Délibérations du comité sénatorial permanent de
la Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 4 - Témoignages du 4 février 2008
OTTAWA, le lundi 4 février 2008
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 16 h 11, pour examiner, en vue d'en faire rapport, la politique de sécurité nationale du Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Translation]
Le président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je suis le sénateur Colin Kenny, et je préside le comité. Avant que nous ne commencions, j'aimerais vous présenter brièvement les membres du comité. À ma droite se trouve le sénateur David Tkachuk, de la Saskatchewan. Il a été nommé au Sénat en juin 1993. Il est vice-président du comité, et il est également membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Il a été dans le passé homme d'affaires, fonctionnaire et enseignant. Le sénateur Tkachuk est président de la John Diefenbaker Society, au sein de laquelle il a joué un rôle important dans l'établissement d'un fonds qui a permis de continuer à financer le Right Honourable John G. Diefenbaker Centre de l'Université de la Saskatchewan.
À côté de lui se trouve le sénateur Wilfred Moore. Il a été nommé au Sénat en septembre 1996. Il représente la division sénatoriale de Stanhope Street/South Shore, en Nouvelle-Écosse. Il a été actif sur la scène municipale à Halifax-Dartmouth, et il a été membre du conseil des gouverneurs de l'Université Saint Mary's, qui lui a remis un doctorat honorifique en droit. C'est un ancien membre de l'escadron de réserve de l'Aviation royale canadienne. Il siège au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.
À côté de lui, il y a le sénateur Nancy Ruth, qui défend les droits des femmes. Elle a joué un rôle important en fondant avec d'autres des organisations qui travaillent à améliorer la situation sociale et juridique des femmes au Canada. Elle a été nommée au Sénat en mars 2005 et elle est membre du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Elle est également membre du Sous-comité des anciens combattants.
À gauche se trouve le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta. Il a été nommé au Sénat en avril 2000, après une carrière de 50 ans au sein de l'industrie du divertissement. C'est un musicien et un artiste accompli et polyvalent bien connu au Canada. Il préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, et il est aussi membre du Sous-comité des anciens combattants.
À côté de lui, il y a le sénateur Michael Meighen, qui a été nommé au Sénat en 1990. Il est avocat et membre des barreaux du Québec et de l'Ontario. Il est chancelier de l'Université de King's College et ancien président du Festival de Stratford du Canada. Il est actuellement président du Sous-comité des anciens combattants et membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.
À côté de lui se trouve le sénateur Grant Mitchell, d'Edmonton. Il a fait carrière au sein de la fonction publique de l'Alberta, ainsi qu'en finances et en politique. Il a représenté la circonscription d'Edmonton-McClung au sein de l'assemblée législative de la province de 1986 à 1998, et il a été chef du Parti libéral provincial de 1990 à 1998. Il a été nommé au Sénat en mars 2005. Il est aussi membre du Comité sénatorial de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Au bout de la table se trouve le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick. Il a fait une brillante carrière comme avocat en pratique privée. Il est au Sénat du Canada depuis octobre 2001. Il est président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et vice-président du Sous-comité des anciens combattants. Il siège aussi au Comité spécial sur l'antiterrorisme. Il est membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec, et il a été président-directeur général de la New Brunswick Forest Products Association.
Chers collègues, en mars 2004, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a publié un rapport exhaustif sur la capacité d'intervention, partout au Canada, en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine. Ce rapport a clairement montré que le Canada n'est pas préparé à faire face à une situation d'urgence d'ampleur nationale. Le comité a entrepris un examen de la capacité d'intervention en cas d'urgence, afin d'évaluer le rythme auquel les organisations d'intervention en cas d'urgence progressent dans ce domaine, à tous les échelons, de l'échelon local à l'échelon fédéral.
Nous recevons un premier groupe de témoins qui est ici pour nous expliquer les progrès réalisés, depuis que le comité a formulé des recommandations, au chapitre des systèmes de communication et de radiodiffusion d'urgence.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Scott Hutton, directeur exécutif adjoint de la Radiodiffusion au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, à Serge Beaudoin, directeur général de la Préparation et du rétablissement des activités à Sécurité publique Canada et à Chaouki Dakdouki, directeur des Politiques et de la planification en matière de réglementation à Industrie Canada, qui vont approfondir cette question pour nous.
Bienvenue à tous. Vous avez cinq minutes chacun. Nous allons commencer par M. Hutton.
Scott Hutton, directeur exécutif adjoint, Radiodiffusion, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. La sécurité publique est une question à laquelle le Conseil attache beaucoup d'importance, et nous vous sommes reconnaissants de l'intérêt que vous avez démontré à en apprendre davantage sur nos activités dans ce secteur.
Mes observations porteront principalement sur les évènements importants qui se sont produits depuis la publication de votre rapport intitulé Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne.
[Français]
Le système de radiodiffusion peut être un outil précieux en cas d'urgence. En effet, il peut transmettre rapidement et efficacement des renseignements et des messages d'un bout à l'autre du pays ou cibler une région ou une localité en particulier.
Or, nous avons besoin d'un système national d'alerte en cas d'urgence si nous voulons tirer profit pleinement des capacités et des ressources de notre système de radiodiffusion, lequel inclut la radio, la télévision, la distribution de radiodiffusion et possiblement d'autres éléments comme la radio par satellite.
En février 2007, le Conseil a lancé un défi aux représentants du secteur de la gestion des mesures d'urgence, aux radiodiffuseurs et aux fournisseurs de services de radiodiffusion comme les câblodistributeurs et les entreprises de diffusion par satellite. Il leur a demandé de travailler ensemble sur une base volontaire en vue d'établir, de mettre sur pied et de gérer un système d'alerte en cas d'urgence.
[Traduction]
Ce défi était assorti d'un délai de deux ans. Nous avons donc donné à l'industrie jusqu'au 1er mars 2009 pour nous soumettre un système exploitable. À la suite de cette décision, nous avons agi rapidement pour abolir un obstacle réglementaire de taille à la mise en œuvre d'un système d'alerte en cas d'urgence. En effet, nous avons modifié le Règlement sur la distribution de radiodiffusion pour permettre aux entreprises qui distribuent des services de radiodiffusion d'ajouter des messages d'alerte à leurs émissions sans avoir à obtenir au préalable le consentement du réseau.
Nous espérons que l'industrie saura faire preuve d'un esprit de collaboration et que l'échéance sera respectée. Cependant, nous n'hésiterons pas à agir si, d'ici le 1er mars 2009, les radiodiffuseurs et les fournisseurs de services de radiodiffusion ne sont pas parvenus à s'entendre sur la mise sur pied et l'exploitation d'un système national d'alerte en cas d'urgence. Le Conseil a le pouvoir de nommer une entité unique qui serait chargée de servir de pivot et de veiller à ce que le système soit financé par l'industrie.
[Français]
Au nom du CRTC, permettez-moi de répéter ceci. Si un système national d'alerte en cas d'urgence n'a pas été mis sur pied sur une base volontaire d'ici le 1er mars 2009, le conseil utilisera ses pouvoirs pour nommer une entité unique qui serait chargée d'exploiter le système et pour assurer son financement adéquat. Ce projet est d'une importance cruciale pour la sécurité et la protection de tous les Canadiens. Nous ferons tout en notre pouvoir pour assurer la pleine mise en œuvre d'un système fiable. Certaines municipalités canadiennes, privées d'un système national d'alerte en cas d'urgence, ont instauré des services d'avis par téléphone pour prévenir le public en cas de danger imminent ou pour communiquer avec le public en cas d'urgence.
Selon la gravité de la situation, la capacité à obtenir les renseignements les plus précis et les plus à jour peut faire la différence entre la vie et la mort. Dans cette optique, le conseil a publié, toujours en février 2007, une décision autorisant les municipalités à se servir des adresses et des nos de téléphone contenus dans les bases de données 9-1-1.
[Traduction]
Un groupe de travail formé de représentants municipaux et gouvernementaux, d'entreprise de télécommunications et d'autres parties intéressées est à l'œuvre en vue d'établir des normes communes relatives au respect de la vie privée et de résoudre les problèmes techniques. Toutes les grandes municipalités canadiennes, et certaines plus petites, sont représentées au sein du groupe de travail. Elles appuient fermement cette initiative, qui leur permettra de rendre leurs services d'avis plus efficaces.
Le CRTC a demandé au groupe de travail de lui soumettre un rapport contenant des recommandations sur ces questions et sur toute autre question connexe d'ici le 28 février 2008. Nous nous attendons à ce que les membres s'entendent sur la majorité des questions à l'étude. Toutefois, nous sommes déterminés à intervenir et à prendre une décision relativement à tout enjeu qui n'aura pas fait l'objet d'un consensus.
Le Conseil a la ferme conviction qu'un système national d'alerte en cas d'urgence et de meilleurs services d'avis aux collectivités accroîtront considérablement la sécurité publique. Mais il reste beaucoup à faire. Nous surveillons de près les progrès effectués en ce sens et si nous sentons que la situation l'exige, nous interviendrons.
J'espère que mes observations sauront vous être utiles. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.
[Français]
Serge Beaudoin, directeur général, Préparation et rétablissement des activités, Sécurité publique et Protection civile Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, merci de cette invitation de comparaître devant vous pour discuter du système national d'alerte au public. Comme vous le savez, il est question de ce système et de la nécessité d'un tel système depuis plusieurs années. Vous traitiez de cette question dans votre rapport de 2004 intitulé Les urgences nationales, le Canada fragile en première ligne.
Mon collègue Chaouki Dakdouki, d'Industrie Canada, parlera du travail préparatoire fait par Industrie Canada avec les représentants des provinces et territoires depuis quelques années. Ils ont mis en place les éléments précurseurs d'un système national d'alerte que nous proposons, notamment en ce qui concerne la participation au groupe consultatif multipartite et l'établissement d'un protocole canadien de normalité des messages.
Sécurité publique et Protection civile Canada a assumé la responsabilité du dossier des alertes au public en juin 2006. En janvier 2007, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la gestion des urgences ont donné leur appui à la création en temps opportun d'un système national d'alerte au public. Les fonctionnaires ont été chargés de préparer des options à proposer au ministre, et j'ai commencé à coprésider un groupe de travail fédéral-provincial- territorial avec mon collègue de la province du Manitoba.
Nous désirions fonder nos travaux sur les travaux préliminaires déjà effectués et faire un consensus sur les options en vue d'un système national d'alerte au public. Comme mon collègue du CRTC l'a mentionné, le CRTC a rendu plusieurs décisions relatives aux alertes au public en 2007. L'une de ces décisions a notamment modifié le contexte dans lequel nous travaillons. Le 28 février 2007, le CRTC a pressé les radiodiffuseurs et télédiffuseurs ainsi que les distributeurs de transmettre volontairement les messages d'alerte au public.
C'est ainsi que l'industrie s'est vue attribuer la responsabilité de transmettre les alertes au public d'ici février 2009. Cela, pour nous, a vraiment changé l'équation dans notre façon de penser le système. J'ai rencontré, à des niveaux élevés, la plupart des grandes entreprises de câblodiffusion à la suite de cette annonce. Elles ont montré, de façon générale, un vif intérêt pour la mise en œuvre d'un système d'alerte au public. Elles ont par ailleurs suggéré que les gouvernements trouvent une façon de diffuser les alertes au moyen d'une source unique plutôt que de demander aux entreprises de prendre des dispositions avec chacune des autorités chargées de donner des alertes. Alors, ils cherchaient une approche uniforme au système.
À l'examen du diagramme que j'ai déposé, vous constaterez que cela constitue un élément central du système.
[Traduction]
Les membres du comité ont devant eux une figure qui présente les éléments fondamentaux du système. À gauche, vous pouvez voir les auteurs de message, au centre, le centre de répartition, et à droite, en vert, les radiodiffuseurs, les télédiffuseurs et les fournisseurs de services sans fil et d'accès à Internet.
Pour résumer, les auteurs de message sont les entités à l'origine d'une alerte, par exemple les organismes provinciaux ou territoriaux de gestion des urgences dans les 13 provinces et territoires, ou les organismes fédéraux, comme le Service météorologique d'Environnement Canada. Si, par exemple, une tornade semble se diriger vers Winnipeg et doit atteindre la ville dans huit ou neuf minutes et que les gens d'Environnement Canada le savent, ils seraient en mesure d'utiliser le système pour lancer une alerte publique dans un délai de deux à trois minutes. À gauche, vous pouvez voir les municipalités en pointillés. Nous nous attendons à ce que les municipalités deviennent un jour les auteurs de messages, mais elles seront accréditées par les gouvernements provinciaux à ce moment-là.
En ce qui concerne le contexte et leur portée, les messages d'alerte ne seraient émis qu'en cas d'événements mettant des vies en danger, par exemple une tornade, des déversements de produits toxiques ou un tsunami. Chaque message d'alerte contiendrait les renseignements suivants : l'organisme gouvernemental autorisé à lancer l'alerte, le danger imminent, les collectivités et les régions concernées et les mesures de protection que les citoyens doivent prendre, c'est- à-dire, entre autres, ce qu'il faut faire au sujet de la menace à l'origine de l'alerte. Les auteurs de message créeront ces messages d'alerte en adoptant une formule normalisée qu'on appelle un protocole d'alerte commun. Il s'agit d'une formule de message d'alerte reconnue mondialement, et que l'on adapte actuellement pour s'en servir au Canada. Cette formule permet la répartition rapide et facile de messages entre diverses administrations utilisant des systèmes différents.
Le centre de répartition, qui se trouve au milieu de la figure, recueillera les messages d'alerte des différents auteurs de message et les authentifiera en confirmant qu'il s'agit bien d'un message d'utilisateur autorisé. Cela se fera au moyen d'un processus informatisé. Le centre de répartition ne modifiera pas le contenu des messages, étant donné la nécessité de les diffuser rapidement. Le contenu des messages d'alerte relève entièrement de leur auteur.
Les deux premiers éléments, qui sont en jaune dans la figure, représentent la partie gouvernementale du système. Cette partie reposerait sur un système de TI sécurisé permettant de créer, d'authentifier et d'inscrire des messages d'alerte, ainsi que sur un organe de régie composé de représentants des deux ordres de gouvernement.
La partie du système relevant du secteur privé est en vert dans la figure. Les diffuseurs recevraient les messages d'alerte du centre de répartition et les diffuseraient auprès du public par divers moyens. Jusqu'à maintenant, nous avons surtout visé la diffusion des messages d'alerte au public par la radio et la télévision. L'idée était de tirer parti des décisions prises par le CRTC. Cependant, dans peu de temps, à mesure que le système se raffinera, les particuliers pourraient s'inscrire et recevoir les messages d'alerte par Internet et par les sans-fil comme le BlackBerry, qui est fabriqué au Canada.
Évidemment, le système fonctionnera 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et il sera doté de composantes de protection de la sécurité et de répétition. Il faut signaler que, si le système proposé vise l'ensemble du Canada, dans la plupart des cas, les messages d'alerte ne seront diffusés que dans la région touchée.
Nous discutons par ailleurs avec nos homologues de la FEMA — la Federal Emergency Management Agency des États-Unis — pour établir des façons de nous aider mutuellement. Les États-Unis ont déjà un système national d'alerte au public. Ce système est en place depuis des années, mais on est en train de le mettre à niveau. Évidemment, nous voulons faire en sorte que nos systèmes évoluent de façon à être compatibles et interopérables dans la mesure du possible.
Le système que je viens de décrire a été présenté aux ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la gestion des urgences à l'occasion de leur réunion du 9 janvier 2008. Ils se sont montrés très en faveur du projet et nous ont demandé de continuer de travailler avec les diffuseurs à l'établissement d'un système canadien d'alerte au public qui serait fonctionnel en 2010.
[Français]
Honorables sénateurs, voilà qui conclut ma déclaration préliminaire, il me fera plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Monsieur Dakdouki, vous avez la parole.
[Français]
Chaouki Dakdouki, directeur, Politiques et planification en matière de réglementation. Industrie Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de discuter du rôle d'Industrie Canada dans l'établissement d'un système national d'alerte au public.
[Traduction]
Comme mon collègue, M. Beaudoin, l'a souligné, Industrie Canada est activement engagé dans ce dossier depuis un certain temps. Avec la permission des membres du comité, je vais résumer le travail que nous avons effectué dans le domaine des alertes au public, ce qui pourrait contribuer à établir un contexte pour le débat d'aujourd'hui.
En 2001, dans le cadre de l'initiative Sécurité publique et lutte contre le terrorisme ou SPLT, Industrie Canada s'est vu confier quatre millions de dollars en financement de démarrage pour élaborer une stratégie relative à un système national d'alerte au public. La majeure partie des fonds a été affectée à la période de trois exercices se terminant en mars 2005.
[Français]
Dans le cadre de ce projet, on a entrepris diverses activités en vue de déterminer la nécessité d'un tel système et de démontrer la faisabilité de son lancement à l'échelle du Canada. Industrie Canada a établi des groupes consultatifs fédéraux, provinciaux, territoriaux, municipaux et industriels chargés de participer à ce processus, assurant ainsi la contribution des principaux intervenants.
Un examen des capacités actuelles en matière d'aide au public a révélé des lacunes considérables dans presque toutes les régions du pays. Industrie Canada a dirigé, en collaboration avec ces groupes consultatifs d'intervenants, l'élaboration d'une ébauche de document de réflexion sur les moyens de combler ces lacunes, qui décrivait la situation du système d'alerte au Canada et exposait les pratiques exemplaires.
On y proposait un plan de mise au point d'un système d'alerte au public pancanadien multivoix faisant appel à plusieurs technologies destinées à transmettre des messages d'urgence à l'aide de l'infrastructure actuelle des télécommunications et des radiodiffusions. Ce système proposé était couramment appelé CANALERTE. Industrie Canada a procédé à des essais de ces techniques en conditions réelles qui ont montré qu'il est possible d'adapter diverses technologies de télécommunication et de radiodiffusion de telle sorte qu'elles puissent transmettre efficacement des messages d'urgence au public dans les régions touchées par des menaces imminentes ou actuelles pour la vie. Par exemple, des essais en conditions réelles, effectués avec la participation de 24 stations de CBC/Radio-Canada, visaient à déterminer la faisabilité du déploiement d'un outil de radiodiffusion d'alerte dans tout le Canada. On a mis à l'essai un prototype en vue de montrer comment des messages d'urgence peuvent être diffusés par l'entremise de stations de radio sans personnel. En outre, on a effectué des essais à l'aide d'un système de notification téléphonique amélioré dans des collectivités à haut risque, des systèmes d'Internet et des technologies de radiodiffusion cellulaire sans fil.
On a identifié une norme de messagerie commune, le protocole d'alerte commun, comme élément clé d'un système national intégré. Le protocole d'alerte commun, aussi connu en anglais sous le pseudonyme CAP, est en train d'être adopté comme norme de messagerie pour le système d'alerte au public partout dans le monde, et surtout aux États- Unis et ici au Canada. Il est conçu de façon à garantir la compatibilité des divers systèmes et des diverses technologies au Canada ainsi que la compatibilité future, comme Serge l'a mentionné, avec les États-Unis.
Une ébauche de lignes directrices pour l'exploitation et l'utilisation de CANALERTE a été élaborée par un groupe de travail fédéral-provincial-municipal, et fournie à des groupes industriels à titre consultatif.
Cette ébauche traite des questions opérationnelles réglementaires et stratégiques dans la gouvernance des systèmes proposés et les responsabilités légales associées aux diverses composantes du système. Le groupe de travail établi par Industrie Canada a étudié ces questions ainsi que d'autres facteurs liés à la mise en œuvre. Industrie Canada a aussi été l'hôte de deux forums sur les alertes au public qui ont été très bien reçus ainsi qu'un atelier général sur le protocole de l'aide commun.
Enfin, des fonds ont été consacrés afin de nous maintenir au courant de l'évolution du système d'alerte au public aux États-Unis et d'adapter le protocole d'alerte commun au contexte canadien. Nous avons ainsi établi une base importante en vue de l'établissement des capacités nationales en matière d'alertes au public. Dans le cadre de ce travail initial, Industrie Canada a reçu un immense soutien de Sécurité publique Canada, de votre comité, de différents partenaires fédéraux ainsi que d'organismes de gestion des urgences provinciaux territoriaux et municipaux et d'intervenants de l'industrie. Cela est reflété dans l'annonce faite en janvier 2005 par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la gestion des urgences, laquelle portait sur un plan de travail à huit volets incluant l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie nationale d'alertes au public dirigées par Industrie Canada.
En vue de préciser les rôles et les responsabilités dans le cadre du plan de travail fédéral, provincial et territorial, les sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la gestion des urgences ont décidé en juin 2006 que Sécurité publique Canada devrait être le ministère fédéral responsable de la mise en œuvre de la stratégie nationale d'alertes au public avec Industrie Canada en tant que partenaire chargé de l'exécution.
À ce titre, nous continuons à collaborer étroitement avec Sécurité publique et Protection civile Canada et nos autres partenaires en vue d'atteindre l'objectif récemment formulé par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la gestion des urgences et avec le secteur de la radiodiffusion pour établir un système canadien d'alerte au public qui serait opérationnel en 2010.
Monsieur le président, cela conclut ma déclaration d'ouverture. Je serai heureux de répondre aux questions du comité.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Chers collègues, avec votre permission, j'aimerais que nous modifiions l'horaire pour que la période de questions pour le groupe de témoins actuel se termine à 18 h 30 et que nous recevions le deuxième groupe de 18 h 45 à 20 heures. Est-ce que cela vous va?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Banks : Merci, messieurs, d'être ici.
