Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 5 - Témoignages du 13 mars 2008
OTTAWA, le jeudi 13 mars 2008
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel, en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et océans du Canada.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous étudions la nouvelle politique du ministère des Pêches et des Océans, qui porte actuellement sur l'Arctique et plus précisément la Garde côtière canadienne.
Nous avons entendu des témoignages sur la pêche, dans l'Arctique de l'Est notamment. Certains témoins nous ont aidés à comprendre ce qui se passe dans l'Arctique en général; d'autres nous ont parlé du mandat de la Garde côtière canadienne, de la façon dont elle l'exécute, de ce qu'il devrait être et des outils dont elle dispose pour faire son travail.
Nous espérons aller en Arctique durant la première semaine de juin. Le Sénat l'a approuvée comme semaine de travail des comités, ce qui signifie que tous les comités sénatoriaux travailleront durant cette semaine à leurs mandats respectifs, le nôtre étant l'Arctique. Nous nous rendrons dans le Nord durant la semaine en question, ou pendant dix jours, pour y rencontrer des gens qui nous aideront à formuler nos pensées sur la nouvelle politique.
Aujourd'hui, nous accueillons M. Rob Huebert. Il est originaire de Winnipeg, ce qui signifie qu'il est un Canadien typique. M. Huebert a un parcours universitaire exceptionnel. Il est actuellement professeur agrégé au Département des sciences politiques de l'Université de Calgary et directeur adjoint du Centre d'études stratégiques et militaires. Il a aussi enseigné à l'Université Memorial — ce que je tiens à mentionner au compte rendu — ainsi qu'à l'Université Dalhousie et à l'Université du Manitoba.
Les travaux de recherche de M. Huebert portent entre autres sur les relations internationales, les études stratégiques, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer — sujet important pour nous et dont nous avons également discuté —, les affaires maritimes, la politique étrangère et la politique de défense du Canada ainsi que les relations circumpolaires. Il a fait publier Breaking Ice : Renewable Resource and Ocean Management in the Canadian North.
M. Huebert fera son exposé, après quoi nous lui poserons des questions.
Rob Huebert, directeur adjoint du Centre d'études stratégiques et militaires, professeur agrégé, Département des sciences politiques, Université de Calgary : Je suis heureux de comparaître devant cet auguste comité afin de discuter d'une question qui est au centre non seulement de ma propre recherche, mais aussi de mon identité canadienne : il s'agit, bien entendu, de l'Arctique canadien.
L'Arctique est un de ces succès instantanés dont tout le monde parle et qui, du jour au lendemain, est devenu un dossier chaud. En réalité, tous les défis et possibilités que nous connaissons aujourd'hui se sont développés au moins au cours des 20, sinon des 30, dernières années. Il est donc opportun que je puisse comparaître devant vous pour vous faire part de certaines de mes réflexions sur la nature changeante de l'Arctique et du rôle que la Garde côtière canadienne a joué, joue et devrait jouer dans l'avenir.
Un de vos prédécesseurs, le sénateur Poirier, avait proposé en 1906 l'une des explications les plus déterminantes de la souveraineté canadienne. Il a créé ce qui a été connu plus tard comme la théorie des secteurs. Sans entrer dans les détails, selon la théorie des secteurs, toutes les nations arctiques se divisaient entre elles des secteurs du pôle Nord. Cette théorie n'est pas reconnue en droit international, mais les Russes, sans donner au sénateur Poirier le mérite qui lui revient, essaient maintenant de revoir cette approche à mesure qu'ils affirment leur revendication à l'intérieur du plateau continental.
J'ai trois principaux points à soulever. Le premier concerne la nature changeante de l'Arctique. Même si nous voulions ignorer l'Arctique, ce qui irait à l'encontre de la mentalité canadienne, l'Arctique ne nous permettrait pas de le faire. Les changements sont d'une telle ampleur que même si nous ne voulions pas dépenser la somme requise, l'Arctique finirait par nous trouver et nous obliger à dépenser l'argent après coup.
La deuxième question, c'est la souveraineté. En lisant les comptes rendus, j'ai appris que ce comité s'intéresse aux concepts de la souveraineté. J'aimerais présenter quelques idées sur la raison pour laquelle la souveraineté est importante et sur ce qu'elle signifie pour les valeurs et les intérêts canadiens.
La troisième question que je vais aborder concerne la Garde côtière canadienne qui est, bien entendu, le point central de votre étude. Il existe un lien intéressant entre la Garde côtière et la souveraineté de l'Arctique.
Je vais commencer par la nature changeante de l'Arctique. Trois grands facteurs changent profondément le visage de l'Arctique international. Il y a, d'abord et avant tout, le changement climatique. J'ai présenté au comité des images- satellites qui montrent la diminution de la couche de glace. Tant du point de vue scientifique que d'après les connaissances traditionnelles, nous n'avons jamais assisté à un rétrécissement d'une telle ampleur.
Nous savons qu'avant l'existence des humains, l'Arctique n'était pas recouvert de glaces à certaines époques, mais nous n'avons jamais connu ce phénomène depuis l'apparition de l'espèce humaine. L'ampleur de la diminution des glaces préoccupe quasiment tous les scientifiques qui effectuent des recherches actives parce qu'en plus, nous observons un changement de température dans les voies navigables. Constater que le passage du Nord-Ouest est ouvert pour la toute première fois est un sujet de grande préoccupation pour ceux qui étudient les glaces.
À mon avis, même si nous n'assistions pas à une diminution des glaces, nous serions quand même obligés d'y prêter attention étant donné qu'un baril de pétrole coûte plus de 120 $. Avec l'arrivée des Chinois comme consommateurs de pétrole au même niveau que les pays développés, et l'anticipation que l'Inde emboîte bientôt le pas, nous assistons à une ruée sur les produits de base, situation que nous n'avons pas vue depuis 1973 lorsque l'embargo pétrolier décrété par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, l'OPEP, a plongé tout le marché pétrolier dans le chaos.
À moins d'un effondrement majeur, par exemple si la crise hypothécaire aux États-Unis devient trop difficile à contrôler, nous ne verrons aucune baisse dans le prix du pétrole et du gaz. Ce fait est souligné à toutes les conférences sur l'industrie pétrolière et gazière auxquelles j'assiste à Calgary. La réalité, c'est que l'Arctique est la dernière région inexplorée des réserves pétrolières et gazières.
À compter de cette année, Esso, avec des partenaires, dépensera plus de 600 millions de dollars pour entreprendre l'exploration dans la mer de Beaufort et le delta du Mackenzie sur une période de cinq ans. Du côté américain, Shell consacre 700 millions de dollars à l'exploration. Toutefois, ses efforts en matière de consultations communautaires ont laissé à désirer; le projet risque donc de ne pas commencer ce printemps, comme prévu, mais l'année prochaine.
Les Russes travaillent déjà à la mise en valeur de la zone extracôtière, ce qui a des ramifications importantes pour nous du point de vue technologique, et j'y reviendrai tout à l'heure.
Il y a quelques années, le U.S. Geological Survey a publié un rapport selon lequel près de 25 p. 100 des réserves mondiales non découvertes de pétrole se trouvaient dans l'Arctique. Depuis, les auteurs ont légèrement modifié ce chiffre pour le ramener au taux plus modeste de 18 p. 100; toutefois, 18 p. 100 des réserves mondiales, c'est plus que ce dont disposent les Saoudiens. Cela vous donne une idée de l'ampleur des attentes.
Pour rendre le tout encore plus intéressant, une troisième source d'énergie, les hydrates de gaz, pourrait ou non, selon la personne à qui vous parlez, être la prochaine grande source d'énergie. Certains disent que leur exploitation est trop dispendieuse; d'autres, que c'est la voie de l'avenir. À mon avis, nous ne savons pas encore à quoi nous attendre là- dessus.
Du point de vue géopolitique, le principal changement, c'est que le monde a enfin reconnu à quoi sert réellement la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l'UNCLOS. Cette convention fournit un moyen par lequel les pays arctiques peuvent diviser le plancher océanique. Elle nous donne également des lignes directrices sur la façon de traiter les questions liées à l'environnement, aux pêches, à la navigation et au statut.
Elle ne donne pas de réponses claires. Elle ne précise pas si le passage du Nord-Ouest est un détroit international ou s'il s'agit d'eaux internes, comme le prétend le Canada. Toutefois, elle nous fournit le moyen d'examiner la question d'une manière pacifique.
L'UNCLOS, qui a été signée en 1982, entre en vigueur. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'élaboration de ce traité. Toutefois, comme vous vous rappellerez, en raison des problèmes dans le système politique américain, de 1982 à 1994, le traité a été mis en veilleuse. Le gouvernement Reagan s'opposait, pour des raisons idéologiques, au traité. Les problèmes avec les Américains ont été résolus dans les années 1990, mais ce n'est que durant la décennie en cours que tout le monde s'est rendu compte de son importance pour l'Arctique. Par conséquent, nous devons rattraper le temps perdu.
Il y a deux autres réalités géopolitiques. Tout d'abord, nous assistons à la résurgence de la Russie. Sous la direction du président Vladimir Poutine, la Russie demande à s'affirmer de nouveau comme une puissance dominante ou agit en vue de réapproprier son rôle légitime dans le système international. Je vous laisserai le soin de décider quelle position vous adoptez face à cette question.
