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AGEI - Comité spécial

Vieillissement (Spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Vieillissement

Fascicule 9 - Témoignages du 13 mai 2008 - séance du matin


MONCTON, NOUVEAU-BRUNSWICK, le mardi 13 mai 2008

Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne et en faire rapport.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, membres du public, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Notre comité examine les incidences du vieillissement de la société canadienne. Les enjeux complexes du vieillissement préoccupent le gouvernement depuis de nombreuses années. Ils se font cependant plus présents à mes yeux parce que le nombre de personnes concernées augmente à cause de l'espérance de vie plus longue et du vieillissement de la génération d'après-guerre. Comme les programmes et les services publics destinés sont essentiels à leur bien-être, il nous incombe en tant que parlementaires de veiller à l'entière satisfaction de leurs besoins.

[Traduction]

Nous sommes ici à Moncton aujourd'hui pour entendre les intéressés nous parler des incidences du vieillissement de la sociétéet plus précisément pour entendre leurs opinions sur notre deuxième rapport provisoire qui a été déposé au Sénat le 11mars. Ce rapport intérimaire met l'accent sur le vieillissement actif, lestravailleurs âgés, la retraite et la sécurité du revenu, le vieillissement en santé, le soutien aux personnes âgées qui veulent vivre à l'endroit de leur choix et la répartition régionale des coûts en soins de santé aux aînés. Ceci est la troisième étape de notre tournée pancanadienne et nous avons hâte d'entendre les témoignages d'aujourd'hui qui, j'en suis certain, nous aideront à élaborer des recommandations complètes pour notre rapport final.

Notre premier groupe de témoins ce matin comprend la Fédération des citoyens aînés du Nouveau-Brunswick, représentée par son président, M.Ralph Smith; la Coalition pour les droits des aînés et des résidents des foyers de soins longue durée du Nouveau-Brunswick, représentée par Cecile Cassista, directrice générale, et Hector Cormier, président, qui, je crois, se chargera de l'exposé; et l'Association acadienne et francophone des aînés du Nouveau- Brunswick, représentée par son président, M.Jean-Luc Bélanger.

Je vous souhaite la bienvenue à tous ce matin et vous prie d'excuser mon français. Nous y travaillons à Ottawa, mais nous devons vivre en Acadie pour nous perfectionner. Nous allons commencer par M.Smith.

Ralph Smith, président, Fédération des citoyens aînés du Nouveau-Brunswick: Je n'ai pas d'exposé à présenter au comité ce matin. Je voulais m'asseoir et entendre ce que le comité avait à dire, et je vais donc réserver mes observations pour plus tard, si cela vous convient.

Le président: C'est très bien.

Dans ce cas, nous allons passer à M.Cormier.

[Français]

Hector Cormier, président, Coalition pour les droits des résidants des foyers de soins de longue durée du Nouveau- Brunswick: Madame la présidente, suite à la lecture attentive du deuxième rapport intérimaire sur le vieillissement, j'ai constaté le sérieux du travail fait par le Sénat. Si toutes les institutions politiques du pays en faisaient autant, peut-être arriverions-nous à des résultats répondant davantage aux désirs et aux besoins de la population. Cela suppose toutefois plus de vision que de promesses électorales souvent creuses.

[Traduction]

Il est intéressant de constater comment vous êtes arrivé à fondre autant de matière en si peu de mots pour en dire autant sous les six grands thèmes que sont la définition du vieillissement; le vieillissement actif et l'âgisme; les travailleurs âgés, la retraite et la sécurité du revenu; le désir qu'ont les aînés de vieillir à l'endroit de leur choix; et la répartition régionale des coûts en soins de santé aux aînés.

[Français]

Bien que dans son mémoire, la Coalition pour les droits des aînés et des résidants des foyers de soins de longue durée n'ait commenté que sur les besoins de logement abordable et l'allègement des règlements les régissant, afin de permettre aux aînés de vivre plus longtemps chez eux, et sur le besoin d'inclure dans la Loi canadienne sur la santé un programme national de soutien à domicile avec des standards comparables d'une province à l'autre, tout cela financé à même les deniers publics. La coalition est d'avis que ces consultations auprès d'individus, d'organismes et d'experts est l'occasion par excellence de procéder à une profonde réflexion sur la question du vieillissement. Elles permettent l'analyse des enjeux et des options, des séances d'information pour conscientiser les citoyens, l'élaboration de plans d'action, ainsi que des représentations auprès des élus et des gouvernements en place.

[Traduction]

Nous ne sommes pas sans savoir qu'il y aura un rapport final à cette étude sénatoriale et qu'il s'y ajoutera d'autres éléments. Nous espérons y voir paraître la nécessité pour chaque Canadien, fut-il jeune ou moins jeune, de prendre en charge sa propre santé plutôt que d'en laisser l'entière responsabilité aux professionnels. Est-il utopique de penser que les professionnels de la santé, notamment les médecins, par le truchement de leur association et des écoles de formation, voudront un jour donner à leur profession un sens nouveau qui ferait en sorte qu'on perçoive l'individu comme un tout, une discipline qui reconnaisse l'influence de l'esprit sur le corps, une profession médicale qui réconforte et rassure au lieu de recourir ou avant de faire appel à tout cet étalage de technologie froide où les êtres, considérés comme des numéros, se font dire qu'il faut tout recommencer et subir d'autres tests?

[Français]

Une série de problèmes préoccupent les aînés: la crainte de vieillir et d'être à la merci des autres, la perte des facultés, les abus, l'abandon, la négligence, l'isolement, les problèmes des enfants et des petits-enfants, et même des arrières petits-enfants. Le stress important qui en découle provoque la plupart du temps des problèmes de nature psychosomatique; certains médecins estiment que 80 à 85p.100 des cas sont de nature psychosomatique. Et dire qu'on les traite par la médication pour ne pas dire la surmédication et par des batteries de tests. Alors que c'est peut-être d'un psychologue, d'un psychiatre, d'un psychothérapeute, d'un réflexologue, d'un masseur, d'une meilleure nutrition, de plus d'activités sociales ou physiques, peut-être même d'un éloignement temporaire de la famille dont ils ont besoin. Il est vrai qu'on nous lave quotidiennement le cerveau en faisant miroiter les vertus de la pilule magique. La télévision nous dit comment informer le médecin des médicaments qu'il doit nous prescrire. Voilà un aspect qui pourrait être ajouté au rapport final. On pourrait inviter des médecins à expliquer les vrais processus de guérison. Il importe aussi de prévenir les aidants, la famille et les amis contre l'infantilisation de l'adulte vieillissant.

[Traduction]

C'est Norman Cousins, dans son livre intitulé La biologie de l'espoir, le rôle du moral dans la guérison, qui dit qu'un très petit effort pour améliorer les rapports entre le patient et le médecin peut aboutir à des progrès significatifs de l'état du malade. Il ajoute plus loin que certains médecins ont tendance à donner la priorité à la technologie sur l'examen direct du patient. En fait, la confiance excessive dans des moyens d'examen complexes et coûteux pourrait bien être un des problèmes majeurs de la médecine moderne. Un malade qui passe plus de temps avec des appareils d'analyse qu'avec son médecin pourrait bien être privé d'un des principaux éléments de traitement efficace, à savoir la confiance et le réconfort que seul un être humain avisé peut inspirer.

Cela est d'autant plus vrai dans le cas d'une personne qui a atteint un certain âge et pour qui la santé est prioritaire.

[Français]

Le travail de ce comité sénatorial et ses conclusions doivent être largement diffusés pour conscientiser la population et devenir une référence de base pour informer, revendiquer et préparer des plans d'action.

Jean-Luc Bélanger, président, Association acadienne et francophone des aînées et aînés du Nouveau-Brunswick: Madame la présidente, l'Association acadienne et francophone des aînées et des aînés du Nouveau-Brunswick vous remercie de l'occasion de vous présenter nos commentaires et nos préoccupations au sujet du rapport sur le vieillissement de la population au Canada.

La mission principale de notre association est de regrouper les aînées et les aînés acadiens et francophones afin de promouvoir et défendre leurs droits et intérêts et favoriser leur plein épanouissement dans leur langue et leur culture.

Notre association provinciale siège au sein du conseil d'administration de la Fédération des aînées et des aînés francophones du Canada. Cette fédération existe depuis cinq ans. Plusieurs recommandations au sujet des minorités francophones dans ce mémoire correspondent à celles de la Fédération des aînées et des aînés francophones du Canada. Comme la fédération nationale, nous sommes très impressionnés par la qualité et la quantité pertinente des recommandations de votre rapport qui touchent aux questions relatives au vieillissement. Nous y avons retrouvé beaucoup d'éléments intéressants.

Tout d'abord, nous aimerions féliciter le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, qui a fait preuve de courage en présentant certaines mesures dans le deuxième rapport provisoire intitulé Une population vieillissante: enjeux et options. Le comité a bien saisi les enjeux reliés au vieillissement de la population canadienne et certaines pistes qui y sont proposées sont fort intéressantes. C'est pourquoi nous voulons d'abord vous faire part de notre appréciation pour le travail accompli.

Toutefois, nous aimerions souligner et déplorer le fait que le rapport ne contienne aucune mesure qui touche directement les minorités linguistiques au pays, autant francophones qu'anglophones. On a des minorités anglophones aussi au Québec. En vertu de l'article41 de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement canadien est tenu de s'engager à favoriser l'épanouissement des minorités francophones du Canada et à appuyer leur développement. Nous croyons qu'il est essentiel que le gouvernement canadien fasse plus d'efforts pour que les aînés francophones en situation minoritaire soient reconnus dans le cadre de la stratégie visant à surmonter les défis et les enjeux reliés au vieillissement au Canada.

Voici les mesures que nous avons identifiées comme étant positives dans le rapport, mais où des ajustements seraient nécessaires pour faire en sorte que le gouvernement fédéral tienne compte de ses obligations en matière de langues officielles. Nous sommes en accord avec les recommandations proposées aux numéros 1 à 5 et qui concernent l'appui au bénévolat.

Tel que mentionné par la Fédération des aînées et des aînés francophones du Canada et par notre association, nous estimons que l'avenir des communautés francophones en situation minoritaire repose en très grande partie sur l'apport de l'action bénévole et du rôle que peuvent y jouer les aînés et les retraités. Les communautés francophones en situation minoritaire sont vieillissantes. Étant donné que les jeunes dans plusieurs de ces communautés vont travailler ailleurs, la population vieillissante dans les communautés rurales augmente graduellement et en vitesse. Par conséquent, il est important que les aînés et les retraités puissent exercer le leadership nécessaire pour assurer la transmission de la langue et de la culture et travailler à la vitalité des communautés.

Nous sommes entièrement d'accord avec la recommandation no 9, qui vise à adapter le programme Nouveaux Horizons pour les aînés, en fonction des besoins des Autochtones.

Par contre, le programme Nouveaux Horizons pour les aînés est très peu adapté à la réalité des aînés francophones en situation minoritaire. Des données recueillies par la Fédération des aînées et des aînés francophones du Canada montrent que les aînés francophones en situation minoritaire n'ont pas toujours eu leur juste part en ce qui a trait au financement de ce programme. Les critères établis par le programme découragent les groupes d'aînés francophones et plusieurs jugent que le programme ne répond pas suffisamment à leurs besoins, par exemple: du financement pluriannuel, du financement pour les salaires et à certains secteurs dans le programme qui ne favorisent pas les francophones. C'estpourquoi nous recommandons l'ajout d'une nouvelle résolution qui se lirait comme suit: «Adapter le programme Nouveaux Horizons pour les aînés, en fonction des besoins des communautés en situation minoritaire.»

Nous appuyons la recommandation no 41 qui porte sur des projets de renforcement des capacités. Cela est essentiel, et on pense que les solutions aux problèmes auxquels les aînés font face sont au niveau des communautés. Donc, cette question de renforcement des capacités visant la formation en gériatrie et en gérontologie est importante.

Nous considérons cette recommandation très intéressante. Parcontre, nous apprécierions grandement la mise en valeur dela formation des intervenants du milieu gériatrique et de gérontologie, afin qu'ils puissent offrir des services dans la langue de la minorité. Nous savons qu'avec le programme de Santé Canada, La Santé en français, plusieurs éléments soulignaient la difficulté, pour certaines communautés minoritaires, à recevoir des services de santé en français selon les secteurs ou les spécialités.

Nous avons été témoins à certaines occasions de l'absence de services en français dans le milieu de la santé. Cela a parfois conduit à des erreurs de diagnostic, en plus de susciter une expérience difficile pour des aînés qui se retrouvent en situation de vulnérabilité sans pouvoir bénéficier de services dans leur langue.

Nous croyons qu'une recommandation devrait être ajoutée au rapport pour souligner l'importance de former des professionnels de la santé afin qu'ils puissent desservir les aînés en situation minoritaire au Canada.

Les pages 39 et 51 du rapport traitent de la responsabilité du gouvernement fédéral envers certains groupes. Il est question, entre autres, des anciens combattants, des Premières nations, des Inuits et des détenus sous la responsabilité fédérale. Nous croyons que le rapport a raison de souligner cette responsabilité. Par contre, en vertu de la Loi sur les langues officielles, le rapport n'a pas mentionné les francophones et anglophones en situation minoritaire comme groupe relevant de la compétence fédérale. Nous apprécierions grandement si le comité pouvait considérer l'ajout des aînés en situation minoritaire comme groupe relevant de la compétence fédérale.

La recommandation 54 souligne l'importance d'accroître leparc de logements abordables et la recommandation 55 mentionne les besoins spécifiques pour les aînés inuits et lesPremières nations. Nous sommes d'accord avec ces recommandations, mais nous trouvons regrettable que le rapport ne souligne pas suffisamment l'importance d'adapter des stratégies pour assurer des services adéquats en français aux aînés habitant en milieu minoritaire.

J'aimerais vous transmettre les commentaires d'une dame âgée: «Cela me fait tellement de peine de voir dans nos petites communautés francophones des aînés qui, une fois qu'ils tombent malades, doivent s'expatrier et emménager dans des résidences supervisées à des centaines de kilomètres de chez eux où souvent ils n'ont aucun service en français. On perd alors leur trace et onn'entend plus parler d'eux pendant des mois. Souvent les dernières nouvelles que nous avons d'eux, c'est dans les journaux annonçant leur décès. Je trouve regrettable, dit-elle, qu'on puisse faire cela à nos aînés.»

Cette dame a vécu cette situation. Je pense que le comité doit prendre conscience du traumatisme que cela peut créer pour bon nombre de nos aînés francophones qui habitent nos petites communautés. L'expérience a démontré que lorsqu'il y a une volonté politique, il y a moyen de faire en sorte que les aînés francophones puissent être servis dans leur langue dans les centres d'hébergement. Il faut qu'il y ait des mesures incitatives et plus de sensibilisation pour que les résidences puissent offrir de tels services.

Finalement, nous aimerions indiquer notre accord concernant la recommandation no 60, qui suggère l'adoption d'un programme national de soins à domicile. Nous pensons qu'il est essentiel que ce programme national tienne compte de la réalité et des besoins des aînés, et cela inclut nécessairement la possibilité de communiquer directement dans leur langue maternelle.

Je vous remercie de nous avoir permis de nous exprimer au sujet du vieillissement de la population. L'Association des aînées et aînés francophones du Nouveau-Brunswick a confiance que les modifications proposées seront entendues, car c'est pour le mieux-être de l'ensemble des minorités linguistiques du pays.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bélanger.

[Traduction]

Vous-même et M.Cormier avez énoncé exactement les raisons pour lesquelles j'ai jugé qu'il était nécessaire de venir à Moncton, et aussi d'aller à Sainte-Anne, qui est une petite localité francophone à côté de Winnipeg. Nous irons aussi à Sherbrooke.

Je vous rassure tout de suite en vous disant que nombre des recommandations que vous avez faites aujourd'hui auront des suites. Il est tellement facile d'oublier les communautés minoritaires, et nous devons entendre leurs représentants pour nous ramener dans la bonne voie. Je vous suis donc vraiment reconnaissante pour vos interventions d'aujourd'hui. Cela me ramène en arrière et MmeCassista s'en rappelle sans doute, à l'époque où nous luttions pour sauver l'Hôpital Monfort à Ottawa, et des membres de la communauté du Sénat ne comprenaient pas nécessairement pourquoi des sénateurs manitobains participeraient à la lutte pour sauver un hôpital à Ottawa. Nous envoyons nos résidents de l'Hôpital général de St.Boniface, à Winnipeg, pour qu'ils reçoivent une formation à l'Hôpital Monfort d'Ottawa, où ils peuvent travailler en français. Par conséquent, quand ils reviennent à l'Hôpital général de St.Boniface, ils sont en mesure de servir la population dans les deux langues officielles. Cela peut sembler un mélange étrange, mais c'était très important pour nous que l'Hôpital Montfort conserve sa vitalité, pour assurer la formation des médecins de l'Hôpital de St.Boniface. Nous voici donc, dans ce grand pays qui est le nôtre, obligés de veiller à assurer la continuité des services.

Monsieur Cormier, vous auriez été ravi d'assister hier aux témoignages de trois médecins, dont deux gérontologues et un médecin de famille. Ils nous ont dit exactement ce que vous nous dites aujourd'hui, à savoir que nous devons changer la prestation des soins de santé, que nous devons obliger le système à rendre davantage de comptes aux patients qu'il est censé servir. C'était bien d'entendre encore ce matin quelqu'un souscrire à cette idée.

Le sénateur Mercer: Monsieur Cormier, votre première recommandation est que le code du bâtiment doit être assoupli pour permettre aux aînés de vieillir dans leur demeure. C'est un bel énoncé et je pense que nous sommes tous d'accord avec cela. Cependant, pouvez-vous me dire quels sont peut-être les deux ou trois principaux éléments qui manquent aujourd'hui dans le code du bâtiment et que nous devrions ajouter à l'avenir?

