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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 8 - Témoignages du 1er mai


OTTAWA, le jeudi 1er mai 2008

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 10 h 49 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel, en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et océans du Canada. Sujet : étude sur l'Arctique.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui dans le cadre de son étude de la politique émergente du gouvernement particulièrement centrée sur l'Arctique et, plus précisément, sur le rôle de la Garde côtière canadienne.

Mon nom est Bill Rompkey et je représente Terre-Neuve-et-Labrador. Je voudrais identifier les personnes présentes aujourd'hui : le sénateur Adams, du Nunavut; le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Meighen, de l'Ontario, et le sénateur Comeau, leader adjoint du gouvernement au Sénat et éminent ex-président de notre comité.

Comme je l'ai mentionné, nous abordons la politique du gouvernement en mettant l'accent sur l'Arctique et, plus précisément, sur le rôle de la Garde côtière. Jusqu'à maintenant, nous avons entendu l'ancien directeur et le directeur actuel de la Garde côtière. Nous avons aussi entendu M. Michael Byers, de l'Université de la Colombie-Britannique; M. Rob Huebert, de l'Université de Calgary; M. Duane Smith, président du Conseil circumpolaire inuit; M. Scott Borgerson, ancien membre de la Garde côtière américaine, qui nous a présenté un exposé très intéressant, ainsi que des représentants de Nunavut Tunngavik Incorporated et de Inuit Tapiriit Kanatami.

Je suis heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants de Pêches et Océans Canada : Mme Michelle Wheatley, directrice régionale, Sciences, région du Centre et de l'Arctique, et M. Burt Hunt, directeur régional, Gestion des pêches et de l'aquaculture, région du Centre et de l'Arctique. Je vous souhaite la bienvenue au comité.

Avant de commencer, je propose de limiter à dix minutes le temps alloué à chaque sénateur pour poser des questions, sans écarter la possibilité d'un deuxième tour. Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour limiter à dix minutes le temps alloué aux questions de chacun, avec la possibilité qu'il y ait un deuxième tour?

Des voix : D'accord.

Le président : J'aimerais établir le contexte de la réunion de ce matin car nous avons déjà effectué des études sur le Nunavut. Comme l'ancien président du comité le sait pertinemment, le comité a déjà rédigé un rapport de fond sur le Nunavut. De plus, nous avons tenu des audiences à ce sujet récemment.

D'après ce que nous savons, la situation dans le Nord est la suivante : pratiquement pas de pêche intérieure ou mi-hauturière en eau salée; aucun quai fédéral; une maigre récolte de flétan noir et de crevette dans les eaux adjacentes au Nunavut et aucune initiative de développement d'envergure. Le Nunavut dispose d'intéressantes ressources contiguës de crevette et de flétan noir et applique la cogestion. Le quota du Nunavut a été réparti entre différents intérêts, dont la Baffin Fisheries Coalition. Pêches et Océans Canada, MPO, établit le quota global du Nunavut, et des bateaux d'ailleurs peuvent venir pêcher au moins une partie de ce quota. Pour ce qui est du développement des pêches côtières et mi-hauturières, on a bien fait certains essais de pêche modestes, mais aucun effort d'envergure.

Pour autant que nous le sachions, ni le territoire ni le ministère n'ont déployé des efforts de développement et de recherche sérieux et concertés, comme on l'a fait pour les pêches dans le Sud après la Seconde Guerre mondiale.

Il y a lieu de se demander qui contrôle l'argent consacré aux ports pour petits bateaux. Est-ce Winnipeg ou Ottawa? Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a promis de construire à Pangnirtung un port de 8 millions de dollars, mais ce n'est qu'une des sept installations portuaires dont la nécessité a été établie dans une étude fédérale-territoriale. J'espère qu'à l'issue de nos échanges, nous serons en possession de cette information.

K. Burt Hunt, directeur régional, Gestion des pêches et de l'aquaculture, région du Centre et de l'Arctique, Pêches et Océans Canada : Mme Wheatley et moi sommes heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité aujourd'hui. J'ai déjà rencontré plusieurs d'entre vous lors d'une visite précédente du comité à Iqaluit, lorsque j'y étais directeur de zone. Je me souviens notamment d'un merveilleux pique-nique que nous avons partagé aux abords de la superbe rivière Sylvia-Grinnell, qui coule près d'Iqaluit, avec le groupe et des habitants de la collectivité. Je suis particulièrement heureux de revoir mon ami le sénateur Adams, que j'ai fréquenté pendant plusieurs années, mais que je n'ai pas vu depuis trois ans. J'ai pris brièvement congé de mon emploi au gouvernement pendant deux ans. Si jeune soit le sénateur Adams, mon amitié avec lui ne date pas d'hier!

À ce qu'il semble, le comité prévoit se rendre dans l'est de l'Arctique, plus particulièrement dans les communautés établies dans l'est de l'île de Baffin. Je crois savoir que vous préparez votre programme pour ce voyage. Vous aimeriez connaître les questions relatives aux pêches qui pourraient être soulevées à cette occasion. Nous allons débuter par des explications très générales sur la façon dont nous fonctionnons dans le Nord. Monsieur le président, vous avez mentionné la cogestion, et j'aborderai ce sujet. Après des considérations d'ordre général, nous passerons à des questions plus précises touchant l'Arctique de l'Est, dont la situation des communautés de l'est de Baffin.

Mme Wheatley prendra le relais et, au cours de son exposé et de la discussion qui suivra, il sera question des activités et des questions qui intéressent le secteur des Sciences et les Nunavummiut. Si vous le permettez, nous ferons d'abord nos exposés, puis nous vous fournirons de plus amples détails en réponse à vos questions, selon les directives que vous venez d'expliquer.

Premièrement, j'aborderai la gouvernance dans le Nord et les possibilités que les revendications territoriales, surtout les traités récents, offrent à leurs partenaires respectifs. Nous parlerons du régime de cogestion dans le cadre duquel nos partenaires et nous travaillons. Nous passerons ensuite à l'Arctique de l'Est, en précisant la nature et l'emplacement des pêches commerciales actuelles. Enfin, nous traiterons des possibilités qu'offrent les pêches émergentes et de la perspective des cogestionnaires à cet égard. Dans la trousse que vous avez en main, il y a, à la page 3, une carte illustrant les zones des revendications territoriales dans le Nord. Comme vous le savez, le processus de règlement des revendications territoriales dans le Nord dure depuis des décennies et a débouché sur la création de zones réservées aux utilisateurs traditionnels. Bien entendu, il y a des zones de chevauchement entre les groupes d'utilisateurs. La Convention définitive des Inuvialuits, adoptée en 1984, en jaune dans votre trousse, est la plus vieille entente touchant notre région administrative. D'autres ententes ont suivi mais certaines des zones présentées sur la carte n'ont toujours pas été revendiquées. Bien entendu, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui touche la plus grande superficie, en bleu, a été signé en 1993. La conclusion de cet accord a permis de faire avancer les choses dans bien des dossiers. Chose certaine, les revendications territoriales ont beaucoup influencé la façon dont nous concevons et mettons en oeuvre nos programmes dans l'Arctique, en particulier dans les régions revendiquées.

Nous abordons la cogestion à la page 4 de la documentation. La création de conseils de gestion des pêches ou des ressources fauniques est un élément important de la plupart des revendications. Les tâches, les responsabilités et les pouvoirs varient selon les entités. Ainsi, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, le CGRFN, dont vous avez énormément entendu parler dans des exposés précédents, a la responsabilité des espèces marines et des questions liées aux ressources halieutiques et fauniques. Quant à la Convention définitive des Inuvialuits et au Comité mixte de gestion de la pêche, ils ne s'occupent que des questions relatives à la pêche.

Quoi qu'il en soit, les conseils sont généralement décrits comme l'instrument principal de gestion des pêches ou des ressources fauniques dans la région désignée. Le régime de cogestion issu des revendications incite le gouvernement à s'écarter de ses façons de faire habituelles. Il favorise la mobilisation et la prise de décision par consensus, alors que le gouvernement faisait bien souvent cavalier seul auparavant. Les ententes liées aux revendications territoriales établissent les pouvoirs et les responsabilités des partenaires et insistent sur la participation des utilisateurs à la prise de décision. De cette façon, les opinions sont exprimées pendant le processus de consultation et les décisions reposent autant sur le savoir traditionnel que sur les connaissances scientifiques. Comme les utilisateurs sont parties prenantes aux décisions, celles-ci sont adaptées aux circonstances. Qui plus est, elles suscitent l'adhésion et le soutien de la collectivité, ses membres ayant participé au processus décisionnel.

Voilà le contexte qui gouverne les régimes de cogestion et les responsabilités y afférentes. Ce qui est particulièrement digne de mention, c'est que nous travaillons de concert à la réalisation de nos objectifs.

Je vais maintenant parler plus ou moins spécifiquement de l'Arctique de l'Est. À la page 5 de votre trousse, vous trouverez une carte du Nunavut représentant, entre autres, les communautés auxquelles vous comptez rendre visite, selon ce que j'ai entendu dire. Si vous regardez le nord de l'île de Baffin, vous comprendrez facilement pourquoi le poisson et la pêche revêtent une importance capitale pour les communautés de l'est de l'île de Baffin. Depuis des siècles, la vie dans cette région dépend essentiellement des populations de mammifères marins, et c'est encore le cas aujourd'hui. De nos jours, la pêche commerciale est surtout concentrée près de ces communautés, dans les régions de la baie de Baffin figurant sur la carte, dans le détroit de Davis et dans la zone un peu plus au sud et à droite dans l'Atlantique Nord, au nord de Terre-Neuve-et-Labrador.

La gestion des pêches qu'assument les partenaires englobe une multitude d'espèces et de questions. Certaines ont trait à la subsistance et aux modes de vie traditionnels. D'autres portent sur l'utilisation commerciale de la ressource, particulièrement récemment. Les Nunavummiuts utilisent fréquemment les ressources pour assurer leur subsistance et pour en faire le commerce. En raison de l'accroissement de la demande, l'omble et d'autres espèces contiguës à certaines communautés subissent des pressions.

À l'occasion de vos visites dans les collectivités, on vous parlera aussi de la pêche commerciale. On exprimera sans doute des préoccupations au sujet des quotas sur le flétan noir, l'accès et la répartition. Les « parts » de pêche demeurent un sujet controversé. Ces propos feront sans doute écho à ce que vous ont déjà dit des témoins. On vous parlera aussi peut-être de la crevette et de l'augmentation souhaitée de la part des quotas touchant cette espèce, malgré le fait que la plupart des quotas sur la crevette n'ont pas été atteints en raison de son prix peu élevé et des coûts croissants de l'exploitation de cette ressource.