Poutine a pris des mesures énergiques pour centraliser la mainmise sur les ressources pétrolières et gazières nordiques en Russie. Cette mainmise a transformé leur économie et, en fait, leur a également permis de rebâtir leur armée. Les Russes travaillent maintenant à renouveler un programme de construction de sous-marins. À la lumière des nouvelles réalités géopolitiques, il n'y a que deux endroits où ils peuvent placer les sous-marins : dans le Pacifique ou à Mourmansk. À long terme, cela signifie que nous pouvons nous attendre à une reprise du trafic sous-marin comme c'était le cas durant la guerre froide. Est-ce que ce sera aussi pire que la guerre froide? C'est à voir. Il est évident que la réalité des années 1990, quand cette question avait apparemment disparu, est de retour.
Les Américains ont également créé une situation pour s'assurer que l'Arctique demeure essentiel à des fins stratégiques. Un des deux systèmes américains de défense contre les missiles balistiques se trouve à Fort Greely, en Alaska, 70 milles à l'ouest de la frontière entre le Yukon et l'Alaska. Le système est opérationnel.
Le récent exemple, lorsque les Américains ont abattu l'un de leurs propres satellites, a démontré qu'ils sont allés plus loin sur le plan de leurs capacités que ce que la population générale croyait. La réalité, c'est que Fort Greely est une base d'interception opérationnelle. Cela signifie que l'Arctique occupera toujours un rôle important sur le plan stratégique dans le système international.
La dernière réalité géopolitique, c'est que de nouveaux États commencent à s'intéresser aux questions liées à l'Arctique. La plupart des Canadiens ont été choqués en 1999 lorsqu'un navire de recherche chinois s'est pointé à Tuktoyaktuk apparemment sans aucun préavis. Mais ce n'était pas le cas; ils en avaient informé notre ambassade à Beijing. Toutefois, il y avait eu un problème de communication.
Je vous ai distribué une photo du navire, le Xue Long. Il s'agit d'un navire de recherche de 20 000 tonnes, construit dans un chantier ukrainien que les Chinois ont remis à neuf en le dotant de capacités scientifiques à la fine pointe de la technologie. Le Xue Long est principalement utilisé pour leur station de recherche antarctique, dont la taille est comparable à celle des pays développés. Toutefois, les Chinois ont également montré qu'ils souhaitaient l'utiliser à des fins de recherche scientifique dans les eaux nordiques canadiennes. Ils se sont rendus dans la région de Tuktoyaktuk en 1999, puis de nouveau en 2003. Selon les rumeurs, ils sont en train de préparer un autre voyage soit pour cette année ou l'année prochaine dans le cadre de l'Année polaire internationale.
Outre les Chinois, du point de vue technologique, des pays comme la Corée du Sud s'intéressent également de plus en plus aux questions arctiques. Les Sud-Coréens sont les chefs de file mondiaux en matière de construction de navires commerciaux. Il y a environ cinq ans, ils ont décidé d'investir massivement dans la construction de navires destinés à l'Arctique. Depuis toujours, les Russes et les Finlandais fabriquaient la plupart des navires aptes à naviguer dans l'Arctique. Plus précisément, en Finlande, il y avait la société Akers Industries et, en Russie, la Société de navigation de Mourmansk.
Maintenant, la société Samsung Heavy Industry et plusieurs autres importants chantiers maritimes sud-coréens construisent des pétroliers renforcés pour la navigation dans les glaces. Je vous ai distribué une image d'un de ces petits pétroliers de 70 000 tonnes. Ils en construisent actuellement deux de 120 000 tonnes et, d'après les rumeurs qui circulent, ils s'apprêtent à en construire de 200 000 tonnes. Ces navires ne sont pas les plus grands superpétroliers, mais de bons pétroliers de transbordement.
Il faut noter que les Coréens sont parvenus à rendre ces navires commercialement viables en mer libre et dans des glaces allant jusqu'à un mètre d'épaisseur. La technologie est nouvelle. Les hélices font une rotation de 360 degrés. Elles sont placées dans un fuseau-moteur. Lorsque le navire est dans des glaces, il va en marche arrière. Il est équipé d'un éperon brise-glace à la poupe. Il n'y a aucune perte d'efficacité lorsque le navire brise la glace. En mer libre, le navire change l'orientation des hélices et utilise l'éperon ordinaire. Le navire est donc économiquement viable aussi bien en mer libre que dans les eaux envahies par les glaces. Traditionnellement, les navires pouvaient se déplacer soit en eau libre, soit dans des glaces. Les Sud-Coréens ont trouvé la solution pour faire les deux. La construction de ces navires coûte plus cher, et ce sont les Russes qui les achètent maintenant.
Les Russes font face à un problème lié au changement climatique. Leurs pipelines s'effondrent, en partie à cause des techniques de construction soviétiques, mais aussi à cause de la fonte du pergélisol. Par conséquent, ils envisagent maintenant d'utiliser ces pétroliers de transbordement pour transporter du pétrole de la Sibérie centrale jusqu'à Mourmansk.
Je soulève ce point à cause des implications pour le Canada. Combien de temps faudra-t-il avant qu'une entreprise canadienne ou américaine décide d'explorer cette nouvelle technologie que les Russes achètent des Sud-Coréens et laisser tomber l'idée d'un pipeline parce que le problème dure depuis trop longtemps? Nous mettrons en place un centre de distribution au large des côtes et éviterons les questions de politique territoriale ou étatique; nous nous contenterons de décharger et de transporter le produit jusqu'à bon port.
Si une entreprise décide d'emprunter cette voie, une foule de questions se poseront qui n'auront rien à voir avec ce dont traitaient nos politiques sur les pipelines. Je ne dis pas que c'est ce qui se produira. J'affirme toutefois que si nous mettons trop de temps à résoudre le problème des pipelines au Canada, ce n'est qu'une question de temps avant que quelqu'un parle de revenir aux raisons données par les Américains en 1969-1970 pour expliquer l'envoi d'un superpétrolier dans le passage du Nord-Ouest. Pourquoi ne pas transporter le produit par navire plutôt que par pipeline? À mon avis, ce scénario est bel et bien possible.
Pour ce qui est de la souveraineté canadienne, cette question concerne l'accessibilité tant réelle que perçue. On me demande souvent d'expliquer ce que j'entends par souveraineté parce que cette question semble être une alerte rouge pour les Canadiens. Si nous déclarons que notre souveraineté dans l'Arctique est compromise, les Canadiens seront contrariés à juste titre. Cette nouvelle fera la une du Globe and Mail et du National Post. C'est une façon assurée d'attirer l'attention sur l'Arctique.
Nous ne comprenons pas pleinement ce que signifie la souveraineté. La souveraineté est un moyen et non pas une fin. Nous devons nous demander pourquoi nous voulons la souveraineté. Nous la voulons pour le contrôle, pour que la région arctique reflète les valeurs et les intérêts canadiens. En particulier, nous voulons assurer la protection des intérêts et des valeurs des Canadiens qui ont élu domicile dans le Nord. Nous ne voulons pas la souveraineté uniquement pour notre propre satisfaction. Le sentiment nationaliste ne vaut pas l'argent des contribuables. Toutefois, il est d'une importance cruciale que les règles et les règlements qui régissent l'entrée dans l'Arctique, au fur et à mesure que cette région deviendra accessible, soient fidèles aux valeurs et aux intérêts canadiens. C'est pourquoi je prétends que la souveraineté est si importante.
Quels sont les problèmes liés à la souveraineté? Plusieurs témoins vous les ont déjà soulignés. Toutefois, je peux vous dire que nous n'avons pas de frontière maritime avec l'un ou l'autre de nos voisins arctiques qui est acceptée.
Le passage du Nord-Ouest est remis en question par les Américains et les Européens. Je soupçonne que les Japonais prendront le parti des Américains dans cette affaire si jamais nous les poussons à faire un choix.
Nous avons un important litige frontalier avec les Américains dans la mer de Beaufort en ce qui concerne le pétrole et le gaz. C'est un facteur qui complique les choses. Notre premier accord de revendications territoriales, la convention d'Iqaluit de l'Ouest de 1984, repose sur notre compréhension de cette frontière. Cette frontière respecte ce que votre prédécesseur, le sénateur Poirier, avait avancé dans la théorie des secteurs.
Si nous devons renégocier la frontière, nous devons également renégocier l'accord de revendications territoriales de 1984. Il s'agit d'une question compliquée pour le Canada. Nous avons également de petits désaccords avec les Danois concernant la mer de Lincoln. Je vous ai distribué les cartes de la mer de Beaufort et de la mer de Lincoln. Le différend concernant la mer de Lincoln est assez simple. C'est une question technique qu'il ne sera pas difficile à résoudre.
Je prévois également que nous ferons face à des contestations de la part des Russes, des Américains et probablement des Danois à propos du plateau continental. Le coup de publicité fait par les Russes l'année dernière, en hissant un drapeau au pôle Nord, a attiré l'attention des gens. Le ministre Peter MacKay a indiqué à juste titre qu'en droit international, cette mesure ne signifie rien. Toutefois, je crois que du point de politique et géopolitique, elle signifie n'importe quoi. Les Russes essaient de convaincre le monde que nous devrions revenir à la théorie des secteurs et diviser le territoire à partir du pôle Nord.
Tout d'abord, il y a la question de savoir si la dorsale Lomonosov permet aux Russes de se rendre jusqu'au pôle Nord. Nous attendons de voir ce qui se passera sur ce plan. Même si les Russes peuvent se rendre jusqu'au pôle Nord, le droit international exige habituellement une division en distance égale : entre le point septentrional du Canada et celui de la Russie. Ron McNab, un océanographe retraité qui vit à Halifax, a essentiellement passé au peigne fin les dessins de la limitation. Vous constaterez que nous couvrons le côté russe du pôle Nord si, en fait, nous le divisons en distance égale et si la dorsale nous permet d'aller aussi loin.