[Français]

M.Cormier: Étant le nouveau président de la coalition, je vais demander à la directrice générale de faire un commentaire à ce sujet. Elle est en poste depuis 2004, et vous dira de façon plus spécifique ce qu'on entend par là.

[Traduction]

Cecile Cassista, directrice générale, Coalition pour les droits des aînés et des résidants des foyers de soins longue durée du Nouveau-Brunswick: Je vais me faire un plaisir de répondre à la question au sujet du logement. Nous avons constaté dans nos études et recherches au Nouveau-Brunswick, dans les Maritimes, que les personnes vieillissantes doivent déménager et quitter les régions rurales ou leur maison parce qu'elles ne peuvent plus y habiter, n'étant plus capables de monter l'escalier si elles n'habitent pas au rez-de-chaussée, et parce qu'il n'y a pas de barres de sécurité dans leur maison. Les résultats des sondages montrent que les gens ont migré vers les villes ou bien ont acheté une maison mobile qu'ils ont installée sur leur terrain parce qu'ils ne veulent pas quitter leur propriété; ils y habitent depuis 30 ans et veulent y rester. Nous avons aussi constaté que le code du bâtiment continue de permettre la construction de gigantesques maisons de deux ou trois étages où les portes ont moins de 36pouces et ne répondent donc pas aux besoins des personnes âgées qui veulent vieillir sans avoir à déménager. Les aînés nous ont dit qu'ils veulent vivre à la maison aussi longtemps qu'ils le peuvent. Ce n'est certainement pas ce qui se passe dans les provinces del'Atlantique. J'espère que j'ai pu vous donner quelques éclaircissements à ce sujet.

Le sénateur Mercer: C'est bien. Nous en sommes tous conscients pour avoir entendu parler des difficultés que présentent les escaliers et des problèmes d'accessibilité aux salles de bain situées à l'étage dans nombre de maisons anciennes. Les usagés des fauteuils roulants constituent sans doute un groupe invisible et on ne se rend pas compte de l'importance de la largeur des portes tant que l'on n'a pas passé du temps avec des personnes âgées — hier, nous avons vu plus de fauteuils roulants à Halifax que nous n'en avions vu depuis longtemps.

MmeCassista: Les personnes âgées ont énormément de difficulté à trouver l'argent nécessaire pour aménager et réparer leurs résidences. Nombre d'entre elles ignorent l'existence des programmes. Même si l'argent vient d'Ottawa, son administration incombe à la province et la démarche est très difficile pour les personnes âgées. Par conséquent, lors de vos déplacements, vous constaterez, surtout dans les régions rurales, que certaines résidences ont besoin de réparations et que des personnes âgées y vivent pourtant.

Le sénateur Mercer: Monsieur Bélanger, vous avez eu raison d'attirer notre attention sur tout ce que vous avez évoqué. Les droits des minorités ne sont pas mentionnés en particulier mais il n'empêche que nous en avons discuté abondamment. Les droits linguistiques des anglophones au Québec ne sont pas cités, nommément dans notre rapport, pas plus que le problème encore plus épineux des droits des néo-Canadiens qui ne parlent ni l'anglais ni le français. On nous a dit que près de 50p.100 des nouveaux arrivants au Canada, ont pour langue maternelle une langue autre que l'anglais ou le français, ce qui complique le problème. Nous apporterons les rajustements nécessaires à la prochaine étape.

Vous avez signalé que le programme Nouveaux horizons pour les aînés ne répondait pas aux besoins de la clientèle francophone. Cela m'a un peu surpris. Je sais que mes collègues au Sénat et à la Chambre des communes qui représentent desrégions à forte population francophone appuient avec enthousiasme le programme Nouveaux Horizons pour les aînés et je m'étonne de vous entendre dire que le gouvernement n'est pas à la hauteur à cet égard.

[Français]

M.Bélanger: Il faut peut-être expliquer le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Des comités dans chacune des provinces font la sélection des projets, et parfois, il manque une représentation francophone pour sensibiliser les gens qui font l'évaluation des projets. Malgré que le programme Nouveaux Horizons pour les aînés ait simplifié ses formulaires, il ne faut pas oublier que l'analphabétisme existe chez plusieurs aînés. C'est un facteur important qui influence le nombre de demandes dans certaines régions. Nos recherches indiquent que le programme Nouveaux Horizons pour les aînés donne moins dans certaines régions francophones par rapport à la population per capita. Peut-être que le programme n'est pas suffisamment publicisé ou est-ce parce que les aînés ont besoin de plus d'aide pour remplir les formulaires. Les aînés de demain devraient, en principe, être beaucoup plus scolarisés, avec l'informatique et la technologie, etils seront mieux préparés. Ce n'est pas tous les aînés qui ont accès à Internet ou aux différents moyens de communication. Leprogramme Nouveaux Horizons pour les aînés pourra certainement s'améliorer afin de mieux soutenir les aînés en cesens. Au départ, il y avait des éléments significatifs où lesfrancophones ne recevaient pas leur part. Il y a eu des améliorations dans certaines provinces. Mais il s'agit de souligner au programme Nouveaux Horizons pour les aînés et au ministère des Ressources humaines et Développement social Canada qu'il y a encore des endroits où il faut faire attention. Et, surtout en ce qui concerne la nomination des membres des comités. Les comités font ce qu'ils peuvent, mais parfois, il n'y a pas de représentant francophone faire connaître les milieux francophones. C'est donc difficile parfois, dépendant comment ils vont chercher leur information, de prendre connaissance de l'ampleur ou de la pertinence du projet qu'ils présentent. Parfois, le projet est refusé parce qu'il manque certains éléments ou, pour une raison ou pour une autre, les fonctionnaires ne les accompagnent pas tout au long du processus. Ce sont là des facteurs qui demandent de l'amélioration. Par contre, c'est un excellent programme qui a amélioré les équipements pour les aînés, la question des abus faits aux aînés, et l'ajout d'autres programmes. Mais, il faut faire en sorte que les minorités soient aussi desservies, et qu'elles aient leur juste part.

[Traduction]

Le sénateur Mercer: La dualité linguistique est la fierté des Canadiens. Le Nouveau-Brunswick est notre seule province officiellement bilingue. Nous savons que de façon générale les services sont de qualité inégale à l'échelle de la province. Toutefois, je voudrais savoir si les choses s'aggravent sous l'angle linguistique. Les places sont-elles moins nombreuses — et il faudrait des chiffres proportionnels à la population — pour les francophones que pour les anglophones au Nouveau-Brunswick? Quel rapport cela a-t-il avec le personnel des établissements? Je crois comprendre que vous faites face à des problèmes majeurs à cet égard étant donné que le personnel est soit unilingue ou incapable de communiquer avec les personnes âgées au Nouveau-Brunswick.

[Français]

M.Bélanger: En principe, le Nouveau-Brunswick est la seule province bilingue au Canada, mais en pratique, ce n'est pas toujours le cas pour les francophones. Si on regarde la fonction publique au Nouveau-Brunswick, il y a encore des secteurs où les francophones ne peuvent pas se faire servir en français. Il y a beaucoup d'améliorations, et c'est important de le souligner, mais ce n'est pas parce que la province se dit bilingue ou que la ville de Moncton se dit bilingue que tous les services en français sont accessibles. L'anglophone aura son service dans sa langue, parce que la plupart des francophones qui travaillent dans le secteur des services sont bilingues. Cela ne veut pas dire que les anglophones n'offrent pas un bon service, c'est juste que le service en français dans tous les secteurs n'est pas automatique, et ce, malgré le fait que l'on ait déclaré le Nouveau-Brunswick bilingue. Il y a un peu de progrès, mais il y a encore beaucoup à faire. Le programme au Nouveau-Brunswick reste quand même un exemple pour d'autres provinces, mais nous rencontrons encore des embûches dans certains secteurs pour nous faire servir en français.

[Traduction]

Le sénateur Cordy: Merci beaucoup de vos exposés ce matin; ils étaient excellents.

Monsieur Cormier, comme l'a dit la présidente, vous auriez beaucoup apprécié les exposés présentés par les trois médecins à Halifax hier. Vous avez fait allusion aux médicaments; il y a un certain temps, on parlait beaucoup de l'utilisation abusive de médicaments chez les personnes âgées. Toutefois, ce problème n'a pas été évoqué récemment si bien que je me demande si vous y songiez quand vous avez parlé de médicaments. Vous avez dit qu'on avait parfois recours à des thérapies médicamenteuses quand le recours à un psychologue ou à un nutritionniste serait sans doute préférable, par exemple. De là vous abordez toute la question de l'intervention personnelle qui est de loin supérieure aux médicaments ou à la technologie. Pouvez-vous développer votre pensée?

La présidente: Sénateur Cordy, J'aimerais que M.Smith réponde lui aussi à cette question. Nous allons commencer par M.Cormier.

[Français]

M.Cormier: Quand les aînés vont voir les médecins pour des problèmes de coeur, ils peuvent avoir besoin de médicaments. Mais s'ils sont victimes d'abus, s'ils ont des craintes vis-à-vis de l'avenir, c'est peut-être d'un psychologue dont ils ont besoin. Il y a des gens qui quittent leur travail et qui s'adaptent fort mal à la retraite. Ce n'est peut-être pas de médicaments dont ils ont besoin. La prise de médicament peut devenir un véritable cercle vicieux. Alors, c'est dans ce sens que je dis qu'il faudrait peut-être traiter autrement les gens d'un certain âge.

Je suis enseignant à la retraite et je fais partie d'un comité quirencontre souvent les représentants de nos compagnies d'assurance groupe. On nous dit que si les enseignants pouvaient avoir accès à des psychologues, à des réflexologues, cela nous éviterait de dépenser pour des médicaments qui coûtent les yeux de la tête. Mais je crois qu'en général, et les médecins nous le disent, les gens ne sortent pas d'un examen médical avec une prescription. Par contre, il existe une mentalité chez les gens, qui est celle qu'on doit avoir une pilule magique qui va du jour au lendemain guérir des problèmes qui sont souvent d'ordres psychologique et émotionnel.

[Traduction]

M.Smith: Nul doute qu'il existe encore des abus dans les traitements médicamenteux. Les membres de notre groupe nous lesignalent. Tout dépend vraiment du médecin. Certains médecins ont l'ordonnance facile. Toutefois nous ne sommes pas impuissants face à ce problème qui l'on rencontre davantage chez les personnes plus âgées que chez les moins âgées.

Le programme Nouveaux Horizons a été bien accueilli au Nouveau-Brunswick. On a suggéré de simplifier les formulaires d'inscription et nul doute que c'est ce qu'il faut faire. Relativement aux derniers programmes, on a constaté que certaines personnes âgées avaient du mal à remplir les formulaires et il faut faire quelque chose à cet égard. En ce qui concerne le programme Nouveaux Horizons, souvent le délai entre l'annonce d'un programme et la date limite des inscriptions est trop court. Nos organisations ou les clubs d'aînés dans la province n'ont pas assez de temps pour effectuer la recherche nécessaire pour présenter une demande en bonne et due forme.

[Français]

M.Bélanger: C'est certain que les gens ont besoin de plus de temps pour remplir les formulaires. J'aimerais seulement ajouter à la question du sénateur Cordy et puis aussi à la réaction de M.Cormier, au sujet de la médication. Il y a un élément qu'on n'apas mentionné dans le rapport, mais que d'autres vont mentionner, c'est toute la question de la prévention, de l'éducation et de la sensibilisation à la santé. Les gouvernements devraient investir davantage dans la prévention et apporter dusoutien aux organismes qui travaillent sur le terrain quotidiennement. On a accès au programme de Nouveaux Horizons pour les aînés, mais on devrait avoir accès à d'autres programmes. Pour moi, la solution à beaucoup de situations se situe au niveau des communautés. L'action communautaire, c'est la vitalité, la pérennité des communautés. Les communautés et lesorganismes peuvent accomplir plus de travail, que tout hautsfonctionnaires ou système. Mais il manque les outils, les ressources financières et humaines pour faire des choses. Si onavait plusieurs programmes accessibles aux groupes d'aînés qui travaillent sur le terrain, cela aiderait nos aînés à rester plus longtemps autonomes, à conserver leur qualité de vie, à demeurer près de chez eux ou près de leur famille le plus longtemps possible. En travaillant, c'est certain qu'il y en a qui vont avoir besoin d'éléments curatifs, de médication, de certaines chirurgies, et cetera. On ne met pas cela de côté, mais c'est une des priorités de l'association de travailler fort et de sensibiliser. Au Nouveau-Brunswick, il y a de l'amélioration au programme, mais on a moins de 1p.100 qui est investi dans la prévention. Cela veut dire que 99p.100 sont investis dans le curatif. On dit au gouvernement, qu'on nous écoute, mais on attend encore les résultats. C'est essentiel que le gouvernement, provincial ou fédéral, investisse dans la prévention et la promotion de la santé des aînés, qu'il leur donne des outils, des ateliers, des forums, des sessions d'information pour qu'ils puissent prendre en charge leur santé et faire en sorte qu'ils puissent demeurer le plus longtemps possible en santé, physiquement, mentalement, émotionnellement, et avoir la meilleure qualité de vie auprès des leurs le plus longtemps possible.

M.Cormier: Suite au témoignage de M.Smith, il sera peut-être surpris d'apprendre qu'une étude actuarielle faite par la Fédération des enseignants du Nouveau-Brunswick, qui offre des plans d'assurance collective pour les enseignants actifs ainsi que pour les enseignants à la retraite, a démontré que ce qui coûte le plus cher au système d'assurance ou de médicaments, ce sont les gens qui prennent leur retraite à l'âge de 65 ans. Cela m'a énormément surpris qu'une étude actuarielle nous démontre cela, c'est après que les médicaments coûtent moins cher. Lorsqu'on a posé la question, on nous a dit que lorsque les gens sortent du monde du travail, ils sont épuisés, et cela prend un certain nombre d'années avant qu'ils s'habituent à la retraite, à un autre type de vie, un autre type d'activité. Et, depuis quelques mois, ils ont haussé les primes des personnes qui prennent leur retraite à 65ans, et ont considérablement baissé les primes des 65 ans etplus. Alors c'est peut-être un autre mythe qui veut qu'en vieillissant, il y a peut-être des choses qu'on laisse tomber, quin'ont plus d'importance. Peut-être que les gens vont plus àl'essentiel, se tracassent moins avec certaines choses, c'est peut-être cela l'explication. Je ne sais pas si cela a surpris M.Smith, mais c'est ce qu'ont démontré les études actuarielles.

[Traduction]

Le sénateur Cordy: En tant qu'ancienne enseignante, je trouve étonnant qu'on soit face à des coûts supérieurs pour les médicaments entre 55 et 65 ans. Toutefois, ayant entendu vos explications, nous pouvons comprendre le défi. La retraite est considérée comme une des changements importants de la vie.

Ce que vous avez dit à propos de la promotion de la santé est tout à fait juste. Les personnes âgées sont venues nous dire dans leurs témoignages qu'elles souhaitent rester plus longtemps dans leurs résidences. S'agissant des délais d'inscription à des programmes, on a constaté qu'un programme à l'intention des personnes handicapées avait été annoncé et fixait à 30 jours le délai pour la présentation des demandes. Curieusement, c'est seulement dans la circonscription du ministre des Finances qu'un groupe a réussi à présenter sa demande à temps et cela m'a poussé à poser la question: quand ce groupe avait-il été mis au courant de la diffusion des formulaires de demande. Vous avez tout à fait raison de signaler la nécessité d'accorder un délai plus long.

Monsieur Bélanger, vous nous avez donné d'excellentes idées et nous allons revoir notre rapport afin d'y apporter des addendas. Parlez-moi des ressources humaines francophones, au Nouveau-Brunswick notamment? Je suis venue au Nouveau-Brunswick il y a quelques années avec les membres d'un autre comité et on nous a dit que les militaires mutés dans certaines régions rurales des petites provinces avaient du mal à trouver un médecin qui pouvait les soigner en français. S'inquiète-t-on du nombre des professionnels de la santé francophones et, si en fait il y a là un problème, que pourrions-nous faire pour augmenter ces effectifs?

[Français]

M.Bélanger: C'est certain qu'on a besoin de mesures incitatives, mais on a besoin aussi de programmes. Le programme Santé en français, ainsi que des organismes provinciaux sur les territoires francophones, regardent avec lesprofessionnels l'ensemble des services de Santé en français. Cela prend des mesures incitatives pour attirer des professionnels de la santé en milieu francophone. C'est un travail continuel quin'est pas évident, surtout dans les milieux ruraux et dans certaines communautés minoritaires francophones au Nouveau-Brunswick. Par exemple, la région de Miramichi, soit Saint-Jean et Fredericton, où il y a des centres scolaires communautaires francophones dans des milieux qui sont très minoritaires. Il y a en ce moment, une démarche positive avec le gouvernement, afin de créer des centres de santé, ou des cliniques de santé en français dans ces centres communautaires. Nous attendons la réponse à une nouvelle entente avec le fédéral afin de continuer notre programme de Santé en français pour une autre tranche de cinq ans. Mais, il y a encore du travail à faire de ce côté. Dans les communautés à minorités francophones, on réussit encore à attirer des médecins francophones pour servir en français, des infirmières, mais il y a toujours du progrès à faire de ce côté. Il reste que dans les communautés minoritaires, comme Saint-Jean, Fredericton, Miramichi, c'est plus difficile. Au Nouveau-Brunswick, il y a certains services spécialisés qui sont disponibles seulement dans des hôpitaux anglophones. Nous recevons plusieurs plaintes sur le manque de services en français. Il arrive que des patients reçoivent des services en français, mais en traduction simultanée. Ce qui n'aide pas vraiment la compréhension en situation d'urgence. Les communautés de Saint Jean et Fredericton travaillent fort pour attirer des médecins francophones pour leurs cliniques, pour servir la population francophone.

