Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 1 - Témoignages du 29 novembre 2007
OTTAWA, le jeudi 29 novembre 2007
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour étudier, article par article, le projet de loi S-220, Loi instituant la Semaine nationale du don de sang, pour étudier les questions d'actualité des grandes villes et pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé canadiennes.
L'honorable Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui nous examinerons la pauvreté, l'itinérance et le logement.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous parlerons du logement des Autochtones hors réserve.
Toutefois, nous devons auparavant régler une autre question. Mardi, le Sénat a renvoyé à notre comité le projet de loi S-220, Loi instituant la Semaine nationale du don de sang, que nous avons déjà étudié. Nous en sommes de nouveau saisis en raison de la prorogation. Le 14 décembre 2006, nous avons entendu Steve Harding, directeur exécutif des communications et du marketing pour la Société canadienne du sang, et André Roch, Affaires publiques et marketing, d'Héma-Québec. Le comité a ensuite procédé à l'étude article par article du projet de loi avant de l'adopter sans modification. Voilà donc où nous en sommes aujourd'hui.
Étant donné que nous avons déjà examiné le projet de loi, je propose que nous passions à l'étude article par article. Nous avons consulté divers membres, y compris le sénateur Cochrane, marraine de ce projet de loi au Sénat. Sommes- nous tous d'accord?
Des voix : Oui.
Le président : Puis-je procéder à l'étude article par article?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude du titre, du préambule et de l'article 1 est-elle reportée?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le préambule est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Ce projet de loi est-il adopté sans modification?
Des voix : Oui.
Le président : Puis-je faire rapport du projet de loi non modifié à la prochaine séance du Sénat?
Des voix : Oui.
Le sénateur Munson : Est-ce que le Sénat siège cet après-midi?
Le président : Oui, justement.
Nous avons deux sous-comités : l'un sur la santé des populations, qui s'est réuni hier, et l'autre sur les grands défis que doivent relever nos villes. Puisque la pauvreté, le logement et le problème des sans-abri intéressent les deux sous- comités, nous avons décidé de tenir une séance plénière, aujourd'hui. Nous nous basons sur les travaux antérieurs du Sénat en matière de pauvreté. Je pense entre autres au rapport de 1971 du sénateur Croll, de même qu'au rapport de 1997 du sénateur Cohen, La pauvreté au Canada : le point critique.
Notre étude complète également les travaux du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Ce comité est présidé par notre collègue, le sénateur Fairbain, qui, à la demande du sénateur Segal, se penche sur la question de la pauvreté rurale.
Aujourd'hui, nous mettons l'accent sur le logement des Autochtones hors réserve. Près de la moitié de la population autochtone habite en milieu urbain. De cette proportion, environ 20 p. 100 vivent dans les cinq villes suivantes : Winnipeg, Edmonton, Vancouver, Calgary et Toronto. Le taux de pauvreté chez les Autochtones est de 21 p. 100. Or, selon les statistiques figurant dans le rapport rédigé par notre personnel, l'incidence de la pauvreté et le nombre de sans-abri dans ce groupe sont beaucoup plus importants que dans la population en général.
Pour nous aider dans nos travaux, nous recevons quatre experts, qui auront de cinq à sept minutes pour faire leur déclaration préliminaire. Nous avons avec nous David Seymour, président de l'Association nationale d'habitation autochtone, qui représente ceux qui se chargent de fournir des logements aux Autochtones dans les villes, les villages et le Nord. Lynda Brown est présidente de l'Inuit Non-Profit Housing Corporation, qui offre des logements abordables et subventionnés aux Inuits habitant à Ottawa. Patrick Augustine représente, quant à lui, le Conseil des indiens de l'Île- du-Prince-Édouard. En 1974, cet organisme a fondé la Nanegkam Housing Corporation, une société d'habitation à but non lucratif qui gère sept logements individuels à Summerside et 79 unités d'habitation à Charlottetown. Finalement, nous entendrons Lawrence Poirier, directeur de Kinew Housing, un organisme créé en 1970 sous l'égide de l'Indian and Metis Frendship Centre de Winnipeg. Il s'agit de la plus ancienne société d'habitation sans but lucratif pour Autochtones au Canada.
Bienvenue à tous.
David Seymour, président, Association nationale d'habitation autochtone : Nous avons remis notre mémoire au greffier; je ne sais pas s'il a été distribué. Permettez-moi d'en souligner les points saillants.
L'Association nationale d'habitation autochtone est un regroupement de fournisseurs de logements de partout au Canada. Nous avons des délégués dans presque toutes les provinces, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis donc heureux de voir cette province représentée ici. Nous faisons valoir les besoins de plus de 110 organismes. En effet, je tiens à préciser que nous mettons l'accent sur les besoins.
J'aborderai donc cette question en premier. Monsieur le président, vous avez donné des proportions, qui se sont d'ailleurs accrues considérablement depuis 1994, lorsque le gouvernement fédéral a cessé de contribuer au Programme de logement des Autochtones en milieu urbain. Il est question ici de sa contribution à la croissance, ce qui est différent des 2 milliards de dollars servant à l'entretien des unités de logement construites entre 1984 et 1994.
Dans le jeu de documents que nous vous avons remis, vous trouverez une étude que nous avons effectuée en 2004. Selon les données du recensement de 2001, il faut environ 2 200 unités d'habitation par année. Nous sommes en train d'actualiser l'étude en fonction des données de 2006. À notre avis, la demande sera encore plus grande.
Nous avons attiré votre attention sur la nature de la participation du gouvernement pour vous pousser à agir. Nous croyons au droit au logement. Selon nous, ce droit n'est pas nécessairement enchâssé dans un traité, mais il relève du gouvernement fédéral en raison de ses engagements sur la scène internationale.
Vous remarquerez que notre position a été clairement établie dans le rapport rendu public de la Commission royale sur les peuples autochtones qui s'est tenue de 1994 à 1996. Dans notre dossier d'information, vous trouverez copie du chapitre 4 de ce rapport, qui montre que le droit au logement découle d'engagements internationaux du Canada. Nous maintenons cette position puisque nous sommes surreprésentés parmi les pauvres. Actuellement, nous représentons environ 6 p. 100 des gens dont les besoins fondamentaux ne sont pas comblés et 34 p. 100 des sans-abri. Dans le mémoire qui vous a été distribué, nous citons de nombreuses sources, comme le rapport de la Fondation autochtone de guérison, intitulé Le suicide chez les Autochtones au Canada. Ce rapport, publié cette année, révèle que 34 p. 100 des sans-abri dans certaines grandes villes sont des Autochtones.
J'espère que nous pourrons aller au-delà de l'étude des besoins et passer à l'action.
Le gouvernement du Canada a aussi fait l'objet d'une étude. Nous avons d'ailleurs joint à notre jeu de documents le rapport préliminaire du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la façon dont le Canada s'attaque au problème des sans-abri, surtout au sein de la population autochtone. Nous avons également inclus des observations formulées dans d'autres tribunes qu'il est important de comprendre. Étant donné que mon temps de parole est presque écoulé, j'espère que nous pourrons ensuite discuter des mécanismes d'exécution.
Dans notre mémoire, nous soulignons l'importance d'un plan stratégique national pour assurer la coordination des services. En ce moment, tous les ministres au Canada sont chargés de préparer un plan stratégique sur 10 ans. Nous avons mentionné le projet de loi C-382, d'initiative parlementaire, qui est à l'étude à la Chambre. S'il est adopté, une conférence devra être convoquée dans un délai de 180 jours pour élaborer une telle stratégie.
Nous espérons que vous conviendrez que les peuples autochtones du Canada ont des besoins précis — et se trouvent donc dans une situation distincte — qui requièrent une solution ciblée afin que les ressources servent véritablement à la création de logements. Nous souhaitons que certaines mesures législatives pouvant garantir des résultats soient présentées de nouveau à la Chambre. Nous avons besoin d'appui pour poursuivre notre travail.
Il faut aider l'Association nationale d'habitations autochtones — l'ANHA — et ses membres, pour que nous puissions continuer à rassembler les gens et à favoriser le réseautage. Nous avons besoin d'assistance pour trouver des façons novatrices d'utiliser au mieux les ressources, de répondre le plus adéquatement possible aux besoins et d'adopter les meilleures pratiques, de même que pour faire le suivi des progrès et de l'évolution des besoins. Il nous faut un processus de consultation dynamique qui fasse participer tous les ordres de gouvernement.
La reconnaissance du droit autochtone à l'autonomie gouvernementale est un processus en constante évolution. Dans les réserves et hors réserve, cette reconnaissance se traduit par l'autodétermination. Il nous faut être appuyés dans l'exercice de ce droit.
L'Aboriginal Housing Management Association de la Colombie-Britannique regroupe des organismes qui collaborent avec le gouvernement provincial pour que celui-ci participe à la fourniture stratégique de logements. Il faut faire la même chose au niveau national et dans toutes les provinces. Le financement doit être suffisant pour nous permettre d'offrir les services que nous favorisons.
