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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 4 - Témoignages du 7 avril  2008


OTTAWA, le lundi 7 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 2 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, nous allons maintenant déclarer la séance ouverte.

Permettez-moi, dans un premier temps, de vous présenter notre premier témoin si longtemps attendu, M. Lord. Ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, il est devenu conseiller spécial auprès de la ministre du Patrimoine canadien, de la Condition féminine et des Langues officielles et a publié le rapport intitulé Rapport sur les consultations du gouvernement du Canada sur la dualité linguistique et les langues officielles, qui a été rendu public le 20 mars dernier.

À titre de rappel, le comité étudie l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

Nous discuterons avec M. Lord de ses récentes consultations pancanadiennes sur les langues officielles ainsi que de ses recommandations.

En tant que présidente du comité et au nom de nos membres, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant nous aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole.

Bernard Lord, auteur du rapport sur les consultations du gouvernement du Canada sur la dualité linguistique et les langues officielles, à titre personnel : Je vous remercie, madame la présidente. C'est avec plaisir que j'ai accepté votre invitation de comparaître ici pour partager mes réflexions et mes pensées sur le rapport que j'ai publié récemment.

Présider les consultations pancanadiennes a été pour moi une expérience très enrichissante. Nous sommes allés d'un océan à l'autre littéralement. Nous nous sommes arrêtés à Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Ottawa, Montréal, Moncton et Halifax. Simultanément, une consultation sur Internet permettait à tous les Canadiens qui le désiraient de partager avec moi et la ministre leur point de vue sur le Plan d'action du gouvernement fédéral sur les langues officielles.

Par la suite, j'ai aussi accepté de procéder à des consultations additionnelles avec différents groupes entre autres, le groupe Société Santé en français et aussi avec les commissaires aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Canada ainsi que d'autres groupes qui ont demandé à me rencontrer un à un.

J'ai préparé un rapport qui, selon le mandat qui m'a été confié, rapporte ce que les gens m'ont dit lors des consultations. Je me suis aussi permis de faire quelques recommandations que j'ai limitées au nombre de 14 et que vous trouverez aux pages 20 à 24 du rapport. Ce sera un plaisir pour moi de discuter davantage de ces recommandations.

Somme toute, ce fut une expérience très intéressante pour moi. Je connaissais déjà bien la réalité des langues officielles au Nouveau-Brunswick, mais cela m'a permis d'approfondir mes connaissances et de rencontrer beaucoup de gens qui ont à cœur le Canada et les langues officielles au Canada et qui voulaient faire avancer la dualité linguistique partout au pays en nous proposant des solutions et des pistes de solutions.

Ce sera un plaisir d'en discuter avec vous aujourd'hui et de répondre à vos questions.

La présidente : Monsieur Lord, j'ai une première question d'ordre général à vous poser. Lors des consultations tenues à travers le Canada et en fonction des personnes représentant les communautés ou les organismes que vous avez rencontrés, quelle est votre perception de cette communauté pancanadienne? Selon vous, s'agit-il d'une communauté qui se fragilise, d'une communauté en bonne santé ou encore une communauté en bonne santé, mais qui aurait peut- être besoin d'un bon coup de pouce pour continuer à maintenir cette santé?

M. Lord : Je dirais un peu des deux. En prenant le temps d'écouter ces gens, j'ai constaté qu'ils ont somme toute confiance, qu'ils ont de l'énergie et qu'ils sont aussi réalistes; ils savent qu'ils font face à certains défis plus grands que d'autres, mais ils ont l'habitude de relever des défis et, par conséquent, ils font preuve d'une confiance face à l'avenir. Les gens soulèvent des questions, des préoccupations et des défis qu'ils veulent relever. Ils cherchent des partenaires et veulent être des partenaires soit avec le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux ou avec d'autres organismes et d'autres individus.

Tout cela pour dire qu'on peut regarder les chiffres; les chiffres peuvent nous donner les statistiques et le recensement, peuvent nous donner certaines indications, mais il faut aussi prendre le temps de voir qu'à certains égards, les communautés sont plus fortes qu'avant, mais qu'elles font quand même face à des défis importants lorsqu'on envisage l'avenir.

Le sénateur Kinsella : Monsieur Lord, merci. Je porte le titre de Président du Sénat et la vérité est que, habituellement, on préfère que je ne parle pas. Heureusement, dans ce comité, j'exerce mes droits. À titre de sénateur du Nouveau-Brunswick, je suis content de voir deux autres collègues du Nouveau-Brunswick ici. Tout cela pour dire qu'en tant que Néo-Brunswickois, nous sommes très au fait de la réalité de la dualité linguistique. Le projet de loi de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick a reconnu les deux communautés linguistiques. Nous avons adopté une résolution au Sénat et à la Chambre des communes, il y a des années, reconnaissant la valeur constitutionnelle de deux communautés linguistiques égales au Nouveau-Brunswick.

Notre province est constituée de plus ou moins 750 000 habitants et le taux de naissance est faible présentement, donc l'immigration est l'un des outils importants de développement du point de vue économique, social, culturel, et cetera. J'ai lu, dans votre rapport, que la question de l'immigration est très importante, selon l'étude que vous avez faite. Pouvez-vous expliquer plus en détail ce défi pour tout le Canada : l'immigration du point de vue des langues officielles?

M. Lord : Merci beaucoup. Je vais d'abord prendre quelques instants, si vous me le permettez, pour vanter les mérites du bilinguisme et de la situation linguistique au Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick, de par son propre statut, s'est doté d'un rôle particulier au sein de la Fédération canadienne afin de refléter les deux communautés linguistiques chez nous, mais aussi un peu partout au Canada. L'une de mes grandes fiertés lorsque j'étais premier ministre du Nouveau-Brunswick, c'est le jour où nous avons adopté une nouvelle Loi sur les langues officielles pour moderniser la loi existante, une loi qui reprenait les principes de la première Loi sur les langues officielles ainsi que ceux de la Loi 88, qui avait été mises sur pied par le premier ministre Hatfield pour s'assurer que les droits des deux communautés linguistiques soient bien respectés.

Le Nouveau-Brunswick est une province où le nombre d'habitants est stable. Dans les dix dernières années, le nombre d'habitants s'est maintenu autour des 750 000.

Lorsqu'on examine la situation linguistique au Canada, le dernier recensement nous démontre que moins de Canadiens identifient le français et l'anglais comme leur langue première. Lorsqu'on analyse les chiffres, il faut examiner l'ensemble des données pour comprendre que les communautés de langue première francophone et anglophone sont en diminution en proportion parce qu'il y a davantage d'immigrants au Canada.

Ce qui est ressorti de nos consultations, c'est la situation qui touchait l'immigration dans les deux langues officielles. Les communautés en situation linguistique minoritaire voulaient faire valoir l'importance de pouvoir attirer des immigrants dans les deux langues officielles, soit en français dans les provinces de l'Ouest ou dans les provinces de l'Est, mais en anglais aussi au Québec. Cette question est ressortie aux deux endroits.

À la page 21 de mon rapport, j'ai recommandé que la nouvelle stratégie appuie des mesures au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire pour assurer l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants, particulièrement les immigrants francophones au sein des communautés minoritaires francophones.

Un des éléments entendu à plusieurs reprises est le besoin d'assurer que les nouveaux arrivants soient conscients des choix qui s'offrent à eux. Il y a parfois des immigrants qui parlent le français, mais qui ne savent pas dès le début qu'ils peuvent immigrer au Canada en français dans certaines régions. Ce n'est que plus tard, une fois qu'ils sont établis, qu'ils réalisent qu'ils auraient pu envoyer leurs enfants à l'école française.

Un autre élément qui se rattache à cette situation, c'est toute la question de la migration de la population d'une province à l'autre. D'un côté, on parle d'immigration, mais plusieurs fois lors de nos consultations, surtout dans l'Ouest du Canada, il a été fait mention de la migration de la population parce qu'il y a des francophones de l'est du pays qui choisissent de poursuivre leur vie et leur cheminement social et économique dans l'Ouest du Canada.

On a aussi mentionné la question de l'appui des immigrants francophones dans l'Ouest et de ceux qui migrent d'autres provinces afin qu'ils soient informés quant à leurs droits et les options qui s'offrent à eux.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella : Puisque notre témoin a parlé de l'adoption de la première Loi sur les langues officielles dans la province du Nouveau-Brunswick, je tiens à souligner que cette loi était le fruit du travail acharné et du leadership du sénateur Robichaud, efforts qui ont été repris par le sénateur Hatfield, puis par le sénateur Simard. Dans le domaine des langues officielles, le Sénat du Canada et notre comité entretiennent une relation particulière avec notre province, parce que ses principaux intervenants au Nouveau-Brunswick ont également joué un rôle de chef de file au Sénat du Canada.

Je crois savoir qu'il y a à l'heure actuelle des discussions dans votre province quant à l'avenir des programmes d'immersion. Est-ce que cette question a été soulevée durant vos consultations pancanadiennes? Je crois savoir que les programmes d'immersion obtiennent d'excellents résultats dans diverses parties du pays. Dans quelle mesure le problème est-il dû à un manque de financement, surtout du financement versé par le gouvernement fédéral aux provinces qui, de par la Constitution, sont chargées de l'éducation et, par extension, de l'enseignement des langues?

M. Lord : C'est une question qui a été soulevée partout au pays. À cette époque, le gouvernement du Nouveau- Brunswick n'avait pas encore annoncé sa décision, mais celle-ci était attendue. Des groupes de parents d'autres régions du Canada savaient qu'il y aurait des discussions quant à l'avenir du programme d'immersion au Nouveau-Brunswick, et ils étaient très inquiets de ce qu'ils entendaient.

Je peux imaginer leur réaction lorsqu'ils ont constaté que le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait décidé d'éliminer le programme d'immersion au primaire. Il y a des programmes d'immersion française partout au pays, mais il y a aussi d'autres programmes d'immersion dans d'autres langues. Je n'ai pas eu la chance de le vérifier, mais dans nos discussions, on m'a dit qu'il y avait jusqu'à 26 types différents de programmes d'immersion pour les enfants au Canada. Ces programmes fonctionnent très bien, et à vrai dire, ils fonctionnent très bien également au Nouveau- Brunswick. Le gouvernement de la province n'essaie pas de résoudre des problèmes liés au programme d'immersion lui-même, mais plutôt à d'autres enjeux.

J'ai fait une recommandation dans mon rapport. Je dis ce qui suit à la première recommandation : je recommande que la nouvelle stratégie concrétisant la prochaine étape du plan d'action continue de refléter l'importance de l'éducation dans le développement des communautés et de la dualité linguistique au pays, et qu'elle donne une place de choix à l'éducation dans la langue officielle de la minorité et de la langue seconde.

Nous savons que la clé de voûte du soutien des communautés minoritaires de langue officielle, c'est l'éducation. C'est probablement l'investissement le plus important que l'on puisse faire, tant collectivement qu'individuellement. En fait, ce n'est pas vrai seulement pour les langues officielles mais aussi pour la prospérité future de notre société. Nous devons investir dans l'éducation.

J'ai aussi soulevé la question de l'enseignement des langues secondes, parce qu'il est important de donner la possibilité à tous les Canadiens — et à tous les habitants du Nouveau-Brunswick — d'apprendre les deux langues officielles et d'autres langues aussi. Notre pays a deux langues officielles, mais si nous nous tournons vers l'avenir du Canada, au XXIe siècle, il sera à notre avantage à tous qu'un plus grand nombre de Canadiens parlent plus de langues, pas seulement l'anglais et le français, mais d'autres langues également. Ces langues ne seront pas seulement des passeports pour ceux qui les parlent mais aussi des portes ouvertes pour le Canada, en tant que pays, dans son interaction avec les autres régions du monde.

Pour revenir au cas du Nouveau-Brunswick — et je l'ai déclaré publiquement — c'est une erreur de la part du gouvernement provincial d'éliminer le programme d'immersion au primaire. Un grand nombre de gens partagent mon avis. Partout au Canada, un grand nombre de parents se sont dit inquiets que si le Nouveau-Brunswick prend cette mesure, comme c'est maintenant le cas, cela laissera entendre que l'immersion n'est pas très importante et qu'il n'est pas vraiment nécessaire que les jeunes apprennent l'autre langue officielle durant l'enfance. C'est faux tant pour le Nouveau-Brunswick que pour l'ensemble du Canada.

[Français]

Le sénateur Tardif : Monsieur Lord, j'ai lu votre rapport avec beaucoup d'intérêt et je suis heureuse d'y voir plusieurs des recommandations. Cependant, je crois que des recommandations clés n'ont pas été proposées et j'aimerais obtenir des explications à cet effet.

L'ancien plan d'action 2003-2008 traitait en partie de la fonction publique. On espérait améliorer la prestation des services dans les deux langues officielles, on visait la participation équitable des Canadiens d'expression française et d'expression anglaise dans l'administration fédérale. On faisait la promotion de l'usage des deux langues officielles au travail ainsi que de l'appui à la formation linguistique des fonctionnaires occupant des postes bilingues.

Dans votre rapport, vous n'avez inclus aucune recommandation se rapportant au bilinguisme dans la fonction publique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Lord : Certainement, et j'apprécie beaucoup la question. Pour ce qui est du bilinguisme et de la capacité de la fonction publique d'offrir des services dans les deux langues officielles, il s'agit d'éléments qui sont ressortis à travers le pays, tant dans les endroits où il y avait des groupes minoritaires francophones que dans ceux où il y avait des groupes minoritaires anglophones.