En d'autres termes, les Russes essaient de nous convaincre d'utiliser le pôle comme point de repère pour la division. Si nous acceptons cet argument et si la dorsale nous permet d'aller aussi loin, nous limiterons notre accès au pétrole et au gaz. Par conséquent, la souveraineté est importante à cet égard.
À cela s'ajoutent les autres problèmes permanents relatifs au Nord. Il y a toute la question du rôle des groupes indigènes en matière d'organisations internationales. Nous menons toujours un combat contre nos sept autres voisins arctiques pour ce qui est du Conseil de l'Arctique. Toutefois, nous n'avons pas le temps d'aborder ce sujet.
Mon dernier point concerne la Garde côtière canadienne. Je tiens à être bien clair : le professionnalisme et la capacité de la Garde côtière canadienne sont essentiels pour ce qui est d'appliquer les règles et les règlements dans le Nord. C'est elle qui a le savoir-faire, et je dirais que c'est un savoir-faire par excellence. Il n'y a probablement personne au monde qui soit aussi avisé dans le domaine des glaces que nos gens de la Garde côtière canadienne.
Toutefois, la Garde côtière fait face à deux gros problèmes. Tout d'abord, il y a la question du soutien politique. Suivant moi-même les travaux de la Garde côtière depuis les années 1980, je peux vous dire que celle-ci ne reçoit pas autant de soutien politique que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le ministère de la Défense nationale ou n'importe lequel de nos organismes actifs dans le Nord. La Garde côtière est un orphelin politique; on ne lui a pas attribué les ressources dont elle a besoin pour faire le travail. Tout financement accordé à la Garde côtière est presque toujours en réaction à une situation. Non seulement ses programmes d'immobilisations en souffrent, mais ses budgets de fonctionnement sont souvent sabrés chaque fois que le gouvernement cherche des moyens d'épargner de l'argent.
Mais la Garde côtière est si efficace qu'elle parvient toujours à trouver une façon de faire plus avec moins. À certains égards, son professionnalisme est son pire ennemi.
Le deuxième point concernant la Garde côtière, c'est qu'elle n'a pas été en mesure de trouver une série de champions à l'externe. Prenons l'exemple du MDN. Sous le gouvernement Trudeau, quand on a reconnu que les questions de défense au Canada n'étaient pas pleinement comprises, Trudeau a décidé d'établir un lien entre les universités et le MDN grâce à un programme initialement baptisé le Programme d'études militaires et stratégiques, qui est maintenant connu sous le nom de Forum sur la sécurité et la défense. Quoi qu'il en soit, les universités ont été invitées à examiner des questions liées à la sécurité canadienne. Je dirais que ce programme a été l'un des liens les plus fructueux pour comprendre le rôle du Canada dans le monde.
En même temps, le MAECI a réussi à favoriser également des communautés d'intérêts, que ce soit au sujet de la sécurité de l'homme ou de l'héritage du maintien de la paix. Nous voyons ce réseau de personnes examiner les problèmes. Quand le gouvernement oublie ces organismes, quelqu'un intervient et lui en rappelle l'importance. La Garde côtière canadienne n'a pas de défenseur de ce genre.
Le troisième facteur, c'est que la Garde côtière n'a pas formulé, à mon avis, la vision stratégique nécessaire de ce qu'elle doit faire. Elle comprend très bien ce qu'elle doit faire d'un point de vue tactique et s'acquitte de cette tâche de manière remarquable. Toutefois, si on lui demande : « Quelle est votre vision stratégique pour la souveraineté dans l'Arctique? », elle répondra : « Nous n'en avons pas. Nous ne faisons qu'appliquer la loi et exécutons ce qu'on nous dit de faire ».
Nous avons aussi besoin d'une application obligatoire, et non pas volontaire, de mesures comme la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Nous avons actuellement un système de déclaration volontaire plutôt qu'obligatoire. Ce problème contrarie la Garde côtière canadienne parce qu'elle doit le faire appliquer. Elle dit toutefois : « C'est ce que veut le gouvernement et c'est ce que nous ferons ».
Si on lui dit : « Vous devez songer à un plan stratégique pour la recapitalisation de votre flotte de brise-glaces », elle répondra qu'elle déposera un mémoire au Cabinet, mais qu'elle ne veut pas faire de vagues.
Cette réponse perpétuelle reflète une mentalité d'obéissance aveugle qui sape sa capacité d'aller de l'avant et de déclarer : « Nous sommes l'organisme central qui assurera et protégera la souveraineté du Canada dans son sens le plus strict ».
À ce titre, je vais vous présenter un point à examiner. Nous sommes aux prises avec ce dilemme typiquement canadien. Nous avons un organisme qui excelle dans ce qu'il peut faire. Il est toujours capable d'en faire tant avec moins. Toutefois, nous sommes confrontés à une situation dans l'Arctique où nous ne pouvons plus nous permettre de lui laisser mener ses activités avec un budget très limité.
Nous devons reconnaître que nous ne savons pas ce qui nous attend. Nous aurons des hivers où l'état des glaces sera épouvantable et d'autres, où il sera excellent. Certaines années, nous dirons : « Nous ne nous étions pas aperçu que les Sud-Coréens dépensaient des milliards de dollars pour bâtir cette nouvelle capacité qui arrivera soudainement aux portes du Canada. Nous ne savions pas que les Japonais s'intéressaient à l'exploration. Ils seront là-bas. Nous aurons soudainement ce trafic ».
Je ne veux pas dire publiquement que nous serons tout à coup aux prises avec ces défis militaires directement liés à nos voisins asiatiques. Toutefois, nous aurons un Arctique beaucoup plus achalandé et cela nous prendra au dépourvu. Nous donnerons la réponse typiquement canadienne en disant : « Si seulement nous avions su ». Le hic, c'est que la Garde côtière canadienne est parfaitement au courant de la situation. Il lui faut la capacité, en collaboration avec le MDN, le MAECI, la GRC et les gouvernements territoriaux, de nous fournir une réponse pancanadienne.
Nous avons la possibilité d'agir maintenant. Il n'est pas trop tard, mais je soutiens que nous avons observé des améliorations, qui ont commencé avec le premier ministre Martin et ont suivi avec le premier ministre Harper. Toutefois, puisque je suis les problèmes dans l'Arctique depuis longtemps, je peux faire remarquer que nous en avons parlé abondamment à plusieurs occasions dans le passé. C'est notre suivi qui pose toujours problème. Comme professeur, je peux vous dire que la Garde côtière canadienne est toujours la première à faire l'objet de compressions quand il est question de l'Arctique.
Nous devons changer cette façon de penser. Si nous réduisons le financement et que nous ne prêtons pas attention à la situation, nous le faisons à nos risques et périls. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Cowan : Je veux faire suite à ce dernier point. En 2007, le gouvernement a annoncé l'acquisition de nouveaux patrouilleurs arctiques. Ces navires seront sous la responsabilité du MDN. D'après vos propos, j'en déduis que vous préféreriez qu'ils soient la propriété de la Garde côtière. Est-il important de savoir à qui appartient ces navires, pour autant qu'il existe une coordination? Ce problème a déjà été soulevé concernant Transports Canada, le MDN et la Garde côtière canadienne. Pouvez-vous parler de ce qui semble être une querelle de territoire en quelque sorte, et de la façon dont nous pouvons y mettre un terme?
M. Huebert : Dans certaines circonstances, les querelles de territoire ont du bon. Nous avons tendance à penser que nous devons les régler. Par exemple, au début des années 1990, un rapport suggérait que nous avions trop de flottes et que nous devrions les consolider.
Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est que nous aurons des exigences pour ce que le MDN peut faire avec ces navires de haute mer et des exigences pour ce que les brise-glaces de la Garde côtière peuvent faire. L'expertise de la Garde côtière est le déglaçage, pas ce que le MDN propose de faire avec ces six à huit patrouilleurs de haute mer. L'Arctique sera si achalandé que nous aurons besoin des deux.
Si tant le MDN que la Garde côtière canadienne sont tous deux intéressés par le Nord, nous savons alors que plus d'intervenants dans les discussions au Cabinet font valoir que nous rencontrons des Japonais, des Sud-Coréens, des Russes et des Chinois. L'opinion de ces gens est entendue au Cabinet. C'est franchement au niveau du Cabinet que nous voyons si nous réussissons ou échouons pour ce qui est de la politique de l'Arctique.
C'est bon d'avoir les deux, dans le contexte des réalités politiques du Canada et aussi parce qu'ils sont deux instruments différents. Ils fournissent chacun un savoir-faire différent. Si vous confiez la responsabilité à un organisme, si vous la confiez à la Garde côtière canadienne, je crains que vous n'ayez pas assez de poids politique pour anticiper les crises à venir dans l'Arctique. Par conséquent, si un intervenant influent comme le MDN a un portefeuille permanent pour l'Arctique, vous vous assurerez que la région recevra une meilleure attention. Cela ne garantira pas le succès, mais j'entrevois une bonne collaboration entre les deux organisations.
Pour ce qui est de l'argument de la querelle de territoire, les deux travaillent étroitement sur le plan opérationnel. Je suis allé à Iqaluit pour certains des exercices. L'été dernier, j'ai vu le Martha L. Black être manœuvré aux côtés du NCSM Fredericton. Là encore, la coopération au niveau opérationnel entre la Garde côtière et la marine est exceptionnelle.