Je dois vous avouer que je suis très partial. Je m'excuse à l'avance de ce que certaines de mes questions seront provocatrices, et ressembleront davantage à des prises de position qu'à des questions. À l'exception d'une seule chose que vous avez dite, monsieur Hutton, ce que nous avons entendu aujourd'hui, et ce dont nous sommes témoins depuis de nombreuses années est un parfait exemple des raisons pour lesquelles le pays ne fonctionne pas bien. Je dois vous dire que je suis extrêmement frustré, comme, je pense, certains autres de nos collègues, lorsque des gens nous disent « Nous progressons vers cet objectif », « compte tenu de ce que » et « mettre en branle des plans pour ceci, cela et toutes sortes d'autres choses ».
J'ai un point de vue biaisé sur la question qui nous occupe aujourd'hui parce que je viens de l'Alberta, où nous avons depuis un certain temps un système imparfait, mais fonctionnel, d'interruption des émissions de toutes les organisations de radiodiffusion sauf une, dans le cas d'événements pouvant mettre en danger des vies ou endommager des biens. Le système est en place depuis longtemps.
Je suis extrêmement frustré par le fait que, comme vous venez de le souligner, monsieur Dakdouki... à tout le moins, le gouvernement s'est aperçu en 2001 qu'il fallait faire quelque chose à ce sujet — 2001 —, et il a commencé à fournir des fonds pour des études de faisabilité et pour déterminer s'il convient de mettre en place un système national d'alerte.
La question est absurde, puisque, comme l'a souligné M. Hutton, en fonction de la gravité de la situation, la capacité d'obtenir des renseignements exacts et à jour peut faire la différence entre la vie et la mort.
Personne n'avait besoin de faire une étude là-dessus. C'est quelque chose que nous savons. Ce genre d'étude aurait pu prendre quelques jours, si nécessaire. Si une situation suffisamment urgente survenait, cela pourrait être fait en quelques jours. Je sais que vous savez que les outils technologiques nécessaires existent. Ce que j'ai entendu de plus réjouissant aujourd'hui, c'est M. Hutton qui l'a dit, et c'est que vous allez faire quelque chose à ce sujet si personne d'autre ne le fait. J'espère que le CRTC a le pouvoir d'appliquer les recommandations que le comité a formulées il y a des années, bien longtemps après que d'autres aussi ont recommandé de faire ce qu'il faut faire. J'espère qu'on va obliger les organisations de radiodiffusion et d'autres moyens de communication du pays.
Monsieur Hutton, avez-vous le pouvoir de faire cela?
M. Hutton : Oui, nous l'avons.
Le sénateur Banks : Allez-vous le faire?
M. Hutton : Oui.
Le sénateur Banks : C'est une promesse que vous faites, et nous allons nous assurer que vous la tenez. Ça va être trop tard, et ça aurait dû être fait bien avant.
Vous avez parlé du 1er mars 2009. Vous avez parlé aussi d'un rapport qui va être publié cette année. Allez-vous décider d'agir en fonction du contenu de ce rapport pour qu'il y ait quelque chose en place au 1er mars 2009, ou est-ce que la décision sera prise si vous n'avez rien fait d'ici 2009?
M. Hutton : Je vais préciser une chose avant de répondre à votre question.
Dans mon exposé, j'ai parlé de deux choses. J'ai parlé d'un système d'alerte sur tous les canaux, c'est-à-dire un système d'alerte pour toutes les émissions. J'ai aussi parlé de ce que nous appelons le service d'avis aux collectivités, dont le comité a déjà parlé, je crois, en l'appelant le service 9-1-1 inversé. Nous nous attendons à recevoir un rapport sur le service d'avis aux collectivités ce mois-ci. Nous avons déjà décidé de mettre en place un service du genre. L'industrie, les municipalités et les intervenants concernés ont travaillé toute l'année, et c'est confirmé, ils vont nous présenter un rapport. Par la suite, d'après ce que je sais, il va y avoir une courte période de mise en place du service. Ainsi, le système sera fonctionnel avant la fin de l'année.
Le sénateur Banks : Je veux que vous parliez des messages radiodiffusés et de mars 2009.
M. Hutton : Nous avons mis l'industrie au défi de nous présenter volontairement un plan le 28 février 2007. Cela supposait de travailler avec ces personnes et avec nous pour élaborer un système. Le 1er mars, si ce système n'est pas en place, nous allons entamer le processus qui permettra de mettre un système en place.
Le sénateur Banks : Combien de temps cela prendra-t-il?
M. Hutton : Ça dépend de ce qui doit arriver. M. Beaudoin est déjà passablement avancé dans le processus de mise en place d'un système de messages par le gouvernement. Si rien ne se produit d'ici le 1er mars et que nos radiodiffuseurs ne réagissent pas, nous pourrons adopter, dans un délai de six à huit semaines, des règlements qui les obligeront à faire ce qui se fait déjà au gouvernement.
S'il n'y avait aucun système en place — pas même la base qui a été fournie —, nous lancerions un appel de soumission pour faire mettre en place un système. Cela prendrait probablement quelques mois.
Le sénateur Banks : Quelques années?
M. Hutton : Probablement pas. Lorsque nous avons lancé des appels de soumission dans le passé, plusieurs soumissionnaires ont répondu. Nous n'avons pas adopté les systèmes en question, parce que ceux-ci n'étaient pas parfaits, mais il y aurait probablement au moins deux parties intéressées.
Le sénateur Banks : Le cas échéant, choisiriez-vous un système que vous rendriez obligatoire pour les radiodiffuseurs?
M. Hutton : Oui.
Le sénateur Banks : Est-ce que l'adoption de ce système sera une condition pour obtenir une licence de radiodiffusion?
M. Hutton : Nous pouvons rendre un système obligatoire par voie réglementaire ou en en faisant une condition pour obtenir une licence de radiodiffusion, et nous ferions probablement les deux.
Le sénateur Banks : Pensez-vous qu'il est probable que le CRTC ait recours aux deux moyens, pour que tout soit très clair?
M. Hutton : Le moyen principal, ce serait par l'intermédiaire de la réglementation; ce serait clair. Comme mesure de rechange, pour les cas échappant à la réglementation, ce serait une condition d'obtention de licences.
Le sénateur Banks : Je m'excuse de ma frustration, messieurs. Les outils technologiques en question ne seront jamais parfaits. Ils vont toujours s'améliorer. Cependant, quelqu'un doit prendre le taureau par les cornes et faire quelque chose. Comme vous l'avez souligné, il s'agit dans certains cas d'une question de vie ou de mort, et c'est déjà arrivé en Alberta, comme vous le savez, je pense. Quelqu'un doit prendre le taureau par les cornes et rendre le système obligatoire, parce qu'il n'y a pas lieu de remettre en question la nécessité d'adopter ce genre de système.
Le président : J'espérais que vous alliez continuer encore un peu, sénateur Banks.
Le sénateur Zimmer : Vous avez dit que, si le système n'est pas en place d'ici le 1er mars de l'an prochain, vous allez lancer le processus. Voici ma question : quand le système sera-t-il opérationnel?
M. Hutton : Ça prendrait au moins un an, après cela, pour que le système soit opérationnel — s'il faut le bâtir à partir de rien. S'il s'agit d'ordonner aux entreprises ou à nos radiodiffuseurs de le faire, il faudrait moins de temps.
Le sénateur Zimmer : Fixeriez-vous une date limite pour que le système soit opérationnel?
M. Hutton : Ce serait en moins d'un an.
Le sénateur Tkachuk : Je partage certaines des préoccupations du sénateur Banks. Cependant, pour que je sois sûr de bien comprendre, en février 2007, lorsque la Commission a lancé un défi aux fonctionnaires chargés de la gestion des urgences, des radiodiffuseurs, et cetera, en ce qui concerne la date limite du 1er mars 2009, est-ce que c'était la date limite pour qu'ils acceptent ou pour qu'ils aient adopté un système fonctionnel?
M. Hutton : Je pense que nous avions des plans, imparfaits cependant, devant nous en février 2007. Ce que nous souhaitions, c'est que le système soit opérationnel avant mars 2009, ou, à tout le moins, qu'il soit très près de l'être.
Le sénateur Tkachuk : Ça fait un an. Qui suit ce qui se passe?
M. Hutton : Nous avons travaillé en collaboration. Je crois que M. Beaudoin a dirigé l'équipe.
Le sénateur Tkachuk : Où en sont les choses?
M. Beaudoin : J'ai commencé à travailler à Sécurité publique Canada en février 2007, et j'ai participé à une réunion fédérale-provinciale-territoriale des hauts fonctionnaires chargés de la gestion des urgences. Ils ont exprimé des frustrations semblables à celles que le sénateur Banks a exprimées tout à l'heure. Ils les ont exprimées haut et fort.
Nous avons retroussé nos manches pendant l'année et nous avons rencontré les membres de ce groupe de travail provincial-territorial et déterminé les options possibles. Nous avons sorti toutes les idées pour choisir le genre de système que nous voulons mettre en place. Quel genre de système allons-nous avoir à l'issue du processus? Nous avons tout étudié de A à Z et présenté les options aux ministres à différents moments au cours de l'année. Ils ont bien accueilli ces options. Nos collègues des gouvernements provinciaux qui étaient frustrés au départ ont été contents des progrès que nous avons réalisés au cours de cette année.
Nous sommes en voie de mettre un système en place d'ici 2010. J'aimerais pouvoir dire que le système sera opérationnel demain; cependant, ce n'est pas le cas.
Le sénateur Tkachuk : Qu'arriverait-il s'il y avait une urgence aujourd'hui?
M. Beaudoin : Nous devons compter sur les mécanismes existants.
Le sénateur Tkachuk : C'est-à-dire?
M. Beaudoin : Il y a un système en Alberta. Cependant, les mécanismes ne sont pas les mêmes partout au pays. C'est le problème que nous essayons de régler. En ce moment, nous sommes en mesure de fixer une échéance.
Le sénateur Tkachuk : Comme dans le cas de la santé, voulons-nous que le système soit exactement le même dans toutes les provinces? N'y a t-il pas des mesures d'urgence dans chacune des provinces? N'y a-t-il pas un système d'alerte dans chacune des provinces?
M. Beaudoin : Non.
Le sénateur Tkachuk : Mis à part l'Alberta, qui en a un?
Le sénateur Banks : Personne.
M. Beaudoin : L'Alberta en a un. La province souhaite mettre son système à niveau, parce qu'il s'agit d'un système analogique. Elle souhaite moderniser son système en même temps que nous allons adopter un système national. Nous travaillons en partenariat à cet égard.
Le sénateur Tkachuk : Comment faisions-nous pour donner l'alerte partout au pays pendant la Guerre froide ou la Seconde Guerre mondiale? L'avons-nous fait? N'avions-nous pas un système quelconque?
M. Beaudoin : Je pense que c'était un système de sirène, mais je ne connais pas les détails.
Le président : Dans les années 1950, il y avait un système de sirène. Pour le compte rendu, je veux dire qu'il y a actuellement un système que les provinces peuvent adopter volontairement, et il y a des gens chargés d'organiser une conférence de presse ou de téléphoner à une station de radio. Cependant, il n'y a aucun système obligatoire ailleurs qu'en Alberta.
M. Beaudoin : Le système que nous essayons de bâtir nous permettra de diffuser un message à la population en deux ou trois minutes, peu importe où les gens se trouvent.
Le sénateur Tkachuk : S'il y a une urgence à Prince Albert, vous voulez que les gens de Prince Albert soient au courant; peu importe si je suis au courant, moi qui me trouve à Ottawa. Pourquoi dites-vous que vous voulez que tout le monde soit au courant, peu importe où les gens se trouvent?
M. Beaudoin : Permettez-moi de préciser. Nous voulons mettre en place un système d'alerte publique national, mais qui sera surtout utilisé à l'échelle locale. Par national, nous entendons un système qui fonctionnera partout au pays; cependant, grâce à des géocodes, il sera possible de choisir la région dans laquelle sera donnée l'alerte.
Le sénateur Tkachuk : Quand allez-vous aviser le CRTC du fait que tout va bien et que nous allons avoir un système?
M. Beaudoin : Nous avons jusqu'à maintenant transmis toute l'information dont nous disposions au CRTC, ainsi qu'à tous nos collègues du gouvernement fédéral, parce qu'Environnement Canada, Patrimoine canadien et d'autres intervenants sont intéressés. Nous allons les tenir informés pendant tout le processus.
Le sénateur Tkachuk : Vous vous attendez à ce que tout soit terminé le 1er mars 2009?
M. Beaudoin : Nous avons préparé un chemin critique. Depuis que les ministres nous ont demandé de mettre un système en place, nous avons l'accord de toutes les provinces et de tous les territoires pour le faire d'ici 2010. C'est une décision qui a été prise. Depuis, nous avons déterminé tout ce qu'il fallait faire d'ici 2010.
La prochaine étape, pour nous, c'est une demande de renseignements, c'est-à-dire le processus gouvernemental qui consiste à présenter l'énoncé de travail au secteur privé, afin d'expliquer ce qu'on tente de bâtir et d'obtenir des renseignements sur la contribution que les gens pourraient apporter au projet. C'est une étape qui précède l'appel de propositions, lequel est le processus d'appel d'offres officiel pour la mise en place du système.
Nous allons rédiger une lettre d'intention — une demande de renseignements — d'ici la mi-mars et recevoir des soumissions d'ici la fin d'avril. Nous serons en mesure de rencontrer les représentants de l'industrie et d'établir les paramètres des appels de propositions, que nous allons lancer dans le site Web de Travaux publics, à l'aide du système MERX. Nous espérons recevoir les soumissions du secteur privé d'ici la fin de l'année. Nous voudrions conclure un marché au début de l'année qui vient pour la mise en place du système offrant le meilleur potentiel de rentabilité.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais en savoir plus sur le fonctionnement du système de sirène. Ce que je pense, c'est que, si le système prend six ans à mettre en place, je ne suis pas convaincu qu'il va être efficace si une urgence survient.
M. Beaudoin : Je ne suis pas sûr de comprendre la question.
Le sénateur Tkachuk : La mise en place du système prend vraiment beaucoup de temps, alors qu'il faudrait procéder de toute urgence, il me semble. Ce sont les mêmes personnes qui vont mettre en place le système et le gérer, n'est-ce pas?
M. Beaudoin : Le système va être géré à différents niveaux, comme l'indique la figure que j'ai présentée. Les bureaux de gestion des urgences des provinces vont diffuser des messages d'alerte. Je suis convaincu que la gestion va être efficace.
Le président : Je crois que ce que le sénateur Tkachuk voulait dire, c'est qu'il a peur qu'on forme un comité et qu'on le charge de créer un groupe d'étude qui embauchera des consultants qui devront déposer un rapport en temps opportun lorsqu'on détectera la présence d'une tornade.
Le sénateur Tkachuk : Exactement.
Le sénateur Banks : Sénateur Tkachuk, dans le cas de l'Alberta, qui n'est pas nécessairement un modèle, les personnes chargées de la gestion des urgences appuient sur un bouton lorsqu'ils ont décidé qu'il y a un problème, et ils ne consultent personne à ce sujet. Ces responsables ont le pouvoir d'interrompre immédiatement toute émission pour diffuser un message. Je présume que c'est le cas également dans le modèle que décrit la figure présentée par M. Beaudoin.
Combien de temps a-t-il fallu, aux États-Unis, pour mettre en place un système national d'avertissement?
M. Beaudoin : Je ne sais pas. Le système américain fonctionne depuis les années 60, et il a fait l'objet de quelques mises à niveau depuis.
Le sénateur Tkachuk : En Saskatchewan, nous n'avons pas de système officiel, mais nous en avons tout de même un. En cas d'urgence, les gens sont alertés, et des mesures sont prises, comme ça a été le cas en 2006 lorsqu'il y a eu la tempête de neige. Les services de nouvelles diffusent des messages publics à la radio. Les gens ont rapidement su ce qui se passait et ce qu'il fallait faire.
Je ne vois pas le problème, puisqu'il y a déjà un système qui fonctionne d'une manière ou d'une autre. Que le système fasse l'objet d'une loi ou d'une autre n'a pas d'importance; ce qui compte, c'est qu'il soit fonctionnel. Nous avons en Saskatchewan un système pour prévenir les gens en cas d'urgence.
Le président : Avez-vous des radios à transistor en Saskatchewan?
Le sénateur Tkachuk : Elles ne sont pas obligatoires, non, mais nous en avons.
Le sénateur Day : Il n'y a rien comme la ligue d'information qu'on utilise dans les régions rurales de la Saskatchewan — les nouvelles vont vite.
Est-il juste de parler de CANALERTE en ce qui concerne le projet qui sera réalisé en 2010? CANALERTE est encore le terme que nous allons utiliser pour parler de ce projet, n'est-ce pas?
M. Beaudoin : Nous utilisons l'expression « système national d'alerte publique ».
Le sénateur Day : Oui. C'était CANALERTE auparavant, et c'est maintenant le système national d'alerte publique. Est-ce que c'est comme ça que les choses ont évolué?
M. Beaudoin : Oui, nous utilisons « système national d'alerte publique » à la place de l'autre terme. Nous pensons que c'est plus évocateur.
Le sénateur Day : J'ai jeté un coup d'œil sur le document de travail d'Industrie Canada qui était un résumé de l'exposé. À la page 3, vous dites que, en plus des enjeux opérationnels, il y a des lignes directrices à l'état d'ébauche qui soulèvent des questions relatives à la réglementation et aux politiques, notamment en ce qui concerne la gestion du système proposé. Est-ce que c'est réglé maintenant? Est-ce que c'est le ministère de Stockwell Day qui va prendre les commandes du centre de répartition gouvernemental? Est-ce que ces questions de gestion sont réglées?
M. Beaudoin : Oui, Sécurité publique Canada va se charger de tout le dossier des alertes publiques à l'échelle nationale. Nous avons l'appui d'Industrie Canada. En fait, Industrie Canada nous a prêté certains employés pour nous aider à maximiser notre expertise technique dans ce domaine. Cependant, c'est Sécurité publique Canada qui va prendre les commandes.
Le sénateur Day : Est-ce que les questions relatives à la gestion dont vous parlez à la page 3 ont été réglées? Quels sont les obstacles qui vous empêchent de le faire? À quoi travaillez-vous en ce moment?
M. Dakdouki : Notre façon d'aborder la question de la gestion, c'est plus que de seulement déterminer qui va être aux commandes. Nous parlons également des messages d'alerte, pour déterminer qui va les lancer. Comme mes collègues l'ont mentionné, l'alerte va être donnée à différents niveaux. Dans le cas de l'Alberta, si ce sont les premiers intervenants municipaux qui donnent l'alerte, ils vont pouvoir continuer de le faire.
La question de la gestion avait davantage trait au fait de déterminer qui serait responsable des différentes composantes du réseau ou du système et les rapports que les différents responsables vont entretenir. Cette question a été réglée. Nous avons rédigé un rapport final au sujet du processus d'alerte qui semble faire consensus auprès des intervenants.
Le sénateur Day : Qui va décider que le message d'alerte émis par les municipalités doit passer par le système?
M. Dakdouki : C'est la raison pour laquelle nous avons constitué ce groupe de travail. Dans une situation d'urgence, nous n'allons pas nous réunir pour créer un comité chargé de discuter de cette responsabilité. Nous devons régler ces questions à l'avance. La décision que nous avons prise, c'est que quiconque est chargé de gérer la situation d'urgence pourra donner l'alerte.
Le sénateur Day : Puis-je poursuivre sur le contenu de cette page?
M. Dakdouki : Oui.
Le sénateur Day : Disons qu'une municipalité est confrontée à une urgence. Est-ce qu'elle peut avoir recours au système pour diffuser un message d'alerte? Qui déterminera quelles sources de l'industrie doivent être utilisées ou si elles peuvent toutes l'être?
M. Dakdouki : Cela va se décider dans le cadre du protocole d'alerte commun. Il y a un protocole qui dépend de la gravité et de l'imminence d'une urgence, ainsi que de l'identité de l'émetteur et des autorisations qu'il a. La décision va être prise automatiquement, et le message va être rediffusé automatiquement par les bonnes voies.
Le sénateur Day : Parlons des autorisations. Disons que je suis le maire d'une ville où une urgence survient. À qui dois-je m'adresser pour obtenir l'autorisation d'utiliser les systèmes?
M. Beaudoin : Pour utiliser le système, vous devez d'abord vous adresser à votre bureau provincial de gestion des urgences. Si la province vous donne l'accréditation, alors vous avez directement accès au système par la suite. Si vos activités ont lieu 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, et que vous respectez certains critères, vous êtes en mesure de diffuser le message d'avertissement directement auprès de vos citoyens.
Le sénateur Day : Qui travaille dans ce centre de répartition gouvernemental qui reçoit le message et qui détermine quelles sources de l'industrie sont utilisées ou si elles sont toutes utilisées?
M. Beaudoin : Une précision : ce sera un processus automatisé. Il relèvera du Centre des opérations du gouvernement, de façon qu'il puisse s'assortir d'un soutien technique 24 heures sur 24, mais il s'agira d'un processus automatisé. Le message va passer par le système, qui comportera les outils technologiques nécessaires pour vérifier l'identité de l'émetteur, et le système va diffuser le message dans tous les médias : la radio, la télévision, le sans-fil et Internet. L'idée, c'est d'envoyer le message aux différentes sources et de laisser le secteur privé s'occuper directement de ses abonnés, c'est-à-dire la population canadienne.
Le sénateur Day : Pouvez-vous me dire qui prendra la décision quant à l'ampleur de la diffusion?
M. Beaudoin : Au début du processus, la personne ou l'organisation qui donne l'alerte va préciser à qui elle doit être communiquée. Nous utilisons des géocodes, alors si c'est la ville d'Ottawa, par exemple, qui veut émettre un avertissement à l'intention de ses résidents, les représentants de la ville vont utiliser les géocodes pour préciser et seront ainsi en mesure d'alerter les citoyens d'Ottawa.
Le sénateur Day : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Dakdouki?
