prisons. Nous savons que les solutions de rechange en ce qui concerne les détenues âgées manquent terriblement.
Je suis sûre que vos chercheurs ont étudié les options suivies dans d'autres pays. Dans mes propres recherches, j'ai remarqué que l'Union européenne et même le Japon avaient des options intéressantes, mais elles ne me semblent pas particulièrement progressives en ce qui concerne les problèmes liés aux prisons. Cependant, ils ont mis en place des semaines de travail plus courtes, des possibilités de libération anticipée dans des hôpitaux ou des résidences réservées aux personnes âgées et des choses de ce genre. On pourrait étudier d'autres options qui ne mettent pas en danger la sécurité publique et qui assurent aussi que les personnes soient encore tenues responsables en purgeant leur peine.
La présidente : Je pense que nous devrions inscrire au compte rendu que les personnes de plus de 65 ans aient droit à la Sécurité de la vieillesse et au SRG. Les personnes qui n'ont pas encore atteint cet âge sont l'objet des problèmes qui nous occupent ici aujourd'hui.
Le sénateur Keon : Ce groupe de personnes est très fascinant. Je me soucie particulièrement de la santé de la population, ce groupe qui travaille dans ce domaine suscite un énorme intérêt, surtout en ce qui concerne les sous- groupes de personnes âgées.
Il est très important pour la santé de la population d'identifier les groupes qui posent le plus grand risque à la santé et de les traiter pour prévenir les maladies et promouvoir la santé. Nous le faisons au moyen de programmes de sensibilisation, de prévention et de dépistage précoce. Je suppose que doit être le défi à relever pour mettre fin à tous les autres défis que pose cette population à ce groupe.
Quelles organisations de soins de santé pour les détenus avez-vous? Quel organisme avez-vous pour le nombre important de personnes qui même si elles vivent à l'extérieur continuent à être sous votre surveillance?
Premièrement, quelles organisations avez-vous en matière de santé publique, de soins préventifs et d'éducation à la santé pour les détenus? Comment gérez-vous les fumeurs? Ne sont-ils autorisés à fumer que dans la cour? Peuvent-ils fumer dans leurs cellules ou en compagnie de leurs codétenus?
Mme McLean : Je vais essayer, en tant que nouvelle commissaire adjointe des Services de santé, de répondre à vos questions, sénateur Keon. Il ne fait aucun doute que nous sommes tenus par la loi d'assurer les soins de santé essentiels et les soins de santé mentale non essentiels qui contribueront à la réadaptation et à la réinsertion sociale des détenus.
Comme je l'ai fait remarquer dans ma déclaration préliminaire, les infirmiers sont les praticiens qui travaillent le plus en première ligne et dans des petites cliniques où l'on peut venir sans prendre de rendez-vous. Des médecins et des spécialistes, que nous embauchons à contrat, dispensent des services médicaux.
La Revue canadienne de santé publique a publié une excellente évaluation des besoins des détenus en matière de santé de la population ou de santé publique. Cette évaluation révèle que la collecte des données est un élément essentiel qui doit se faire minutieusement. Nous avons un certain nombre d'approximations; par exemple, quand nous essayons d'identifier une maladie cardiovasculaire dans le cadre du programme de prévention éclairée, nous utilisons la consommation des médicaments comme approximation. Nous travaillons encore sur le papier, donc l'établissement d'une banque de données visant une meilleure évaluation des besoins et la façon de mieux y répondre est une grande priorité pour nous.
Mon collègue, M. Toller, a parlé de la santé mentale. Nous avons reçu il y a peu une initiative de financement pour améliorer les soins de santé mentale offerts dans la collectivité et aider les détenus libérés. Nous venons aussi de recevoir des fonds pour améliorer les soins de santé mentale primaires offerts en établissement. Notre réaction a été peut-être un peu plus vive que nous l'aurions souhaité, mais nous travaillons avec les ressources à notre disposition et nous les utilisons principalement pour les soins primaires.
La structure de notre organisation comprend deux petites équipes soignantes au sein de nos établissements. Ces équipes relèvent de nos bureaux régionaux qui, à leur tour, me présentent des rapports, au bureau principal.
Par exemple, l'attention que nous portons à la réduction des méfaits est principalement axée sur les maladies contagieuses. Nous avons des programmes d'éducation par les pairs. Lorsque les délinquants arrivent, ils sont renseignés, dans le cadre de l'évaluation mentionnée par mon collègue, sur la façon d'éviter des maladies transmissibles sexuellement et par le sang. Nos établissements sont dotés d'équipements de réduction des méfaits. Nous étudions l'utilisation de produits, comme la méthadone, pour réduire la consommation des drogues.
Il est évident qu'au fur et à mesure que nous cernons mieux les besoins, nous pourrons mieux concevoir nos programmes. Nous évaluons notre travail dans ce domaine et nous faisons des progrès.
Le sénateur Keon : Mes félicitations pour les soins primaires que vous dispensez en matière de santé. Nous n'avons pas réussi à faire cela à l'extérieur des prisons. Nous avons omis de le faire à nos risques et périls. Je vous félicite de continuer dans cette voie.
Si vous pouvez prodiguer de bons soins primaires aux détenus, les avantages seront énormes, même pour eux me semble-t-il. Cela devra inclure, bien sûr, l'éducation et la prévention que vous mentionnez dans votre déclaration afin d'éviter certaines maladies graves.
Je pense, toutefois, que la cause de la santé des femmes pourrait être vraiment perdue quand les ressources en santé sont rares. Avez-vous un programme particulier sur la santé des femmes, madame Pate?
Mme Pate : Notre organisation n'a pas de programme particulier sur la santé des femmes, surtout à cause du manque de ressources. Le personnel du bureau où je travaille est composé de deux femmes. À travers le pays, pour chaque membre du personnel, il y a environ 30 à 40 bénévoles.
Dans le passé, nous avions un partenariat avec l'Association canadienne pour la santé mentale et l'Association canadienne de santé publique dans des initiatives portant sur la santé au niveau communautaire et des initiatives concernant la prévention. Nous avons essayé d'exercer un peu de pression sur le Service correctionnel à cet égard. En dépit de la responsabilité législative, la vérité est que souvent très peu de prévention est offerte dans les prisons. Et ce sont souvent des groupes extérieurs qui fournissent ce service.
Par exemple, pour les femmes, Prisoners with HIV/AIDS Support Action Network visite les prisons et fait des interventions précoces, de la prévention et fournit de la documentation de base aux détenues. Ce groupe a fait un travail remarquable au niveau de l'éducation. Des éducateurs-pairs en santé, associés à ce groupe, ont pris l'initiative de communiquer plus de renseignements, particulièrement à des femmes autochtones, sur le diabète et d'autres problèmes médicaux. De manière générale, il n'y a pas beaucoup d'informations sur la prévention, nous essayons d'en fournir par notre réseau, mais elles font cruellement défaut. Même si le Rapport du Comité d'experts sur le sida et les prisons les recommande, certaines initiatives en matière de réduction des méfaits n'ont pas été acceptées dans le système carcéral.
Je ne mets nullement en doute, la bonne foi de toutes les personnes qui travaillent dans ce secteur; mais lorsqu'il s'agit de ressources, il n'est pas étonnant que garder les gens en prison est la première priorité pour protéger la société et pour cette raison, les ressources visant des soutiens complémentaires sont beaucoup plus limitées, c'est ce que nous avons constaté.
Mme McLean : Nous n'avons pas de programme particulier sur la santé physique des femmes. Nous savons, suite à une analyse faite pour nous, que de plus en plus de femmes utilisent les services de santé et les médicaments.
Nous travaillons depuis plusieurs années dans le domaine de la santé mentale des femmes pour intégrer nos programmes et nos services de santé mentale. Le milieu de vie structuré pour les détenues de niveaux de sécurité minimal et moyen offre un concept de vie communautaire avec un personnel qui a suivi une formation en santé mentale. Le personnel assure une thérapie comportementale dialectique. Nous l'étudions actuellement pour nous assurer de la mettre en œuvre invariablement et aussi qu'elle réponde aux besoins des femmes. Je peux aussi mentionner l'adaptation que nous avons faite dans le cadre des programmes de santé applicables aux Autochtones.
Mme Pate : Malheureusement, les personnes qui ont les plus grands besoins sont souvent mises en isolation et ne vivent pas dans les unités d'habitation que l'on trouve dans les établissements à sécurité minimale et moyenne. Les personnes atteintes des troubles mentaux les plus graves sont les détenues les plus difficiles à gérer en prison, alors elles finissent souvent par être isolées. Nous l'avons constaté, pas chez une personne âgée, mais une personne très jeune, avec la mort récente de Ashley Smith.
Le sénateur Keon : Renseignez-moi sur votre connectivité. Le système de santé au Canada n'est pas encore organisé au niveau de la collectivité comme il devrait l'être. Je rêve du jour où il le sera. Où il est relativement bien organisé au niveau communautaire et où vous pouvez identifier des installations et des programmes intégrés de soins de santé et de services sociaux, de quelle manière procédez-vous pour les contacter?
Mme McLean : Nous avons investi dans de nouvelles ressources ces derniers temps, monsieur le sénateur Keon. La santé mentale est l'un de ces secteurs pour lesquels nous avons un financement sur une période de cinq ans pour améliorer la planification des sorties et l'aide aux personnes quand elles sont dans la collectivité. Nous avons investi dans des services de psychiatrie intensive, dans la formation des surveillants de libération conditionnelle et dans la communication de renseignements aux infirmiers psychiatriques et aux travailleurs sociaux psychiatriques sur la façon d'aider les détenus élargis. Nous travaillons sur un modèle de planification des sorties intégré au secteur de la santé ou, comme l'avait dit, nous devons travailler avec la collectivité pour assurer que lorsque les gens sont élargis, ils ne se trouvent pas soudainement sans un médecin dont ils ont besoin pour continuer à prescrire les médicaments appropriés. Nous axons nos ressources dans ces deux domaines. Nous savons pertinemment que même si la santé peut contribuer à la réussite de la réinsertion sociale de quelqu'un, si nous n'avions pas aidé à établir ces liens, il aurait été plus difficile pour les gens de le faire tout seuls.