J'en ai fait mention dans le rapport, mais je suis d'accord avec vous à l'effet que je n'en ai pas fait une recommandation précise. Lorsque j'ai accepté le mandat que m'a confié le gouvernement du Canada, la première étape était de présider des consultations à travers le pays pour permettre aux gens de s'exprimer et d'aider le gouvernement dans l'élaboration de la deuxième phase du Plan d'action.

Lorsque j'ai accepté le mandat que m'avait confié le gouvernement du Canada, ma première tâche était de présider les consultations à travers le pays pour permettre aux gens de s'exprimer et d'aider le gouvernement dans l'élaboration de la deuxième phase du Plan d'action. L'objectif du gouvernement était très clair. Il ne s'agissait pas de développer une nouvelle stratégie, mais de développer la prochaine phase du Plan d'action déjà en place. Le gouvernement m'avait demandé de présider des consultations pour permettre aux Canadiens de s'exprimer sur cette question, et ensuite d'en faire rapport. Mon mandat consistait également à faire en sorte que ces consultations se fassent sur Internet.

Bien que ce ne soit pas précisé dans mon mandat, je me suis permis de faire certaines recommandations. Mon mandat n'était pas de restructurer l'ensemble de la stratégie, ni de revoir la Loi sur les langues officielles, mais bien de permettre la consultation et de rapporter. J'ai donc limité mes recommandations à ce cadre. Dans une de mes recommandations, j'ai dit clairement que le gouvernement doit s'assurer, avec la prochaine phase du Plan d'action, de protéger les acquis et faire en sorte qu'ils soient maintenus. Cela peut inclure les acquis de services dans les deux langues officielles par le gouvernement du Canada.

La Loi sur les langues officielles du Canada exprime clairement l'obligation du gouvernement canadien de desservir la population dans les deux langues officielles et définit cette obligation. À la lumière des discussions que j'ai eues avec les fonctionnaires du gouvernement, il est clair que le gouvernement du Canada prend cette obligation au sérieux et a l'intention de la mettre à exécution. Mes recommandations ne limitent en aucun sens le gouvernement, dans le prochain Plan d'action, pour traiter de cette question.

Le sénateur Tardif : Vous avez indiqué qu'il est important de protéger les acquis. Pourquoi n'avez-vous pas profité de l'occasion, dans votre rapport, pour suggérer que le Programme de contestation judiciaire soit remis en place? Cette démarche aurait été une mesure positive, s'inscrivant justement dans ce qui est suggéré à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Je suis convaincue que plusieurs membres des communautés minoritaires vous ont fait part de leur déception devant l'abolition de ce programme. À mon avis, l'occasion aurait été idéale pour aller de l'avant avec cette recommandation.

M. Lord : En effet, lors des consultations, cette question a été soulevée à plusieurs reprises. Elle n'a pas été dominante lors des discussions et consultations, mais elle a été soulevée à au moins une reprise à chaque endroit. Souvent, une personne dans la salle soulevait la question, cela suscitait quelques commentaires, puis on passait à autre chose.

Il ne fait aucun doute que la question a été soulevée. Plusieurs souhaitent voir la remise sur pied du Programme de contestation judiciaire. Certains ont proposé d'autres mécanismes plus modernes pour régler cette question. À la page 19 du rapport, on parle justement de la situation des droits linguistiques. On indique que, pour augmenter leurs capacités, les organismes communautaires souhaitent obtenir un soutien encore plus grand de la part du gouvernement. Certains proposent la mise en œuvre d'un programme visant la médiation et la résolution de conflits en matière de droits linguistiques, et que ce programme contienne un volet de défense et de promotion des droits linguistiques devant les tribunaux dans des situations exceptionnelles. J'ai tenu à ce que le contenu du rapport reflète les propos des participants.

Si le gouvernement voulait mettre en place un tel programme, un volet de médiation serait fort utile. L'ancien programme était strictement un programme de contestation devant les tribunaux. À mon avis, ce nouveau volet de médiation pourrait donner des résultats plus rapidement.

La raison pour laquelle j'ai choisi de ne pas faire de recommandation précise à cet égard est reliée au fait que, au même moment où je déposais mon rapport, une cause était devant les tribunaux. Par conséquent, j'ai jugé approprié de faire preuve de retenue. Dans cette cause, le gouvernement défendait sa position très clairement par rapport à l'ancien programme et d'autres intervenants défendaient leur point de vue. J'ai tenu à en faire mention dans le rapport, mais j'ai choisi de ne pas en faire la recommandation.

À l'avenir, si le gouvernement devait aller en ce sens, un simple programme de contestation, à mon avis, manquerait une occasion. Il faudrait que le programme permette la médiation. Je crois que ce serait là une meilleure piste à suivre, telle que mentionnée à la page 19 du rapport.

Le sénateur Champagne : Monsieur Lord, j'aimerais d'abord vous féliciter pour ce rapport très intéressant. Il va sûrement aider les gens du gouvernement, qui doivent rédiger ce nouveau Plan d'action, et il nous aidera dans les travaux de notre comité.

Si vous me le permettez, j'aimerais vous raconter une petite anecdote. Il y a deux semaines, les membres de l'Association des parlementaires francophones se retrouvaient à Victoria et à Vancouver pour rencontrer plusieurs groupes francophones. Dans l'avion, une vingtaine d'adolescentes, inscrites dans un programme d'immersion française, revenaient d'un séjour de deux semaines à Paris où elles étaient allées pratiquer leur français. En attendant les bagages, je me suis entretenue avec elles brièvement et me suis rendu compte qu'elles parlaient un français d'une qualité étonnante. On me disait qu'en Colombie-Britannique, 47 000 jeunes sont inscrits dans des programmes d'immersion et qu'en Alberta ce chiffre est presque aussi élevé.

En tant que Québécoise — et je suis la seule autour de cette table aujourd'hui — je m'inquiète beaucoup de ces gens qui, au Québec, voient d'un mauvais œil le fait que nos jeunes apprennent l'anglais très tôt pour qu'une fois leurs études secondaires et universitaires terminées ils soient parfaitement bilingues.

À mon avis, les Québécois qui ne parlent que le français auront du mal à obtenir les meilleurs emplois, alors que d'autres arriveront des provinces de l'Ouest du Canada parfaitement bilingues et souvent connaissant une troisième langue, possiblement leur langue maternelle.

Quelles seraient vos suggestions pour augmenter cette notion sur l'importance d'être bilingue au Québec?

M. Lord : J'apprécie beaucoup votre question. Vous comprendrez que, en tant qu'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, je serais mal venu de donner des conseils aux Québécois et leur dire ce qu'il faut faire et ne pas faire. Toutefois, étant donné que ma mère est Québécoise, je me permettrai quelques commentaires — je suis né au Québec.

Les langues sont un atout très important pour les jeunes du XXIe siècle. Le fait de parler une seule langue suffit peut-être dans certaines circonstances. Toutefois, cela ne remplit pas le plein potentiel de nos jeunes. Les jeunes sont intelligents, capables et confiants. Ils sont en mesure d'apprendre plusieurs langues.

Les chiffres que vous avez mentionnés sur les programmes d'immersions me rappellent certaines anecdotes dont on m'a parlé. J'ai entendu dire que des parents allaient attendre en ligne pendant des jours pour s'assurer que leurs enfants puissent aller aux programmes d'immersion. Les parents comprennent l'importance de l'immersion. Plusieurs gouvernements au Canada comprennent aussi cette importance. Je crois qu'il faut encourager ces parents qui, avec leurs enfants, font ce choix. Il faut les encourager et donner la possibilité aussi à d'autres de faire ce choix.

Il faut s'ouvrir davantage et réaliser que deux langues au Canada c'est bien, mais lorsqu'on se promène en Europe, les gens parlent deux ou trois langues. Il y a deux semaines, j'étais à Amsterdam et les jeunes gens, dans la vingtaine, qui travaillaient à la réception de l'hôtel parlaient quatre langues sans problème, sans se poser de question, sans crise d'identité, avec une facilité à communiquer avec plus de gens. Je suis convaincu que les Canadiennes et les Canadiens sont capables d'en faire autant.

Le sénateur Champagne : Pour être admis à l'université en Suisse, il faut parler quatre langues couramment : le français, l'anglais, l'italien et l'allemand. Nos jeunes ne sont pas moins intelligents. Il s'agit de leur donner l'occasion d'apprendre ces langues.

Vous recommandez dans votre rapport que la nouvelle stratégie donne une place aux arts et à la culture et reflète les actions que le gouvernement fédéral prend pour encourager le secteur.

Dans le plan de 2003, les mots « art et culture » n'existaient pas. On ne les voyait pas. De quelle façon suggérez-vous que nous utilisions les arts et la culture afin aider les langues officielles au Canada?

M. Lord : Les arts et la culture sont des éléments très importants pour les communautés linguistiques en situation minoritaire. Toutefois, je suis d'avis qu'ils sont importants pour l'ensemble de la société. Lorsque j'étais premier ministre du Nouveau-Brunswick, j'ai fait adopter la première politique culturelle de la province. Lorsqu'on regarde l'évolution de l'économie au Canada, dans le monde, il semble y avoir un lien étroit entre les économies qui se développent avec les nouvelles technologies, les nouvelles pensées, l'innovation et les endroits géographiques où on les valorise, la promotion et où il y a des communautés d'art et de culture très dynamiques. Les deux semblent aller de pair. Lorsqu'on regarde la situation particulière des communautés linguistiques en situation minoritaire, on constate que les arts et la culture c'est aussi un moyen de se valoriser, de se faire connaître et de connaître les autres. C'est pour cette raison que j'en fais la recommandation.

De plus, lorsqu'on parle de développement économique dans les communautés linguistiques minoritaires, d'après moi, il y a un lien étroit entre les arts et la culture et le développement économique, surtout le secteur de l'innovation de la pensée. Les créateurs et les penseurs qui développeront toute sorte de choses, non seulement dans les arts et la culture, mais dans tous les domaines, veulent se retrouver dans les endroits où les arts et la culture sont présents. Pour moi, les arts et la culture font partie non seulement des politiques économiques, mais aussi des politiques sociales.

Lorsqu'on regarde la réalité, on en voit souvent des exemples au Nouveau-Brunswick, mais ailleurs au Canada, les arts et la culture sont utilisés pour s'exprimer, s'épanouir, tant sur le plan individuel que collectif. Lorsqu'on parle de la deuxième phase du Plan d'action, il était primordial pour moi d'assurer une place aux arts et à la culture. Les gens qui sont venus à nos consultations un peu partout au Canada voulaient que le gouvernement du Canada assure une place aux arts et à la culture dans la prochaine phase. C'est la raison pour laquelle j'en ai fait la recommandation.

Le sénateur Champagne : Vous parlez d'avoir des objectifs clairs et mesurables. Je pense que c'est un des endroits où on pourrait y arriver.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Lord, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le résumé de votre travail. Je vous félicite. Vous avez reconnu, d'après le dialogue que vous avez entretenu avec les différentes organisations, que le Plan d'action Dion pour les minorités avait été bien exécuté et bien reçu, et que l'ensemble des communautés minoritaires était à la recherche d'une continuité.

Je dois vous avouer que j'en suis très fière. Votre dixième recommandation est la suivante :

Je recommande que la nouvelle stratégie concrétisant la prochaine étape du Plan d'action soit mise en œuvre en étroite collaboration avec les provinces et territoires et que ce partenariat reflète les responsabilités constitutionnelles et juridiques ainsi que les compétences de chacun.

Et vous arrêtez là. Vous savez que, pour faire respecter les responsabilités constitutionnelles et juridiques des différents gouvernements, les communautés en situation minoritaire doivent avoir recours au Programme de contestation judiciaire. Vous avez mentionné tout à l'heure que, effectivement, la situation de l'élimination du Programme de contestation judiciaire avait été soulevée dans vos discussions. J'ai entendu votre réponse, mais en tant que Canadienne française, francophone du Nouveau-Brunswick, ce n'est pas suffisant. Il n'est pas suffisant de dire que la prochaine étape du Plan d'action doit voir à respecter et entreprendre le partenariat nécessaire entre les paliers gouvernementaux et les communautés en question et que les responsabilités constitutionnelles et juridiques s'y reflètent. Ce n'est pas suffisant et vous le savez très bien puisque lorsque vous étiez premier ministre du Nouveau- Brunswick vous avez fait face à une situation avec la GRC.

Je ne comprends pas pourquoi vous avez arrêté là votre dixième recommandation; c'est quand même un dossier fort important pour toutes les minorités. Vous avez entendu la question, comme bien d'autres questions dont vous avez fait rapport, vous avez fait des recommandations, pourquoi pas celle-là?

M. Lord : Si vous me permettez, je vais reprendre les points que vous avez soulevés un par un. Il était clair pour moi que cet exercice ne devait pas devenir partisan et que je n'allais pas me mettre à taper sur ce qui avait été fait avant simplement pour le détruire. Lorsque j'ai parlé au gouvernement, il était clair que l'objectif était de passer à une prochaine phase. Dans le rapport je reconnais que du bon travail a été fait avant. Et si vous voulez me citer là-dessus vous pouvez le faire pourvu que ce ne soit pas pour une publicité électorale. Lorsque j'étais premier ministre du Nouveau-Brunswick, j'ai eu des discussions avec le ministre de l'époque, M. Dion et d'autres membres du gouvernement pour appuyer des initiatives qui touchaient les langues officielles au Nouveau-Brunswick et presque chaque fois, la porte était ouverte et il y avait une bonne collaboration.

Entre autres, la recommandation 10 est là pour refléter le fait que, si on veut réussir à permettre aux communautés linguistiques en situation minoritaire de bien s'épanouir, cela doit se faire en collaboration. Il faut aussi respecter la constitution canadienne et les compétences du gouvernement du Canada ainsi que les compétences des provinces. Comme ancien premier ministre d'une province, je trouve très important qu'un gouvernement protège et respecte la constitution canadienne et les compétences des provinces.