Les mammifères marins préoccupent beaucoup les habitants, le ministère et nos cogestionnaires, nos partenaires et les habitants du Nunavut. Le ministère et nos cogestionnaires gèrent ensemble près de 50 stocks de mammifères marins. Nous nous soucions beaucoup d'assurer une capture durable et efficiente du narval et du béluga. Le nombre d'animaux « abattus et perdus », soit les animaux qui pourraient avoir été blessés mais qui n'ont pas été récupérés, demeure une source d'inquiétude pour les gestionnaires et les habitants des collectivités. Ce sont là des questions dont vous entendrez parler à l'occasion de votre visite, particulièrement dans les communautés du nord de Baffin.

La question de la population des baleines boréales — les grandes baleines — a récemment été soulevée. En raison de l'estimation à la hausse de la taille de cette population, on étudie présentement la possibilité d'augmenter les prises. En outre, les projets commerciaux des Nunavummiuts visant la capture de phoques pour vendre les peaux ont été contrecarrés par l'opinion publique et par la mauvaise presse à l'étranger, qui ont influencé les marchés et les prix.

Je vais essayer de vous donner un aperçu de la pêche commerciale actuelle, étant donné que cela sera sans doute le thème principal de votre visite. J'ai inclus à la page 8 une carte où figurent les zones de pêche adjacentes à la côte est de l'île de Baffin, qui intéressent les collectivités que vous visiterez.

La pêche récréative/commerciale offre des occasions d'affaires dans certaines régions de l'ouest du Nunavut. Des entreprises de pêche récréative sont implantées à Cambridge Bay, à Kugluktuk et à Bathurst Inlet et dans les environs, pour ne nommer que quelques communautés. Ces entreprises rapportent quelques millions de dollars à l'économie du Nunavut.

Certains estiment que la pêche commerciale est la plus importante. Tout dépend de la perspective de chacun. L'omble chevalier est pêché à des fins commerciales. Des usines de transformation sont situées à Pangnirtung — où vous vous rendrez, je crois — Rankin Inlet et Cambridge Bay. Un petit transformateur de poisson est aussi installé à Iqaluit. Les trois usines ont d'importantes retombées économiques pour les collectivités.

Un quota total de 8 500 tonnes de crevettes est réparti entre les 17 titulaires de permis et la transformation se fait dans des navires-usines. Trente et un pour cent des quotas dans les zones de pêche de la crevette (ZPC) situées au nord du Québec et du Labrador, et à l'est du Nunavut, sont accordés à des intérêts du Nunavut. Toutefois, comme je l'ai mentionné précédemment, la majeure partie du quota total n'est pas utilisée à cause du faible prix actuel de la ressource sur le marché.

J'ai aussi joint une carte qui montre où est concentrée la pêche à la crevette. Vous constaterez que la pêche à la crevette se concentre à quelques endroits illustrés par des taches vertes sur la carte.

La carte présente aussi la zone plus au nord, soit la zone 0A — 1A étant le côté du Groenland et 0A le côté du Canada. Il s'agit de divisions de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, l'OPANO. La division 0A, relativement nouvelle, s'est surtout développée au cours des dix dernières années. La totalité de l'allocation de 6 500 tonnes, dont 100 tonnes de prises côtières — comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, sénateur Rompkey —, est octroyée à des intérêts du Nunavut. Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est chargé de répartir le quota entre ces intérêts.

La division 0B représente la zone originale de pêche au flétan noir dans le nord, même si elle est située au sud de la zone 0A. Un quota de 500 tonnes dans la baie Cumberland, où est situé Pangnirtung, est consenti à des intérêts du Nunavut. La zone extracôtière, surtout exploitée par des intérêts du Sud ces dernières décennies, représente quelque 4 000 des 5 000 tonnes allouées qui sont accordées à des intérêts étrangers au Nunavut; comme on vous l'aura dit, cela est une source de tensions au Nunavut.

La part des pêches totales de flétan noir du Nunavut, comprenant l'allocation entière de la division 0A et son contingent des pêches de la division 0B, totalise 68 p. 100 de la quantité totale de flétan noir disponible actuellement.

Pour vous donner une idée de l'ampleur de la pêche, la Stratégie des pêches du Nunavut élaborée par le gouvernement de ce territoire estime que la valeur totale des allocations de crevette et de flétan noir s'élève à 55 millions de dollars. Comme vous pouvez le voir, cette pêche est largement concentrée dans les collectivités auxquelles vous rendrez visite. Pour en revenir à la carte de la page 8, les taches brunes, faute d'une meilleure expression, représentent les zones de pêche au flétan noir.

Vous avez mentionné certaines pêches émergentes et les restrictions auxquelles elles sont assujetties. Les communautés vous feront certainement part de leur désir de voir la pêche se développer. On envisage de tirer parti de certaines occasions d'affaires et, nous espérons que de nombreuses autres possibilités, encore ignorées pour l'instant, se présenteront.

Le quota de 500 tonnes dans la baie Cumberland, appliqué ces dernières années, était réservé à la pêche à la palangre en hiver, c'est-à-dire une pêche aux lignes, mais l'état de la glace récemment a empêché la pêche. Certains hivers, il a été tout simplement impossible de pêcher. D'aucuns aimeraient pêcher dans cette zone l'été, avec des filets maillants et, peut-être, de lignes traînantes, mais les autorités locales craignant que les baleines se prennent dans ces filets et s'y opposent.

Les baleines sont une ressource très importante à Pangnirtung. On s'interroge à savoir comment et quand éviter les baleines. Les efforts et les études pour régler le problème se poursuivent.

Un consortium d'associations de chasseurs et de trappeurs a demandé des permis de pêche exploratoire pour les zones nordiques très éloignées du détroit de Jones près du fjord Grise, de l'inlet de l'Amirauté, près de la baie de l'Arctique, et du chenal Parry, près de la baie Resolute. Je soupçonne que vous vous rendrez aussi dans ces endroits.

Nous savons très peu de choses sur les populations de poisson qui s'y trouvent, mais la nature physique de la zone semble semblable à l'habitat du flétan noir que nous exploitons plus à l'est sur la côte. Nous nous sommes penchés, surtout de manière exploratoire, sur les mollusques et les crustacés. Des populations de myes, de moules et de pétoncles ont été repérées, mais il reste à régler la question de l'approvisionnement et les aspects financiers de l'entreprise, essentiellement liés aux coûts élevés du travail dans le Nord. Il y a quelques années, le travail d'exploration visant le crabe dans le détroit d'Hudson au large de la côte du Nunavut n'a pas permis de trouver des quantités importantes.

Les recherches exploratoires touchant le varech — dont le sénateur Adams est bien au fait car elles ont été effectuées dans l'ouest de la baie d'Hudson — ont fait ressortir un certain potentiel. Cela dit, elles n'ont pas mené à son exploitation commerciale pour diverses raisons.

Des stocks d'omble chevalier demeurent toujours inexploités, mais comme ils sont souvent très éloignés des communautés et des installations, ils ne sont pas rentables à l'heure actuelle. La pêche côtière au flétan noir et à la crevette offre peut-être encore des possibilités. Comme nous l'avons mentionné, nous espérons que l'évaluation des stocks et la recherche exploratoire révéleront ces possibilités. Ma collègue approfondira ce sujet dans un instant.

Parmi les défis liés aux pêches émergentes, comme on vous l'a dit et comme on vous le dira, le problème tient à l'accès à des quantités suffisantes de poisson. La nature pionnière de la région fait obstacle au développement; les frais d'exploitation sont élevés et le rendement est incertain. L'évaluation des stocks est difficile et coûteuse. Les infrastructures locales sont quasi inexistantes; on ne trouve que quelques installations de transformation de l'omble et du flétan noir. Enfin, il est difficile de réunir des capitaux en raison de l'éloignement de la pêche et de l'incertitude quant au rendement.

Diverses mesures déjà en place devraient augmenter les retombées économiques de la pêche. Mme Wheatley a l'intention de parler des questions scientifiques liées à la recherche et à l'évaluation des stocks ainsi que de la cartographie du fond marin, autant de mesures susceptibles de favoriser l'expansion de la pêche.

Comme vous le savez, on a annoncé dans le dernier budget fédéral l'agrandissement des installations portuaires de Pangnirtung en vue d'accroître le développement de la pêche commerciale et de répondre aux besoins de la communauté, notamment en matière de ravitaillement. Les détails n'ont pas encore été arrêtés, mais nous espérons que des ressources scientifiques et de gestion visant l'expansion de la pêche seront prévues dans le projet Pangnirtung.

La Stratégie des pêches du gouvernement du Nunavut fait état des aspirations du Nunavut et des Nunavummiuts ainsi que des méthodes que l'on entend employer pour créer des débouchés fondés sur les ressources halieutiques. Vous avez peut-être déjà entendu des témoignages au sujet de cette stratégie. Dans le cas contraire, je vous invite à vous familiariser avec celle-ci avant de vous rendre dans les collectivités de l'île de Baffin. La stratégie peut être consultée en ligne et sur CD.

Tous les gestionnaires et les utilisateurs du secteur de la pêche ont à coeur la viabilité à long terme de la ressource. C'est pourquoi nous envisageons le développement en gardant à l'esprit les principes de durabilité et d'intégration. Nous sommes tous parfaitement conscients que le développement de la pêche présente des avantages manifestes pour ceux qui utilisent directement la ressource. On pourrait aussi avancer que la protection des intérêts économiques du Canada et le renforcement de la souveraineté dans l'Arctique sont aussi des avantages que procure la pêche. Les Nunavummiuts vous diront sans doute que le développement par le truchement de la pêche est une bonne chose pour le Canada.

Le président : Merci. Avant de donner la parole à Mme Wheatley, je signale simplement que j'ai omis de présenter deux autres membres du comité. Notre éminente vice-présidente, le sénateur Cochrane et le plus récent membre de notre comité, le sénateur Cook, que nous accueillons avec grand plaisir.