M. Toller : Dans le contexte de l'établissement des liens entre les différents centres de services, il est important de comprendre qu'une disposition prévoit, lorsqu'un détenu doit suivre un traitement dans un hôpital local, des permissions de sortir à des fins médicales, parfois pour longtemps, et ce, à n'importe quel moment de la peine. Nombreux sont les détenus traités par dialyse ou qui reçoivent d'autres traitements spécialisés dans des hôpitaux locaux. Nous avons accès à tous les services spécialisés, même les périodes d'attente que connaissent les autres personnes. Nous utilisons les services de la collectivité aussi bien à l'intérieur des établissements qu'à l'extérieur.
M. Sapers : La question que vous posez m'a fait réfléchir à des tas de choses. Mon bureau reçoit annuellement de 7 000 à 8 000 plaintes ou demandes envoyées par la population carcérale. Depuis au moins six ans, les préoccupations en matière de soins de santé y figurent. Les plaintes portent principalement sur l'accès, la continuité et la qualité des soins de santé.
Le Service correctionnel du Canada s'efforce de répondre à ces besoins, mais il n'y arrive pas à cause de nombreuses réalités opérationnelles. Ce n'est pas faute d'avoir essayé ou à cause d'un manque de sensibilisation. Par exemple, bien qu'il soit possible d'utiliser les services de soins de santé offerts dans les collectivités, les demandes opérationnelles en matière de sécurité peuvent y faire obstacle. Par conséquent, même si une visite à un hôpital ou à un fournisseur de soins à l'extérieur peut être projetée, un incident se produisant dans l'établissement ou le changement d'équipe du personnel peut empêcher qu'une escorte soit disponible. Nous avons reçu des plaintes au sujet des reports ou des annulations de rendez-vous pris longtemps à l'avance. Comme vous pouvez l'imaginer, cela veut dire qu'il faut de recommencer au bas de la liste d'attente pour consulter des spécialistes dans les collectivités.
L'établissement des liens entre les centres de services que vous avez mentionnés me fait penser à beaucoup de rapports que j'ai lus, rapport faits par des commissions d'enquête chargées d'enquêter un incident grave, généralement une mort, dans un établissement. Les rapports mentionnent les difficultés du transfert de la paperasserie quand le détenu ou le patient va d'un endroit à un autre. Les problèmes continuels qui existent au sein d'une collectivité d'un l'hôpital à un autre ou d'une compétence provinciale à une autre compétence provinciale existent aussi dans le milieu correctionnel. Même dans le système plutôt fermé des services correctionnels, il est difficile de faire suivre la paperasserie d'un détenu pour qu'il puisse continuer à prendre des médicaments. La surconsommation de médicaments, le manque de médicaments et les longues périodes d'attente pour consulter des psychiatres afin de prolonger les ordonnances font partie des problèmes que nous avons constatés. Ce genre de choses se produit à une fréquence alarmante dans le milieu carcéral.
Nous devons examiner les services correctionnels à l'échelon national pour déterminer ce qui peut être fait pour régler ces problèmes. Des personnes sont transférées des établissements provinciaux de détention provisoire à des organismes correctionnels fédéraux, et quelquefois elles ratent certains centres de service que vous avez mentionnés. Les gens sont transférés d'un type d'organisme correctionnel à un autre au sein du milieu correctionnel. Par exemple, un détenu peut être envoyé dans un établissement de détention provisoire pour assister à un nouveau procès suite à un appel. Les possibilités d'interruption de la prestation des soins de santé sont nombreuses. La question que vous avez soulevée est très importante.
Le sénateur Cordy : Ce sujet est fascinant. Je rejoins les propos des autres personnes qui ont dit que les problèmes des personnes âgées dans le système carcéral ne sont pas suffisamment abordés.
Monsieur Sapers, vos suggestions m'ont beaucoup intéressé, en particulier celle visant l'admissibilité des détenus en phase terminale à la mise en liberté sous condition pour des motifs d'ordre humanitaire. Je pense aux détenus ayant purgé une longue peine, qui sont âgés et qui ne présentent pas de danger pour la sécurité publique. Cette recommandation me paraît logique.
Monsieur Toller, vous avez mentionné la question de courtes permissions de sortir à des fins médicales. Est-ce que cette recommandation ou suggestion a été prise en compte?
Ed McIsaac, directeur exécutif, Bureau de l'Enquêteur correctionnel : Le mérite de l'aspect logique de la recommandation revient au sous-comité parlementaire qui a fait cette recommandation.
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition contient actuellement des dispositions, particulièrement en ce qui concerne la libération conditionnelle, qui limitent les options offertes aux décideurs à l'égard des délinquants souffrant de maladies de longue durée ou de maladies terminales. Le résultat est qu'ils sont dans un établissement et reçoivent soit des soins aux maladies chroniques soit des soins palliatifs et ils ne sont libérés que lorsque leur état de santé demande une hospitalisation et ils meurent éventuellement.
La capacité de transfert hors de l'établissement, les libérés conditionnels qui sont dans cet état sont une indication des rapports entre les programmes pénitentiaires et les programmes des collectivités. Il y a des difficultés au niveau des rapports entre les soins offerts aux délinquants à l'intérieur des établissements et les soins éventuels qu'ils reçoivent à l'extérieur. Ces difficultés ont été identifiées dans une étude interne faite par le SCC, il y a plus de 10 ans, et elles ont été incluses dans le rapport sur les besoins en matière de soins de santé des délinquants sous responsabilité fédérale. À l'heure actuelle, les rapports ne sont pas aussi étroits que nous le souhaiterions. La loi en vigueur contient des dispositions qui limitent les options offertes au Service correctionnel du Canada et à la Commission nationale des libérations conditionnelles pour libérer des délinquants pour des motifs d'ordre humanitaire qui sembleraient très raisonnables.
M. Toller : Nous parlons de libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel qui inclurait des détenus, autres que ceux des deux catégories que nous avons mentionnées qui ne seraient pas encore admissibles à la libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel.
Comme M. McIsaac l'a souligné, les condamnés à perpétuité en sont exemptés. Dans ce groupe, comme vous l'avez dit, ce pourrait être à court terme. Un condamné à perpétuité peut, à n'importe quel moment de sa peine, obtenir de longues permissions de sortir avec escorte à des fins médicales. Dans certains cas, ce pourrait être en cas de maladie terminale. Cela veut dire que les détenus sont à l'hôpital avec une escorte. Dans de telles situations, nous invitons les membres de la famille à faire de longues visites à l'hôpital, mais les permissions de sortir à des fins médicales sont illimitées dans le temps. Un jour, les condamnés à perpétuité et tous les autres détenus de ces catégories seront admissibles à la libération conditionnelle. D'autres options sont offertes en fonction de l'évaluation en vue de la mise en liberté. La libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel vise les détenus pour lesquels les dates d'admissibilité à la libération conditionnelle n'ont pas été encore atteintes. C'est un point dont il faut vraiment tenir compte dans vos délibérations.
Le sénateur Cordy : J'ai aussi lu que beaucoup de détenus âgés et admissibles à la libération conditionnelle sont ignorés et ne sont pas mis en liberté sous condition.
M. Sapers : Je crois que vous voulez dire que des délinquants sont libérés très tardivement. De plus en plus de délinquants bénéficient d'une libération d'office, c'est-à-dire, après avoir purgé les deux tiers de la durée de leur peine. Par conséquent, ils n'obtiennent pas une mise en liberté sous condition anticipée par le biais d'une semi-liberté ou une libération conditionnelle totale. Il y a plusieurs raisons à cela. Ils sont peut être considérés comme trop dangereux. Ils ont peut-être eu une audience et la Commission nationale des libérations conditionnelles ne juge pas qu'ils sont un risque gérable dans la collectivité. Des audiences de libérations conditionnelles sont de plus en plus annulées, reportées ou même pas demandées. Cela me préoccupe. Un grand nombre de ces demandes sont faites par des délinquants qui ont aussi rejoint tardivement les programmes. L'équipe qui étudie leur cas ou leur agent de libération conditionnelle en établissement ne les aident pas à demander une libération conditionnelle. Un grand nombre de ces délinquants peuvent avoir des problèmes d'abus d'alcool ou d'autres drogues, et ils vieillissent.
Cela devient troublant, car les délinquants qui ont peut être les plus grands besoins sont ceux qui n'accèdent pas rapidement aux programmes. C'est un cercle vicieux : ils n'accèdent pas au programme, la libération conditionnelle est reportée et ils se retrouvent dans la collectivité sans avoir été bien aidés par les services correctionnels. Ils sont, cependant, surveillés moins longtemps une fois dans la collectivité. Ajoutez à cela, des problèmes de maladies chroniques et de santé mentale et la recette n'est pas bonne pour la réussite.
Je crois qu'aujourd'hui, dans le Service correctionnel, environ 150 délinquants âgés ont dépassé leurs dates d'admissibilité à la libération conditionnelle. Il faudrait examiner chacun de ces cas pour déterminer pourquoi il en est ainsi. Certains d'entre eux peuvent ne pas être considérés comme traitables. Pour la majorité, la libération conditionnelle peut n'avoir jamais été envisagée.
Le sénateur Cordy : Les délinquants mis en liberté sous condition et envoyés dans la collectivité après avoir passé beaucoup de temps dans le système traversent toujours une période d'adaptation. Vous avez donné des statistiques sur le nombre de détenus atteints de troubles mentaux.
Lorsqu'ils sont mis en libération conditionnelle, y a-t-il des programmes en place pour les aider au sein de la collectivité ou sont-ils laissés à eux-mêmes?
M. Toller : Dans une grande mesure, la préparation pour la réintégration de la société commence le jour où la sentence est prononcée. Lorsqu'une personne entre dans le système, nous examinons ses besoins personnels et les facteurs qui ont pu l'amener à adopter un mode de vie criminel. S'agit-il d'un problème d'impulsivité, de gestion de la colère, d'éducation ou d'absence de compétences de travail?
Dans les établissements, nous examinons ces questions et fournissons des programmes pour apporter des améliorations de manière à réduire la criminalité. Au cours des premiers stades de l'incarcération, il y a des dispositions pour les permissions de sortir avec escorte, le programme de placement à l'extérieur et les permissions de sortir sans escorte. Avec l'admissibilité à la semi-liberté, nous cherchons à avoir de l'appui d'organismes comme la société Elizabeth Fry, la société John Howard ainsi que d'une variété de volontaires qui viennent voir ce que l'on peut faire par le biais des communautés de soutien. Les enquêtes communautaires sont effectuées avec les familles à l'extérieur et d'autres organismes ou groupes qui peuvent avoir besoin d'un certain degré de soutien.