La province fait un effort complémentaire, mais il y a encore du travail à faire, c'est certain. Il y a l'école de médecine de l'Université de Moncton, qui est la première école de médecine francophone en Atlantique, et qui est sous la juridiction de l'école de médecine de l'Université de Sherbrooke. Le programme de médecine en français en est à sa deuxième année, et on espère que les étudiants qui viennent de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, et même de Terre-Neuve, vont demeurer dans leurs communautés après. Il y a aussi des mesures incitatives pour faire en sorte qu'on puisse garder ces personnes ressources. Il y a du progrès, mais il y en a encore à faire, c'est certain. Lesfrancophones de certaines régions manquent toujours d'accessibilité à un service en français.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Bonjour à tous. Nous sommes ravis de vous accueillir. Je suis sûre que vous le savez: Si nous nous déplaçons, c'est précisément, entre autres, pour prendre contact directement avec vous et avoir des discussions de vive voix avec les gens dans leur milieu, dans leurs propres collectivités.

Vous êtes Acadiens, des Canadiens français des Maritimes — plus particulièrement du Nouveau-Brunswick — et vous constituez un groupe unique de gens. Malheureusement, la plupart des Canadiens ne vous connaissent pas bien et sont très mal renseignés sur vos expériences. Par conséquent, j'espère que nombre des propos et recommandations que nous allons entendre trouveront leur place dans notre rapport afin de renseigner le reste du Canada sur votre situation.

Cela semblera peut-être curieux à certains d'entre vous, maisquand je suis arrivée au Canada, en 1957 — il y a très longtemps— je n'avais jamais entendu parler des Acadiens. Or, ily a toujours des sénateurs acadiens au Sénat; un nombre de postes doivent être attribués à des Acadiens. Le premier sénateur acadien que j'ai rencontré est le sénateur Robichaud qui, comme vous le savez, a été premier ministre du Nouveau-Brunswick.

La présidente: Vous parlez du premier sénateur Robichaud et non pas de celui qui siège actuellement au Sénat.

Le sénateur Cools: Pardon; en effet, il s'agit de l'ancien sénateur. Nous avons actuellement un sénateur Robichaud. Le sénateur Louis Robichaud est maintenant décédé. Il avait été premier ministre du Nouveau-Brunswick et avait connu le très grand malheur de perdre un fils.

La présidente: Je crois qu'on l'appelait saint Louis.

Le sénateur Cools: Nous discutons aujourd'hui du vieillissement et vous avez abordé des sujets très graves. J'aimerais répondre à certaines de vos observations. Tous ceux qui ont le privilège de vivre assez longtemps vieillissent. J'ai récemment entendu parler d'une personne âgée dont le médecin l'était aussi. J'aimerais savoir si vous avez de l'expérience à ce chapitre. Comme les médecins ont tendance à être un peu plus âgés que leurs patients, ce patient âgé s'est retrouvé sans le médecin qui l'avait traité toute sa vie, celui qui connaissait l'histoire de sa vie et ses antécédents médicaux. Ce médecin a pris sa retraite laissant ce patient sans médecin à une étape cruciale de sa vie.

Le médecin, très conscient de la situation, a tenté de trouver unmédecin à qui il faisait confiance pour ses patients. C'est sansdoute un problème courant pour bien des aînés. Il y a probablement bien des Canadiens plus âgés qui doivent apprendre à connaître un nouveau médecin lui raconter leur vie à un moment où les changements et l'adaptation sont de plus en plus difficiles. Il importe que les médecins comprennent qu'ils devront prendre soin d'une population vieillissante et qu'il leur incombera de trouver un médecin pas trop âgé pour s'occuper d'eux. Peut-être en avez-vous fait l'expérience ou connaissez-vous des personnes âgées qui ont vécu cela; j'ai l'impression que c'est un sujet qu'on passe sous silence mais qui est plus commun qu'on le croit.

MmeCassista: J'ai beaucoup travaillé dans le nord de différentes provinces aux prises avec une pénurie de médecins, notamment par suite du départ ou de la retraite de médecins vieillissants. Dans ces régions, ainsi que dans les villes, il est très difficile pour les aînés de s'habituer à un nouveau médecin. Certains refusent de consulter le jeune nouveau médecin qui les dessert dorénavant. D'après les recherches que j'ai faites, c'est fréquent. Je peux aussi vous donner l'exemple de ma mère qui, après le départ à la retraite de son médecin, à été neuf ans sans en voir un autre parce qu'elle ne se sentait pas suffisamment à l'aise pour le faire. Il y a d'autres exemples semblables et c'est en effet un problème courant.

Le sénateur Cools: Je me demande si c'est suffisamment sérieux pour que nous en traitions dans notre rapport. Quand je parle à des personnes âgées qui viennent s'installer à Ottawa ou dans une autre ville, je leur conseille de chercher un jeune médecin qui pourra les suivre longtemps, s'ils ont 50 ans, je leur recommande de trouver un médecin dans la quarantaine et non pas dans la soixantaine.

M.Smith: C'est déjà un problème, comme l'a indiqué MmeCassista. Au Nouveau-Brunswick, le pourcentage de médecins âgés qui prendront leur retraite d'ici cinq à dix ans est très élevé. Cela aggravera la situation des patients qui voient lemême médecin depuis des années, depuis 20 ou 40 ans dans certains cas, et qui devront trouver quelqu'un d'autre qui réponde à leurs besoins.

Le sénateur Cools: J'ai rencontré des personnes comme votremère qui cesse de voir un médecin après le départ à la retraite de leur médecin de famille. Nous nous pencherons sur cette question.

[Français]

M.Cormier: Une visite chez le médecin aujourd'hui n'est pas toujours une expérience agréable. On s'assoit dans une salle froide, et, pour les hommes, on nous fait enlever nos vêtements jusqu'à la ceinture, on gèle en attendant qu'on vienne prendre notre pression, et après une vingtaine de minutes, il y a un médecin qui vous dit: «Je t'envoie faire une rectoscopie», alors qu'on allait voir le médecin pour de la fatigue. Il est très important pour une personne âgée d'avoir quelqu'un qui comprend le phénomène du vieillissement, la difficulté d'adaptation des personnes âgées, et qui sait être à l'écoute et cerner les vrais problèmes. Je crois que la plupart du temps, les patients âgés ne disent pas ce dont ils souffrent. C'est trop énervant.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Oui, c'est juste. Peut-être qu'on pourrait inclure cela sous la rubrique «relations médecin- patient», ou quelque chose du genre. Peut-être pourrions-nous inclure une petite partie à ce sujet dans notre rapport.

Dans cette région du pays, dans vos localités, les médecins répondent-ils aux besoins émergents — ceux d'une très grande population vieillissante — et la profession s'adapte-t-elle en étudiant davantage la gérontologie et la gériatrie? Hier, nous avons entendu des médecins qui nous ont dit que la gérontologie ou la gériatrie n'est pas un sujet très excitant et que ce n'est pas un domaine de la médecine qui semble très rentable. Mais l'un des médecins a déclaré que, selon lui, si tous les médecins étudiaient la gériatrie, notre monde n'en serait que meilleur. Qu'en est-il de vos médecins francophones? S'intéressent-ils un peu à la gériatrie?

[Français]

M.Bélanger: À l'Université de Moncton, à la nouvelle école de médecine, les jeunes médecins sont informés de toute laquestion des aînés francophones. L'université a même un programme qu'on appelle «Grouille rouille», qui veut dire: si tu ne te grouilles pas, tu vas rouiller. C'est un programme qui se préoccupe du vieillissement de la population. Le programme de l'école de médecine touche à beaucoup d'éléments ici à Moncton. Il y a vraiment une sensibilisation, mais je ne pourrais dire si les médecins d'un certain âge le font, je n'ai pas de statistiques. Probablement que l'association des médecins ou le corps médical pourrait nous le dire. Mais, il y a une certaine chose qu'il faut faire à titre préventif et c'est de promouvoir l'activité physique. Une collaboration entre les médecins et diverses associations dans ce travail de sensibilisation améliorerait la situation. Il importe de dépasser la médication systématique et encourager l'activité physique, récréative, culturelle ou de mieux-être. Je dis qu'il y a espoir, puisque la nouvelle planification médicale semble beaucoup plus engagée qu'elle ne l'était autrefois, surtout dans le secteur de la médecine familiale. Il y a du progrès.

M.Cormier: Est-ce qu'on s'adapte au phénomène de la population vieillissante? Je crois que oui, mais ce n'est qu'un début. Je fais partie d'un comité à un hôpital de Moncton qui rencontre des gens de la communauté pour voir comment on pourrait mieux traiter la population vieillissante. Je vous suggère de lire, si vous avez le temps, le livre Head First, The Biology of Hope, ou sa version française, Le rôle du moral dans la guérison, Labiologie de l'espoir, de Norman Cousins. L'auteur dit que la plupart des gens qui vont voir un médecin, c'est pour être rassurés.

J'ai 71 ans et les biens matériels m'intéressent beaucoup moins. J'ai un certain salaire, je n'ai pas besoin de plus d'argent, mais je tiens à ma santé. Quand on vieillit, on est plus conscient de notre mortalité et quand on a besoin d'aller voir un médecin, on a besoin d'être rassuré; qu'on nous dise : «Ce que tu as là, c'est une grippe, et cela va prendre deux semaines, rentre chez vous, repose-toi, peut-être que tu en mènes trop large, peut-être que tu fais trop d'activité», mais souvent ce n'est pas ce qu'on fait. On nous envoie faire un test et cela me donne l'impression que les médecins ne se font pas confiance. Il me semble que quand j'étais jeune, les médecins nous rassuraient davantage. Maintenant, c'est tout de suite des tests dans les hôpitaux, avec des attentes à n'en plus finir.

Je crois qu'il faut absolument que les médecins généralistes, s'ils ont de la formation continue, aient des cours de gériatrie et apprennent à adapter leurs soins aux personnes vieillissantes. On n'insistera jamais assez sur l'importance de rassurer les gens, d'évaluer la médication et de demander aux patients d'amener leur sac de pilules pour voir s'ils ne pourraient pas en jeter les trois quarts. Je suis convaincu que dès le jeune âge il faut rendre les gens responsables de leur santé. Trop souvent, on met la responsabilité de notre santé entre les mains des professionnels. Certaines personnes qui sont sorties du monde médical disent que c'est la plus grande faillite que l'ère moderne ait connue.

[Traduction]

Le sénateur Cools: J'aimerais bien pouvoir répondre à chacunede vos nombreuses observations, mais nous n'avons malheureusement pas suffisamment de temps. Je relirai vos remarques. Vous avez dit entre autres que les êtres humains ont besoin d'être rassurés. Vous nous ramenez à l'élément essentiel selon lequel quand on vieillit, on prend conscience du peu de temps qui reste, de sorte que toute maladie devient une expérience psychologique. Le phénomène est donc double: le corps vieillit et les maladies apparaissent, mais, en même temps, l'être humain vit une expérience psychologique très profonde. Nous avons déjà abordé ce sujet ici, au comité, et il nous reste à traduire cela en mots pour notre rapport. Je comprends donc ce que vous dites.

Je sais que les universités offrent des cours, mais ils s'adressent essentiellement aux étudiants en médecine qui fréquentent l'université. Avec ma question, je tentais de déterminer si, sur le terrain, dans vos collectivités, les médecins réagissent et tentent d'acquérir ces connaissances cruciales.

M.Smith: Pour répondre à votre question, notre fédération des aînés a entrepris de créer un comité de recherche qui se penchera sur l'incidence du vieillissement au cours des cinq à dix prochaines années; nous espérons faire le gros de la recherche sur le terrain et mettre à contribution les professionnels.

La présidente: Nous avons entendu hier trois médecins qui ont d'abord voulu dissiper l'idée selon laquelle on vit plus vieux et on est assez bien nanti à la fin de sa vie. Je crois que ces médecins ont raison. Les économistes nous diraient probablement que ceux d'entre nous qui sont actuellement des aînés — à l'exception de ces deux personnes qui n'en sont pas encore à ce stade, nous sommes tous dans cette situation —, sont probablement la génération la plus privilégiée. Nos enfants et les générations futures ne disposeront peut-être pas autant d'argent que nous, à moins que nous leur en laissions.

Ils ont également dit que, compte tenu du taux d'obésité, de lamultiplication des cas de diabète et du mode de vie, les programmes de prévention deviennent absolument essentiels. Nous savons tous ce que sont les budgets gouvernementaux. J'ai fait parti du gouvernement du Manitoba pendant huit ans et il est presque impossible d'obtenir des fonds pour des programmes de prévention, que ce soit pour les jeunes délinquants, les jeunes de la rue ou encore les soins de santé. C'est parce que le député pense toujours à ce qu'on va lui reprocher: la personne qui n'a pas obtenu des soins d'urgence, ou encore la personne qui n'a pas pu consulter un médecin. Il est donc normal que les élus soient attirés par des besoins immédiats et non par les besoins qui ne sont d'une part, pas quantifiables et, d'autre part, même s'ils étaient quantifiables, ce ne serait que dans dix ou 15 voire même 30 ans. Nous vivons dans le présent et non dans l'avenir.

Avez-vous des idées sur la façon dont on pourrait apporter des changements? Nous savons que c'est essentiel. Si nous voulons avoir des aînés actifs, en bonne santé et qui font du bénévolat, il faut qu'il y ait des conditions propices. Ces personnes doivent faire du bénévolat quand elles sont jeunes afin d'y prendre goût. Ce n'est pas à 80 ans qu'on se met en forme: si l'on veut des aînés en bonne santé, il faut que ces derniers aient eu un mode de vie sain pendant toute leur vie. Les bonnes habitudes doivent se prendre dès le jeune âge et non à 80 ans.

Il y a quelques années, j'ai été désolé quand ma fille, qui, en passant, monsieur Cormier, est enseignante comme vous et comme je l'ai été, m'a appris que son enfant, qui était en quatrième année, devait s'asseoir après avoir marché une distance de deux rues. Ni son énergie ni sa forme physique ne lui permettaient d'en faire plus. Comment pouvons-nous changer cette attitude?

[Français]

M.Cormier: La différence entre la Chambre des communes et le Sénat, c'est que vous êtes nommés, et je crois que c'est une bonne chose pour autant que le Sénat ne devienne pas une institution partisane.

Les députés de la Chambre des communes et dans nos assemblées législatives sont élus. Ils doivent courir après des votes, et parfois même ils font construire un hôpital, là où on n'en avait pas besoin — et je ne nommerai pas d'endroits au Nouveau-Brunswick — et où il y avait quand même des établissements à côté qui étaient corrects et étaient en mesure de répondre aux besoins de la population. Toutefois, parler de prévention, comme vous le disiez, la prévention, cela se mesure, mais cela se mesure moins bien qu'un gros édifice où on va couper un ruban.

Vous avez parlé, il y a une minute, du sénateur Louis J. Robichaud, quand il a mis en place son régime de chances égales pour tous. Il envoyait au moins un des commissaires, et je crois que c'était le commissaire Alexandre Boudreau, soit en Suède ou en Finlande, et ils ont conclu que la province devrait au moins, dans les domaines tels que l'éducation et la santé — pour ne nommer que ces deux-là — avoir des commissions administratives, comme cela se faisait dans des pays nordiques. C'est la seule chose que le gouvernement Robichaud n'a pas acceptée dans sa réforme. Pourquoi? Parce que cela aurait enlevé aux politiciens la possibilité de bâtir des hôpitaux, des écoles et ainsi de suite, alors que la commission aurait été formée de spécialistes et d'experts pour étudier la démographie de la région, par exemple, pour cibler où il y a besoin d'un hôpital, d'une école, et cetera. Je me surprends à regretter le fait que le Nouveau-Brunswick n'ait pas adopté ce genre de système politique où les politiciens auraient évalué la situation et voté des budgets en conséquence. Mais, madame la présidente, je crois que nous allons passer encore beaucoup de temps à régler les besoins immédiats plutôt que d'adopter des politiques à long terme.

[Traduction]

La présidente: Moi, j'appelle cela le «complexe de l'édifice».

[Français]

M.Bélanger: Effectivement, madame la présidente, vous avez touché un point important. C'est certain qu'un gouvernement cherche toujours à se faire réélire aux quatre ans. Mais quand on parle de prévention, on parle d'un programme à long terme. Enmatière de sensibilisation, il y a aussi toute la question intergénérationnelle. Il faut sensibiliser nos populations, mais aussi nos enfants et nos petits-enfants au phénomène du vieillissement. Il faut changer les perceptions sur ce que nous sommes, nous, les aînés; on nous voit comme une génération qui a tout eu, et à cause du vieillissement de la population on nous croit responsables des compressions budgétaires en santé. On ne regarde pas le côté positif et on oublie que les aînés contribuent ou ont contribué comme citoyens payeurs de taxe, qu'ils ont fondé des familles, travaillé, fait du bénévolat.

De notre côté, nous les aînés, on doit aussi travailler pour voir comment on peut changer, améliorer ou influencer les politiques de nos enfants, de nos petits-enfants. On ne regarde pas assez ce côté des choses. On doit continuer à le faire et se préoccuper de la cause de nos aînés. Je crois qu'en parallèle il faut être conscient de ce qui arrive dans la société, car on ne sait pas comment nos enfants, nos petits-enfants profiteront des programmes sociaux ou de régimes de pension et ainsi de suite. Il y a moins de gens qui travaillent et plus de gens à la retraite, cela veut dire qu'il y a beaucoup de facteurs qui peuvent influencer.