Vous vous heurtez à certains des problèmes aux plus hauts échelons où les gens disent : « Si vous obtenez cela, notre budget sera réduit ». Nous devons reconnaître que nous avons besoin d'une réponse pancanadienne. Si nous pouvons nous élever au-dessus des mesquins problèmes de financement, nous parviendrons à affronter la tempête qui s'annonce dans le Nord, à mon avis.
Le sénateur Cowan : Qu'en est-il de la position de la Garde côtière canadienne au sein du ministère des Pêches et des Océans, le MPO? Nous avons entendu dire que leurs relations ont toujours été difficiles. La Garde côtière est le cousin pauvre dans la structure du MPO. Une Garde côtière indépendante recevrait peut-être plus d'attention et de financement qu'en étant intégrée au MPO, qui assume d'autres responsabilités à part la Garde côtière.
M. Huebert : Absolument. J'ai vu la Garde côtière canadienne quand elle faisait partie de Transports Canada; je l'ai vue quand elle était clairement au sein du MPO; et je l'ai vue quand on lui a confié des dossiers à titre d'organisme spécial. À mon avis, ce qui importe, ce n'est pas là où vous la placez, mais le soutien politique et le financement qu'on lui accorde.
Cela nous ramène à la question des champions. La Garde côtière a besoin d'un groupe pour rappeler qu'elle est notre intervenant de première ligne quand il s'agit de faire respecter et de protéger les valeurs et les intérêts du Canada dans l'Arctique.
Obtient-on ce soutien grâce à un remaniement bureaucratique? Après analyse, je répondrai que rien ne m'a permis de croire qu'un remaniement superficiel a donné des résultats concluants. Il y a même eu une offre à un moment donné, qu'on a examinée, en vue d'intégrer la Garde côtière au MDN. Quand l'amiral Buck était chef de la marine canadienne, on a envisagé ce transfert comme étant une autre possibilité. Il a demandé : « Allez-vous m'offrir plus de ressources pour concrétiser ce que nous devons faire avec ces fonds? On lui a répondu, « Bien sûr que non, il ne s'agit une fois de plus que d'un remaniement superficiel ».
Ce n'était pas à lui de prendre la décision, mais je crois qu'il comprenait bien les défis. Au fond, si nous tenons sérieusement à protéger notre souveraineté dans l'Arctique, surveiller nos régions arctiques, nous devons nous assurer que nos instruments et ceux qui les entretiennent sont financés adéquatement. Nous n'avons déployé aucun effort sérieux à cet égard.
Je blâme les politiciens dans ce dossier. Il ne nous reste plus beaucoup de temps pour nous attaquer à ce problème.
Le sénateur Cowan : Vous remontez à loin?
M. Huebert : Je vais attribuer le blâme également. Je regarde ce qu'ont fait tant les gouvernements libéraux que les gouvernements conservateurs précédents. Ils ont toujours été de grands parleurs, mais de petits faiseurs.
La Garde côtière canadienne est toujours la première à être soumise à des compressions. Revenons seulement à l'incident du Polar 8, où la Garde côtière aurait fait l'acquisition d'un brise-glace de catégorie Polar 8 qui, s'il avait été construit, serait incroyablement performant à l'heure actuelle en 2008. Au bout du compte, quand nous y avons renoncé pour réduire le déficit, c'est la Garde côtière qui l'a perdu.
En outre, la Garde côtière était en train d'élaborer d'autres projets. Puis, tout le monde a dit d'interrompre ces projets et de se concentrer sur le Polar 8, car c'est là qu'on mettrait l'argent. Quand le projet a été supprimé, personne n'a déclaré qu'on lui rendrait les fonds pour ces plus petits projets.
Voilà pourquoi nous nous retrouvons avec le NGCC Louis S. St-Laurent, vieux de 40 ans à l'heure actuelle. Il ne sera remplacé que maintenant, grâce au plus récent budget. J'ajouterais que les quatre brise-glaces de taille moyenne dont on a fait l'acquisition après le NGCC Louis S. St-Laurent ont été construits entre 1978 et 1983. Nous ne parlons pas encore de les remplacer, mais nous devons garder le cap sur ces questions également.
Le président : Avant de passer au sénateur Cochrane, concernant les activités qui sont bien menées au niveau opérationnel, il est intéressant de noter que les deux organismes collaborent en recherche et sauvetage. Je crois que le MDN est à la tête de la structure de commandement, mais il travaille conjointement avec la Garde côtière. On utilise la plateforme marine de la Garde côtière et les hélicoptères du MDN. Les relations semblent être fructueuses à cet égard. Je crois que nous ne nous sommes pas attardés sur toute la question de recherche et sauvetage, mais nous devrions le faire dans le contexte de la Garde côtière.
M. Huebert : Vous devez absolument le faire. Le naufrage du Discovery en Antarctique aurait dû sonner l'alarme pour tous les Canadiens. Quand le Discovery a sombré en Antarctique en décembre dernier, il s'est trouvé que les Chiliens avaient un navire et des unités à proximité pour procéder au sauvetage.
Si un incident semblable survenait dans les eaux canadiennes — et nous constatons une augmentation du terrorisme en eaux canadiennes —, j'ose dire que notre capacité d'intervention serait loin d'être aussi efficace que ce que nous avons observé lors de cet incident particulier.
Des paquebots de croisière ont heurté des rochers en eaux canadiennes. Nous avons eu un incident en 1997 quand le Hanseatic a frappé les rochers au large de Cambridge Bay. Les eaux étaient calmes, c'était l'été, beaucoup de navires commerciaux se sont portés à leur secours lors de cet incident particulier. Nous n'aurons pas cette chance la prochaine fois.
Le sénateur Cochrane : Je vais commencer par une question hypothétique. Avez-vous un calendrier d'exécution pour toutes ces activités?
M. Huebert : Ce n'est pas hypothétique. Pour le pétrole et le gaz, c'est en 2008. Si nous regardons ce qu'Esso accomplit de notre côté, c'est maintenant que ça se passe. Si nous regardons du côté des Américains, une fois que la société Shell se rendra compte qu'elle doit faire ce que ses publicités prétendent qu'elle fait — c'est-à-dire qu'elle se préoccupe de la participation de la communauté — et qu'elle clarifiera cette question, elle commencera l'exploration du pétrole et du gaz. Les Russes le font à l'heure actuelle. Les Norvégiens sont sur le point d'entreprendre une exploration massive du pétrole et du gaz de leur côté et, on présume, des projets de mise en valeur dans leurs eaux du Nord. Dans les secteurs du pétrole et du gaz, l'avenir, c'est maintenant.
Je m'attends bien que l'on verra au cours des cinq prochaines années des annonces importantes concernant des amendes; le cas échéant, toutes sortes d'activités seront déployées pour réglementer ce type de comportement. Il y en a à l'heure actuelle.
Vous en avez entendu parler pour ce qui est des migrations de poisson. Nous savons que la crevette et le flétan noir se déplacent vers la zone est des eaux arctiques, ce que nous n'avons jamais vu auparavant. Ce que nous ne savons pas, étant donné que nos capacités de surveillance ont été réduites, c'est le nombre important de pêcheurs étrangers qui pénètrent dans les eaux canadiennes. Si nous discutons avec des gens en aparté, ils nous diront que d'après eux, les Groenlandais, les Féroïens et les Danois entrent dans les eaux canadiennes par le détroit de Davis. Toutefois, nous n'en sommes pas sûrs parce que nous avons réduit nos capacités de surveillance.
Le président : Qu'entendez-vous par capacités de surveillance?
M. Huebert : Je veux dire tout ce qui touche la capacité de voir qui se livre à des activités dans l'Arctique. Je sais que vous avez eu des discussions sur le RADARSAT-2; c'est un moyen d'assurer la surveillance. L'utilisation de nos Aurora pour surveiller les pêches en est un autre. Il y a aussi les patrouilles des Rangers. Il existe aussi des programmes de capteurs, que nous venons seulement de commencer à envisager pour ce qui est de mettre en place des capteurs fixes, principalement pour la surveillance sous-marine, mais aussi pour des points de passage obligatoires.
Le sénateur Cochrane : Tout cela est attribuable aux changements climatiques? En matière d'exploitation pétrolière, entre autres, la question des changements climatiques a-t-elle placé l'industrie en première ligne?
M. Huebert : En partie; ça dépend de l'industrie. Dans le cas des stocks de poissons, je dirais que oui. Le changement de la température des eaux entraîne le déplacement vers le Nord de ces stocks de poissons viables sur le plan commercial, ce que nous n'avons jamais observé auparavant; et les flottes de pêche les suivent.
Le tourisme augmente car un grand nombre de ces bateaux performants de taille moyenne peuvent maintenant naviguer dans des eaux auxquelles ils n'avaient pas accès dans le passé. Les brise-glaces russes manœuvrent dans des glaces épaisses depuis un bon moment, depuis la fin de la guerre froide environ, mais le navire de type Discovery a une capacité limitée pour circuler dans les glaces, voire nulle. Ces bateaux sont de plus en plus nombreux.
Les Groenlandais observent une multiplication de ces navires d'excursion. Tout le monde est étonné d'apprendre que plus de 150 excursions arctiques ont été effectuées dans les eaux du Groenland l'an dernier. Les chiffres sont de cet ordre. Cette année, nous en sommes entre 15 et 25 excursions environ jusqu'à présent, et ce chiffre augmente tous les ans. Est-ce à cause des changements climatiques? En partie. Les activités maritimes dépendront des changements climatiques, mais pas les secteurs pétrolier et gazier. Le pétrole et le gaz sont tributaires du baril de pétrole à 120 $ et de l'anticipation de la demande chinoise et indienne. Autrement dit, les entreprises mettront à exécution leurs projets d'exploitation du pétrole et du gaz. À mon avis, l'exploitation pétrolière et gazière s'effectuera, indépendamment des changements climatiques.