Mais ce que l'on constate, je l'ai vu dans les consultations, et même certains ministres des provinces ont demandé de me rencontrer, c'est qu'il est clair que plusieurs provinces reconnaissent l'importance d'aider leurs communautés linguistiques minoritaires. Elles veulent le faire et je crois que la collaboration et le partenariat sont tout à fait possibles.

En ce qui a trait à la situation de la GRC, lorsque j'étais premier ministre du Nouveau-Brunswick, je crois que nous n'avons perdu aucune poursuite portant sur la question linguistique. Bien qu'il y ait eu des poursuites, entre autres, contre la Ville de Moncton, cela concernait la ville et non la province. Lorsque l'assemblée législative a adopté une nouvelle loi sur les langues officielles, nous avons précisé, dans la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, l'obligation d'offrir des services de police dans les deux langues officielles partout au Nouveau-Brunswick. Il y a certains autres services municipaux qui sont assujettis à certaines normes. Entre autres, les grandes villes du Nouveau- Brunswick, Moncton, Fredericton, Saint-Jean, Edmunston, Miramichi, Bathurst, Dieppe, Campbellton...

Le sénateur Losier-Cool : Tracadie...

M. Lord : Tracadie n'est pas encore une cité, madame la sénatrice, mais cela changera peut-être un jour! Ces villes ont toutes l'obligation d'offrir leurs services dans les deux langues officielles. Il y a d'autres municipalités au Nouveau- Brunswick qui n'ont pas cette obligation, sauf lorsqu'on parle des services policiers. La loi que nous avons fait adopter en 2002 est très claire à ce niveau; les services policiers, peu importe qu'ils soient payés par la province ou non, doivent être dans les deux langues officielles. La raison en est simplement que l'on touche aux droits fondamentaux des individus. Lorsqu'un individu est arrêté par des policiers, il doit être bien informé de ses droits et de la situation à laquelle il fait face. C'est la réalité linguistique et juridique au Nouveau-Brunswick.

Concernant le Programme de contestation judiciaire — et j'accepte le fait que vous n'aimiez pas ma réponse ou que ma réponse ne vous satisfait pas, et je comprends pourquoi — la province du Nouveau-Brunswick, que ce soit sous Louis Robichaud, sous Richard Hatfield, Frank McKenna, Camille Thériault, sous mon gouvernement ou le sous gouvernement actuel, n'a pas adopté de Programme de contestation judiciaire pour faire valoir les droits linguistiques au Nouveau-Brunswick. Les gens ont quand même accès aux tribunaux et ce droit n'est pas brimé pour autant, il existe.

Lorsque j'ai examiné la question, comme je vous l'ai dit tantôt, j'ai clairement entendu les arguments, je les ai rapportés, mais étant donné qu'il y avait une affaire en cours devant les tribunaux, qui, en plus, était au Nouveau- Brunswick, j'ai choisi de ne pas faire de recommandation précise à ce niveau. Comme je le disais tantôt, si le gouvernement du Canada choisissait de mettre sur pied un programme pour valoriser et faire la promotion des droits linguistiques, je lui suggérerais d'inclure, comme on le mentionne à la page 19, un volet de médiation et de résolution des conflits, non pas simplement un programme qui vise à aller devant les tribunaux.

Le sénateur Losier-Cool : Bonjour, monsieur Lord. Je veux moi aussi vous remercier d'avoir accepté de vous libérer pour venir présenter votre rapport à notre comité. Nous avions hâte de vous entendre et je pense que le comité du Sénat peut se féliciter de vous avoir comme témoin.

Je voudrais continuer, dans la lignée du sénateur Champagne, sur la question des arts et de la culture. Cette question tombe à point pour notre comité. Vous avez peut-être su que notre comité est en train d'étudier toute la problématique de la culture francophone en situation linguistique minoritaire. Votre intervention et vos conseils nous seront certainement utiles. Vous avez répondu au sénateur Kinsella plus tôt sur la question des nouveaux arrivants et vous avez dit que les nouveaux arrivants vont aller s'installer où il y a de la culture.

J'ai trois courtes questions et je vais me référer à votre rapport. À la page 13 : les participants ont aussi proposé que le gouvernement appuie des organismes qui ont créé avec succès des liens entre les secteurs de la culture et de l'éducation, par exemple avec de l'animation culturelle dans les écoles.

Est-ce que je peux comprendre que le gouvernement ou le financement qu'il y aurait dans le nouveau plan d'action appuierait les initiatives au Nouveau-Brunswick? Certains districts scolaires ont déjà de l'animation culturelle.

M. Lord : Oui.

Le sénateur Losier-Cool : La recommandation no 5 pourrait suggérer que vous donnez votre appui à des groupes, à travers le Canada, à ce qui se fait déjà au Nouveau-Brunswick.

M. Lord : Je vais essayer de garder mes réponses les plus courtes possible. C'est évidemment au gouvernement de décider comment il mettra en œuvre les recommandations et de décider s'il va les accepter ou non. À ce jour, j'ai confiance que le gouvernement les acceptera et je serais déçu s'il ne le faisait pas.

Les pistes de solutions qui ont été suggérées dans les consultations permettraient au gouvernement de mettre en œuvre la recommandation 5. Les pistes de solutions que l'on trouve à la page 13 vont de paire et permettraient au gouvernement de financer, à travers les différents programmes qu'ils mettront en place, ce genre d'activités, comme on en retrouve au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Losier-Cool : Ma deuxième question — et je vais l'éloigner un peu du Nouveau-Brunswick — renvoie encore à la page 13, lorsque vous dites que « le gouvernement devrait soutenir le développement d'infrastructures physiques qui permettront à la communauté de se ressembler, faciliteront les interventions auprès de la population et serviront de vitrine culturelle. » Est-ce que vous pensez aux centres communautaires?

M. Lord : J'allais donner comme exemple les centres communautaires.

Le sénateur Losier-Cool : Mais cela pourrait être autre chose.

M. Lord : Cela peut être autre chose, il y a plus d'une façon de faire. Permettez-moi de revenir au Nouveau- Brunswick; si on prend l'exemple du Centre communautaire Sainte-Anne, à Fredericton, mon épouse Diane y travaille, c'est beaucoup plus grand aujourd'hui, on avait annoncé des agrandissements qui ont été réalisés cette année. Le centre communautaire offre des activités culturelles et artistiques, c'est un lieu de rassemblement pour la communauté qui permet à ses membres d'échanger et de renforcer leur appartenance. C'est aussi une vitrine pour s'épanouir et faire connaître leur communauté et leur culture. C'est un exemple d'infrastructure.

Il faut reconnaître, parfois, que pour réaliser certains objectifs cela nécessite des investissements ponctuels, qui font en sorte que l'infrastructure soit mise en place pour permettre la continuité. Les centres communautaires permettent aux communautés linguistiques de s'épanouir, tant au niveau culturel que communautaire.

Le sénateur Losier-Cool : Est-ce que le gouvernement fédéral devra désormais financer tout nouveau centre scolaire à partir du plan d'action?

M. Lord : Ce sera au gouvernement fédéral de décider. Je m'en voudrais de parler au nom du gouvernement fédéral, étant donné que mon mandat est terminé avec le gouvernement fédéral. Mais le gouvernement pourrait financer, je crois que des provinces également le font; entre autres au Nouveau-Brunswick, lorsque j'étais en fonction, le gouvernement finançait en partie les centres communautaires.

D'autres gouvernements sont prêts à les appuyer. Cela rejoint la recommandation cinq et la recommandation dix dont on parlait tantôt voulant que des partenariats pussent être établis. Cependant, je ne pourrais pas dire aujourd'hui que le gouvernement devrait financer chaque projet. Le gouvernement devra évaluer chacun des projets selon le mérite.

Le sénateur Losier-Cool : Le Centre communautaire de Sainte-Anne de Fredericton est vraiment un succès. Nombre de mes petits-enfants le fréquentent. Je pense entre autres au Centre communautaire de St. John's, Terre-Neuve. Vous avez certainement rencontré des francophones qui ont un très beau centre, mais c'est tout ce qu'ils ont : une infrastructure physique.

M. Lord : Il faut les deux. Dans certains cas, les gens ont l'infrastructure physique, mais n'ont pas l'appui de la communauté. Les édifices ne peuvent pas vibrer sans les communautés. À d'autres endroits, les gens sont présents, mais l'infrastructure est incomplète. C'est la raison pour laquelle je dis dans le rapport qu'une des pistes recommandées par les intervenants est que le gouvernement soutienne le développement des infrastructures et même les infrastructures déjà existantes en les améliorant ou en les agrandissant si nécessaire.

Le sénateur Losier-Cool : A-t-il été question, dans les témoignages que vous avez entendus, d'un volet culturel qui serait en meilleure ou moins bonne santé qu'un autre? Serait-ce le volet musical, théâtral ou autre?

M. Lord : Le volet radios communautaires est ressorti à plusieurs endroits. Les gens aimeraient avoir des moyens de communication afin de propager la culture. Il y a des aspects : la création et le partage de la création. Il y a également toutes les questions entourant les sites Internet. Comment appuyer cela. C'est ressorti dans le dialogue. Il y aura du travail à faire dans la prochaine phase sur le plan des communications.

Plusieurs secteurs culturels sont dynamiques sur le plan des arts de scène et de la musique, mais il faut aussi voir quels autres mécanismes peuvent être mis en place pour permettre l'accès à ces types de création.

Le sénateur Losier-Cool : Vous avez deviné que ma dernière question portait sur les radios communautaires.

Le sénateur Poulin : La dernière fois que nous nous sommes vus, nous n'étions pas du même côté de la clôture à « Mike Duffy Live ». Vous étiez le stratège conservateur et moi le libéral. Vous êtes un stratège avec qui il est amusant de jouer à la politique. C'était vraiment très amusant.

Ma question porte sur le Programme de contestation judiciaire. Vous avez dit tantôt que c'était bel et bien votre intention de refléter les témoignages que vous avez entendus pendant tout le processus de consultation qui fut très court et très limité géographiquement. Je représente le Nord de l'Ontario au Sénat. Vous connaissez sûrement l'histoire de l'Hôpital Montfort. C'est grâce au Programme de contestation judiciaire que l'Hôpital Montfort a amené devant le système judiciaire de l'Ontario la contestation de la décision du gouvernement conservateur de fermer le seul hôpital francophone de l'Ontario.

Si on n'avait pas eu le Programme de contestation judiciaire, aujourd'hui, l'Ontario français, qui se compose quand même de 1,5 million de personnes parlant français, n'aurait pas d'hôpital d'enseignement pour les professionnels de la santé en français.

Premièrement, vous avez fait référence, à la page 19 de votre rapport, à certaines personnes qui avaient proposé de mettre sur pied un programme de médiation. Je ne comprends vraiment pas cette recommandation qui n'en est pas une parce qu'en Ontario, le système judiciaire a maintenant un processus de médiation obligatoire; ce qui a réduit justement les cas qui vont en cour jusqu'à seulement 4 p. 100.

Deuxièmement, il y a un principe de base en médiation. Il faut qu'il existe un poids égal entre les deux parties. Je pense que l'Hôpital Montfort, face au gouvernement d'Ontario, c'est presque l'histoire de David contre Goliath. S'il n'y avait pas eu le Programme de contestation judiciaire, l'hôpital serait fermé aujourd'hui. La décision était très ferme de la part du gouvernement de l'Ontario. Les pressions avaient été faites par de nombreux intervenants, avec une argumentation très forte de rouvrir l'hôpital. La décision avait été prise.

Je vois une contradiction entre un commentaire dans le rapport et le fait que dans le processus judiciaire, il y a déjà un mécanisme de médiation obligatoire. Pourriez-vous m'expliquer un peu votre pensée?

M. Lord : Il y a une différence entre un processus de médiation amené devant les tribunaux et un processus de médiation tenu entre les parties. C'est ce qui ressort à la page 19 du rapport. Vous dites que les consultations étaient de courte durée. Les gens qui ont été consultés, qui ont accepté de comparaître connaissent bien leur dossier. Ils n'étaient pas pris par surprise. Ils avaient été avisés à l'avance par le ministre qu'il y aurait des consultations et ils étaient heureux d'y participer. La plupart des commentaires et des communiqués qui ont suivi la sortie de mon rapport disaient clairement que la plupart des organismes approuvaient la représentation qu'on avait faite d'eux dans le rapport. Je comprends qu'une des sections qui est ressortie est le Programme de contestation judiciaire.

Le Programme de contestation judiciaire a été utile dans certains cas. Je l'ai déjà dit dans le passé et cela ne me gêne pas de le redire. Mais qu'il y ait un programme de contestation judiciaire ou non, cela n'empêche pas l'accès des tribunaux aux Canadiens. C'est un droit que nous avons en tant que Canadien, que je défends autant que vous. Les Canadiens ont droit d'avoir accès aux tribunaux pour faire valoir leurs droits constitutionnels ou autres. Le gouvernement peut dans certains cas, financer ou non. C'est la décision que le gouvernement a prise.

Oui, les gens m'ont parlé de ce que je dis à la page 19 du rapport. Des gens comme vous, madame le sénateur, m'ont dit qu'ils préféreraient que le gouvernement garde le programme en place. Certains ont dit que même si le gouvernement gardait le programme en place, on devrait avoir un volet de médiation avant qu'un processus judiciaire devant les tribunaux soit entamé. Dans certains cas, cela pourrait aller plus vite.