Je crois que nous pouvons contribuer comme aînés à faire ces liens intergénérationnels. Il n'y a pas assez de projets, il n'y a pas assez de liens. Cela est un autre facteur. Il importe de favoriser une meilleure compréhension de la situation actuelle des aînés chez les générations futures. Ce sont des électeurs, ils seront aussi des représentants plus tard et cela compte à long terme. Je crois que si on cherche une solution miracle à court terme, elle n'est pas évidente.

Je crois qu'il faut travailler à long terme, il faut continuer d'éduquer nos gens, il faut continuer à parler de prévention. Avec le programme Nouveaux Horizons pour les aînés, on a des petits projets qui nous donnent accès à des fonds. Ce n'est pas encore assez. Je veux dire, quand on a un projet une année et l'année d'après on ne peux pas le continuer, il faut en demander un nouveau. Si on peut faire une différence en trois ans, cela peut devenir un projet autonome. Mais, on ne peut pas le faire. Les programmes gouvernementaux, que ce soit au provincial ou au fédéral, sont tous pareils. Dans le sens qu'il manque de continuité, malgré des résultats positifs du projet. Nous avons de la difficulté à poursuivre certains projets. Si on veut continuer à avoir quelque chose, il faut toujours s'aligner avec ce que les gouvernements veulent, et non pas avec nos besoins. C'est cela qui fait la différence dans beaucoup de secteurs.

Je suis conscient que les questions de sensibilisation et de prévention ne sont pas évidentes parce que pour un parti politique, ou un politicien, cela ne donne pas de résultats tout de suite, ce n'est pas palpable.

L'Université de Moncton a remis sur pied le Centre de recherche du vieillissement en français pour les provinces de l'Atlantique. On a eu une réunion dernièrement avec des intervenants de Santé en français en Atlantique, et l'importance de la recherche est un point qui est ressorti. Il nous manque souvent des données, des études rigoureuses qui approfondissent les sujets relatifs aux aînés et aux minorités francophones. Il nous manque des données dans certains secteurs pour compléter les demandes de projet.

Prenons le phénomène de la pauvreté. On peut aller chercher certaines statistiques, mais jusqu'à une certaine limite; on peut voir le pourcentage des aînés qui reçoivent le Supplément du revenu garanti parce qu'ils vivent sous le seuil de la pauvreté. Cela est un autre secteur qu'on n'a pas touché. C'est une réalité dans la société. On a encore beaucoup de pauvreté chez nos aînés, surtout les femmes.

Au Nouveau-Brunswick, on a fait une étude il y a quelques années qui démontrait que 56p.100 des femmes francophones de65 ans et plus, qui vivaient seules, vivaient sous le seuil de pauvreté. Il y a un prix à payer pour de la nourriture de qualité et nous savons tous que cela fait partie d'un déterminant de santé important. Quand ils arrivent à l'épicerie, leur peu de revenu les incite à faire des choix et souvent, ce sont les dépenses relatives au logement qui prennent le dessus sur la nourriture.

Il y a un autre facteur au Nouveau-Brunswick, et notre association l'a un peu regardé aussi, ce sont les évaluations des taxes foncières. Il y a certaines villes au Québec où on a réussi à recevoir de l'information. Beaucoup d'aînés aimeraient demeurer dans leur maison le plus longtemps possible, mais sans revenu fixe ou de supplément de revenu, c'est très difficile. Le développement immobilier à la hausse dans certaines villes ou même d'un secteur côtier, fait que les aînés se sentent obligés de vendre leur maison. Même si la valeur de revente augmente, cela ne les aide pas. Chaque année ils doivent payer un certain montant de taxe et l'évaluation augmente annuellement de 200$ à 300$.

En collaboration avec le milieu associatif, on propose au gouvernement d'absorber ces coûts, et lorsque la maison est vendue, qu'il puisse récupérer la différence de la taxation comme montant chaque année. Au Québec, la ville de Candiac a offert ce programme. La personne a le choix de prendre ce programme. Ce programme a beaucoup de potentiel et permet à nos aînés de rester autonomes et de garder leur maison.

Le rapport de ce comité est très intéressant et nous espérons que le gouvernement fera tous les efforts nécessaires pour adopter ses recommandations. Ce n'est pas évident, ce n'est pas automatique.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Smith, j'ai lu votre mémoire et j'aimerais aborder le sujet des personnes vivant dans des hospices et de l'éventuelle nécessité d'une charte des droits du client, car je n'aime pas le terme patient, à l'intention des établissements de soins à long terme.

M.Smith: Oui, nous devrions disposer d'un genre de charte des droits du patient afin de défendre les droits des personnes vivant dans des hospices. Ce moyen n'existe pas actuellement et il y a toujours la possibilité de mauvais traitements. C'est donc très important.

La présidente: À une époque, si on devait placer un parent dans un hospice, il y avait souvent un membre de la famille qui vivait tout près et qui pouvait surveiller les soins prodigués et lui rendre visite régulièrement. C'est de moins en moins possible car les Canadiens deviennent de plus en plus mobiles. À Terre-Neuve, il y a toujours des habitants dans les petits villages isolés, mais ce sont des personnes très âgées. Les jeunes sont à Fort McMurray en train de gagner de l'argent. Les choses commencent à changer, mais c'est toujours la tendance dominante dans cette région... et jedois vous avouer mon parti pris, car même si je viens du Manitoba, je suis née et j'ai été élevée en Nouvelle-Écosse, et le nom de fille de ma mère était Martelle, ce qui devrait vous rassurer un tantinet. Il demeure que je suis très inquiète pour le patient ou le client qui n'a pas de défenseur. Qu'arrive-t-il dans de tels cas?

M.Smith: Vous avez tout à fait raison de dire que la mobilité de la population a des conséquences. Si l'on remonte à il y a 30 ou 40 ans, la famille entourait les aînés. Maintenant, les aînés sont plus ou moins délaissés et se retrouvent très seuls. Ils en souffrent non seulement sur le plan physique mais également sur le plan psychologique et c'est un problème sur lequel on doit se pencher.

MmeCassista: C'est un des domaines où j'ai une certaine expérience; je fais beaucoup de travail avec les personnes placéesdans des hospices. C'est la raison pour laquelle les aînéssouhaitent rester chez eux le plus longtemps possible. Malheureusement, nous avons 62 hospices au Nouveau-Brunswick dotés d'environ 4000 lits offrant des soins à partir du niveau 3. Toutefois, nous avons également des foyers de soins spéciaux. Il s'agit surtout de foyers qui ont ouvert leurs portes auxaînés en 1997 lorsqu'il y a eu un moratoire sur les places. Lorsque je suis arrivée au Nouveau- Brunswick il y a quatre ans et demi, mes recherches ont révélé que dans la plupart des cas, cesétablissements n'avaient pas de permis. Il existe toujours beaucoup de foyers de soins spéciaux qui n'ont pas de permis.

C'est ce qui a motivé notre coalition dans ses recommandations au gouvernement, et nous étions parmi les intervenants qui ont élaboré la stratégie visant les soins à long terme. Toutefois, la stratégie n'est pas dotée d'un plan et il nous reste un bon bout de chemin à faire. Depuis quatre ans et demi, moi-même, ainsi que la coalition, avons réalisé certains progrès en ce qui concerne les soins à long terme offerts aux aînés. Nous étions au bas de la liste. Les aînés qui étaient admis dans les foyers de soins se faisaient prendre leurs avoirs liquides. Ce n'est plus le cas maintenant, et la facture est établie en fonction du revenu.

Pour la plupart, les foyers manquent de personnel et il y a un roulement très élevé des employés en raison de l'insuffisance de la rémunération et de la formation. Les résidents des foyers, car nous les appelons ainsi plutôt que clients ou patients, ont été admis parce qu'ils sont frêles ou malades et ne peuvent plus vivre chez eux. Au Nouveau- Brunswick, nous n'offrons pas de soins 24heures sur 24 aux personnes vivant chez elles. C'est un besoin à combler. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement a conclu descontrats visant les soins à domicile avec des agences et la Croix- Rouge en prévoyant un taux de 13,64$ l'heure, ce qui fait que les employés ne reçoivent que 8 ou 9$ l'heure et font de 15 à 20 heures par semaine. Notre province a donc un problème de rétention et de formation. Bon nombre des aînés placés dans des foyers n'ont pas de proches pour s'occuper d'eux. Je l'ai vu l'année dernière lorsque ma mère a été placée dans un foyer pendant une période très courte. D'autres résidents partageaient sa chambre, et je ne voyais jamais les membres de leur famille. Je suis devenue la voix de ces personnes parce que leur nourriture était froide, la chambre était sale et ainsi de suite. C'est un problème qui existe toujours dans ma province. Nous en informons le gouvernement, et le gouvernement continue de direqu'il enquêtera lui-même. Nous appuyons donc la recommandation de l'ombudsman comme quoi toutes plaintes ou enquêtes devraient se faire par l'entremise de son bureau. C'est l'une de nos revendications et nous croyons que la charte des droits de notre province devrait être semblable à celle de l'Ontario. Le Nouveau-Brunswick accuse un retard énorme en ce qui concerne les soins à long terme.

[Français]

M.Cormier: Madame la présidente, vous me permettrez d'exprimer ma frustration devant l'ampleur de ce sujet. Si la province était au dernier rang, ou tout près, elle serait encore au septième rang, malgré toutes les améliorations qui ont été apportées au programme depuis un an ou deux. On égorgeait magistralement non seulement les résidents des centres d'hébergement en leur demandant de payer entre 54000$ et 75000$ par année, mais aussi les parents et les conjoints, si le résident n'avait pas assez de revenu. Cela crée chez plusieurs personnes une pauvreté qui n'existait pas avant que ces gens aient besoin d'aller dans des foyers de soins. Par exemple, pour une de nos membres dont le mari était un professeur d'université, cela prenait toute sa pension et une partie de ses revenus personnels; elle a ouvert un petit commerce à Fredericton, et elle a dû fermer parce qu'elle a fait faillite. Elle est âgée de plus 65 ans, et à l'heure actuelle, elle enseigne en Chine pour un salaire de 800$ par mois, pour essayer de payer toutes les dépenses qui ont été occasionnées par les prix fous qu'on exigeait des résidents. C'est terrible qu'on fasse cela à des gens qui ont vieilli, qui ont bâti la province. Ce qui était plus terrible, c'est que le Nouveau-Brunswick avait nommé un conseil des aînés, et la présidente disait qu'on ne pouvait demander au gouvernement d'améliorer les conditions, cela coûtait trop cher. Heureusement, le gouvernement l'a mis à la porte avec tout son conseil et a nommé un ministre responsable à la place. Il y a même des organismes d'aînés dans la province, et cela est frustrant, qui disaient que le gouvernement n'avait pas les moyens d'améliorer les conditions. Alors, tant et aussi longtemps que tous les organismes d'aînés ne feront pas cause commune, on n'y arrivera pas. C'est une des raisons pour lesquelles la coalition a été formée en 2004 et qu'elle ne fermera pas ses portes. Les membres de la coalition, soit 54 organisations membres, surveillent le gouvernement de près et agissent comme chien de garde. Nous entendons continuer le travail en ce sens.

M.Bélanger: Concernant un autre aspect de la question des aînés, on a proposé dans les consultations qu'on a faites l'année passée au niveau du développement social ou le secteur des aînés, d'avoir plus de prises en charge des aînés au niveau du comité d'évaluation. Au Québec, ils ont le programme appelé «Rose», je ne me souviens pas de l'autre, où des aînés font l'évaluation des foyers de soins d'autres aînés qui ont eu des professions dans différents domaines, allant de la construction au domaine médical. Le gouvernement leur donne une subvention, et il y avait des commissions de personnes qui étaient identifiées, et c'est eux qui faisaient l'évaluation et pas les fonctionnaires. Je ne dis pas que les fonctionnaires ne font pas leur travail, je leur donne le bénéfice de doute, mais, je pense qu'un aîné, qui a vraiment des compétences dans différents domaines, pourrait faire un beau travail d'évaluation et faire les recommandations. La province de Québec a ce programme, mais je crois que le gouvernement l'a enlevé à la FADOQ. Il semblerait que le gouvernement soit en train de négocier avec la FADOQ de nouveau parce qu'ils font un excellent travail. Il y avait au moins un aperçu réel par les aînés, pour les aînés, sur ce qui se passe dans les foyers de soins et les foyers privés. Au Nouveau-Brunswick, on en a parlé, mais on n'a jamais eu de réaction sur le sujet.

[Traduction]

Le sénateur Mercer: L'Université de Moncton a maintenant une faculté de médecine et je crois que c'est quelque chose que nous oublions. Moi-même, je suis natif de Halifax, qui n'est pas très loin, et je devrais m'en rappeler. Depuis quand la faculté existe-t-elle? Combien d'étudiants y sont inscrits? Quel est le nombre de diplômés de cette faculté et d'où viennent les étudiants qui y font leurs études? Vous n'êtes peut-être pas en mesure de répondre à ces questions.

[Français]

M.Bélanger: L'école en est à sa deuxième ou troisième année. C'est une nouvelle école de médecine à l'Université de Moncton, qui est sous la supervision de l'Université de Sherbrooke, parce que l'Université de Moncton n'a pas tous les éléments nécessaires. On espère qu'avec les années ils les auront, cela veut dire qu'ils vont être diplômés de l'Université de Sherbrooke, mais l'école est basée en Atlantique et tous les étudiants qui en font partie, soit une trentaine qui reviennent chaque année, viennent des provinces atlantiques. Il y en a peut-être quelques-uns du Québec, mais à ma connaissance pas beaucoup. L'idée, c'était de former des médecins en Atlantique, pour qu'ils y restent et y pratiquent leur profession.

Tantôt, on a beaucoup parlé des minorités linguistiques. J'aimerais souligner qu'au Nouveau-Brunswick, l'harmonie entre anglophones et francophones s'est beaucoup améliorée avec les années. Il y a davantage de compréhension entre les deux cultures, les deux langues. On a fait beaucoup de progrès, car les groupes anglophones et francophones font partie de la coalition. Lorsqu'on a des situations communes à traiter avec le gouvernement, on les traite ensemble. Donc, il y a une certaine harmonie. Le rôle de notre association, c'est vraiment de défendre les droits et les intérêts, parce que les organismes bilingues ne défendent pas les droits linguistiques et culturels. Je respecte cela. C'est pour cela qu'on existe depuis 2000, parce que nos aînés n'avaient personne pour défendre leurs droits et leurs intérêts.

J'aimerais aussi souligner la déception des francophones en ce qui concerne l'abolition des cours d'immersion au Nouveau-Brunswick. Le gouvernement a fait des compressions budgétaires dernièrement, et après une évaluation scolaire ils ont aboli le programme précoce d'immersion de la maternelle à la sixième année. On trouve cela vraiment déplorable parce que ce programme a sensibilisé les anglophones à la cause des francophones au Nouveau-Brunswick.

Dans cette étude, on n'a pas évalué l'impact de l'abolition du programme. Une immersion précoce au français favorise une meilleure compréhension de la francophonie au Nouveau-Brunswick tant du point de vue des parents que des enfants. Il y a quand même eu beaucoup d'amélioration au Nouveau-Brunswick. Il y a beaucoup plus d'harmonie et on espère que cela va continuer en s'améliorant, pour devenir un exemple pour le reste du Canada. Et pourquoi pas?

[Traduction]

M.Smith: Pour répondre à votre question sur la faculté de médecine, je crois que c'est la deuxième année pour l'Université de Moncton. Il existe un plan pour créer un centre de formation médicale anglophone à Saint John, Nouveau-Brunswick, et ce centre sera affilié à l'Université Dalhousie. Je crois comprendre que le gouvernement espère que tout sera mis sur pied d'ici deux ans.

Pour conclure, nous avons une question à poser au comité. Nous trouvons le rapport excellent. Toutefois, c'est le gouvernement provincial qui fournit la plupart des services aux personnes âgées au Nouveau-Brunswick. Prévoyez- vous, une foisce rapport terminé, inclure les provinces dans vos recommandations? Comment envisagez-vous que cela se fasse?

La présidente: Nous avons tenté de rencontrer les provinces. Hier, nous avons rencontré le ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse, par exemple. Évidemment, notre mandat est surtout fédéral, c'est-à-dire de faire comprendre au gouvernement fédéral qu'il a une grande responsabilité envers une société vieillissante au Canada. Nous espérons que certaines des recommandations accorderont aux provinces du financement supplémentaire qui leur permettront d'acheminer ces dollars aux personnes âgées. Notre intention n'est pas de diriger les services au niveau fédéral. Nous ne croyons pas que cela puisse fonctionner. Nous considérons que plus un gouvernement est proche des gens, plus il est probable que ces services soient offerts d'une façon qui réponde aux besoins de ces gens. Nous reconnaissons néanmoins que c'est le gouvernement fédéral qui a le plus d'argent.

Si nous devions avoir, par exemple, un programme national desoins à domicile, un programme national d'assurance-médicaments et d'autres prestations pour les personnes âgées; si nous pouvions même nous assurer que toutes les personnes âgées perçoivent l'argent du fédéral auquel elles ont droit — car nous savons qu'il y a des personnes âgées qui ne perçoivent pas le Régime de pensions du Canada et d'autres qui sont admissibles au Supplément de revenu garanti et qui ne le reçoivent pas — si nous pouvions apporter ce type de changements, nous croyons qu'il serait plus facile pour les gouvernements provinciaux de fournir les services essentiels dont ont besoin les personnes âgées de notre pays. Voilà l'essentiel de notre position. Nous espérons pouvoir déposer notre rapport final le 30 septembre. Peut-être que ce sujet alimentera la prochaine campagne électorale.