Comme l'a signalé M. Sapers, il y a des détenus qui, malgré leur admissibilité à la liberté conditionnelle, constituent un danger si important pour la sécurité publique qu'ils ne seraient pas libérés et qu'ils purgeraient leur peine jusqu'à la fin. Toutefois, il y a un continuum pour assurer un soutien pendant tous les stades de l'incarcération.
Mme Pate : Il est important de signaler qu'à certains égards, ce continuum existe davantage sur papier que dans la réalité. À part les bonnes intentions des gens assis autour de cette table et de nombreuses personnes de SCC, je ne connais qu'un seul cas de placement à l'extérieur dans les trois dernières prisons que j'ai visitées.
M. Sapers a parlé des laissez-passer pour les soins de santé à l'extérieur de l'établissement qui étaient annulés. Cela a été un problème dans tous les établissements que j'ai visités au cours des six derniers mois. Dans deux établissements que j'ai visités au cours des deux dernières semaines, des femmes sont venues me demander d'intervenir. On a craint qu'il y ait de l'agitation ouvrière, par conséquent, les laissez-passer ont été annulés et des rendez-vous ont été manqués. Par la négociation, nous sommes parvenus à obtenir qu'une femme soit retournée à l'extérieur et à son arrivée à l'hôpital, on a demandé pourquoi nous avions envoyé cette femme ici, parce que son rendez-vous était la veille.
Beaucoup de tout cela n'existe que sur papier. Trop souvent, la réalité, c'est que le suivi pratique n'est pas là malgré toutes les bonnes intentions. C'est pourquoi notre organisme et d'autres, comme le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, font des pressions pour que les ressources soient développées dans la collectivité. Comme l'a signalé le sénateur Keon, elles ne sont pas nécessairement disponibles dans la collectivité maintenant, mais il est préférable de renforcer ce qui est disponible dans la collectivité et d'utiliser les ressources qui existent déjà pour donner accès à ces services communautaires aux détenus plutôt que d'essayer de le reproduire de manière moins que satisfaisante dans le système carcéral.
[Français]
Le sénateur Chaput : Merci, madame la présidente. Quels seraient les coûts annuels de tous les services correctionnels au Canada? Et quel serait le coût moyen par détenu?
M. Toller : Pour les services de santé seulement?
Le sénateur Chaput : Non, pour les services correctionnels.
Mme MacLean : Au fédéral et au provincial?
Le sénateur Chaput : Oui.
Mme MacLean : On devra vous fournir ces informations plus tard. On a le détail dans le rapport qu'on a déposé, mais on peut vous fournir une réponse par écrit.
Pour le Service correctionnel du Canada, au fédéral, c'est 1,9 milliard de dollars. Et avec les montants qu'on vous a donnés aujourd'hui, on peut faire le calcul. Évidemment, à cause des économies d'échelle, c'est aussi différent entre les femmes détenues et les détenus masculins. On peut tout préciser et vous donner l'élément provincial.
Le sénateur Chaput : Étant donné les budgets limités — nous sommes tous dans la même situation —, est-ce que vous avez donné la priorité à la formation de votre personnel pour ce qui est du vieillissement, puisque vous y faites face aussi, dans les institutions, à une population de détenus qui vieillit de plus en plus? Quelqu'un a mentionné le Peer Care Assistance and Review Program. Avez-vous considéré la formation de ces gens? C'est excellent que les plus jeunes aident ceux qui en ont besoin.
Mme MacLean : Je peux commencer à répondre et mon collègue pourra poursuivre. D'abord, la formation de notre effectif, c'est notre base de fonctionnement comme service correctionnel. On a des standards au niveau national et il faut que chaque employé, d'après le genre de travail, complète chaque année la formation exigée. Par exemple, en ce moment, nous sommes en train d'améliorer notre formation pour la santé mentale, non seulement pour les professionnels de la santé, mais également pour les agents de correction. Nous devons vraiment mettre en valeur une équipe intégrée et multidisciplinaire.
En ce qui concerne la formation donnée aux détenus, comme M. Sapers l'a mentionné, on a mis sur pied un programme où ce sont les détenus qui appuient les autres détenus. Dans le domaine de la santé, on voudrait que ce soit également les pairs qui donnent la formation aux autres. Par exemple, pour les Autochtones, on a un programme qui leur est propre.
Le sénateur Chaput : Mais vous n'avez pas de programme spécifique pour la santé de la femme, si je comprends bien?
Mme MacLean : Notre programme pour les femmes vise plutôt les problèmes de santé mentale. Compte tenu des facteurs que j'ai mentionnés plus tôt et de la demande élevée chez les femmes, par rapport à celle chez les hommes, nous examinons justement s'il faudrait adresser également les besoins sur le plan physique.
[Traduction]
La présidente : En moyenne, combien de gens meurent dans les établissements fédéraux dans une année?
M. Toller : À cause de l'âge, par suicide ou en moyenne?
La présidente : Non, je demande simplement combien meurent en prison chaque année.
M. Toller : Entre 50 et 60 détenus meurent en prison, en moyenne, par année.
M. Sapers : En moyenne, c'est environ un par semaine. Les suicides interviennent pour environ 12 de ces décès. Nous savons également que la période à haut risque, c'est immédiatement après l'incarcération; cette période initiale après la libération comporte des risques élevés. Comme je l'ai dit, je pense qu'il y a une relation entre les décès dus à des causes naturelles et certaines des préoccupations en matière de soins de santé soulevées par mon bureau.
La présidente : Nous avons parlé des besoins en ressources. Nous nous intéressons à cette question particulière parce que, bien que nous sachions que des problèmes liés au vieillissement se font sentir chez tous les détenus au niveau municipal, provincial et fédéral, les détenus incarcérés au fédéral relèvent entièrement de la responsabilité du gouvernement fédéral. Après tout, nous sommes un comité fédéral. Lorsque nous parlons de ressources, nous disons clairement que nous avons besoin de plus d'argent, de plus d'expertise, « et cetera », dans le budget fédéral. Toutefois, en vous écoutant tous, il me semble que vous avez tout un secteur où vous pourriez trouver des ressources à l'intérieur. Pourquoi ces personnes âgées et handicapées vivent-elles encore dans des établissements à sécurité moyenne et maximale? Il est clair qu'elles ne représentent un danger pour personne sauf peut-être elles-mêmes puisqu'elles sont à ce point handicapées. Pourquoi ne vivent-elles pas dans des pénitenciers à sécurité minimale?
M. Toller : Je sais qu'une observation a été faite et qu'il y a peut-être des détails précis que nous devrions regarder. La mobilité de tout détenu est un facteur, mais pas un facteur déterminant dans un établissement à sécurité maximale. Nous nous posons des questions du genre : est-il possible pour une personne ayant une mobilité restreinte de quitter cet établissement? Est-ce possible, avec une certaine aide de l'extérieur? Nous examinons le facteur relié au risque d'évasion, l'adaptation au milieu carcéral, les préoccupations potentielles en matière de sécurité publique et d'autres éléments. La mobilité n'est que l'un des facteurs pris en considération pour le transfert.
Encore une fois, sans un certain degré de spécificité, il est difficile de commenter. Il n'y a aucun cas où nous pourrions dire qu'à cause de la nature même de cette situation, cela se traduirait par une incarcération dans un établissement à sécurité minimale jusqu'à ce que tous les facteurs aient été pris en considération.
Mme Pate : Il n'y a qu'un seul établissement à sécurité minimale pour les femmes au pays. SCC tente de fermer cet établissement et les femmes détenues, dont la plupart sont âgées, essaient de le garder ouvert.
Souvent, la façon dont les femmes sont classées comme devant être incarcérées dans un établissement à sécurité maximale, c'est par le biais de l'adaptation au milieu carcéral. Cela est souvent caché dans la question de l'adaptation au milieu carcéral et on ne s'occupe pas de cette question. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale ou des problèmes comme la tendance au suicide ou à l'automutilation finissent souvent dans ces établissements parce qu'elles ne s'adaptent pas bien. D'après mon expérience, il est important qu'elles soient liées, de manière cruciale, à ce genre d'accès.
Je ne connais pas une seule femme âgée dont SCC pourrait dire qu'elle est un risque continu pour la collectivité. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je ne connais pas une seule femme âgée qui entrerait dans cette catégorie qui ne pourrait pas, comme vous l'avez indiqué, vivre dans un autre milieu.
Cela est lié à la question des coûts. À l'heure actuelle, il en coûte en moyenne 185 000 $ par année pour garder une femme dans un établissement à sécurité moyenne. Ce coût augmente à 250 000 $ et plus dans un établissement à sécurité maximale ou dans un établissement séparé. À l'heure actuelle, l'établissement à sécurité minimale est aussi coûteux, parce qu'ils ne permettent pas aux femmes d'y être transférées pendant qu'ils cherchent à fermer cet établissement. Les chiffres sont assez élevés.
La présidente : En Colombie-Britannique, un détenu a fait une demande de libération conditionnelle pour des raisons de santé et sa demande a été refusée. Il est décédé peu de temps après parce qu'il avait des problèmes de santé importants. Est-ce qu'il s'agit du genre de problèmes que vous essayez de résoudre dans votre recommandation voulant que la LSCMLC soit modifiée?
M. Sapers : Sans vouloir parler de ce cas précis, la réponse est oui. Nous essayons de nous assurer que la libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel soit appliquée de la manière la plus significative et la plus utile possible. Service correctionnel Canada est en train de réaliser un certain nombre d'examens des outils et des procédures qu'il utilise pour le placement, les évaluations, la prévision du risque, « et cetera ». Sans s'embourber inutilement dans les détails, il doit s'assurer que les procédures, les outils et les techniques d'évaluation utilisés sont adaptés à la culture, à l'âge, au sexe, « et cetera ». Dans certains cas, il a été démontré qu'ils ne l'étaient pas.
Le genre de questions sur la libération dont vous parlez, à savoir pourquoi un délinquant vieillissant qui est de plus en plus handicapé est incarcéré dans un établissement à sécurité plus élevée est une question très complexe. Pour commencer à la décortiquer, vous devez examiner la façon dont la personne a été placée initialement, le genre de sélection de programmes qui a été fait et le plan correctionnel, le genre d'occasions qui ont été mises à la disposition du détenu pour qu'il fasse des progrès par rapport à ce plan correctionnel et tout un ensemble d'autres réalités opérationnelles au sein du milieu correctionnel.