En termes géographiques, le mandat qui m'a été confié était de faire une consultation pancanadienne, mais nous avons invité les gens et le ministère en question à payer les frais afin que les gens puissent se déplacer pour venir me rencontrer. Je ne voulais absolument pas, lorsque j'ai accepté le mandat, que mon travail retarde la mise en œuvre de la prochaine phase du Plan d'action, parce que la situation des langues officielles est la raison pour laquelle j'ai accepté le mandat. C'est une question qui me tenait à cœur lorsque j'étais premier ministre du Nouveau-Brunswick et qui me tient toujours à cœur aujourd'hui en tant que Canadien. J'ai vu ici une occasion de contribuer au progrès et à l'avancement de la situation de dualité linguistique au Canada. C'est pour cela que j'ai accepté.

Il y a des choses que vous me dites que j'aurais pu faire autrement. J'accepte volontiers votre point de vue. J'ai voulu refléter la situation. J'ai choisi de ne pas faire la recommandation parce qu'il y avait une cause devant les tribunaux. C'est pour cela que je n'ai pas fait de recommandation précise.

Le sénateur Poulin : Aujourd'hui, seriez-vous prêt à recommander au gouvernement la remise sur pied du Programme de contestation judiciaire?

M. Lord : Étant donné que le processus judiciaire n'est pas complété, la cause étant encore devant les tribunaux, je vais m'abstenir de faire la recommandation, comme je m'étais abstenu de faire une recommandation écrite. Si le gouvernement décidait de mettre un programme sur pied, je suivrais la piste à la page 19, qui est un programme qui serait plus complet que celui qui existait auparavant.

Le sénateur Poulin : Vous dites donc que le processus judiciaire est incomplet?

M. Lord : Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis que le processus judiciaire est un processus qui, lorsqu'on l'enclenche, va jusqu'au bout. C'est une façon de régler des conflits. Il y a d'autres façons de régler des conflits qui peuvent être plus rapides, moins coûteuses et moins difficiles que d'aller en cour.

Le sénateur Poulin : C'est dommage que nous n'ayons pas plus de temps pour en discuter.

M. Lord : J'aurais aimé également cela. On pourrait peut-être en reparler sur « Mike Duffy Live ».

La présidente : Je vous remercie beaucoup, monsieur Lord, d'avoir accepté de comparaître devant notre comité.

M. Lord : Je vous remercie beaucoup de m'avoir accueilli et je vous remercie pour vos questions. Je m'excuse auprès du sénateur Murray, car je n'ai pas eu la chance de répondre à sa question.

[Traduction]

Je suis facile à trouver, sénateur. Vous pouvez me poser vos autres questions.

[Français]

Pour ce qui est de mon nom, mon père est anglophone. C'est pour cette raison qu'on prononce mon nom « Lord », et ma mère est une francophone de Roberval. Je suis fier d'être Canadien et je suis content de l'héritage que mes parents m'ont laissé.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant accueillir nos prochains témoins.

[Traduction]

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous présenter les témoins que nous avons invités devant notre comité aujourd'hui. Il s'agit de l'honorable Peter MacKay, ministre de la Défense nationale. Le ministre MacKay est accompagné du major général Walter Semianiw, chef du personnel militaire, et du colonel Louis Meloche, directeur des langues officielles. Je tiens à vous remercier de comparaître devant nous aujourd'hui.

Notre comité étudie l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que les règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi. Aujourd'hui, notre comité discute de la politique des langues officielles de votre ministère.

[Français]

L'honorable Peter MacKay, C.P., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup madame la présidente et membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de discuter de l'engagement de la Défense nationale envers la Loi sur les langues officielles. Je suis accompagnée du major général Semianiw et du colonel Louis Meloche.

Comme vous le savez, chaque institution fédérale a le devoir de favoriser l'emploi du français et de l'anglais à l'échelle du pays, en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Je pense que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes occupent une place de choix pour exécuter ce mandat.

Comme le précise M. Fraser, commissaire aux langues officielles, les Forces canadiennes ont une chance en or de promouvoir les deux langues officielles dans notre pays. Les membres de l'équipe de la Défense nationale servent d'un océan à l'autre, et à l'autre, dans des endroits éloignés comme Alert, au Nunavut, et dans des villes parmi les plus achalandées du pays comme Vancouver, Edmonton et Québec.

Peu importe l'endroit où ils vivent et ils travaillent, les membres du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes n'ont d'autre choix que de se conformer à la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

Mon ministère a étudié avec soin les rapports de votre comité et les autres rapports faisant état de notre rendement, en prévision des questions que vous nous poserez. Nous comprenons que nous devons faire mieux pour promouvoir l'utilisation des langues officielles et favoriser des environnements propices à cette fin. Mais nous devons également procéder de façon à ce que les membres de la Défense nationale et des Forces canadiennes puissent continuer d'exécuter leurs tâches principales avec efficacité.

En tenant compte de l'ensemble de la situation, la Défense nationale a élaboré et mis en oeuvre un plan d'action stratégique qui illustre la manière dont les membres de notre personnel doivent être dirigés, entraînés, gérés et appuyés dans la langue officielle de leur choix.

Intitulé Modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale, le plan d'action renferme trois objectifs : premièrement, s'assurer que les militaires et les civils du ministère de la Défense nationale peuvent mieux exécuter leur travail en respectant la Loi sur les langues officielles; deuxièmement, mettre en place un programme amélioré d'éducation et de sensibilisation qui enseigne aux membres de notre personnel leurs droits et obligations en matière linguistique; troisièmement, créer un système de mesures du rendement qui évalue la capacité du personnel à assurer un leadership uniforme et cohérent ainsi que la prestation des services éducatifs et bilingues prévus dans la Loi sur les langues officielles.

La mise en oeuvre de ce plan quinquennal, amorcée en avril dernier, confirme l'engagement de mon ministère vis-à- vis de la loi. Nous croyons fermement que ce plan rapproche la mission des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale en vertu de la loi.

[Français]

Madame la présidente, nous prenons déjà des mesures pour mettre en œuvre cette feuille de route. Nous avons terminé la première étape de la désignation linguistique des unités afin de déterminer les exigences en matière de langues officielles.

Les membres de mon personnel ont terminé le travail initial sur le cadre d'évaluation du rendement. Nous avons lancé une campagne de sensibilisation active comprenant la publication d'articles, de dépliants et d'affiches. Cette campagne améliorera, à l'interne, notre sensibilisation à l'égard de la loi par le biais d'une trousse d'instructions qui sera offerte à nos coordonnateurs des langues officielles cet été.

Enfin, nous avons entrepris de renforcer notre politique interne à l'égard des langues officielles, dont une bonne partie sera à nouveau publiée cette année.

[Traduction]

La politique sur les langues officielles de l'équipe de la défense est également apparente dans les efforts que nous déployons à l'échelle du Canada. Chacune de nos bases traitent directement les exigences de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Bien que nous visions d'abord à nous occuper de notre personnel, nombre de services offerts dans les installations des Forces canadiennes profitent aussi au grand public, comme on peut s'y attendre. L'exemple le plus évident, c'est que le public peut très souvent s'abonner au service des installations récréatives que l'on trouve sur les bases.

La plupart des membres des Forces canadiennes, à une certaine étape de leur carrière, déménagent dans une région où, avec leur famille, ils font automatiquement partie de la minorité linguistique de la base. C'est une interaction sociale normale dans les communautés. Les bases sont souvent considérées comme faisant partie intégrante des localités où elles sont situées.

Les familles de militaires vivant dans une région enrichissent la vie économique et sociale des villes et des villages environnants. Leur présence augmente les possibilités qu'ont les groupes de langue officielle en situation minoritaire de vivre et de travailler dans la langue de leur choix. Nos centres de ressources pour les familles des militaires, appuyés par les Forces canadiennes, constituent un élément clé de ce processus.

Nos programmes de ressources pour les familles des militaires font un travail exceptionnel dans l'appui offert aux familles, surtout les familles dont des membres ont été déployés. Bien qu'ils soient appuyés par les Forces canadiennes et par le gouvernement pour leur financement, les centres sont souvent dirigés de main de maître par des bénévoles. Le soutien offert par les centres familiaux de ressources pour la communauté militaire sont d'une grande valeur. Leur personnel montre souvent beaucoup d'empathie dans des périodes stress énorme que traversent des familles, surtout les familles qui ont des enfants, lorsque l'un des membres de la famille a été déployé ou a été blessé, par exemple.

Compte tenu de mon expérience récente des six ou sept derniers mois à titre de ministre, je ne saurais trop louer le travail de ceux qui travaillent dans ces centres familiaux de ressources pour la communauté militaire. Ils apportent une aide véritable aux familles des militaires de tout le pays.

Nombre des services offerts par ces centres s'adressent également au grand public. Ils ne sont pas simplement limités à la base. Il y a beaucoup d'interaction, par exemple, lorsque les enfants ont des amis qui vivent à l'extérieur de la base. Les centres fournissent des installations récréatives dont bénéficient les amis des familles et les enfants qui viennent à la base.

C'est un service extraordinaire qui n'est pas toujours reconnu et dont on ne parle pas toujours. Toutefois, des réseaux d'aide aux familles sont extrêmement importants, et le grand public peut également en bénéficier. Ils offrent un réseau social au moyen de bibliothèques, d'installations sportives et de zones récréatives.

Ces centres fournissent également de l'information sur les langues officielles minoritaires, sur les entreprises communautaires, ainsi que des services d'orientation. Les centres font la promotion des deux groupes linguistiques et invitent la population à se servir de ces ressources bilingues, en plus de fournir des possibilités d'emploi et d'aider, dans certains cas, des locuteurs de langues minoritaires à se trouver un emploi à l'extérieur de la base.

Divers centres d'information des bases font la promotion des relations entre les deux groupes au moyen de publications et de diffusions : les groupes linguistiques minoritaires et les bénévoles aident les familles des militaires.

[Français]

Ces ententes ne représentent que le début de ce que peut accomplir l'équipe de la Défense nationale aux termes de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale sont dans une position unique.

Aucune autre institution ne peut offrir aussi largement à nos collectivités linguistiques minoritaires les services offerts par le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes. Nous adhérons totalement à la vision du gouvernement en ce qui a trait à la Loi sur les langues officielles. Nous sommes déterminés à conserver nos langues officielles et les cultures qu'elles représentent.

[Traduction]

Permettez-moi de conclure en disant simplement que nous avons identifié des domaines où nous devons nous améliorer. Nous travaillons avec diligence à mieux respecter la loi. Je suis persuadé que nous déployons des efforts sincères et diligents. Les membres des forces armées, surtout les deux messieurs qui m'accompagnent, ont précisément pour tâche de corriger ces problèmes. Ils rencontrent régulièrement M. Fraser, et je puis dire que pour les Forces canadiennes, le respect de la loi n'est pas un objectif mais un impératif.

Je demanderais maintenant au major général Walter Semianiw de vous faire rapport des derniers développements à la base des Forces canadiennes Borden, puisque ce sujet est à la base de la discussion, ainsi que des mesures correctives entreprises pour régler la situation qui prévaut à cette base.

Je suis prêt à répondre à vos questions, et je vous remercie de votre travail et de votre intérêt constant pour ce sujet important.

Major général Walter Semianiw, chef du personnel militaire, champion des langues officielles, ministère de la Défense nationale : Merci. Je suis grandement reconnaissant de l'occasion qui m'est offerte de vous informer des progrès réalisés quant à l'amélioration de la prestation de services dans les bases des Forces canadiennes, en ce qui a trait aux langues officielles.

Depuis ma présentation devant vos collègues de la Chambre des communes le 6 décembre 2007, la base des Forces canadiennes Borden figure toujours parmi mes priorités essentielles et celles de mon équipe de commandement. Nous avons travaillé rigoureusement à l'amélioration globale de la qualité des services offerts aux membres des Forces canadiennes qui suivent un programme d'instruction ou qui occupent un poste à cette base.

[Français]

Je peux déclarer sans hésitation que la base des Forces canadiennes à Borden travaille sans relâche dans le but de mettre en application les recommandations proposées à l'époque par l'ombudsman.

[Traduction]

J'attire votre attention sur le fait que la Base des Forces canadiennes Borden héberge de nombreuses écoles militaires responsables de l'entraînement de personnel de soutien, ainsi que de techniciens et de spécialistes. Plus de 1 700 militaires sont en service sur la base et, dans les moments les plus forts dans le cours d'une année, quelque 1 800 étudiants y reçoivent une instruction. L'entraînement qu'ils reçoivent va du cours initial de base propre à chaque groupe professionnel ou métier jusqu'au cours avancé pour officier d'état-major, en passant par les cours de spécialistes. Ainsi, malgré les nombreuses initiatives de nature linguistique présentement en cours à Borden et sans compter les ressources additionnelles qui y ont été investies, il faudra des années d'effort soutenu pour corriger pleinement les lacunes de Borden en matière de langues officielles.

La période initiale d'instruction des recrues à la BFC Borden a une grande influence sur la façon dont ils perçoivent les Forces canadiennes en tant qu'institution. Les Forces canadiennes reconnaissent pleinement les droits de leurs membres de recevoir des instructions et des services dans la langue de leur choix. Nous croyons fermement qu'en appuyant l'instruction et la prestation de services dans les deux langues officielles, nous contribuons à rehausser la capacité opérationnelle du Canada.

Voici quelques-unes des mesures prises pour appuyer les membres francophones de la BFC Borden.

[Français]

Nous avons informé les stagiaires ou les étudiants ainsi que les membres nouveaux et actuels, de leurs droits et responsabilités et nous avons expliqué les mécanismes en place afin qu'ils puissent exercer leurs droits.

Une vaste campagne de sensibilisation et d'éducation prévoit utiliser des articles de journaux, des séances d'information, une mise à jour du site web du Directeur des langues officielles et des brochures comme moyens d'informer les gens. Aussi, des affiches et des manuels seront distribués au cours de l'année.