J'aimerais remercier M.Smith, M.Cormier, M.Bélanger et MmeCassista de leurs exposés ce matin.

Sénateurs, nous avons maintenant deux groupes de témoins qui vont se joindre à nous: M.Dennis Driscoll, président du Comité des anciens combattants et des aînés de la Légion royale canadienne, direction du Nouveau- Brunswick; de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, nous avons Debra Keays-White, directrice régionale pour la région atlantique; Wade Were, conseiller principal par intérim en Politiques et Planification stratégique; et Peter McGregor, conseiller spécial, Soins à domicile et communautaires. Bienvenue à tous, et nous débuterons avec M.Driscoll.

Dennis Driscoll, président, Comité des anciens combattants et des aînés, la Légion royale canadienne, direction du Nouveau-Brunswick: Les membres de la direction du Nouveau-Brunswick et moi-même avons consulté votre rapport avec grand intérêt. J'ai noté quelques points de discussion. Le premier point que je souhaite soulever est l'identification des personnes âgées. Tout au long du rapport, les personnes âgées sont identifiées en groupes individuels, soit ethnique, géographique, lié à l'emploi ou aux conditions de santé. Les personnes âgées sont des personnes et ne devraient pas être définies que par l'âge avec une base de référence au besoin. Cela fait référence à des groupes compartimentés, et tant que cette façon de penser persistera, les politiques nationales, les stratégies à long terme, etcetera, seront difficiles à mettre en œuvre.

Pour faire entendre une voix unanime, il faudrait créer un comité national sur des questions relatives aux services aux personnes âgées assorti d'une stratégie pour s'assurer que toutes les personnes âgées au Canada reçoivent les mêmes services. On l'a envisagé il y a quelques années. J'ai siégé au Comité de la Légion royale canadienne, direction nationale. Nous avons réuni différents groupes et avons essayé de trouver des idées semblables. À l'époque, ce n'était pas réalisable. Je crois toujours que c'est réalisable à long terme, mais cela exigera beaucoup de direction.

A propos de la toxicomanie et des personnes âgées, un pourcentage de la population âgée est dépeint négativement étant la cible de gains financiers grâce aux programmes gouvernementaux qui exploitent les casinos, les loteries, et les régies des alcools. Il faut retirer les personnes âgées de ce public cible. Je suis sûr que nous avons tous vu les annonces pour les casinos à la télévision qui montrent des autobus de personnes âgées ou un groupe ethnique qui tentent de lever des fonds, et c'est identifié de cette façon. Le problème gagne en importance et les personnes âgées n'en ont pas connaissance. Typiquement, «Georgette» va au bingo, et dans le temps de le dire, elle dépense 400$ par semaine au bingo. Par conséquent, même si elle a des ressources, elle les épuise et cela crée divers problèmes.

La question des valeurs mobilières et des personnes âgées prend de l'ampleur depuis un certain temps. Il faudrait créer un groupe qui offre des recours pour traiter des questions d'investissements qui ont épuisé le capital de départ de façon douteuse. On a documenté plusieurs cas, et il n'existe pas encore de recours — c'est à l'investisseur de prendre garde. Nous avons entendu plusieurs histoires à la Légion royale canadienne et il semblerait que la tendance soit l'investissement par affinité. Quelqu'un se présente à une organisation, à un groupe sportif, avec une stratégie d'investissement et tout à coup le groupe au complet adopte cette stratégie d'investissement et le capital est épuisé, ce qui laisse les personnes âgées démunies. Elles sont la cible principale. Il ne semble pas qu'il y ait de recours possibles dans ces cas-là.

Le Canada atlantique connaît présentement un boom économique. On a pu constater dans différentes régions duCanada qu'une croissance économique entraîne une augmentation des impôts fonciers, du coût des aliments, etcetera, et la liste s'allonge. La plupart du temps, les personnes âgées sont les premières à en subir les contrecoups. Une compensation de l'imposition pour les propriétaires permettrait aux aînés de demeurer chez eux plus longtemps. Un compte d'arriérés pourrait être mis en œuvre et sa valeur serait payée après disposition de la propriété. J'ai écouté avec intérêt lorsque les intervenants précédents ont identifié ce type de problème.

Vous avez déjà recueilli une quantité énorme d'informations, et je vous en félicite. Ce dont je viens de vous parler n'étaient que des points qui m'ont sauté aux yeux lorsque j'ai lu votre deuxième rapport provisoire dont je souhaitais discuter avec vous. Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup. Vous avez soulevé des questions que nous n'avions pas abordées, donc je l'apprécie beaucoup.

[Français]

Debra Keays-White, directrice régionale, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, région de l'Atlantique, Santé Canada: Madame la présidente, permettez-moi de remercier le comité dem'avoir permis de vous renseigner sur le travail que nous accomplissons dans la région de l'Atlantique et de vous faire part de certains défis que nos clients membres des Premières nations et des Inuits et nous-mêmes devons relever.

Notre service entreprend, de concert avec des organisations et communautés des Premières nations et des Inuits, de nombreuses activités qui visent à aider les membres de la population à demeurer en bonne santé et à prévenir les maladies chroniques et contagieuses. On pourrait considérer que nous travaillons «en amont» et que nos efforts visent surtout les jeunes résidents des réserves et des communautés Inuits.

Le gouvernement fédéral assure ces services de santé en se fondant sur des politiques et des pratiques établies depuis longtemps, et il aide les provinces et les territoires à dispenser des services de santé à tous les Canadiens, y compris les Autochtones.

[Traduction]

Dans la région de l'Atlantique, il y a 33 Premières nations et cinq collectivités inuites dispersées géographiquement sur nos quatre provinces. La taille des collectivités varie de 50 à plus de3000 résidents. La plupart des collectivités ont moins de500résidents. Au total, il y a 23000 résidents dans ces collectivités pour la région de l'Atlantique, et le budget de la région de l'Atlantique pour la gestion des programmes de santé pour les Premières nations et les Inuits est d'à peu près 90 millions de dollars.

Nous offrons un large éventail de programmes communautaires et publics, qui ciblent surtout les enfants et les jeunes, la santé mentale et la toxicomanie, les maladies chroniques et la prévention de blessures, la lutte contre les maladies transmissibles et la santé environnementale.

Santé Canada gère aussi le Programme des services de santé non assurés. Dans la région de l'Atlantique, ce programme vient en aide à environ 40000 membres admissibles des Premières nations et des Inuits qui sont, à 14p.100, âgés de 55 ans ou plus.Dans la région de l'Atlantique, nous dépensons près de 32millions de dollars en services divers qui comprennent les médicaments délivrés sur ordonnance, les soins de la vue, les soins dentaires, le transport pour l'obtention de soins médicaux et autres services qui intéressent les aînés et les jeunes clients.

La région de l'Atlantique joue un rôle restreint en matière de soins primaires. Nous mettons en œuvre un programme d'hygiène buccodentaire et un programme des soins à domicile et en milieu communautaire. Les soins primaires relèvent généralement des quatre gouvernements provinciaux.

Nos programmes sont généralement mis en œuvre par des communautés ou des organisations des Premières nations et des Inuits qui bénéficient d'une grande souplesse et d'une grande autonomie dans leur façon de gérer les fonds affectés au programme de Santé Canada et d'offrir des services. Les Inuitsdu Labrador sont visés par une entente d'autonomie gouvernementale alors que de nombreuses communautés des Premières nations ont conclu des ententes de transfert.

Le Programme des soins à domicile et en milieu communautaire met l'accent sur les besoins des aînés. L'an dernier, 56p.100 des 1 243 clients des Premières nations et des Inuits qui se sont prévalus de ce programme étaient âgés de 55 ans ou plus.

Le budget affecté annuellement aux soins à domicile et en milieu communautaire dispensés aux Premières nations s'élève àenviron 5 millions de dollars, soit 6p.100 de notre budget régional. Les budgets alloués aux soins à domicile des communautés oscillent entre 13000$ et 544000$. Étant donné la taille réduite des populations, plus du tiers des communautés reçoivent annuellement moins de 55000$.

Le Programme de soins à domicile et en milieu communautaire vise à inciter les communautés des Premières nations et des Inuits à participer directement à la planification, à la mise en œuvre et à la prestation des services.

Le Programme de soins à domicile et en milieu communautaire comprend des éléments de services essentiels, notamment des services de soins infirmiers à domicile; des services de soins personnels et de soutien à domicile, qui sont un complément du Programme d'aide à la vie autonome d'Affaires indiennes et du Nord Canada; des soins de relève de courte durée à domicile; et l'accès à des fournitures médicales et à de l'équipement médical.

Si ces besoins essentiels sont satisfaits et si la communauté possède suffisamment de ressources pour combler d'autres lacunes sur le plan des soins à domicile et en milieu communautaire, elle est encouragée à le faire. Parmi ces autres services qu'elle pourrait offrir figurent la livraison de repas, les programmes de jour pour adultes et les soins palliatifs à domicile. Cependant, rares sont les communautés qui ont les moyens de dispenser ces services.

Pour de nombreuses communautés, la prestation de ces services essentiels de soins à domicile représente un défi pour diverses raisons, notamment l'isolement et l'éloignement de bon nombre de communautés et la taille réduite du programme à l'échelle communautaire, ce qui ne permet pas la réalisation d'économies d'échelle. Le système provincial aussi se heurte à bon nombre de ces difficultés en milieu rural.

Nous nous employons à trouver, avec les Premières nations des régions de l'Atlantique, des moyens de définir des priorités en matière de soins à domicile et d'autres programmes. Voici les besoins qui ont été exprimés lors de consultations tenues avec lesPremières nations sur les programmes de soins à domicile: l'amélioration de l'accès à des soins de réadaptation, des programmes de jour, des établissements de santé de longue durée, des soins palliatifs, des soins de santé mentale et du counseling nutritionnel; l'amélioration dans la flexibilité de l'offre des services, c'est-à-dire la fin de semaine et en soirée; un accès accru des intervenants à l'éducation et à la formation; l'amélioration de la planification des congés; l'amélioration des possibilités de transport; et la résolution de questions de compétence.

Selon les communautés qui disposent d'un budget restreint enraison de la taille de leur population, il est financièrement impossible de recruter des fournisseurs de soins à domicile et peu pratique d'acquérir ce service si les patients ayant besoin de soins sont le moindrement nombreux. Si un résident ou deux d'une communauté ont des besoins intenses, ils peuvent épuiser toutes les ressources disponibles.

De manière générale, il est difficile d'attirer et de maintenir en poste des professionnels et des intervenants qualifiés en soins à domicile, et ce problème est accentué dans les communautés des Premières nations et des Inuits, en raison de leur emplacement, de l'absence de soutien professionnel, des taux de rémunération et du régime de travail qui est dans bien des cas à temps partiel.

Les communautés reçoivent aussi des fonds du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, dans le cadre de son Programme d'aide à la vie autonome. De plus, une coordination accrue des services avec les services de santé financés à l'échelle provinciale profiterait aux communautés.

Dans les communautés inuites du Labrador, les fonds accordés par le gouvernement fédéral facilitent la prestation de services desoins à domicile aux bénéficiaires de l'Accord sur les revendications territoriales alors que les services financés par laprovince s'adressent aux autres résidants de ces petites communautés éloignées. Le gouvernement du Nunatsiavut veut négocier avec la province les conditions d'une entente de partage de coûts liés à la mise en œuvre d'un seul programme.

Santé Canada remédie en partie, grâce à son Fonds de transition pour la santé des Autochtones, au problème de coordination des services de santé financés par des sources fédérales et provinciales. Ce petit fonds vise un double objectif: améliorer l'intégration des services de santé subventionnés par legouvernement fédéral dans les communautés des Premières nations et des Inuits aux services de santé des provinces et des territoires, et aider les provinces et les territoires à adapter leurs services de santé pour qu'ils répondent mieux aux besoins de tous les peuples autochtones.

Grâce à ce fonds, nous avons pu investir dans la région de l'Atlantique plus de 6,5 millions de dollars en projets destinés auxcommunautés des Premières nations et des Inuits et aux provinces, en vue de favoriser la coordination des services de santé avec ceux qui sont financés par les provinces, leur intégration et leur adaptation.

Un projet qui présente un intérêt particulier pour ce comité concerne un partenariat entre les Premières nations de la Nouvelle-Écosse et la Direction générale des soins prolongés du ministère provincial de la Santé.

Un modèle de planification des congés de l'hôpital à la réserve, dans le domaine des soins à domicile, sera mis en œuvre partout dans la province dans le cadre de ce projet. De plus, une évaluation des besoins et des capacités sera réalisée avec le service de soins à domicile dans les réserves en vue de l'élaboration d'uncadre provincial de soins à domicile destiné aux Premières nations. Enfin, les partenaires responsables du projet sont déterminés à créer un forum tripartite permanent sur la politique des soins continus.

Nous pensons que ces mesures favoriseront la coordination desservices et l'élaboration d'un continuum de soins prolongés destinés aux Premières nations de la Nouvelle-Écosse, et qu'elles présenteront de l'intérêt pour d'autres provinces et territoires.

Les chefs des Premières nations de la région de l'Atlantique ontdéterminé que les «soins aux aînés» représentent un enjeu hautement prioritaire auquel il faut s'attaquer cette année. Les chefs souhaitent une stratégie qui trouve les ressources locales voulues pour permettre aux aînés de demeurer le plus longtemps possible dans la communauté. Ils recherchent aussi une stratégie qui tienne compte de la compétence culturelle, de la qualité des soins et de l'accès aux soins des personnes admises dans des établissements de soins prolongés hors réserve. Une stratégie en la matière est élaborée par Santé Canada en partenariat avec les Premières nations.

La prestation de services adaptée à la réalité culturelle est un facteur important à prendre en considération dans la mise en œuvre des programmes. Les aînés des Premières nations qui sont admis dans un logement supervisé ou un établissement de soins de longue durée doivent se réinstaller loin de leur milieu familial etculturel. Comme il n'existe pas d'établissements de soins de longue durée dans les communautés des Premières nations, nos clients nous indiquent que les établissements hors réserve ne représentent pas un environnement sûr au plan culturel. Le nombre d'aînés des Premières nations dans les provinces de l'Atlantique qui choisissent cette option est négligeable. Nous devons, de concert avec les provinces, faire en sorte que cet idéal soit respecté.

À l'échelle nationale, le gouvernement du Canada et les organisations des Premières nations et des Inuits ont entrepris une recherche afin de se faire une meilleure idée des services de soins continus offerts à domicile et en établissement dans les communautés des Premières nations et des Inuits.

Un groupe de travail conjoint s'occupe de revoir les recommandations issues des recherches, d'élaborer un cadre stratégique sur les soins continus et de préparer une analyse stratégique à l'appui des décisions à prendre pour améliorer les services de soins continus destinés aux Premières nations et aux Inuits.

Pour terminer, Santé Canada poursuivra ses efforts en vue d'améliorer les soins aux aînés, non seulement dans le cadre du mandat relatif à ce programme, mais aussi en collaboration avec d'autres ministères provinciaux et fédéraux et ses partenaires de Premières nations.

Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je serais maintenant ravi de répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup de votre exposé.

Je viens du Manitoba et j'ai visité la grande majorité des communautés des Premières nations de ma province. Je n'ai jamais été à Shamattawa mais ai eu l'occasion d'aller à Pukatawagan, Norway House, Oxford House et Grand Rapids. Je connais donc un certain nombre de communautés et je me pose de sérieuses questions quant à la flexibilité des programmes qui sont assurés. Permettez-moi de vous donner des exemples précis. À un moment, le gouvernement fédéral a décidé qu'Oxford House aurait droit à un chauffe-couverture, qui coûte 1000$, pour décider, deux semaines plus tard et après la livraison du chauffe-couverture, que l'institution n'y avait pas droit. En vertu de la réglementation pertinente, les patients d'Oxford House peuvent rester dans la communauté, au poste de soins infirmiers, pendant une heure. Mais on sait pertinemment qu'ils y restent souvent plus longtemps. Dans ce cas, il faut les faire transporter jusqu'à Thompson, au Manitoba. Ainsi, étant donné qu'au Manitoba, l'hiver, la température peut atteindre moins 40 degrés, il est évident qu'il est nécessaire de fournir des couvertures chauffées aux patients devant être transférés. Le manque de souplesse est aussi évident dans les autoclaves rouillés que j'ai vus dans le même poste de soins infirmiers, par exemple. J'ai également constaté qu'on entreposait des médicaments dans une salle dont le plafond et les murs étaient couverts de moisissure.

Bien évidemment, à l'époque, j'en ai parlé au ministre de la Santé. J'étais également ministre à ce moment-là et la prestation de ces soins de santé soi-disant «souples» ne m'a pas trop impressionnée.

Vous n'êtes pas responsable de cette situation et je ne voudrais pas que vous pensiez que vous l'êtes. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de ce qui se fait à l'heure actuelle. En effet, nous devons assurer la prestation de services qui sont d'une façon ou d'une autre comparables aux services dont jouissent les non-Autochtones au pays, et il nous reste du travail à faire. Comment y arriver?

MmeKeays-White: Il n'a pas dû vous être facile de vous rendre dans toutes ces collectivités. En effet, il y a, au Manitoba, tant de collectivités éloignées. J'étais à Thompson la semaine dernière, en fait, mais fort heureusement, nous ne sommes pas en hiver. Je sais qu'il peut y faire très froid. À titre d'infirmière, je sais à quel point il est important d'avoir des couvertures chaudes. Je me souviens que j'étais heureuse d'en avoir quand j'étais moi-même patiente dans un hôpital bien chauffé. Ainsi, je vous comprends lorsque vous décrivez certaines de ces situations. Même si, comme vous le dites, je ne peux pas en être tenue responsable, j'aimerais tout de même contribuer à la solution. Il est clair qu'il existe des disparités dans notre pays. Je ne peux pas parler du tout de ce qui se passe au Manitoba. J'espère que dans le Canada atlantique on ne retrouve pas le type de situation que vous avez décrite mais je ne pourrais pas vous le garantir.