Michelle Wheatley, directrice régionale, Sciences, région du Centre et de l'Arctique, Pêches et Océans Canada : Je vais faire référence au document que vous avez devant vous, intitulé « Science de l'Arctique. »

À l'instar de Burt Hunt, je suis heureuse d'être ici et de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Tout comme lui, j'ai eu l'occasion de rencontrer certains d'entre vous lors de votre passage à Iqaluit. J'ai aussi déjà comparu devant vous il y a quelques années lorsque je portais un autre « chapeau », soit celui de porte-parole du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.

Wendy Watson-Wright, sous-ministre adjointe du Secteur des sciences, a comparu devant vous en décembre. Aujourd'hui, je ne reviendrai pas sur ce qu'elle a dit, mais j'apporterai plutôt des précisions sur les activités du secteur des sciences du MPO qui se déroulent dans la région du Centre et de l'Arctique, en mettant l'accent sur la façon dont nous faisons participer les communautés et les habitants du Nord à notre travail.

Comme M. Hunt l'a mentionné dans son exposé, la cogestion fait partie de la manière dont nous travaillons dans l'Arctique et cela influe sur la prestation du programme des sciences. Dans mon exposé, je donnerai un aperçu des activités scientifiques du MPO dans la région du Centre et de l'Arctique, qui représente 70 p. 100 du Canada. J'expliquerai ensuite comment nous faisons participer les collectivités et les habitants du Nord à notre programme de recherche, de la définition des priorités à l'application du programme, en passant par la planification, le financement et la prise de décision. Je vous donnerai ensuite quelques renseignements sur nos activités scientifiques actuelles et futures.

La région du Centre et de l'Arctique comprend cinq divisions scientifiques, dont deux dans l'Arctique : la Division de la recherche sur l'Arctique et le Service hydrographique du Canada. Ce dernier est chargé du relevé hydrographique et de la cartographie de l'Arctique, qui vise à assurer l'accessibilité et la sûreté des voies navigables. Les scientifiques participent également à la collecte de données pour aider à soutenir la mission du Canada, en conformité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS).

Le Centre national d'excellence pour la recherche aquatique dans l'Arctique (CNERAA) de la Division de la recherche sur l'Arctique est un centre d'expertise virtuelle qui coordonne les activités scientifiques menées dans le Nord au sein du secteur et avec des partenaires externes. Outre le personnel de laboratoire et le personnel de soutien sur le terrain, certains groupes se consacrent à l'évaluation des stocks de l'Arctique et à la recherche intégrée sur les écosystèmes, aux répercussions des changements climatiques sur les écosystèmes ainsi qu'à l'habitant et au rôle de l'océan.

Peu importe lequel de ces groupes travaille dans le Nord, tous les intervenants interagissent avec les habitants et les communautés à divers degrés. Toutefois, nos activités d'évaluation me serviront d'exemple pour mieux expliquer la manière dont nous faisons participer les habitants du Nord au programme scientifique. Bon nombre de nos interactions avec les conseils de cogestion des ressources halieutiques et fauniques sont liées aux responsabilités de ces conseils; ces dernières portent dans une large mesure sur la gestion de la capture des poissons, des mammifères marins et d'autres espèces sauvages. Par conséquent, le travail d'évaluation des stocks que nous accomplissons présente un grand intérêt pour eux.

Chaque comité de cogestion utilise sa propre méthode pour cerner les enjeux touchant la gestion de la faune qui préoccupent ses membres et les communautés. Ces enjeux sont généralement issus des communautés, ou pilotés par elles, et les habitants peuvent leur faire part de leurs besoins. Les scientifiques participent aux rencontres. Ils ont ainsi l'occasion d'entendre les habitants exprimer leurs préoccupations et d'en discuter avec eux. Ces discussions sont primordiales pour bien comprendre les enjeux et prendre les mesures qui s'imposent.

Les questions soulevées dans le cadre de ce processus sont abordées aux rencontres annuelles de planification entre l'équipe régionale de gestion des pêches, qui travaille pour M. Hunt, et c'est à cette occasion que l'on choisit les questions qui seront étudiées au cours de l'année. Souvent, on procède à une planification pluriannuelle.

Une fois les priorités définies, les chercheurs élaborent des plans de recherche. À cette étape, ils prennent les dispositions nécessaires pour se rendre dans les communautés et leur expliquer le projet. On précise de quelle façon il répond à leurs préoccupations, le soutien nécessaire de leur part et les emplois qui seront offerts. C'est aussi l'occasion pour les habitants de faire des commentaires aux chercheurs, d'exprimer leur avis sur les méthodes envisagées, sur les endroits et le moment où devrait se faire le travail. Bon nombre de chercheurs oeuvrent dans le Nord depuis une vingtaine d'années, ou même plus; ils ont donc développé d'excellents rapports avec les communautés.

Les comités de cogestion investissent des sommes considérables dans le financement des recherches effectuées par le MPO. Les fonds sont alloués en fonction des propositions qui leur sont soumises. Dans le cas de l'est de l'Arctique, cela relève du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Le soutien de la communauté est essentiel pour que le financement soit accordé. Sans ces fonds, certaines recherches ne pourraient se faire. Comme vous le voyez, il est essentiel de prendre en compte les priorités que ces conseils et ces communautés établissent.

Les recherches menées dans le Nord nécessitent une bonne préparation et une bonne coordination logistique. Selon le travail à accomplir, on embauche des habitants de la région pour participer aux recherches, notamment pour le marquage, l'échantillonnage et l'observation aérienne, ou encore pour fournir une autre forme de soutien logistique. Dans certains cas, ces personnes, une fois formées, poursuivent le travail après le départ du chercheur.

À titre d'exemple, dans notre programme d'échantillonnage des mammifères marins, les chasseurs reçoivent des instructions et des trousses qui sont retournées au MPO par l'entremise d'associations de chasseurs et de trappeurs.

En outre, selon le programme de recherche, certains de nos chercheurs profitent d'un soutien logistique de l'Étude du plateau continental polaire (EPCP) menée à Resolute. Ainsi, nous utilisons souvent les hélicoptères de cette équipe, seul moyen de transport pour se rendre dans ces endroits éloignés.

Certains projets de recherche peuvent être effectués en un an, mais la plupart exigent la collecte de données sur plusieurs années. Les communautés et les comités de cogestion reçoivent tous les ans des comptes rendus sur l'avancement des recherches. Des conseils scientifiques sont formulés à partir des résultats de nos recherches. Ils sont ensuite présentés au Secteur de la gestion des pêches et aux comités de cogestion pour les aider à prendre des décisions sur les niveaux et les lieux de récolte.

Les recherches et les conseils scientifiques qui ont mené à l'établissement de la pêche au flétan noir dans la division 0A illustrent la façon dont nous avons travaillé avec nos partenaires. Sans les fonds provenant du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et du MPO, de même que de plusieurs autres partenaires au fil des ans, nous n'aurions pas pu mener les recherches qui ont permis d'établir le quota initial de pêche au flétan noir dans la division 0A ni les hausses subséquentes. De la même manière, un programme cofinancé de marquage du flétan noir dans la baie Cumberland a entraîné l'établissement d'un quota propre à cette région du Nunavut.

Si je me suis surtout attardée jusqu'ici à l'évaluation des stocks et aux activités connexes, c'est pour illustrer comment nous faisons participer les habitants du Nord à notre travail. Il est important de souligner que les données tirées d'autres activités scientifiques du MPO, notamment des relevés océanographiques et hydrographiques, fournissent des renseignements sur les eaux arctiques et contribuent à notre compréhension globale de l'écosystème du Nord.

Cette année, plus de 30 scientifiques de la région du Centre et de l'Arctique devraient effectuer des recherches dans l'Arctique. Du personnel supplémentaire provenant d'autres régions se joindra à eux. De nombreuses activités touchant les mammifères marins, notamment le morse, le narval, le béluga, la baleine boréale, le phoque commun et l'épaulard, auront lieu tant dans l'Arctique de l'Est, que dans l'Arctique de l'Ouest. Nous poursuivrons nos recherches sur le poisson de mer aux abords de l'île de Baffin pour une troisième année sur les quatre prévues dans le cadre d'un programme sur le flétan noir dans la baie de Baffin, et nous feront d'autres recherches sur la crevette.

En eau douce, nous continuerons nos recherches sur un certain nombre d'espèces, dont l'omble Dolly Varden, l'omble chevalier et le cisco à mâchoires égales. Nos recherches sur l'incidence potentielle de l'exploitation gazière et pétrolière dans le delta du Mackenzie et la mer de Beaufort se poursuivent également, tout comme les relevés hydrographiques de l'Arctique.

L'année dernière, nous avons eu le plaisir d'annoncer une augmentation du nombre d'employés affectés à l'évaluation des stocks dans l'Arctique, soit six postes supplémentaires dans la région. Grâce à ces nouveaux employés, que nous recrutons présentement, nous pourrons étendre la portée de notre travail dans le Nord et tenir davantage compte des préoccupations des habitants.

Dans son dernier discours du Trône, le gouvernement du Canada a souligné l'importance que revêt l'Arctique, et en a tenu compte dans le budget de 2008. Les fonds alloués nous permettront de multiplier les activités scientifiques du MPO dans le Nord. Nous sommes impatients de pouvoir nous y consacrer.

En conclusion, j'espère que mon exposé vous a donné un bon aperçu de la façon dont nous faisons participer les habitants du Nord à nos activités scientifiques.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Meighen, pouvez-vous me dire ce qu'est un Dolly Varden?

Mme Wheatley : C'est un type d'omble.

Le président : En trouve-t-on seulement au nord du 60e parallèle?

M. Hunt : On peut sans doute affirmer sans crainte de se tromper qu'on en trouve uniquement au nord du 60e parallèle. À une époque, cette espèce était assimilée aux autres ombles. Depuis, l'omble Dolly Varden a été différenciée. Cette espèce revêt une importance particulière dans un dossier dont nous sommes présentement saisis, qui met en cause le Comité mixte de gestion de la pêche du MPO, représentant la région Inuvialuit, et le Conseil des ressources renouvelables gwich'in, représentant la région gwich'in de la basse vallée du fleuve Mackenzie. Nous sommes en train d'élaborer à leur intention un plan de gestion intégrée de la pêche pour l'omble Dolly Varden, qui est une ressource de premier plan pour les collectivités de la rive occidentale du fleuve Mackenzie, notamment Aklavik et Fort McPherson, ainsi que la rivière Arctic Red. Cette espèce est quelque peu différente de l'omble chevalier. Un profane ne verra pas la différence. Moi non plus, d'ailleurs.