De la même manière, ce que nous voyons, c'est la commission des libérations conditionnelles se présenter dans les établissements et libérer des détenus, par exemple, venant d'établissements à sécurité moyenne. La plupart des délinquants sont détenus dans des établissements à sécurité moyenne et la plus grande partie des libérations conditionnelles touchent des détenus provenant de ces établissements. Certains de ces mêmes délinquants qui sont détenus dans des établissements à sécurité moyenne ont été jugés par Service correctionnel Canada comme posant un risque institutionnel trop élevé pour accepter qu'ils soient transférés d'un établissement à sécurité moyenne vers un établissement à sécurité minimale. Service correctionnel Canada affirme qu'ils constituent un risque trop élevé pour être gérés dans un pénitencier à sécurité moyenne, mais la commission des libérations conditionnelles se pointe et dit qu'elle pense que ces détenus constituent un risque acceptable qui peut être géré dans la collectivité. Il est clair qu'il y a une incohérence entre les deux.
La présidente : Honorables sénateurs, je suis heureuse d'accueillir notre deuxième groupe de témoins.
Nous accueillons M. Mark Yakabuski du Bureau d'assurance du Canada et Mme Fleur-Ange Lefebvre de la Fédération des ordres des médecins du Canada.
Mark Yakabuski, président et chef de la direction, Bureau d'assurance du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis ravi de m'adresser à votre comité pour vous parler de la question du vieillissement des conducteurs au Canada. Je vous félicite, vous et vos collègues, d'avoir entrepris l'étude de cet enjeu des plus fascinants.
Le Bureau d'assurance du Canada est l'association sectorielle nationale qui représente les assureurs habitation, automobile et entreprise du Canada. Nos sociétés membres représentent près de 95 p. 100 du marché de l'assurance de dommages au Canada, une industrie qui compte plus de 104 000 Canadiens à son emploi, paie plus de 6 milliards de dollars en taxes et impôts aux gouvernements fédéral et provinciaux, repose sur un total de primes de près de 35 milliards de dollars, dont environ la moitié provenant de l'assurance-automobile.
Au Bureau d'assurance du Canada, nous préférons grandement parler de conducteurs présentant un risque médical puisque ce qui nous préoccupe n'est pas tellement la question de l'âge des conducteurs, mais plutôt les restrictions auxquelles ces derniers peuvent faire face à la suite de l'apparition d'une pathologie médicalement identifiable.
Nous comprenons qu'il y a une corrélation entre le vieillissement et l'incidence croissante de problèmes médicaux qui peuvent entraver la capacité de conduire de manière sécuritaire. Nous savons, par exemple, que l'acuité visuelle diminue avec l'âge. Des maladies telles que la démence et l'Alzheimer se présentent fréquemment chez les aînés et elles affectent largement les fonctions cognitives essentielles à la conduite sécuritaire de véhicules à moteur. Dans le même ordre d'idée, il est fort probable qu'un conducteur plus âgé fasse usage de médicaments et que l'interaction de diverses prescriptions entrave également ses capacités cognitives et psychomotrices.
Le vieillissement de la population au Canada nous amène à évaluer plus que jamais la question des conducteurs présentant un risque médical. Nous savons que la cohorte des 55 ans et plus est celle qui a la croissance la plus rapide par rapport à toutes les autres tranches d'âge. En 2005, ce groupe représentait environ 12 p. 100 de la population et il atteindra 25 p. 100 d'ici 2031.
[Français]
Fait encore plus troublant, chez les aînés, la croissance la plus rapide se trouve dans la catégorie des 85 ans et plus. En 2001, 430 000 Canadiens appartenaient à ce groupe, c'est-à-dire le double de ce qu'il était il y a 20 ans.
Heureusement, bon nombre de ces Canadiens, qui ont d'ailleurs apporté une énorme contribution à notre pays, peuvent maintenant vivre de manière autonome, grâce à un régime de vie plus sain et aux progrès remarquables de la médecine.
[Traduction]
Il ne faut pas oublier qu'en règle générale, les conducteurs plus âgés sont en fait ceux qui circulent sur nos routes de la manière la plus sécuritaire. En fait, le taux de collision des conducteurs qui ont entre 55 et 70 ans est le plus bas de tous les groupes d'âges au Canada, sans exception. Ce que les données semblent nous indiquer, par contre, c'est que l'apparition de problèmes médicaux restrictifs augmente de manière significative après l'âge de 75 ans. Généralement, les conducteurs de 75 ans ou plus ont un taux de collision plus élevé qui est très similaire à celui des jeunes conducteurs novices. Nous devons toutefois éviter de fonder notre analyse uniquement sur les moyennes. Bien que l'incidence de problèmes médicaux restrictifs puisse augmenter avec l'âge, le processus de vieillissement n'affecte pas toutes les personnes de la même manière. Certains conducteurs aînés âgés de 80 ans sont de bien meilleurs conducteurs que d'autres personnes qui ne sont que dans la quarantaine.
Nous devons également reconnaître que, dans notre société, la conduite d'un véhicule est plus qu'un privilège, c'est un symbole très percutant de liberté et d'indépendance. La perte de ce privilège peut entraîner des conséquences psychologiques graves pour les personnes touchées, en plus d'accroître leur isolement social dans bien des cas. C'est pour ces raisons que nous devons faire preuve de compassion mais également de détermination lorsque nous examinons l'enjeu des conducteurs présentant un risque médical.
J'aimerais aujourd'hui mettre l'accent sur trois secteurs où il sera nécessaire d'élaborer des solutions possibles : l'identification des conducteurs présentant un risque, les procédures relatives à l'émission des permis de conduire et la disponibilité de divers moyens de transport.
Puisque l'enjeu réside véritablement dans les problèmes médicalement identifiables qui entravent la capacité pour une personne de conduire en toute sécurité, le défi le plus important est d'identifier comme il se doit les personnes touchées. Une des options préconisées par de nombreuses personnes est d'ailleurs en place dans plusieurs entités administratives. Il s'agit de l'examen obligatoire de conduite après un certain âge. Reste à voir si une telle approche a eu des résultats positifs au chapitre de la diminution du taux de collision parmi les conducteurs plus âgés.
Un des problèmes posés par l'examen obligatoire est que l'examen en soi n'est qu'un instantané de la situation à un moment donné et qu'il n'aide pas à reconnaître l'apparition d'un problème médical qui pourrait affecter la capacité de conduire. De plus, l'examen obligatoire ne fait que perpétuer le mythe que tous les conducteurs âgés sont de mauvais conducteurs, ce qui est tout simplement faux.
[Français]
Nous croyons plutôt qu'une part importante de la solution au problème du déclin de la capacité de conduire réside dans le rôle du médecin — et je sais fort bien que nous avons des médecins parmi nous aujourd'hui. Ce dernier devrait être plus clair au chapitre de la déclaration des problèmes médicaux susceptibles d'entraver la capacité de conduire.
[Traduction]
Dans de nombreuses entités administratives, les médecins doivent signaler aux organismes de délivrance des permis les patients qui à leur avis souffrent, que ce soit temporairement ou de manière permanente, d'une maladie qui ne leur permet pas de conduire en toute sécurité. Ce régime place des médecins dans une situation quasi impossible, car on leur demande effectivement de priver leurs patients de la liberté et de l'indépendance liées à la conduite d'un véhicule.
À mon avis, une approche beaucoup plus objective consisterait à définir dans la loi des problèmes médicaux précis qui sont reconnus, que ce soit dans l'immédiat ou avec le temps, comme pouvant empêcher la conduite sécuritaire et à demander tout simplement aux médecins d'en signaler la présence aux organismes de délivrance de permis appropriés. Il reviendrait à ces organismes, et non pas aux médecins, de décider si une personne qui vient d'être signalée comme souffrant d'un de ces problèmes médicaux devrait ou non subir un examen pour vérifier sa capacité de conduire.
De plus, les corps policiers, les agences de services sociaux et les familles ont aussi un rôle important à jouer; il leur incombe de signaler les conducteurs dont les aptitudes de conduite ont décliné de manière significative. Les policiers, par exemple, doivent porter une attention particulière aux conducteurs qui ont une conduite dangereuse. En effet, ils sont les mieux placés pour déceler la performance des victimes d'un problème médical qui affecterait négativement leurs aptitudes au volant. De la même manière, les agences de services sociaux peuvent aider à rendre les routes plus sécuritaires puisqu'elles sont régulièrement en contact avec des clients qui ont besoin de services de soutien à domicile, souffrant de handicaps qui pourraient également affecter leur capacité de conduire. Enfin, les familles ont un rôle difficile mais essentiel à jouer. En effet, elles doivent s'assurer que la sécurité de leurs êtres chers et celle des autres personnes qui circulent sur nos routes ne sont pas mises en péril par un handicap ou un problème médical qu'auraient développé leurs proches.
[Français]
Il n'y a pas de mécanisme parfait pour identifier les cas problèmes. Néanmoins, nous croyons que grâce à ces efforts concertés et clairement définis de la part des médecins, des policiers, des agences de services sociaux et des familles, de même que des organismes de délivrance des permis de conduire, nous serons témoins d'une amélioration significative au chapitre de l'identification des conducteurs présentant un risque médical. Ainsi, nous éviterons que leur comportement entraîne des événements tragiques.
[Traduction]
Une fois qu'un conducteur a été identifié comme présentant un risque médical, il n'est pas toujours nécessaire de lui retirer tous ses privilèges de conduite. C'est particulièrement le cas lorsque l'identification a lieu peu de temps après l'apparition du problème médical. De fait, un certain nombre d'instituts de recherche au Canada et ailleurs dans le monde ont élaboré des méthodologies d'examen objectif qui visent à identifier les limites particulières chez un conducteur qui présente un risque médical.
En se fondant sur ces renseignements, on peut déterminer les restrictions précises à lui imposer afin de s'assurer qu'il conduit son véhicule en toute sécurité. Ces restrictions pourraient être, par exemple, l'interdiction de conduire la nuit, ou à l'heure de pointe, ou encore sur une autoroute.