Nous aimerions discuter des mécanismes d'exécution. J'espère que nous pourrons en débattre.
Le président : Permettez-moi de préciser que la séance se poursuivra pendant encore deux heures, vous aurez donc amplement le temps de répondre aux questions et de faire valoir vos points de vue. Je vous demande seulement de limiter votre déclaration préliminaire à cinq ou sept minutes.
M. Seymour : Je voudrais donc vous faire part de nos observations et de nos préoccupations. Bien que le gouvernement fédéral ait déclaré que le logement ne relève pas de sa compétence, mais plutôt de celle des provinces, il lui incombe tout de même de loger tous ses citoyens. Lorsque la question a été posée à notre ambassadeur sur une tribune internationale — et je cherche la citation —, il a répondu que le gouvernement fédéral ne se cacherait pas derrière la question des compétences constitutionnelles et subviendrait aux besoins des pauvres.
Par conséquent, nous considérons que le gouvernement a trois rôles à jouer. Premièrement, il doit coordonner les efforts pour qu'ils soient ciblés.
Deuxièmement, il doit apporter son soutien en finançant des programmes conjoints avec les provinces. Qu'est-il advenu de la formule de financement à 75 et 25 p. 100? En quoi était-elle erronée? Comme la question du logement touche tous les ordres de gouvernement, l'administration fédérale doit contribuer financièrement.
Il faut dire qu'elle a investi 300 millions de dollars dans la Fiducie pour le logement des Autochtones hors réserve, mais nous attendons de voir si cette organisation fera véritablement construire des unités d'habitation. Il n'y a eu aucune mise en chantier jusqu'à maintenant, mais des plans sont prêts dans certaines régions. Je voudrais aborder la question des modes d'exécution, parce qu'il faut déterminer si ce mécanisme est le bon. Est-ce que le gouvernement se contente de donner de l'argent, puis s'en lave les mains? Nous verrons.
Le troisième rôle que le gouvernement fédéral doit jouer, c'est celui de défendre le droit au logement. Nous nous sommes engagés à le faire devant la communauté internationale. Pourquoi ne pas examiner le projet de loi d'initiative parlementaire et voir s'il ne serait pas possible d'institutionnaliser ce droit d'une manière qui tienne compte de la situation canadienne, afin de ne pas avoir à essuyer les critiques des Iraniens et du reste de la communauté internationale?
Le président : Merci beaucoup. Comme je l'ai mentionné, vous aurez l'occasion d'exprimer votre opinion tout au long de la discussion.
Lynda Brown, présidente, Inuit Non-Profit Housing Corporation : L'Inuit Non-Profit Housing Corporation a son siège social à Ottawa. Permettez-moi d'abord de vous fournir quelques renseignements sur notre organisme.
Il a été créé à Yellowknife, en 1975, et fournit des logements abordables dans le Nord. Au début des années 1980, nous nous sommes rendu compte que la population se déplaçait vers le Sud pour poursuivre des études, se loger, obtenir des soins de santé, ou pour d'autres raisons. La population inuite dans le Sud a commencé à croître, et il a donc fallu que notre organisme change sa vocation. Par conséquent, nous nous sommes départis d'une part de notre portefeuille et avons acheté des propriétés dans la région d'Ottawa.
Nous gérons actuellement 63 logements répartis dans 25 immeubles à Ottawa. Nous nous occupons encore de quelques unités dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, ce qui porte le nombre de nos habitations à 79. À ma connaissance, nous sommes le seul organisme privé sans but lucratif à offrir des logements aux Inuits en milieu urbain.
Notre organisation compte trois employés — un directeur exécutif, une agente d'aide au logement et une réceptionniste — et est dirigée par un conseil d'administration formé de sept membres d'origine inuite. Ses représentants sont moi-même, présidente, Ovilu Goo-Doyle, vice-président, et Heidi Langille, secrétaire-trésorière.
Le Programme de logement des Autochtones en milieu urbain, qui chapeaute les activités de l'Inuit Non Profit Housing Corporation, a été créé dans les années 1970 pour aider les promoteurs autochtones en milieu urbain appuyés par des membres de groupes autochtones désireux de répondre à leurs besoins de logement. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a accordé des subventions aux termes de la Loi nationale sur l'habitation ainsi que des crédits hypothécaires directs pour faciliter l'achat de logement locatif destiné aux Autochtones à revenu modeste et moyen.
Le montant des prêts hypothécaires a été calculé sur une période de 35 ans. Les loyers correspondaient à environ 25 p. 100 du revenu. Le loyer du marché était établi chaque année par l'agent de financement. Lorsque le loyer était par exemple de 1 000 $ par mois et que le quart du revenu du locataire équivalait à 350 $, la subvention versée pour le logement s'établissait à 650 $. De manière générale, la subvention annuelle versée au groupe d'habitations autochtones en milieu urbain équivaut à la différence entre les coûts d'exploitation annuels acceptables et les revenus annuels du projet.
Toutefois, le volet du programme qui visait à fournir des logements sociaux n'est plus en vigueur. La SCHL a cédé aux provinces l'administration de cette portion active des subventions et, dans le cas de l'Ontario, l'administration a par la suite été transférée aux municipalités, qui s'occupent maintenant de la gestion du programme.
Le versement de subventions cessera à la fin des 35 années prévues pour le remboursement des prêts. Les accords d'exploitation prendront alors fin, et les groupes autochtones en milieu urbain devront alors mener leurs activités sans subventions.
Pour bon nombre de ces groupes, l'échéance approche mais leur hypothèque ne sera pas complètement remboursée. À moins qu'ils aient des revenus assortis à leurs frais d'exploitation, ceux qui fournissent actuellement des logements aux Autochtones en milieu urbain devront hausser les loyers, vendre les propriétés ou faire faillite, ce qui réduira encore davantage le nombre de logements subventionnés pour les Autochtones, pourtant si nécessaires. Jusqu'à présent, nos bailleurs de fonds ont refusé d'aborder ce problème imminent ou de s'y attaquer.
Permettez-moi de vous exposer la situation des Inuits en matière de logement dans le Sud du Canada, autrement dit dans les 10 provinces. Dans les réserves, les groupes des Premières nations disposent de programmes de logement valables, mais depuis 20 ans, aucune initiative concrète à cet égard n'a été prise pour les Inuits. Le programme actuel de subventions est éliminé progressivement. Chez les Inuits et les autres groupes autochtones, l'itinérance est plus répandue que dans tout autre segment de la population.
Les responsables actuels des programmes, la ville d'Ottawa, ne sont pas au fait des différences culturelles en raison desquelles les besoins de logement des Inuits en milieu urbain diffèrent de ceux du reste de la société, et ils ne font pas d'efforts pour mieux s'en informer. Aucun organisme fédéral ou provincial ne s'attaque de façon efficace et réaliste à la crise de logement que connaissent les Inuits et les autres groupes autochtones du pays.
La Table ronde Canada-Autochtones tenue récemment par le gouvernement a permis des échanges soutenus, mais n'y a pas abordé le besoin urgent d'acheter ou de construire de nouveaux logements abordables.
Un engagement clair de la part du gouvernement fédéral est essentiel pour corriger le fait que les Inuits ne bénéficient pas du même accès que les autres groupes autochtones à des logements adaptés à leurs besoins en milieu urbain. Pour remédier à la situation, il s'agirait de rétablir intégralement le Programme de logement des Autochtones en milieu urbain et de mettre fin au transfert de volets administratifs aux provinces, effectué au cours des dernières années. Il convient que le gouvernement fédéral, plutôt que de se soustraire à ses obligations comme il l'a fait, restaure l'excellent programme qui permettait d'offrir des logements abordables aux Autochtones par l'entremise de la SCHL.
En attendant, la pénurie de logements destinés expressément aux Inuits dans les villes accentuera l'itinérance, la pauvreté et les autres graves difficultés au sein de ce groupe. Elle accroîtra en outre la dépendance des Inuits à l'égard de la société urbaine ainsi que de la détérioration de leur culture et de leurs traditions.
Patrick Augustine, Conseil des Indiens de l'Île-du-Prince-Édouard, Nanegkam Housing Corporation : [M. Augustine s'est exprimé dans sa langue maternelle.]
Bonjour. Mon nom de famille est Alguimo, et Patrick Augustine est mon nom usuel, tel qu'il apparaît dans le Registre des Indiens.