Le sénateur Cochrane : Cette exploration ne se fera pas à longueur d'année, n'est-ce pas?
M. Huebert : Ils y songent, et les Russes examinent la question à l'heure actuelle, en préparant différents sites d'exploration. Une fois qu'ils entreprennent la production, ils installent soit quelque chose comme la plate-forme Hibernia, soit une infrastructure souterraine, comme une série de réservoirs au fond de l'océan. La plupart des gens disent qu'il est trop dangereux d'installer un pipeline dans les eaux arctiques parce qu'il y a encore une accumulation substantielle de glaces et qu'ils ne savent jamais quand quelque chose viendra racler le fond de l'océan, si bien qu'ils les placent juste sous la surface ou très profondément. D'autres suggèrent de trouver un endroit relativement stable et sûr et d'installer des réservoirs sur le sol pour entreposer le pétrole ou le gaz en hiver. Au printemps, ils envoient les pétroliers le chercher. Tout le monde examine la question maintenant, mais personne n'admet comment il procédera dans ce contexte. On réévalue beaucoup la question de l'exploitation du pétrole et du gaz à l'année longue. La pêche, le tourisme et les transports seront saisonniers, mais d'autres secteurs et l'exploitation du pétrole et du gaz, qui constitueront le grand moteur, ne le seront pas.
Le sénateur Cochrane : Je pense à la construction des navires sud-coréens. Vous dites qu'ils peuvent naviguer dans des glaces allant jusqu'à un mètre d'épaisseur.
M. Huebert : Oui.
Le sénateur Cochrane : Quelle est l'épaisseur des glaces là-bas maintenant?
M. Huebert : Si l'on regarde l'un des diagrammes de l'image satellite montrant la réduction des glaces, le seul phénomène que j'ai observé, c'est que le côté russe de l'Arctique fond plus rapidement. Autrement dit, même en hiver, on ne voit pas de glace se reformer dans la région. Quand vous entendez des gens parler de capacités de manœuvre dans des glaces d'un mètre d'épaisseur, considérez que cela veut dire que l'on peut traverser les glaces de l'année, c'est-à-dire les nouvelles glaces qui se forment complètement durant les mois d'hiver. Si la glace fond et gèle de nouveau, ces navires traverseront dans ce genre de conditions. C'est la même chose avec nos navires de haute mer en Arctique. On parle de cette capacité.
En raison de la nature particulière des vents de dérive, il existe un phénomène que l'on appelle le gyro Beaufort qui déplace les glaces de notre côté de l'Arctique et non pas du côté russe. En outre, un phénomène atmosphérique appelé l'oscillation arctique éloigne les glaces des côtes russes. Les Russes voient actuellement les glaces longeant leur littoral fondre en premier, et la plupart des scientifiques disent que cette situation restera inchangée dans un avenir prévisible. Les Russes ont de bonnes conditions à l'heure actuelle.
Le sénateur Cochrane : Comment cela se compare-t-il au nouveau brise-glace qui a été récemment annoncé?
M. Huebert : Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est qu'il y aura une quantité substantielle de glaces certaines années dans l'Arctique canadien. Voilà pourquoi je soutiens qu'il nous faut absolument des brise-glaces, de même que des patrouilleurs de haute mer. Votre question est hypothétique, mais nous constaterons une réduction des glaces et une augmentation de l'exploration pétrolière et gazière. Toutefois, nous aurons certains hivers où l'état des glaces sera mauvais une fois que la production aura commencé. C'est à ce moment-là que nous aurons besoin des capacités de déglaçage pour le réapprovisionnement si quelque chose tourne mal sur l'une des plates-formes, par exemple. Vos questions ne sont pas hypothétiques parce que cela se produit au moment où on se parle.
Le sénateur Cochrane : Vous avez dit que les Russes achètent des navires sud-coréens.
M. Huebert : Oui.
Le sénateur Cochrane : Si nous ne parvenons pas à une entente sur le pipeline du delta de Mackenzie, ils pourraient décider de prendre un autre chemin.
M. Huebert : Ils n'emprunteraient pas un autre chemin. Permettez-moi d'être clair. Il ne s'agit pas que les Russes naviguent dans nos eaux. Leur plan d'affaires, c'est d'aller à Mourmansk. Ils ont les yeux braqués sur l'Europe, point à la ligne. Toutefois, voilà ce qu'il faut se demander : quand une société pétrolière canadienne ou américaine dira-t-elle qu'elle a attendu la mise en place du pipeline de Mackenzie ou du pipeline de l'Alaska depuis les années 1970, mais que rien n'a été fait. Qu'elle dispose des ressources et aimerait élaborer un plan d'affaires pour créer un terminal en mer pour le déchargement, comme les Russes montrent actuellement qu'il est possible de le faire. Que l'état des glaces s'est amélioré au point d'envisager ce projet avec assez d'optimisme.
Quand ces sociétés diront-elles tout simplement qu'elles veulent le faire et que le gouvernement du Canada doit les aider à les réglementer?
Quand dirons-nous : « Non, désolé, vous devez utiliser un pipeline et, en passant, nous n'avons pas pu prendre une décision sur le pipeline ou sur le nombre d'années, 10, 20 ou 30 ans? » Autrement dit, nous nous acheminons vers une situation politique délicate. C'est ce que j'avais à dire.
Le sénateur Cochrane : D'après ce que je comprends, ce pipeline pourrait être installé dans trois ou quatre ans.
M. Huebert : C'est ce que j'entends depuis 15 à 20 ans environ, pour être honnête.
Le sénateur Hubley : Ma première question est la suivante : Le Canada considère le passage du Nord-Ouest comme étant des eaux intérieures, tandis que les États-Unis le perçoivent comme étant un détroit international, où tous les navires ont le droit de passage. Vous avez participé à ce qui a été décrit comme un exercice extraordinaire de diplomatie simulée, n'est-ce pas?
M. Huebert : Oui, c'est exact.
Le sénateur Hubley : M. Michael Byers nous en a également parlé. Deux groupes d'experts, l'un du Canada et l'autre des États-Unis, ont entrepris une négociation modèle.
Pourriez-vous nous parler un peu de la manière dont cela s'est déroulé, et nous dire comment, d'après vous, ce modèle sera appliqué dans l'avenir? Le Canada et les États-Unis étaient-ils les seuls intervenants qui auraient dû être présents à cette négociation?
M. Huebert : En ce qui a trait au passage du Nord-Ouest, il s'agit de savoir comment le Canada et les États-Unis régleront la question. Le problème auquel se heurtent les Américains est le suivant : ils vous diront en privé que si nous tenons sérieusement à contrôler le passage du Nord-Ouest, ils seront plus qu'heureux de nous laisser cette responsabilité; en effet, ils savent quelles seront les conséquences si on fait du passage du Nord-Ouest un détroit utilisé pour la navigation internationale. Ils savent que si cela se produit, les Nord-Coréens et les Iraniens n'auront pas à demander la permission pour l'emprunter. S'ils ont le droit de passage, ils passeront. En vertu du droit international, les nouveaux avions de patrouille russes, les Tu-95, qui ont connu une explosion après août 2007, ont le droit d'utiliser l'espace aérien au-dessus des détroits internationaux. Autrement dit, faire du passage du Nord-Ouest un détroit international revient à inviter les Russes à envoyer l'un de leurs vaisseaux de patrouille à long rayon d'action, et ils en auraient le droit, au regard du droit international. Les Américains le savent. Ils s'inquiètent du fait que cela pourrait créer un précédent sur le plan international. Au cours de l'exercice de simulation, nous avons essayé de nous demander comment veiller à maintenir le contrôle canadien sur les eaux de l'Arctique et faire en sorte que la position américaine ne mine pas notre capacité à dire à ceux qui traversent nos eaux : voici les règlements que vous devez suivre; si vous ne les respectez pas, nous vous arrêterons.
Je pourrais ajouter que les Russes assurent ce contrôle; c'est-à-dire qu'avec leur route maritime du Nord, ils ont une situation légale similaire à celle que nous vivons avec le passage du Nord-Ouest. Ils le font savoir clairement : si l'on entre dans leurs eaux sans demander la permission, on aura affaire à la marine russe, qui bloquera le chemin. Cela s'est produit en 1967. Ils ont dit à tout le monde : « La situation n'a pas changé. Nous vous arrêterons. Suivez nos règles. Nous voulons que vous entriez dans nos eaux, mais vous devez respecter nos règles ».
Pour nous, il s'agissait de déterminer comment nous assurer que la Loi pour la prévention de la pollution des eaux de l'Arctique soit exécutoire, et comment faire pour que ces pétroliers à coque simple n'entrent pas dans ces eaux. En vertu du droit international, du moins jusqu'à 2015, ils ont le droit de le faire. Après cela, tous les pétroliers devront avoir une double coque. C'est l'une des règles de l'Organisation maritime internationale. Mais à quel point pouvons- nous aller au-delà des dispositions actuelles de la loi internationale pour dire : « Ce navire ne semble pas sécuritaire; nous n'en voulons pas dans nos eaux »? C'est le problème auquel nous sommes confrontés.