Le Bureau d'assurance du Canada recommande que les restrictions particulières de conduite soient sérieusement prises en considération par les organismes provinciaux de délivrance de permis de conduire dans le cas de conducteurs présentant un risque médical. Cette approche doit toutefois être appuyée par un suivi effectué auprès d'eux sur une base régulière afin de déterminer si le problème médical s'améliore, demeure stable ou se détériore. Dans le premier cas, certaines restrictions, ou la totalité de celles-ci, pourraient être levées. Dans le dernier cas, par contre, d'autres restrictions concernant la conduite d'un véhicule pourraient s'avérer appropriées, y compris la perte de tous les privilèges de conduite si le handicap demeure suffisamment grave pour compromettre la sécurité du conducteur même et des citoyens qui circulent sur la voie publique.
Ici l'idée est d'encourager la prise de mesures dès l'apparition des problèmes médicaux plutôt que d'attendre qu'ils deviennent incapacitants et que l'unique solution consiste alors en la révocation des privilèges de conduite, avec les conséquences psychologiques et sociales négatives que cela entraîne pour les personnes touchées.
Lorsqu'un conducteur présentant un risque médical se voit révoquer tous ses privilèges de conduite, il faut trouver des solutions innovatrices pour lui offrir du soutien et lui procurer des moyens de transport, personnellement ainsi qu'aux membres de sa famille. La réponse la plus simple serait de se tourner dans le transport en commun ou les voitures-taxis. Mais la réalité est beaucoup plus complexe. Les transports en commun adéquats sont inexistants dans plusieurs régions rurales et banlieues du pays. À l'heure actuelle, les conducteurs présentant un risque médical qui ont perdu leur permis de conduire doivent compter exclusivement sur la générosité de leurs voisins et amis, et de leur famille pour se déplacer. Dans le cas des familles qui jouent ce rôle essentiel, cela représente dans certains cas un important fardeau financier. Il faudrait peut-être envisager des mesures d'encouragement fiscal pour ceux qui viennent en aide aux conducteurs qui présentent un risque médical en leur procurant un autre moyen de transport.
[Français]
Honorables sénateurs, j'ai voulu aujourd'hui porter à votre attention certains éléments du défi que posent les conducteurs présentant un risque médical au Canada. Ce n'est pas toute la solution, mais j'ai voulu quand même vous apporter des éléments importants. J'ai suggéré que les problèmes médicaux soient identifiés tôt, grâce à l'aide concertée des praticiens de la santé, du corps policier, des agences de services sociaux et des membres de la famille.
[Traduction]
L'identification précoce pourrait nous permettre de mettre sur pied un système de restrictions supervisées pour les personnes victimes de problèmes médicaux. Nous devons fournir un meilleur appui aux personnes qui assument le fardeau de fournir d'autres moyens de transport à ceux qui ont perdu leurs privilèges de conduite.
Madame la présidente, alors que le Canada fait face à de profonds changements démographiques, il est impératif de régler ces problèmes qui deviendront de plus en plus aigus dans les années à venir. Le Bureau d'assurance du Canada est déterminé à collaborer avec tous les intervenants clés pour faire en sorte que nos routes soient sécuritaires et à encourager la création d'un soutien approprié pour les conducteurs présentant un risque médical.
Fleur-Ange Lefebvre, directrice générale et chef de la direction, Fédération des ordres des médecins du Canada : Madame la présidente, membres du comité, je veux vous remercier de l'occasion de prendre la parole devant vous cet après-midi. Je suis directrice générale et chef de la direction de la Fédération des ordres des médecins du Canada, FOMC.
Je vous parle aujourd'hui au nom de la FOMC et de ses 13 membres, qui sont les ordres des médecins des provinces et des territoires. Il se pourrait que vous connaissiez mieux nos membres dans chacune des provinces sous le nom d'Ordre des médecins... et il suffit ensuite d'apposer le nom de la province. Nous remercions et félicitons le Sénat et ce comité de traiter de la question importante du vieillissement au Canada et, en particulier, du vieillissement de la main- d'oeuvre. Je vais traiter de deux aspects de cette question. Veuillez noter que je ne parlerai pas du rôle des médecins concernant la conduite sécuritaire étant donné que l'Association médicale canadienne a eu l'occasion de présenter un exposé sur cette question la semaine dernière.
Je vais parler des préoccupations concernant les médecins dans leur pratique et les soins de santé. En ce qui concerne les médecins dans leur pratique, je parlerai de deux questions : les vérifications et les questionnaires, et la revalidation.
L'autoréglementation de la profession médicale est un privilège accordé dans l'intérêt public et pour le bien public. Nos membres se sont vus accorder ce privilège pour servir le public par la réglementation de la pratique médicale par des médecins possédant un permis de pratiquer et par le mandat d'établir et d'appuyer des normes pour la profession et de surveiller, d'évaluer et, le cas échéant, de discipliner ses membres.
Tous les médecins, quel que soit leur âge, sont tenus de respecter les mêmes normes de pratique. Traditionnellement, dans la plupart des cas, la retraite obligatoire n'a pas été appliquée aux médecins pratiquants. Ainsi, nos membres, les ordres des médecins, ont une certaine expérience lorsqu'il s'agit de traiter avec des médecins plus âgés qui continuent de donner des soins aux malades. Leur approche peut varier depuis le fait de ne rien faire de particulier comparativement à ce qui se fait pour tous les autres médecins, jusqu'à des politiques bien précises. Je vais donner plusieurs exemples.
La plupart des autorités de réglementation médicale disposent d'un processus d'examen par les pairs qui comporte des vérifications ou des sondages aléatoires, ou les deux, qui font intervenir un groupe de personnes liées au médecin concerné comprenant normalement des patients, des collègues, des coéquipiers et d'autres personnes au besoin ou selon le milieu de pratique précis.
Le Collège des médecins et chirurgiens du Manitoba, par l'intermédiaire de son service des normes, a examiné depuis de nombreuses années la pratique des médecins plus âgés. Jusqu'à récemment, cet examen était réalisé pour tous les médecins qui atteignent l'âge de 70 ans. Si la vérification donne des résultats acceptables, le médecin fait l'objet d'un nouvel examen tous les cinq ans.
Ce collège a fait un examen de la documentation assez récemment et a déterminé que l'âge approprié pour la vérification initiale des médecins plus âgés, toutes choses étant égales par ailleurs, est de 75 ans. Il est généralement admis que la plupart des médecins peuvent pratiquer de manière sécuritaire jusqu'à cet âge.
Le College of Physicians and Surgeons of British Columbia effectue des vérifications aléatoires. De plus, son Committee on Office Medical Practice Assessment a examiné les pratiques en cabinet de tous les médecins âgés de plus de 60 ans. Je dis souvent que lorsque vous visitez un organisme de réglementation médicale, vous avez visité un organisme de réglementation médicale; il existe une grande variation à l'échelle du pays. Le CPSBC continue de faire ces vérifications dès que les médecins atteignent cet âge. Toutefois, à l'heure actuelle, il n'a pas de calendrier précis pour réexaminer la pratique des médecins pour qui la vérification a donné des résultats favorables à l'âge de 60 ans. Le CPSBC a d'autres activités d'assurance de la qualité en place comme les vérifications des prescriptions. Contrairement aux vérifications aléatoires qui exigent beaucoup de ressources, il existe d'autres méthodes d'assurance de la qualité qui peuvent être utilisées pour un plus grand nombre de pratiques sur une base plus fréquente.
En Ontario, le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario effectue des évaluations par les pairs de tous les médecins à l'âge de 70 ans, et tous les cinq ans par la suite. La Nouvelle-Écosse, le Yukon et l'Île-du-Prince-Édouard n'ont pas de politique précise concernant la vérification des compétences des médecins à un âge particulier. Bien que l'Alberta non plus ne cible pas spécifiquement les médecins pour un examen par les pairs ou n'examine pas de manière plus précise la pratique en fonction de l'âge, cette province a mis sur pied un programme appelé Physician Achievement Review, ou PAR, qui a attiré beaucoup d'attention. Dans le cadre de ce programme, on utilise des questionnaires pour examiner tous les médecins tous les cinq ans. Ces questionnaires sont remplis par les patients, les collègues et les coéquipiers. Dans cette province, et dans d'autres entités administratives, les autorités de réglementation médicale sont parfois averties de l'existence de problèmes de compétence possibles par l'intermédiaire du Triplicate Prescription Program, qui assure le suivi de la prescription et de la distribution d'un ensemble de médicaments, surtout les stupéfiants et d'autres médicaments qui présentent un potentiel d'abus. Encore une fois, cela s'applique à tous les médecins et non pas seulement aux médecins qui ont atteint un certain âge.
Depuis plus de 10 ans maintenant, le Collège des médecins du Québec, ou CMQ, effectue des visites sur place dans le cas des médecins qui pratiquent depuis plus de 40 ans; s'il n'y a pas de problèmes, il y a des suivis tous les trois ou quatre ans par la suite.
Nous parlons souvent des top 40 de moins de 40 ans. Le Québec a maintenant atteint le top 80 de plus de 80 ans; la province compte 86 médecins pratiquants qui sont âgés de plus de 80 ans.
Lorsque des vérifications sont effectuées et que des lacunes préoccupantes sont décelées, des recommandations concernant les améliorations ou les modifications à apporter sont faites au médecin concerné. Des vérifications de suivi sont prévues de manière appropriée. De la même manière, lorsque les vérifications indiquent que tout va bien, les médecins sont félicités.
Il est important de se rappeler que les autorités de réglementation médicale ont des pouvoirs discrétionnaires étendus et qu'elles rencontreront souvent un médecin pour discuter d'une situation particulière avant que cela ne devienne un problème. Par ce mécanisme et d'autres encore, les médecins plus âgés peuvent être encouragés à limiter leur pratique ou à quitter la pratique, selon ce qui est approprié dans les circonstances.
Il est également important de noter qu'il y a d'autres mécanismes en place pour traiter de cette question qui ne sont pas du ressort des autorités de réglementation médicale comme les droits hospitaliers qui sont accordés aux médecins par chaque établissement de soins de santé. Ces établissements ont leur propre politique.
Je veux maintenant parler de la revalidation, quelque chose de récent dans le monde de la réglementation médicale. Récemment, la FMOC et ses membres ont endossé le concept de revalidation du permis d'exercer au Canada, et non pas le renouvellement du permis ni la recertification. La revalidation est un processus d'assurance qualité dans le cadre duquel les membres d'une autorité de réglementation médicale provinciale ou territoriale sont tenus de fournir des preuves satisfaisantes de leur engagement à maintenir des compétences dans leur pratique. Le mot « tenus » est important.