Ma grand-mère paternelle est née à Epekwitk, sur des terres traditionnelles micmaques situées à l'Île-du-Prince- Édouard et dans le Nord de la Nouvelle-Écosse, dans la région de Pictou. Aujourd'hui, je vais uniquement vous parler d'Epekwitk. En 1898, ma grand-mère est née dans un wigwam dans les environs de Wellington. Elle s'est ensuite établie à divers endroits, sur l'Île-du-Prince-Édouard, soit à Lennox Island, à Scotchfort, à Vernon River et à Rocky Point. Elle a aussi habité dans la partie Est du Nouveau-Brunswick, plus précisément à Moncton et à Big Cove, de même que dans le Nord du Maine. Ma grand-mère est décédée à l'âge de 100 ans et demi. Toute sa vie, elle a vécu de la terre. Jusqu'à l'âge de 80 ans, elle faisait des paniers, cueillait des pommes de terre, pêchait des huîtres dans la baie Malpeque et fendait son propre bois de chauffage. Beaucoup de choses ont changé au cours de son siècle de vie. Dans les journaux du juge Aubin Arsenault, qu'on peut retrouver dans les archives de l'Île-du-Prince-Édouard, on y lit que dans les années 1940, il y avait un projet de centralisation visant à rassembler tous les Micmacs dans la réserve de Lennox Island pour qu'ils demeurent tous sur cette île. Certains écrits révèlent les conditions qu'il a observées à Rocky Point au début des années 1940. Les gens vivaient dans des huttes couvertes de papier goudronné. Plusieurs des enfants qu'il a rencontrés à cette époque ont maintenant soixante ans ou plus. Cette façon de vivre est gravée dans leur mémoire.
À cette époque, les gens ne recevaient aucune aide. Ils n'avaient ni lits ni couvertures. Comme les enfants étaient malades, on encourageait les familles à se relocaliser à Lennox Island. Aujourd'hui, plus de 1 300 Autochtones habitent à l'Île-du-Prince-Édouard, et ce ne sont pas nécessairement des Micmacs. Il y a des Mohawk, des Cris, des Ojibway, des Saulteaux et des Métis. D'autres Métis se sont établis aux abords de la rivière Rouge. Il y a plus de 700 Autochtones dans la région de Charlottetown. On dénombre quatre réserves où vivent un peu plus de 400 personnes; la ville de Summerside compte aussi 100 Autochtones. Le reste vit dans les régions rurales.
Grandmother's House, un refuge pour femmes, relève du Conseil des Indiens de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons failli le fermer, mais heureusement, le gouvernement provincial y a injecté des fonds. Nous avions également un refuge pour hommes, appelé Nitapk House, mais il a dû fermer ses portes en raison d'un manque de financement.
Pour ce qui est du logement dans les réserves, il y a 94 habitations à Lennox Island, 31 à Scotchfort, 14 à Rocky Point et 8 à Morell. En dehors des réserves, on compte au total 56 logements, dont la plupart comptent trois chambres et sont situés à Charlottetown. On trouve également un grand nombre de logements de deux chambres. Nous avons récemment mené une évaluation des besoins en la matière auprès de la population autochtone, mais la participation a été moins forte que prévu. Sur les 75 questionnaires, seulement 24 ont été remplis et nous ont été retournés; par conséquent, nous n'avons pas une idée précise de la situation.
Dernièrement, nous avons consulté les communautés autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard, qui ne vivent pas dans une réserve, concernant les biens immobiliers matrimoniaux. Une aînée a indiqué qu'elle ne vivait plus dans la réserve, car elle avait dû quitter sa maison lorsqu'elle s'était séparée de son mari.
Mon mémoire décrit brièvement les questions relatives aux Autochtones vivant en milieu urbain qui ont été présentées à un comité consultatif sur les villes et les collectivités en 2004. Dans un document intitulé Mobilité et migration des Autochtones en milieu urbain au Canada : Résultats, facteurs et conséquences, les auteurs M. J. Norris et Stewart Clatworthy traitent des flux migratoires. On y explique la migration des populations autochtones vers les villes et les réserves. Certaines des raisons s'apparentent à celles observées à Epekwitk.
Le président : Merci de nous avoir donné un aperçu de la situation à l'Île-du-Prince-Édouard. Quelques-unes de vos histoires personnelles étaient très intéressantes.
Lawrence Poirier, directeur, Kinew Housing : Le Canada est un pays sans politique de logement social pour les familles autochtones à faible revenu. Kinew Housing a été mis sur pied en 1970 afin d'offrir un logement aux familles autochtones à faible revenu. L'organisme a été fondé par un petit groupe de personnes qui ont constaté un problème et ont cherché à y remédier. Elles ont commencé par acheter des maisons qu'elles louaient au prix coûtant, mais elles ont vite compris qu'elles ne pourraient pas continuer comme ça longtemps.
Elles ont donc décidé de chercher une façon de créer un programme de logement des Autochtones en milieu urbain, activité qui a par la suite été baptisée « l'expérience Kinew ». L'organisme a acheté des maisons d'un certain âge dans les vieux quartiers de Winnipeg et les a remises en état avec l'aide d'employés autochtones locaux et de programmes de formation. Au fil des années, la SCHL a dissuadé l'organisme de recourir à ces programmes de formation, au motif que son domaine était le logement et non l'emploi. Ces maisons étaient hypothéquées et visées par un accord d'exploitation conclu avec la SCHL.
Kinew a continué d'acheter des maisons et de les remettre en état afin de fournir un logement aux locataires autochtones à faible revenu. Le loyer était proportionné au revenu, et des subventions étaient offertes afin de combler la différence entre le loyer que pouvait payer le locataire et le coût réel. Kinew comptait 397 habitations dans son portefeuille, dont la plupart étaient des maisons unifamiliales réparties aux quatre coins de Winnipeg, mais concentrées principalement au cœur de la ville et aux alentours.
Or, 1993 a marqué la fin du Programme de logement des Autochtones en milieu urbain et du logement social au Canada. Après avoir passé plusieurs années sans nouvelles habitations, nous avons cherché à en obtenir et avons finalement réussi à construire 10 nouvelles maisons en 2005 et 10 en 2006, grâce au financement fourni par l'Initiative en matière de logement abordable, la ville de Winnipeg, la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain et les hypothèques de la Coopérative de crédit Assiniboine.
Le gouvernement du Manitoba a accepté de verser un supplément de loyer pour les locataires de ces nouvelles maisons pendant 15 ans. En matière d'aide au logement, Winnipeg fait mieux que la plupart des autres villes. Elle a vendu pour 1 $ les terrains où les maisons seront construites et, lorsque c'était possible, elle a consenti de petites subventions pour les clôtures, l'aménagement paysager ou la préparation du site. Ce projet comprend aussi un élément important : une fiducie où seront versés les fonds, soit le Fonds de capital en fiducie, qui permettra de nous tirer d'affaire si le projet devait enregistrer un déficit. Sans ce fonds, Kinew n'aurait pas entrepris la construction d'habitations. C'est ce que nous avons pu obtenir qui se rapprochait le plus du logement subventionné, mais il ne s'agit toujours pas vraiment de logements subventionnés.
Un des plus importants problèmes que connaît Kinew est le fait que pour son portefeuille actuel, l'accord d'exploitation prendra fin quand l'hypothèque sera remboursée. Aucune subvention ne sera disponible quand l'accord se terminera. Or, la fin des accords d'exploitation et des subventions approche très vite pour les locataires autochtones qui habitent actuellement ces logements.
Selon un rapport produit pour le compte de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, les gouvernements prévoient retrancher près de 60 milliards de dollars, au cours des 30 prochaines années, dans les dépenses consacrées au logement social. Le gouvernement du Canada éliminera près de 32 milliards de dollars, tandis que les provinces et les territoires supprimeront le reste.
De plus, les programmes conçus pour le logement des personnes à faible revenu, dont le logement supervisé et les divers programmes de logement des Autochtones, ne seront pas viables à moins qu'une forme quelconque de subventions ne leur soit offerte quand les accords actuels prendront fin.
À ce moment-là, les loyers augmenteront pour correspondre au loyer économique ou le dépasser légèrement, mais ils seront quand même en deçà des loyers du marché. Les locataires actuels n'auront pas les moyens de payer les nouveaux loyers, puisqu'ils versent déjà 25 p. 100 de leurs revenus ou reçoivent des prestations d'aide sociale, dont les montants sont bien inférieurs au coût d'exploitation des maisons. Il se pourrait que nous soyons obligés de louer à des familles non autochtones ayant les moyens de payer les loyers économiques.
Un des éléments les plus importants du logement pour les Autochtones est la présence d'un conseiller qui travaille avec les familles à régler de nombreux problèmes; or, nous perdrons ce poste de conseiller et celui-ci laissera un grand vide dans nos nombreux organismes. La particularité du Programme de logement des Autochtones en milieu urbain sera certainement compromise.
Nous serons obligés de remplacer ces locataires par d'autres capables de payer le loyer économique. Où iront les locataires évincés? Nous avons à l'heure actuelle près de 900 demandes, de la part de familles qui cherchent un logement subventionné!
Nous devrions peut-être construire des refuges pour les familles; elles pourraient ainsi faire la queue tous les jours, vers 16 heures, en espérant obtenir une place pour la nuit. Mais personne ne veut envisager cette possibilité.
Parmi les autres initiatives se trouve la Fiducie pour le logement abordable. Les paramètres de cette fiducie pour les familles autochtones hors réserve n'ont pas encore été établis, et nous ne savons pas encore vraiment quand nous les aurons et quelle forme ils prendront. Cependant, comme il s'agit de financement ponctuel, cette fiducie ne réglera que certains problèmes. Cette initiative ne prévoit pas de financement à long terme du logement subventionné.