[Traduction]

Nous rappelons sans cesse à la haute direction son obligation d'encourager une culture d'inclusion en s'assurant que les séances d'information, la correspondance, les ordres et les directives sont communiqués aux destinataires dans leur langue officielle. J'ai clairement fait savoir à nos dirigeants, à tous les niveaux, que nos soldats connaissent très bien leurs droits et obligations linguistiques, et ce, peu importe l'endroit où ils sont affectés, y compris à la BFC Borden.

Nous avons nommé un officier supérieur au poste de champion des langues officielles de la base, en plus du coordonateur des langues officielles pour la base. Des coordonateurs pour les langues officielles ont aussi été nommés dans les unités. Les membres de ce réseau ont reçu de la formation visant à les préparer à assumer leurs nouvelles fonctions. Celles-ci incluent entre autres, le mandat d'intervenir pour le compte de tout militaire des Forces canadiennes qui soulève des préoccupations en matière de langues officielles, et ce, sans crainte de représailles.

[Français]

En août 2007, le major général Gosselin, le commandant de l'Académie canadienne de la défense, a rencontré le leadership supérieur de la base afin de mettre l'accent sur l'importance du plan stratégique des langues officielles; aussi il a rencontré plus de 300 étudiants, recrues et personnel francophone afin de discuter de leurs préoccupations.

[Traduction]

Afin de répondre aux besoins de nos étudiants, nous avons pratiquement doublé les ressources financières pour la traduction de matériel. Cette année, nous accordons à cette activité 1,8 million de dollars. Pour les cours de base, 90 p. 100 du matériel est maintenant disponible dans les deux langues officielles. Tout indique que 100 p. 100 de l'entraînement de base sera donné dans les deux langues officielles à compter de 2009 et une concentration accrue des efforts envers les cours avancés sera alors possible.

Nous affectons un nombre équitable de membres bilingues (militaires et civils) à notre effectif de chargés de cours. De plus, nous accroissons notre effectif de fournisseurs de services qualifiés sur le plan linguistique. En fait, nous avons passé en revue 227 postes civiles desquels 25 ont été désignés bilingues et six exigent le français ou l'anglais. Nous avons dernièrement procédé à 15 nominations à des postes bilingues, principalement dans le secteur du soutien administratif, qui offrent des services et un soutien centralisés dans la BFC Borden. Nous avons également pris des mesures énergiques sur le plan militaire afin d'améliorer la situation. Je peux affirmer que, au cours de l'été, nous allons affecter 98 militaires bilingues à la BFC Borden afin de combler les lacunes ciblées dans les secteurs des services et de l'instruction. Ces nombres augmenteront au cours des prochaines semaines alors que nous approcherons de la période active d'affectations.

C'est également avec plaisir que je vous informe que nous avons récemment embauché quatre commissionnaires francophones. Pour les employés des fonds non publics — comme le ministre l'a dit, ce sont les gens qui assurent la prestation de services dans le cadre du soutien familial et des services de loisirs — nous nous engageons à identifier les exigences linguistiques pour tous les postes. Ce processus d'examen tiendra compte de la nécessité de fournir des services dans les deux langues officielles lors de l'établissement du profil linguistique approprié.

Je mettrai le point final à cette question délicate en affirmant : ce n'est qu'un début! Nous prévoyons poursuivre notre travail jusqu'à ce que les lacunes soient comblées. Nous nous assurons que les périodes d'attente sont similaires et équitables pour l'instruction des étudiants francophones et anglophones.

Le Commandement de la Force terrestre travaille actuellement à la mise au point d'un plan d'action en matière de langues officielles qui sera publié le 15 avril 2008 et mis en application au cours des deux prochaines années dans l'ensemble de l'organisation, y compris dans les deux autres bases qui ont été jugées problématiques : les BFC de Saint- Jean et de Gagetown. Ce plan d'action placera le coordonateur des langues officielles dans une meilleure position en vue de conseiller le commandant et les membres des FC dans ces bases. Le plan d'action met l'accent sur les parties IV, V, VI et VII de la Loi sur les langues officielles et consolide le modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale qui est entré en vigueur le 1er avril 2007.

J'aimerais que vous preniez connaissance de quelques-unes des principales recommandations. Le Chef d'état-major de la Défense a exigé que la procédure actuelle qui garantit que 70 p. 100 des lieutenants-colonels et des commandants choisis pour une promotion atteignent le niveau de compétence CBC soit augmentée à 80 p. 100 à compter du présent exercice financier et à 90 p. 100 à compter de l'exercice financier de 2010. Voilà de toute évidence un pas dans la bonne direction. Nous avons également mené une campagne de sensibilisation dynamique dans l'ensemble du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes grâce à la publication d'articles ainsi qu'à la conception et à la distribution de brochures.

[Français]

Enfin et surtout, la mise en œuvre agressive du modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale se poursuit. Notre engagement sans relâche visant à s'assurer que la haute direction peut communiquer dans les deux langues officielles revêt un intérêt particulier.

[Traduction]

Nous devons contribuer au respect de l'anglais et du français comme langues officielles du Canada et aider à assurer l'égalité de ces deux langues au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.

[Français]

De plus, puisque les langues officielles jouent un rôle clé dans le processus de transformation et de modernisation des Forces canadiennes, il est de notre devoir de créer une équipe de la défense professionnelle efficace et durable en s'assurant d'affecter au bon endroit et au bon moment un personnel pleinement qualifié sur le plan linguistique.

[Traduction]

En conclusion, nous sommes pleinement engagés à atteindre ces résultats et à aller de l'avant à la suite des récents succès que j'ai portés à votre attention aujourd'hui.

Le sénateur Kinsella : Général, comme je l'ai dit au témoin précédent, même si j'ai le titre de « Président », mes collègues ne veulent pas vraiment que je parle trop longuement. Je tiens à donner l'assurance aux éminents membres du comité que je serai très bref.

Monsieur le ministre, au Sénat, le Président peut non seulement participer au débat, mais aussi voter. Pendant que vous êtes ici et que j'ai cette occasion publique, je tiens à vous remercier ainsi que le ministère de la Défense nationale pour votre programme d'activités de la Défense nationale au Parlement. J'ai participé à ce programme et, en général, je dois avouer que je choisis de servir avec les hauts gradés des forces armées. Je suis allé en mer à bord du NCSM Ville de Québec et tout récemment à bord du HMCS Charlottetown. Les deux navires sont complètement bilingues.

À bord du Charlottetown, il y a à peine quelques semaines, dans le golfe Persique, j'ai été témoin et très fier du niveau de professionnalisme des marins canadiens et du travail effectué par le commandant St-Denis. Ils ont même fait un arraisonnement la journée que j'ai passée avec eux. J'ai lu dans le journal de ce matin que le HMCS Charlottetown a fait une intervention majeure en abordant un navire français pris d'assaut par des pirates au large des côtes de la Somalie.

D'après mon expérience, nos forces armées ont déjà fait un travail remarquable dans le domaine du bilinguisme, et il est très rassurant de voir les mesures détaillées qui ont été prises pour faire progresser ce dossier.

J'ai une question relative aux opérations. D'après les Forces canadiennes, quels sont les avantages du bilinguisme dans les forces armées, surtout en ce qui a trait à nos engagements internationaux?

M. MacKay : C'est une très bonne question, sénateur. Le programme dont vous avez parlé donne une excellente occasion aux parlementaires, tant les sénateurs que les députés, de constater eux-mêmes ce qu'est la vie militaire, la camaraderie et l'esprit de corps de nos troupes.

[Français]

... l'esprit de corps. Cela existe dans les Forces canadiennes et c'est une expérience formidable pour tous les membres. C'est ouvert à tous les membres des Chambres du Parlement.

[Traduction]

Les députés et les sénateurs peuvent également voir eux-mêmes quel degré de professionnalisme règne au sein des Forces canadiennes ainsi que le degré d'engagement et de courage dans la vie de nos militaires.

Vous avez parlé du travail fait par la Marine. À titre anecdotique, je vous signale que nous avons visité le NCSM St. John's hier, à Halifax. On fait souvent appel aux Forces canadiennes pour participer à des opérations nationales, en collaboration avec la Garde côtière canadienne et Pêches et Océans Canada. Le travail consiste en partie à patrouiller nos eaux territoriales pour éviter la surpêche de façon à préserver les espèces, et la Marine a participé aux efforts de sauvetage des chasseurs de phoque dont le navire avait chaviré, L'Acadien II.

Cette visite d'hier a donné l'occasion à Pêches et Océans Canada de reconnaître le rôle de la Défense nationale et le travail que la Défense fait à l'appui d'opérations importantes de ce genre.

Vous avez parlé également de certaines des interdictions qui sont imposées dans le golf Persique, du travail qui est fait à l'appui de nos efforts et de notre mission en Afghanistan. Cela fait partie des diverses fonctions auxquelles participent de nombreuses directions des Forces canadiennes — la Marine, l'Aviation et les Forces terrestres. Ces forces sont très polyvalentes.

Pour répondre plus précisément à votre question sur les avantages du bilinguisme au sein des Forces canadiennes, ce n'est pas seulement une question d'ordre linguistique, comme nous le savons. Les Canadiens qui ont cette compétence ont une meilleure compréhension et une meilleure sensibilité culturelle, comme je l'ai constaté en Afghanistan. Le fait que nos soldats sont sensibles à la diversité culturelle qui existe dans un pays comme l'Afghanistan leur permet d'être acceptés dans certaines communautés. Cette sensibilité leur permet d'avoir une interaction très personnelle qui contribue grandement parfois à réduire les tensions.

En Afghanistan, le travail se fait principalement au niveau des communautés, et les soldats, surtout ceux qui sont dans des postes de direction, négocient et interagissent directement avec les chefs des communautés, dans divers groupes tribaux, partout au pays. Grâce à la formation linguistique et à la sensibilisation culturelle qui accompagnent cette formation, les soldats canadiens ont une longueur d'avance. Cela leur donne une compétence supplémentaire pour s'acquitter des aspects militaires déjà importants de leur travail. C'est vrai partout, pas seulement en Afghanistan.

[Français]

La capacité de parler français est un avantage distinct et substantif pour le travail sur le terrain. Nos soldats ont la capacité, l'habileté de parler directement avec les populations locales. Je crois que c'est un avantage substantiel formidable pour nos soldats.

Le sénateur Tardif : Dans votre présentation, monsieur le ministre, vous nous avez parlé de votre engagement envers la dualité linguistique et l'obligation de respecter la Loi sur les langues officielles.

Cependant, concrètement, nous savons que plusieurs lacunes ont été identifiées à Borden, ainsi qu'à Gagetown et Saint-Jean.

Si je comprends bien, la personne qui agit à titre d'ombudsman, Mme Mary McFadyen, aurait indiqué au Comité des langues officielles de la Chambre des communes, le 13 mars dernier, que l'enquête était terminée. Je me demandais si le deuxième rapport ou le rapport qu'elle devait présenter est terminé et quelles analyses nous pouvions tirer de ce rapport.

M. MacKay : Le major général pourrait peut-être répondre à cette question. Je n'ai jamais vu ce rapport. Il y a plusieurs rapports à ce sujet à Borden.

Mgén Semianiw : J'étais à Borden la semaine passée où j'ai discuté avec l'équipe et avec des gens du bureau de l'ombudsman vendredi et le rapport n'est pas terminé. Il le sera peut-être dans deux ou trois semaines. Nous avons discuté de ce qui se passe. Il y a des succès et aussi des défis. Pour moi, le plan est correct et nous allons poursuivre avec ce plan. On reste pour le rapport, mais après nous parlerons avec l'ombudsman.

Le sénateur Tardif : Mme McFadyen avait indiqué qu'elle aurait les indications nécessaires pour terminer le rapport dans deux semaines, mais voilà qu'un mois est presque passé et le rapport n'est toujours pas terminé.

Un des grands problèmes est qu'on ne voit pas les ressources additionnelles investies pour mettre sur pied le plan stratégique afin d'apporter des changements à Borden. Pouvez-vous nous assurer qu'il y ait un financement adéquat afin d'assurer le succès de ce plan? On dit qu'il n'y a pas de matériel pédagogique en français pour assurer l'offre de cours en français à Borden et que certains cours ne sont pas du tout offerts en français, qu'il n'y a pas d'instruction possible pour les 300 recrues francophones à Borden. Que faites-vous de cette situation?

M. MacKay : Premièrement, il y a une augmentation des ressources vers les Forces armées canadiennes dans cet enjeu et c'est pour Borden aussi. Il y a eu une augmentation, juste pour la dernière année, de plus de 2,3 millions de dollars pour augmenter le personnel pour les langues officielles, à Borden en particulier, s'il y a un problème, des individus sont désignés pour répondre aux questions, la capacité d'axer les cours, les livres et du matériel en français. Le matériel est un peu ancien en anglais.

[Traduction]

Par exemple, l'un de nos cours est totalement désuet, et tout le matériel pédagogique associé à ce cours doit être amélioré et mis à jour en anglais. Cela ne vaut donc pas la peine de traduire les anciens documents tant qu'ils n'auront pas été mis à jour en anglais. Par la suite, ils seront traduits simultanément.

Je crois savoir qu'à l'heure actuelle, 90 p. 100 des documents sont offerts dans les deux langues officielles à la BFC Borden. Quant aux autres 10 p. 100, ils ne sont pas bilingues parce que le cours lui-même est en train d'être revu et mis à jour. Lorsque ce travail sera terminé, les documents seront fournis dans les deux langues officielles et la totalité des documents de formation seront bilingues.