Comment devrions-nous nous attaquer au problème? Il est clair que nous allons devoir travailler en équipe. Nous faisons notre part dans le Canada atlantique en établissant des partenariats avec les divers organes des Premières nations, les organisations des Premières nations. Nous travaillons en étroite collaboration. Ici, nous avons adopté ce qu'on appelle une approche de cogestion. La plupart des collectivités bénéficient d'une façon ou d'une autre de transferts, et nous faisons de notre mieux pour inciter les communautés des Premières nations à s'autonomiser en leur donnant autant de contrôle et d'influence que possible en matière de gestion des ressources. Pour ce qui est de la quantité de ressources qui leur sont accordées, nous faisons tout notre possible pour en demander plus et en faisons la promotion aux tables nationales. Comme vous le savez, c'est le seul pouvoir décisionnel que je possède pour obtenir plus de fonds. D'autre part, nous donnons tout montant supplémentaire que nous obtenons directement aux collectivités des Premières nations pour qu'elles puissent s'en servir.

Au cours des dernières années, nous avons demandé aux chefs de nos Premières nations de déterminer leurs dossiers prioritaires pour que nous puissions y consacrer nos ressources et nos efforts discrétionnaires. Les deux questions prioritaires ayant été identifiées étaient la toxicomanie et la santé mentale; au troisième rang, ils ont cité les soins accordés aux aînés et aux personnes âgées. Ce qu'ils nous ont dit très clairement, c'est qu'ils se sentent moralement et culturellement obligés de garder chez eux leurs aînés aussi longtemps que possible. D'autre part, ils trouvent que les options disponibles en matière de soins de longue durée ne sont tout simplement pas acceptables. Elles ne sont pas culturellement appropriées.

Par conséquent, nous avons cherché des partenaires provinciaux et travaillons avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord, au moins pour agir dans l'intérêt des Premières nations. S'il nous est impossible d'augmenter le financement accordé, nous pouvons tout de même tenter de mobiliser les ressources disponibles pour essayer d'améliorer la coordination des services assurés et pour tirer partie des services que les groupes disparates pourraient assurer. Nous avons pu, par le biais du Fonds pour l'adaptation des services de santé aux Autochtones, convaincre le gouvernement provincial de nous rencontrer, ainsi que les collectivités. Ainsi il peut prendre connaissance des difficultés des différentes communautés. C'est pour nous une étape vraiment importante. Nous ne travaillons plus chacun dans notre coin. En effet, nous tentons maintenant de déterminer ce que nous pouvons offrir aux communautés et quel rôle ces dernières et les provinces peuvent jouer. La présence du ministère des Affaires indiennes permet aux fonctionnaires de comprendre comment en étant plus souple on peut améliorer ce qui existe déjà.

L'aspect financier n'est pas de mon ressort, comme vous le savez. Par contre, nous tentons au moins coordonner les montants et les ressources que nous avons pour que le modèle de prestations de services soit davantage intégré. Je pense que ce que nous faisons en Nouvelle-Écosse inspirera les autres provinces parce que les chefs des quatre provinces de l'Atlantique collaborent dans le cadre de la Atlantic Policy Congress of First nation Chiefs. Grâce à la bonne communication entre les différentes provinces, j'ose espérer que ce que nous faisons inspirera les autres.

La présidente: Merci. Je suis ravie que l'on prenne ces mesures.

Permettez-moi de vous donner un exemple d'un manque de communication. Je me trouve dans la réserve Sandy Bay qui est située à quelque 25 kilomètres de Portage la Prairie. Une jeune fille a été hospitalisée à l'hôpital de Portage la Prairie. Les médecins ont déterminé qu'elle a besoin d'un nébuliseur. Elle passe cinq jours supplémentaires à l'hôpital, ce qui coûte une fortune, en raison du manque de communication entre les gouvernements provincial et fédéral qui n'arrivent pas à s'entendre pour savoir qui devrait assumer les coûts du nébuliseur. Ce genre de situation se produit-il ici et dans l'affirmative comment faites-vous pour résoudre le problème?

MmeKeays-White: Je suis heureuse de vous dire qu'à ma connaissance ce genre de chose ne se produit pas ici. En général, les relations sont très bonnes entre les gouvernements provinciaux et notre personnel. Je mentirais si je vous disais que personne ne demande jamais de ressources supplémentaires et il est vrai qu'il arrive qu'on nous demande plus, à juste titre, que ce qu'on peut payer. Par contre, cela fait six ans que je suis en poste et, à ma connaissance, il n'a pas eu d'impasse entre les gouvernements provincial et fédéral. En général, nous sommes parvenus à régler nos différends.

La présidente: Monsieur Driscoll, à l'époque où les terminaux de loterie vidéo, les TLV, ont fait leur apparition au Manitoba, j'ai rencontré, par hasard, un prêtre ukrainien à l'aéroport. Je l'avais connu à Winnipeg et il s'était entre- temps installé à Dauphin. Il m'a dit grosso modo ce dont vous nous avez fait partaujourd'hui, à savoir que les babas, les grands-mères ukrainiennes, du jour au lendemain, n'étaient plus à la maison parce qu'elles allaient jouer au TLV. Dans une famille où les deux parents travaillent, c'est la grand-mère qui était à la maison pour accueillir les enfants lorsqu'ils rentraient de l'école. En outre, unefois, j'étais à l'hôtel Sheraton d'Halifax, qui est devenu le Casino Nova Scotia Hotel, et on a glissé sous ma porte un mot m'avertissant qu'il n'y aurait pas de service de petit déjeuner aux chambres le lendemain, à moins qu'on ne le précommande, parce que les personnes âgées de l'hôtel avaient été invitées à un petit déjeuner gratuit où on leur donnerait un coupon de 5$ qu'elles pourraient ensuite aller dépenser au casino. Voilà deux exemples qui démontrent qu'on cible les personnes âgées. Aimeriez-vous nous donner plus de précisions là- dessus?

M.Driscoll: Comme vous le savez sans doute, on vient d'accepter qu'un casino se construise sur la côte Magnétique, ici à Moncton. Depuis le début, la question a suscité une controverse. La Légion royale canadienne y a pris part, comme d'autres groupes, uniquement pour l'aspect financier. Il faut savoir que notre économie est devenue dépendante. En effet, toutes les formes de gouvernement et d'organisations ont besoin de revenus,et à moins que ces revenus ne proviennent d'autres types d'événements, les choix sont limités. Les autres types d'événements ne sont plus disponibles. Il ne serait pas envisageable de demander à une jeune femme qui travaille 60heures par semaine pour essayer d'élever ses deux enfants, de faire des tartes pour les vendre au profit d'un organisme caritatif. En raison du rythme effréné auquel les gens vivent, il n'y a pas suffisamment de bénévoles, et d'ailleurs nous avons déjà parlé de ce problème. Justement, on cherche une forme d'allègement fiscal pour les bénévoles. Tout le système fonctionne comme une roue qui ne cesse de tourner.

Pour ce qui est du jeu proprement dit, grâce aux TLV, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a empoché en bénéfices 133 millions de dollars l'an dernier. Quatre-vingt dix millions de dollars vont être investis à Moncton. On n'a pas encore dévoilé les recettes prévues; on garde ces informations dans une chemise secrète quelque part. Beaucoup de facteurs ont eu une incidence cette année. Par exemple, pour ce qui est des décisions relatives aux soins de santé, comme l'interdiction de fumer, l'impact économique a été massif des deux côtés; le secteur du tourisme a connu un déclin d'environ 30p.100. En effet, après le repas, les gens ne restent pas une ou deux heures de plus comme c'était le cas à l'époque où on pouvait fumer en buvant une autre bouteille de vin. C'est quelque chose qu'on ne voit plus du tout. Les gens mangent, puis partent pour se retrouver dans la demeure de quelqu'un.

La contrebande, pour sa part, a augmenté de façon substantielle. On trouve chez nous des cigarettes qui proviennent de toutes les régions du pays, sans parler des autres actes illégaux. La situation a un impact sur les personnes âgées en ce sens que c'est souvent chez grand-maman qu'on entrepose les cigarettes et c'est elle qu'on poursuit. Mais l'industrie du jeu n'est pas que négative; en effet, certaines formes de jeu ont été profitables dans d'autres pays. Par contre, pour ce qui est du Canada, je ne le sais pas, j'ignore dans quelle direction on se dirige, je n'en vois pas la fin. Si le casino au Nouveau-Brunswick est effectivement construit et si les choses se passent bien — désolé, madame le sénateur, mais en Nouvelle-Écosse, on n'a pas su tirer son épingle du jeu — ce sera la voie de l'avenir, Et, dans ce cas, il faudra alors mettre en place des processus permettant d'identifier les problèmes potentiels.

Comment ferons-nous pour protéger la femme de 75 ans qui vient de perdre son mari et qui n'a plus de compagnon? Elle a envie de s'occuper et elle voit des publicités l'encourageant à faire un voyage en autobus pour le weekend. Six mois plus tard, elle n'a plus d'argent; elle a dépensé tous ses revenus et personne ne sait comment cela a pu se produire. Encore une fois, elle devient un fardeau pour le système. Cela fait quelques années qu'on doit faire face à ce genre de problème et c'est de la faute de notre propre association. Il y a des gens qui dépensent tout leur argent, toute leur pension d'ancien combattant à jouer au TLV et qui doivent faire appel au Fonds du coquelicot pour payer leur facture de mazout. Ces gens se présentent comme des anciens combattants en détresse ayant besoin de nourriture et de logement, que nous leur donnons sans poser de question; c'est véritablement un cercle vicieux. Malheureusement, nous ne savons pas comment nous en sortir, pour le moment du moins.

La présidente: Merci. La dernière fois que j'ai vérifié, le Manitoba tirait des recettes de 450 millions de dollars du jeu.

Le sénateur Cordy: Moi aussi je viens de la Nouvelle-Écosse, etvous avez raison lorsque vous dites que les casinos font desmises à pied. Souvent lorsque des aînés sont victimes d'exploitation financière, les prédateurs sont des membres de leur propre famille, malheureusement, mais aussi, parfois, des organisations caritatives. Les familles découvrent que leurs parents dépensent d'importantes sommes suite à des appels de télémarketeurs. Vous êtes-vous penché sur cette question?

M.Driscoll: Oui, sénateur, nous l'avons fait. L'un des principaux problèmes que cela nous a permis de découvrir est illustré par le cas des anciens combattants qui, il y a quelques années, ont été la cible de jeunes femmes. Une jeune femme, dont la situation financière était précaire, ou qui songeait à son avenir, faisait des avances à un homme plus âgé, qui était un ancien combattant, avec des ressources et un revenu. Il ne survivait pas longtemps aux noces et elle continuait à faire la belle vie. Des dispositions ont été mises en œuvre pour interdire le transfert d'une pension à un conjoint lorsque le pensionné se marie passé l'âge de 61 ans. Ces nouvelles règles ont beaucoup aidé, quoiqu'un élément de la population en était très mécontent parce qu'il peut y avoir un homme de 59 ans qui souhaite épouser une femme de 30ans et subvenir à ses besoins — mais on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Cette mesure a été très controversée, mais elle donne de bons résultats; elle a réglé le problème à long terme, et ce genre de situation ne se produit plus tellement souvent.

Dans notre coin de pays, nous n'avons pas encore connu la grande vague de télémarketing qui a submergé la Colombie-Britannique et d'autres régions très peuplées, comme Toronto. Nous voyons tout juste la pointe de l'iceberg. De temps en temps, notre organisation entend parler d'un cas isolé. Souvent, on demande à quelqu'un de payer d'avance pour obtenir un rabais pour l'utilisation à long terme d'un article donné. Il existe des ressources pour aider les personnes visées qui sont prêtes à en parler. Cependant, nous constatons que la plupart des gens vivent dans leur petite bulle et qu'ils n'en sortent pas pour poser les questions qu'ils devraient poser. Nous avons perdu notre aptitude à communiquer et nous ne la retrouverons pas tant que les gens resteront chez eux. De nombreux chercheurs disent que d'ici dixans les compétences sociales des jeunes seront sérieusement compromises parce qu'ils auront passé trop de temps devant l'ordinateur et à utiliser des appareils électroniques. Nous n'aurons pas les compétences sociales nécessaires pour pouvoir nous défendre.

Le sénateur Cordy: Parfois je pense que les aînés sont gênés de dire à leur famille qu'ils ont perdu leur argent ou qu'ils l'ont donné.

Vous avez parlé du problème de l'isolement des aînés, et vous n'êtes certes pas le premier. Il est possible qu'un aîné se sente isolé dans une région rurale de l'Atlantique et je sais, étant moi-même de la Nouvelle-Écosse, qu'un certain nombre de nos jeunes partent pour gagner leur vie dans l'Ouest. Donc, ils n'ont plus de membres de leur famille près d'eux, quoiqu'on puisse être tout aussi isolé au centre-ville de Moncton ou d'Halifax. Vous dites que c'est angoissant de penser à l'avenir car les jeunes d'aujourd'hui jouent à des jeux vidéo et passent du temps devant l'ordinateur, ce qui est un genre d'activité inférieure. Est-ce qu'il y a quelque chose que nous devrions faire pour lutter contre l'isolement des aînés?

M.Driscoll: Justement, il faut trouver la solution. Si vous vous intéressez à une région ou à un groupe particulier, c'est plus facile que de chercher une solution universelle. À plus grande échelle, il faut utiliser les ressources de communication dont nous disposons, comme des comités comme le vôtre. Lorsque votre rapport sera déposé et adopté par le gouvernement, qu'il fera son chemin dans le système, il ne faut pas qu'il soit modifié. Il ne faut pas que les provinces reçoivent ce rapport et puissent le démolir pour répondre à leurs propres besoins, comme cela s'est fait dans le passé et comme cela continue à se faire.

À l'heure actuelle, chaque province possède une structure différente pour les aînés. Si c'est le gouvernement fédéral qui fournit en fin de compte l'argent pour financer ces activités, il faudra peut-être qu'il impose des conditions pour l'utilisation des fonds. Ils ne devront pas servir à autre chose. Les paiements de transfert sont un sujet très chatouilleux pour les gouvernements provinciaux. C'est très difficile de trouver les réponses. Nous avons fait du remue-méninges, organisé différents comités, des groupes d'aînés, nous avons même consulté les jeunes pour savoir ce qu'ils voudront lorsqu'ils seront aînés à leur tour; on tourne en rond. Nous nous retrouvons à discuter des mêmes problèmes cinq ans plus tard, sans que rien n'ait été fait.

Le sénateur Cordy: Les gouvernements provinciaux n'aiment vraiment pas que les transferts soient assortis de conditions.

M.Driscoll: C'est vrai, et c'est l'une des grandes faiblesses du système. C'est la faiblesse du système de soins de santé. C'est un grave problème que l'argent soit versé sans instructions sur la manière dont il doit être utilisé. Cela devrait être précisé, les provinces ne devraient pas avoir le choix: elles devraient utiliser les fonds aux fins prévues ou rendre l'argent.

Le sénateur Cordy: Je suis d'accord avec vous.

M.Driscoll: Merci, sénateur.

Le sénateur Cordy: Je m'intéresse aux soins palliatifs, à votre programme de soins communautaires pour les Premières nations et les Inuits du Canada atlantique. Comment faites-vous pourrépondre aux besoins des gens? Est-ce que ce sont eux qui communiquent avec vous, ou le contraire? Travaillez-vous avez les hôpitaux et les médecins? Comment savez-vous que quelqu'un a besoin de soins communautaires?

MmeKeays-White: Dans le Canada atlantique, presque tous les soins à domicile et communautaires sont fournis dans la collectivité par la collectivité. Le contact se fait entre l'infirmière àdomicile et communautaire et l'hôpital. Idéalement, la communication se fait facilement, et il y a une planification qui se fait avant qu'un patient obtienne son congé de l'hôpital. Toutefois, ce n'est pas ainsi que cela se passe pour tout le monde. Je le sais, car j'ai eu cette double expérience: j'ai été infirmière enmilieu hospitalier et infirmière à domicile et en milieu communautaire, et je sais que la communication n'est pas toujours aussi bonne qu'elle devrait l'être.

Nous avons appris que la communication est parfois difficile entre les réserves et les hôpitaux locaux, c'est pourquoi l'un des deux grands objectifs du projet dont je vous parlais, le Fonds pourl'adaptation des services de santé aux Autochtones, est d'améliorer la communication. Au Cap-Breton, il y a eu un projetde démonstration visant à accroître, ou à améliorer, la communication entre les infirmières dans les réserves et l'hôpital, et les résultats ont été très positifs. On cherche maintenant desmoyens de renforcer cette communication et d'en faire la démonstration à d'autres collectivités de la province pour les encourager à suivre leur exemple. Il y a des problèmes de communication partout, mais c'est un domaine que nous ciblons et où nous espérons apporter des améliorations.

Le sénateur Cordy: Alors, cela s'adresse surtout aux personnes qui ont été hospitalisées et qui vont rentrer à la maison?

MmeKeays-White: Oui, c'est la planification des congés de l'hôpital.

Le sénateur Cordy: Et les personnes qui ont des besoins en raison d'un handicap physique ou mental, comment faites-vous pour les rejoindre?