M. Dakdouki : L'Alberta dispose d'un système semblable, au sein duquel les premiers intervenants jouissent d'une préautorisation d'accès au système. Ils joignent un système de reconnaissance vocale qui donne des instructions, et ils écoutent un message puis entrent leur code. En fonction de ce code et du code d'urgence, le système décide automatiquement par l'intermédiaire de quel canal ou station de radio il faut diffuser le message. Le système dont nous parlons va être semblable à celui de l'Alberta. Nous envisageons des systèmes de distribution multicanaux.
Le sénateur Day : Je commence à comprendre un peu de quoi il s'agit. A-t-on déjà commandé l'équipement technique?
M. Beaudoin : Non.
Le sénateur Day : Avez-vous l'argent nécessaire, ou avez-vous besoin de notre aide pour obtenir les crédits proposés?
M. Beaudoin : Les ministres ont décidé de prendre des mesures dans ce dossier.
Le sénateur Day : Les ministres ont décidé de demander aux parlementaires d'approuver l'octroi des sommes d'argent nécessaires, n'est-ce pas?
M. Beaudoin : Pas nécessairement du côté du gouvernement fédéral.
Le sénateur Day : A-t-on déjà présenté des demandes de fonds?
M. Beaudoin : Il serait peut-être possible d'utiliser des fonds réservés dans le cadre de budgets existants.
Le sénateur Day : Permettez-moi de vous poser une autre question. La responsabilité légale est l'un des obstacles dont vous avez parlé. Je comprends pourquoi il faut un certain temps pour régler certaines questions relatives à la responsabilité légale et à la protection des renseignements personnels. Est-ce que ces choses sont réglées ou s'agit-il encore d'obstacles à surmonter?
M. Dakdouki : Un groupe de chez nous a travaillé là-dessus. La décision qui a été prise, c'est que l'émetteur de l'alerte va être responsable, du point de vue légal, de tout préjudice causé. Le groupe en question a trouvé un consensus quant à la façon de procéder. Quant aux autres questions légales, le débat est toujours en cours, mais il y a un consensus quant à cette question.
Le sénateur Day : Ma dernière question a trait au CRTC, monsieur Hutton. Je veux poursuivre dans la veine de la question provocatrice que le sénateur a posée tout à l'heure. Pouvez-vous me parler d'argent? Vous avez dit : « Si ce n'est pas fait, nous allons le faire; si nous n'obtenons pas l'approbation, nous allons le faire nous-mêmes. »
Je comprends de quelle façon le CRTC pourrait faire de l'adoption du système une condition pour l'obtention d'une licence. Est-ce que vous nous dites que le CRTC a le pouvoir d'instaurer des règlements généraux, peu importe l'entité particulière qui en fait l'objet?
M. Hutton : Nous devons régir l'entité. Nous instaurerions des règlements concernant les radiodiffuseurs — certains radiodiffuseurs du domaine de la radio et de la télévision et d'autres, qui s'occupent de livrer les produits des radiodiffuseurs aux consommateurs. Les propositions les plus réalistes jusqu'à maintenant consistent à recourir à la technologie satellitaire pour diffuser les messages d'alerte aux entreprises de câble de chacune des régions. Les messages seraient ensuite diffusés à l'aide des outils technologiques de chacune des régions.
Le sénateur Day : Dans votre exposé, vous avez dit que vous chargeriez une seule entité d'exploiter le système et de s'assurer qu'il est adéquatement financé.
M. Hutton : Le financement viendrait de frais exigés de chacun des abonnés du câble.
Le sénateur Day : Plutôt que des recettes générales du gouvernement?
M. Hutton : Oui.
Le sénateur Day : Le CRTC ne régit pas Internet, mais disposez-vous quand même de l'autorité nécessaire pour vous assurer que les fournisseurs d'accès à Internet se conforment à ce plan?
M. Hutton : Nous avons le pouvoir de régir les radiodiffuseurs. Il s'agirait d'exiger des radiodiffuseurs, ou des organisations dont nous déterminerions qu'elles joueraient probablement un rôle de radiodiffuseur, qu'elles exploitent le système, pour diffuser les messages dans Internet. Le plan initial serait de les diffuser auprès des téléspectateurs. Il serait assez facile de prendre des mesures pour les faire parvenir aux stations de radio. Les fournisseurs d'accès à Internet semblent penser qu'ils sont en mesure de diffuser les messages par courriel, mais je ne pense pas que nous sommes déjà capables de faire parvenir un message directement à un FSI pour que celui-ci donne la priorité aux messages sur toute autre activité en cours.
Le sénateur Day : Vous parlez des FSI?
M. Hutton : Notre système serait surtout fondé sur la télévision.
Le sénateur Day : C'est ce que je pensais. Internet fait partie des moyens que vous envisagez, mais ce média ne va pas jouer un grand rôle tout de suite.
M. Hutton : C'est la raison pour laquelle nous avons refusé dans le passé d'adopter des systèmes qui nous ont été offerts parce qu'ils n'étaient pas intégrés, comme je l'ai dit au sénateur Banks. Notre système commencerait par la télévision.
Le sénateur Day : Vous avez parlé d'un système national, ce qui m'a fait penser aux communications par satellite. Est-ce que celles-ci en font partie?
M. Beaudoin : Elles en font partie dans le cas des entreprises de télévision qui ont des satellites. Il y aura une liaison montante à la disposition de quiconque sera intéressé.
Des entreprises dont nous avons rencontré les représentants et qui devront intégrer cela à leur programmation télévisuelle, certaines sont des fournisseurs de service Internet et d'autres sont des fournisseurs de service sans fil. Elles ont indiqué qu'elles vont faire en sorte de pouvoir éventuellement offrir cela à leurs abonnés.
Le sénateur Day : Je vais terminer en vous félicitant de ce que vous avez dit que vous cherchez à adopter un système interopérable et que vous êtes conscients de cet aspect dès le début du processus, au moment d'élaborer vos plans. Nous avons constaté l'existence de nombreux problèmes dans le passé en raison de l'absence d'interopérabilité en Amérique du Nord au chapitre de la planification des urgences. L'interopérabilité va être une chose extrêmement importante. Je vous félicite.
Le sénateur Meighen : Il se peut qu'une bonne partie de mes questions servent à obtenir des précisions qui ne seront utiles qu'à moi. Serait-il juste de dire que M. Hutton dispose de certains moyens de garantir la conformité, vu qu'il peut instaurer des conditions de licence et des règlements assez rapidement, et qu'il peut fixer la date limite du 1er mars 2009? M. Beaudoin a parlé de 2010, ce qui est un an plus tard. Il semble que M. Beaudoin ne dispose pas des mêmes moyens de s'assurer de la conformité. Est-ce que c'est réaliste de fixer la date limite à un an seulement après celle qu'a déterminée M. Hutton, étant donné qu'il a beaucoup d'outils à sa disposition et que vous, monsieur Beaudoin, n'avez que votre charme et votre capacité de convaincre les gens?
M. Beaudoin : Merci de parler de « charme ». J'ai aussi mon collègue. Les intervenants de l'industrie sont tout à fait conscients de la décision qu'a prise le CRTC. Lorsque nous les avons rencontrés, pendant l'été et l'automne, ils avaient hâte de nous voir, hâte de savoir ce qui se passait. Ils se tournent par ailleurs vers le gouvernement fédéral pour savoir vers où se diriger, et, sans lui, il faudrait qu'ils trouvent des solutions eux-mêmes. La solution pourrait varier en fonction des organisations, et plus elle variera, plus elle coûtera cher et moins elle sera susceptible d'être adoptée sans contrainte. Les représentants du secteur savent que le CRTC a pris une décision, et nous avons évolué dans une situation virtuelle, pour ainsi dire.
Le sénateur Meighen : Le sénateur Tkachuk en a déjà parlé brièvement, mais la grande inconnue, ou le trou, dans tout cela, c'est le besoin, dans une mesure importante, qu'il y ait l'électricité pour que le système fonctionne. S'il y avait, par exemple, une autre tempête de verglas comme celle de 1998, il y aurait une panne d'électricité en raison de l'effondrement des pylônes, et cetera. Comme très peu de gens ont des radios à transistor, comment allons-nous faire circuler le message?
M. Beaudoin : Il est important que chacun des auteurs de message élabore des plans de continuité des activités pour s'assurer d'être pleinement fonctionnels en cas de panne de courant. Toutes les OMU sont tenues de mettre en place ce genre de plan.
Le sénateur Meighen : C'est super si elles peuvent diffuser mais que je ne peux ni les entendre ni les voir parce que j'ai besoin d'électricité pour faire fonctionner mon poste.
M. Beaudoin : C'est la raison pour laquelle nous essayons de diffuser les messages le plus largement possible. Nous les communiquons aux stations de radio et de télévision. De même, les stations de radio qui diffusent les conditions météorologiques lorsqu'il y a une alerte spéciale vont recevoir ces messages. Nous avons choisi un vaste éventail de produits de diffusion.
Le sénateur Meighen : Est-ce que ces produits vont fonctionner sans électricité?
M. Beaudoin : Pour les particuliers?
Le sénateur Meighen : Oui.
M. Beaudoin : Il n'y a aucune garantie, et c'est la raison pour laquelle nous essayons de faire en sorte que les messages soient multimédias.
Le sénateur Meighen : Je suis préoccupé par la question de savoir s'il y aura suffisamment de médias qui ne dépendent pas de l'électricité. Je vais laisser cela de côté pour l'instant.
Monsieur Hutton, à la page 2 de votre mémoire, vous parlez de permettre aux municipalités d'utiliser les nos de téléphone et les adresses qui figurent dans les bases de données du 9-1-1. De quoi s'agit-il? Parlez-vous du 9-1-1 inversé?
M. Hutton : Nous parlons bien du 9-1-1 inversé dans ce cas. À la maison, vous faites le 9-1-1, mais derrière ce service, il y a un système téléphonique. Vous n'avez qu'à composer le 9-1-1 et, avec un peu de chance, vous parlerez à l'opérateur du 9-1-1. Le système va permettre à l'opérateur du 9-1-1 d'obtenir l'adresse, le no de téléphone et le nom du résident principal du domicile d'où vient l'appel. De même, on a mis en place un système d'adresse codé permettant de communiquer ces renseignements aux intervenants en cas d'urgence. Le 9-1-1 inversé est utilisé plutôt que les autres listes de no de téléphone de la municipalité, ou même que les pages blanches ou jaunes, qui, au mieux, sont mises à jour quatre fois par année en format électronique et une fois l'an pour ce qui est de la version papier. Le système du 9-1-1 inversé est mis à jour quotidiennement, ce qui veut dire que les renseignements les plus à jour figurent dans cette base de données.
Le sénateur Meighen : Comment ces renseignements peuvent-ils être mis à jour quotidiennement si je ne compose pas le 9-1-1?
M. Hutton : C'est l'entreprise de téléphone qui verse les renseignements dans la base de données du 9-1-1. Lorsque vous déménagez, vous demandez une ligne téléphonique. L'entreprise de téléphone est responsable d'inscrire vos renseignements dans la base de données du 9-1-1. Ainsi, on permettra à une autre partie d'accéder à cette base de données, de façon à pouvoir appeler les résidents pour les aviser d'une urgence.
Le sénateur Meighen : Je m'excuse si je pose une question à laquelle on a déjà répondu, mais est-ce que les problèmes relatifs à la protection des renseignements personnels ont été réglés?
M. Hutton : Nous y travaillons. C'était l'une des principales tâches du groupe de travail. Nous avons pris certaines décisions de notre propre chef pour faire avancer les choses le plus possible, mais il y a certains détails à régler pour s'assurer que seules les personnes autorisées accèdent à l'information — les personnes dûment autorisées à intervenir en situation d'urgence — et que ces renseignements ne sont utilisés qu'en situation d'urgence.
Le rapport du comité, qui doit être déposé d'ici la fin du mois, contiendra les dernières étapes des protocoles.
Le sénateur Meighen : D'après ce que je sais, la première version du règlement sur la distribution de la radiodiffusion définissait un « message d'alerte d'urgence » comme un message avertissant le public d'un danger imminent ou actuel pour la vie ou pour les biens. Apparemment, le 17 juin 2007, les modifications apportées à ce règlement ont donné lieu à une nouvelle définition de l'expression, de laquelle a été retranché le mot « biens ». Est-ce exact? Le cas échéant, pourquoi?
M. Hutton : C'est exact. Le CRTC a pris cette décision parce qu'on était préoccupé par les interruptions et l'efficacité du système d'alerte. La définition incluant le mot « biens » faisait en sorte qu'il pourrait y avoir tellement de messages d'urgence que le système serait moins efficient et moins efficace. Il s'agissait de maintenir le système à un niveau élevé et de s'assurer que le danger concernait des personnes, et non des biens.
Le sénateur Meighen : Je trouve cela surprenant. Assurément, lorsqu'une tempête de verglas est imminente, la situation est grave.
M. Hutton : Il y a environ 15 000 alertes de forts vents chaque année.
Le sénateur Meighen : Ces forts vents sont plus susceptibles d'endommager des biens que de menacer des vies. Nous ne pouvons pas utiliser le système pour ce genre d'alerte à l'heure actuelle, n'est-ce pas?
M. Hutton : Je ne peux pas vous préciser la nature des événements dont il s'agit, mais c'était surtout des avertissements de forts vents qui faisaient augmenter de beaucoup le nombre d'avertissements et d'interruptions au sein du système.
Le sénateur Meighen : Parlons davantage de ça, parce que cela semble bizarre.
M. Hutton : À titre de renseignements supplémentaires, j'ajoute que je parlais du système automatique sans interruption. Les avertissements concernant les biens peuvent encore être diffusés, mais dans le cadre d'un système volontaire.
Le sénateur Meighen : Présumons-nous, par exemple, qu'une tornade imminente est un danger?
M. Hutton : Si elle est plus violente qu'un fort vent.
Le sénateur Meighen : C'est-à-dire un danger pour la vie?
M. Hutton : Exactement.
Le sénateur Meighen : Qu'en est-il d'un embâcle de glace ou d'une inondation?
M. Hutton : Je pense qu'il s'agit de menaces pour la vie.
Le sénateur Meighen : Vraiment? Est-ce que beaucoup de gens sont morts dans l'inondation de 1950 à Winnipeg, ou dans l'autre, plus récente? Je ne pense pas, mais il y a eu beaucoup de pertes et de dommages au chapitre des biens. Si les gens avaient été prévenus à temps par le système entier, ils auraient peut-être pu prendre des mesures.
M. Beaudoin : Le protocole d'alerte commun, dont nous avons parlé au début de la séance, nous permet de distinguer ce qui est urgent de ce qui ne l'est pas. Le système dont nous parlons est un système au sein duquel les messages sont diffusés immédiatement, ce qui signifie qu'ils concernent un danger dont les gens doivent connaître l'existence dans un délai de deux ou trois minutes. Il faut que les destinataires du message le reçoivent immédiatement. Cependant, le système va nous permettre de diffuser des messages sur le réseau, et si les stations de radio, de télévision, et cetera, veulent diffuser des messages de moindre importance, qui n'exigent pas une interruption immédiate, le système va le permettre. Il va exiger des diffuseurs qu'ils prennent une décision quant au moment où ils veulent diffuser l'alerte.
Pour que ce soit clair, je veux dire qu'il s'agit d'un système qui peut être passablement intrusif, en ce sens que vous pouvez être en train de regarder une émission importante au moment où une autre chaîne prend le dessus pour vous avertir d'une alerte. Il faut que ce soit un événement imminent ou constituant une menace pour la vie. Ces cas mis à part, les diffuseurs recevraient un message en cas de tempête de verglas actuelle ou prévue, et ils décideraient s'ils veulent diffuser un bulletin d'information.
Le sénateur Meighen : Je vois. La diffusion est volontaire si le danger menace des biens.
M. Beaudoin : Oui. L'ensemble des bureaux de gestion des urgences, ainsi qu'Environnement Canada, veulent utiliser ce protocole d'alerte commun pour diffuser le plus de renseignements possible auprès des diffuseurs. À ce moment-là, c'est le diffuseur qui a le choix de ce qu'il veut diffuser, en dehors des messages qui sont immédiatement diffusés.
Le sénateur Meighen : Je regardais la télévision hier, et j'ai vu un message du gouvernement du Canada au sujet de l'« avertissement individuel ». Est-ce que ça vous dit quelque chose? Ça montre à quel point j'ai compris le message. Il y avait pourtant le logo du gouvernement du Canada, et le message parlait d'une période de 72 heures et d'autres choses. Vous rappelez-vous ce que c'est?
M. Beaudoin : Je n'ai pas vu le message dont vous parlez, mais il s'agit peut-être de la campagne de préparation pour 72 heures que le gouvernement du Canada a lancée. Il s'agit d'une campagne visant à informer les citoyens du fait qu'ils devraient être en mesure d'être autonomes pendant 72 heures en cas d'urgence. S'il y avait une panne d'électricité importante, par exemple, les gens devraient avoir les provisions et les autres choses nécessaires pour survivre pendant 72 heures. Le gouvernement du Canada, avec les provinces et les territoires, fait circuler l'idée qu'il s'agit d'une bonne façon de se préparer pour les gens.
Le sénateur Meighen : Avez-vous obtenu une rétroaction de la population après la publication du règlement?
M. Hutton : Nous avons tenu des consultations lorsque nous avons pris la première décision. Par la suite, nous en avons tenu d'autres au moment de mettre en place le système. Je crois que les préoccupations qui ont été soulevées étaient du même genre que les vôtres. Nous avons cependant conclu qu'il fallait garder le règlement. Ensemble, et à la lumière des consultations, je pense que le personnel et les systèmes de gestion des urgences faisaient pencher la balance du côté de la décision qui tient toujours.
Le sénateur Mitchell : Lorsque quelqu'un a dit tout à l'heure que l'Alberta était la seule province à posséder un système structuré, je me demandais ce qui se passerait, s'il y a quelque chose de prévu, pour le cas où un problème surviendrait à Chalk River. Il est clair qu'il y a un système en place pour ça. Dans une situation du genre, où il pourrait y avoir beaucoup de confusion, comment les gens seraient-ils avisés?
M. Dakdouki : Nous avons effectué le relevé des systèmes en place; ainsi, nous avons une liste de ces systèmes. Les « villes nucléaires » sont tenues par le règlement d'avoir un système d'alerte publique pour une région donnée autour du réacteur nucléaire. Chacune des villes où il y a un réacteur doit posséder ce genre de système. Dans certaines villes, il y a des sirènes, dans d'autres, il y a un système de communication communautaire. Les représentants de la Ville d'Ottawa en ont parlé lundi dernier. Il s'agit d'un système qui consiste à tracer un cercle autour du réacteur sur une carte et d'envoyer des messages à certains nos de téléphone précis, dans ce rayon, à l'aide de la base de données du 9-1-1. Nous avons une liste.
L'Alberta a son système pour l'ensemble de la province, mais il existe des systèmes différents et plus petits un peu partout au pays. Nous avons une liste de ces systèmes. Les villes où il y a un réacteur nucléaire, comme Sarnia, disposent de systèmes d'alerte qui sont également utilisés par les entreprises du secteur du pétrole et de la raffinerie.
Le sénateur Mitchell : Qui surveille ces systèmes pour s'assurer qu'ils sont fonctionnels? Je songe au système de contrôle de la qualité de l'eau à Walkerton. Les enjeux sont très élevés.
M. Dakdouki : Normalement, ce sont les autorités locales, en collaboration avec le secteur privé.
Le sénateur Mitchell : Toute cette idée d'un processus suivi volontairement par l'industrie m'intéresse. Je ne comprends peut-être pas tout à fait l'ensemble des éléments de cette opération, mais qu'est-ce que l'industrie fait et que vous ne faites pas, et que faites-vous, au gouvernement, qu'elle ne fait pas? Qu'est-ce qui prend tant de temps à débattre pour les intervenants de l'industrie? Doivent-ils s'entendre pour adopter des outils technologiques communs? Ce ne sont pas eux qui décident du protocole, car il semble que c'est vous. Pouvez-vous nous faire part de vos idées là-dessus?
M. Dakdouki : Nous travaillons ensemble; c'est un travail de collaboration. Il est important qu'ils ne reçoivent pas 10 000 ou je ne sais combien d'alertes de sources différentes. Il est important qu'ils suivent le même protocole. C'est là- dessus que nous avons travaillé toute l'année, en fait. Pour que ces intervenants se réunissent, nous avons constitué des groupes de travail composés de représentants des municipalités, des provinces et de l'industrie. Ils en sont venus à un consensus en ce qui concerne les protocoles qu'ils utiliseront, le moment où l'alerte sera donnée et la forme que prendra le message.
Si le message est télévisé, par exemple, il sera de forme différente d'un message diffusé à la radio. Il s'agit dans un cas de textes et d'images, dans l'autre, d'un message oral seulement. Nous devons combiner tous les systèmes afin qu'ils puissent être compatibles et qu'ils suivent le même protocole.
L'industrie s'est montrée tout à fait disposée à collaborer avec nous. L'exemple de l'Alberta en est un bon. La province n'avait aucune obligation. Tout le monde en Alberta fait partie du système d'avertissement public en cas d'urgence sauf une station. Ce qui s'est produit en Alberta montre que le secteur privé est prêt à collaborer, parce qu'aucun radiodiffuseur ne veut être vu comme le seul à ne pas diffuser de messages d'urgence. Progressivement, tout le monde s'est joint au projet et a commencé à travailler avec EMA — Emergency Management Alberta — pour faire partie du système.
Je ne crois pas qu'il y ait de problèmes en ce qui concerne les entreprises du secteur privé. Les problèmes tiennent davantage à la technologie. Il faut régler certaines questions en ce qui a trait à la façon de diffuser un message et à la forme de celui-ci. Je ne vais pas entrer dans les détails techniques, mais où faut-il, par exemple, placer un message télévisé à l'écran? Va t-on cacher les sous-titres pour malentendants? Va-t-on plutôt placer le message dans le haut de l'écran ou faire en sorte qu'il couvre tout l'écran? Les différents systèmes vont réagir de façon particulière aux différents éléments techniques du processus.