Le Manitoba présente une importante population autochtone qui augmente rapidement. La province accueillera 11 000 nouvelles familles immigrantes et elle espère que ce nombre augmentera de 1 000 chaque année au cours des neuf prochaines années. Ces familles se feront concurrence pour un parc de logement qui ne cesse de diminuer. La pénurie de logement est déjà inacceptable, mais au lieu de créer de l'habitation, nous en perdrons puisque les accords d'exploitation prennent fin.
Or, l'habitation sert à stabiliser la famille; une famille qui déménage sans cesse pour trouver un logement convenable doit changer les enfants d'école, ce qui a une incidence sur leur éducation. Une famille qui habite un logement convenable peut se concentrer sur les autres aspects de la vie, comme l'éducation et l'emploi.
Les médias donnent une image déformée des sans-abri. Nos sans-abri ne se trouvent pas seulement dans la rue, car certains partagent une habitation avec d'autres familles et des amis. La construction de refuges aide un petit nombre de ces personnes, mais il reste qu'un refuge n'est pas un foyer. Les familles qui se présentent à Kinew cherchent une maison, et non un refuge. Kinew compte actuellement près de 900 familles sur sa liste d'attente.
Il existe d'autres groupes qui s'occupent du logement des Autochtones à Winnipeg, mais bon nombre sont beaucoup plus petits et visent les familles ayant des problèmes de santé, les aînés et les familles en transition qui ont subi des traitements et réintègrent la collectivité. Ces groupes ont aussi de longues listes d'attente.
Les travaux menés à Winnipeg pour offrir un logement aux familles visent surtout celles qui en ont les moyens, mais on fait peu pour les familles à faible revenu. Les fonds ne manquent pas, il faut simplement que le logement devienne une priorité! Pensez au coût si nous ne faisons rien!
Le président : Madame Brown, vous avez dit, dans votre déclaration, que le Programme de logement des Autochtones en milieu urbain, qui a été aboli et dont l'administration des subventions a été transférée, était une excellente ressource permettant aux Autochtones d'avoir un logement abordable, et que celui-ci devrait être réinstauré. Le reste de votre groupe est-il d'avis qu'il s'agit d'un bon modèle à suivre?
Ma question comporte trois volets. D'après ce que vous deux avez dit, je crois comprendre que la Fiducie pour le logement abordable, établie en 2006, ne donne pas les résultats souhaités. Je ne sais pas trop pourquoi l'argent ne se rend pas jusqu'à vous. Pourtant, si j'ai bien compris, les fonds devaient être versés aux provinces et aux territoires. Y a- t-il suffisamment de communication? A-t-on engagé des discussions concernant la Fiducie pour le logement abordable?
Ma troisième question porte sur un problème que vous avez tous soulevé, c'est-à-dire l'expiration des accords d'exploitation, dont bon nombre d'entre eux sont liés à des hypothèques amorties sur 35 ans. Madame Brown, vous avez dit que personne n'avait encore entrepris de discussion avec les autorités compétentes. Il n'y a eu aucune consultation jusqu'à présent avec les bâilleurs de fonds. Vous devriez en parler un peu pour savoir quelles options s'offrent à vous. Nous ne voudrions surtout pas que ces logements ne soient plus offerts aux personnes qui en ont tant besoin. Êtes-vous à élaborer des stratégies ou à trouver des solutions en attendant que ces bâilleurs de fonds vous donnent signe de vie?
Qui veut commencer?
M. Seymour : Je vais y aller.
Tout d'abord, au cours des dix années d'existence du Programme de logement en milieu urbain, 110 organismes de logement ont été créés partout au Canada et sont toujours actifs. Nous possédons et gérons 11 000 unités d'habitation. Je crois qu'il s'agissait d'une initiative fondamentale au Canada. Le programme est devenu coûteux et a été aboli à un moment où, d'après ce qu'on nous a dit et ce que j'ai compris, le déficit du gouvernement fédéral s'élevait à 42 milliards de dollars. Il fallait couper quelque part, et on a choisi le développement futur. Le gouvernement voulait d'abord assainir ses finances et a ainsi mis un terme au programme. On a par la suite prétendu que le programme n'était pas de compétence fédérale, mais plutôt de compétence provinciale. On ne l'a donc jamais remis sur pied.
En 1994, le Parti libéral avait promis de le réinstaurer s'il était élu. Après avoir remporté les élections, il s'est rendu compte que le pays accusait un déficit beaucoup trop lourd et qu'il serait impossible de le rétablir. Enfin, le programme n'était plus d'actualité et, la première chose qu'on a apprise, c'est qu'il ne relevait pas du fédéral.
S'il était légèrement modifié, le programme pourrait s'avérer une excellente ressource. Il contenait des éléments positifs, notamment la reconnaissance des mécanismes de prestation des services aux Autochtones, les transferts de titres et la subvention majorée. Cette subvention n'est pas simplement fondée sur des formules, mais plutôt sur l'économie. Une « subvention majorée », par définition, vise à nous assurer que le programme demeure viable en tout temps. Voilà donc où nous en sommes.
Le président : Et la Fiducie pour le logement abordable, par comparaison?
M. Seymour : Contrairement au programme, la fiducie est une seule transaction et relève des provinces.
Permettez-moi de vous parler de la situation dans les différentes provinces. En tant qu'organisme national, nous avons fait de notre mieux pour gérer cette fiducie.
En Colombie-Britannique, on l'a fait au moyen d'une déclaration d'intérêt. On a indiqué la somme d'argent disponible et on a lancé un appel d'offres. On a reçu beaucoup de propositions; le ratio était de cinq pour un. Autrement dit, la demande correspondait à cinq fois le montant du fonds. On n'a donc pu retenir que les demandes de 10 ou 12 organismes, ce qui correspond, au total, à 192 mises en chantier. C'est toujours cela de gagné.
Depuis les années 1980, nous sommes plus conscients de l'environnement. Par conséquent, nos habitations auront la certification Leadership in Energy and Environmental Design, LEED. Cette nouvelle norme environnementale garantit que les résidences sont suffisamment étanches et n'auront aucun problème d'infiltration ni aucune conséquence sur l'environnement.
Par contre, en Alberta, on a divisé l'argent en trois segments d'un an et on l'utilise à diverses fins, par exemple pour les rénovations. Cependant, on n'a ni construit de logement ni consulté la communauté autochtone.
En Saskatchewan, on a tenu des consultations auprès de la communauté autochtone et on a divisé l'argent en trois parties : une pour les Métis, en fonction de la population; une pour les Indiens dits « visés par un traité », qui ne vivent pas dans les réserves; et une pour le Nord. Dans le Nord, on a tendance à ne pas faire la distinction entre les Indiens assujettis à un traité et ceux qui ne le sont pas, c'est-à-dire les Métis.
Il y a trois mécanismes de prestation distincts. On a recours à ces mécanismes pour effectuer des rénovations, subventionner les portefeuilles actuels ou les élargir, ou pour essayer de régler des questions qui ont évolué, comme vous l'avez entendu, découlant des accords d'exploitation.
Au Manitoba, on mène des consultations. Nous n'avons pas entendu parler que des fonds avaient été octroyés. M. Poirier pourrait peut-être nous en glisser un mot.
L'Ontario a 82 millions de dollars en réserve et n'a rien versé jusqu'à maintenant. Cette province s'est entretenue à trois ou quatre reprises avec quelques groupes autochtones, mais n'a pas tenu ni planifié de vastes consultations. On a simplement conservé le fonds.
Au Québec, on a discuté avec le seul organisme autochtone de la province, les Waskehegan, et on essaie de lui trouver un mécanisme de prestation.
Le Nouveau-Brunswick tient des consultations, mais n'a rien fait de concret. Cette province a discuté à quelques reprises avec le seul organisme de la province.
Je vais laisser M. Augustine vous parler de la situation à l'Île-du-Prince-Édouard.
En Nouvelle-Écosse, il n'y a qu'un seul organisme autochtone, qui est dans une communauté hors réserve. L'organisme a indiqué avoir tenu des discussions générales, mais rien de précis; on n'a adopté aucune méthode.
À Terre-Neuve-et-Labrador, il n'y a encore qu'un seul organisme dans le Nord, au Labrador, dans une collectivité à l'extérieur de la réserve.
Dans l'ensemble, les gens discutent, mais rien ne se concrétise, à l'exception de la Colombie-Britannique, où l'on s'apprête à construire un nombre précis d'unités d'habitation. Mais il reste qu'on parle seulement de 192 logements. Quand on examine le nombre d'habitations à construire par rapport au financement accordé, on a besoin d'au moins cinq fois ce montant d'argent. Si le montant fourni est de 300 millions de dollars, nous avons besoin de 1,5 milliard pour régler le problème du logement. Nous devons remédier à la situation en tenant compte de l'économie.