Le but de l'exercice est de réaffirmer dans un cadre de responsabilisation professionnelle que les compétences et le rendement des médecins sont maintenus conformément aux normes professionnelles. Cet exercice est également conçu pour évaluer et confirmer qu'avec le temps, notre apprentissage change, les connaissances médicales augmentent, et qu'il appartient aux médecins de démontrer qu'ils ont maintenus leurs connaissances à jour.
L'énoncé de position de la FOMC sur cette question, c'est que le degré d'appui de chacune des autorités de réglementation médicale provinciales et territoriales et la rétroaction reçue étant positifs, la revalidation s'appliquera à tous les médecins pratiquants et les aidera à prendre des décisions et à apporter des améliorations pertinentes à leur pratique.
L'énoncé de position affirme que tous les médecins autorisés au Canada doivent participer à un processus de revalidation reconnu dans le cadre duquel ils feront la démonstration de leur engagement face à un rendement compétent continu dans un cadre qui est juste, pertinent, inclusif, transférable et formateur.
Par « juste », nous entendons un processus qui est transparent pour le médecin, faisant appel à des outils justes et normalisés et qui tient compte du coût et du fardeau administratif pour le médecin. Nous sommes à une époque de pénurie de médecins et nous ne voulons pas lui imposer quelque chose de trop lourd.
Le second principe est la « pertinence ». Le processus de revalidation est conçu pour confirmer la compétence du médecin dans le cadre de sa pratique. Il s'appliquera aux médecins âgés. En vieillissant, les médecins se rendent souvent compte qu'il n'est pas possible de maintenir toute l'étendue de leur pratique. Nous pouvons demander au sénateur Keon ce qui arrive aux chirurgiens lorsque leur motricité fine commence à dégénérer. Ils vont habituellement le signaler eux-mêmes aux autorités de réglementation ou à l'établissement où ils pratiquent. Il s'agit, en plus grande partie, de quelque chose qui est bien fait et qui se fait avant qu'un problème survienne. Cela signifie également qu'on ne demandera pas à un médecin de famille qui ne fait pas d'obstétrique et de soins intrapartum de faire une revalidation dans ce domaine dans lequel il ne pratique pas. Cela doit être pertinent par rapport à ce que les médecins font.
Par « inclusive », nous voulons dire que la revalidation s'applique à tous les médecins autorisés, même si leur pratique est surtout de nature administrative. Ils doivent accepter la revalidation.
L'expression « transférable » signifie que la participation dans le processus de revalidation sera reconnue mutuellement par chacune des entités administratives canadiennes et qu'elle n'affectera pas la mobilité des médecins au Canada.
Enfin, l'expression « formateur » fait allusion au processus de revalidation comme étant un processus constructif, éducatif, d'assurance qualité indépendant et distinct des processus disciplinaires des autorités de réglementation.
Je veux terminer en parlant des besoins en matière de soins de santé de la population vieillissante; j'invite le gouvernement fédéral à prêter attention aux besoins croissants en matière de soins de santé de tous les Canadiens à mesure que nous vieillissons et particulièrement à ceux d'une main-d'oeuvre vieillissante. Étant donné qu'un nombre important de personnes continueront de travailler plus longtemps, il y aura des besoins différents et peut-être plus nombreux en matière de soins de santé. À un moment où il y a des pénuries de médecins, plus de médecins continueront de travailler dans leurs vieux jours. Devant la population vieillissante, ces médecins devront faire face à des cas plus complexes. Ces médecins et les autres fournisseurs de soins de santé doivent également avoir accès à des services pour eux-mêmes pour qu'ils puissent rester aussi en santé que possible. Au nom de la FOMC et de ses membres, je remercie le comité de nous avoir donné cette occasion de vous parler.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous les deux d'être ici.
Monsieur Yakabuski, vous avez décrit les permis de conduire graduels, quelque chose qui est utilisé dans certaines provinces pour la délivrance des permis de conduire aux jeunes conducteurs. Peut-être que nous pouvons assimiler la révocation des privilèges de conduite à des permis de conduire diminués.
À votre avis, comment pourrions-nous contrôler ces permis de conduire graduels ou diminués dans le cas des gens dont la capacité de conduire s'est détériorée, et comment pourrions nous identifier ces personnes? Allons-nous exiger qu'il y ait, sur la voiture de ces personnes, une forme d'identification quelconque, comme on le fait dans certains endroits dans le cas des personnes qui apprennent à conduire?
M. Yakabuski : Certaines personnes parlent de perte de permis graduelle. Je n'ai pas vraiment parlé de cette question aujourd'hui. Je pense qu'il y a des distinctions importantes.
Je pense qu'il est très important d'éviter de dire qu'après 75 ans, tout le monde doit suivre le même processus. Je pense que la raison pour laquelle certaines personnes ont des capacités de conduite qui se dégradent, c'est l'apparition de certains problèmes médicaux identifiables. Occupons-nous du problème médical, qu'il apparaisse à l'âge de 45 ans ou de 85 ans, plutôt que de « faire du mal » à quelqu'un à un âge donné.
Si nous disons, par exemple, que tout le monde doit subir un test à l'âge de 80 ans, il est possible que nous n'identifiions pas la moitié des cas que nous devrions identifier parce que, à ce moment particulier dans le temps, le problème médical n'est pas apparu, la personne est en rémission ou quelque chose du genre. Par conséquent, nous devons avoir une approche plus calibrée. Nous suggérons que nous pouvons administrer des tests par le biais d'une combinaison de problèmes médicaux objectivement identifiables qui peuvent avoir des effets débilitants. Nous pouvons simplement demander aux médecins de consigner ces états, et non de porter un jugement subjectif sur la capacité ou l'incapacité de la personne de conduire. Nous pouvons travailler avec les corps policiers. Je pense qu'il s'agira d'un sous-ensemble de personnes nettement plus petit, par opposition au fait de préciser qu'à un âge donné, tout le monde doit subir un test quelconque.
Je pense que ce serait plus efficace et plus précis. Ce serait certainement moins coûteux. Au Bureau d'assurance du Canada, nous aimerions lancer ce genre de débat entre les Canadien, plutôt que de prendre l'approche « un âge donné ».
Le sénateur Mercer : Une de mes préoccupations avec cette formule, c'est que quelqu'un doit prendre de décision. Votre suggestion, c'est que des maladies soient identifiées comme devant nous préoccuper, que quelqu'un prendra une décision et ensuite, que quelqu'un au bureau des véhicules automobiles de la province ou la police fera quelque chose. Je n'ai pas autant de problèmes avec la police que j'en ai avec les fonctionnaires du bureau des véhicules automobiles ou de Service Nova Scotia and Municipal Relations
M. Yakabuski : Je vois ce que vous voulez dire. Je pense qu'il est très légitime de décider qui devrait prendre la décision finale. Il est important d'enlever cette décision subjective aux médecins parce qu'elle compromet leur relation avec leurs patients.
Le sénateur Mercer : Des médecins nous ont dit la même chose.
M. Yakabuski : Cela ne fonctionne pas. Nous devons trouver quelque chose qui fonctionne.
Le sénateur Mercer : L'identification médicale précoce nécessite l'identification par le conducteur lui-même, sa famille, le médecin ou quelqu'un d'autre qui interagit avec la personne en question. L'auto-identification d'un problème est difficile à faire.
M. Yakabuski : Oui, c'est vrai. Ce que j'ai décrit aujourd'hui ne repose pas beaucoup sur l'auto-identification. Les médecins ont un rôle à jouer, mais ce n'est pas un rôle subjectif. Ils ne devraient pas être responsables de déterminer qui peut conduire. C'est un pilier majeur. Il faut collaborer avec la police. Laissez nos forces de police, dans le cadre de leur mandat, accorder plus d'attention aux conducteurs qui manifestent des signes de conduite dangereuse sur la route, « et cetera ». C'est une autre façon de déceler les gens qui devraient subir des tests.
Le sénateur Mercer : C'est difficile à mesurer, mais il me semble qu'un certain nombre de Canadiens plus âgés s'autoréglementent. Les conducteurs s'auto-réglementent en décidant de ne plus conduire sur les autoroutes ou dans le centre-ville, mais ils continueront de conduire pour aller à la pharmacie, au magasin d'alimentation ou chez le médecin, ou pour visiter la famille.
M. Yakabuski : Il y a beaucoup de Canadiens qui le font et c'est louable. Je pense que cela donne à cette approche un plus grand appui et une plus grande légitimité. Je pense que ces deux éléments peuvent très bien se marier si nous nous réunissons pour en établir les modalités.
Le sénateur Mercer : Ce que vous voyez comme des restrictions qui pourraient être imposées à un conducteur varierait d'un conducteur à un autre et d'une maladie à une autre. Je ne déteste pas cette idée; je pense qu'elle est plutôt intéressante. Toutefois, d'un point de vue administratif, je ne vois pas comment administrer cela dans des situations où ma grand-mère de 88 ans a telle restriction, mais que sa voisine de 79 ans en a une autre.
M. Yakabuski : C'est peut être une question de s'adapter à ce paradigme. Je ne pense pas qu'il y aurait un nombre infini de restrictions. Je pense que nous pouvons gérer cette question. Dans le cas de beaucoup de personnes, il est indiqué sur leur permis de conduire qu'elles doivent porter des verres pour conduire. Voilà une restriction qui figure déjà sur le permis de conduire d'un grand nombre de personnes. Nous pouvons étendre ces restrictions de manière productive. Je pense que nous devons avoir une discussion sur une nouvelle approche face aux gens qui ont une maladie qui les limite.
Le sénateur Mercer : Madame Lefebvre, je suis de la Nouvelle-Écosse où il n'y a pas de politique concernant la vérification des médecins quel que soit leur âge. Qu'en disent les médecins qui doivent passer par cette vérification? Comme vous l'avez dit, de nombreux médecins se signalent eux-mêmes et constatent que leur compétence n'est plus ce qu'elle était il y a quelques années. Par conséquent, ils vont cesser de pratiquer certains aspects de la médecine.
Que dire des médecins qui ne le font pas, mais qui, après une vérification, se voient imposer certaines restrictions? Quel genre de rétroaction vous donnent-t-ils?