Le sénateur Mitchell : Merci. C'est une chose que d'interrompre une émission de télévision ou de radio — le système est là, et il s'agit de transmettre le message d'urgence au lieu de l'émission —, mais dans le cas d'un système téléphonique, c'est plus compliqué. Si l'on parle des systèmes téléphoniques, des bases de données du 9-1-1 et du recours à cette approche, les entreprises de téléphone vont devoir doter leurs systèmes d'importants outils technologiques pour qu'une personne puisse appuyer sur un bouton et que tout le monde dans une région reçoive un appel téléphonique, je présume, en même temps.
Qui paiera ces outils technologiques? Est-ce que les entreprises de télécommunications vont pouvoir inclure ces coûts dans leurs frais? Le CRTC leur permet-il d'augmenter leurs tarifs pour inclure ces frais? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Hutton : Le système ne sera peut-être pas aussi complexe que vous pensez, parce que les groupes de travail ont réfléchi à certaines solutions. Nous avons prévu que les entreprises de télécommunications refilent la facture aux municipalités.
M. Beaudoin : Ce système ne touche pas le 9-1-1 inversé, par exemple. Pour préciser, je veux dire que nous ne nous occupons pas de ça.
Le sénateur Mitchell : Néanmoins, on envisage le 9-1-1 inversé dans une certaine mesure ou une certaine façon. Dans des circonstances données, comment le 9-1-1 inversé serait-il utilisé en plus des messages à la télévision ou à la radio ou à la place de ceux-ci?
M. Hutton : Contrairement au mécanisme du 9-1-1 inversé que nous avons mis en place, le système d'avis communautaire est régi par les municipalités. Ce sont elles qui diffuseraient les avis.
Le sénateur Mitchell : Qui prendrait la décision, et quel est le protocole qui sert à déterminer s'il faut diffuser un message à la télévision, à la radio ou au téléphone?
M. Hutton : Le système du 9-1-1 inversé ne fonctionne qu'avec le téléphone. Il ne permet pas de diffuser un message à la radio ou à la télévision.
Le sénateur Mitchell : Qui, cependant, décide du choix du moyen de diffusion en cas d'urgence?
M. Hutton : L'auteur du message.
Le sénateur Mitchell : Je veux revenir sur les initiatives volontaire. Le 17 juillet 2007, le CRTC a modifié son Règlement sur la distribution de la radiodiffusion de façon à ce que les messages d'urgence puissent être diffusés sans consentement du radiodiffuseur privé. Est-ce que cela a posé problème? Y a-t-il des radiodiffuseurs privés qui ont résisté?
M. Hutton : Les radiodiffuseurs en question étaient les entreprises de câble, qui distribuent le produit de quelqu'un d'autre, c'est-à-dire le signal émis par une station de télévision. Auparavant, le règlement prévoyait qu'une entreprise de câble ne pouvait pas interrompre le signal de la tierce partie. C'est la définition de l'entreprise de télécommunications. L'entreprise de câble est payée pour distribuer le signal, et non pour le modifier ou pour diffuser une autre émission, ou encore des annonces, et cetera. Le règlement visait à empêcher les entreprises de câble de modifier le signal. Nous avons instauré une exception permettant aux entreprises de câble de modifier le signal aux fins de la diffusion d'un message d'urgence.
Le sénateur Mitchell : Vous surveillez et participez à l'initiative volontaire de l'industrie. Vous avez mentionné que, si le système n'est pas adopté d'ici 2009, il le sera un an plus tard. Comment pouvez-vous en être aussi certain? Vous avez dit que l'adoption d'un règlement pourrait prendre des mois, mais il est clair qu'il faut passer par la voie réglementaire pour imposer cela aux radiodiffuseurs. Avez-vous un budget pour cela? Est-ce que quelqu'un pourrait changer d'idée?
M. Hutton : Non. Nous exigerions des abonnés au câble et à la télévision par satellite qu'ils paient des frais à l'entité chargée de cette fonction. Nous avions deux ou trois propositions devant nous, dont l'une consistant à utiliser le système de Météomédia. Les représentants de cette organisation avaient proposé des frais d'abonnement. C'est ainsi que nous pensons que les choses vont fonctionner, si tout le reste échoue.
Le sénateur Mitchell : Je reviens à la question du sénateur Banks. Dans ma vie, j'ai participé à beaucoup de projets où les gens ont dit pouvoir faire quelque chose en un an alors que c'était impossible. Vos organisations s'occupent-elles de l'adoption du système en question en priorité?
M. Beaudoin : Sénateur, soyez assuré du fait que je suis personnellement saisi de l'affaire, et mon organisation l'est aussi. Il s'agit d'une entreprise importante, et nous nous en chargeons.
Le sénateur Moore : M. Dakdouki a parlé d'un certain nombre de choses dans son exposé. Il a parlé du Protocole d'alerte commun, un plan de travail en huit étapes et une liste des systèmes en place dans les villes où il y a un réacteur nucléaire et également dans d'autres villes. Pourriez-vous fournir des exemplaires des documents en question aux membres du comité?
Monsieur Beaudoin, avez-vous dit que le système américain est en place depuis les années 60?
M. Beaudoin : C'est ce que je crois savoir, oui.
Le sénateur Moore : Êtes-vous coprésident du groupe de travail dont vous avez parlé?
M. Beaudoin : Oui, je copréside le groupe de travail provincial-territorial avec un représentant du Manitoba.
Le sénateur Moore : Quelle est la fréquence de vos réunions?
M. Beaudoin : Nous nous rencontrons assez régulièrement, au moins une fois par mois, et même une fois toutes les deux semaines pendant certaines périodes.
Le sénateur Moore : Comment fonctionnez-vous? Établissez-vous des mesures à prendre, que vous cochez le mois suivant, lorsqu'elles ont été prises, avant de passer aux suivantes? Les décisions sont-elles prises par consensus, ou y a-t- il une entité qui dirige? Le cas échéant, de quelle entité s'agit-il?
M. Beaudoin : C'est le groupe de travail qui décide; Sécurité publique se charge de la rédaction des documents. Le comité se donne des échéances serrées. Après la rencontre ministérielle du mois de janvier, par exemple, nous nous sommes réunis et avons établi les prochaines étapes à suivre pour nous, c'est-à-dire la lettre d'intérêt dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous nous sommes engagés à faire rédiger le document de fond et à le faire parvenir aux provinces et aux territoires dans un délai de un mois, afin qu'ils puissent formuler des observations et pour nous permettre de tenir compte de leurs suggestions, dans le but de diffuser la demande de renseignements auprès des secteurs public et privé par l'intermédiaire de MERX d'ici la mi-mars. Voilà un exemple des échéances que nous avons fixées tout au long du processus, depuis la création du groupe de travail en 2007.
Le sénateur Moore : Le groupe de travail a été créé en 2007, mais quand précisément?
M. Beaudoin : En février.
M. Dakdouki : Il y a eu de nombreux groupes de travail composés de représentants des provinces et des municipalités depuis 2004. Il s'agit de la poursuite des travaux effectués depuis trois ou quatre ans.
Le sénateur Moore : Monsieur Hutton, vous avez parlé du défi lancé à l'industrie qui consiste à adopter un système fonctionnel dans un délai de deux ans, soit avant le 1er mars 2009. Néanmoins, la date cible de M. Beaudoin est 2010. Je ne comprends pas bien. Travaillez-vous ensemble? Essayez-vous de réaliser le même objectif?
M. Hutton : Oui. Nous avons le moyen d'exercer des pressions sur les radiodiffuseurs, et nous utilisons ce moyen pour leur lancer un défi. Le gouvernement, les radiodiffuseurs et tous les autres intervenants ont décidé de participer et de travailler ensemble. Au bout du compte, un plan global est ce qu'il y a de mieux. Nous pouvons forcer les radiodiffuseurs à agir en mettant en œuvre notre plan. Mais ce plan qui viendrait de nous serait évidemment de moindre ampleur.
Le sénateur Moore : En réponse à une question posée tout à l'heure par le sénateur Day ou le sénateur Mitchell, vous avez dit que votre modèle serait axé sur la télévision, et qu'une somme avait été réservée, ce qui fait que vous pourriez financer ce modèle dans le cadre des budgets actuels.
Quelle est cette somme que vous pourriez utiliser dans le cadre des budgets actuels?
M. Beaudoin : On estime que le coût du système, s'il n'y a pas d'appel de propositions, sera de 15 à 16 millions de dollars, les provinces et les territoires assumant 50 p. 100 des coûts. Ainsi, la part du gouvernement fédéral est de 7,5 millions de dollars. Nous préférerions éviter de financer le système dans le cadre des budgets actuels, mais nous pouvons poursuivre en sachant qu'il s'agit d'une option possible.
Le sénateur Moore : Monsieur Hutton, vous avez dit que la facture pourrait être refilée aux abonnés du câble. Quelle est la proportion des ménages canadiens qui sont abonnés au câble?
M. Hutton : Il y a environ 7,5 millions d'abonnés au câble et au service de distribution par satellite au pays — environ 90 p. 100 de la population.
Le sénateur Moore : Il s'agit de 7,5 millions de foyers?
M. Hutton : Oui. C'est le nombre d'abonnés au câble.
Le sénateur Tkachuk : C'est donc l'industrie aussi. Combien de foyers?
M. Hutton : Pour ce qui est de la proportion de la population, ce que nous estimons, c'est que 90 p. 100 des Canadiens reçoivent leur signal de télévision par l'intermédiaire d'une entreprise de distribution par satellite ou par câble. Ainsi, on joint au bout du compte 90 p. 100 des foyers.
Le sénateur Moore : Ainsi, vous devez avoir une idée des fonds nécessaires pour exploiter un système fondé sur la télévision. Pouvez-vous nous donner un chiffre en dollars?
M. Hutton : Dans la dernière demande que nous avons reçue, qui était publique et au sujet de laquelle nous avons pris une décision, la proposition était de facturer 8 cents par abonné, ce qui représente environ 6 à 7 millions de dollars par année.
Le sénateur Moore : Huit cents par mois?
M. Hutton : Oui.
Le sénateur Banks : Cela signifie que 10 p. 100 de la population canadienne ne recevrait pas le message, parce que vous parlez d'interrompre la diffusion chez l'entreprise de câblodistribution, et non chez le radiodiffuseur. Ai-je raison de dire que, dans le système en place en Alberta, c'est le radiodiffuseur qui transmet le signal? Si ce signal passe par le câble, alors 100 p. 100 des gens qui regardent la télé à ce moment-là reçoivent le message, n'est-ce pas? Le système dont vous parlez ne permet pas de joindre 10 p. 100 des gens, qui ne reçoivent pas le signal par câble.
M. Hutton : C'est exact.
Le sénateur Banks : Ne serait-il pas plus sensé d'exiger du radiodiffuseur qu'il interrompe son signal, de façon que tout le monde reçoive le message?
M. Hutton : Il faudra probablement dans ce cas un système plus compliqué. Ce que nous avons devant nous, au prix que j'ai indiqué tout à l'heure, ce sont des systèmes fondés sur le câble, la télévision ou les satellites. Il s'agit d'un système proposé par Pelmorex, l'entreprise qui dirige MétéoMédia.
Le sénateur Banks : Je comprends, parce que l'entreprise n'a pas d'antenne. Il ne s'agit pas d'un radiodiffuseur au sens où on entend habituellement ce mot.
M. Hutton : C'est la proposition qu'on nous a faite. Il y avait différentes options — naturellement, les coûts dépasseraient ce montant — pour la diffusion du message. L'entreprise transmettrait également directement le message d'avertissement aux différents radiodiffuseurs; à ce moment-là, ceux-ci devraient adopter de nouveaux systèmes pour retransmettre le message sur leurs réseaux.
Le sénateur Banks : J'espère que cette difficulté ne va pas empêcher les 10 p. 100 de gens dont nous avons parlé de recevoir le message.
M. Hutton : Il est évident que les radiodiffuseurs du pays ont fait de leur mieux pour participer. L'Alberta en est un exemple. Il y a de nombreux systèmes volontaires, alors ils sont toujours prêts à mener à bien les projets.
Le sénateur Zimmer : Certaines de ces questions sont préliminaires, mais est-ce que votre objectif principal, c'est de joindre 100 p. 100 des gens grâce au système? Est-ce que c'est votre objectif final?
M. Hutton : Pour ce qui est du CRTC, c'est en gros la raison pour laquelle nous n'avons pas adopté le système qui nous a été proposé, parce qu'il ne permettait pas de joindre 100 p. 100 des gens.
Le sénateur Zimmer : Disposerez-vous d'un système de secours, et allez-vous faire en sorte que le système ne puisse pas être brouillé, pour les cas de terrorisme et d'autres choses du genre?
M. Hutton : En ce qui concerne le système que nous avons examiné, je ne peux répondre à cette question. Je ne pense pas.
Le président : Je m'excuse auprès de vous et de tout le monde ici présent du dérangement, tout à l'heure. Évidemment, nous n'avons pas pu poser toutes nos questions, mais nous devons recevoir un autre groupe de témoins prêts à comparaître.
Je vais vous demander de vous préparer à recevoir de notre part une lettre contenant des questions supplémentaires. Si vous pouviez y répondre, nous vous en serions très reconnaissants.
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement de nous avoir aidés à étudier la question des systèmes d'alerte ce soir. Merci d'avoir participé à la séance et de l'information dont vous nous avez fait part.
Nos prochains témoins sont le Dr David Butler-Jones et le Dr Howard Njoo, de l'Agence de la santé publique du Canada, ainsi que Carolina Giliberti et Sonja Heikkila, de Santé Canada.
Docteur Butler-Jones, vous avez la parole.
Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique, Agence de la santé publique du Canada : Merci. Bonsoir. Je suis heureux d'être ici ce soir.
Je suis accompagné de Howard Njoo, directeur général du Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, de Carolina Giliberti, sous-ministre adjointe, Direction générale des affaires publiques, de la consultation et des régions, et de Sonja Heikkila, directrice générale du Bureau des mesures d'urgence.
Je suis heureux de voir le travail que le comité sénatorial a fait. Votre travail va appuyer une bonne partie du nôtre. Vous avez des questions complexes et pertinentes à poser, et nous avons hâte d'y répondre.
[Français]
De nombreux événements survenus ces dernières années ont rehaussé la valeur que les Canadiens accordent aux mesures et aux interventions en cas d'urgence. Si nous nous reportons à la flambée de SRAS de 2003, cela a vraiment marqué un point tournant quant à la manière dont nous abordons la planification des mesures d'urgence.
[Traduction]
L'épidémie de SRAS a mis en relief les points forts et les faiblesses du système canadien de la santé publique. Pendant la crise, certaines choses ont bien fonctionné, mais d'autres pas — les interventions et les capacités en santé publique, par exemple, étaient différentes en fonction des régions du pays; la capacité de pointe du système était limitée; le leadership nécessaire n'était pas manifeste, et la voie hiérarchique n'était pas toujours claire en ce qui concerne la prise de décisions.
Nous devons donc nous poser les questions suivantes : compte tenu de cette expérience, avons-nous appris la leçon? Les gouvernements ont-ils collaboré afin de s'assurer que les responsabilités et les voies de communication soient clairement définies? Je crois que nous avons réalisé d'importants progrès.
Au cours des mois et des années qui ont suivi la flambée de SRAS, les rapports ont souligné que le Canada avait besoin d'un leadership clair et de coordination en matière de santé publique. L'Agence de la santé publique du Canada et le poste d'administrateur en chef de la santé publique, que j'ai le privilège d'occuper, ont été créés afin de remplir ce rôle, c'est-à-dire diriger les dossiers en santé publique à l'échelon fédéral et travailler en vue de protéger la santé des Canadiens.
En cas d'urgence touchant la santé publique, l'ASPC soutiendra les autres ordres de gouvernement et aidera les intervenants d'urgence à agir rapidement et efficacement. Autrement dit, l'Agence intervient lorsqu'il y a une urgence relative à la santé humaine, lorsque le problème risque d'affecter plus d'une province, ou lorsqu'un gouvernement provincial ou territorial demande notre assistance.
À titre d'administrateur en chef de la santé publique, j'ai un rôle particulier à jouer, en ce sens que je dirige l'Agence et conseille le ministre de la Santé puisque je suis sous-ministre, mais on s'attend à ce que je communique directement aux Canadiens des renseignements sur leur santé. Comme vous pouvez l'imaginer, cela revêt une importance capitale dans une situation d'urgence touchant la santé. Les Canadiens ont besoin de savoir ce qui se passe, ce que cela signifie d'être en sécurité et ce qu'il faut faire pour demeurer en sécurité, et ils doivent savoir que leurs gouvernements prennent des mesures et de quelles mesures qu'il s'agit.
Je veux dire clairement que, si l'Agence s'occupe des aspects relatifs à la santé humaine des mesures et des interventions en cas d'urgence, il s'agit d'une responsabilité conjointe des éléments du portefeuille de la santé ainsi que du rôle que nous jouons dans le programme général du gouvernement du Canada. En particulier, il y a des liens étroits entre Santé Canada et l'ASPC dans de nombreux domaines relatifs aux mesures d'urgence, puisque nous travaillons ensemble à régler ces questions.
[Français]
L'exception ici, comme mes collègues en discuteront, serait un incident nucléaire. Dans ce cas, Santé Canada dirigerait le portefeuille de la santé.
[Traduction]
Dans l'ensemble, les mesures d'urgence ne touchent pas que la santé humaine, et elles exigent une collaboration qui dépasse le portefeuille de la santé. C'est à cet égard que Sécurité publique Canada joue un important rôle de coordination.
Nous sommes réunis aujourd'hui afin d'examiner les préparatifs d'urgence à l'échelle du Canada face aux catastrophes naturelles ou d'origine humaine. L'ASPC a fait des progrès notables en la matière. Je voudrais que mon exposé soit court, pour pouvoir avoir le temps de répondre aux questions. Les activités comme des outils d'information et de surveillance, la collaboration, les mesures de quarantaine, les mécanismes d'intervention en cas d'urgence et les plans en cas de pandémie y contribuent toutes.
Une chose qui, à mon avis, touche tous les plans et outils que nous avons élaborés au cours des dernières années, c'est l'importance de la communication, non seulement entre les gouvernements ou au sein de ceux-ci, mais également avec les Canadiens et les autres gouvernements. Comme je l'ai déjà dit, les gens doivent savoir ce qui se passe, ce qu'ils doivent faire et ce que nous faisons pour régler le problème survenu. Les Canadiens ont tellement de moyens d'obtenir de l'information aujourd'hui que nous devons nous assurer d'être entendus et que ce que nous avons à dire a de la valeur et est crédible, sans quoi le vide va être comblé d'une autre manière. Du moins en ce qui concerne la santé humaine, fournir cette information est un rôle essentiel que nous jouons. C'est pourquoi nous élaborons et mettons à jour des plans de communications en cas de crise.
Nous établissons également des liens à l'échelle internationale pour faciliter l'échange de renseignements, de sorte que tous les pays concernés soient sur la même longueur d'ondes. Le monde est petit, et les mesures prises par un pays, sa volonté de ne pas agir ou encore le fait qu'il soit prêt à échanger des renseignements peuvent avoir une incidence sur les autres pays, surtout lorsque nous sommes confrontés à des maladies infectieuses qui se transmettent au-delà des frontières.
Je vais terminer mon exposé. Je veux insister sur le fait que, selon moi, l'une des plus grandes leçons que nous avons tirées de la flambée du SRAS a été qu'il importe que les rôles et les responsabilités soient clairs avant qu'une urgence ne survienne. Il y aura toujours plein de surprises, dans les situations d'urgence. Plus nous réglons la question des rôles et des responsabilités à l'avance, mieux ce sera, et plus nous pourrons utiliser notre énergie pour nous occuper des surprises. Si nous attendons qu'une crise survienne pour découvrir qui fait quoi et qui nous devons appeler, il est déjà trop tard. La création de divers réseaux et de liens, l'établissement de quelques outils clés et le travail de l'Agence et d'autres intervenants de la gestion des urgences en santé sont tous des signes de progrès véritables.
[Français]
Je serai heureux de répondre à vos questions suite à la présentation de ma collègue.
[Traduction]
Le président : Merci. Madame Giliberti, vous avez la parole.
[Français]
Carolina Giliberti, sous-ministre adjointe, Santé Canada : Monsieur le président, je suis heureuse d'être ici ce soir. Comme le Dr Butler-Jones l'a mentionné, l'Agence de la santé publique est le chef de file du portefeuille de la santé pour ce qui est des préparatifs et des mesures d'intervention en cas d'urgence et de pandémie.
Santé Canada travaille en étroite collaboration avec l'Agence de la santé publique et offre des services et de l'aide directement à ses partenaires fédéraux dans le domaine de la préparation et de l'intervention en cas d'urgence.
Santé Canada appuie les activités menées par l'Agence de la santé publique pour se préparer et intervenir en cas d'urgence, sauf dans un secteur clef. Ce secteur est celui de l'intervention fédérale en cas d'incident nucléaire.
[Traduction]
Conformément à nos responsabilités aux termes de la Loi sur la gestion des urgences, Santé Canada administre un plan d'urgence multiorganisme du gouvernement du Canada — le Plan fédéral en cas d'urgence nucléaire. Ce plan est en place et il est prêt à être mis en œuvre dans le cas où un incident nucléaire surviendrait au Canada ou à l'étranger. L'Agence de la santé publique fournit des conseils médicaux et du soutien relativement à ce plan, dont certaines parties font régulièrement l'objet d'exercices et sont mises à jour.