Le président : Merci pour ce survol. Permettez-moi de me tourner vers d'autres témoins pour en savoir davantage à propos du programme qui a été aboli ou des accords d'exploitation.
M. Augustine : À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons eu des discussions avec l'ancien premier ministre, Pat Binns. Nous avions plus ou moins indiqué ce que nous voulions faire avec la fiducie. À l'époque, la province avait affirmé qu'elle voulait également consulter les Premières nations. Nous n'étions pas très enthousiastes à l'idée étant donné que la compétence des Premières nations ne s'étend pas en dehors des réserves et, à notre avis, il s'agissait d'une mauvaise interprétation de la décision Corbière. Celle-ci n'a cédé aucune compétence aux Premières nations en dehors des réserves.
Quand le gouvernement a été renversé, nous avons de nouveau visité le cabinet du premier ministre, cette fois-ci pour rencontrer Robert Ghiz. Le nouveau gouvernement commence à peine à se familiariser avec le dossier, et les choses n'avancent pas.
Pour ce qui est du logement des Autochtones en milieu rural, je sais qu'on a renégocié au moins une hypothèque. Naneghkam Housing Corporation possède les unités d'habitation en milieu urbain, mais pas celles en milieu rural. Quelqu'un est allé à la banque et a renégocié l'hypothèque. Ce qui est inquiétant, c'est que si cette personne cesse de faire les paiements, l'habitation retournera sur le marché commun.
Le président : Quelqu'un d'autre souhaite-t-il intervenir? Avez-vous songé à ce que vous pourrez faire lorsque les accords d'exploitation prendront fin?
M. Poirier : Il n'y a qu'une seule stratégie. Si les accords d'exploitation prennent fin, nous devons être en mesure de conserver ces habitations. Nous devons augmenter le loyer afin que ce soit économiquement viable.
Le président : Cette augmentation fera en sorte qu'ils ne seront plus abordables pour beaucoup de personnes.
M. Poirier : En particulier les familles autochtones à faible revenu.
M. Seymour : Dans certains cas, en Saskatchewan, on a indiqué avoir vendu, par exemple, cinq unités puis en avoir construit une ou deux. On a ensuite utilisé le produit excédentaire pour assumer les coûts d'exploitation. Si cette stratégie est adoptée — c'est comme une stratégie par défaut —, le nombre de logements sera forcément réduit et on verra augmenter les besoins de façon exponentielle.
Une autre stratégie a été d'examiner un problème à l'origine de notre discussion; pourquoi ne pas appuyer l'accession à la propriété?
En Colombie-Britannique, on a construit des habitations dans une région en pleine croissance. Celles-ci vont donc prendre de la valeur. Je vais vous donner un exemple d'une possibilité d'accession à la propriété que nous avons explorée. On a un projet sur l'Île de Vancouver, où il y a des terrains excédentaires, car à l'époque, on avait besoin d'espace pour aménager un champ d'épuration. Vu les projets d'infrastructures au Canada, la municipalité a instauré des systèmes d'égout et d'aqueduc pour le projet et, par conséquent, on se retrouve avec un excédent de terrains.
Un autre projet de logement à forte densité a été construit au centre-ville de Victoria, dont la valeur nette a énormément augmenté. Nous vendrions les unités au centre-ville de Victoria aux occupants des unités. Ainsi, nous pourrions dire : « Nous vous accordons une subvention de 150 000 $ sous forme de deuxième hypothèque et nous vous vendons le reste de l'unité. » Autrement dit, nous vous donnons 100 000 $ et nous vous vendons l'unité 150 000 $, ce qui devient alors abordable. Nous pourrions détenir la subvention en deuxième hypothèque afin de les empêcher de revendre l'unité rapidement et d'empocher les 100 000 $. Nous prendrions ensuite ce montant de 150 000 $, qui deviendrait ainsi notre part nette, pour mettre en valeur l'autre terrain vacant. En ayant un autre programme inspiré de ce modèle, nous pourrions tirer un certain profit de la croissance de la valeur nette dans certaines régions.
Par contre, en ce qui concerne la gestion permanente, le gouvernement du Canada a élaboré ce que l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, l'ACHRU, appelle le fonds de dotation. Je crois que nous devrions l'adopter. Lorsque les hypothèques viendront à échéance, le montant maximal de 2 milliards de dollars qui avait été accordé en 1996 dans le cadre de ce programme ne sera plus là. Le gouvernement du Canada s'est contenté d'un paiement de 2 milliards de dollars et ce montant devrait bénéficier au Canada dans son ensemble. Par conséquent, cette somme devrait être maintenue pour le logement, pour lequel elle avait été réservée. Nous préconisons, de concert avec l'ACHRU, Kinew et d'autres, la nécessité de réaffecter ce fonds spécial au logement sous une forme ou une autre.
La question est de savoir ce qui arrivera à ce fonds au fil du temps. C'est comme n'importe quelle courbe hypothécaire; il y a une phase descendante. L'écart entre les 2 milliards de dollars et la phase descendante de l'hypothèque — voilà en quoi consiste le fonds spécial. Nous croyons que ce fonds devrait être implanté.
Le président : Merci. Ce sont là des possibilités intéressantes.
Le sénateur Callbeck : Merci à vous tous d'être des nôtres aujourd'hui. Comme je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, j'aimerais naturellement poser des questions à M. Augustine.
Le Conseil des Indiens de l'Île-du-Prince-Édouard a été établi en 1973. Je sais que le Conseil s'occupe de questions liées au logement, à la formation, à l'emploi, à des programmes pour les jeunes, et cetera. J'aimerais connaître votre budget. A-t-il beaucoup augmenté depuis 1973? À combien s'élevait-il à l'époque?
M. Augustine : Le budget est resté le même depuis les années 1980, je crois. Nous recevons un financement de base du Bureau de l'interlocuteur fédéral, le BIF, pour la rémunération des cadres et du personnel de soutien à la direction. Nous disposons également d'un accord tripartite depuis les années 1980. Nous envisageons des initiatives de développement économique dans le cadre de cet accord.
Nous offrions des cours de formation et de l'aide à l'emploi, mais ces services ont été regroupés sous un seul accord qui est administré par le conseil tribal. Nous avons plus ou moins perdu le contrôle communautaire de ces services; c'est pourquoi nous avons demandé une révision judiciaire de cette décision. La décision a été rendue en notre faveur, mais le conseil tribal en a interjeté appel. Le montant n'est pas énorme, peut-être 200 000 $.
Le sénateur Callbeck : Cette somme provient du Programme des Autochtones de Patrimoine Canada et vous recevez également un financement de l'Agence de la santé publique du Canada, n'est-ce pas?
M. Augustine : Il y a une initiative sur le diabète. Tout ce qu'on peut faire avec ce financement, c'est de la sensibilisation. Ces fonds ne nous permettent pas de faire une gestion de quelque sorte que ce soit.
Le sénateur Callbeck : Vos budgets sont à peu près les mêmes que dans les années 1980?
M. Augustine : Oui.
Le sénateur Callbeck : Vous n'êtes pas en mesure d'offrir autant de services que vous le faisiez dans le temps?
M. Augustine : Nous sommes progressivement passés au financement de projets. Nous soumettons des propositions et nous recevons un financement pour un ou deux ans. Lorsque le projet arrive à terme, le personnel temporaire est alors renvoyé. Seul le financement pour la rémunération des cadres et du personnel de soutien est plus ou moins permanent.
Le sénateur Callbeck : Votre société d'habitation sans but lucratif compte beaucoup d'unités et de logements uniques, et cetera. Y a-t-il une longue liste d'attente pour les gens qui veulent accéder à un tel logement?
M. Augustine : Oui, on peut dire qu'il y a une liste d'attente. Toutefois, les unités disponibles ne correspondent pas aux besoins. Une personne âgée qui vit seule dans une unité à deux chambres monopolise cette unité — et nous n'allons tout de même pas demander à une personne âgée de quitter les lieux — ainsi, lorsqu'un chef de famille monoparental cherche un logement, ces types d'unités ne sont pas disponibles.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé de la maison d'hébergement Grandmother's House. Je crois avoir lu un article là-dessus la semaine passée. Le gouvernement provincial lui a accordé 22 000 $ pour l'hiver. Est-ce exact?
M. Augustine : Oui.
Le sénateur Callbeck : Je crois que l'article disait que le native council allait annoncer une initiative cette semaine. L'a-t-on déjà fait?
M. Augustine : Je crois qu'on attend l'approbation d'un programme, mais je ne suis pas sûr duquel.
Le sénateur Callbeck : Le refuge pour hommes a fermé ses portes en 2006, tout simplement parce que vous n'aviez pas les moyens de le garder ouvert. Peut-on espérer qu'il rouvre ses portes?
M. Augustine : Nous demeurons optimistes. Dès qu'un nouveau programme voit le jour, nous ne manquons pas de soumettre une proposition. Il faudra considérer cela presque comme un autre projet à financer de nouveau.