Du côté américain, l'ambassadeur et plusieurs autres sont aux prises avec la difficulté de déterminer comment faire en sorte que la liberté de navigation soit protégée de manière à ce que les Turcs, les Indonésiens et les Philippins n'assistent pas à la situation en disant : « Eh bien, vous laissez le Canada faire cela; alors maintenant, nous voulons faire la même chose ».
La question est de savoir comment persuader les Américains de laisser de côté la question de la liberté de navigation, tout en permettant à notre pays de ne pas nécessairement se retrouver coincé dans son propre discours à propos de la souveraineté, mais de faire ce qu'il a un réel besoin et désir de faire, c'est-à-dire protéger les intérêts et les valeurs du Canada.
Pour le Canada, il s'agit de déterminer comment évacuer la souveraineté de la question tout en assurant un contrôle, afin d'éviter d'être critiqués sur le plan politique parce que, comme tout le monde le dira automatiquement, nous aurons « capitulé devant les Américains ». Pour ce qui est de ces derniers, comment leur donner suffisamment confiance, particulièrement au département de la Défense, mais aussi aux départements d'État, que ce contrôle ne créera pas un problème ailleurs à l'international pour les États-Unis, mais que nous nous assurons que les intérêts nord-américains soient préservés? Tel était le problème. Abordez-vous ce dossier de la même manière que celui de la Voie maritime du Saint-Laurent, dont les responsabilités sont partagées? Adoptez-vous une approche semblable à celle du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, où l'espace aérien est une responsabilité partagée? Dans ces deux cas particuliers, il n'y a pas de renonciation à la souveraineté s'il y a entente entre les deux pays. Cette solution est ce que nous cherchions.
Le sénateur Robichaud : Si les Américains disent que ce passage du Nord-Ouest est par nature international, et qu'ils devraient pouvoir emprunter cette voie, ne fournissent-ils pas un argument aux autres nations pour qu'elles l'empruntent également?
M. Huebert : Absolument : C'est là l'ironie. Leur défense d'un passage international nuit à leurs propres intérêts dans ces eaux.
Je vais vous donner un autre exemple, qu'on oublie souvent. Les Américains transportent beaucoup de pétrole entre le sud de l'Alaska et la Californie. Le pipeline de l'Alaska transporte du pétrole de la côte nord de l'Alaska jusqu'au port de Valdez, et de là, on a 12 superpétroliers qui en assureront le transport. Nous nous souvenons de la crise de 1969, lorsque Exxon-Valdez avait mordu la poussière. Après Valdez, les Américains ont adopté l'un des plus importants textes de loi de ce monde, la Oil Pollution Act de 1990, qui prévoit que tous les navires doivent avoir une double coque et appliquer des conditions précises de transfert de lest. Autrement dit, elle a tous les mêmes effets que ceux de notre Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, et prévoit ce que nous souhaitons que tout le monde fasse dans nos eaux.
Une question surgit : Comment les Américains appliquent-ils cette loi en vertu du principe de liberté de navigation? La réponse est le protectionnisme. Ils ont une loi appelée la Jones Act, qui prévoit que tout transport de marchandises entre deux points des États-Unis doit être effectué par un navire de pétrole brut construit sur un chantier naval américain. Il s'agit de protectionnisme pur et simple. Les Américains disent : « Nous avons cette loi, cette Jones Act de 1906 qui couvre essentiellement tous les aspects entre deux ports américains. Oui, c'est du protectionnisme; mais soit dit en passant, cela nous apporte le genre de protection que le Canada souhaite avoir avec la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques ».
Nous disons : « N'agissez-vous pas hypocritement? », ce à quoi ils répondent : « Non; il existe divers régimes internationaux. Le vôtre concerne un détroit international, tandis que le nôtre s'applique au transport entre deux ports américains ». Nous répliquons ceci : « Nous avons les mêmes objectifs; vous voulez vous assurer que les Américains bénéficient du pétrole, et c'est bien. Pour notre part, nous voulons voir à ce que les Canadiens tirent profit du passage du Nord-Ouest. Vous voulez protéger l'environnement en appliquant ces normes qui sont parmi les premières dans le monde; c'est ce que nous voulons également ». Quoi qu'il en soit, le problème revient. Je dois être prudent quand je blague à propos de laisser les avocats s'en mêler, car mon épouse est avocate; mais tel est, au fond, l'état d'esprit. Un point de vue est international, l'autre pas.
Le rapport sur l'Empress of the North a été publié hier, et nous constatons que nous détenons une souveraineté totale sur ce qui se produit en matière d'expédition par les eaux internes. Il s'avère que nous n'appliquons pas une quelconque forme de réglementation réelle. On dirait que l'accident est dû à un matelotage négligé, si l'on tient compte du fait qu'on n'avait pas fermé, par exemple, les divers compartiments étanches. Nous avons le droit de contrôler ces choses, mais nous choisissons de ne pas le faire.
Les règles internationales sont là, mais j'en reviens ultimement à la question de savoir à quel point nous devons imposer une volonté politique. C'est là qu'on en arrive au passage du Nord-Ouest. J'ai fortement l'impression que si nous avons des outils pour faire respecter ce que nous voulons, étant donné que nos valeurs et intérêts essentiels sont approximativement les mêmes que ceux des Américains, ceux-ci diront probablement tout simplement : « Très bien; nous ne dirons jamais publiquement que nous sommes d'accord avec vous, mais nous ne dirons rien non plus contre vous. Autrement dit : allez-y, Canada. Appliquez toutes ces règles et réglementations, comme le font les Russes, et nous ne les contesterons pas si vous nous démontrez concrètement que vous avez la capacité de le faire ».
C'est toujours le discours sous-jacent des fonctionnaires américains. Quand il s'agit du Nord, si nous prouvons que nous sommes sérieux et que nous agissons, ils ne diront rien publiquement.
Et même s'ils le faisaient, quelle importance? Ils adoptent une position diplomatique selon laquelle ils souhaitent avoir le contrôle. Mais je doute qu'ils escorteront un monocoque panaméen dans nos eaux. C'est l'autre option. Nous l'arrêtons, et la question se retrouve devant les tribunaux. Très bien; ainsi, nous nous faisons bien comprendre. J'ai l'impression que les Américains diront : « Voici notre position politique mais, soit dit en passant, allez-y, Canada; faites ce que vous voulez ».
Le président : Avant de revenir au sénateur Hubley, je précise que j'étais observateur lors des discussions entre les Américains et les Canadiens. Si ma mémoire est bonne, il semblait y avoir un consensus général quant à la nécessité de mettre sur pied une sorte d'organisation ou d'association — je ne suis plus certain du terme — qui n'impliquerait pas ou bien les Canadiens, ou bien les Américains, mais les deux. Le modèle était probablement la commission mixte internationale qui gère les Grands Lacs, lesquels se trouvent sur les territoires respectifs du Canada et des États-Unis. Ce n'est pas une préoccupation immédiate pour nous, à Pêches et Océans et à la Garde côtière canadienne, mais ce n'est pas non plus dénué de pertinence. Il vaut la peine pour nous de réfléchir à ce modèle en préparant notre rapport.
Le sénateur Hubley : Quand vous avez parlé de la Garde côtière, vous avez mentionné deux problèmes, dont celui du financement. Vous avez dit également que la Garde côtière canadienne n'avait pas formulé de vision stratégique. Pourriez-vous élaborer là-dessus? Ma question est celle-ci : cette vision stratégique est-elle laissée seulement à la Garde côtière elle-même, ou doit-elle commencer ici, aujourd'hui, à notre comité des pêches et des océans?
M. Huebert : Pour déterminer à qui il revient d'établir une vision stratégique, on doit commencer au niveau politique, car la Garde côtière ne souhaite pas le faire. Regardez ce que le MAECI a formulé en matière de vision, ainsi que tous les documents publiés sous le gouvernement Martin à propos du rôle du Canada sur la scène internationale. Au MDN, les livres blancs fournissent une orientation globale. C'est également le cas des services environnementaux individuels. La marine, par exemple, en a été l'auteur par excellence. Elle a produit un document appelé Point de marque, où l'on se demandait comment on entrevoit la stratégie maritime canadienne dans l'avenir. Mais cela a-t-il été exigé par le gouvernement? Autrement dit, l'un des comités, qu'il soit du Sénat ou de la Chambre des communes, a-t-il dit à la marine qu'il fallait qu'elle établisse une certaine vision quant à la direction qu'elle souhaitait prendre?
La réponse est non. Cette décision a été prise au sein de la marine, où on s'est dit : « il faut tirer au clair la direction que nous souhaitons prendre mais, oui, nous accepterons volontiers les orientations politiques qu'on nous communiquera. Il s'agit, en définitive, d'être prêts ». Personne ne conteste cela.
Quoi qu'il en soit, la marine continue à dire qu'à défaut de ces directives, elle est la spécialiste en ce qui concerne la situation maritime à laquelle fait face le Canada, et elle se demande quelle devrait être sa stratégie. Nous voyons la marine aller de l'avant et avons, par la suite, vu la force aérienne présenter des orientations, puis l'armée arriver tardivement avec sa stratégie. Les organismes comprennent qu'ils ne peuvent pas simplement rester les bras croisés et être efficaces sur le plan tactique. Ils se demandent quelle sera leur vision. Que feront les autres marines et forces aériennes? La Garde côtière doit commencer à examiner ce que les autres gardes côtières ont comme vision.