Deuxièmement, quelle est la rétroaction des collectivités qu'ils desservent? Dans bien des cas, il s'agit de petites collectivités dans les régions rurales du Canada. Si vous avez limité les capacités d'un médecin de pratiquer la médecine, vous n'avez pas seulement touché le médecin, mais tout le monde dans la collectivité.
Mme Lefebvre : Je ne suis pas certaine de la rétroaction de la collectivité. Je connais certainement quelques cas où un médecin s'est vu retirer son permis à la suite de la décision du comité de discipline, mais pas nécessairement à cause d'une vérification liée à l'âge.
Si la vérification montre qu'il y a certains domaines où des améliorations doivent être apportées, le médecin doit suivre un programme de formation adapté. Une fois le programme terminé, il fait l'objet d'une nouvelle vérification. S'il n'y a pas d'amélioration, la décision des autorités de réglementation se doit d'être plus ferme.
J'imagine que ces médecins n'aiment pas cela. Encore une fois, je n'ai pas de données véritables à vous donner concernant la rétroaction.
Pour en revenir à l'entité administrative qui vous intéresse, bien que la Nouvelle-Écosse n'ait pas de politique concernant l'âge des médecins, elle a le NSPAR, qui conduira également vers la revalidation. NSPAR est fondé sur le programme PAR de l'Alberta. Dans le cadre de ce processus, nous pensons que la meilleure façon de procéder pour faire face à cette question, c'est de faire en sorte que le médecin indique lui-même les domaines où les choses sont devenues tellement complexes qu'il doit accepter de renoncer à ces domaines dans sa pratique ou les domaines où il a besoin d'une formation continue pour garder ses connaissances à jour.
Nous avons beaucoup d'espoir que cette approche montrera aux médecins et aux collectivités qu'une norme reste une norme et que si vous ne pratiquez pas la médecine conformément aux normes, au moins, quelqu'un vous aura à l'oeil. Vous pourrez peut-être continuer de pratiquer, mais quelqu'un vous surveillera de plus près.
Le sénateur Mercer : Je pense que l'avantage que les médecins ont par rapport au reste de la population, c'est l'examen par les pairs. C'est une expression standard utilisée par les médecins et les personnes qui les appuient en recherche, « et cetera ». C'est quelque chose qui se fait tout le temps. Il s'agit d'une terminologie et d'une discipline auxquelles ils sont habitués et je suppose que le reste d'entre nous devrions apprendre quelque chose de l'Ordre des médecins à ce sujet.
Le sénateur Stratton : L'approche du Bureau d'assurance du Canada est intéressante. Ma question s'adresse à vous deux, mais je la pose d'abord à M. Yakabuski. C'est une question d'indépendance.
Si les gens veulent travailler plus longtemps, on devrait les encourager à le faire. À mesure que nous vieillissons, cette indépendance de pouvoir continuer de travailler et de demeurer actif est si importante parce que cela améliore notre santé. Je suis entièrement en faveur de cela.
Reconnaissant les questions de sécurité, je suis curieux de savoir pourquoi nous avons des tests obligatoires à certains âges. Je pense qu'en Ontario, c'est entre 75 et 80 ans et tous les deux ans par la suite. Un professeur a dit la semaine dernière que des études ont été faites dans deux pays scandinaves. Dans un pays, il y avait des tests obligatoires mais pas dans l'autre, et il n'y avait pas de différence dans l'incidence des accidents entre les deux pays. C'est un argument pour ceux qui encouragent l'indépendance.
Pour déterminer si quelqu'un est en mesure de conduire, je pense qu'on a également dit la semaine dernière que sur le formulaire de renouvellement du permis de conduire de la Saskatchewan, il y a une liste de maladies et d'états que les gens doivent remplir une fois par année; la personne coche les maladies qui s'appliquent à elle et répond à des questions sur ces dernières. Jusqu'à un certain point, c'est un questionnaire qui informe les responsables de la réglementation quant à savoir si la personne doit se voir imposer des conditions ou non. Je ne suis pas en désaccord avec cette démarche. Si quelqu'un est relativement honnête — et je pense que la plupart des gens le sont et de loin —, ce serait un pas dans la bonne direction.
Je suis inquiet au sujet des médecins dans ce sens que d'une façon ou de l'autre, ils sont perdants. S'ils constatent que quelqu'un a un problème, ils doivent faire quelque chose dans la plupart des provinces — du moins au Manitoba et je sais qu'il y a d'autres provinces où c'est la même chose. Il y avait une liste de la CAA sur les conditions en vertu desquelles les gens peuvent conduire. Par exemple, quelqu'un qui vit dans le même condominium que moi est atteint de dégénérescence maculaire et ne peut conduire que durant la journée. C'est quelque chose qui arrive constamment.
Mon propos est un peu décousu, mais je crois que l'indépendance et la déclaration volontaire de la part des médecins et des individus concernant leurs problèmes de santé peuvent contribuer grandement à éliminer les risques sur nos routes. La famille et les amis doivent faire leur part à cet égard. On a dû annoncer à des membres de ma famille qu'il était temps pour eux de cesser de conduire. Je sais que mes enfants devront dire la même chose à leur vieux père un jour parce que je me battrai jusqu'au bout. Je refuse catégoriquement de cesser de conduire.
Outre l'indépendance et la déclaration volontaire, quelles autres mesures faut-il prendre, à votre avis? Nous voulons intervenir de manière à favoriser cette indépendance. Êtes-vous du même avis, ou croyez-vous qu'il faut faire plus?
M. Yakabuski : Je suis d'accord avec vous sur à peu près tout ce que vous avez dit. Je crois qu'il s'agit de regrouper ces différents éléments parallèles de manière logique. Il ne fait aucun doute que nous devons assurer l'indépendance des gens le plus longtemps possible et ce, dans l'intérêt de tous. Nous devons reconnaître que ces hommes et ces femmes ont grandement contribué à leur société, ce que nous devrions respecter.
Parallèlement, nous devons également veiller à ce qu'ils ne présentent pas un risque pour eux-mêmes, ni pour les autres automobilistes. Nous devons équilibrer ces objectifs de la manière la plus sensée et raisonnable possible.
Vous avez parlé de l'approche en Saskatchewan. Je pense qu'il faut soutenir un peu plus ces approches. Tout d'abord, je partage tout à fait votre avis sur les examens obligatoires. J'ai fait valoir cet argument indirectement au début en disant qu'il n'existe aucune preuve que les examens obligatoires réduisent les taux d'accidents de la route. C'est ce que semblent dire la plupart des publications. Cet effort n'a pas l'air d'être fructueux. De même, si vous vous en remettez uniquement à la déclaration volontaire, il est fort possible, si l'on veut être réaliste, que certaines personnes présentant un risque pour elles-mêmes et les autres ne s'y conforment pas. C'est une façon de fournir le soutien approprié.
Nous devons offrir du soutien social et institutionnel aux personnes visées par des restrictions de conduite. Nous devrions examiner la possibilité d'indemniser financièrement les personnes qui assument la tâche supplémentaire de conduire, parfois sur de longues distances, des gens à qui l'on a retiré leurs privilèges de conduire. Toutefois, nous devons cesser de penser que c'est tout ou rien. Comme vous l'avez souligné, il existe des conditions qui pourraient à juste titre exiger l'imposition de restrictions aux privilèges de conduire de quelqu'un, mais pas le retrait de ces privilèges. Par conséquent, si nous préconisons l'idée que ce n'est pas tout ou rien, les gens seront peut-être plus disposés à se conformer au régime. Ils pourraient dire que même si on leur a imposé certaines restrictions sur leur droit de conduire, on ne leur a pas révoqué totalement leur permis. Je crois que c'est ce que craignent bien des gens de nos jours. Nous devons nous pencher là-dessus. Les questions que vous avez soulevées sont sans contredit excellentes.
Le sénateur Stratton : Madame Lefebvre, pour ce qui est de l'indépendance des médecins, je sais que mon médecin a atteint l'âge fatidique de 65 ans et qu'il réduit graduellement ses activités, mais il pratique toujours et possède une vaste expérience. Nous souhaitons que les médecins continuent de travailler aussi longtemps qu'ils en ont la volonté et la capacité. À votre avis, les médecins devraient-ils subir des examens obligatoires après un certain âge ou devraient-ils quitter volontairement la profession?
On voit des gens de 85 ans qui sont encore très fonctionnels comparativement à d'autres âgés de 65 ans. À mon avis, aussi longtemps qu'un médecin a la capacité et la volonté de travailler, on devrait l'encourager à le faire, tant qu'il respecte une norme. Est-ce essentiellement là où vous voulez en venir? Cette question est-elle pertinente ou vous met- elle dans l'embarras?
Mme Lefebvre : Elle ne me met pas dans l'embarras. Vous pensez peut-être que réglementer la profession médicale et octroyer aux gens le droit de conduire n'ont pas grand-chose en commun. Toutefois, notre collègue du Yukon réglemente les médecins et délivre des permis de conduire; le personnel doit accomplir des tâches multiples.
Pour pratiquer, le médecin reçoit une seule autorisation, une fois qu'il a obtenu les qualifications voulues. Un processus annuel de revalidation se fonde sur le régime de confiance. On demande aux médecins s'ils ont un dossier criminel et certaines provinces prennent actuellement des dispositions pour procéder à des vérifications obligatoires du casier judiciaire régulièrement. On demande aux médecins s'il y a quoi que ce soit qui pourrait entraver leur droit de pratique complète. De plus en plus d'instances prennent des mesures pour ne plus accorder une autorisation générale aux médecins de façon à ce que celle-ci définisse ce qu'ils ont le droit de faire quand ils interagissent avec les patients, les autres professionnels de la santé et le système.
Le régime de confiance donne de bons résultats s'il est mis en place dans un cadre non punitif. Par ailleurs, il y a les médecins praticiens qui s'attendent à être libres de prendre des décisions ou à être encadrés d'une façon qui leur permet de prendre la bonne décision dans un cadre non punitif. Puis, il y a aussi les attentes du public. Quand un incident négatif survient, les conséquences sont souvent terribles et touchent un grand nombre de personnes.
Nous savons que le corps médical et le public s'attendent à ce que les médecins se tiennent à jour. Quand on leur demande s'ils croient que les médecins devraient être comptables de se tenir au fait régulièrement, les opinions divergent. Les médecins aimeraient poursuivre avec le régime de confiance, mais le public veut quelque chose de plus concret.