Cela devient une question de survie pour nous. Nous avons pu assurer notre survie pendant des siècles et nous sommes toujours ici; je crois que nous devons faire preuve de créativité dans la façon dont nous cherchons à obtenir du financement.
Le sénateur Callbeck : Lorsque vous avez fermé ce refuge, où sont allés ces hommes?
M. Augustine : Certains sont retournés dans la rue. D'autres sont retournés dans les réserves. D'autres encore se sont retrouvés en prison à cause de leurs problèmes de toxicomanie. Les facteurs qui poussent les gens à venir et à partir sont toujours là. Il y a toujours une migration urbaine et rurale qui est presque saisonnière. Au printemps, avec l'arrivée du beau temps à l'Île-du-Prince-Édouard, tout le monde déménage à Charlottetown. À l'automne, lorsque le froid s'installe de nouveau, les gens retournent dans leurs collectivités d'origine. Il y a un va-et-vient constant.
Le sénateur Munson : On dit toujours : « J'ai beau vivre en Ontario, mais mon cœur reste dans les Maritimes. »
Le logement est un droit de la personne. Sans un chez-soi, il n'y a pas d'espoir. Nous avons vu de nombreuses statistiques sur le taux de suicide dans les réserves, mais il y a un certain anonymat en ce qui concerne les Autochtones vivant hors réserve, et nous ne savons pas grand-chose à leur sujet.
J'ai déjà travaillé avec le native council, mais ces gens sont laissés pour compte, eux aussi. Je suis curieux de savoir s'il existe des statistiques sur ceux qui n'ont pas d'espoir, qui n'ont pas de chez-soi, qui vivent dans nos villes — on compte bien au-dessus d'un million d'Autochtones, peut-être plus, qui n'ont plus d'espoir parce qu'ils n'ont pas de logement, ce qui est pourtant un droit fondamental de la personne.
M. Seymour : Ces deux derniers mois, la Fondation autochtone de guérison a publié, dans le cadre de sa série de recherches, des statistiques sur le suicide chez les Autochtones au Canada. Vous pouvez en obtenir un exemplaire au bureau de la Fondation au coin de la rue. J'avais demandé à ce que l'on m'en envoie un par la poste. Dans mon mémoire, j'ai cité un passage qui se trouve à la page 75 du rapport, où les auteurs font un lien entre l'itinérance, le désespoir et le suicide.
Je vous conseille de passer en revue le rapport de fond en comble. Nous, les Autochtones, comprenons ce lien de façon intrinsèque. Par exemple, lorsque vous vous levez le matin, vous vous lavez. Mais si vous n'avez pas de logement, cela ne sera pas possible. C'est aussi inévitable que la nuit succède au jour.
À l'heure actuelle, les gens en Colombie-Britannique et particulièrement à Vancouver suivent les audiences sur la mort de Frank Paul et le rôle de la police : où était la collectivité, où était le Canada lorsque la police a abandonné Frank Paul dans une ruelle à 100 pieds du centre de désintoxication où il est mort gelé? Il y a sans cesse des histoires de ce genre.
Le froid commence à s'installer ici. En Colombie-Britannique, nous avons entamé la mise en œuvre de stratégies qui mènent à la coopération et à la compréhension : tout le monde doit faire sa part. La pauvreté n'est pas quelque chose qui a été attribué par le Parlement ou par les Pères de la Confédération. Nous devons respecter cela. La lutte contre la pauvreté est l'affaire de tout le monde. Chaque vie est importante et fait donc partie de la société canadienne. Par conséquent, nous devrions tous unir nos efforts.
Certains points dont je veux parler sont positifs. En Colombie-Britannique, bien qu'il ne soit pas encore mis au point, un protocole d'entente a été signé par la province, le gouvernement fédéral et le conseil de direction, qui tient compte des résidants vivant dans les réserves et hors réserve et comprend que nous devons travailler ensemble. Nous connaissons tous la valeur d'une vie humaine.
La SCHL voulait être partie à l'entente parce qu'il est question de « logement » et le processus est bloqué quelque part sur le Chemin de Montréal. Nous devons faire progresser le dossier; il suffit peut-être d'un appel rapide du président pour dire : « Sortez le document de là et faites-le signer ». Nous n'avons pas besoin de faire des chichis; il faut aller de l'avant avec l'entente.
Il y a six principes à comprendre lorsqu'on met au point une intervention face aux problèmes de logement. Le premier, c'est de comprendre le continuum de logement, depuis l'itinérance jusqu'à l'accession à la propriété. Le deuxième, c'est d'aider les fournisseurs de logements actuels, comme ceux que vous avez devant vous. Le troisième, c'est de mettre sur pied des associations régionales. L'Ontario refuse de regrouper 42 organisations de logement et de former un réseau; vous pouvez exercer des pressions à cet égard. Au Manitoba, on ampute leurs budgets. Vous avez entendu parler de l'Île-du-Prince-Édouard. Fournissez un soutien général à ces associations, de même qu'aux associations nationales.
Le quatrième, c'est de reconnaître les changements dans la conjoncture économique et sur le marché. On ne peut plus acheter une unité de logement à Vancouver pour moins de 250 000 $. Vous pouvez utiliser les statistiques que B.C. Housing a recueillies par l'entremise de sa Fiducie pour le logement des Autochtones. Si je divise 50,9 millions de dollars par 192 unités, le coût moyen par unité en Colombie-Britannique, sans tenir compte du fait que c'est le même partout, s'élève à près de 200 000 $. Ce coût n'est pas le même dans les Prairies, au Manitoba.
La répartition des fonds de la Fiducie pour le logement des Autochtones hors réserve est-elle effectuée proportionnellement à l'économie ou à la population? Pendant les bonnes années, entre 1984 et 1994, nous avons reçu 3 p. 100 de la répartition dans le cadre du Programme de logement pour Autochtones en milieu urbain par rapport au programme non autochtone, mais puisque nous représentions 6 p. 100 de la population, comme l'a indiqué la Commission royale, nous aurions dû obtenir deux fois plus d'unités. Nous serions deux fois plus avancés. Étant donné que nous n'avons pas reçu une part proportionnelle à nos besoins — la part qu'on nous a accordée était proportionnelle à la population, mais non pas aux besoins —, nous accusons maintenant un retard d'environ 25 000 unités. Nous devons reconnaître les différences entre les conditions et les besoins économiques.
Le cinquième point de tout programme, ce serait de faciliter la participation des autres. Nous appuyons l'élaboration d'une stratégie nationale qui fait intervenir toutes les parties. C'est la responsabilité de toutes les parties. Si le logement constitue un droit de la personne, si nous ne sommes pas une personne, nous n'y avons pas droit. Si nous sommes une personne, nous avons alors un droit et une responsabilité, comme on devrait l'enseigner à l'école de droit. Chaque personne qui a un droit a une responsabilité. Comme citoyens canadiens, nous avons tous la responsabilité de faire notre possible et ce, où que nous soyons. Cette responsabilité englobe les provinces, les municipalités, et cetera. Nous sommes prêts à aider. Certains d'entre nous sont ici depuis le début des années 1970 et 1980. Nous voilà maintenant en 2007.
Le président : Les autres témoins veulent-ils prendre la parole?
M. Seymour : Il y a un dernier principe : la dynamique. Nous devons avoir un programme qui correspond aux besoins de façon dynamique. Vous avez entendu parler du vieillissement des populations et du changement dans la demande. Les maisons ne changent pas. Nous construisons une maison de trois chambres à coucher, mais nous la construisons pour une mère et ses deux enfants. Les deux enfants grandissent et nous nous retrouvons maintenant avec une maison habitée par une personne âgée. Nous devons renverser la situation. Il nous faut un processus de construction dynamique.
Mme Brown : Vous vouliez connaître les statistiques. Nous, les Inuits, avons trois problèmes pour obtenir des données exactes. Tout d'abord, puisque nos données ne sont habituellement pas séparées de celles des autres groupes des Premières nations, il est difficile de déterminer le pourcentage d'Inuits. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons aussi un problème d'itinérance cachée. De nombreuses familles vivent avec des membres de leur famille élargie ou même de leur collectivité, des gens qui viennent de la même communauté. Nous avons une maison de trois chambres à coucher qui abrite deux ou trois familles. Il est difficile de jauger l'itinérance dans ce contexte. Par ailleurs, notre population est mouvante. Là encore, on l'a dit plus tôt, mais un grand nombre de personnes qui déménagent à Ottawa peuvent y rester pendant trois ou quatre mois, puis partir s'installer dans une autre ville ou retourner à la maison pour une raison ou pour une autre. Il est difficile de comptabiliser les données, mais nous faisons de notre mieux.
Le sénateur Munson : Pour être précis un instant, la population autochtone en milieu urbain a au moins doublé au cours des 20 dernières années. Cette hausse signifie qu'un grand nombre de jeunes adultes et d'enfants vivent dans des maisons semi-finies, et ils ont des besoins. Quelles mesures devraient être mises en place pour que les programmes de logement destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain puissent répondre aux besoins spéciaux de ces familles ayant de jeunes enfants? Je veux entrer dans les détails. Je comprends les six principes.