La situation des Américains est exceptionnelle, parce que leur garde côtière est militarisée et fait partie des forces armées. C'est une situation différente, mais il reste que cela fournit des exemples. Que font les Australiens et les Indiens de leurs gardes côtières? Nous avons tout un tas d'exemples à considérer. Ultimement, quel avenir nous attend? Si ce type de réflexion et de vision — car il s'agit, en somme, d'une vision — était laissé au MPO ou au ministère porteur, on n'en assurerait pas la mise en œuvre. Cette vision doit provenir de la Garde côtière, qui doit se demander en quoi consiste son énoncé de mission, au-delà de faire de son mieux. C'est bien. C'est merveilleux sur le plan tactique, mais quels problèmes la Garde côtière prévoit-elle? Qu'est-ce que ses experts lui disent? À quoi peut-elle s'attendre, selon les informations qu'elle reçoit des Services des glaces? Quelles seront les exigences, et quelles sont les capacités dont on dispose? C'est ce genre de vision qui suscitera une réflexion aux niveaux subalternes. Et lorsque ces employés subalternes grimperont les échelons de la hiérarchie pour devenir les preneurs de décisions, les choses commenceront à se réaliser. C'est un processus d'éducation à long terme, mais il est absolument nécessaire.
Le sénateur Hubley : C'était une si bonne réponse; j'essaie encore de mettre de l'ordre dans mes idées.
Ces images proviennent-elles de RADARSAT-1 ou de RADARSAT-2?
M. Huebert : Non, il s'agit d'une représentation visuelle. Pour interpréter l'imagerie RADARSAT, on doit avoir reçu une formation à cette fin, car tout cela apparaît comme une masse indistincte, sauf dans le cas des grandes images. C'est la force de RADARSAT-2. Sa résolution rend l'image plus compréhensible pour un œil non exercé. Pour une imagerie maximale, il faut qu'on soit formé. Il s'agit là d'un spectre visible. Autrement dit, divers satellites américains prennent une photo. Ce sont des longueurs d'onde visibles, et pas une image radar, que nous ne pouvons distinguer à l'œil nu.
Le sénateur Hubley : Voudriez-vous faire des observations au sujet de RADARSAT-2? La question de savoir si ce satellite restera au Canada ou s'il sera vendu pourrait être résolue au moment où on se parle. Quoi qu'il en soit, si l'affaire n'est pas réglée, quelles pertes cela représente-t-il pour le Canada de se défaire d'une technologie qui me paraît irremplaçable?
M. Huebert : Ce n'est pas sorcier. Je suis de ceux qui ont sérieusement examiné la situation et qui se sont demandé comment on avait pu le considérer à vendre. C'est un problème typiquement canadien. Dans ce contexte, nous ne réfléchissons pas de façon stratégique. Le vendre est déjà une très mauvaise chose. Le fait que nous ayons laissé cela se réaliser sans une quelconque surveillance est une autre question. Nous avons vendu la technologie d'imagerie RADARSAT parce que nous avons décrété qu'il fallait que ce soit une entreprise conjointe gouvernementale- commerciale? Nous avons vendu l'imagerie RADARSAT aux Danois en raison de cette exigence, qui était selon moi ridicule, après que les Danois aient envoyé le Vaedderen, un navire renforcé pour la navigation dans les glaces, à l'île Hans, en 2001. On a utilisé RADARSAT et les images sur les glaces pour s'y rendre. Quel autre pays voudrait vendre à quelqu'un qui menace la souveraineté de son territoire une carte lui indiquant le chemin? C'est pourtant ce que nous avons fait. Vendre le satellite RADARSAT aux Américains est exactement ce qu'il ne fallait pas faire.
Le président : En ce qui a trait à la comparaison entre les gardes côtières, nous espérons recevoir le témoignage de quelqu'un qui connaît la Garde côtière américaine. Nous avions Scott Borgerson en tête. Je pense qu'il était à la Garde côtière américaine, mais qu'il n'y est plus en ce moment.
M. Huebert : Oui, il exprimait un peu trop fort sa pensée.
Le président : Nous espérons recevoir comme témoin quelqu'un qui connaît la Garde côtière américaine.
M. Huebert : M. Borgerson est une personne remarquable, mais il a une connaissance limitée du Nord. Celui qui a acquis une expérience considérable dans le Nord est Lawson Brigham, avec la Commission américaine des affaires polaires basée à Anchorage. Il était le capitaine du Polar Star. Vous avez entendu le témoignage du commissaire Turner à propos des voyages du brise-glace canadien au pôle Nord. Quand le Louis S. St-Laurent s'y est rendu, il était accompagné du Polar Star, dont M. Lawson était le capitaine.
M. Huebert : Il est un éminent expert aux États-Unis en matière d'activités de la Garde côtière et d'opérations dans l'Arctique. Il est un semi-fonctionnaire, mais il ne craint pas d'exprimer sa pensée. Je vous recommande fortement de le recevoir en plus de Scott Borgerson.
Le sénateur Robichaud : Vous nous avez fourni des cartes et beaucoup d'information. Une carte concerne la première revendication de la Russie. Nous n'avons jamais fait quelque chose de semblable, n'est-ce pas?
M. Huebert : Pas encore. Nous sommes en train d'établir la preuve scientifique qui nous permettra de faire la revendication. Je vous ai fourni une carte représentant la revendication des Russes. Vous verrez également où nous en sommes à l'heure actuelle grâce à l'image qui porte le titre « Canadian Exploration Efforts for Article 76 ». C'est là- dessus que nous concentrons nos efforts scientifiques.
Notre politique — et ici, je formule une critique — est de laisser à neuf scientifiques le soin d'explorer puis de mettre au point une politique. La question de la plate-forme continentale, ou du moins de la plate-forme continentale élargie, tient de la problématique de l'œuf ou de la poule. Selon la politique officielle, nous opterons pour notre revendication maximale, mais si vous regardez notre tableau plus attentivement, vous verrez que notre exploration s'arrête au pôle Nord. Quelqu'un a dit : « Allez au pôle Nord, et arrêtez-vous là ». La réalité, c'est que notre revendication pourrait aller au-delà du pôle Nord, si la dorsale constituait un prolongement. Mais si ce n'était pas le cas, nous pourrions seulement aller 150 milles marins plus loin que notre zone économique exclusive, ou ZEE. En d'autres mots, nous pourrions ne pas atteindre le pôle Nord. Cela dépend de la nature physique de la dorsale. Quoi qu'il en soit, s'il s'agit d'un prolongement de la plate-forme continentale, je pose la question suivante : Pourquoi n'allons-nous pas au-delà du pôle Nord? Pourquoi avons-nous décidé de nous y limiter? Nous semblons prendre une décision politique de facto dans ce contexte.
Comme vous pouvez le voir sur ce graphique, je ne sais pas comment nous allons réussir à négocier avec les Américains. Ceux-ci ont probablement un point de vue différent à l'égard de la localisation de la ligne de la séparation. Que faisons-nous pour préparer le terrain à une telle différence sur le plan politique? Je ne suis peut-être pas au courant des négociations qui se déroulent en coulisses. Nous avons pris de bonnes décisions et travaillons de concert avec les Danois, mais même eux ne laissent pas voir leur jeu. Ils ont conclu une entente avec les Britanniques afin d'utiliser un de leurs sous-marins à propulsion nucléaire. Ils l'utilisent de l'autre côté de leur ligne et affirment que cela ne s'inscrit pas dans le cadre de notre accord de collaboration. Peut-être que je me trompe, mais je crois savoir que le Danemark ne communique pas ces renseignements.
C'est une question d'ordre politique.
Le sénateur Robichaud : Pouvons-nous utiliser les sous-marins que nous avons achetés des Britanniques pour nous rendre là-bas et voir ce qu'ils font?
M. Huebert : Non, malheureusement, ils ne nous le permettent pas. Si nous avions acheté ceux que nous voulions en 1989, nous serions en mesure de le faire. Il était ridicule d'en acheter 10 ou 12, mais il aurait été justifié d'en acheter un ou deux.
Le sénateur Robichaud : Vous avez également indiqué que nous réalisons actuellement des levés sur la plate-forme continentale dans le but de préciser son étendue. Vous avez aussi parlé d'équidistance, ce qui est quelque chose de totalement différent, n'est-ce pas? Si l'océan Arctique est divisé selon ces lignes, nous nous rapprochons davantage de la Russie que la plate-forme continentale nous le permettrait.
M. Huebert : Le véritable problème, c'est que l'article 76 de la convention, la règle internationale qui nous permet de diviser la région selon ces lignes, regroupe un concept scientifique et juridique.
Lorsqu'on a rédigé l'article en question, on a tenté de définir la plate-forme continentale d'après les connaissances qu'on avait. Je me souviens de ces discussions. Quand j'ai fait mon doctorat, ma superviseure était Elizabeth Mann Borgese. Elle était la grande spécialiste au Canada de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Elle a pris part aux négociations. Elle m'a dit que cet article visait à définir rigoureusement la plate-forme continentale d'après nos connaissances. Cette convention a été négociée en 1974-1975. D'après ce qu'on savait de la plate-forme continentale, on a dû ensuite transposer cela dans un contexte qui permettait aux juristes de partout dans le monde de bien comprendre.
Nous nous retrouvons maintenant avec le problème d'un article qui tente d'être scientifique. On reconnaît maintenant que ces connaissances scientifiques sont en quelque sorte restrictives — pas fausses, mais restrictives. Toutefois, la convention stipule également qu'on doit revendiquer ses droits physiques à l'égard de la plate-forme continentale, mais qu'on doit se reporter au droit international pour diviser la région entre ses voisins. C'est un processus à deux étapes. Il faut se demander s'ils ont une plate-forme continentale selon les critères scientifiques établis, et s'il y a un chevauchement avec leur voisin, ils doivent se reporter aux outils standard du droit international pour délimiter la région. C'est une situation dans laquelle nous disons tous deux que cela nous appartient. Il y a donc un chevauchement et ils doivent revenir. Autrement dit, les processus sont distincts, mais aussi interconnectés.