MmeKeays-White: Nous offrons des services de soins à domicile à des personnes qui n'ont pas été hospitalisées. Le médecin peut communiquer directement avec l'infirmière en soins à domicile et en milieu communautaire, qui peut fournir les services — des services restreints, bien entendu, car, comme je le disais, nous n'avons pas beaucoup de ressources. Les chefs sont frustrés car il suffit d'un ou de deux clients qui ont de grands besoins pour épuiser assez rapidement le budget annuel. Cela varie beaucoup.

J'ai parlé un peu de l'idée d'embaucher une infirmière à temps partiel. Cependant, c'est difficile de trouver une personne qualifiée, et lorsqu'on trouve quelqu'un, elle peut vouloir travailler à temps plein alors que nous n'avons de budget que pour un poste à temps partiel. Il se peut qu'il y ait très peu de travail pendant un certain nombre de mois et que la demande augmente tout à coup lorsqu'une ou deux personnes très malades sortent de l'hôpital ou ont besoin de soins palliatifs, etcetera. Ainsi, la demande fluctue et il y a des problèmes dans certaines collectivités où il y a des clients qui ont de grands besoins. Les clients de soins chroniques, ceux qui ont un problème de santé à long terme, peuvent également épuiser très rapidement le budget.

Le sénateur Cordy: Vous avez dit que les chefs ont fixé comme l'une de leurs priorités les soins pour les aînés et ils s'intéressent, bien entendu, aux dépendances, à la santé et aux maladies mentales. Une personne qui développe une dépendance dans sa jeunesse risque d'en souffrir encore lorsqu'elle devient âgée. Vous avez également dit que s'il reste de l'argent dans le budget des soins communautaires, vous pourrez peut-être offrir des repas, des services d'entretien ménager, etcetera. Nous avons également entendu parler, pas seulement par vous, des difficultés qu'ont les membres des Premières nations et les Inuits à obtenir des soins de longue durée. Si vous fournissiez des repas et des services de soins à domicile, les gens pourraient vivre plus longtemps chez eux. Alors, comment pouvez-vous concilier tous ces facteurs? Vous essayez d'aider les gens à rester plus longtemps à la maison, mais vous n'avez pas les fonds nécessaires pour fournir les services qui, à long terme, coûteraient moins cher, puisque ces personnes vivraient chez elles, comment faites-vous?

MmeKeays-White: Nous espérons que la recherche qui a été entreprise il y a un certain nombre d'années et le groupe de travail mixte national, composé de représentants de Santé Canada, du MAINC, de la l'Assemblée des Premières Nations et de l'Inuit Tapiriit Kanatami, produiront des options de politique pour régler ce problème, de façon très générale. On s'en occupe, au niveau national, et nous espérons qu'il y aura des solutions à long terme qui nous permettront d'accroître nos services. À court terme, nous travaillons d'aussi près que possible avec le MAINC dans le Canada atlantique, nos collègues fédéraux qui ont la responsabilité des soins de base, la plupart des programmes, etcetera. Cependant, nous donnons aux collectivités une certaine marge de manœuvre afin qu'elles puissent, s'il leur reste de l'argent, l'utiliser de manière à améliorer leurs services, tout comme elles le font dans le cadre du programme du MAINC. Compte tenu de nos ressources, le mieux que nous pussions faire c'est de rester aussi souple que possible dans notre collaboration avec nos partenaires fédéraux et provinciaux afin que les ressources disponibles soient bien utilisées. Nous espérons qu'on disposera de ressources supplémentaires à la fin de cette étude.

Le sénateur Cordy: À l'heure actuelle, dans le Canada atlantique, il n'existe aucune installation de soins de longue durée pour les membres des Premières nations et les Inuits, n'est-ce pas?

MmeKeays-White: Non, il n'existe aucune installation réservée aux Premières nations, ni dans les réserves, ni hors réserve.

Le sénateur Cordy: Avez-vous un plan à long terme? C'est difficile, car certaines réserves sont très petites et très peu peuplées. À Sydney, au Cap-Breton, il y a quelques grandes réserves, comme celle de Membertou, par exemple, qui pourraient avoir leur propre installation, mais il y a d'autres réserves très petites qui comptent seulement 40 ou 50 personnes. Cela crée des difficultés; or, il y a aussi le problème de savoir si vous devez déplacer quelqu'un d'une petite réserve pour l'envoyer à Membertou, par exemple, ce qui n'est pas non plus l'idéal car cette personne n'a aucune famille là-bas. Avez-vous un plan à long terme pour régler ce genre de situation?

MmeKeays-White: Comme vous l'avez mentionné, Eskasoni est probablement la seule collectivité ayant une population de plus de 3000 habitants, et même dans ce cas-là, il serait difficile de justifier la construction d'un établissement de soins de longue durée sur la réserve. La collectivité est trop petite, la population ne justifie pas une telle construction. Nous avons commencé à travailler en plus étroite collaboration avec le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse parce qu'il est en train de renouveler son programme de soins de longue durée. On construit beaucoup plus d'établissements, et le Fonds pour l'adaptation des services de santé aux Autochtones nous a donné l'occasion de discuter avec eux et d'établir une planification solide de façon conjointe. Nous avons suggéré — et ils étaient ouverts à notre suggestion — que s' ils construisaient ou rénovaient des résidences pour personnes âgées près d'une réserve, qu'ils collaborent avec nous et les collectivités afin qu'elles soient plus adaptées culturellement, comme en désignant certains lits pour les clients des Premières nations, en s'assurant que le décor est approprié et que le personnel, si possible, soit des gens des Premières nations; sinon, qu'il soit au moins constitué de gens ayant reçu une formation à la sensibilisation culturelle. Nous avons fait cet effort l'an dernier alors que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse renouvelait son programme de soins de longue durée et investissait plus dans celui-ci.

Le sénateur Cordy: Y a-t-il actuellement des mesures en place pour inciter des membres des Premières nations et des Inuits à devenir des professionnels de la santé? On m'a dit que le nombre était très bas.

MmeKeays-White: Le nombre est très bas, et c'est un problème que nous essayons de régler depuis un certain nombre d'années. J'ai dit que j'étais passée par Thompson. J'y ai passé seulement une heure la semaine dernière lors de mon retour de Rankin Inlet. Je fais partie du Comité directeur national pour l'initiative de ressources humaines autochtones en santé. Un objectif principal de cette initiative est d'accroître le nombre d'Autochtones dans tous les types de professions en santé, non seulement en soins infirmiers et en médecine mais toute profession du domaine de la santé. Par conséquent, des bourses sont maintenant disponibles. Dans le cadre de cette initiative, nous essayons également d'accroître la sensibilisation culturelle des professionnels de la santé actuels. Voilà les deux orientations principales de cette initiative. Elle durera cinq ans et nous en sommes à la troisième année. La première année a seulement servi à lancer l'initiative, mais maintenant elle nous a permis d'obtenir une certaine croissance et plus d'intérêt. Nous ne réussirons pas à doubler le nombre d'étudiants en soins infirmiers d'ici l'an prochain. Cependant, un de nos objectifs est d'essayer de doubler le nombre d'étudiants autochtones en soins infirmiers inscrits dans ces programmes.

Le sénateur Mercer: Je remercie les deux groupes d'être présents. J'aurais aimé pouvoir dire que nous avions pensé à planifier cette réunion de cette façon, mais c'est probablement par accident que nous nous retrouvons avec ces deux groupes différents. Un groupe de personnes que nous traitons très mal et un autre que nous pensons traiter très bien. Le contraste est assez frappant, la façon dont nous traitons les anciens combattants et la façon dont nous traitons les Autochtones, etprobablement, le seul aspect positif est que les anciens combattants autochtones ont l'avantage de faire partie des deux groupes.

Le président: Par le passé, cela n'a pas fonctionné non plus.

Le sénateur Mercer: Pas toujours. Je le comprends.

Je voulais parler de ce que M.Driscoll a dit à propos du jeu. Nous étions à Welland en Ontario l'autre jour, et nous avons visité le Rose City Seniors' Activity Centre — un très bel endroit à Welland. Nous étions là-bas pour des audiences, comme celle-ci. Ils nous ont donné une copie de leur bulletin mensuel. Après notre séance, j'ai mentionné en privé au directeur qu'ils avaient cinq magnifiques voyages planifiés pour le mois de mai, dont trois à des casinos: le Tropicana Atlantic City Casino and Resort à Atlantic City; le Fall's View Casino à Niagara Falls; et le Fort Erie Racetrack and Slots à Fort Erie. Si vous ne comprenez pas le problème, eh bien le voilà. Même la légion y participe. La légion où ma mère va chaque semaine possède deux appareils de loterie vidéo. Heureusement, elle ne joue pas aux machines à sous; elle est là pour s'amuser et danser. Est-ce que la légion s'attaque à ce problème au niveau régional ou national parce qu'il y a une dépendance accrue chez des groupes comme la légion?

M.Driscoll: Nous avons organisé des activités éducatives locales. Nous avons discuté avec notre personnel du cercle vicieux, que j'ai expliqué plus tôt, de la personne qui dépense tout son argent et qui revient plus tard. Nous essayons de faire passerce message. Nous avons des partenaires des services de toxicomanie partout au Canada, mais surtout dans la région de l'Atlantique, nous avons collaboré avec eux au sujet du jeu responsable. Certaines régions ont imposé des limites, et une personne qui dépense son 20$ dans la machine ne peut plus continuer à jouer. Nous avons un temps limite de jeu à la machine, ce qui est différent de l'approche commerciale où l'on peut jouer pendant cinq ou six heures. Honnêtement, cette approche n'est pas largement adoptée; elle est en place ça et là dans de petites collectivités où tout le monde se connaît et qui peuvent se le permettre. Cela ne change rien au fait que, oui, nous essayons de montrer l'exemple. La Légion royale canadienne seconsidère comme un chef de file en ce qui concerne les programmes et événements communautaires. Encore une fois, nous n'avons pas encore trouvé les réponses.

Le sénateur Mercer: Un projet de loi de notre collègue, le sénateur Lapointe, du Québec, a été présenté au Sénat deux ou peut-être trois fois. Le but du projet de loi est de limiter les emplacements; non pas bannir les appareils de loterie vidéo mais les limiter aux maisons de jeu comme les hippodromes et les casinos, pour les sortir des dépanneurs. Lorsque je voyage en auto au Nouveau-Brunswick, je m'arrête à des endroits où j'ai été surpris de voir des appareils de loterie vidéo. La situation a changé un peu, mais quand même; il est surprenant de voir un appareil de loterie vidéo dans un dépanneur. Pensez-vous qu'il serait utile de limiter le nombre d'endroits? Bien sûr, cela vous toucherait directement parce que les filiales de la légion ne pourraient en avoir.

M.Driscoll: Sénateur, c'est déjà fait. Nous allons réduire le nombre de machines dans la province à 2000 selon la formule en vigueur. La règle de base veut que tout endroit où peut entrer une personne de moins de 19 ans se verra retirer ces machines. Si les machines étaient dans une salle de quilles, le propriétaire devra prendre une décision. S'il veut garder ses machines, il devra en interdire l'accès aux personnes de moins de 19 ans. S'il pense que ce sera la bonne solution pour lui, il peut choisir cette option. Sinon, il devra se débarrasser de ses machines.

Présentement dans notre province, le revenu moyen d'une machine se situe probablement à 500$ par semaine. Le nombre maximum de machines par permis est de cinq, donc cela représente un montant d'argent important pour un exploitant privé au cours d'une année. Ce montant couvre leur chauffage et leur électricité. Bien sûr, les entreprises privées disent qu'elles devront fermer leurs portes si elles n'ont pas les machines. Cette décision a déjà été prise. C'est une règle de base qui s'en vient. En plus du casino ici à Moncton, il y aura, je crois, environ 20 permis donnés dans l'ensemble de la province, pour un maximum de 25machines, ce qui réduira encore leur nombre. Je crois que la mise en œuvre totale se fera d'ici 2015, donc d'ici environ sept ans.

Le sénateur Mercer: Pour revenir aux commentaires du sénateur Cordy sur le télémarketing, il y a deux ans, le Parlement a adopté une loi sur l'exclusion des numéros de téléphone pour que les gens puissent retirer leur nom de la liste. Si nous pouvons convaincre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, de faire appliquer la loi plutôt que d'essayer de légiférer, ce qu'il fait continuellement, cela nous aiderait énormément à retirer le nom des personnes âgées de la liste si elles pouvaient utiliser une méthode simple comme de faire un seul appel téléphonique pour retirer leur nom. Je voulais vous en informer.

Madame Keays-White, j'ai été intéressé par ce que vous avez dit à propos d'un projet qui intéresse particulièrement notre comité à savoir un partenariat entre les Premières nations de la Nouvelle-Écosse et la Direction des soins continus du ministère provincial de la Santé.

Quand sera-t-il mis en œuvre? Est-ce que l'on étudiera ce programme pour savoir s'il fonctionne, et si c'est le cas, est- ce que cette étude sera rendue publique pour que d'autres régions puissent en profiter?

MmeKeays-White: Oui, c'est le même projet que je décrivais au sénateur Cordy concernant la planification des congés d'hôpitaux au Cap-Breton. Le financement vient d'être approuvé, et nous en sommes maintenant aux étapes de planification. Cependant, on essaiera de reproduire le succès du Cap-Breton partout en Nouvelle-Écosse afin d'avoir une meilleure planification des congés d'hôpitaux dans toutes les collectivités des Premières nations en collaboration avec le gouvernement provincial. Avec les années, nous nous attendons à un taux de réussite suffisant pour que, comme je l'ai mentionné plus tôt, les chefs du Nouveau-Brunswick le remarquent, et j'ai bon espoir que ses effets se répercuteront peut-être sur les quatre provinces.

Le sénateur Mercer: Vous avez également dit que des petites collectivités avec des petits budgets vous informent que d'exploiter un programme de soins à domicile et trouver le personnel nécessaire représente un défi énorme lorsqu'il n'y a qu'une poignée de patients et que leurs ressources disponibles limitées peuvent s'épuiser très rapidement si un ou deux résidents ont des besoins criants. Que se passe-t-il dans de tels cas?

MmeKeays-White: Généralement, les chefs prendront des fonds provenant d'autres sources parce qu'ils respectent suffisamment leurs aînés pour s'assurer qu'ils reçoivent les services nécessaires, mais cela crée un déficit dans un autre secteur. Ils absorbent ce qu'ils peuvent; je ne connais pas un seul chef qui a laissé un aîné souffrir plus que nécessaire. Cela peut poser un problème parfois lorsqu'il y a un excédent, faute de clients. Personne n'a besoin de ces services pendant un certain nombre d'années, ou il n'y a que très peu de clients, et lorsqu'il y a un ou deux résidents qui ont besoin de beaucoup de soins, ils se retrouvent avec un déficit, et doivent trouver les ressources ailleurs.

Le sénateur Mercer: Monsieur Driscoll, dans votre exposé, vous avez parlé du besoin d'avoir un comité national parlant au nom de tous pour étudier les problèmes courants des personnes âgées avec une stratégie pour faire en sorte que toutes les personnes âgées au Canada reçoivent les mêmes services. Nous aimons beaucoup cette idée. A l'heure actuelle, la légion est régulièrement en contact avec des dizaines de milliers, ou même des centaines de milliers de personnes âgées. La légion, sous ses différentes formes, veille-t-elle à ce que les aînés qui s'adressent à elle ont accès au Régime de pensions du Canada, ou s'ils ont droit au Supplément de revenu garanti, qu'ils le touchent? Outre le Québec, nous savons qu'un grand nombre de personnes ne reçoivent pas les prestations auxquelles elles ont droit.

M.Driscoll: On assigne à chaque filiale un préposé aux services formé. Nous menons nos propres programmes de formation quatre fois par an pour chaque personne nommée à ce poste par une filiale. Cette formation fait en sorte que le préposé aux services connaît les services dont disposent les personnes âgées, à quelle catégorie elles appartiennent, pour les aider avec les formulaires et les demandes, autant que possible. C'est un prolongement du programme des anciens combattants que l'on retrouve partout. Ces activités ont lieu partout au pays.

Quant au comité national, je parle d'un comité national qui parle d'une seule voix, au lieu d'audiences comme aujourd'hui qui ont lieu une fois le fait accompli; nous ne savons pas quand de telles audiences auront lieu. Parfois l'intérêt du gouvernement provincial sera fort. On tiendra de nombreuses audiences auxquelles nous devrons tous participer, et puis nous n'en entendrons plus parler pendant trois ans. Viennent ensuite les élections, il y a un changement de gouvernement ou une personne qui s'intéresse particulièrement à ce sujet a reçu un nouveau portefeuille, et l'intérêt s'accroît encore. Cependant, on ne résout rien. Je suis d'accord avec tous les points soulignés par le représentant des Premières nations. Toutefois, si nous avions un comité national, nous pourrions établir des services de base pour les Inuits ou les autres. Étant donné les nouvelles politiques d'immigration qu'envisage le gouvernement du Canada, que se passera-t-il dans 15 ans? Essaierons-nous de satisfaire chaque groupe ethnique ou est- ce que nous réglerons les problèmes des personnes âgées en tant que personnes? Toutes ces personnes sont des personnes âgées, et nous croyons qu'il est possible d'avoir une diversité culturelle au sein de n'importe quel établissement. Cependant, si l'on adopte une approche fragmentaire, il semble qu'il y ait alors des inégalités.

Le sénateur a parlé des anciens combattants, et nous avons probablement profité des meilleurs programmes pour personnes âgées disponibles au Canada. Je suis le premier à féliciter les gens de la génération précédente qui ont rendu cela possible. Il faut se rappeler que le ministère des Anciens Combattants a son propre budget. Cet argent n'est pas utilisé pour tous les Canadiens. Peut-être que tous les Canadiens devraient être sur un pied d'égalité, et que c'est un droit qu'ils ont. Par conséquent, voilà le message que la légion essaie de communiquer.