Le sénateur Meighen : Ma question s'adresse à M. Hunt, en sa qualité de directeur régional de la Gestion des pêches et de l'aquaculture. Au cours de votre exposé, vous n'avez pas mentionné l'aquaculture. Est-ce parce qu'il y a peu ou pas de l'aquaculture dans la région dont vous êtes responsable? Si c'est le cas, envisagez-vous un essor croissant de l'aquaculture dans les années à venir? Dans l'affirmative, pensez-vous qu'il sera possible et souhaitable d'implanter cette industrie dans la région tout en évitant certains des effets secondaires malheureux qu'elle a eus ailleurs sur les populations autochtones, sans rien enlever à sa valeur?

M. Hunt : En effet, en tant que directeur régional de la Gestion des pêches et de l'aquaculture, l'aquaculture est l'un de mes champs de responsabilité. Dans le cas qui nous occupe, l'aquaculture est inexistante. Il ne se fait pas d'aquaculture, c'est-à-dire la production artificielle de poisson, au nord du 60e parallèle. Il y a des installations aquicoles en Ontario, dans les provinces des Prairies ainsi que dans les deux territoires septentrionaux. En Ontario, à l'île Manitoulin, nous avons une usine aquicole décente. L'élevage de la truite arc-en-ciel en eau douce se poursuit toujours. En outre, nous avons une vaste exploitation au lac Diefenbaker en Saskatchewan, dont nous planifions l'expansion, soit dit en passant, tout comme dans la baie Georgienne.

Notre ministère a exprimé son intention de soutenir l'aquaculture en général. Ce soutien s'étend jusqu'aux provinces des Prairies. Nous avons des discussions avec les représentants de divers gouvernements provinciaux en vue de conclure des protocoles d'entente concernant le développement de l'aquaculture, notamment en Saskatchewan et au Manitoba. Ces pourparlers sont en cours au moment où je vous parle. Nous envisageons d'augmenter le nombre des sites aquicoles en Ontario et dans les provinces des Prairies en particulier.

Pour ce qui est d'éviter les effets néfastes, nous intervenons, non pas lentement, mais certainement avec précaution, en consultation avec les groupes concernés, ainsi qu'avec l'autorisation, le consentement et l'approbation des gouvernements et des organismes provinciaux. Toute action est essentiellement le fruit d'efforts concertés visant à favoriser un développement qui contribuera aux économies locales.

Les emplacements sont choisis avec soin et soumis à une étroite surveillance, précisément pour contrer tout effet secondaire. Quant à la durée du bail, elle relève généralement de la compétence de la province. Nous avons fourni une expertise. En outre, il a été question d'aquaculture dans le budget et quelques millions de dollars seront consacrés au développement de ce secteur. Nous espérons que les régions intérieures obtiendront une part du gâteau.

Pour en revenir aux effets secondaires, vous faites sans doute référence aux articles publiés dans les journaux au sujet du pou du poisson. Or, il s'agit d'un problème que l'on retrouve en eau salée et non en eau douce. Le site est surveillé de près et l'on examine le flux de l'eau pour évaluer l'incidence sur l'environnement local, et cetera.

Nous effectuons certains travaux de recherche dans la zone expérimentale des lacs. Mme Wheatley pourrait certainement vous en parler mieux que moi, mais je peux simplement vous dire que nous collaborons avec les gens du milieu pour minimiser l'incidence environnementale des exploitations aquicoles et nous considérons qu'elles ont beaucoup d'avenir.

Le sénateur Meighen : Vous n'avez pas parlé d'aquaculture en eau salée. Est-ce parce qu'il est peu probable, à votre avis, que ce secteur connaisse une croissance dans un proche avenir? Vous avez aussi mentionné que les élevages en eau douce seraient assujettis à une étroite surveillance. Qui s'en chargerait? Le ministère, les autorités provinciales ou les deux?

M. Hunt : L'aquaculture en eau salée ne relève pas de mon ressort et de ma compétence. Les côtes Est et Ouest sont assujetties à un régime différent. Je suis le directeur régional de la région du Centre et de l'Arctique, autrement dit l'Ontario et les Prairies, si vous voulez.

Le sénateur Meighen : Je pensais au Nord.

M. Hunt : Il n'y a pas d'aquaculture en eau salée en ce moment et je ne suis pas suffisamment informé pour parler de ce qui se fait sur la côte Est et la côte Ouest, au sens traditionnel, dans le domaine de l'aquaculture. Dans le Nord, il n'y a aucune installation aquicole. Par conséquent, nous n'avons pas eu à composer avec ces problèmes.

Le sénateur Meighen : Pensez-vous que l'aquaculture s'implantera dans le Nord, qu'il s'agisse d'élevages de mollusques et de crustacés ou de poissons à nageoires?

M. Hunt : Pas à court terme. Nos homologues des territoires, qu'il s'agisse des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut, n'ont pas manifesté beaucoup d'intérêt pour l'implantation d'élevages aquicoles chez eux pour le moment.

Le sénateur Meighen : Si jamais l'aquaculture s'implante dans le Nord, j'espère que l'on surveillera étroitement les sites d'exploitation et que la réglementation les gouvernant sera rigoureuse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'aimerais poursuivre sur le sujet abordé par le sénateur Meighen, c'est-à-dire l'aquaculture. Vous dites qu'actuellement, en milieu salé, il n'y en a pas. Prévoit-on qu'il n'y en aura pas du tout? Et qu'arrive-t-il des lacs qui pourraient peut-être servir de lieu pour l'aquaculture?

[Traduction]

M. Hunt : Dans mon domaine de compétence, il n'y a aucun plan présentement pour l'aquaculture en eau salée. Nous souhaitons demeurer créatifs et réceptifs à toute initiative en ce sens, mais ce n'est pas une question urgente pour nos cogestionnaires et pour les gouvernements territoriaux et, partant, pour notre ministère. Pour la côte Est et la côte Ouest, oui, mais pour la côte Nord, l'aquaculture en eau salée n'est pas un domaine où nous investissons du temps et de l'énergie pour l'instant, en partie à cause du manque d'intérêt de nos pairs et de nos partenaires.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Madame Wheatley, vous avez parlé de recherche et des recherchistes qui ont travaillé dans cette région pendant près de 20 ans. Le fait que ces recherchistes aient été présents dans la région a-t-il encouragé les gens de l'endroit à se diriger vers la recherche?

[Traduction]

Mme Wheatley : Bon nombre de chercheurs ont noué de très bonnes relations avec les communautés. Selon mon expérience, voici comment les choses se passent. Lorsque les gens se posent des questions au sujet d'une méthode qui est utilisée, un chercheur est dépêché dans la collectivité pour fournir des explications aux gens et discuter avec eux. Généralement, ces derniers se rallient à ses arguments. C'est dans de telles situations que l'établissement de liens à long terme prend toute son importance car les chercheurs en viennent à bien connaître les problèmes et les préoccupations des communautés. À partir de là, ils peuvent moduler leur approche, leurs méthodes et leur travail auprès des résidents pour réagir aux problèmes.

Certaines collectivités ont collaboré avec les chercheurs et, dans bien des cas, ce sont les mêmes personnes qui travaillent avec les mêmes chercheurs pendant des années.

Le sénateur Robichaud : Les jeunes sont témoins de cette collaboration; ils peuvent observer le déroulement de la recherche et se rendre compte à quel point elle est utile et nécessaire pour élaborer une politique. Cela a-t-il encouragé certains résidents à envisager de devenir des experts? Je suppose que la plupart des chercheurs viennent du Sud.

Mme Wheatley : Effectivement, la plupart des chercheurs viennent du Sud. Chose certaine, nous gardons toujours l'oeil ouvert. Nous aimerions beaucoup trouver dans le Nord des personnes qui voudraient faire carrière en recherche et les aider à y arriver. Nous avons eu des discussions avec les dirigeants d'écoles secondaires et divers groupes pour trouver un moyen d'intéresser les jeunes. Malheureusement, pour faire une carrière dans le domaine de la recherche, il faut suivre certaines étapes, notamment faire des études collégiales ou universitaires, et la marche est haute pour bien des gens. Nous avons embauché des jeunes issus du Programme de techniques environnementales du Collège de l'Arctique du Nunavut. Ils ont travaillé au bureau régional à Iqaluit ou participé à des travaux de recherche dans diverses communautés. Jusqu'à maintenant, nous n'avons trouvé personne qui soit prêt à aller à l'université dans le Sud. C'est cette étape qu'il faut franchir. Les jeunes doivent se rendre dans le Sud pour faire des études universitaires. Chose certaine, si nous pouvions trouver une personne qui veuille se lancer dans le domaine, nous pourrions l'aider à réaliser son objectif. Je crois que je lui offrirais un emploi dès le lendemain de la remise des diplômes.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que vous pourriez trouver une façon d'aider. Cela laisse entendre qu'il y a des moyens ou des programmes qui pourraient aider les candidats dans leurs études.

Mme Wheatley : D'après l'information que nous avons glanée dans nos entretiens avec les autorités scolaires — par exemple, l'école secondaire à Iqaluit —, le financement n'est pas un problème. Le financement est disponible. En général, ce dont les jeunes ont besoin, c'est d'être soutenus pendant qu'ils sont loin de leur famille et de leur communauté. Les sénateurs ici présents connaissent sans doute le Programme de formation Sivuniksavut du Nunavut, ici à Ottawa. Les participants au programme suivent des cours et vivent dans de bonnes conditions l'expérience d'être loin de chez eux. Peut-être pourrions-nous trouver dans ce programme quelqu'un qui serait intéressé. Il s'agit de trouver des personnes intéressées, d'identifier les obstacles auxquels elles font face et de trouver un moyen de les aider à les surmonter. Comme je le disais, si des jeunes manifestaient un intérêt, je saisirais l'occasion et je trouverais un moyen de faire en sorte que cela se réalise.

Le sénateur Robichaud : Y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions faire pour susciter l'intérêt des jeunes pour la recherche et un emploi auprès du MPO? Vous faites déjà participer les habitants du Nord, mais je pense qu'ils devront être beaucoup plus présents à l'avenir compte tenu de la fonte des glaciers, de la hausse du trafic maritime et de tous les bouleversements que connaîtra le Nord.