Outre ce rôle de direction, comme je l'ai déjà mentionné, Santé Canada soutient l'Agence de santé publique dans son rôle de chef de file du portefeuille de la santé.
[Français]
Si vous me le permettez, j'aimerais vous donner un bref aperçu de ces activités de soutien, mais si vous voulez des précisions, je répondrai à toutes vos questions.
La direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada facilite l'établissement de programmes nationaux et régionaux, de préparation aux urgences sanitaires et à la grippe pandémique, et aide les communautés des Premières nations et Inuits habitant les réserves à l'extérieur des territoires à élaborer leurs propres plans en cas de grippe pandémique.
La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits accorde aussi un soutien technique et financier à l'élaboration et à la mise à l'essai des plans communautaires en cas de pandémie.
[Traduction]
Dans l'éventualité d'une urgence chimique grave, qu'il s'agisse d'un déversement accidentel ou d'une catastrophe d'origine humaine, Santé Canada fournit une expertise en la matière en travaillant en étroite collaboration avec l'Agence de la santé publique, qui est le point de coordination des mesures d'intervention.
L'Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada préconisent une approche fondée sur la collaboration pour assurer le leadership et le rôle du Canada à l'échelle internationale en ce qui concerne la sécurité sanitaire mondiale. Nous travaillons de concert avec nos partenaires mondiaux, dont l'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation panaméricaine de la santé et la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique pour n'en nommer que quelques-uns.
[Français]
Santé Canada participe aussi à des initiatives de réglementation à l'échelle nationale et internationale afin d'assurer l'accessibilité d'un vaccin en cas de grippe pandémique.
De plus, Santé Canada est responsable de la surveillance après la mise en marché de la gestion des risques et des communications sur les risques en ce qui concerne les médicaments antiviraux et d'autres produits thérapeutiques ou matériels médicaux qui pourraient être utilisés davantage afin de traiter ou de prévenir une souche pandémique de grippe.
[Traduction]
Comme vous le savez, la Loi sur la mise en quarantaine est entrée en vigueur en décembre 2006. L'ASPC met en quarantaine les voyageurs soupçonnés d'avoir une maladie transmissible, et le programme de santé et de sécurité au travail de Santé Canada contribue à protéger la santé et la sécurité des voyageurs en mettant en œuvre diverses mesures visant à prévenir la transmission de maladies chez les passagers à bord de transports en commun comme les avions, les trains et les navires. Des employés de Santé Canada évaluent la nourriture, l'eau et les conditions d'hygiène à bord de ces moyens de transport et donnent des conseils et de l'information aux Canadiens et aux représentants du secteur du transport de passagers.
[Français]
En tant qu'employeur, le gouvernement du Canada a aussi la responsabilité de protéger la santé et la sécurité de ses employés. Le Programme de santé au travail et de sécurité du public de Santé Canada, au nom du gouvernement du Canada, aide les responsables des milieux de travail fédéraux à protéger la santé et la sécurité des employés en cas d'urgence et fait en sorte que les travailleurs fédéraux puissent continuer d'offrir des services à la population canadienne pendant les urgences et par la suite.
Enfin, le Programme de santé au travail et de sécurité du public est chargé de promouvoir et de protéger la santé et la sécurité des dignitaires en visite au Canada ainsi que des voyageurs canadiens.
[Traduction]
Pour terminer, je tiens à vous assurer que Santé Canada prend très au sérieux la préparation et l'intervention en cas d'urgence. Nous sommes satisfaits des progrès que nous avons accomplis à ce jour. Nous allons continuer d'appuyer nos collègues de l'ASPC et de travailler en collaboration avec nos autres partenaires du gouvernement fédéral afin d'assurer la mise en œuvre de mesures d'interventions intégrées, éprouvées et rapides en cas d'urgence sanitaire au Canada ou à l'étranger.
[Français]
Nous avons confiance en notre niveau actuel de préparation aux situations d'urgence et en notre capacité d'intervention.
[Traduction]
Merci de m'avoir invitée. Je suis prête à répondre à vos questions.
Le sénateur Nancy Ruth : J'aimerais vous entendre parler davantage du plan fédéral d'intervention en cas d'urgence nucléaire. Comme ce plan fonctionne-t-il? Qu'est-ce qui serait arrivé si le réacteur de Chalk River avait explosé ou s'il explosait maintenant?
Mme Giliberti : J'ai un exemplaire du plan ici. Nous sommes toujours prêts à intervenir dans la collectivité et dans la province. La ville de Chalk River a un plan de mesures d'urgence qu'elle appliquerait; la province travaillerait également avec ce plan. En outre, le plan fédéral serait lui aussi appliqué. Nous travaillerions également avec Sécurité publique, puisque c'est le plan de protection civile du gouvernement fédéral qui chapeaute tous les autres. Ensuite, le plan relatif aux urgences nucléaires sera appliqué dans le contexte, pour ce qui est de la façon dont nous travaillerions avec nos partenaires du gouvernement fédéral et de la manière nous interviendrions lorsque la collectivité et les provinces nous demanderaient de le faire.
Le sénateur Nancy Ruth : Je vis à Toronto, et j'ai déjà possédé un terrain à Pickering. C'est une question qui se pose. Si quelqu'un vole des barres ou quelque chose d'autre, qu'est-ce qui se passe?
Mme Giliberti : La centrale elle-même a un plan d'intervention en cas d'urgence qu'elle mettrait en œuvre : elle fermerait la centrale, délimiterait un périmètre de sécurité et effectuerait des opérations prévues dans son plan de sécurité. Ensuite, les plans provinciaux s'appliqueraient.
Le sénateur Nancy Ruth : Disons qu'il manque des barres ou que quelque chose a explosé. Qu'est-ce qui se passe? Il y a des millions de gens qui vivent dans cette région et dans les régions avoisinantes. Qu'est-ce qui se passerait?
Mme Giliberti : Comme je l'ai dit, la centrale nucléaire a un plan d'urgence qu'elle appliquerait.
Le sénateur Nancy Ruth : Pouvez-me dire de quoi il s'agit?
Mme Giliberti : Je peux obtenir cette information pour vous, mais je ne suis assurément pas spécialiste du sujet. Nous pouvons cependant nous assurer de vous faire parvenir les renseignements que vous désirez.
Nous réagissons une fois que la province et la collectivité nous ont demandé de participer. Le système d'urgence de la centrale nucléaire serait activé. Ensuite, les plans provinciaux seraient appliqués, et on nous demanderait de participer, c'est-à-dire de faire nos évaluations à l'échelon fédéral. Nous offririons notre aide lorsqu'on nous demanderait de le faire. Cela ne relève pas de nous, en ce sens-là.
Le sénateur Nancy Ruth : Je comprends, mais si je vis à Pickering, qu'est-ce qui va m'arriver, si je ne suis pas déjà morte?
Le Dr Butler-Jones : Chaque municipalité a un plan, qui dépend du problème — ce plan peut être un plan d'évacuation, de sécurité, d'avis à la population, et cetera. Je me suis occupé de faire passer les examens médicaux aux travailleurs de Pickering lorsque la centrale a été construite, il y a longtemps.
Comme Mme Giliberti l'a décrit, il y a les mesures prises par la centrale, puis celles prises à l'échelle municipale locale, pour ce qui est de s'occuper des problèmes et des mesures d'urgence, puis il y a les mesures prises à l'échelon provincial et aux échelons supérieurs. En fonction de l'ampleur et de la gravité du problème, on sollicite progressivement les autres ordres de gouvernement pour qu'ils participent.
Le sénateur Nancy Ruth : Je suis un peu confuse, parce que je pensais que le nucléaire relevait exclusivement du gouvernement fédéral. Néanmoins, vous dites que vous êtes prêt à réagir aux mesures prises par les municipalités, les provinces et les autres intervenants.
Le Dr Butler-Jones : Il y a une différence entre les questions de nature réglementaire, c'est-à-dire par rapport aux centrales nucléaires et à leur fonctionnement, et les questions relatives à la façon dont les municipalités interviennent en cas d'urgence. Pour les municipalités situées près de centrales nucléaires, c'est l'une des choses dont il faut tenir compte, tout comme les municipalités situées sur le bord d'une rivière doivent songer aux inondations, celles qui sont près de l'océan ou près de la côte de la Colombie-Britannique ou d'Ottawa doivent penser aux tremblements de terre, et cetera. D'après ce que je sais, toutes les municipalités ont des plans d'urgence, qui sont axés sur la région et sur les événements qui peuvent y survenir, et ces plans ont été élaborés en collaboration avec les différents ordres de gouvernement.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce qu'il vous appartient de superviser ou d'évaluer ces plans?
Mme Giliberti : Non. Nous participons à ces plans en ce qui concerne nos réseaux de surveillance radiologique. Nous effectuons toutes sortes d'évaluations et nous offrons des outils à l'appui de la gestion des urgences nucléaires.
Le sénateur Nancy Ruth : Pouvez-vous donner un exemple du type d'outils dont vous parlez?
Mme Giliberti : Il s'agit d'outils de planification, pour ce qui est d'offrir de l'aide aux municipalités. C'est également une question de sécurité publique, en fait. Nous offrons de l'aide pour ce qui est des plans, mais ce n'est certainement pas le rôle de Santé Canada que de déterminer si les évaluations ou les plans de protection civile des municipalités sont adéquats. Sauf erreur de ma part, ce n'est pas le rôle de Santé Canada.
Le sénateur Nancy Ruth : À qui revient cette responsabilité?
Sonja Heikkila, directrice générale, Bureau des mesures d'urgence, Santé Canada : Elle revient aux responsables du Programme national de fiabilité des infrastructures essentielles. En ce qui concerne les éléments importants d'infrastructure comme les centrales nucléaires, il y a un processus en cours qui vise à garantir que nous avons bien relevé toutes les composantes de l'infrastructure essentielle et que nous avons des plans en place pour les protéger contre le vol de matières radioactives, et cetera. Toutes ces choses sont encadrées par le plan fédéral d'intervention en cas d'urgence, sous la direction de Sécurité publique, et nous contribuons au volet santé de ce plan.
Le sénateur Nancy Ruth : Quel serait l'effet de l'explosion ou du vol de barres de combustible irradié sur votre responsabilité d'aviser la communauté internationale, s'il y en a un?
Mme Giliberti : D'après ce que je comprends, pour avoir lu le plan, nous communiquerions avec nos partenaires internationaux si nous pensions qu'une évaluation du risque exigeait que nous les avisions. Je ne suis en aucun cas une spécialiste du plan de préparation aux urgences nucléaires. Si vous souhaitez obtenir davantage de renseignements, je serais heureuse de préparer des documents pour vous et de vous les faire parvenir, et les gens de notre organisation seraient heureux de le faire aussi.
Dr Butler-Jones : Dans une certaine mesure, cela a trait au Règlement sanitaire international, par rapport aux dispositions générales qui concernent le bioterrorisme — les événements de nature chimique, nucléaire, et cetera. Si ces événements présentent un risque pour d'autres pays, alors nous avons certaines obligations à respecter. Ces dispositions n'ont jamais été appliquées, mais je pense que c'est une question que nous devrions approfondir.
Le sénateur Tkachuk : Je veux parler de la page 6 de votre mémoire, docteur Butler-Jones. Vous avez parlé de l'épidémie de SRAS et des leçons apprises. Vous avez dit : « qu'il importe que les rôles et les responsabilités soient clairs avant qu'une urgence ne survienne ».
Pouvez-vous nous parler des problèmes survenus pendant l'épidémie, et ensuite nous dire ce que vous avez appris et comment certains de ces problèmes ont été réglés?
Dr Butler-Jones : Il a fallu plusieurs commissions, alors je vais essayer d'être bref.
La première chose, c'est que tous les éléments sont liés les uns aux autres. On ne peut pas penser aux hôpitaux sans penser à la collectivité, comme on ne peut pas penser aux soins cliniques sans penser à la santé publique. L'engagement à établir un réseau entre les organisations et la santé publique est essentiel lorsqu'il s'agit de la lutte contre les infections.
Ensuite, il y a la question des communications, avec la population et au sein du système. Les gens ont observé, au cours de l'épisode du SRAS, que les hôpitaux recevaient des directives différentes, qu'ils recevaient de nouvelles directives par télécopieur à différents moments d'une même journée. Les gens n'étaient pas sûrs de savoir qui était responsable, qui il fallait écouter et ce qu'il fallait faire et éviter de faire.
La troisième chose, c'est qu'il y a non seulement la communication par rapport à ce genre d'activité quotidienne, mais également les renseignements échangés entre les différentes administrations. Pendant l'épidémie, une province a annoncé une interdiction de voyager à destination de Toronto. La province en question a rapidement levé cette interdiction, mais, par la suite, l'OMS l'a à son tour annoncée. Ça a été en grande partie un manque de communication et de transparence au sujet du problème et de la façon de le gérer.
Par ailleurs, on a soulevé des questions d'ordre juridique par rapport à l'échange d'information — en ce qui concerne, par exemple, des patients ayant subi un seul examen dont le résultat a été positif. Pouvait-on faire part de ces résultats à une autre administration, pour parler avec ces personnes et déterminer quels étaient les problèmes?
Nous avons réglé une bonne partie de ces problèmes, tout d'abord en déterminant que ça n'avantage personne. Ensuite, en ce qui concerne le fait de préciser les rôles et les responsabilités — non seulement en cas de pandémie, disons, de grippe, mais aussi dans les cas de nouvelles infections ou de catastrophes naturelles —, la planification s'est faite non seulement dans le secteur de la santé, qui a été notre centre d'attention, mais dans d'autres domaines également. Nous avons maintenant des ébauches d'ententes d'échange de renseignements conclues entre les provinces, les territoires et nous, ainsi que des ébauches d'ententes d'entraide et de documents précisant les rôles et les responsabilités — à tout le moins, une ébauche. Les documents ne sont pas encore prêts, mais si quelque chose devait arriver demain, nous pourrions les consulter pour déterminer qui fait quoi à quel niveau pour régler les problèmes — qu'il s'agisse d'activités fédérales, provinciales ou régionales, et ainsi de suite.
L'autre chose, c'est la création de l'agence et le fait d'avoir un point de référence à l'échelon fédéral pour les questions de santé publique, l'accent étant mis sur la santé de la population. La loi qui a créé l'agence, la Loi sur la gestion des urgences, encore une fois, clarifie les choses à l'échelon fédéral, ainsi que pour ce qui est de notre propre planification — le Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza, le plan nord-américain de préparation en vue d'une pandémie et l'intégration de ces plans à ceux de nos collègues du reste du monde, et ainsi de suite. Il y a toutes sortes de choses — je n'en ai abordé que quelques-unes — qui nous ont permis de faire beaucoup de chemin.
L'autre chose, c'est le fait de réfléchir à ce dont on a besoin. Dans le cas d'une pandémie, par exemple, nous avons conclu un marché avec un fabriquant du Canada qui produirait suffisamment de vaccins pour tous les citoyens du pays. Comme nous comprenons qu'il va falloir du temps pour produire le vaccin et pour vacciner tout le monde, nous nous sommes arrangés pour faire un pari moins risqué en constituant un stock d'antiviraux qui nous permettrait de traiter toute personne malade et souhaitant obtenir un traitement au début de la pandémie. Ce sont deux ou trois exemples de choses que nous avons faites.
Le sénateur Tkachuk : Qu'arrive-t-il, par exemple, à une personne infectée par le SRAS et mise en quarantaine? Cette personne est-elle tenue par la loi de respecter la mise en quarantaine ou s'agit-il d'une mesure volontaire?
Dr Butler-Jones : Je devrais probablement subdiviser cette question pour parler de ce qui se passe aux frontières. Aux points d'entrée au Canada, la Loi sur la quarantaine s'applique. Nous travaillons aux points d'entrée au Canada et déterminons qui peut entrer au pays, et nous avons le pouvoir de mettre en quarantaine ou d'isoler des personnes ou des moyens de transport, par exemple — ou même un immeuble.
En dehors de cette situation, et en ce qui concerne les collectivités, ce sont les lois provinciales sur la santé publique qui s'appliquent. Celles-ci varient d'une province à l'autre, mais si le médecin responsable de l'endroit formule une ordonnance relative à la santé publique visant à faire en sorte qu'une personne se fasse traiter ou s'isole, et cetera, cette personne est tenue par la loi de respecter l'ordonnance. Si elle ne le fait pas, le médecin responsable peut demander à la police de l'arrêter et de l'amener dans un établissement sanitaire. La formulation varie en fonction de chacune des lois, mais il y a les lois provinciales qui contiennent des dispositions à cet égard.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une question au sujet de la collaboration à l'échelle internationale. Pour ce qui est des pandémies, le problème, c'est toujours qu'elles viennent d'ailleurs — elles pourraient très bien venir d'ici, je suppose. Quel genre d'ententes ont été conclues? S'agit-il d'ententes placées sous l'égide des Nations Unies ou d'ententes bilatérales d'échange de renseignements conclues avec chaque pays?
Dans le cas du SRAS, d'après les nouvelles, la Chine n'était pas tout à fait disposée à collaborer. On a eu de la difficulté à déterminer la gravité du problème, le nombre de personnes infectées, le fait qu'il s'agisse d'un problème local ou de grande ampleur, et ainsi de suite. Quel genre d'ententes avons-nous conclues? S'agit-il en fait d'une question dont nous nous occupons? Parlez-moi de ça, s'il vous plaît.
Dr Butler-Jones : Le règlement sanitaire international rend les gouvernements responsables de ne pas envoyer de personnes infectées dans d'autres pays et d'échanger avec les autres pays les renseignements nécessaires pour régler le problème. De plus, nous exploitons le RISM, le Réseau d'information sur la santé mondiale. Nous exécutons ce programme pour le compte de l'OMS, et du reste du monde, en fait. Le programme permet d'effectuer une recherche constante dans Internet, pour tenter de détecter les flambées de maladie, les actes de bioterrorisme, et cetera, dans de multiples langues.
Avec le recul, dans le cadre d'une première mouture de ce programme, avant qu'il ne soit vraiment fonctionnel, nous pensons avoir détecté l'épidémie de SRAS plusieurs mois avant qu'elle ne dépasse les frontières de la Chine. Ce système, utilisé en conjonction avec le RSI, nous permet maintenant — parce que nous faisons cela tout le temps — d'informer l'OMS lorsqu'il se passe quelque chose, de façon que l'organisation puisse demander au pays concerné de prendre des mesures.
Selon les derniers chiffres qu'on a communiqués, environ 40 p. 100 des avis de l'OMS viennent en fait de notre système, et non du pays touché. Encore une fois, c'est quelque chose de nouveau qui permet de s'attaquer à un problème ou à une épidémie de maladies transmissibles lorsqu'on en est encore aux dizaines ou aux centaines de cas, plutôt qu'aux milliers et aux dizaines de milliers de cas. Ça nous place dans une position favorable.
L'autre chose, c'est que j'ai fait beaucoup d'efforts pour nouer des liens avec mes collègues partout dans le monde. Depuis l'épisode du SRAS, il y a une nouvelle organisation qui s'appelle l'Association internationale d'agences nationales de santé publique. C'est l'organisme qui chapeaute les organisations de type CDC de partout dans le monde.
L'association a deux objectifs : l'un est de bâtir un réseau en dehors des liens officiels qui passent par l'OMS, et cetera, de façon à nous permettre de communiquer directement pour régler les problèmes. Je suis maintenant en mesure de communiquer directement avec les gens de partout dans le monde pour leur demander ce qui est véritablement en train de se passer.
Le second objectif de l'association, que la Gates Foundation appuie en fournissant des fonds, c'est de soutenir le renforcement des capacités des pays en développement et l'établissement d'un lien entre les pays industrialisés et ces pays, de façon qu'ils puissent améliorer leur capacité en matière de santé publique. Comme nous le savons, plus nous serons en mesure d'intervenir avant qu'une maladie se propage au-delà des frontières du pays touché, mieux s'en porteront les Canadiens et les citoyens des autres pays.
C'est la raison pour laquelle nous participons à des initiatives dans plusieurs pays, à plusieurs niveaux, en plus d'effectuer ce genre de travail. De notre point de vue, cela contribue à protéger les Canadiens, et c'est une bonne chose à faire.
Le président : Je veux simplement aborder quelques points que vos réponses soulèvent. Parlons d'abord de l'entrée de visiteurs au Canada. Disposez-vous d'un moyen efficace pour vous occuper des gens malades qui entrent au Canada?
Dr Butler-Jones : Il y a la Loi sur la quarantaine, qui rend les exploitants de moyens de transport responsables de signaler l'arrivée d'une personne malade. L'Agence des services frontaliers du Canada communique à ce moment-là avec l'un de nos agents de la quarantaine, qui effectue une évaluation pour déterminer si la personne en question peut entrer au pays.
Le président : Expliquez-moi comment le transporteur sait qu'il y a une personne malade parmi ses passagers.
Dr Butler-Jones : Il peut le savoir si la personne a des symptômes apparents. Je vous donne un exemple : lorsqu'un passager d'un avion est vraiment malade et n'arrête pas de tousser, un employé du transporteur aérien téléphone pour obtenir des conseils et déterminer si le cas de la personne pose problème.
Le président : Cet employé appelle pendant le vol?
Dr Butler-Jones : Oui, il nous prévient à l'avance.
Le président : Je ne pense pas que cela se produise, docteur.
Dr Butler-Jones : C'est ce qui arrive, pourtant.
Le président : Je ne le pense pas. Il y a eu, à un moment donné, un système mis en place par le gouvernement fédéral qui servait à prendre la température des gens qui se présentaient aux douanes. C'est un système inutile.
Le Dr Butler-Jones : Tout à fait inutile, oui.
Le président : Je pense que vous n'avez aucune idée de l'identité des gens qui se présentent aux frontières à tel ou tel moment.