Le sénateur Tardif : Permettez-moi de vous demander pourquoi ne rédige-t-on pas d'abord la version française pour la traduire ensuite en anglais?

M. MacKay : Comme je l'ai dit, la traduction est réalisée simultanément.

[Français]

Le sénateur Tardif : Vous avez parlé de capacité. Nous sommes passés d'une approche universelle à une approche fonctionnelle avec la nouvelle stratégie à la Défense nationale afin d'assurer la dualité linguistique dans les forces armées. Comment pouvez-vous nous assurer que cette nouvelle stratégie, dite fonctionnelle, se conformera mieux aux attentes sur la Loi sur les langues officielles?

[Traduction]

M. MacKay : Le but de cette nouvelle approche est de garantir que nous satisfaisons aux exigences de la Loi sur les langues officielles, tout en répondant aux besoins des Forces canadiennes, au fonctionnement des unités. Cette approche consiste à veiller à ce que les unités et leurs dirigeants aient la capacité de communiquer efficacement et de faire leur travail.

Dans l'approche que nous vous avons expliquée — et je demanderai au major-général Semianiw de vous l'expliquer plus en détail — on met l'accent sur le caractère fonctionnel et sur la capacité des dirigeants de communiquer directement avec l'unité pour garantir que les bonnes mesures sont prises sur le terrain et durant la formation, contrairement à ce qui se faisait dans l'approche universelle, qui n'a pas donné de bons résultats, à vrai dire, et qui a fait l'objet de critiques.

Le sénateur Tardif : Les militaires sont transférés et ne restent pas toujours dans la même unité. Ils peuvent être affectés à des opérations dans lesquelles aucun de leurs supérieurs ne pourra leur donner d'ordre dans leur langue.

M. MacKay : Le but de cette approche est de voir à ce que tous ceux qui sont dans des postes de commandement puissent fonctionner dans les deux langues. Dans certaines unités, le travail se fait principalement en français, et nous voulons nous assurer que leurs dirigeants seront en mesure de communiquer avec les troupes. L'approche met l'accent sur les dirigeants.

Le sénateur Tardif : Quel pourcentage des dirigeants?

M. MacKay : Le but est d'y arriver à 100 p. 100. Mais nous n'en sommes pas encore là. Cette approche vient d'être adoptée.

Le sénateur Tardif : Où en êtes-vous à l'heure actuelle?

M. MacKay : Dans le cas des dirigeants, à l'heure actuelle, le pourcentage est supérieur à la moyenne nationale, soit d'environ 28 p. 100.

Mgén Semianiw : Dans le cas de Borden, il y a cinq aspects : le premier est la direction. Je reviens de la base de Borden, et les dirigeants sont prêts à prendre en main le dossier et à prendre les mesures qui s'imposent. Le deuxième aspect est la traduction, comme vous l'avez mentionné. Nous avons fourni 1,8 million de dollars supplémentaires pour la traduction des documents. Depuis que nous avons commencé à appliquer cette approche, de nombreux documents ont été traduits, et il y en a plus maintenant dans les deux langues qu'il y a six mois. C'est un pas dans la bonne direction.

Le troisième aspect est le recrutement de personnel bilingue — des employés civils et des fonctionnaires. À Borden, il y a deux volets : les services offerts et la formation dispensée. Nous devons tenir compte de trois secteurs : le personnel militaire, les fonctionnaires et les employés non rémunérés par le gouvernement, comme le ministre l'a dit, qui travaillent dans les centres de conditionnement physique. Nous faisons des progrès à cet égard. La surveillance est essentielle, et l'équipe de Borden s'acquitte très bien de cette tâche. Je me suis rendu régulièrement à la base, tout comme mes commandants, pour mettre en place les mesures qui s'imposent à la BFC Borden.

Pour revenir à votre deuxième argument, je suis un produit de la formation universelle. En bout de ligne, cette formation n'a pas permis d'obtenir de bons résultats; dans ce domaine, il faut concentrer les efforts et établir un ordre de priorité. Nous n'avons pas obtenu de bons résultats en essayant d'offrir la formation à tous, et maintenant, nous nous retrouvons à devoir former plus de gens aux échelons adéquats. C'est pour cette raison que nous avons renversé la vapeur et que nous disons que nous devons nous concentrer sur la formation et sur ceux pour qui c'est nécessaire.

Nous avons maintenant fait le lien entre cette formation et les promotions. Les Forces canadiennes comptent environ 300 colonels et capitaines. Depuis l'année dernière, on exige que 70 p. 100 des candidats aux promotions aient atteint la désignation linguistique CBC. Cette année, l'objectif a été porté à 80 p. 100, et l'an prochain, il le sera à 90 p. 100. Cette analogie s'applique à l'ensemble des Forces canadiennes, pour obtenir le niveau escompté parmi les dirigeants. Ce niveau chez les dirigeants est la première étape. Cela permet de rassembler nos atouts. Le bilinguisme n'est pas seulement une question de loi, c'est aussi une question de leadership.

M. MacKay : Cette réforme entrera pleinement en vigueur à compter de décembre 2011. L'objectif est que tous les officiers généraux — c'est-à-dire les officiers d'un certain rang et des rangs supérieurs — soient tous bilingues au niveau CBC. De cette façon, nos soldats n'auront jamais à s'adresser à un officier supérieur dans une autre langue que la langue de leur choix. C'est le but visé.

[Français]

C'est le but visé actuellement par les fforces armées.

Le sénateur Champagne : Je comprends qu'il est important pour un officier de communiquer dans les deux langues officielles. On pourrait se trouver dans une zone de combat — comme nous avons des militaires en ce moment — et des ordres pourraient ne pas être compris par le soldat censé répondre à ce commandement. Il faut que le commandant soit capable de parler dans les deux langues sinon le soldat doit être capable de comprendre ce qu'on doit lui dire dans les deux langues.

M. MacKay : Vous avez raison. C'est clair qu'il est nécessaire dans certaines situations de pouvoir parler directement avec tous les soldats. C'est la raison pour laquelle on s'est concentré sur le leadership de chaque unité. Personne ne doit se retrouver dans une situation où la communication est déficiente.

Colonel Louis Meloche, directeur des langues officielles, ministère de la Défense nationale : Il n'y a pas d'unité bilingue dans la force régulière. Toutes les unités de combat ont la désignation soit francophone ou anglophone. La langue de travail dans ces unités est le français ou l'anglais. Il n'y a aucune confusion possible lorsqu'on est en situation de combat et qu'on donne des ordres pour atteindre un objectif. On est en mesure de le faire dans une langue, soit la langue de travail de l'unité.

Le sénateur Champagne : Une unité de travail comme celle-là compte combien de soldats?

Col. Meloche : Cela varie. Par exemple, un bataillon du Royal 22e Régiment peut compter 800 personnes. La langue des opérations de ce bataillon déployé en Afghanistan est le français. Au niveau de l'état-major du bataillon, il y a un groupe bilingue qui est capable de parler en anglais avec le quartier général de la force au complet. Cependant, la langue de travail de l'unité, la langue que le soldat utilise pour conduire les opérations, c'est vraiment la langue assignée à son unité. Pour les unités de combat, elle est unique. Aucune unité de combat n'est bilingue.

Mgén Semianiw : Le leadership, ce n'est pas seulement pour les officiers. C'est peut-être un mythe. Le leadership compte aussi les sous-officiers. Donc, c'est un plan pour les sous-officiers également.

Le sénateur Champagne : Vous nous avez dit que vous faites vraiment des efforts pour suivre la partie VII de la Loi sur les langues officielles et que l'accès à la formation linguistique, que ce soit en français ou en anglais, est plus facile qu'il ne l'était. Pourtant, nous entendons beaucoup de rumeurs et d'insinuations.

Est-ce que la langue maternelle d'un militaire pourrait nuire à ses chances d'obtenir une promotion? Aurait-il plus de chance s'il parle anglais ou s'il est bilingue? Nous entendons malheureusement trop souvent que si c'est un francophone, il va attendre longtemps avant d'avoir une promotion. Prouvez-nous qu'on a tort de nous dire cela.

M. MacKay : Ce n'est pas vrai. La langue officielle n'est jamais un critère pour obtenir une promotion. Dans les Forces canadiennes, les chances sont les mêmes pour un anglophone et un francophone. En même temps, il faut absolument reconnaître que beaucoup de travail a été fait pour améliorer les services. Il est évident que toutes les régions n'ont pas la possibilité d'avoir des entraîneurs, des programmes et des livres en français. Cela varie. C'est pourquoi nous faisons cet exercice. Ce n'est pas un problème qui vient tout juste d'arriver. Cela existe depuis 30 ans. On a fait beaucoup de progrès, mais il y a encore à faire.

Pour la promotion et les opportunités dans les Forces canadiennes aujourd'hui, cela ne constitue pas une barrière.

Le sénateur Champagne : Mais si on est bilingue, c'est encore mieux?

M. MacKay : Ce peut être un avantage de connaître les deux langues.

Le sénateur Champagne : Je le dis avec un sourire, monsieur le ministre. C'est le cas un peu partout.

M. MacKay : On pourrait dire que le fait de connaître les deux langues officielles constitue un avantage pour tous les Canadiens, et ce, dans chaque département.

Le sénateur Champagne : Que faites-vous pour promouvoir les droits linguistiques des membres des Forces armées afin que chacun connaisse vraiment ses droits et ses recours? Que faites-vous pour vous assurer que chacun sait qu'il a des droits linguistiques à l'intérieur des Forces armées?

M. MacKay : Il existe de la documentation. De plus, sur les bases, des personnes désignées sont là pour répondre aux questions.

[Traduction]

Le mgén Semianiw répondra à cette question, mais nous avons un exemple des brochures qui sont conçues précisément pour répondre aux questions d'une personne, francophone ou anglophone, qui est confrontée à des problèmes ou qui a des questions au sujet des programmes, de la formation et des promotions dont elle peut bénéficier. Nous avons également un site Web. En outre, des personnes sont expressément affectées à ce travail dans la base.

Le sénateur Champagne : Je suis très heureuse d'entendre qu'il y a une personne à qui parler. Cela vaut toujours mieux que de consulter un site Web ou une brochure.

M. MacKay : Je vais demander à mes collègues de vous fournir de plus amples renseignements.

Mgén Semianiw : Nous nous assurons de mener une bonne campagne de sensibilisation. Comme l'a dit le ministre, cette petite brochure a été rédigée récemment. On y explique clairement quels sont les droits des personnes et quelles sont les obligations de l'institution à l'égard de ces droits. En outre, nous venons de mettre à jour le site Web sur les langues officielles au ministère et aux Forces canadiennes. À la BFC Borden, nous disposons maintenant de coordonnateurs dans chaque unité. Ceux-ci veillent à ce qu'il y ait une personne à qui s'adresser en cas de problème.

Est-ce parfait? Non. Est-ce mieux que c'était? Bien sûr. Savons-nous ce qu'il nous reste à faire? Oui, et nous prenons toutes les mesures nécessaires à cette fin.

[Français]

Col. Meloche : À titre de directeur des langues officielles, je suis responsable du réseau des coordonnateurs des langues officielles au sein des Forces canadiennes et du ministère. Dans chaque groupe de premier niveau, comme l'armée, la marine et l'aviation, un coordonnateur se rapporte à moi. Ce réseau de coordonnateurs s'étend ensuite au niveau des bases, des escadres et des unités. Nous avons redonné vie à ce réseau depuis septembre dernier. J'ai eu deux réunions avec ce groupe et j'en aurai deux autres d'ici le mois de juin. Nous sommes en train de finaliser l'élaboration d'une trousse de formation destinée aux coordinateurs afin qu'ils comprennent leurs rôles et les droits linguistiques.

Le mgén Semianiw vous a montré une brochure. Des affiches sont en cours de production qui illustrent, pour les militaires, leurs familles et les employés civils, quels sont leurs droits linguistiques.

Comme le ministre l'a indiqué, le deuxième but du modèle de transformation est la sensibilisation. Il faut s'assurer que les gens connaissent leurs droits, et nous travaillons beaucoup à l'atteinte de cet objectif.

Le sénateur Champagne : Je terminerai en vous disant que nous partageons votre chagrin suite au désastre survenu à Québec la fin de semaine dernière.

Le sénateur Losier-Cool : Pourriez-vous nous donner le pourcentage de personnes bilingues dans les Forces canadiennes?

M. MacKay : Vous aimeriez un pourcentage global?

Le sénateur Losier-Cool : J'aimerais un pourcentage pour toutes les Forces canadiennes. Le Col. Meloche a mentionné les trois secteurs. Je comprends que ce chiffre puisse être difficile à déterminer compte tenu de l'éparpillement des effectifs. Est-ce que les Forces canadiennes sont bilingues?

M. MacKay : Le pourcentage est de 28 p. 100. Ce chiffre a augmenté à chaque année, au cours des deux ou trois dernières années.

Le sénateur Losier-Cool : Ce chiffre est représentatif de la population canadienne en matière de bilinguisme.

M. MacKay : Je crois que le pourcentage est plus élevé que dans la population canadienne.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Aux fins du compte rendu, je vais vous demander de nous fournir certains renseignements de base que nous n'avons pas encore, je crois. Depuis déjà longtemps, l'objectif de la politique linguistique a été de garantir une représentation équitable des deux communautés de langues officielles dans toute la fonction publique. Quelle est la proportion des Canadiens anglophones et des Canadiens francophones au sein des Forces armées? Également, quelle garantie pouvez-vous nous offrir de ce qu'il y a représentation équitable à tous les échelons? C'est important.