Mme Wheatley : Nous avons mené des programmes de consultation partout dans le Nord. En prévision de l'Année polaire internationale, par exemple, des tournées ont été organisées partout dans le Nord. J'ai eu des discussions avec mon personnel pour évaluer la possibilité, l'an prochain, d'organiser des voyages dans le Nord, de passer du temps dans les collectivités et de mettre sur pied une sorte de spectacle itinérant. Ce faisant, nous ne nous limiterions pas à faire un exposé. Nous irions rencontrer les gens dans les écoles et les collectivités pour les sensibiliser à notre action. Il est important que les habitants du Nord voient de quelle façon les applications de notre recherche sont avantageuses pour leur collectivité. C'est un exercice essentiel et nécessaire pour rappeler aux gens que la science peut être à leur service et les aider. On se souvient trop facilement des circonstances où la science impose une limite à la récolte de ressources. On oublie que la science peut servir à ouvrir de nouveaux débouchés.

Nous devons mettre cela davantage en évidence. J'aborde mon nouveau poste avec 12 ans d'expérience dans l'Arctique, dont sept ans et demi au Nunavut, et j'essaie d'appliquer ce principe. J'espère qu'au cours de l'année qui vient, nous serons en mesure de saisir cette occasion.

M. Hunt : Sénateur Robichaud, pour aborder la question sous un angle différent, en ce qui a trait à l'emploi et aux avantages pouvant découler de la pêche, vous savez sans doute que Ressources humaines et Développement social Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada, le gouvernement du Nunavut et d'autres organismes ont lancé un programme de formation de 3,2 millions de dollars dont l'objectif est de favoriser la participation au secteur de la pêche. Il ne s'agit pas de financer les études d'un chercheur local, ce dont vous parliez tout à l'heure, mais de souligner la valeur des ressources halieutiques, notamment leur valeur ajoutée, telle les emplois créés, notamment. Ce programme de formation ne relève pas de ma responsabilité, mais je crois savoir qu'il comprend une expérience concrète de la pêche sur un navire. Les participants font partie d'un équipage de pêche. Quant à la formation théorique, elle se donne dans un institut à Terre-Neuve et dans une communauté du Nunavut. L'institut renvoie ensuite ses stagiaires dans leur région et leur offre la possibilité de travailler dans le domaine de la pêche. Ces efforts s'inscrivent dans un programme de trois ans, à hauteur de 3,2 millions de dollars, qui vise à générer des revenus et à assurer la stabilité dans le secteur de la pêche. C'est un exemple des emplois qui pourraient, devraient et, espérons-le, viendront du secteur de la pêche et, dans ce cas de figure, la pêche commerciale.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous une idée du nombre de personnes dans le Nord qui participent à ce programme?

M. Hunt : D'après ce que j'ai su, environ 300 personnes y ont participé, mais qu'on me corrige si je me trompe. En prévision de votre question — et je vous remercie de l'avoir posée —, j'ai essayé de savoir combien de personnes avaient participé au programme. Mon interlocuteur, qui devrait être bien placé pour fournir la meilleure estimation, m'a dit qu'il y avait eu 300 participants jusqu'à maintenant.

Le sénateur Cochrane : Et ces personnes viennent du Nord?

M. Hunt : Oui.

Le sénateur Cochrane : Le but visé est-il de les renvoyer chez eux pour qu'ils viennent en aide à leurs propres pêcheurs et qu'ils fournissent un apport à la collectivité?

M. Hunt : Le but visé est de former ces personnes, la formation étant fournie dans le cadre d'un effort et d'une contribution conjoints. Une fois formés, ils ont la compétence voulue pour travailler au sein d'équipages sur les navires de pêche. J'ai participé à des rencontres où il a été question, par exemple, de la Baffin Fisheries Coalition et du fait que ces personnes participeraient à la pêche et auraient aussi la capacité d'assurer le fonctionnement du navire. Cela ouvre un nouveau monde.

Compte tenu de certaines contraintes auxquelles Mme Wheatley a fait allusion, soit la difficulté pour les gens de quitter leur communauté, il s'agit là d'un nouveau mode de vie qui déroge à la tradition, comme le confirmera le sénateur Adams. Il faut des années pour accomplir un tel changement. Nous avons tendance à être impatients face à ces processus, mais il faut espérer que la graine qui a été semée portera fruit.

Le sénateur Cochrane : C'est ce qu'il nous faut, je pense. Les habitants du Nord ont leurs coutumes, et ainsi de suite. Il est très important que les jeunes retournent dans leur région pour tirer parti des domaines et des débouchés d'avenir qui existent là-bas. C'est mon sentiment personnel.

Madame Wheatley, je m'intéresse aux paramètres du secteur des sciences du MPO dans l'Arctique. Quel est votre budget annuel pour les sciences? Combien de personnes oeuvrent dans ce domaine? J'aimerais que vous me fournissiez des chiffres en dollars, et non des pourcentages.

Mme Wheatley : Je n'ai pas le chiffre exact sous la main car mon budget représente une partie du budget global de la région du Centre et de l'Arctique, ce qui inclut de multiples activités dans les Grands Lacs et les Prairies également.

La Division de la recherche sur l'Arctique compte environ 60 employés et le Service hydrographique du Canada 65. Ce ne sont pas tous les employés du service hydrographique qui travaillent dans l'Arctique; ils sont aussi affectés dans les Grands Lacs et en eau douce. Il faudrait que je fasse une ventilation du budget du Service hydrographique pour déterminer quelle partie est consacrée à l'Arctique. Il faudrait aussi que j'examine le budget de la Division de la recherche sur l'Arctique. Les chiffres que nous avons ne sont pas précis, mais je peux les obtenir et vous les communiquer.

Le sénateur Cochrane : J'aimerais savoir quels sont les montants consacrés aux sciences. J'aimerais que vous me fournissiez des chiffres précis, si possible.

Dans le budget 2008, le gouvernement prévoit dépenser huit millions de dollars sur une période de deux ans pour aménager des installations portuaires à Pangnirtung. L'un ou l'autre d'entre vous peut-il nous fournir quelques renseignements au sujet de cette initiative d'envergure pour Pangnirtung?

M. Hunt : Cette initiative étant en cours de préparation, nous ne sommes pas non plus au courant des détails. Nous savons que le projet a été annoncé dans le budget. Pour l'instant, la construction d'un port a été approuvée. Dans les discussions avec le Nunavut et dans la stratégie, on a envisagé la construction de plus d'un port. Toutefois, j'ignore par quel mécanisme on établit les priorités et comment on est arrivé à cette décision de construire un seul port.

Le sénateur Adams me corrigera si je me trompe, mais Pangnirtung a toujours été le centre de la récolte commerciale dans la région de Baffin en particulier. Cela dit, les débarquements font problème. Il est ardu de débarquer les prises et d'assurer l'utilisation optimale de l'usine de Pangnirtung. Chose certaine, Pangnirtung est la priorité initiale du gouvernement. Le sénateur Adams a peut-être un point de vue à ce sujet, mais en l'occurrence, cela semble une décision appropriée.

Le Nunavut aurait voulu plus, mais j'ignore quelles délibérations ont permis d'aboutir à cette décision. Nous ne savons pas non plus quelles ressources seront débloquées dans la foulée du développement des installations portuaires à Pangnirtung. On nous dit que nous recevrons les ressources dans le cadre de l'initiative des pêches émergentes, dont vous entendrez beaucoup parler pendant votre voyage et au cours des années à venir. Mais nous connaîtrons précisément le financement qui nous sera alloué lorsque nous le recevrons.

Le sénateur Cochrane : Les habitants de Pangnirtung sont-ils enthousiasmés par le projet?

M. Hunt : Oui, ils le sont. Cependant, le gouvernement du Nunavut avait espéré obtenir davantage.

Le sénateur Cochrane : On veut toujours en avoir plus, de toute façon.

J'ai assisté ce matin à une séance du Comité sénatorial de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles qui traitait de questions concernant l'Arctique. Le témoin était M. Huebert. Comme il n'avait qu'une heure à nous consacrer, je n'ai pas eu suffisamment de temps pour l'interroger. Peut-être pouvez-vous m'aider. Ma question porte sur les hydrates de gaz. C'est le terme qu'il a employé.

Investissons-nous dans la recherche sur les hydrates de gaz? Vous pourriez peut-être commencer par nous expliquer précisément ce que sont les hydrates de gaz, comment ils fonctionnent et quelle est la perspective de la communauté scientifique à cet égard. Est-ce trop vous demander? Je suis désolé.

M. Hunt : À vrai dire, oui. Je vois qu'autour de la table, on est aussi perplexe que moi au sujet des hydrates de gaz. Si vous croyez avoir vu un point d'interrogation au-dessus de ma tête, vous ne vous êtes pas trompé. Je ne suis pas un expert en ce qui concerne les hydrates de gaz.

Le sénateur Cochrane : Mme Wheatley peut-elle répondre à ma question?

Mme Wheatley : Je ne suis pas une experte non plus. C'est un sujet qui relèverait plutôt de Ressources naturelles Canada que de Pêches et Océans Canada. J'ai déjà entendu le terme, mais je ne suis pas une experte. Je suis désolée.

Le sénateur Cochrane : Comme le témoin n'avait qu'une heure à nous consacrer, je n'ai pas pu l'interroger à ce sujet. Je m'informerai plus tard.

Parlez-moi du changement climatique. Quels effets avez-vous constatés sur les ressources marines à la suite du changement climatique?

Mme Wheatley : Il faut du temps pour voir les effets du changement climatique. Il faudra compléter les études présentement en cours pour connaître la taille des stocks, leur emplacement et leur destination. C'est de cette façon que nous pourrons déterminer ce qui se passe à la suite du réchauffement climatique. Nous constatons certaines différences dans la condition des glaces. Cela a un effet sur les baleines boréales, par exemple, qui ont tendance à s'enfoncer dans les glaces car c'est un endroit où elles sont protégées des épaulards. Par conséquent, si les glaces sont moins abondantes, elles sont moins protégées des épaulards, dont la prédation pourrait s'accentuer.

À l'heure actuelle, les chercheurs s'attachent à recueillir des données pour que nous sachions quelle est l'évolution des glaces. Cela nous permettra de constater s'il survient des changements quant à l'emplacement des diverses espèces à différentes périodes, au moment de la formation de la glace, entre autres.

Vous avez pris connaissance de l'information concernant les changements relatifs aux glaces. Nous commençons à intégrer les données pertinentes dans le système et à modéliser les changements qui risquent de toucher les espèces vivant dans l'Arctique. Du côté de l'hydrographie, nous examinons les données des marégraphes. Toutefois, il nous faut assurer une surveillance et effectuer tous les ans des travaux de recherche, de collecte de données pour être certains de ne pas être en présence de simples variations annuelles, mais de changements à long terme.