Dr Butler-Jones : Il y a un système en place, mais cela ne signifie pas qu'il permet de repérer toutes les personnes malades. Le meilleur système possible, c'est une combinaison de ce genre de mesures, car vous pouvez repérer les personnes malades à l'avance. Mais ce qui se passe en réalité, c'est que les gens peuvent arriver de n'importe où dans le monde avant que la période d'incubation ne soit terminée, c'est-à-dire entre le moment où ils sont exposés à la maladie et le moment où ils tombent malade. Il se peut qu'une personne se porte tout à fait bien lorsqu'elle se présente à la frontière, et tombe malade plus tard. Les appareils qui servent à prendre la température des voyageurs ne servent à rien, nulle part dans le monde, pour ce qui est de protéger ou de diagnostiquer le SRAS chez les gens. Il faut cette mesure dont j'ai parlé à la frontière, de façon à avoir un moyen de s'occuper du problème s'il est évident qu'une personne est malade et si elle est repérée. Dans le cadre du travail que les provinces et les territoires effectuent avec leurs médecins, l'une des questions à poser aux voyageurs, c'est s'ils ont voyagé à l'extérieur du pays. J'ai déjà été médecin- chef et médecin-chef de région. J'étais cette personne que les médecins appelaient pour parler d'un patient posant problème, et il fallait que je demande au médecin si le patient avait voyagé à l'extérieur du pays. Aujourd'hui, après l'épidémie de SRAS, c'est devenu une question que les médecins posent régulièrement. La mesure la plus efficace qui a été prise depuis la crise du SRAS, ça a été de fournir des renseignements aux voyageurs pour les informer de ce qu'ils doivent faire s'ils tombent malade.
Vous avez raison de dire qu'il n'existe aucun système permettant de repérer toutes les personnes malades aux points d'entrée, mais nous avons besoin des systèmes qui nous permettent d'examiner les gens que nous pouvons examiner.
Le président : Combien de lois provinciales prévoient des quarantaines obligatoires?
Dr Butler-Jones : Nous n'utilisons généralement pas le terme « quarantaine ». Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par « obligatoire ».
Le président : Si c'est obligatoire, cela permet de forcer une personne à rester à la maison ou à se placer sous surveillance médicale.
Dr Butler-Jones : Je crois que toutes les lois provinciales prévoient cela maintenant.
Le président : Quelles sont les mesures prises pour protéger les agents de police qui doivent faire appliquer ces lois?
Dr Butler-Jones : Ce sont les lois provinciales, et non fédérales.
Le président : Je comprends.
Le Dr Butler-Jones : Protéger les agents de police dans quel contexte?
Le président : Si nous prenons l'exemple du SRAS, je parle de tous les décès de médecins et d'autres personnes travaillant dans les hôpitaux. Ce sont des gens qui sont entrés en contact avec des personnes infectées par le SRAS. Lorsqu'on charge un agent de police de faire respecter une quarantaine (peu importe comment vous appelez cela — quelles sont les mesures en place pour protéger l'agent de police contre la maladie?
Dr Butler-Jones : Ces mesures sont les mêmes que celles qu'il faut prendre pour toute autre maladie à laquelle ils sont exposés lorsqu'ils s'acquittent des tâches que nous leur confions. Il s'agit d'une évaluation du risque qui est fonction de la maladie. Les gens qui ont été infectés dans les hôpitaux étaient très exposés. Avec le recul, on a demandé aux agents de police exposés de rester chez eux; le risque était minime à ce moment-là.
Pour d'autres maladies, ce n'est cependant pas la même chose. Dans un cas de tuberculose progressive où la personne infectée n'arrête pas de tousser, il faut la faire transporter en ambulance et s'assurer que les ambulanciers portent des masques, vu qu'il s'agit d'un espace clos. C'est une question d'évaluation du risque à ce moment-là. Lorsque j'étais médecin responsable à l'échelle locale, nous collaborions avec la police et les premiers intervenants pour déterminer quelles étaient les précautions à prendre lorsque nous étions confrontés à ce genre de situation. Nos décisions étaient fondées sur la maladie ou le problème auquel nous faisions face.
Le président : Que faites-vous si le patient ne veut pas collaborer?
Dr Butler-Jones : Encore une fois, il faut évaluer la situation. Heureusement, ce sont des cas relativement rares. La police peut arrêter ces gens comme elle peut arrêter n'importe qui d'autre. S'il est nécessaire de porter un masque ou des gants pour le faire, alors cela fait partie des mesures que les agents de police prennent à ce moment-là. Cela dépend de l'évaluation du risque de la personne présente et du fait qu'il soit nécessaire ou non de demander à la police d'intervenir. Plus souvent qu'autrement, nous n'avons pas besoin de faire intervenir la police, parce que les gens sont en général prêts à collaborer.
Le président : Quelqu'un pourrait avoir faim et décider de faire un saut à l'extérieur pour aller chercher quelque chose à manger.
Dr Butler-Jones : Encore une fois, dans le cadre de la planification effectuée à l'échelle locale lorsqu'il y a une pandémie, l'un des éléments, c'est qu'on demande à des organisations de bénévoles locales, par exemple, de livrer de la nourriture, et cetera. Il n'est pas nécessaire d'entrer directement en contact avec les gens malades. Même lorsqu'il y a une pandémie, déposer quelque chose sur le pas de la porte pour une personne malade n'engendre pas un risque plus grand que d'aller chez Wal-Mart.
Le président : Je vous écoute parler d'un système qui semble fonctionner parfaitement. Néanmoins, lorsque j'ai étudié l'épidémie de SRAS et que j'ai suivi le dossier de très près, j'ai constaté que les gens établissaient les règles au fur et à mesure. Ils s'en remettaient à des protocoles établis en 1948 et disaient des choses comme « Eh bien, mon dieu, il semble que cela s'applique. » En réalité, il y a eu beaucoup d'improvisation. Je dois dire que vous donnez l'impression que tout va être parfait la prochaine fois qu'un problème du genre survient, mais je pense que vous allez quand même encore improviser.
Dr Butler-Jones : Il ne fait aucun doute, à mon avis, qu'il va y avoir des surprises peu importe ce à quoi nous sommes confrontés, et des choses qu'il faudra démêler au moment où elles arrivent. La différence entre la période précédant la crise du SRAS et maintenant, ce sont les leçons apprises qui ont fait participer les gens à des débats et des discussions sur ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter de faire. Ce n'est peut-être pas efficace de demander aux gens de s'isoler chez eux, probablement pas en ce qui concerne le SRAS, en tout cas. À ce moment-là, cependant, c'était la chose la plus sensée à faire, puisqu'on ne savait pas à quoi on avait affaire. À Singapour, il y a des lignes directrices qui indiquent aux directeurs d'école et aux employés ce qu'il faut faire lorsqu'un événement du genre survient. Ils ont donc été avisés d'envoyer les personnes malades à la maison et d'appeler les autorités sanitaires locales pour qu'elles effectuent un suivi téléphonique. Il n'est pas nécessaire d'instaurer une quarantaine, c'est-à-dire en formulant une ordonnance visant les personnes malades. Il y a eu énormément de débats et de discussions sur ce qui a bien fonctionné et sur le fait qu'il est important de garder les lignes de communication ouvertes pour que la crise du SRAS ne se répète pas. Dire que tout va fonctionner parfaitement, surtout dans le cas d'une pandémie mondiale, n'est tout simplement pas juste. L'objectif de nos efforts de planification, c'est de réduire au minimum toutes ces répercussions. Une catastrophe ou une situation d'urgence, c'est toujours quelque chose de confus, mais l'idée est de réduire au minimum les effets de cette confusion. C'est là-dessus que nous concentrons nos efforts, que ce soit au chapitre de la formation, de la planification ou de la mise à l'essai des plans, pour déterminer où se trouvent les lacunes. Nous voulons nous assurer que les lignes de communication sont ouvertes et que nous ne nous nuisons pas les uns les autres, ce qui a été l'un des problèmes pendant la crise du SRAS, par rapport aux rôles et responsabilités des différentes administrations.
Le sénateur Banks : Je suis sûr que vous avez déjà entendu cette vieille blague que tous les agriculteurs albertains connaissent : les mots les plus terrifiants du monde sont les suivants : « Bonjour. Je représente le gouvernement et, je suis ici pour vous aider. » Mme Giliberti a dit une chose encore plus terrifiante ce soir : « L'Agence de la santé publique et Santé Canada préconisent une approche fondée sur la collaboration pour le Canada[...] » Voilà qui instille la terreur dans nos cœurs.
Vous avez peut-être déjà répondu à la question, docteur Butler-Jones, lorsque vous avez dit qu'il existe une ébauche de liste des personnes chargées d'intervenir, de ce qu'elles doivent faire et du moment où elles doivent le faire. Pourriez- vous nous faire parvenir cette liste, s'il vous plaît? En gros, c'est la réponse à toutes les questions que nous posons depuis de nombreuses années déjà sur ce sujet : qui est responsable dans telle ou telle situation? Ai-je bien compris qu'il existe une ébauche de liste qui répond à cette question?
Dr Butler-Jones : Il existe deux PE approuvés en principe par les ministres de la Santé de l'ensemble du pays, l'un concernant l'entraide, et l'autre, l'échange de renseignements en cas de situations d'urgence touchant la santé publique. Il y a un troisième document, à l'état d'ébauche, sur les rôles et les responsabilités dans le contexte de ces situations d'urgence. Ce document n'a pas encore été approuvé par le ministre, mais nous pourrons quand même vous le fournir.
Le sénateur Banks : Pourriez-vous en faire une copie et nous la faire parvenir?
Dr Butler-Jones : Si un événement devait se produire demain, tout le travail effectué se reflète dans ce document, que les ministres l'aient approuvé ou non. En cas de crise, ils seraient prompts à l'approuver.
Les autres documents, qui concernent l'entente de collaboration et mon rôle par rapport au rôle du sous-ministre Rosenberg... nous avons un certain nombre de choses qui contribuent à définir cela, ainsi qu'un plan national qui parle des différents aspects. De plus, il y a des annexes qui portent sur la façon de composer avec les différents éléments d'une pandémie, mais qui s'appliquent également à d'autres événements, par exemple, une flambée de maladie.
Lorsque je discute avec des représentants des municipalités et d'autres intervenants, il semble parfois difficile, pour les gens, de réfléchir à la question des pandémies, tant elle est vaste. En réalité, une bonne partie de cela est intégrée à leur plan de continuité des activités ou leur plan de mesures d'urgence, qui comportent des addenda portant sur les maladies transmissibles. Contrairement aux catastrophes naturelles, qui, une fois qu'elles se sont produites, laissent place à la période de rétablissement, les pandémies peuvent durer des semaines, sembler se terminer puis recommencer. Il s'agit de réfléchir à ces problèmes particuliers que posent les maladies infectieuses qui commencent à se propager. Il s'agit de renforcer les capacités et les plans existants; cela n'a rien d'étrange, et ça ne devrait pas sembler étrange.
Même lors de la grande pandémie de 1918-1919, qui a probablement été la pire pandémie d'influenza de l'histoire de l'humanité, pour des raisons précises — et les deux autres pandémies qui ont eu lieu depuis ne se comparent même pas à celle-ci. Cela dit, n'importe quel événement du genre est source de confusion et nous pose un défi lorsque nous y sommes confrontés. Ce que je veux dire, c'est que, même pendant la pandémie de 1918-1919, 70 p. 100 des gens n'ont pas été infectés. De ceux qui l'ont été, de 1 à 2 p. 100 en sont morts, ce qui est terrible, mais tout de même ni l'apocalypse ni un roman de Robin Cook. C'est la pire pandémie que l'humanité a connue, parce qu'elle a duré très peu de temps. La peste a fait davantage de morts au Moyen Âge, mais sur une période qui a duré des décennies. On peut dire la même chose de la pandémie de VIH, qui dure depuis des décennies et qui a fait des ravages.
Encore une fois, il ne faut pas perdre certaines choses de vue. Ce qui me dérange, c'est que nous sommes soudainement passés de la phase où nous pensions tous mourir à celle où nous nous demandons ce qui nous inquiétait. Nous devons poursuivre sur notre lancée et continuer de susciter l'intérêt pour la planification, de façon à éviter d'être pris au dépourvu et à être capables d'intervenir.
Le sénateur Banks : Allez-vous nous faire parvenir cette ébauche?
Dr Butler-Jones : Oui. Je m'excuse si je n'ai pas été clair.
Le sénateur Banks : Je voulais entendre un « oui » pour le compte rendu. Merci beaucoup.
Lorsque nous avons commencé à étudier ces questions, il y a plusieurs années, nous avons entendu des témoins nous dire que tout allait bien, dans l'ensemble du pays, surtout en ce qui concerne la Réserve nationale de secours ou RNS. On nous a assuré que celle-ci était extraordinaire, accessible de partout et qu'elle allait être très pratique en cas d'événement contraire.
Nous avons décidé de jeter un coup d'œil sur cette réserve ou sur ces réserves dans les différentes régions du pays, et nous avons constaté que personne ne savait où elles se trouvaient ni comment y accéder ni qui possédait la clé. Nous avons fini par accéder à la réserve, et c'est là que nous avons constaté qu'une bonne partie de ce qui s'y trouvait était pourri, vieux et périmé.
Je crois savoir que votre organisation a effectué un examen en décembre 2006 de ces réserves nationales de secours dans les différentes régions du pays. Si nous devions inspecter ces réserves aujourd'hui, qu'y trouverions-nous? C'est une question à deux volets : les intervenants locaux à qui elles seraient le plus utile sauraient-ils où elles se trouvent ou comment y accéder? Les réserves sont-elles bonnes et contiennent-elles maintenant des choses utiles?
Dr Butler-Jones : Pour ce qui est de la première partie de votre question, les intervenants locaux ne sauraient pas nécessairement où les réserves se trouvent.
Le sénateur Banks : Ne devraient-ils pas le savoir?
Dr Butler-Jones : Je dirais que non. Vous ne serez peut-être pas d'accord. Ce ne sont pas des intervenants locaux qui décident quand il faut utiliser la réserve. Ce sont les responsables des urgences à l'échelle provinciale. Nous offrons l'accès à ces réserves lorsque les responsables provinciaux des urgences nous le demandent. Les choses fonctionnent ainsi : si la situation est impossible à gérer localement, c'est la province qui s'en occupe. Si la province ne peut la gérer seule, alors on fait appel à nous, à l'échelon fédéral. Ces réserves se trouvent un peu partout au pays.
Certains des intervenants locaux savent peut-être où se trouvent les réserves, mais l'idée, c'est que, ce qu'ils doivent savoir, c'est qu'ils doivent parler avec le coordonnateur des urgences, qui s'adresse aux responsables de la province, et les choses arrivent rapidement sur place.
Le sénateur Banks : Je parlais de coordonnateurs des urgences qui ne savaient pas où les réserves se trouvaient.
Dr Butler-Jones : Ils savent tous avec qui communiquer, ou, du moins, ils devraient maintenant le savoir. Ils ne savent cependant pas nécessairement où se trouvent les réserves exactement. Ils devraient maintenant savoir, par l'intermédiaire des personnes avec qui ils doivent communiquer en cas d'urgence, à qui s'adresser. Ils ne s'adressent pas à nous. S'ils ne savent pas à qui s'adresser, c'est une question qu'il faudrait poser aux coordonnateurs provinciaux et régionaux, pour s'assurer que tout le monde possède l'information.
Le sénateur Banks : Que trouve-t-on dans les réserves en ce moment?
Dr Butler-Jones : Nous commençons à les mettre à jour. Nous nous sommes débarrassés de certaines choses superflues. C'est un processus qui va être permanent. Il a également fallu réévaluer ce qui est nécessaire aujourd'hui, par rapport à ce qui l'était il y a 10, 15 ou 20 ans. Nous n'avons pas besoin d'avoir en double bon nombre des capacités que les provinces ont établies.
D'ici la fin de l'exercice courant, par exemple, les réserves d'antiviraux que nous avons payées avec les provinces et les territoires, et qui sont en leur possession, contiennent au total environ 55 millions de doses. Nous allons faire en sorte que 12 millions de doses supplémentaires auxquelles nous avons accès servent de doses de rechange pour le reste du système. Il y a 10 ou 15 ans, nous n'aurions pas pensé placer dans les RNS des antiviraux, des masques ou d'autres choses que nous commençons à conserver dans celles-ci.
Le sénateur Banks : Si on vous demandait de décrire de la façon la plus concise possible le genre de choses, de matériel, de fournitures, d'antiviraux, et cetera, qui se trouvent dans les RNS de l'ensemble du pays, quelle serait votre réponse?
Dr Butler-Jones : Il y a dans ces réserves de l'équipement du genre qui sert à établir un hôpital de campagne : des lits, des abris, des appareils de purification de l'eau, des médicaments, des antiviraux, et cetera. Beaucoup de choses, en fait. Nous serions heureux de vous fournir la liste de ces choses.
Le sénateur Banks : Cela nous serait utile.
À quel point êtes-vous sûr que toutes ces choses qui sont jugées aujourd'hui être nécessaires se trouvent dans l'ensemble des réserves du pays?
Dr Butler-Jones : Ces choses ne se trouvent pas dans toutes les réserves. Il y a des réserves régionales, plus grandes, et des réserves locales. Pour ce qui est de la façon dont les choses sont organisées, sans vous donner d'adresses précises, nous serions heureux de vous fournir quelque chose qui vous donnerait une meilleure idée de la répartition des fournitures dans l'ensemble du pays.
Le sénateur Banks : Merci beaucoup, cela nous serait utile.
Le président : Quel rôle les municipalités jouent-elles, lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'on place dans les réserves situées à proximité?
Dr Butler-Jones : Nous consultons les coordonnateurs provinciaux, qui, je présume, consultent... nous les encourageons à consulter les municipalités pour déterminer ce qui leur serait le plus utile. Ça dépend. Dans le nord de la Saskatchewan, il est encore important qu'il y ait des abris. Presque tous les ans, on utilise là-bas nos abris en cas d'incendie de forêt.
Le président : Quelles mesures prend-on pour s'assurer qu'il n'y a pas de dédoublement, qu'une municipalité ne crée pas sa propre réserve pour rien, puisque vous en avez constitué une 10 milles plus loin et qu'elle pourrait l'utiliser?
Dr Butler-Jones : Nous consultons les coordonnateurs provinciaux. Je sais que ceux-ci sont en contact avec les coordonnateurs municipaux. Cela dit, nous avons suffisamment d'antiviraux pour traiter toutes les personnes qui veulent l'être. Tout le monde ne va pas tomber malade, et tout le monde ne va pas vouloir recevoir un antiviral. Nous ne savons pas précisément pendant combien de temps les médicaments antiviraux vont fonctionner, si tant est qu'ils fonctionnent. Les représentants de l'hôpital de Toronto ont fait l'acquisition d'antiviraux supplémentaires malgré l'avis contraire de la province, mais ils étaient tout à fait fondés à le faire. Vous voyez donc qu'il y aura des dédoublements, que les municipalités donnent leur avis ou non.
Dr Howard Njoo, directeur général, Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, Agence de la santé publique du Canada : Nous soutenons un réseau fédéral-provincial-territorial, le Conseil des directeurs responsables de la gestion des urgences. Ces directeurs sont les personnes désignées avec qui il faut communiquer dans chacune des provinces et dans chacun des territoires. Nous les rencontrons régulièrement pour discuter des lignes directrices, approches et protocoles communs relativement à ce qui devrait se trouver dans telle ou telle réserve de leur province et de ce qu'ils pensent qui devrait se trouver dans nos RNS.
Le président : Cela ne règle pas le problème qui survient lorsque les municipalités gaspillent bel et bien de l'argent en se procurant des choses qui se trouvent déjà dans vos réserves parce qu'elles ne savent pas ce qu'il y a dans vos RNS.
Dr Butler-Jones : C'est la raison pour laquelle on aurait une conversation avec les représentants des provinces, puisque ceux-ci sont au courant. On peut présumer que, si la communication est bonne entre les coordonnateurs municipaux et provinciaux, ils doivent être régulièrement en contact. L'endroit où j'ai travaillé le plus récemment, c'est en Saskatchewan, et ces gens étaient constamment en contact les uns avec les autres.
Je ne suis pas sûr que la situation est la même dans toutes les provinces et dans tous les territoires, mais c'est ce à quoi on peut s'attendre. Nous n'allons pas court-circuiter le processus et discuter directement avec les municipalités, sans la participation des provinces, parce que ce sont les provinces qui sont responsables.
Le sénateur Zimmer : Merci de votre exposé. Je veux continuer de poser des questions sur le sujet que le sénateur Kenny et le sénateur Banks ont abordées.
Madame Giliberti, à la page 4 de votre mémoire, vous dites : « L'Agence de la santé publique met en quarantaine les voyageurs soupçonnés d'avoir une maladie transmissible... pour prévenir[...] ».
Vous avez déjà en partie répondu à ma question, mais de façon assez subjective, par rapport au fait que les voyageurs et même des immigrants qui arrivent au pays sont infectés par des virus. Je ne veux pas semer la panique au sein de la population, mais les médecins ont dit n'avoir aucune idée des virus qui existent, de leur origine ou des traitements adéquats. Ce n'est pas très réconfortant.
Voici ma question : si les gens ne toussent pas ou n'ont pas d'autres symptômes du genre, comment faites-vous pour déterminer qui peut être infecté par un virus? Y a-t-il une quelconque façon de savoir quelle maladie les gens qui arrivent au pays peuvent avoir?
Dr Butler-Jones : Non, il n'y a aucun moyen de savoir si des gens qui arrivent au pays sont malades, pas plus qu'il y en a pour les gens qui ont grandi ici. En ce moment, il y a peut-être dans mon organisme un virus en incubation qui va me faire tomber malade demain. Si c'était l'influenza, par exemple, je pourrais n'avoir aucun symptôme aujourd'hui. Si je me frotte le nez, avant de serrer la main d'une personne qui à son tour, se frotte le nez, je serai peut-être malade demain, et cette personne le sera le jour suivant. Nous sommes limités à ce que nous connaissons et à ce qu'on peut raisonnablement connaître.