M. Seymour : Quand on examine le continuum de l'itinérance jusqu'à l'accession à la propriété, on constate que les gouvernements fédéral et provinciaux l'attaquent en différents endroits. Des personnes sont laissées pour compte. La mère seule est un bon exemple. Où va-t-elle? Nous devons comprendre ce continuum, qui va des refuges, aux refuges de seconde étape et à l'accession à la propriété, de même que ce qui fait progresser les gens dans le continuum. Nous croyons qu'une façon de tirer davantage parti des logements existants, c'est de s'occuper du dernier maillon de la chaîne et d'élaborer des programmes sur l'accession à la propriété. Votre appui pourrait être utile à l'Association nationale du logement autochtone pour financer une étude sur l'accession à la propriété afin de s'engager dans cette voie, libérer des unités qui serviraient à des personnes qui quittent les refuges. Le problème, c'est qu'elles sont obligées de rester au refuge. Où peuvent-elles aller après?
Le sénateur Munson : Le gouvernement fédéral devrait-il réagir différemment pour d'autres groupes ayant des besoins? Autrement dit, l'intervention du gouvernement fédéral pour combler les besoins en matière de logement autochtone devrait-elle être différente de son intervention pour répondre aux besoins d'autres groupes? Pouvez-vous donner des exemples?
M. Seymour : Notre droit est fondé sur notre droit international, c'est-à-dire un droit de la personne égal au droit de chacun, et la seule raison pour cibler les Autochtones dans des conditions spéciales, c'est que nous sommes mal représentés ou surreprésentés par rapport au besoin qui existe actuellement. Quand 34 p. 100 des sans-abri dans les grandes villes sont des Autochtones et que la population autochtone ne représente que 3 p. 100 de la population, il y a quelque chose qui cloche. Si nous comptions pour 3 p. 100 des sans-abri, nous ne nous plaindrions pas. Toutefois, nous nous plaignons, car nous constituons cette proportion.
M. Poirier : Chaque jour, des familles de différentes collectivités d'un peu partout dans la province se présentent à mon bureau. Elles arrivent mal préparées. Winnipeg enregistre probablement l'un des taux d'inoccupation les plus bas depuis de nombreuses années. Nous l'avons évalué à environ 1,5 p. 100, je crois. La SCHL a interrogé des propriétaires d'immeubles d'habitation pour arriver à ce taux quand nous parlons en réalité de taux pour ces familles. Un montant de 310 $ pour le logement est prévu dans le budget d'aide sociale accordé à une mère avec deux enfants. Je mets quiconque au défi de trouver un logement non subventionné de deux chambres à coucher pour 700 $ par mois à Winnipeg. Où cette famille va-t-elle? Je ne peux pas lui donner d'espoir. Je lui dis que j'aurai peut-être quelque chose dans deux ou trois ans. Que fait cette famille pendant ces deux ou trois années d'attente? La situation est inacceptable. Pour ce qui de l'espoir pour ces familles, où vont-elles? Elles finissent par habiter chez des amis ou des proches dans des logements surpeuplés. Elles bouleversent tout. La situation est impossible à gérer. Les familles ont dû mal à vivre avec d'autres familles. Il y a des tensions, des incidents et toutes sortes de problèmes.
Pendant ce temps, je ne construis pas de nouveaux logements. Je n'augmente pas mon inventaire de logements. En réalité, il baisse. D'ici 2017, Kinew Housing n'aura plus de logements subventionnés si on ne fait rien. Le coût de ces unités de logement augmentera. Le loyer sera de 650 ou de 700 $ par mois, à moins qu'on se débarrasse de ces logements ou qu'on en réduise le nombre en les vendant ou, peut-être, en offrant aux locataires de les acheter. La situation est inacceptable.
Que devons-nous faire de ces familles? Où les envoyons-nous? Où vont-elles? Nous sommes presque le dernier espoir pour ces familles. Quand nous voyons le visage de ces gens, c'est une autre histoire. C'est peu réjouissant de leur annoncer : « Je suis désolé, mais je ne peux rien faire pour vous ».
Le président : Vous faites valoir un point essentiel qu'il ne faut pas oublier. Dans les notes du personnel que nous avons sous les yeux, un tableau au bas de la page 5 montre certaines des tristes réalités auxquelles est confrontée la collectivité autochtone, que l'on compare avec la population totale.
Par exemple, le pourcentage d'enfants de moins de 15 ans dans les familles à faible revenu s'élève à 20,6 p. 100 dans la population en général, tandis qu'il est de 50 p. 100 dans la population autochtone. Ces statistiques sont peu encourageantes et diffèrent dans tout le tableau, selon qu'il s'agit des Autochtones ou des non-Autochtones. Cette différence vaut la peine d'être examinée. On peut voir la dimension et l'étendue du problème auquel nous faisons face.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pour ce qui est de nous combler, je suis certaine que c'est ce que nous avons entendu de plus émouvant et de plus important aujourd'hui. Nous devons entendre des gens comme vous, écouter et voir si nous pouvons faire quoi que ce soit.
La Fiducie pour le logement des Autochtones en milieu rural et celle pour les Autochtones hors réserve, est-ce la même chose? Dans votre document, monsieur Seymour, l'une s'appelle « en milieu rural » et l'autre, « hors réserve ». S'agit-il du même fonds?
M. Seymour : Non, trois programmes ont vu le jour à la suite du financement accordé après 1996 : le programme de logement abordable; un autre programme, qui ne ciblait pas les Autochtones; et le troisième et dernier, qu'on appelle la « fiducie pour le logement ». De cette fiducie de logement, il y avait un montant de 300 millions de dollars réservé pour la Fiducie pour le logement des Autochtones. Dans notre document, on parle de financement hors réserve nécessaire.
Y a-t-il un point précis que je pourrais clarifier?
Le sénateur Trenholme Counsell : J'essaie de comprendre ce qu'on a sur la table en ce moment. J'ai une question précise. J'ai passé en revue votre déclaration, plus particulièrement, même si chaque exposé est important et émouvant. J'ai vérifié partout où vous avez parlé d'argent et j'ai examiné vos recommandations concernant les mesures à prendre. L'une vise la recherche. La recommandation 17 porte sur le financement pour fournir des logements pour les Autochtones, qui semble être la principale recommandation.
Je veux vous poser une question sur la Fiducie pour le logement des Autochtones hors réserve, qui comptait à l'origine 300 millions de dollars. Si je regarde la période de 2007 à 2009, qui est évidemment la période où nous sommes, je vais prendre deux exemples : le Nouveau-Brunswick recevra 4,4 millions de dollars et l'Ontario, 53,4 millions de dollars.
Vous serait-il possible de me donner le pourcentage des besoins actuels auxquels ce financement répondrait, si ces fonds étaient tout de suite utilisés le plus efficacement et judicieusement possible, sur vos conseils? Par ailleurs, dans ce pays, cette nation, des foyers de soins spéciaux sont-ils disponibles pour les aînés? Les foyers de soins spéciaux deviendront nécessaires pour un grand nombre d'entre nous. Je ne parle pas de maisons de soins infirmiers où les aînés doivent être malades pour pouvoir y loger, mais plutôt les foyers de soins spéciaux intermédiaires où ils ne peuvent pas être laissés à eux-mêmes. Il y a sûrement un grand nombre d'aînés au pays qui ont besoin de ce soutien.
M. Seymour : Statistique Canada a produit un rapport intitulé Un portrait des aînés au Canada. Il ne se trouve pas dans votre trousse parce que nous ne vous avons pas remis tous les rapports et études. Nous avons tenté de choisir des documents simples pour que vous puissiez les lire pour le lendemain. Le sixième chapitre porte sur les aînés autochtones et fait référence au pourcentage d'aînés vivant dans des logements surpeuplés par rapport aux aînés non autochtones, ce qui nous ramène à la relativité des besoins des Autochtones.
Dans le rapport, le tableau 6.19 montre que dans toutes les régions du Canada, en moyenne, 7,5 p. 100 des aînés autochtones vivent dans des logements surpeuplés, comparativement à 2 p. 100 chez les non-Autochtones.
Le problème commence à être ciblé. Jusqu'à 15 p. 100 des aînés dans les réserves, 6 p. 100 des aînés hors réserve et 2 p. 100 des aînés vivant dans des collectivités non autochtones vivent dans des maisons surpeuplées. Le problème du surpeuplement est énorme. Ce document sera remis à la greffière et vous pourrez le lire quand bon vous semblera. Il contient les statistiques.
Toutefois, votre question va plus loin que les seules statistiques. Nous avons découvert dans quelques cas — il y a des exemples qui reviennent périodiquement — que l'un des bienfaits du Programme de logement des Autochtones en milieu urbain, c'est qu'il a créé des institutions que nous appelons maintenant « fournisseurs de logement » : Kinew, M'akola, d'où je viens, et dans votre propre ville ici, Gignul.