Le sénateur Cochrane : Vous n'avez pas encore de résultats?

Mme Wheatley : Vous avez vu l'information au sujet des glaces. Les travaux que nous effectuons sur le flétan noir dans la baie Baffin et le détroit de Davis, 0A et 0B, ont débuté en 1999. Il faut faire des années de recherche. L'Arctique est immense. Nous ne pouvons pas nécessairement prélever des échantillons à chaque endroit tous les ans. Pour ce qui est des mammifères marins, nous effectuons des relevés aériens. Il est très coûteux de faire un relevé aérien pour dénombrer les baleines boréales, les bélugas ou les narvals. Par conséquent, nous n'en effectuons pas tous les ans, mais une fois tous les cinq ou dix ans. Il faudra du temps pour que des différences soient manifestes.

Voilà pourquoi il est important de pouvoir compter sur les observations et les connaissances traditionnelles des Inuits. Ils peuvent nous dire ce qu'ils constatent, à quel moment ils notent des différences dans les mouvements des espèces ou encore des changements. Comme nous sommes à l'écoute des communautés, cela peut nous amener à commencer nos travaux plus tôt ou à décider de faire des recherches ailleurs.

Le président : Il ne vous appartient pas de prendre des décisions concernant les régions, mais il me semble que le comité devrait amorcer une réflexion et se demander s'il ne devrait pas y avoir, au sein du MPO, une région arctique proprement dite. Vous devez couvrir et régir, si je puis dire, un territoire considérable. L'avenir étant ce qu'il est, il serait peut-être bon d'envisager de créer une région arctique au sein du MPO.

Cela n'est pas un sujet de discussion pour aujourd'hui. Je voulais simplement lancer l'idée.

Le sénateur Adams : J'aimerais faire consigner au compte rendu que nos deux témoins connaissent bien Iqaluit et le Nunavut. Je suis heureux de vous revoir ensemble.

À l'époque où je commençais à m'intéresser à la pêche commerciale au Nunavut, M. Hunt était directeur du MPO à Iqaluit, et nous avons commencé à travailler ensemble. Ensuite, soudainement, il a eu un nouvel emploi. Je voudrais saluer son retour. Je sais que le Nunavut est au coeur des préoccupations de nos deux témoins.

J'étais à Rankin Inlet il y a un mois. Certaines personnes qui travaillent dans le détroit d'Hudson s'inquiétaient de l'avenir de la pêche à la crevette. Je sais qu'elle se poursuivra encore cette année. La baie d'Hudson est un énorme plan d'eau : plus de 700 milles séparent Rankin Inlet de la baie James. Vous n'êtes pas tout à fait à la baie d'Hudson, vous êtes plus bas dans le détroit d'Hudson. Je vois que vous avez la carte. La pêche commerciale a-t-elle un avenir dans le détroit d'Hudson? Je sais qu'il y a des quotas pour Lake Harbour et Cape Dorset. Je pense que vous êtes encore en train d'ajuster les quotas pour la crevette. Je me demandais quel avenir pouvait avoir la pêche à la crevette nordique dans la baie d'Hudson ou jusqu'à la baie Baffin. Avez-vous fait des recherches à ce sujet?

Mme Wheatley : Non. Vous avez raison, des travaux de recherche sont en cours sur la crevette dans le détroit d'Hudson. Comme vous le savez sans doute, il existe deux espèces différentes de crevette dans le Nord : la crevette nordique et la crevette ésope. On procède à des relevés dans le détroit d'Hudson, entre l'île de Baffin et le nord du Québec. Nous ne sommes pas encore allés dans la baie d'Hudson pour examiner les stocks de crevettes, mais si les résidents des communautés nous font savoir qu'ils en trouvent ou qu'ils nous font des suggestions à cet égard, nous pourrions examiner la situation.

Comme M. Hunt l'a mentionné, la grande partie des stocks de crevettes sont laissés dans l'eau parce que les prix sont bas. Souvent, le moteur de la découverte de nouvelles pêches est le profit potentiel que l'on peut en tirer.

Une grande partie de notre travail est dictée par les priorités que nous communiquent nos partenaires dans la cogestion, comme le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Je ne crois pas avoir entendu quoi que ce soit au sujet de la crevette, mais il va de soi que si on nous le demandait, nous serions disposés à examiner cela.

Le sénateur Adams : À l'heure actuelle, vous travaillez surtout avec la communauté du Nunavut et le ministère, à Winnipeg. Ottawa, par l'entremise du ministre, dispose du pouvoir suprême de décider ce que vous ferez à l'avenir. Est-ce la même chose au Nunavut? Collaborez-vous avec les autorités territoriales? Comment cela fonctionne-t-il? Les mammifères sont ici, dans la mer et sur la terre, et l'administration centrale est au Nunavut. Comment cela fonctionne-t-il? Êtes-vous encore tenus de solliciter l'autorisation du ministre, ici à Ottawa, avant de prendre quelque décision que ce soit?

M. Hunt : Permettez-moi de revenir à la discussion que nous avons eue tout à l'heure au sujet de l'établissement des priorités. Dans le contexte de la cogestion que nous avons évoqué tout à l'heure, nous discutons avec les représentants du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et des associations de chasseurs et de trappeurs, ce qui amène le ministère à axer son action sur les intérêts, les décisions et les priorités locales. Comme ma collègue l'a mentionné, nous sommes à l'écoute des priorités exprimées par le conseil et les communautés. La priorité qu'il convient d'accorder à la suggestion d'étudier la pêche à la crevette est un élément de la discussion. Quelqu'un pourrait nous demander, comme le sénateur Meighen l'a fait tout à l'heure, de nous pencher sur l'aquaculture. Nous sommes sensibles aux priorités des collectivités. L'aquaculture n'est une priorité ni pour les communautés ni pour les conseils. La pêche à la crevette dans la baie d'Hudson, du moins jusqu'à maintenant — et vous avez mentionné Sanikiluaq — n'a pas été une priorité, et l'on me reprendra si je me trompe. Sanikiluaq n'a pas exprimé de souhait en ce sens auprès du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, lequel ne nous a pas livré le message que la crevette est une priorité. S'il l'avait fait, nous aurions réagi à cette demande. Nous lui aurions accordé l'attention requise, tout en reconnaissant qu'il faut saupoudrer les ressources. Voilà qui explique d'où viennent nos priorités. Elles sont le fruit d'un exercice conjoint de partenariat en cogestion, axé sur la coopération.

J'ai oublié votre seconde question.

Le sénateur Adams : Je sais que l'on qualifie parfois l'omble chevalier de poisson d'eau douce. Il arrive que pendant l'été, il se rende à la mer.

Avant d'être nommé sénateur, j'ai travaillé au Conseil des Territoires du Nord-Ouest, en 1970. Après deux ans environ, je suis devenu membre du conseil d'administration de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, à Winnipeg. Depuis, la population a augmenté dans presque toutes les collectivités. Je sais que vous surveillez certaines rivières ainsi que la situation de l'omble de l'Arctique tous les ans, particulièrement dans les endroits où l'on en fait la commercialisation, comme à Pangnirtung et à Cambridge Bay. Il n'y a que deux usines de poisson au Nunavut.

Le sénateur Meighen a posé une très bonne question. Le comité des pêches et des océans s'est rendu à Nunavik il y a une dizaine d'années. Maintenant, on trouve une usine d'incubation d'omble chevalier à Kuujjuaq. Le sénateur Cook nous accompagnait lors de ce voyage. Le sénateur Cook et moi avions chacun un sac en plastique contenant 2 500 ombles chevaliers de petite taille que nous avons relâchés dans le lac. Tous les ans, pendant les 12 mois de l'année, à partir de la rivière Diana, l'omble chevalier remontait jusqu'au lac et redescendait jusqu'à la mer. On les attrapait alors qu'ils redescendaient.

Au cours de nos déplacements au Canada avec le comité des pêches et des océans, nous nous sommes entretenus avec des habitants de la Colombie-Britannique au sujet de l'élevage du saumon. On nous disait que le saumon d'élevage avait connu une croissance de 95 p. 100. Cependant, le saumon naturel ne représente que 7 p. 100.

Le village de Rankin Inlet compte près de 3 000 habitants. En réalité, il n'y a qu'un seul lac où l'on peut pêcher l'omble chevalier. En hiver, outre le lac, il y a la mer. Nous devrions étudier de telles questions à l'avenir. D'après certains scientifiques, l'omble chevalier des eaux septentrionales ne grandit que d'un pouce par année à cause des températures froides. Je ne sais pas si c'est vrai ou non. Pourriez-vous vous pencher sur cette question à l'avenir?

M. Hunt : Je vois où vous voulez en venir. Nous pourrions certainement étudier cela. Vous avez parfaitement raison. En général, on pratique l'aquaculture dans des eaux relativement chaudes en raison du facteur de croissance. La croissance est plus rapide en eau chaude, à l'intérieur de certaines limites, évidemment. C'est pourquoi nous ne prévoyons pas un mouvement vers l'aquaculture dans le Nord.

Pour ce qui est de l'élevage qui existe au nord du Québec, il est régi, à défaut de trouver un meilleur terme, à l'extérieur de la région du Québec. Cependant, je pense que l'on ajoute à la population naturelle des poissons d'élevage car, évidemment, cela assure un certain taux de survie, et cetera.

C'est un type d'aquaculture différent de celui auquel je croyais que l'on faisait allusion tout à l'heure, qui consiste essentiellement à constituer des stocks de poisson ou à cultiver des mollusques et des crustacés afin d'en faire le commerce. Ce n'est pas la même chose, mais on pourrait certainement appeler cela de « l'aquaculture », et ce n'est pas une mauvaise idée. Si cela fonctionne dans le nord du Québec, on peut croire que cette pratique pourrait avoir du succès dans d'autres endroits du Nord. Je comprends votre argument, et nous aurons une discussion à ce sujet.

Le sénateur Adams : D'autres ministères font-ils des recherches dans la baie d'Hudson au sujet des épaulards. On dit qu'ils ne tuent pas les baleines. Est-ce exact?

Mme Wheatley : Certains de nos chercheurs s'intéressent aux épaulards. Je ne sais pas trop quelle est la question, sénateur.