C'est différent lorsqu'il s'agit de quelque chose comme le SRAS, mais, à ce moment-là, on peut instaurer des protocoles différents pour différentes régions, où on peut s'attendre à des mesures d'immunisation. En ce qui concerne les voyages, par exemple, il y a certains pays où l'on ne peut se rendre sans prouver qu'on a reçu le vaccin contre la fièvre jaune. Ce sont les exceptions. Le tiers d'entre nous sommes victimes d'intoxication alimentaire chaque année, et cela est attribuable surtout à la façon dont nous manipulons les aliments à la maison.
Les maladies transmissibles sont courantes. Les maladies virulentes sont rares et difficiles à détecter, à moins qu'il y ait des symptômes évidents.
Le sénateur Zimmer : Je veux parler du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza relativement au secteur de la santé. Ce plan a-t-il été mis à l'essai, avec la participation de tous les ordres de gouvernement ainsi que des partenaires internationaux? Ce plan fonctionne-t-il de pair avec le Plan nord-américain contre l'influenza aviaire et la pandémie d'influenza?
Dr Butler-Jones : Oui. Le Canada s'est trouvé en bonne position. Nous avons en fait été les premiers à avoir un plan national. Les autres pays ont soit copié notre plan, soit ont appris des choses quant à celui-ci. Il y a beaucoup de points communs entre notre plan et celui de nombreux autres pays. Il est certain que nous participons activement à l'élaboration du Plan nord-américain. La démarche est très cohérente.
On a procédé à des mises à l'essai de ce plan à plusieurs niveaux, et on prévoit en faire de nouvelles, au cours des prochaines années, pour ce qui est des différents éléments du plan. C'est un plan en cours d'élaboration.
Par ailleurs, en ce qui concerne le plan de lutte contre la pandémie... il y a des points communs entre les différentes maladies. Lorsque nous avons participé, par exemple, à l'exercice Triple Play avec les Britanniques et les Américains, c'est-à-dire cet exercice à grand déploiement ayant pour thème un acte de bioterrorisme, nous avons dû régler beaucoup de problèmes auxquels nous serions confrontés s'il y avait un nouveau virus de l'influenza, par exemple. Ce que nous avons appris de cet exercice aux chapitres de la communication et des capacités des différents pays, et cetera, a contribué à cela.
Même si le titre de l'exercice ne contient pas le mot influenza, comme bon nombre des exercices que nous effectuons, il y a quand même des choses qui nous sont utiles.
Le sénateur Zimmer : Le virus H5N1 de la grippe aviaire — on dirait presque le nom d'une stratégie de jeu, au football. Voici ma question : quelle est la probabilité prévue par l'Agence que ce virus atteigne le Canada? Pouvez-vous nous parler d'un plan quelconque de lutte contre ce virus, pour le cas où il pénétrerait au pays?
Dr Butler-Jones : C'est une question à deux volets : le volet humain et le volet animal. Nous n'avons pas détecté la souche H5N1 en provenance de l'Asie, mais nous avons détecté la souche H5N1 de l'Amérique du Nord dans des oiseaux sauvages du continent, ainsi que beaucoup d'autres virus de la grippe aviaire. Ceux-ci sont toujours présents dans la nature. La plupart d'entre eux n'affectent pas les humains.
Ce qui caractérise le virus en provenance de l'Asie, c'est qu'il est très virulent chez les oiseaux. Il tue une forte proportion des oiseaux et des troupeaux affectés. De plus, chez une faible proportion de la population humaine, il peut également être une cause de maladie. Quand cela arrive, l'effet est dévastateur.
Il y a eu des centaines de cas d'infection, mais entre 30 et 50 p. 100 des gens malades en meurent. Le virus est également virulent chez les humains, mais il y a eu quelques centaines de décès sur des millions de personnes exposées, probablement. Le virus ne se transmet pas facilement des oiseaux aux humains.
Se pourrait-il que nous le détections chez des oiseaux sauvages à un moment donné? Cela va fort probablement se produire, au fur et à mesure que nous allons examiner des oiseaux, et vu les migrations, et cetera. Le virus du Nil occidental, de la même façon, a commencé à se répandre à partir de New York, et, après un certain nombre d'années, pratiquement tous les oiseaux à l'est des Rocheuses, une proportion de ces oiseaux, avaient été affectés.
Pour ce qui est de votre question, je vous dirais que vous allez probablement être témoins de la découverte du virus au Canada, mais, encore une fois, c'est impossible à prévoir. Nous ne l'avons encore ni vu ni détecté. Pour ce qui est de la santé des animaux, l'ACIA et d'autres organisations ont mis en place des plans visant les troupeaux domestiques.
Pour ce qui est des humains et de la perspective d'une pandémie de H5N1, cela fait dix ans maintenant que nous avons constaté l'existence du virus chez l'humain. Le virus peut infecter une petite proportion d'humains. Il peut se transmettre d'une personne à l'autre lorsque l'exposition est très grande, que l'infection est importante et que les deux personnes sont génétiquement semblables, pour ce qui est de la capacité ou de l'incapacité de résister au virus.
En même temps, ce qui m'inquiète davantage, c'est que nous avons été témoins de percées d'un virus H7 au Royaume-Uni, qui semble s'être transmis facilement d'humain à humain. On a pu empêcher le virus de se transmettre à l'aide d'antiviraux et d'autres mesures, mais nous sommes témoins de ces percées de nouveaux virus, et nous allons continuer de les voir se multiplier.
En ce qui concerne la possibilité de prévoir quand la pandémie va survenir, la plupart des gens diraient qu'il y aura probablement une nouvelle pandémie d'influenza, mais qui sait quand? La nature est imprévisible.
La gravité de cette pandémie est également impossible à prédire. Nous ne savons pas si c'est la souche H5 qui va évoluer et qui va devenir capable de se transmettre facilement d'humain à humain ou si c'est l'une de ces autres souches comme la souche H7 qui va être à l'origine de la pandémie.
Nous avons isolé, par exemple, un virus qui avait infecté un enfant canadien et qui comportait des éléments génétiques du porc, de l'humain et de l'oiseau. Ce virus pose un défi très important pour ce qui est de comprendre ce qui va se produire. C'est la même chose en ce qui concerne la résistance que nous avons constatée au cours des deux ou trois dernières semaines, qui fait qu'environ 10 p. 100 des échantillons que nous avons obtenus — nous avons également constaté cela en Europe — résistent à Tamiflu, l'antiviral le plus courant. Le problème, c'est que les personnes en question n'ont pas été exposées à Tamiflu, ce qui est habituellement le contexte dans lequel on voit la résistance se créer. Ce virus possède un gène qui le rend résistant.
D'où ce gène vient-il? Comment cela s'est-il produit? Pour être tout à fait franc, nous ne le savons pas. Nous devons protéger nos arrières. C'est la raison pour laquelle nos plans de lutte contre la pandémie ne concernent pas seulement une souche de virus ou d'influenza; ils consistent en une réflexion sur toutes les choses possibles, parce que si on met tous ses œufs dans le même panier, on est presque assurément perdant.
Le sénateur Zimmer : Comment le virus se transmet-il de l'oiseau à l'humain?
Dr Butler-Jones : Il y a différents modes de transmission. Si vous avez un troupeau, surtout s'il se trouve dans un poulailler ou quelque chose du genre, le virus se trouve dans les excréments, et il contamine l'air que vous respirez. Ou encore, dans certains cas vus en Asie, le virus était dans le sang, et ce sang n'a pas été cuit — en d'autres termes, c'est en mangeant de la volaille crue que les gens l'ont contracté. Un autre exemple de mode de transmission, c'est quand on est en contact de très près avec des oiseaux. Cependant, beaucoup de gens peuvent être exposés, mais un nombre relativement petit de personnes exposées tombent malades. Nous ne connaissons pas tous les facteurs en cause.
C'est la même chose pour ce qui est du SRAS. Le virus était dans l'organisme d'animaux. Il a été transmis aux gens qui ont mangé la chair de ces animaux ou qui se sont trouvés au marché où les animaux malades étaient, ce qui fait que les gens génétiquement susceptibles d'être infectés sont tombés malades et ont transmis le virus à d'autres. Par la suite, le virus s'est transmis très facilement d'une personne infectée, pour une raison quelconque, peut-être parce que cette personne produisait une grande quantité de virus, à six ou sept autres personnes qui se sont ensuite rendues à différents endroits du monde. Ça a été des circonstances très particulières.
La plupart des virus ne touchent qu'une espèce. Autrement dit, il y a de nombreux virus de l'influenza qui ne peuvent pas se transmettre de l'humain au porc ou aux oiseaux. Il y en a d'autres qui peuvent se transmettre de l'humain à ces animaux, et vice versa. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit d'un virus intéressant.
Le sénateur Zimmer : Vu l'importance du renseignement et de la détection, de la prévention et de l'intervention en cas de crise, comment, quand et dans quelles circonstances l'ASPC est-elle consultée par le SCRS, la GRC et d'autres organisations du milieu du renseignement au Canada? Les employés de l'Agence ont-ils les autorisations de sécurité qui leur donnent un accès complet aux renseignements recueillis par le SCRS et par d'autres organisations?
Dr Butler-Jones : Il est certain que nous entretenons de bons liens avec les organisations dont vous parlez. Il y a dans nos rangs une personne qui travaille directement avec les gens de la sécurité et qui leur communique des renseignements relatifs à la santé et en reçoit de leur part, selon le cas. Lorsque le besoin se fait sentir, on me fait régulièrement un compte rendu des différents éléments liés aux choses auxquelles nous nous intéressons. Nous apportons également une contribution importante à cet égard grâce au Réseau mondial d'information en santé publique — le RMISP — et au fait que nous sommes capables de déterminer les maladies qui peuvent faire surface dans d'autres pays et faire part de cela aux intervenants du milieu de la sécurité en général, ainsi que de déterminer le risque de pandémie, et cetera. Nous examinons de près, avec nos collègues, le risque théorique que différents agents servent à commettre un acte de bioterrorisme. Évidemment, ce sont ces collègues qui dirigent, mais nous nous intéressons à l'aspect santé, et c'est notre spécialité.
Le sénateur Mitchell : Docteur Butler-Jones, je dois dire que, même si votre organisation est relativement nouvelle, il est assez évident que vous avez une très bonne idée de vos activités, même si elles sont variées et de grande portée. C'est rassurant à de nombreux égards. Comme l'Agence de la santé publique est relativement nouvelle — trois ans et demi seulement — comment évolue-t-elle? Y a-t-il des gens en poste? Avez-vous déterminé le genre de structure organisationnelle dont vous avez besoin? Avez-vous établi tous les liens — vous en avez déjà parlé un peu — nécessaires avec les autres ordres de gouvernement? Comment les choses ont-elles évolué jusqu'à maintenant?
Dr Butler-Jones : C'est une question intéressante, à laquelle je réfléchis souvent, mais je ne suis pas sûr de pouvoir y répondre pleinement. Déjà on dit que c'était comme de construire un bateau en pleine mer ou, ce qui est encore plus effrayant, un avion en plein vol.
Nous nous sommes concentrés sur un certain nombre de choses. Comme l'Agence a vu le jour à la suite de la crise du SRAS, il est clair qu'on s'attendait à ce que nous nous donnions une structure cohérente. Nous avons effectué le suivi des recommandations formulées après la crise du SRAS ainsi que ce que nous avons déterminé qu'il fallait faire pour donner suite aux recommandations sensées.
Le président : Pour ce qui est des recommandations, s'agit-il de celles formulées dans le rapport Naylor?
Dr Butler-Jones : Oui, le rapport Naylor, ainsi que les recommandations des comités sénatoriaux et d'autres intervenants. Nous avons fait de bons progrès à cet égard. L'autre chose, c'est l'établissement du Réseau canadien de santé publique, qui est l'organisation fédérale-provinciale-territoriale qui surveille les activités relatives à la santé publique. Je suis coprésident du conseil du réseau, avec l'administrateur de la santé de la Colombie-Britannique, le Dr Perry Kendall. Différents comités consultatifs, des comités d'experts ainsi que des comités de type intergouvernemental sur la santé publique, relèvent de celui-ci. Il rendait compte à la Conférence des sous-ministres de la Santé, à laquelle je siège, qui relève elle-même de la Conférence des ministres de la Santé. Il y a maintenant une tribune qui permet de faire part des politiques et d'autres enjeux aux ministres qui n'existait pas auparavant — beaucoup de comités n'avaient pas de liens les uns avec les autres — et qui permet de régler les questions liées aux lignes directrices, à l'expertise, et à d'autres choses sur un même palier.
En ce qui concerne l'Agence elle-même, et plus précisément sa structure, je suis d'avis que la structure découle de la fonction. L'année en cours est un peu pour nous une année de consolidation. Après trois ans et demi, nous avons une certaine quantité de ressources et un certain nombre de mandats de plus qu'au début, c'est-à-dire en plus des attentes qu'on avait face à nous par rapport au SRAS.
C'est toujours un défi, parce que les attentes semblent augmenter plus rapidement que les ressources et les capacités. Notre situation n'est pas unique. Comme, je pense, la santé publique a été relativement négligée pendant 15 ou 20 ans, parce que nous étions concentrés sur les hôpitaux, les listes d'attente et le dépassement des budgets, il va nous falloir un peu de temps, et il y a les questions liées à la capacité d'absorption.
Si l'on voulait embaucher 20 médecins formés de la santé publique au Canada, on ne le pourrait pas. Il n'y pas de candidats. Nous devons travailler en étroite collaboration — comme nous l'avons fait — avec les universités et les autres ordres de gouvernement pour déterminer la capacité voulue, non seulement à l'Agence, mais également au sein du système. Nous essayons d'examiner ce que je décris comme étant une toile, et nous essayons de comprendre où sont les besoins, de façon à ajouter de la valeur à tous les éléments. Ainsi, peu importe le problème qui surviendrait au pays, nous aurions la capacité d'intervenir adéquatement, de la façon souhaitable, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, à Toronto ou ailleurs.
Il y a une intention derrière notre façon de faire évoluer l'organisation. Nous avons maintenant un plan stratégique. Nous procédons également à un examen de ce que nous faisons, de nos motivations, de ce que nous devons faire dans l'avenir et des changements qu'il faut apporter. L'année en cours est une bonne année pour cela, et pour consolider un peu les choses. Il y a toujours de nouveaux besoins, mais, en même temps, nous faisons des progrès. Tant que nous faisons des progrès d'une année à l'autre, c'est ce qui compte.
Le sénateur Mitchell : C'est ce qui compte, mais si on vous donnait une baguette magique, mis à part le fait de trouver davantage de médecins formés de la santé publique, y a-t-il des initiatives stratégiques, structurelles et organisationnelles que vous aimeriez mettre en place? Autrement dit, quels sont les points faibles de votre organisation, selon vous, et quels sont les risques?
Dr Butler-Jones : Nous avons effectué une analyse du risque par rapport aux problèmes auxquels nous sommes confrontés, à nos points forts et à nos points faibles et, par conséquent, à ce sur quoi nous devons nous concentrer du point de vue de l'organisation, certaines de ces choses échappant à notre emprise, d'autres non. Ce sont ces choses que nous ciblons.
L'une de ces choses, c'est l'ampleur de l'organisation. Je vais vous donner un exemple concret. Auparavant, il y avait des gens parmi nous qui étaient à la fois gestionnaires, c'est-à-dire des directeurs généraux, et spécialistes, et ils devaient relever le défi consistant à remplir les deux rôles. En ce moment, nous élargissons cette base, ce qui nous permet d'augmenter notre capacité, mais également de réduire au minimum les risques auxquels nous sommes confrontés. Mon poste est double : je suis sous-ministre et administrateur en chef de la santé publique, et j'ai deux bureaux. Maintenant, j'ai auprès de moi Jane Billings, qui joue le rôle d'adjointe. Encore une fois, cela a permis d'augmenter énormément la capacité, comme dans d'autres cas. Nous nous sommes penchés sur nos problèmes et nos points forts, ainsi que sur l'équilibre que nous devions réaliser pour être efficaces non seulement dans le domaine de la santé publique, mais également à titre d'organisation gouvernementale.
Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé d'un plan stratégique. Pourrions-nous en obtenir un exemplaire?
Dr Butler-Jones : Assurément.
Le sénateur Mitchell : Comment établissez-vous les budgets pour les urgences? Dépensez-vous l'argent dont vous disposez au moment où l'urgence survient, quitte à vous inquiéter plus tard, ou y a-t-il un autre processus plus défini que cela?
Dr Butler-Jones : De façon générale, les gouvernements ne sont pas très bons lorsqu'il s'agit d'établir des budgets pour les urgences. Ça a tendance à être quelque chose que nous prévoyons dans les budgets des préparatifs. Nous avons établi certaines choses — la réserve d'antiviraux, par exemple, ou encore l'éventualité d'un recours à un fabricant de vaccins du pays, ce qui serait l'ultime solution en cas de pandémie. Il est possible de prévoir ces choses dans le cadre d'un budget, tout comme il est possible de placer dans une réserve d'autres choses dont nous pourrions avoir besoin, alors nous avons une petite longueur d'avance dans ce cas-là.
Établir le budget réel pour une situation d'urgence est assez difficile à mon avis. Lorsqu'il s'agit d'urgences à l'échelle nationale, comme une pandémie d'influenza, par exemple, il y a des mesures qui entrent en jeu et qui dépassent largement le cadre d'une organisation ministérielle comme la nôtre.
Le sénateur Mitchell : Vous avez répondu à une bonne partie des questions, ou donné pas mal d'éléments de réponse, mais je vais peut-être vous offrir la possibilité de résumer ou d'ajouter quelque chose. Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels l'Agence fait face en ce moment, au chapitre de la réalisation de son mandat? Avez-vous encore à surmonter des problèmes financiers, des problèmes de coordination avec les autres ordres de gouvernement, des problèmes de diffusion de l'information, ou encore liés à la loi, au règlement, à quoi que ce soit d'autre, qui, selon vous, sont pertinents et fondamentaux?
Dr Butler-Jones : Avant de répondre à votre question, je devrais mentionner quelque chose. Le gouvernement, dans son avant-dernier budget, a mis de côté 400 millions de dollars pour faire face à une situation d'urgence éventuelle. Le gouvernement a bel et bien mis de côté une certaine somme dans le cadre budgétaire.
Le sénateur Mitchell : Cette somme est-elle en quelque sorte en dépôt?
Dr Butler-Jones : Oui, je pense qu'elle est renouvelée chaque année.
S'il n'y a pas de crise, la somme est retirée, et le gouvernement va reconsidérer cela. Il y a cependant quelque chose en place. C'est très singulier; je ne me souviens pas d'avoir déjà vu cela auparavant — c'est digne de mention.
En ce qui concerne les problèmes auxquels nous sommes confrontés, il y a beaucoup de choses qui sont imprévisibles. C'est tout simplement comme ça en santé publique. L'autre chose, c'est que, vu la nature de nos activités, nous devons un peu improviser. Nous nous occupons de choses qui peuvent arriver, et il est difficile d'obtenir du crédit, dans le système, pour les choses qui ne se sont pas produites, par rapport au fait d'intervenir lorsque des choses se produisent, ou qu'il y a une file d'attente à la porte.
Maintenir l'intérêt pour ce qui se passe en amont... et nous avons beaucoup parlé du volet de la protection civile... si vous réfléchissez au fait que davantage de gens meurent entre les pandémies d'influenza que pendant celles-ci. Il y a un plus petit nombre de décès par année pendant les nombreuses années qui séparent les pandémies. Beaucoup de gens ne réfléchissent pas au fait que le risque qu'ils décèdent — s'ils contractent le virus de l'influenza au cours de l'année — est à peu près le même que s'ils contractent le virus pendant une pandémie, mais beaucoup plus de gens contractent le virus pendant une pandémie.
Stocker des antiviraux n'a pas beaucoup de sens, à mes yeux, si les gens ne se font pas vacciner chaque année contre la grippe. C'est ce qu'on peut dire en général de la prévention. Que ce soit en santé ou par rapport à d'autres aspects de la société, c'est toujours un peu difficile de maintenir le soutien, l'intérêt et les ressources lorsqu'on n'est pas en temps de crise.
L'épisode du SRAS a été un moment charnière, parce qu'il y a eu une prise de conscience, et tout le monde a dit : Oh, ils avaient raison. Il y a un danger si l'on ne fait pas attention entre les crises.
C'est un défi qui se pose, de façon générale, au sein du système, et c'est la raison pour laquelle nous avons abordé toutes les questions de santé et de ressources humaines liées à la santé publique et à la santé en général, et que nous avons également travaillé avec les universités pour déterminer les besoins de formation et de compétence. Fait intéressant, il y a au moins une demi-douzaine de présidents d'universités qui se sont attaqués à la question et qui réfléchissent à la façon de nous doter des capacités et de faire en sorte que les gens qualifiés travaillent dans le secteur de la santé publique, pour que nous puissions être en mesure de régler les problèmes qui surviendront dans l'avenir. Ainsi, le fait de former des gens et de leur offrir le soutien dont ils ont besoin nous touche, mais touche également l'ensemble du système.
Il est important de continuer à renforcer les ressources nécessaires et à montrer qu'elles sont là, qu'elles sont bien utilisées et à montrer en quoi elles permettent de prévenir les problèmes.
Enfin, en ce qui concerne la question des agents pathogènes qui peuvent affecter l'humain, de façon générale, le gouvernement envisage d'autres outils dont nous avons besoin pour gérer les choses à cet égard. Il y a de nombreux laboratoires, un peu partout au pays. Nous avons des mesures en place relativement aux agents pathogènes — comme des bibittes qui entrent au pays — et il faut une licence pour cela, mais les choses peuvent bouger. Nous ne savons pas vraiment ce qui se trouve ici. C'est un risque potentiel, et nous essayons de trouver le meilleur moyen d'y faire face.