De plus, je ne suis pas certain de bien comprendre ce que l'on dit au sujet des unités. Il y a des unités francophones, des unités anglophones et des unités bilingues. Qu'est-ce qu'une unité? Y a-t-il des divergences de taille entre elles? Combien en existe-t-il dans chaque catégorie, francophone, anglophone et bilingue?

Enfin, le ministre nous dit que les possibilités de promotion dans les Forces armées sont égales pour tous, sans égard à la langue maternelle des candidats, mais je doute que les francophones et les anglophones aient les mêmes possibilités de formation dans les forces armées. Comme je l'avais dit à l'époque, le gouvernement a commis une grave erreur en fermant le Collège militaire royal de Saint-Jean, en 1994. Je crois savoir que le gouvernement actuel prend des mesures pour corriger ce problème, mais le Collège militaire royal de Saint-Jean n'a pas encore été complètement rouvert. Pourriez-vous nous expliquer où les choses en sont?

Monsieur le ministre, dites-nous d'abord quels sont vos plans au sujet du Collège militaire royal de Saint-Jean? Deuxièmement, sans entrer dans les aspects politiques, vos officiers pourraient nous expliquer l'importance de cette institution actuellement et son rôle dans la formation d'officiers francophones pour les forces armées.

M. MacKay : Les chiffres sont assez semblables, en fait. Le nombre général des francophones dans les forces armées, à l'échelle nationale, est à 28 p. 100 et ne cesse d'augmenter. En fait, j'ajouterai que parmi toutes les provinces, c'est au Québec que nous obtenons le plus grand nombre de recrues. Nous recrutons à peu près autant de gens dans cette province que dans les provinces de l'Atlantique.

Le sénateur Murray : Je voulais que vous me disiez qu'il y a effectivement représentation équitable à tous les échelons.

M. MacKay : J'y arrive. Chez les dirigeants, c'est-à-dire les officiers d'état-major, les majors, colonels et généraux, la proportion est d'environ 28 p. 100. Par conséquent, chez les officiers généraux, les officiers d'état-major, la proportion est également à 28 p. 100.

Ces chiffres sont supérieurs à ce que nous considérons être la moyenne nationale — qui s'établit à 21 p. 100 de francophones, dans tout le pays. Le pourcentage est donc supérieur dans les forces armées que dans la population canadienne.

Le sénateur Murray : Les francophones représentent un peu plus de 21 p. 100 de la population, n'est-ce pas?

[Français]

Col. Meloche : Le dernier sondage de Statistique Canada indiquait que le chiffre est passé de 24 à 21,8 p. 100, par rapport à la population canadienne, pour ce qui est du nombre de francophones.

[Traduction]

M. MacKay : De toute façon, ce sont les chiffres actuels. Comme je l'ai dit, cette proportion augmente.

En tout cas, le nombre des officiers bilingues augmente beaucoup et cette augmentation est directement liée à la transformation en cours, dont l'objectif est de faire en sorte que tous ces postes de haut niveau soient désignés bilingues d'ici 2011.

Je n'ai pas sous les yeux le nombre des unités francophones par rapport aux unités anglophones. Le mgén Semianiw sera mieux en mesure de répondre aux questions sur les unités. Je reviendrai ensuite au rôle futur du Col.lègue militaire royal de Saint-Jean.

Mgén Semianiw : En ce qui a trait à la taille des unités, elles peuvent compter aussi peu que 50 personnes ou autant que 500, 600 ou 700 personnes.

Outre la question de la représentation équitable, le nouveau plan vise les services. Quelle que soit l'unité à laquelle vous appartenez, vous avez besoin de certains services, comme on l'a déjà dit. Par conséquent, si vous appartenez à une unité francophone, comment pouvez-vous obtenir ces services en anglais et en français?

Le sénateur Murray : Combien y a-t-il d'unités dans chaque groupe, anglophones, francophones et bilingues?

Col. Meloche : À l'heure actuelle, les Forces armées comptent 547 unités, dont 61 sont francophones, 310 anglophones, 170 bilingues, et 6 sans désignation linguistique. Les unités des Rangers canadiens du Nord du Canada, par exemple, n'ont pas de désignation linguistique parce que la langue maternelle de leurs membres n'est ni le français ni l'anglais.

M. MacKay : Il arrive que les unités soient réunies, parce que des déploiements sont effectués. Par exemple, il peut arriver que deux unités soient fusionnées pour un certain déploiement, ce qui modifie les pourcentages.

Le sénateur Murray : Veuillez continuer, major général Semianiw.

Mgén Semianiw : À partir de ces chiffres, vous constaterez que la plupart des unités bilingues sont des unités de formation; des unités dans lesquelles de la formation est offerte. À l'école d'infanterie de Gagetown, il y a des étudiants francophones et des étudiants anglophones. Par conséquent, cette unité doit être bilingue. Il en va de même dans toutes les autres unités. Mon organisation doit être bilingue, car elle compte un large effectif de formation — la BFC Borden en est un bon exemple.

En outre — et je n'ai pas eu le temps de l'expliquer complètement — nous avons mis sur pied une autre initiative que vous trouverez très intéressante. Nous avons commencé à établir des partenariats avec des collègues communautaires de tout le pays. Cette mesure vise à nous doter de la capacité de fournir de la formation en français aux étudiants francophones.

Nous bénéficions de l'aide d'un certain nombre de collèges communautaires pour fournir cette formation en français. Étant donné qu'il existe un problème de ressources à Borden, ce programme a été entrepris en septembre, à titre de projet pilote, avec cinq collèges de différentes régions du pays. Le ministre était présent à l'un de ces collèges lorsque nous avons signé le protocole d'entente et mis sur le pied le programme. Ce programme a donné de bons résultats dans un certain nombre de domaines, surtout dans le domaine des langues officielles.

M. MacKay : Vous avez posé une question importante au sujet du Collège militaire royal de Saint-Jean. Je suis entièrement d'accord avec vous.

[Français]

Je suis entièrement d'accord avec vous, c'est dommage. Il y aura une décision de fermeture de cette institution. Comme le collège de Kingston, c'est une institution formidable pour la région de Québec.

[Traduction]

Nous avons décidé de rouvrir ce collège. Il sera extrêmement important pour la formation des Forces canadiennes au Québec. Partout au Canada, les cadets auront la possibilité de s'inscrire à des cours soit en français soit en anglais. Il est certain qu'au Québec, un nombre disproportionné de cadets choisiront de faire tout le programme en français. Il y aura aussi de la formation linguistique à ce collège, tout comme c'est le cas à Kingston.

On y offrira un programme d'arts et de sciences. C'est un programme assez semblable à celui dispensé dans les collèges d'enseignement général et professionnel, les Cégeps. Le programme sera considéré comme un système de relève pour les officiers. Pour répondre à votre question précédente, ce programme influera également sur le nombre des officiers aux échelons et rangs supérieurs, aux postes de dirigeants, qui reçoivent au Québec cette formation militaire particulière.

Cette mesure permettra de rouvrir une institution bilingue conçue expressément pour les militaires du Québec. Nous en sommes encore aux étapes initiales de planification. Les diplômés francophones ou anglophones pourront s'inscrire ensuite au programme universitaire de deuxième année qui se poursuivra, s'ils le choisissent, au Collège militaire royal du Canada à Kingston. Ils pourront ainsi améliorer leur socialisation initiale, si je puis m'exprimer ainsi, une socialisation qui commence entre les cadets lorsqu'ils sont plus jeunes, en préparation pour la formation d'officiers supérieurs.

Le sénateur Murray : Je l'apprécie. C'est un progrès par rapport à la situation des années antérieures, mais le collège du Québec n'est pas l'équivalent francophone du Collège militaire royal du Canada, de CMR, n'est-ce pas?

M. MacKay : C'est exact. Ce n'est pas l'équivalent. Cela dit, sénateur, en prévision de votre prochaine question, serait-il préférable qu'il le soit? Oui, nous le préférerions, et c'est en tout cas une possibilité. Comme vous l'avez dit, c'est un pas dans la bonne direction.

Lorsqu'on ferme une institution dotée de programmes de cette taille et de cette ampleur, d'une telle histoire et d'une telle infrastructure, il faut du temps pour le rouvrir. Nous n'avons pas de commutateur qui nous permettrait de rétablir les programmes antérieurs au même niveau qu'ils étaient.

Malheureusement, le collège a perdu une partie de ses connaissances institutionnelles. Il faudra quelques années avant que l'on puisse prendre la décision qu'il peut être l'équivalent francophone du CMR.

Le sénateur Murray : Dans quelle mesure le CMR est-il bilingue?

M. MacKay : À l'heure actuelle?

Le sénateur Murray : Oui, c'est exact. N'êtes-vous pas le chancelier de ce collège?

M. MacKay : Oui. C'est moi qui porte ce titre.

Les programmes sont disponibles dans les deux langues officielles à Kingston. Le collège est extrêmement bilingue. En fait, un certain nombre de mes employés à des postes d'attachés sont des diplômés du CMR. Le collège de Kingston met fortement l'accent sur le bilinguisme, tout comme ses professeurs.

Le sénateur Murray : J'espère que l'on continuera à réaliser des progrès pour rétablir le Collège militaire royal de Saint-Jean et lui donner le statut qu'il devrait avoir, celui d'équivalent francophone du CMR.

Je sais que notre collègue, le sénateur Dallaire, qui était associé au Collège militaire royal de Saint-Jean, a été très déçu par la décision qui a été prise et qu'il en a parlé depuis. Mais je ne veux pas lui prêter de propos.

M. MacKay : A-t-il été déçu par sa réouverture?

Le sénateur Murray : Non, il a été déçu qu'il ait été fermé, mais il est heureux qu'il soit réouvert.

La présidente : Il l'a déclaré au Sénat.

Le sénateur Murray : J'espère que les progrès continueront et que le collège recevra le statut qu'il devrait avoir, d'après bon nombre d'entre nous. De toute évidence, vous êtes sympathique à cette idée.

M. MacKay : Je vous remercie de soutenir l'initiative du gouvernement à cet égard.

La présidente : Avant de donner la parole au sénateur Ringuette, pourriez-vous nous consacrer encore 10 minutes? Serait-ce abuser de votre bonne volonté?

M. MacKay : J'ai un autre rendez-vous dans 15 minutes environ, et je puis donc rester encore quelques minutes.

La présidente : Par la suite, si mes collègues ont d'autres questions à poser, le colonel et le major-général pourraient- ils encore rester avec nous quelques minutes?

Mgén Semianiw : Oui, nous pouvons rester.

[Français]

M. MacKay : Madame la présidente, si vous avez d'autres questions, vous pouvez les envoyer à mon bureau ou à moi-même, nous essayerons d'y répondre le plus rapidement possible.

La présidente : Sénateur Ringuette, voulez-vous poser une dernière question au ministre?

Le sénateur Ringuette : J'aurais beaucoup de questions à poser, mais le message que j'aimerais livrer, essentiellement, est que, certes, il y a du rattrapage à faire au niveau de la formation pour les recrues et le personnel des Forces canadiennes. Mais avec tous les efforts et les montants d'argent consacrés au recrutement, une fois que nous avons ces jeunes personnes, que nous avons engagé des coûts de formation, nous voulons les retenir après une période de quatre ou cinq ans, parce que le plus gros des investissements est fait.

On examine la possibilité d'une période d'attribution et il faut redoubler d'efforts pour aller chercher de jeunes recrues, compte tenu de la compétition du marché. Il faut que vous vous occupiez tout de suite de l'éducation des enfants des recrus. Il faut qu'il soit possible, pour les enfants des recrues actuelles qui renouvellent leur mandat sur une base militaire quelconque au pays, de bénéficier d'une éducation dans leur langue.

Je vous fais ce commentaire parce que je ne suis pas persuadée que cet élément figure dans vos priorités actuelles. En plus des investissements que vous faites dans le recrutement et la formation, si vous voulez maintenir cette force ouvrière, il faut vraiment que vous releviez le défi du choix de la langue pour l'éducation des enfants de vos militaires.

M. MacKay : Si je comprends bien, votre question porte sur l'éducation des enfants des militaires et du personnel sur la base?

Le sénateur Ringuette : Si vous n'appuyez pas les familles, vous allez perdre votre personnel.

M. MacKay : Vous avez raison, il s'agit d'une priorité. Il faut trouver des moyens de retenir nos recrues. La capacité de parler les deux langues officielles amène un investissement important pour les Forces canadiennes. Dans le secteur privé, le marché est très compétitif et pour les Forces canadiennes, c'est un défi parce qu'en plus du coût de la formation linguistique, le coût de l'entraînement dans les Forces canadiennes est très élevé. Dans le secteur privé, la compétition est très forte parce que souvent le salaire est très attrayant.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le ministre, j'espère que vous avez compris mon message. Il faut s'occuper des familles, certes, mais il faut s'assurer que l'éducation des enfants des officiers sur la base militaire soit disponible dans la langue de leur choix.

M. MacKay : Oui, parce dans certaines familles canadiennes, on perpétue une tradition. Parfois, le père, la mère et le grand-père ont fait partie des Forces canadiennes et les enfants prennent la décision d'en faire partie.

[Traduction]

Malgré tout le respect que je dois aux générations précédentes des forces armées, le soutien accordé aux familles a beaucoup évolué, non seulement en ce qui concerne la sensibilité linguistique, mais aussi en ce qui concerne la sensibilité culturelle, surtout durant les déploiements et compte tenu de la grande mobilité de nos soldats. Nos militaires doivent se déplacer pour recevoir de la formation pendant des périodes prolongées. Ils doivent déménager subitement de la région où se trouve tout leur réseau de soutien familial, même si celui-ci est à l'extérieur de la base, pour aller se réinstaller à l'autre bout du pays, dans le Nord ou dans une base isolée. La base de Cold Lake, par exemple, est très isolée.