Le sénateur Adams : Il y a à Ottawa un service du MPO qui effectue certains travaux de recherche, mais ce n'est pas le vôtre. L'an dernier, lorsque leurs représentants ont comparu devant nous, je leur ai demandé combien de baleines les épaulards tuaient tous les ans dans la baie d'Hudson. Ils m'ont répondu qu'ils ne tuaient pas les baleines, qu'ils se nourrissaient uniquement de poisson et de petits mammifères marins. Pourtant, en anglais, on les appelle des « killer whales ». Je sais qu'il y a un grand nombre de bélugas dans la baie d'Hudson. Je voulais simplement signaler que les épaulards devraient peut-être se mettre à tuer les baleines.

M. Hunt : Chose certaine, d'après les connaissances traditionnelles, les épaulards harcèlent et tuent les baleines. Je ne sais pas vraiment quel est l'état de nos connaissances scientifiques sur ce sujet en particulier.

Je voudrais répondre à une question qui a été soulevée. Vous avez mentionné les décisions que prennent les ministres. Comme ce volet n'a pas été abordé, j'en parlerai très brièvement.

J'ai mentionné le régime de cogestion au sein duquel nous travaillons avec nos partenaires. Essayez d'imaginer notre situation : en tant que fonctionnaires, nous collaborons en cogestion avec nos partenaires au niveau local, soit les associations de chasseurs et de trappeurs et le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Advenant que le ministère doive prendre une décision discrétionnaire, nous collaborons avec ces personnes. Dans le contexte des revendications territoriales, nos interlocuteurs feront une recommandation après s'être entendus. Leur position est ensuite communiquée au ministre, qui prend la décision finale.

Ce sont les cogestionnaires, de concert avec les bureaucrates, si c'est le mot juste, qui acheminent une décision formelle du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, par exemple, au ministre, qui, lui, prendra la décision finale.

Le sénateur Hubley : L'an dernier, des témoins du Nunavut ont affirmé que le territoire n'avait pas suffisamment de ressources financières pour investir dans les sciences halieutiques en général. Le ministre du Développement économique et du Transport du Nunavut a demandé au gouvernement fédéral de s'engager à financer un programme d'exploration scientifique pluriannuel dans les eaux du Nunavut. Le directeur des pêches et de la chasse au phoque du Nunavut a déclaré que le Nunavut payait plus de 50 p. 100 du coût des activités scientifiques, ce qui n'était pas le cas dans le Canada atlantique.

Les relevés et les évaluations des stocks effectués dans la région du Nunavut sont-ils financés différemment qu'ailleurs au Canada. Je me demande également si, de façon générale, on finance des champs d'études scientifiques qui semblent mieux connus des habitants du Sud, si je puis dire. Par exemple, les changements climatiques interpellent certainement la plupart d'entre nous et, à vrai dire, c'est dans le Nord que l'on constate les changements les plus spectaculaires. Je me demande si cela n'aurait pas pour effet de soutirer le financement d'études scientifiques qui, autrement, auraient été consacrées à d'autres domaines, que ce soit les évaluations des stocks ou la recherche sur différentes espèces.

Mme Wheatley : Nous possédons diverses enveloppes financières; certaines sont utilisées pour la recherche sur les changements climatiques et d'autres pour les services d'évaluation des stocks. À partir de ces enveloppes, les montants qui sont versés à ma région sont spécifiquement alloués aux différents domaines de recherche.

En ce qui concerne le financement de l'évaluation des stocks, j'ignore dans le détail comment cela se passe dans les autres régions, mais chose certaine, les travaux de recherche que nous avons entrepris ont été financés de concert par le gouvernement territorial et les conseils de cogestion, dont le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.

Dans le cadre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a reçu une certaine somme d'argent. Je crois qu'au départ il s'agissait de 11 millions de dollars que le conseil a investis. À l'heure actuelle, l'intérêt découlant de cet investissement fournit les fonds pour la recherche parrainée par le gouvernement. Cependant, le MPO n'a pas été le seul acteur. Environnement Canada, Parcs Canada et le gouvernement territorial, qui a financé la recherche sur les ressources fauniques, ont tous apporté une contribution.

Nous avons toujours reçu une partie de cette enveloppe pour divers projets de recherche qui vont des levés relatifs au flétan noir à la recherche sur la baleine boréale, le narval, le béluga, l'omble chevalier, et cetera. Le gouvernement territorial a contribué à nos recherches tout en veillant à s'assurer que nous disposions des fonds nécessaires pour faire notre travail. Le ministère a lui aussi consenti des sommes considérables pour la recherche scientifique. Il faut se rappeler qu'il s'agit d'un programme de recherche très coûteux. De six à deux mois de levés dans les divisions 0A et 0B coûtent plus d'un demi-million de dollars, sans compter le temps de tous les intervenants. C'est une somme d'argent considérable. Et c'est pourquoi nous comptons sur les partenariats actuels pour assurer le financement de ces activités.

Nous mettons l'accent sur l'évaluation des stocks. Les données sur les changements climatiques et l'océanographie sont importantes. Vous avez peut-être déjà vu des navires où l'on aligne le long des bords des bouteilles qui servent à prendre des échantillons d'eau. À certains endroits, dans la mer de Beaufort, les bouteilles sont descendues jusqu'à trois kilomètres de profondeur pour y puiser des échantillons à différents niveaux. Les scientifiques peuvent ainsi mesurer la température et noter la composition chimique de l'eau. À partir de cela, ils acquièrent des connaissances sur la direction du flux de l'eau, son mouvement à l'intérieur et à l'extérieur de l'Arctique et son évolution à terme.

Il est impératif de reconnaître que cette information est tout aussi importante pour notre compréhension et notre estimation que ce qui constitue une capture viable pour les stocks. Le fait de comprendre cet écosystème et de réaliser des modélisations nous permet de prévoir ce qui se passera advenant une hausse de la température de l'eau ou de déterminer si les changements dans la composition de l'eau auront une incidence sur les mammifères marins ou les stocks de poisson. Il faut que nous puissions comprendre cela pour pouvoir prodiguer des conseils sur ce qui constitue une récolte viable.

Il importe de ne pas considérer ces activités comme des exercices complètement à part. Tous ces travaux alimentent notre compréhension de l'écosystème et nous aident à prodiguer des conseils scientifiques valables.

Le sénateur Hubley : Les jeunes que vous voudriez former pour effectuer certains travaux scientifiques fréquentent-ils tous des universités dans le Sud? L'enseignement à distance serait-il possible dans le Nord?

Mme Wheatley : Il y a le Collège de l'Arctique du Nunavut. Le campus principal se trouve à Iqaluit, mais il est possible de suivre certains cours de ce collège dans d'autres collectivités au Nunavut. En général, les jeunes qui souhaitent terminer un programme menant à un diplôme doivent nécessairement aller à Iqaluit. Il arrive que Cambridge Bay ou Rankin Inlet offrent de tels cours. Pour suivre la plupart des programmes universitaires exigés, il leur faudrait aller dans le Sud. Toutefois, il y a l'Université de l'Arctique, un programme international qui élabore certains cours. Des étudiants ont suivi des cours auprès de cette institution qui est davantage axée sur le téléenseignement.

Il existe maintenant de nombreuses possibilités grâce à Internet. Le développement des communications, tels le service à large bande et Internet haute vitesse dans le Nord, offre maintenant davantage de possibilités aux habitants d'acquérir une formation à distance, ce qui fait une énorme différence. Peut-être peut-on élaborer des programmes dont la majeure partie serait dispensée en ligne, ou encore organiser des résidences de courte durée. Un nombre croissant d'universités tirent partie de ces nouvelles technologies et offrent davantage de possibilités.

Le sénateur Comeau : Quelles sont les perspectives de pêche ou de pêche commerciale dans la mer de Beaufort? Avez-vous fait des évaluations à ce sujet?

Mme Wheatley : Tuktoyaktuk a fait certains essais de pêche, mais on n'a pu déceler aucun potentiel commercial. Rien n'a été envisagé au niveau commercial. On fait un peu de pêche au béluga dans cette région. Habituellement, les habitants d'une collectivité font des essais de pêche pour voir ce qu'ils peuvent trouver, et s'ils relèvent des niveaux intéressants, à ce moment-là, nous faisons des recherches plus poussées.

Le sénateur Comeau : En ce qui concerne les épaulards, existe-t-il une pêche à l'épaulard? Se contentent-ils de nager librement? J'imagine que personne n'en mange.

Mme Wheatley : L'épaulard ne fait pas l'objet d'une pêche de subsistance. Il nage librement et se nourrit des autres espèces.

Le sénateur Comeau : Je crois qu'au Nouveau-Brunswick et, possiblement en Nouvelle-Écosse, je n'en suis pas certain, il existe quelques élevages d'omble chevalier. Cela pourrait-il avoir une incidence sur la pêche commerciale de l'omble chevalier provenant du Nord? Par exemple, si l'omble chevalier était commercialisé, je me suis toujours demandé si cela pourrait avoir des répercussions, si la différence au niveau du goût pourrait nuire au commerce.

M. Hunt : Le gouvernement du Nunavut a exprimé des préoccupations légitimes à ce sujet. Il souhaite différencier l'omble chevalier sauvage, un pur produit du Nord, de l'espèce élevée dans les Maritimes et au Yukon ainsi que dans l'État de Washington, si je ne m'abuse. Ils insistent sur cette différence, mais à mon avis, si l'on pouvait revenir en arrière, les autorités territoriales auraient été plus vigilantes et n'auraient pas laissé aller le stock de géniteurs à l'extérieur des zones septentrionales naturelles et traditionnelles pour qu'on puisse en faire l'élevage.

C'est un peu comme la différence que nous constatons entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage. Le saumon sauvage se vend plus cher et a peut-être meilleur goût. C'est du moins ce que certains affirment, mais c'est une question d'opinion. Je suppose que les gens pourraient faire la même distinction à l'égard de l'omble chevalier. J'ai constaté que le produit qui vient du nord du Nunavut est très clairement identifié comme provenant de l'usine de Pangnirtung ou de Cambridge Bay. On le commercialise en vantant le fait qu'il s'agit d'un produit naturel.

Le sénateur Comeau : Il n'est peut-être pas trop tard pour intervenir. Les exploitants d'élevage doivent périodiquement refaire leur stock de géniteurs, n'est-ce pas? Les autorités du Nord ne pourraient-elles pas leur fermer la porte en leur interdisant l'accès à ce stock? À ce moment-là, verrait-on des exploitants du Sud se livrer à une pêche clandestine au milieu de la nuit pour essayer de s'approvisionner en stocks de géniteurs? Je ne sais pas.