Nous avons toujours confiance au système de revalidation, même s'il n'en est qu'à ses débuts. Quand un médecin est sélectionné pour une vérification, il ne s'agit que d'une évaluation par les pairs. Par exemple, si on découvre qu'un médecin prescrit trop d'un narcotique donné, des pairs procèdent à une vérification pour en déterminer la raison. Ce peut être parce qu'il traite un groupe de patients précis ou il pourrait n'y avoir aucune explication. L'organisme de réglementation n'a d'autre choix que d'intervenir pour amener le médecin à se conformer aux normes ou pour limiter son droit de pratique ou l'empêcher d'exercer.
Le sénateur Stratton : Tout bien considéré, vous voudriez qu'ils continuent d'exercer aussi longtemps qu'ils en sont capables.
Mme Lefebvre : Oui.
Le sénateur Stratton : À mes yeux, l'indépendance est un facteur si important dans tous les aspects de la vie en vieillissant. Plus nous la favoriserons, plus notre société s'en portera mieux.
Mme Lefebvre : Le nombre croissant de médecins d'un certain âge dans la plupart des instances qui continuent d'exercer révèle que rien ne les empêche de continuer, mis à part leur niveau de réussite aux différentes étapes où ils doivent démontrer qu'ils ont toujours les compétences pour pratiquer.
Le sénateur Cordy : Y a-t-il des instances qui imposent des restrictions au permis de ceux qui souffrent de problèmes de santé? Vous avez mentionné tout à l'heure la nécessité de porter des lunettes. Avons-nous des instances au Canada qui le font?
M. Yakabuski : Comme pratique courante, pas que je sache, sénateur.
Le sénateur Cordy : Votre suggestion d'offrir des incitatifs fiscaux m'intéresse. En théorie, c'est une merveilleuse idée. La plupart des gens conduisent leur voisin pour aller chez le médecin ou à l'épicerie parce qu'ils sont aimables. Ce serait formidable de fournir une aide financière, ne serait-ce que pour l'essence. Toutefois, avec l'appareil gouvernemental, ça deviendrait tellement compliqué qu'il vous faudrait remplir un document de 10 pages ou plus pour obtenir un remboursement de 15,98 $ pour l'essence. Je me demande également ce qui vous pousse à faire cette suggestion puisque vous travaillez dans le domaine des assurances. Si une personne au grand cœur conduit quelqu'un à ses rendez-vous chez le médecin ou à l'épicerie chaque semaine, ses primes d'assurance augmenteront-elles? Je crois que c'est une excellente idée, mais comment peut-on l'appliquer simplement?
M. Yakabuski : Sénateur, nous n'avons pas encore réglé tous les détails techniques, comme je l'ai dit, mais c'est une façon de donner une forme concrète au dicton : « Joindre l'acte à la parole ». Si vous voulez favoriser l'indépendance, ce que nous devrions faire à mon avis, il faudrait aider ces personnes à assumer ce fardeau supplémentaire. Évidemment, nous voudrions simplifier le plus possible le processus sur le plan administratif. Bien sûr, quand on veut, on peut. Ce serait une façon de bâtir et de maintenir des collectivités, et l'argent de nos impôts devrait sans aucun doute servir à cette fin. Évidemment, il resterait à régler bien des détails, mais l'idée devrait être explorée parce que l'indépendance est si importante.
Le sénateur Cordy : C'est une excellente idée, mais je ne vois pas comment nous pouvons faire en sorte que ce soit simple quand le gouvernement est en cause.
Madame Lefebvre, vous avez parlé d'autoréglementation et du fait que les provinces travaillent de façon indépendante. Les collèges des médecins et chirurgiens provinciaux se réunissent-ils pour parler de ces sujets? Y a-t-il eu des discussions pour établir des normes nationales afin qu'un jour, un examen en Nouvelle-Écosse soit le même que celui en Saskatchewan?
Mme Lefebvre : Nous planifions actuellement notre première réunion pour examiner les accords de reconnaissance mutuelle grâce au financement de RHDSC. Deux membres n'ont pas signé en 2001, avant que le Nunavut devienne une autorité réglementaire indépendante. Nous en faisons l'examen et devons respecter le délai de conformité du 1er avril 2009. L'une des questions que nous étudions porte sur la mobilité de la main-d'œuvre et le chapitre 7.
Si on étudie toute cette question, autant étudier tout le dossier. Nous avons des normes nationales pour le permis de référence au Canada, qui énoncent que vous devez obtenir votre diplôme d'une école de médecine, de préférence au Canada ou dans l'une des écoles accréditées aux États-Unis avec qui nous avons conclu un accord de réciprocité; détenir une licence du Conseil médical du Canada; et avoir reçu un certificat d'un collège des médecins et chirurgiens au Canada en médecine familiale ou un certificat de médecin spécialiste ou de chirurgien du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. C'est la norme de référence au pays à plusieurs égards.
Nous nous dirigeons vers des approches nationales de revalidation, bien que nous soyons conscients que l'Île-du- Prince-Édouard ne peut pas mettre sur pied le même type de processus de revalidation que l'Ontario. L'Île-du-Prince- Édouard accrédite environ 200 médecins et l'Ontario, 30 000. Toutefois, nous avons cette approche visant à nous imiter les uns les autres. À notre assemblée générale annuelle, notre personnel chargé de l'accréditation discute notamment de la manière dont il peut normaliser les processus et questions en la matière. Nous avons mis en place le Registre de compétences des médecins du Canada, ce qui signifie que si vous êtes médecin en Ontario et envisagez d'exercer au Québec, en Nouvelle-Écosse ou en Colombie-Britannique, vous pouvez regrouper vos titres de compétences dans une base de données centrale à laquelle peuvent avoir accès les autorités réglementaires, ce qui évite de répéter le processus. Ailleurs que dans les provinces de l'Atlantique, nous ne disposons pas d'un processus normalisé d'évaluation par les pairs. À l'heure actuelle, nous concentrons tous nos efforts sur la revalidation. Il y a eu le système dans la région de l'Atlantique pendant un certain temps, mais la Nouvelle-Écosse s'est depuis retirée pour mettre en place son programme Nova Scotia Physician Achievement Review (NSPAR). Plutôt que de renoncer aux approches nationales, nous y travaillons activement. Je ne désespère pas que de mon vivant, nous aborderons le sujet de permis nationaux.
Le sénateur Cordy : Si j'entends parler que le Collège des médecins et chirurgiens se penche sur le dossier d'un médecin en Nouvelle-Écosse, je pense tout de suite qu'il a fait quelque chose de mal. Si une telle évaluation par les pairs vient à faire partie intégrante de la fonction de médecin accrédité, aurez-vous besoin de financement pour les relations publiques afin d'informer les gens qu'il s'agit d'une pratique courante?
Mme Lefebvre : Oui, je suis tout à fait d'accord. Une fois que nous obtenons l'appui de nos membres sur la revalidation, la question des relations publiques est ce qui importe le plus.
Le sénateur Keon : Je vous félicite tous les deux pour votre exposé. Vous avez fait des observations très objectives et vous réalisez d'énormes progrès dans les deux secteurs.
À maintes reprises dans ma vie, j'ai été confronté au dilemme de savoir si une personne ayant un stimulateur cardiaque devrait avoir le droit de conduire. Vous êtes intelligents et vous devriez essayer de trouver un moyen de définir les conducteurs à risque élevé — et nous devrions peut-être vous aider à le faire — puisque c'est une question de sécurité publique. Nous voulons bien traiter les personnes âgées et les aider de toutes les manières possibles, mais nous avons aussi l'obligation de protéger le public.
En ce qui a trait à la question des transports, je connais des organismes bénévoles qui offrent des services pour conduire des personnes handicapées, et j'y ai d'ailleurs eu recours. Quatre-vingt-dix pour cent de ces conducteurs bénévoles étaient des personnes âgées. J'ai souvent pensé que cette ressource n'a jamais été encouragée ou exploitée au maximum. Je dois convenir avec le sénateur Cordy que votre idée d'offrir un incitatif financier à ces conducteurs deviendrait si compliquée avec la bureaucratie, qu'elle serait irréalisable.
Madame Lefebvre, j'ai passé 16 ans de ma vie à traiter de la question de la compétence année après année. Je crois qu'il n'y a rien de plus difficile que de convoquer un chirurgien qui vient d'avoir 66 ans pour discuter avec lui s'il devrait continuer d'exercer. Quand la question de la retraite obligatoire à l'âge de 65 ans a été présentée à notre institution, c'est devenu facile. Il était plus facile de prolonger d'une autre année la carrière de quelqu'un, mais auparavant, essayer de limiter les fonctions d'une personne au bord de la retraite était un sujet extrêmement difficile.
Nous devons être extrêmement prudents dans la profession médicale. Quand les choses vont mal, elles vont terriblement mal. À l'heure actuelle, nous avons un exemple dans les médias d'un cas où la situation a dérapé. Nous devons faire preuve de prudence pour décider quels médecins peuvent continuer d'exercer lorsque leurs facultés commencent à se dégrader ou que leur vue a baissé. Ça prend du temps. La vision commence à faiblir vers l'âge de 40 ans et continue de diminuer.
La capacité motrice fine change considérablement chez les gens de plus de 50 ans. Un septuagénaire n'est plus la même personne qu'elle était à 50 ans, même si physiquement, il n'a pas changé. Nous devons être vigilants parce que nous avons l'obligation de protéger le public.
Je n'ai aucune question pour Mme Lefebvre, car je suis au courant de votre travail et je vous en félicite.
La présidente : Monsieur Yakabuski, que diriez-vous d'un permis qui pourrait être restreint en fonction des conditions médicales liées à la vision, à la prise de médicaments, à la démence, à des crises ou d'autres problèmes médicaux et d'un autre permis qui limiterait la conduite — par exemple, la nuit, sur les routes de plus de quatre voies ou durant les heures de pointe de 9 h 30 à 15 h 30?
M. Yakabuski : C'est très créatif et, si vous me le permettez, j'aimerais présenter cette idée aux personnes avec qui nous avons parlé aujourd'hui.
La présidente : D'accord. Vous la trouverez sans doute dans notre rapport. Je tiens à vous remercier tous les deux. Vous avez clarifié un certain nombre de questions pour nous.
Honorables sénateurs, nous discuterons la semaine prochaine des régimes de retraite publics et privés. Espérons que nous n'aurons plus d'autres témoins à entendre pour un certain temps puisque nous avons un rapport provisoire à produire.
La séance est levée.