Nous avons apporté des changements dans le réseau de soutien dont vous parlez, pas seulement dans les écoles, mais aussi dans les garderies, les services récréatifs et les services de counseling qui sont parfois nécessaires durant les périodes de séparation des familles, des situations que l'on trouve encore à des taux disproportionnés dans les forces armées.

Tous les problèmes ne sont pas réglés, cependant. Les Forces canadiennes modernes font de grands progrès pour se montrer plus sensibles aux besoins des familles, pour les faire participer aux décisions et pour tenir compte des besoins linguistiques et éducatifs des enfants.

Vous faites valoir de bons arguments. Il y a eu des progrès, et les Forces canadiennes apprécient grandement le travail que vous et votre comité faites dans ce domaine.

[Français]

Le sénateur Champagne : Monsieur le ministre, avant de partir je voudrais que vous disiez aux Québécois et aux amateurs d'architecture, de patrimoine et de souvenirs que vous allez faire l'impossible pour reconstruire le Manège militaire de Québec.

M. MacKay : Vous avez raison, c'est une tragédie et malheureusement c'est impossible de reconstruire exactement le même édifice.

[Traduction]

Ce bâtiment militaire est un joyau. C'est plus que de simples briques et du mortier; c'est un symbole d'importance historique pour le Québec et pour tous les Canadiens.

[Français]

Le sénateur Champagne : Puis les amis des Voltigeurs l'espèrent.

M. MacKay : Certainement. Notre intention est d'appuyer les Voltigeurs et les efforts de la province de Québec et de la ville de Québec et de toute personne qui voudrait ressusciter l'édifice.

[Traduction]

C'est en tout cas l'intention du premier ministre. Lorsqu'il a été informé de cet incendie tragique, il a communiqué immédiatement avec moi et avec le ministère pour dire que nous devons nous concentrer sur la réparation de ce bâtiment et collaborer avec toutes les personnes nécessaires à cette fin. Je puis vous assurer que c'est notre intention.

Le sénateur Champagne : Avec un peu de chance, nous pourrons être entendus aux nouvelles de 23 heures.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons permettre au ministre de quitter pour ses autres fonctions, mais le major général et le colonel ont accepté gracieusement de rester quelques minutes additionnelles parce qu'il y avait encore une ou deux questions.

Le sénateur Ringuette : Le mgén aurait peut-être des commentaires additionnels à formuler suite à mes commentaires concernant les coûts de formation et qu'il faut avoir une approche beaucoup plus inclusive pour l'avenir et faire en sorte que les enfants de nos officiers, vivant sur les bases militaires et la plupart du temps déracinés de leur communauté, puissent recevoir une éducation dans leur langue. Bien entendu, il y a aussi tout l'aspect culturel et récréatif. Quels sont vos commentaires à ce propos?

Mgén Semianiw : En anglais, on dit : « You recruit an individual, you retain a family. » C'est la chose la plus importante pour moi et ceux qui travaillent pour moi. L'éducation en français pour les étudiants francophones est un défi. Nous examinons tous les programmes axés sur les familles.

[Traduction]

Comme le ministre l'a mentionné, nous visons l'éducation, les programmes de conditionnement physique, et cetera. Nous sommes entièrement d'accord avec vous. C'est l'objectif que nous visons, et ce serait l'idéal. C'est ce que nous devons mettre en place pour garantir que lorsque les familles arrivent, les enfants puissent recevoir l'enseignement dont ils ont besoin dans leur langue.

Par contre, le tableau de ce qui est déjà disponible partout au pays n'est pas si sombre.

[Français]

Pour l'éducation en deuxième langue, anglais au français, c'est le même défi pour les anglophones à Saint-Jean, et aussi le même défi pour les francophones à Gagetown.

[Traduction]

Il faut faire mieux. Nous réalisons qu'il s'agit d'une question qui nécessite des efforts, en particulier du point de vue du maintien de l'effectif, comme vous l'avez dit, et nous nous penchons dessus.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Quel est le coût approximatif pour recruter et former un officier qui, normalement, a un premier mandat de quatre ou cinq ans?

[Traduction]

Mgén Semianiw : Selon ce que j'ai compris et mon interprétation de ce que vous souhaitez, pour chaque personne qui part, il faut en recruter trois, peu importe s'il faut verser 1 000 $ ou 20 000 $ dès le départ. C'est pourquoi le maintien de l'effectif est si important.

Le sénateur Ringuette : Absolument. Avez-vous une estimation de la situation? Il s'agit sans doute d'un processus qui dure plus de cinq ans. Le processus de recrutement, d'évaluation, et cetera, commence avant la réception d'un contrat.

Mgén Simianiw : Je n'ai pas ces chiffres avec moi, mais je vais m'assurer que le comité les obtienne.

Le sénateur Ringuette : C'est bien.

Mgén Simianiw : En réalité, certains membres des Forces canadiennes demeurent des recrues pendant plus de six mois et, si nous prenons tout le processus de recrutement, certains le demeurent pendant deux ou trois ans. Par la suite, il faut compléter l'entraînement à la base.

Ils doivent décider ce qu'ils deviendront. Par exemple, pour devenir cuisinier, il faut compléter la formation de cuisinier, ce qui prend du temps. Il est difficile d'offrir de la formation dans les deux langues officielles.

Il y a des mouvements, et ce n'est pas aussi simple que de fournir de la formation en français dès le départ, pendant peut-être six ou sept mois. Le défi est beaucoup plus grand.

Le sénateur Ringuette : Je ne parle pas seulement des coûts liés à la formation linguistique.

Mgén Semianiw : Oui, je comprends. Je ferai parvenir les chiffres portant sur les coûts de formation au comité. Prenez moi, par exemple; j'ai fréquenté l'école pendant cinq ans, environ. Les Forces canadiennes m'ont éduqué et m'ont entraîné, ce qui coûte cher; mais ici aussi, comme nous le savons, les bénéfices sont importants. Par exemple, si on tient compte de ce que les Forces canadiennes ont fait en Afghanistan, de leur contribution aux intérêts du Canada et du fait qu'ils représentent les valeurs des Canadiens, il s'agit sans aucun doute d'un investissement inestimable.

Le sénateur Kinsella : Dans vos remarques, vous avez dit sans hésiter que la base des Forces canadiennes Borden remue ciel et terre pour mettre en œuvre les recommandations formulées à l'époque par l'ombudsman, Yves Côté — à l'heure actuelle, l'ombudsman est Mary McFadyen.

Selon vous, dans quelle mesure l'ombudsman des Forces canadiennes a-t-il été en mesure de s'attaquer aux plaintes liées aux langues officielles?

Mgén Semianiw : Il est difficile pour moi de répondre à cette question, puisque je n'occupe ce poste que depuis sept mois.

Il vaudrait mieux poser la question à l'ombudsman. Je peux vous dire que lorsque M. Côté a identifié le problème à Borden, il nous en a immédiatement fait part avant de rédiger le rapport. Nous avons travaillé de concert avec le bureau de l'ombudsman pour régler les problèmes à Borden et ailleurs et, ainsi, garantir leur résolution.

Comme le ministre l'a dit, c'est une question qui perdure depuis une bonne vingtaine d'années, et il faut la régler aussi rapidement que possible.

Le sénateur Kinsella : Je suis fasciné par les modèles d'administration publique qui protègent les droits des minorités et, dans le cas qui nous intéresse, les droits linguistiques. Vous serez donc sans doute en mesure de nous dire si les recommandations formulées par l'ombudsman sont mises en application par les Forces armées.

Mgén Semianiw : Oui, les forces en tiennent compte. Non seulement en tiennent-elles compte mais, si on examine le processus, on voit que les Forces canadiennes ont l'obligation, auprès du ministre, de répondre. Cette réponse n'est pas seulement formulée à l'ombudsman mais également au public et porte sur les observations et les commentaires de l'ombudsman.

Le sénateur Kinsella : Je pense aussi qu'il serait bon de convoquer l'ombudsman des Forces canadiennes, parce que les honorables sénateurs ont posé des questions au sujet de la décision du gouvernement de mettre fin graduellement ou de mettre un terme à l'ancien Programme de contestation judiciaire. D'autres témoins nous ont dit que la médiation et la conciliation étaient des facteurs importants lorsque vient le temps d'examiner des questions liées aux langues officielles ou tout autre type de questions touchant les droits des minorités.

Je suis curieux de connaître l'efficacité de l'ombudsman dans les Forces armées canadiennes, lorsque des membres des forces armées se sont plaints auprès de lui. Auparavant, dans des circonstances autres que celles entourant les forces, les groupes d'organisation non gouvernementale se seraient adressés au Programme de contestation judiciaire pour naviguer dans le système judiciaire et la Charte des droits et libertés.

Étant donné que d'un certain point de vue, les droits linguistiques sont programmatiques de par leur nature, j'aimerais savoir de quelle façon on a eu recours à l'ombudsman du point de vue opérationnel, puisque le commissaire aux langues officielles a également un rôle à jouer.

Mgén Semianiw : Ils collaborent et ont travaillé ensemble dans le cas de Borden, avec le commissaire aux langues officielles.

Souvenez-vous que l'ombudsman a carte blanche au sein des Forces canadiennes; il ou elle peut se pencher sur n'importe quelle question et commenter ce qu'il ou elle souhaite, et c'est pourquoi c'est l'ombudsman qui a soulevé la question à Borden.

[Français]

Le sénateur Tardif : J'ai une petite question rapide que notre collègue le sénateur Dallaire voulait que je pose en son nom. Il semblerait que dans le passé, dans le cadre de l'évaluation annuelle de chaque militaire, des points étaient alloués pour les compétences linguistiques, plus particulièrement cinq points étaient attribués pour la connaissance d'une langue seconde. Le nouveau modèle de transformation pour les langues officielles dans la Défense nationale changera-t-il l'état des choses?

[Traduction]

Mgén Semianiw : Nous avons dit que la nouvelle approche est fonctionnelle. Si nous jetons un coup d'œil à ce groupe fonctionnel, probablement que personne n'est plus important.

Lorsque le conseil de promotion se réunit, comme je l'ai dit, pour discuter d'une promotion aux rangs de colonel et de capitaine, au niveau du leadership — ainsi qu'aux niveaux de sous-officier, d'adjudant-chef, et de premier maître — les exigences linguistiques de niveau BBB qui seront obligatoires d'ici 2011 rend le processus plus compliqué qu'auparavant. Des points étaient attribués pour le bilinguisme, en français et en anglais, des deux côtés. Ces points sont attribués dans le cadre du programme fonctionnel et sont utilisés comme auparavant.

L'important, c'est de déterminer à quel niveau ils devraient être utilisés. Un soldat promu au rang de caporal doit-il être bilingue, en particulier s'il est au sein d'une unité anglophone où on ne parle que l'anglais? S'il est en charge de soldats qui parlent français, c'est obligatoire. C'est pourquoi le colonel Meloche a passé en revue les unités de l'armée et des forces aériennes pour poser des questions au sujet de cette exigence et des hauts gradés qui devaient y répondre.

Par exemple, en entrant à l'école, il faut répondre aux exigences linguistiques de niveau CBC. Sinon, on ne peut pas être nommé à l'école. Nous travaillons à l'amélioration de ce domaine. La réponse est oui.

[Français]

Le sénateur Tardif : Alors, il y aura des points alloués pour la connaissance d'une langue seconde?

[Traduction]

Mgén Semianiw : C'était le cas auparavant, et rien n'a changé.

[Français]

C'est exactement la même façon, la même approche.

Le sénateur Tardif : Sauf que ce n'est pas tout le monde, selon l'approche fonctionnelle, qui aurait cela dans son profil, la nécessité d'être bilingue dans son propre pays.

[Traduction]

Mgén Semianiw : Exactement; pour un niveau de rang en particulier. Même auparavant dans le cadre de l'ancien programme, un soldat dont le cas était étudié par le conseil de promotion n'obtenait pas de points parce qu'il parlait français ou anglais.

[Français]

Cela dépendrait du grade chez les anglophones et les francophones. C'est une question de leadership, d'officier et de sous-officier.

[Traduction]

Ça n'a pas changé, mais c'est mieux ciblé. Ce qui est positif, c'est que nous avons établi un lien entre le besoin de formation et la planification de la relève, ce qui garantit que ceux qui ont besoin de formation en obtiennent. Comme le ministre l'a dit, il faudra de nombreuses années. Toutefois, nous allons déjà de l'avant; à compter de cette année, tous les lieutenants-généraux devront répondre à des exigences linguistiques de niveau CBC. Nous passerons bientôt aux majors généraux, aux brigadiers généraux et aux colonels, en poursuivant vers le bas de la hiérarchie.

[Français]

Col. Meloche : Le point essentiel est vraiment la désignation linguistique des unités, et à cela, on va rattacher des fonctions. À partir de cela, nous serons capables de faire le modèle de ceux qui devront être bilingues et, découlant de cela, les ressources seront affectées. Actuellement, comme le général l'a indiqué, tous les généraux à partir de 2011 devront être bilingues. Est-ce qu'il y aura besoin d'attribuer des points au conseil de mérite? Absolument pas. Tout le monde doit être bilingue pour être considéré. Alors, pourquoi donner les mêmes points à tout le monde. Sauf que plus loin, comme le général l'expliquait, il y a un conseil qui choisit les gens qui iront, par exemple, commander des écoles nationales. À partir de là, ces gens choisis pour leur mérite et leur performance auront accès à l'entraînement de langue seconde.

[Traduction]

Mgén Semianiw : Mes excuses, madame la présidente, mais je dois partir.

La présidente : Merci d'avoir comparu et de nous avoir accordé un peu plus de temps que prévu.

La séance est levée.


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