M. Hunt : Je ne sais pas non plus. C'est certainement un problème qu'il faut régler. Je sais que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Nunavut se préoccupent de la concurrence dont leur produit fait l'objet.

Le sénateur Comeau : En tant que cogestionnaire du MPO, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a manifestement son mot à dire dans la délivrance des permis de pêche applicables aux stocks de géniteurs, et il pourrait dire non.

M. Hunt : C'est juste. Les exploitants d'élevage ne seraient pas autorisés à pêcher des reproducteurs sans se plier à un régime de permis quelconque; en fait, le MPO et ses cogestionnaires assureraient le contrôle de ce processus.

Le sénateur Comeau : À ce moment-là, les gens du Sud ne seraient pas en mesure de regarnir leurs stocks et l'on se retrouverait sous peu avec un type d'omble chevalier élevé dans le Sud dont les stocks ne seraient pas reconstitués avec de nouveaux gènes.

M. Hunt : Je ne m'y connais pas suffisamment dans la reconstitution des stocks. J'ignore si ce renouvellement est nécessaire et, dans l'affirmative, à quelle fréquence.

Le sénateur Comeau : Si vous commencez à entendre un double discours, vous saurez qu'il y a un problème.

Bien entendu, vous avez suivi le déroulement des événements récents concernant la chasse au phoque. Si certains groupes de pression européens obtiennent gain de cause, cela aura une incidence pour des intérêts du Sud, mais les intérêts du Nord seront aussi certainement touchés.

Le MPO collabore-t-il avec le gouvernement du Nord pour tenter de livrer notre message aux Européens. Nous savons que les Européens envisagent de soustraire les Inuits à leur action, mais n'est-il pas mauvais que certains groupes soient exemptés? S'ils réussissent à arrêter la pêche au phoque dans le Sud, le nord sera aussi touché. D'après vous, où en est-on dans ce dossier?

M. Hunt : Je sais que le gouvernement territorial fait partie de la délégation fédérale qui souhaite obtenir l'acceptation globale des produits du phoque. Évidemment, si cela n'est pas possible, il se rabattra sur cette exemption dont vous avez parlé, qui s'appliquerait à la chasse traditionnelle au phoque au Nunavut en particulier.

Je ne suis pas vraiment au courant des derniers progrès sur ce front, mais je sais que le premier ministre du Nunavut fait des pieds et des mains auprès de tous les acteurs européens pour tenter d'obtenir cette exemption. Dans le cas contraire, on peut toujours espérer une acceptation généralisée des produits du phoque, ou à tout le moins, une acceptation de ceux provenant du Nunavut.

C'est un aspect très important de la stratégie du développement au Nunavut. Comme vous le savez, les perspectives économiques du territoire sont très restreintes. Chose certaine, on veut assurément conserver les acquis et accroître aussi le développement. La chasse au phoque a été pour les habitants du Nord une source de revenu et il est important qu'elle soit acceptée et qu'ils puissent conserver ce marché viable et lucratif.

Le sénateur Comeau : Les stocks de flétan noir de la baie Cumberland dont vous avez parlé sont-ils différents des autres stocks? Vous présentez cela comme une pêche distincte.

M. Hunt : Il y a une différence, et nous gérons cela comme un stock distinct, assorti d'un quota distinct. En fait, comme je l'ai mentionné, le flétan noir est pêché à la palangre en hiver. Nous n'avons pratiquement pas eu de succès au cours des derniers hivers à cause de la piètre condition des glaces.

Mme Wheatley : Dans le cadre de nos travaux dans la région, l'un de nos chercheurs a étiqueté un échantillonnage de flétans noir dans la baie Cumberland et aucun des poissons étiquetés n'a été retrouvé. On les a repris dans le détroit, mais aucun d'entre eux n'a été capturé dans la pêche hauturière. C'est ainsi qu'on a décidé que le flétan noir ferait l'objet d'une gestion distincte.

C'est aussi de cette façon que le Groenland gère cette pêche dans son fjord. On croit que les poissons arrivent alors qu'ils sont petits, et la source demeure la même. Ils arrivent en provenance de la baie Baffin et du détroit de Davis lorsqu'ils sont petits, mais ils ne reviennent pas.

Le sénateur Robichaud : Certains des quotas alloués à un moment donné aux régions septentrionales, comme la division 0B sur la carte, ont été accordés à des intérêts du Sud parce qu'ils y avaient établi certaines pêches exploratoires. Cela pourrait-il se reproduire?

M. Hunt : Pour ce qui est de la présente activité et de la pêche exploratoire qui, je l'ai mentionné, pourrait éventuellement découler des travaux d'exploration menés aux environs de Resolute Bay, d'Arctic Bay et de Grise Fiord, la demande provient d'un consortium d'intérêts du Nord composé essentiellement d'associations de chasseurs et de trappeurs de ces communautés. Évidemment, c'est un bon signe parce qu'ils vont compléter le travail exploratoire.

Le concept du lien historique a généralement été respecté dans le contexte de l'attribution des permis d'exploitation d'une espèce de poisson. Bien entendu, cela relève de la discrétion du ministre, mais il semble que le travail préliminaire, à tout le moins, sera effectué par les Nunavummiuts, et nous présumons que cela ne sera pas un problème à ce stade-ci.

Cela pourrait-il se reproduire? Le ministre possède à cet égard un pouvoir discrétionnaire, de sorte que je ne peux me prononcer.

Le sénateur Robichaud : Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras. C'est simplement qu'à mon avis, si les Inuits veulent assumer le contrôle de leurs ressources — et je suis sûr que des pressions sont exercées sur tous les ordres de gouvernement —, on devrait leur donner le premier choix.

Exerce-t-on suffisamment de pression pour empêcher une entreprise d'exploration n'ayant rien à voir avec le Nord de mettre la main sur ces allocations?

M. Hunt : À ma connaissance, aucun autre groupe n'a présenté de demande pour effectuer un travail exploratoire dans ces zones. Si vous lisez le texte du protocole d'entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Nunavut, si vous lisez la réponse ministérielle au groupe d'experts sur l'accès et l'allocation des permis, on y mentionne que pour l'heure, l'accès irait à des intérêts du Nunavut. Encore là, je ne prétends pas parler au nom du ministre, mais la correspondance existante va en ce sens.

Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.

Le sénateur Adams : Je me rappelle qu'avant que vous quittiez le MPO à Iqaluit, on pêchait encore des mollusques et des crustacés dans l'île. Cette activité a pratiquement disparu. Il ne se passe plus rien là-bas maintenant. L'usine a simplement fermé ses portes.

À l'époque, il y avait énormément de myes là-bas. Compte tenu de la présence du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, que croyez-vous qu'il se passera à l'avenir au Nunavut? Il y a présentement une dizaine d'Inuits formés à la plongée pour recueillir des myes. Cependant, je pense que cette activité a cessé.

M. Hunt : On a constaté que cette activité n'était pas économiquement viable. La somme de travail investi et l'analyse requise pour commercialiser le produit, selon moi et selon les gens qui ont été employés dans ce secteur, ont fait que l'entreprise n'était pas viable, du moins à ce moment-là compte tenu du prix en vigueur.

J'aimerais croire que cela représente une possibilité. Comme vous l'avez mentionné, le produit est là. Toutefois, il est nécessaire de procéder à une analyse des mollusques et des crustacés avant de les commercialiser. Cela s'impose, à juste titre selon moi, pour protéger la santé des Canadiens et des autres consommateurs. Les difficultés logistiques associées à toute entreprise commerciale dans le Nord, les volumes disponibles et le régime de réglementation ont, ensemble, contribué à ralentir, sinon à interrompre cette activité.

Je sais que la population locale consomme toujours ce produit. Toutefois, je n'ai pas entendu parler de nouvelles initiatives à ce sujet, ce qui me désole quelque peu.

La vice-présidente : Monsieur Hunt, je regarde la carte, à la page 8, où figurent les divisions 0A et 0B. Je crois vous avoir entendu dire tout à l'heure que la pêche lucrative au flétan noir rapporte environ 55 millions de dollars. Avez-vous dit cela?

M. Hunt : Il s'agit d'un chiffre tiré de la Stratégie des pêches du Nunavut, soit la valeur combinée de la crevette et du flétan noir.

La vice-présidente : La valeur combinée?

M. Hunt : Oui, c'est exact.

La vice-présidente : L'an dernier, on nous a dit que le système de délivrance des permis avait grandement besoin d'être révisé. Des témoins du Nunavut ont fait valoir que la pêche du Nunavut avait pris de l'expansion et que les besoins en permis devraient refléter ce nouvel état de choses.

Pourriez-vous décrire le régime de délivrance des permis en place pour la pêche au flétan noir dans les divisions 0A et 0B? Le MPO délivre-t-il un seul permis de pêche de poisson de fond pour l'ensemble du Nunavut? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Hunt : De fait, le ministère délivre un permis de pêche de poisson de fond au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut pour l'ensemble du Nunavut. À son tour, le conseil subdivise les allocations entre un certain nombre d'intérêts du Nunavut — notamment, la Baffin Fisheries Coalition —, ce qui permet à ces acteurs de se livrer à la pêche.

Les autres aspects de la pêche sont généralement régis par des permis délivrés à l'extérieur de la région d'origine.

Par exemple, un navire peut avoir un permis décerné par le bureau de St. John's, à Terre-Neuve. L'allocation est autorisée de la même façon par le bureau de St. John's, à Terre-Neuve. Le MPO et le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut s'occupent uniquement de l'allocation du Nunavut, si vous voulez.

La vice-présidente : Cela représente-t-il un changement par rapport à l'an dernier, ou a-t-on toujours procédé de cette façon?

M. Hunt : Il en a été ainsi dès le départ. L'allocation a été confiée au CGRFN. C'est lui qui subdivise les allocations entre les différents intérêts du Nunavut. Je sais que ces dernières années, on a reçu des demandes d'autres intérêts qui souhaitaient obtenir une allocation. Le MPO a répondu qu'il avait alloué le volume disponible au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Comme le lui permet l'entente sur les revendications territoriales, le conseil a accordé cette allocation à ces intérêts. C'est le conseil qui décide, et non le MPO.

La vice-présidente : Il n'y a pas de changement.

Madame Wheatley, monsieur Hunt, le comité vous est reconnaissant à tous les deux d'être venus témoigner. Vos conseils nous seront utiles. Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.

La séance est levée.


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