Le sénateur Mercer: Lors d'une audience à Ottawa il y a une semaine, on a suggéré que certains programmes du ministère des Anciens Combattants, surtout le Programme pour l'autonomie desanciens combattants, le PAAC, soit accessible à tous les Canadiens. Voilà une excellente façon de prendre un programme qui a extrêmement bien fonctionné pour les anciens combattants et de l'offrir aux autres.

M.Driscoll: Nous croyons que c'est le modèle idéal pour toutes les choses à venir. Les problèmes de santé que l'on retrouve partout ne connaissent pas de frontières; ils ne sont pas fonction de la race, de la couleur ou d'autres facteurs. Si vous souffrez d'une maladie en phase terminale ou d'une maladie débilitante, la situation sera la même, et donc les services devraient être les mêmes. La mise en œuvre de ces services et l'accès à ces services devraient être simples, faciles et disponibles à tous les Canadiens.

La présidente: Avant de passer au sénateur Cools, j'ai quelques questions brèves provenant de notre attaché de recherche pour MmeKeays-White. Est-ce qu'il y a des provinces de l'Atlantique qui offrent des soins à domicile dans les collectivités des Premières nations soit parce qu'elles sont contactées par la province ou par l'entremise du programme provincial?

MmeKeays-White: Il y a de grandes différences entre les quatre provinces. Les niveaux de service diffèrent. Au Nouveau-Brunswick par exemple, on offre les mêmes programmes à tous, même dans les réserves. Cependant, nous devons améliorer la communication pour savoir qui fait quoi, et où. Le Nouveau-Brunswick offre certains soins de type hospitalier à court terme à domicile. La Nouvelle-Écosse n'en offre pas. Il y a des différences d'une province à l'autre. Nous faisons de notre mieux pour nous adapter à ce que le gouvernement provincial est en mesure de payer. Il y a un véritable amalgame de services d'une région à l'autre.

Le président: Comment le financement par habitant des soinsàdomicile et des soins palliatifs dans les collectivités des Premières nations se compare-t-il à celui de la population générale? Par exemple, nous savons suite au rapport Wendy quele financement des services sociaux dans les collectivités autochtones est beaucoup moins important par habitant que dans les collectivités non autochtones. Avez-vous fait des comparaisons du financement pour les soins à domicile ou les soins palliatifs entre le financement des provinces et le financement des collectivités autochtones?

MmeKeays-White: Malheureusement, je ne connais pas la réponse.

Le président: Nous savons que les budgets provinciaux pour les soins à domicile se sont accrus au cours des dernières années partout au pays. Y a-t-il eu une augmentation de financement semblable pour les soins à domicile dans votre direction?

MmeKeays-White: J'espère que c'est ce qui se produira suite aux recherches faites et aux options présentées.

La présidente: Cela ne s'est pas encore produit?

MmeKeays-White: Non, cela ne s'est pas encore produit.

Le sénateur Cools: Si possible, j'aimerais obtenir des nouvelles informations. J'écoutais les témoins, et j'avais le sentiment étrange que pour chaque problème résolu par le gouvernement, 20 nouveaux sont créés. J'éprouvais ce sentiment désagréable lorsque nous parlions des personnes âgées que l'on incite au jeu. Madame Keys-White, dans votre exposé, vous avez parlé de la toxicomanie et de la santé mentale des Premières nations. Peut-être pourriez-vous m'éclairer au sujet des personnes qui ont des problèmes de toxicomanie. Pouvez-vous nous donner une idée de la nature de ces problèmes? Combien de ces personnes sont des personnes âgées, et parmi elles, combien violent le Code criminel et se retrouvent en prison? Souvent, il y a une relation entre la toxicomanie et le crime.

Monsieur Driscoll, avez-vous des données sur le genre de situations que vous avez décrit, lorsque d'anciens combattants âgés sont victimes de crimes commis par des jeunes? Êtes-vous au courant de cas de personnes âgées qui commettent des crimes?

Madame Keays-White, peut-être êtes-vous prête à répondre.

MmeKeays-White: Merci de votre question. J'espère pouvoir y répondre au moins en partie. Pour ce qui est du genre de toxicomanie, notre information est surtout de nature empirique; c'est ce que nous avons appris en parlant avec les membres de noscommunautés. Le plus gros problème, je crois qu'on peut l'affirmer, continue d'être l'alcool. L'alcoolisme est répandu dans la région du Canada atlantique ainsi que dans les réserves. On peut également affirmer que la consommation abusive de médicaments et de drogues est relativement élevée dans les réserves autochtones de la région atlantique. Les chefs nous ont dit que la priorité était le mauvais usage d'un médicament sur ordonnance. Je ne dirai pas que c'est particulier à la région du Canada atlantique, mais c'est un gros problème là-bas. Il est difficile de dire quel est le pourcentage de jeunes et de vieux qui consomment de la drogue. On s'est surtout intéressé aux jeunes, mais il y a aussi des cas de surdoses chez les gens d'âge moyen.

On n'entend pas beaucoup parler de cas de toxicomanie chez les vieux, mais il y en a quelques-uns. Je sais qu'il y a des cas de personnes âgées accrochées aux médicaments sur ordonnance, enparticulier. Par contre, nous n'avons pas de données sur le phénomène, et je ne peux donc pas vous dire quelle est son ampleur. Je peux seulement vous dire que les chefs estiment que c'est un problème, et ils voudraient que nous les aidions à le combattre.

Je ne peux éviter de relier toxicomanie et jeu parce que les deux sont reliés et il y a une chose dont il n'a pas été question jusqu'à présent, et il s'agit du bingo. Il y a beaucoup de bingos dans les localités rurales et dans les réserves des premières nations. Les populations et les chefs ne nous ont pas dit que c'était un problème mais nous sommes convaincus que tout cela est sans doute relié. Je crains ne pas pouvoir répondre à votre question pour ce qui est du nombre qui sont âgés.

Le sénateur Cools: Combien contreviennent au Code criminel?

MmeKeays-White: Je ne le sais pas. Je ne peux pas vous dire combien de personnes âgées enfreignent la loi, mais j'imagine que les toxicomanies dans la population carcérale sont très élevées. Nous savons qu'il y a surreprésentation des populations inuites et des premières nations dans nos prisons. J'imagine qu'un nombre très élevé de détenus sont aussi toxicomanes.

Le sénateur Cools: Je me demandais si vous aviez des chiffres parce qu'il y a des points en particulier lorsque les besoins en services de santé surviennent pendant l'incarcération, et on ne sait trop qui doit s'occuper de ces problèmes. Il y a de grandes zones d'ombre et d'imprécision. Je me demandais si vous aviez des données.

MmeKeays-White: Malheureusement, nous n'en avons pas beaucoup. Très peu de recherches ont été faites dans ce domaine. Pour avoir travaillé dans le domaine de l'hépatite C, je sais qu'il y a des taux élevés de consommation de drogues par voie intraveineuse. Une étude effectuée il y a huit ou dix ans a montré que le taux d'hépatite C était extrêmement élevé parmi la population carcérale, dont la grande majorité était composée d'Autochtones et d'Inuits.

Le sénateur Cools: Je ne sais pas quelle est la situation actuellement, mais certains sénateurs savent peut-être qu'à Service correctionnel Canada, à une époque, certains pénitenciers étaient réservés aux détenus âgés. On pensait qu'il ne fallait pas loger ensemble des détenus âgés et de jeunes fiers-à-bras. Autour des années 1980 ou 1984, la prison de Joyceville près de Kingston étaitcelle où l'on incarcérait les plus de 50 ans. À cette époque, l'établissement de Collins Bay recevait les jeunes gars musclés. Ces questions me sont venues à l'esprit pendant votre témoignage. Nous savons bien que les Autochtones ont d'immenses problèmes de toxicomanie mais les solutions nous échappent toujours.

MmeKeays-White: Une autre initiative serait que très récemment, ces deux derniers mois, nous avons eu une présentation du Service correctionnel canadien, dans un effort pour multiplier les partenariats que nous avons au niveau fédéral, au moins. Ils se sont dits désireux de travailler avec la Direction générale de la santé des premières nations et des Inuits. Je pense donc qu'il est possible de faire davantage et mieux dans ce domaine.

Le sénateur Cools: Ce serait une bonne chose.

M.Driscoll: Les victimes de crime viennent normalement nous voir lors des réunions d'organisation. Certains des crimes ont été commis par notre propre organisation, notre organisation en a été la victime. Certains des domaines où des personnes âgées sont toujours impliquées sont les ventes de voitures, les taux de cartes de crédit et la vente de biens récréatifs. Une personne âgée entre dans un foyer, et quelqu'un sait qu'elle est propriétaire d'un petit chalet sur le bord d'un lac et lui dit qu'il y a un achat de terrain au profit de la collectivité. C'est un des principaux appâts. La personne dira à la personne âgée: «Si vous nous cédez ce terrain, il y aura un beau quartier boisé pour les jeunes et un terrain de jeu.» Mais c'est bien loin de ce que le promoteur immobilier a en tête. Il dira n'importe quoi pour conclure le marché. Ces choses-là arrivent et nous avons entendu des histoires d'horreur à ce propos.

Les placements renouvelables sont un autre gros problème. Ondit à une personne âgée, par exemple, que si elle investit 500000$ dans la compagnie A, elle touchera 15p.100 d'intérêts annuellement. Elle téléphone à ses enfants et ses petits-enfants et leur dit qu'ils pourront obtenir 15p.100 d'intérêts et ils leur disent tous: «Oh, grand-maman, c'est une excellente idée. Allez, investis ton argent.» Elle reçoit effectivement ses 15p.100, tous les trimestres, ou peu importe; le chèque leur parvient dans le courrier. Par contre, on ne lui a pas dit que son capital est constamment réinvesti et s'amenuise. Si bien qu'au bout de deux ans, elle a bien reçu ses 15p.100 d'intérêts tous les trimestres mais les 500000$, eux, ont disparu. Il n'en reste que 50000$. Le courtier lui dit qu'il a rempli ses obligations en lui remettant les 15p.100. L'argent a été perdu dans les gisements pétroliers d'Hibernia, par exemple, alors que le compte a été vidé. L'émission W-FIVE vient de publier deux topos sur le sujet cette année. Les deux cas se sont produits en Colombie-Britannique ou en Alberta, je crois. Encore une fois, c'est un phénomène qui touche les personnes âgées partout au pays. La région du Canada atlantique figure toujours au bas de la liste des gens à cause de notre population. Tels sont certains des problèmes qui sont apparus, qu'il nous a semblé bon de signaler au comité.

En plus, ni la victime ni qui que ce soit d'autre n'a de recours. C'est légal. C'est caveat emptor. Il faut informer les personnes âgées. Notre organisation a organisé quantité de séances d'information sur la question de la sécurité. Nous prévenons les gens de ne pas donner leur numéro de téléphone ou numéro d'assurance sociale. Une des choses les plus étonnantes que nous avons faites a été de nous rendre à un congrès où il y avait entre 300 et 400 personnes assises en rangée; nous leur avons remis à chacune un morceau de papier sur lequel nous leur avons demandé d'écrire leur nom, adresse, numéro de téléphone et numéro d'assurance sociale. Ils l'ont tous fait. Cela montre bien comment des individus sans scrupules peuvent profiter de gens qui ne se méfient pas. Beaucoup de choses ont aidé. Par exemple, la Loi sur la protection des renseignements personnels et l'interdiction aux organisations de conserver des renseignements a aidé parce que désormais il n'y pas de communication de renseignements. Jusqu'à il y a deux ans, en passant par mon organisation, n'importe qui aurait pu connaître mes antécédents militaires. On aurait pu savoir où j'ai servi, quand j'ai servi et quand je suis revenu de l'étranger. Il n'y avait aucune restriction. Aujourd'hui, si quelqu'un téléphone pour se renseigner à propos de mes antécédents militaires, grâce à la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous n'avons pas le droit de conserver notre propre documentation, alors ça c'est réglé. J'espère avoir répondu à certaines de vos questions et ne pas en avoir suscité d'autres.

Le sénateur Cools: Oui, cela répond à mes questions. Je me demandais si quelqu'un rassemble les données. Les cas sont innombrables. Par exemple, dans une maison de retraités — pas un foyer de soins mais entre les deux — cette gentille vieille dame avait un chauffeur de taxi qui la conduisait une fois par semaine au magasin des alcools pour acheter une bouteille de vin ou autre chose. Il a découvert qu'elle avait un magot. Elle avait coutume d'aller à la banque et de revenir avec du liquide. Il a commencé à lui demander un peu d'argent — 25, 100$ et ainsi de suite — et elle le lui donnait. Puis il est devenu plus audacieux: un jour, elle est allée retirer 10000$ à la banque. Évidemment, elle avait un fils futé qui voulait qu'elle soit libre d'employer son argent à sa guise, mais il avait imposé une limite parce qu'il redoutait que quelque chose de ce genre se produise. Le directeur de la banque est venu lui poser des questions et lorsqu'elle lui a dit que le chauffeur de taxi voulait 10000$, il s'est précipité à l'extérieur pour noter le nom du chauffeur et d'autres renseignements pour éviter un crime terrible, je ne dirais pas extorsion, mais en tout cas un vol. J'entends souvent des récits de ce genre. J'entends aussi des récits de maltraitance de personnes âgées.

J'ai reçu beaucoup d'appels téléphoniques de gens qui aident ou s'occupent de membres de leur famille qui subissent beaucoup de mauvais traitements. La maltraitance englobe tellement de choses. J'aimerais que l'on puisse distinguer des catégories. Les problèmes sont énormes et, comme vous l'avez dit, il s'agit souvent d'échos entendus ici ou là. La situation que vous décrivez, monsieur Driscoll, le cas de la jeune femme qui essaie d'épouser une fortune, ou de séduire une fortune, est beaucoup plus répandue que nous le pensons pour les deux sexes. Les gens ont tendance à penser qu'il s'agit de femmes qui essaient d'épingler des hommes mais c'est généralisé. J'ai eu vent d'un cas où une famille a dû intervenir dans une situation difficile. Nous entendons tous ces récits mais j'imagine que beaucoup de ces situations sont impossibles à recenser et à comptabiliser. Ce serait bien si, au moins grâce à la prise de conscience que nous allons créer, plus de données de ce genre étaient rassemblées pour que nous ayons une idée des cas où une infraction criminelle est un cas isolé, et où cela se répète. On m'a dit qu'il y a des dévoyés qui s'emploient à extraire de l'argent à des personnes âgès. Les prisons les appelaient les détrousseurs de mémés, des dévoyés qui allaient voler les vieux parce qu'ils étaient faibles et fragiles et souvent ignorants. Il va falloir trouver des données ou se contenter de citer des cas, j'imagine.

M.Driscoll: Je n'ai pas parlé de violations fiduciaires, qui constituent un problème quand les gens deviennent fiduciaires. Aussi, je prends note de votre demande de documentation. À la Légion royale canadienne, nous n'avons même pas accès aux militaires hospitalisés. Nous n'avons pas le droit de recevoir de documents en raison de la loi actuelle. C'est donc dire que si dixsoldats blessés reviennent d'un théâtre des opérations demain et sont hospitalisés ici, la section locale de la légion n'en sera pas informée à moins qu'eux-mêmes ou les membres de leur famille nous le disent. Nous avons communiqué avec Ottawa à ce propos et demandé qu'une exception soit accordée à la Légion royale canadienne pour que nous puissions offrir nos services.

Le sénateur Cools: Tout cela est fort intéressant et c'est un immense problème qui ne cesse de croître.

La présidente: Précisément, merci.

Au début, j'ai posé une immense question à MmeKeays-White, et malheureusement, je vais finir de la même façon. Vous avez parlé des budgets des soins à domicile et en milieu communautaire, et je crois vous avoir entendu dire qu'ils variaient entre 13000$ et 545000$ en fonction de la taille de la communauté dans la réserve. Dans votre direction générale etchez vos supérieurs, a-t-il été envisagé d'abandonner le financement par habitant en faveur d'un financement en fonction des besoins? Même s'il s'agit d'une communauté de 50personnes, s'il y a une personne âgée qui a besoin de beaucoup d'attention, cela va consommer les 13000$ et quelques. Je pense aux collectivités du nord du Manitoba où il y a des enfants sérieusement handicapés qui peuvent consommer une très grande partie des fonds; si ces enfants habitaient à l'extérieur de la réserve, les fonds ne seraient pas calculés par habitant. En avez-vous discuté?

MmeKeays-White: Pas à ma connaissance. Je regardais M.McGregor, notre expert-conseil; il travaille avec le groupe national qui examine la question. Je crains de ne pas pouvoir vous répondre. En revanche, je me ferais un plaisir de soulever la question à la table nationale et de le suggérer.

La présidente: Cela va peut-être se retrouver dans nos recommandations à nous, honnêtement, parce que je ne pense pas que dans beaucoup de ces communautés le calcul par habitant soit défendable. Cela part du principe qu'il y a une moyenne. Or, quand l'échantillon est très petit, il n'y a pas de moyenne. Et si vous avez une communauté vivant dans la réserve où peut-être jusqu'au tiers des enfants sont nés avec le syndrome d'alcoolisme fœtal et subissent les effets de l'alcool sur le fœtus — et c'est une possibilité dans le nord du Manitoba — alors la moyenne saute en un clin d'œil.

Je tiens à vous remercier tous de vos exposés, vous en particulier, madame Keays-White. Je sais que je vous ai mis sur la sellette et que mes frustrations sont sans doute aussi les vôtres au quotidien. Merci beaucoup.

La séance est levée.


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