Le sénateur Robichaud : Par contre, quand les Russes ont présenté leur revendication territoriale du pôle Nord, leurs preuves étaient insuffisantes, n'est-ce pas?
M. Huebert : Ils avaient les preuves, mais ils n'étaient pas capables de les divulguer. Le gros problème avec leur revendication, c'est qu'elle se fonde sur les données recueillies par leurs sous-mariniers. Évidemment, la commission a voulu les voir, mais les Russes ont répondu que c'était impossible. Elle leur a donc dit qu'ils devaient revenir avec ce qu'elle a qualifié de données synthétiques, c'est-à-dire des mesures réelles. Depuis 2001, les Russes sont donc en train de tout remesurer afin de pouvoir revenir avec les données de leur exploration scientifique. Tout comme les Américains, je n'ai pas de doute qu'ils savent ce qui vient de leurs sous-marins. Ils doivent présenter leurs preuves à la commission afin que celle-ci puisse les examiner.
Je veux être clair. La commission ne prend pas de décisions politiques, mais peut déterminer que les connaissances scientifiques sont exactes et que la revendication est scientifiquement et rigoureusement fondée. Autrement dit, elle n'a rien à voir avec le règlement des chevauchements. Les pays doivent s'entendre en vertu des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Tout le monde comprend cela dans le contexte.
Le sénateur Robichaud : Y a-t-il quelque chose que nous devrions faire pour aider notre revendication avant que nous ne recevions toutes les données? Nous essayons autant que possible de négocier, et si deux revendications se chevauchent, nous parvenons à des compromis.
M. Huebert : En ce moment, nous faisons ce qu'il faut faire, c'est-à-dire nous assurer que nos efforts scientifiques sont financés. Les 20 millions de dollars annoncés dans le dernier budget, selon ce que m'ont dit divers scientifiques, nous permettront de mener ces recherches.
Nous aurions dû agir dans les années 1990. Comme nous n'avons pas la machine à remonter le temps de Star Trek, nous ne pouvons pas retourner en arrière. La réalité est qu'en 2008, nous devons faire les préparatifs nécessaires. Nous devons nous assurer que les scientifiques qui participent à cette initiative disposent de tout l'argent dont ils ont besoin; autrement dit, il faut cesser de pinailler concernant le budget. Lorsque les scientifiques vous disent qu'ils pourraient accélérer leurs recherches s'ils avaient plus d'argent, nous devrions tout de suite accepter sans leur demander de justification.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que la revendication des Russes concerne le pôle Nord?
M. Huebert : Absolument.
Le sénateur Robichaud : Nous aurions pu y aller également, n'est-ce pas?
M. Huebert : Possiblement, mais cela dépend si les attributs physiques de la dorsale répondent à certains critères. Il se peut que les Russes ne puissent pas non plus aller au-delà de 150 milles marins de leur ZEE, ce qui fait qu'ils sont loin du pôle Nord. Il se peut qu'il y ait une zone de haute mer autour du pôle Nord. Tout dépend des résultats de l'examen scientifique de la dorsale. C'est pourquoi il est si important. S'il révèle que c'est un prolongement du plateau continental, on pourra aller au-delà de 350 milles marins, jusqu'au territoire avoisinant. Si ce n'est pas le cas, on pourra seulement aller à 150 milles marins au-delà de sa ZEE; cela nous éloigne donc du pôle Nord, tout comme le Danemark et la Russie. Autrement dit, il y aura une zone de haute mer.
Cela soulève des questions intéressantes puisqu'il y a déjà une entreprise qui essaie de réclamer des droits pétroliers et gaziers dans l'Extrême Arctique. Autrement dit, une revendication a déjà été présentée — cela a fait la manchette il y a quelques semaines — relativement aux eaux les plus au Nord. À ce moment-là, tout le monde ignorait cette revendication, car on ne savait pas si les territoires nationaux s'étendaient jusque-là ou si, en fait, il s'agissait d'une zone de haute mer.
Le sénateur Cochrane : S'agit-il d'une entreprise américaine?
M. Huebert : Canado-américaine.
Le sénateur Robichaud : Ne le sont-elles pas toutes? Est-ce que la dorsale en question relie le plateau continental russe à la plate-forme canadienne?
M. Huebert : Nous l'espérons. Les Russes commencent à dire que c'est un prolongement de leur plate-forme qui recoupe la nôtre. On avancera d'intéressants arguments géo-juridiques. Les Russes affirment avoir des preuves selon lesquelles, historiquement, ce prolongement part de leur plateau continental, et que la tectonique des plaques l'amène dans les eaux nordiques américaines.
De concert avec les Danois, nous soutiendrons que c'est essentiellement un lien entre les deux, parce que cela nous permet d'introduire une demande reconventionnelle.
Il y a une interruption de la dorsale qui relie les plateaux continentaux russe et canadien. Les Américains affirment qu'il y a une interruption et pas de prolongement. À l'heure actuelle, les trois pays fondent leurs arguments géologiques sur leurs intérêts nationaux. Il s'agit là d'un exercice intéressant que d'utiliser des données scientifiques pour défendre un point de vue, car c'est exactement ce que prévoit la convention.
Le sénateur Robichaud : Je veux que ce comité essaie de se rendre au pôle Nord pour y planter le drapeau canadien et revendiquer ce territoire.
M. Huebert : Nous l'avons déjà fait, et personne n'y a prêté attention.
Le sénateur Robichaud : Ce n'est pas assez. Chaque fois que les gens remarquent ce que nous faisons là-bas, c'est un pas de plus vers la souveraineté des eaux de l'Arctique.
M. Huebert : Je suis d'accord avec vous. Par exemple, lorsque le ministre Graham est allé à l'île Hans, certaines personnes ont perçu cela comme une provocation. Pas moi. Étant donné que les Danois y ont envoyé des navires de guerre deux années consécutives, nous sommes loin d'être la partie provocatrice dans ce contexte. Il faut également savoir quoi faire au chapitre de la région de Beaufort.
La seule mise en garde que je fais, c'est que nous ne pouvons pas être provocateurs sans avoir de soutien. On a beau envoyer le ministre Graham sur l'île Hans, mais sans aucune mesure d'application et de surveillance, nous sommes voués à l'échec. Faire une déclaration politique et avoir les moyens pour la soutenir, ce qui renvoie d'ailleurs à l'importance de la Garde côtière, c'est la voie qu'il faut absolument suivre. Honnêtement, c'est ce que font les Russes. Ils parlent beaucoup, mais agissent aussi beaucoup. Ils affirment que la mer du Nord leur appartient, qu'ils ont le plein contrôle dessus. Ils évitent la question des eaux intérieures et internationales. Les Américains doivent payer des frais de surestaries aux Russes — en fait, aux Soviétiques — et ils ont essayé d'envoyer des brise-glaces par ce qui était à l'époque le passage du Nord-Est, et les Russes leur ont dit : « Vous êtes les bienvenus dans nos eaux arctiques. Voici les formulaires d'autorisation à remplir et le barème de tarification. Nous serons heureux de vous escorter ».
Les Américains ont répondu aux Russes qu'ils refusaient leurs conditions et qu'ils allaient quand même poursuivre leur route. Les Soviétiques leur ont montré les frégates qui allaient les en empêcher. C'était en 1967, et le gouvernement Johnson a pris la décision de ne pas provoquer les Russes, compte tenu de l'évolution de la situation géopolitique.
Nous vivons une situation bizarre. Les Américains rebroussent chemin devant les Soviétiques qui, évidemment, étaient nos ennemis durant la Guerre froide, et deux ans plus tard, lorsqu'ils empruntent le passage du Nord-Ouest, nous leur disons qu'ils doivent demander la permission, mais comme ils ne l'ont pas, nous leur accordons et nous leur offrons même notre aide.
Le président : Vos images du satellite-radar nous donneraient un bon coup de main. J'aime l'idée de nous rendre au pôle Nord, mais il nous faudrait un certain budget.
M. Huebert : Effectivement.
Le président : Même si nous avons beaucoup de questions, nous en avons terminé pour aujourd'hui. Nous vous remercions infiniment pour votre présentation approfondie, honnête et facile à comprendre. Merci également d'avoir répondu à nos questions. Cela nous sera d'une aide inestimable dans le cadre de nos discussions.
M. Huebert : Cela m'a fait plaisir. Comme je l'ai dit, si je puis vous être utile dans le futur, n'hésitez pas à me le demander, car c'est non seulement mon domaine de recherche, mais aussi, en tant que Canadien, c'est un sujet qui me tient à cœur. Je suis toujours disposé à renforcer la souveraineté du Canada dans la région arctique.
Le président : Nous avons besoin d'aide. Quand nous parlions plus tôt, je me suis rappelé que lorsque nous avons préparé l'examen de la défense en 1993, des membres des forces armées avaient été détachés auprès du comité. Je me demande si nous ne pourrions pas faire la même chose avec la Garde côtière canadienne. Nous pourrions envisager cette possibilité.
Merci beaucoup de votre comparution. Avant de lever la séance, j'aimerais qu'on propose une motion visant à poursuivre à huis clos et à autoriser le personnel à demeurer dans la salle durant la séance. Quelqu'un en fait-il la proposition? Oui. Merci.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.