Le sénateur Mitchell : Votre situation n'est pas sans rappeler celle d'une armée en temps de paix — ce n'est pas le cas de la nôtre en ce moment —, qui n'a vraiment aucun moyen de savoir à quel genre de crise elle pourra faire face, mais, si elle est organisée, elle a des paramètres sur lesquels fonder son estimation de son état de préparation.
Pour ce qui est de votre rôle et du travail que vous faites, ils sont très particuliers; vous êtes un organisme national au sein d'un État fédéral. Combien y a-t-il d'organismes du genre dans le monde? Par ailleurs, votre organisation n'existe que depuis très peu de temps.
Utilisez-vous des paramètres précis ou une méthode de vérification qui vous permettent de vous évaluer et d'améliorer votre état de préparation ou votre confiance dans votre état de préparation? En êtes-vous encore à l'étape de l'élaboration de ce projet?
Dr Butler-Jones : En ce qui concerne notre état de préparation, nous nous comparons constamment à nos pairs à l'échelle internationale, aux chapitres de la planification, de nos capacités, de la recherche, des choses sur lesquelles nous nous concentrons, et ainsi de suite. Il n'y a pas d'indicateur précis.
Si votre question, c'est celle de savoir de combien d'infirmières de la santé publique nous avons besoin au Canada, personne ne le sait vraiment. À cet égard, les différentes collectivités fonctionnent de façons très différentes; ainsi, la réponse varie en fonction des collectivités. Dans certains cas, les fonctions relatives à la santé publique peuvent être assumées par une autre personne qu'une infirmière de la santé publique — même si ces infirmières s'occupent aussi de ces fonctions. C'est très difficile à déterminer.
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur les compétences de base et les avons définies — de façon que les gouvernements, les autorités sanitaires locales et les autres intervenants puissent examiner les compétences nécessaires à cet égard... et s'éloigner de l'inspecteur de la santé publique, dont on a besoin, et de l'infirmière de la santé publique — des choses qu'on essaie d'obtenir par rapport à ce dont on a besoin comme médecin spécialiste de la santé publique. C'est une chose difficile.
Dans le passé, j'ai souvent parlé de deux choses avec les directeurs généraux des régions. Je vais parler surtout des médecins, mais vous pouvez étendre ce que je vais dire aux autres professionnels de la santé publique. Les médecins spécialistes de la santé publique sont les seuls médecins qui peuvent vous faire épargner de l'argent. Ensuite, contrairement aux chirurgiens, lorsqu'ils font une erreur, ils ne tuent pas une seule personne; ils en tuent des centaines. Ainsi, il est souhaitable d'avoir un bon médecin spécialiste de la santé publique. C'est à peu près la seule spécialité qui vous force à retourner à l'école pendant trois ou quatre ans, pour en ressortir avec plus de responsabilités, des heures de travail plus longues, la possibilité d'être critiqué publiquement et un salaire beaucoup moins élevé. Vous devez être passionné.
Le sénateur Mitchell : Avec les changements climatiques — et je pense que vous avez parlé du virus qui infecte le moustique et qui progresse vers le nord — avez-vous réfléchi aux flambées, aux pandémies qui pourraient survenir au Canada à cause de ce genre de chose?
Dr Butler-Jones : C'est quelque chose que nous surveillons toujours. Nous ne sommes pas sûrs que ce sont les hivers plus chauds qui ont permis au virus du Nil occidental de survivre au Canada. Chose certaine, nous constatons que la dengue se répand. Les gens de la faune pourraient vous dire que la quantité de parasites présents chez le bœuf musqué et d'autres animaux évolue. Nous n'avons pas tous les renseignements précis.
Nous avons bien vu qu'il y avait un problème à Paris, il y a quelques années, lorsque des personnes âgées ont été victimes d'un thermostress, et cetera. C'est une chose que nous prenons très au sérieux. Non seulement les intervenants du domaine de la santé publique sont concernés, mais également les municipalités, et cetera.
Bizarrement, l'endroit où nous nous trouvons actuellement était un lieu d'infection à la malaria il y a 150 ans. Nous avons éliminé cette maladie. Pourrait-elle refaire surface et se propager? Qui sait? Nous devons effectuer une surveillance constante et penser aux différents vecteurs qui favorisent la propagation des maladies ou y nuisent.
D'une année à l'autre, c'est difficile à dire, mais, chose certaine, cette année, on a constaté la présence du virus du Nil occidental dans les Prairies pratiquement un mois plus tôt que prévu. Ça a été la pire année de toutes dans les Prairies. C'est attribuable en partie à l'hiver doux, auquel des moustiques ont pu survivre. C'est une question complexe qui exige l'intervention non seulement des gens de la santé publique, mais également des entomologistes, des biologistes, des représentants des municipalités et ainsi de suite.
Le virus du Nil occidental est un exemple de cas où les différents secteurs ont travaillé ensemble pour essayer de réduire les risques au minimum, de sensibiliser la population et de régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils survenaient.
Le président : Aux yeux des membres du comité, il semble aller de soi que nous avons besoin d'un système de santé publique robuste, mais nous ne voyons pas souvent d'analyse de rentabilisation en ce sens. Y a-t-il une explication à cela?
Dr Butler-Jones : Qu'entendez-vous par analyse de rentabilisation, sénateur?
Le président : En acceptant de faire un petit investissement au départ, on peut épargner beaucoup d'argent à long terme.
Dr Butler-Jones : Vous ne les voyez peut-être pas, mais elles sont faites. C'est en partie difficile à prédire, mais, souvent, le degré d'intérêt n'est pas le même.
J'encadre quelques étudiants au doctorat qui travaillent à des scénarios, et l'un d'entre eux parle de la situation dans laquelle le Canada se trouverait s'il n'y avait pas eu le vaccin contre la polio. Il ne s'agit pas seulement de prédictions, mais nous ne nous soucierions pas du remplacement de la hanche et du genou, parce que tous les chirurgiens orthopédistes s'occuperaient des victimes de la polio. Les coûts sont énormes. Il y a passablement de travaux sur les autres coûts. Si les membres du comité sénatorial ont des idées qui pourraient permettre à ces travaux de trouver un écho, nous serions heureux de les entendre.
Le président : C'est un peu ce que je voulais dire. Si on prend l'exemple du tabagisme et des plans de prévention, il est clair qu'on peut prouver qu'ils sont rentables. On peut élaborer un plan d'activité selon lequel un investissement donné permet d'épargner à tel ou tel endroit.
Voici ma question : pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas?
Dr Butler-Jones : C'est épisodique. Ça revient à : mieux vaut prévenir que guérir, un point à temps en vaut 100 ou encore la phrase de M. Goodwrench : « Si vous ne payez pas maintenant, vous paierez plus tard. » Parallèlement, nous avons tendance à intervenir lorsqu'il y a quelque chose de nouveau qui suscite des réactions.
À mon sens, nous nous trouvons dans une situation plus intéressante maintenant qu'il y a l'Agence et que nous tenons ce genre de débats. Les gens vont prendre leurs décisions en conséquence.
En Colombie-Britannique, par exemple, on a effectué une analyse — si les tendances en santé et en éducation se maintiennent, dans 10 ans, il n'y aura pratiquement plus d'argent pour les autres ministères, d'après les recettes fiscales potentielles. Il y a maintenant là-bas un ministre d'État responsable d'ActNow BC, qui est un programme relatif à l'activité physique et à la nutrition. Le ministre s'assure auprès de ses collègues que les décisions stratégiques prises dans le domaine des transports et dans les autres domaines tiennent compte des répercussions sur l'activité physique et la nutrition.
Au bout du compte, je crois que cela revient à l'idée que nous nous faisons du rôle du gouvernement par rapport au bien-être de la population et à ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire. Ensuite, c'est une question de priorité établie par les gouvernements — voilà une chose qui m'intéresse.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous effectuer une analyse de rentabilisation mettant en rapport la santé publique et le contrôle des armes à feu? Combien faut-il de gens malades pour qu'on dise qu'il s'agit d'une épidémie?
Dr Butler-Jones : Ce n'est pas mon domaine de spécialité. Je vais m'en tenir à cette réponse.
Le sénateur Moore : Docteur Butler-Jones, vous avez parlé du RMISP? Qu'est-ce que c'est?
Dr Butler-Jones : Il s'agit du Réseau mondial d'information en santé publique, qui est notre système de surveillance à l'échelle internationale.
Le sénateur Moore : Qui sont les membres du RMISP?
Dr Butler-Jones : C'est notre personnel qui le gère.
Le sénateur Moore : Le réseau fait partie de votre organisation?
Dr Butler-Jones : Oui, et nous fournissons des renseignements à l'OMS et à d'autres pays, en fonction de nos analyses.
Le sénateur Moore : Vous avez parlé tout à l'heure de surveiller ce qui se passe dans d'autres pays et de nous alerter et d'élaborer des plans de préparation. Comment arrivez-vous à savoir ce qui se passe ailleurs?
Dr Butler-Jones : Le RMISP effectue une recherche constante dans Internet. Le système dépouille les nouvelles diffusées par les médias locaux, et cetera. — par exemple, la nouvelle qu'il y a 37 personnes qui sont à l'hôpital, qui toussent et qui saignent.
Le sénateur Moore : Dans un autre pays?
Dr Butler-Jones : Oui. Disons que c'est un article en chinois. Cet article est traduit, et nous repérons les mots clés qui ont trait au sang et à la toux. Nous pourrons alors décider que c'est un problème qui mérite qu'on y prête attention. À ce moment-là, nous communiquons avec des représentants de l'OMS et leur faisons savoir que nous avons relevé un indice que quelque chose se passe. Ils effectuent ensuite le suivi auprès du pays en question. Si c'est un pays avec lequel nous entretenons un lien direct, alors nous pouvons appeler les représentants de ce pays en même temps et leur demander s'ils savent que telle ou telle chose se passe. Parfois, ils ne le savent pas. Il nous arrive souvent de découvrir que quelque chose se passe avant les représentants du pays concerné.
Le sénateur Moore : Vous relevez ces éléments dans les bulletins de nouvelles quotidiens?
Dr Butler-Jones : Oui, les bulletins de nouvelles ou tout simplement les reportages dans les médias. Le journal local de la province du Guangdong, en Chine, par exemple, peut publier un article au sujet d'un événement dont n'ont pas connaissance les autorités sanitaires chinoises. Nous avons déjà constaté que les nouvelles peuvent se répandre rapidement dans les médias. C'est un bon moyen de découvrir ce qui se passe au plus tôt, ce qui permet ensuite d'intervenir.
Dr Njoo : La raison pour laquelle nous utilisons les médias comme source, c'est que les événements relatifs à la santé sont d'abord et avant tout des histoires qui intéressent les gens. Le fait de parler d'un petit village de la Chine, comme dans l'exemple cité par le Dr Butler-Jones, est peut-être inhabituel, mais lorsque 50 p. 100 des étudiants d'une école secondaire tombent mystérieusement malades, même si les autorités sanitaires locales ne sont pas au courant, les journalistes de l'endroit qui sont spécialistes de la santé peuvent faire en sorte que la nouvelle soit diffusée.
Dr Butler-Jones : Parfois, c'est significatif, parfois pas. Une fois, un bulletin de nouvelles a été traduit et il parlait de la variole noire. Nous n'avons pas vu de cas de variole depuis 40 ans à peu près. Par la suite, on s'est aperçu que c'était un terme utilisé localement pour désigner une maladie courante, mais nous avons relevé cela, ce qui a permis au pays d'enquêter.
Le sénateur Moore : Où avez-vous relevé ça?
Dr Butler-Jones : Encore une fois, nous trouvons nos renseignements dans des articles.
Le sénateur Moore : Avez-vous un employé qui lit tous les journaux? Comment faites-vous?
Dr Butler-Jones : Nous avons un moteur de recherche qui cherche des mots clés. Les analystes examinent les résultats et décident si ce qu'ils trouvent est inquiétant ou non. Ce sont les données qui ont fait l'objet d'une analyse que nous diffusons, pas les données brutes.
Le sénateur Moore : Je comprends.
Pendant l'épidémie de SRAS, j'étais chez moi, en Nouvelle-Écosse et je regardais les bulletins de nouvelles à la télévision. Un porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé a averti les gens de ne pas se rendre à Toronto. Cet avertissement a placé tout le pays, peut-être, sous un mauvais jour, parce qu'il revenait à dire que ce n'était pas sécuritaire de se rendre là-bas. Il faut beaucoup de temps par la suite pour que l'impression s'évanouisse.
Quel est le rôle de l'OMS et en vertu de quelle autorité l'organisation a-t-elle fait ce qu'elle a fait dans ce cas-là? Quelle est la source d'information de l'organisation?
Dr Butler-Jones : Nous diffusons, par exemple, les avis aux voyageurs dans différents pays pour différentes raisons. Bon nombre d'autres pays, surtout des pays industrialisés, font la même chose. L'OMS diffuse des avis aux voyageurs pour certaines questions relatives à la santé.
À l'époque dont vous parlez, l'OMS ne recevait pas de renseignements selon lesquels le Canada était bien préparé à intervenir. Il semblait dans certains cas que le SRAS était en train de se propager vers d'autres pays. Les représentants de l'OMS ont alors décidé de diffuser un avis. Cependant, comme c'était un avis concernant une ville d'un pays industrialisé, ça a fait les manchettes. C'est quelque chose qui n'arrive pas très souvent.
Le sénateur Moore : Où ont-ils eu ce renseignement? À qui ont-ils parlé au Canada?
Le sénateur Tkachuk : Mel Lastman.
Le sénateur Moore : Ont-ils téléphoné à l'agence de santé publique de Toronto ou au gouvernement de l'Ontario? Où ont-ils obtenu l'information justifiant, à leurs yeux, le fait de lancer une alerte à l'échelle mondiale?
Dr Butler-Jones : Ils étaient en communication avec les représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements de pays ayant fait état de l'arrivée chez eux de personnes potentiellement infectées. C'est du passé, et il y a eu des études approfondies là-dessus. Ce qui importe, c'est que nous avons aujourd'hui des relations de travail très étroites avec l'OMS. En fait, l'un de mes anciens administrateurs en chef adjoint de la santé publique se trouve en ce moment à Genève, où il travaille auprès de l'OMS dans le domaine des maladies transmissibles — ce qui fait que la collaboration est encore plus étroite, pour qu'il n'y ait plus de malentendus au sujet des renseignements diffusés.
Le sénateur Moore : Est-ce que l'OMS éviterait de diffuser l'avis aux voyageurs en question aujourd'hui?
Dr Butler-Jones : Ça ne devrait plus arriver, parce que la décision de diffuser cet avis était fondée sur des renseignements partiels, et, aujourd'hui, nous disposerions de meilleurs renseignements qui amèneraient l'OMS à prendre une décision différente.
Le sénateur Moore : Je trouvais cela alarmant.
Dr Butler-Jones : De toute façon, les gens avaient déjà commencé à éviter Toronto. À ce moment-là, j'ai trouvé ça bizarre. Des conférences étaient annulées, et cetera. Nous savions que c'était un problème dans les hôpitaux touchés, mais il n'y avait pas de problèmes pour la population en général. En réalité, Toronto était probablement l'un des endroits les plus sûrs au monde, parce que les gens n'arrêtaient pas de se laver les mains. Les gens malades, eux, restaient à la maison et évitaient d'entrer en contact avec qui que ce soit. Les maladies que nous attrapons habituellement — rhume, pneumonie, et cetera. — étaient moins fréquentes. Pourtant, c'était très facile d'obtenir des billets pour n'importe quel spectacle. Cela aurait été un excellent moment pour tenir une conférence à Toronto. Même le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard a déclaré à ce moment-là que le marché des mollusques et des crustacés de la province était anéanti. Les gens annulaient des événements prévus à Banff. Voilà un exemple de la peur de la contagion et des ses répercussions, ainsi que la façon dont nous gérons les communications.
Le sénateur Moore : C'est la raison pour laquelle je posais la question au sujet du fait qu'une personne soit autorisée à dire quelque chose qui puisse avoir des répercussions si importantes sur le plan économique.
Dr Butler-Jones : Nous avons conclu avec l'OMS une entente selon laquelle les représentants de l'organisation doivent discuter avec nous avant de prendre ce genre de décision, et cette entente concerne aussi les répercussions du RSI.
Je ne sais pas si vous connaissez Elaine Chatigny, qui est réputée être une spécialiste de la communication des risques. Elle joue le rôle de consultante auprès de l'OMS, des États-Unis et d'autres intervenants. Nous avons l'une des personnes les plus qualifiées dans le monde ici au Canada. Je pense que nous n'allons pas faire la même erreur deux fois.
Le sénateur Moore : Le sénateur Mitchell a lancé quelque chose d'intéressant. Combien faut-il qu'il y ait de cas pour qu'on dise qu'il y a une épidémie? 100? 50? Je pense à ce qui s'est passé l'an dernier. Dans ma province, il y a eu de nombreuses flambées d'oreillons. Est-ce qu'on vous en avertirait, et interviendriez-vous?
Dr Butler-Jones : Oui.
Le sénateur Moore : À partir de combien de cas interviendriez-vous?
Dr Butler-Jones : Techniquement, il y a une épidémie lorsqu'il y a un cas de plus que prévu. Ainsi, un cas de variole, techniquement, c'est une épidémie. De façon générale, c'est lorsque les choses dépassent les prévisions, ou lorsqu'elles posent un problème important — on entend les gens parler de grappes, qui sont comme des mini épidémies, puis elles prennent de l'ampleur. Il n'y a pas de chiffre absolu. Y a-t-il un peu plus de cas que le nombre prévu? Dans ce cas-là, c'est une épidémie.
Le sénateur Moore : Est-ce qu'il faut que les cas surviennent à plusieurs endroits différents?
Dr Butler-Jones : Oui, ce sont des facteurs. C'est un peu une question de jugement. Une pandémie, c'est une épidémie à l'échelle mondiale.
En ce qui concerne les oreillons, nous étions à ce moment-là en lien étroit avec les provinces. Theresa Tam, qui est ici, a fait partie du groupe qui s'occupait des vaccins et des maladies respiratoires, et elle est maintenant directrice générale de la protection civile. Elle et son équipe communiquaient régulièrement avec les représentants des provinces.
En ce qui concerne le moment où nous intervenons, il y a plusieurs possibilités. Premièrement, il se peut que nous lisions quelque chose qui nous pousse à appeler les responsables de l'Alberta pour leur demander ce qui se passe vraiment et s'ils ont besoin d'un coup de main.
Le sénateur Moore : Dans votre exemple, à qui vous adressez-vous?
Dr Butler-Jones : Ça dépend. Habituellement, c'est le médecin-chef de la province. C'est peut-être aussi le sous- ministre ou la personne responsable dans un domaine précis, ce qui dépend de ce qui est en jeu. Le réseau de la santé publique, qui est le réseau officiel, et nos réseaux officieux sont essentiels à une intervention rapide à l'appui du rôle des provinces, en fonction de la situation et des besoins exprimés.
L'importance des besoins varie selon les provinces, et selon leur capacité. Il y a un dialogue constant autour de cela, parce que c'est autant un art qu'une science. Faut-il instaurer un programme d'immunisation dans les universités maintenant ou faut-il attendre, par exemple? Il n'y a pas de réponse absolue.
Le Comité consultatif national de l'immunisation recommande un deuxième vaccin, mais à quel moment faut-il intervenir pour tenter de contenir une épidémie? C'est un peu une question de jugement, et c'est quelque chose que nous faisons de mieux en mieux avec l'expérience.
Le sénateur Zimmer : J'ai une question au sujet du bioterrorisme. On a dit que c'est la bombe du pauvre, parce que les caustiques existent à l'état naturel et qu'ils peuvent être placés à un endroit donné assez facilement.
Je suis sûr que vous connaissez le Dr Frank Plummer, de Winnipeg; nous sommes fiers du laboratoire que nous avons là-bas. Est-ce que l'Agence de la santé publique du Canada participe activement aux exercices de protection civile liés au bioterrorisme qu'organisent tous les ordres de gouvernement? Le cas échéant, quel est votre degré de participation de ces exercices?
Dr Butler-Jones : La réponse est oui. Le laboratoire fait partie de l'Agence. En plus d'être directeur général de l'Agence, le Dr Plummer est également mon conseiller scientifique en chef.
Nous participons activement à ces exercices. Évidemment, en ce qui concerne l'armée, elle a ses domaines d'expertise propres, et c'est ce qu'elle fait. Cependant, nous travaillons en étroite collaboration avec les militaires. Pour ce qui est des exercices, j'ai parlé tout à l'heure de Triple Play — c'est une simulation d'un acte de bioterrorisme suivie de l'intervention de différents ordres de gouvernement en plus des gouvernements des trois pays participants. Encore une fois, nous participons activement à cet exercice et à d'autres exercices.
Le personnel du laboratoire, en ce qui concerne le rôle de conseiller à l'échelle internationale ou le travail auprès du Groupe d'action mondiale pour la sécurité, le GAMS — joue un rôle actif auprès d'eux aussi. Nous participons au volet biologique; Santé Canada participe au volet nucléaire et chimique. Encore une fois, nous discutons avec ces gens, parce qu'il y a évidemment des choses qui nous concernent aussi.
Le président : Je veux remercier chaudement le groupe de témoins que nous avons reçus ce soir. Nous avons pris 25 minutes de plus que prévu, mais c'est parce que les témoignages ont été très intéressants. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de tant d'informations.
Dr Butler-Jones : Tout le plaisir a été pour nous, sénateur.
Le président : C'est du temps bien investi.
Au nom des membres du comité, merci beaucoup à tous.
La séance est levée.