Les capacités et les compétences ne manquent pas pour fournir des unités dans l'avenir, de même que la capacité de comprendre et d'effectuer l'analyse, comme vous l'avez entendu ici. Par conséquent, il y a des exemples.
Le M'akola Housing à Victoria a bâti des logements, de concert avec la ville de Langford et la province de la Colombie-Britannique. Ils ne sont pas strictement destinés aux Autochtones. Que ce soit clair. Nous voulons être justes envers tout le monde. Nous avons dit que ce serait un foyer pour personnes âgées pour tous les aînés, mais nous privilégions la collectivité autochtone pour que le ratio reste le même, afin que ceux dans le besoin y aient accès.
Comme organisation autochtone, dans une filiale, nous servons les populations autochtones et non autochtones, pour essayer de maintenir un équilibre.
Je crois savoir que Gignul en a un aussi. Il y a des exemples partout au Canada.
M. Poirier : À Winnipeg, nous avons un foyer pour personnes âgées qui s'appelle Kekinan. Il compte 32 unités pour nos aînés. Nous sommes régulièrement confrontés à un dilemme : À mesure que les familles vieillissent et que leurs enfants partent de la maison, qu'advient-il des personnes âgées? Elles doivent déménager, mais où? Trente-deux unités ne suffisent pas. Au fil des ans, Kekinan a tenté à plusieurs reprises de mettre en œuvre la deuxième étape de son projet, qui doublerait sa taille, mais en vain.
Le sénateur Trenholme Counsell : La population des personnes âgées connaît une croissance exponentielle au Canada. La vôtre augmente-t-elle aussi?
M. Poirier : Oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Nous parlons beaucoup des jeunes autochtones sans-abri et nous devons continuer d'en parler, mais je voulais aussi soulever la question des personnes âgées autochtones, de vos aînés. Y a-t-il un élan de compassion envers ces gens partout au pays?
M. Seymour : Absolument, c'est pourquoi j'utilise deux termes. L'un est le continuum, mais l'autre est la dynamique de l'analyse de l'unité. Quand nous avons fondé M'akola en 1984, nous nous sommes rendu compte que 60 p. 100 des personnes sur la liste d'attente étaient des mères seules âgées entre 20 et 24 ans et ayant jusqu'à trois enfants. Par conséquent, nous avons construit des maisons de trois chambres à coucher.
Maintenant, 24 ans plus tard, une personne qui avait 24 ans en a 48. Elle n'est pas une personne âgée, mais ses enfants ont grandi et ont déménagé. Nous avons des femmes d'âge mûr vivant dans une maison de trois chambres à coucher. Ce sont des parents dont les enfants ont quitté le foyer. Nous voulons trouver des moyens pour regrouper ces parents afin qu'ils aient une maison, mais nous voulons les déménager d'une maison de trois ou de quatre chambres à coucher pour les installer dans une maison de deux chambres. Ainsi, on libérera la grande maison pour que de nouvelles familles puissent s'y installer.
La seule façon d'y arriver, c'est de mettre en place un programme suffisamment souple pour répondre au besoin de la dynamique, comme je l'ai mentionné dans les six principes.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai parlé des 4,4 millions de dollars pour le Nouveau-Brunswick et des 53,4 millions de dollars pour l'Ontario. Quel pourcentage de ce financement serait nécessaire si vous deviez l'utiliser immédiatement?
M. Seymour : Selon les données de 2001 de Statistique Canada, nous avons indiqué dans notre étude que le gouvernement du Canada doit fournir 2 200 unités par année. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous espérons mettre à jour cette étude, en discuter. Si nous prenons l'exemple de la Colombie-Britannique — dont on ne connaît pas les données économiques —, elle ne construira que 292 unités. À l'échelle du Canada, nous constatons que la Colombie-Britannique a reçu 50 millions de dollars, soit le sixième des fonds. Si nous arrondissons les 292 unités à 300 et multiplions par six, nous obtenons 1 800 unités.
Le montant de 300 millions de dollars n'est que le financement prévu pour une année, et il s'échelonnera sur trois ans. Il n'allait pas combler tous les besoins. Pour ce faire, nous devons le multiplier par dix parce que nous avons pensé que si nous demandions le financement pour satisfaire l'ensemble des besoins en une année, nous ne pourrions pas fournir toutes les unités. Nous avons décidé de faire notre possible, en utilisant les données de 2001. Nous voulons 2 200 unités, multipliées par 10.
M. Augustine : À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons travaillé à un projet de complexe pour les aînés, dont nous avons exprimé le besoin au Cabinet du premier ministre. À un certain moment, nous avons fait appel à un architecte pour dessiner un plan. Le complexe d'un étage comporterait plusieurs unités d'un seul tenant. Nous ne voulons qu'un étage. Nous examinons la possibilité d'engager du personnel de soutien pour faciliter le plus possible l'autonomie des aînés, tandis que les aires communes serviraient à socialiser.
Mme Brown : En ce qui a trait au logement pour aînés, je sais que dans le Nord, de nombreuses collectivités s'en tirent bien, mais à Ottawa, nous n'avons rien. Nous éprouvons des problèmes d'accessibilité aux immeubles d'habitation. Nous avons des aînés qui doivent monter et descendre des escaliers pour avoir accès à leur appartement et nous n'avons pas d'autre choix parce que nous sommes limités à ces immeubles pour les unités simples. Si nous avions de l'argent à dépenser aujourd'hui, nous envisagerions de construire des unités simples accessibles en fauteuil roulant et en triporteur. Nous en avons désespérément besoin en ce moment.
Le sénateur Keon : À vous écouter, j'ai l'impression que vous souffrez du même mal que la majorité des programmes bureaucratiques. Vous souffrez de bureaucratie étouffante. Vous ne pouvez pas avancer comme vous voulez dans les diverses initiatives que vous entreprenez.
Vous avez besoin d'environ 2 200 unités par année, ce qui ne me paraît pas énorme. Les promoteurs dans les grandes villes construisent ce nombre de logements en l'espace de quelques mois.
Par ailleurs, vous devez collaborer avec 110 organisations, si je comprends bien, et avec 40 organisations en Ontario. Vous examinez le coût en immobilisations de 2 200 unités. À moins que quelqu'un ne s'enrichisse à construire ces unités au prix de 250 000 $ chacun à Vancouver, vous devriez être en mesure de fournir 2 200 unités par année avec l'aide de 110 organisations sans que le coût soit exorbitant. L'ennui, c'est que vous ne pouvez pas mettre l'organisation en place pour rassembler tous les éléments afin de mener le travail à bien. Je vous félicite des initiatives que vous avez entreprises sur le terrain.
Avez-vous des ressources pour examiner ce besoin de A à Z et élaborer un plan stratégique pour construire les 2 200 unités par année, en calculant les coûts des immobilisations pour les bâtir et les coûts de fonctionnement pour les entretenir? Je ne sais pas quel serait le délai d'exécution pour la majorité des unités pour le type d'unité dont vous parlez. Toutefois, je crois que pour la majorité des unités résidentielles, le délai d'exécution dépasse les 20 ans. J'imagine que les coûts d'entretien pourraient être calculés facilement.
Si vous pouviez mettre sur pied un programme de ce genre, je ne vois pas ce qui pourrait vous empêcher de le faire. Quelle personne saine d'esprit s'opposerait à fournir 2 200 unités de logement par année?
Je veux que vous nous parliez de ce dont vous avez besoin en matière d'aide à la planification pour mettre en œuvre votre programme et faire avancer le dossier.
M. Seymour : L'Association nationale du logement autochtone a besoin de ce genre de soutien. Il faut trois mécanismes pour offrir les fonds nécessaires. Vous avez soulevé la question de la bureaucratie. Le gouvernement fédéral a de l'expérience dans la construction de logements par l'intermédiaire des 110 organisations puisqu'il les a créées.
Le deuxième mécanisme consiste à verser des fonds aux provinces et à prier le ciel pour qu'elles fassent ce qui doit être fait. Nous observons cette situation dans la Fiducie pour le logement des Autochtones hors réserve, quand des fonds sont versés aux provinces sans aucune condition sauf celle de les dépenser pour offrir des logements.
Comme vous le dites, nous devons fournir les unités. Le montant de 300 millions de dollars comblera le dixième des besoins, ce qui équivaut à moins d'un an d'effort. Les provinces détiennent ces fonds depuis le 1er octobre 2006. Nous nous en sommes rendu compte presque au même moment que le ministre des Finances a signé et envoyé les chèques aux provinces. À l'exception de la Colombie-Britannique, les provinces n'ont pas fait grand-chose pour fournir des logements.
La troisième possibilité, c'est de nous aider à mettre sur pied une fondation où nous travaillerons de concert avec les autres collectivités autochtones, comme on l'a indiqué dans l'exemple de la Fondation de guérison de même que d'autres modèles de fondation. Je sais que l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, l'ACHRU, a élaboré une proposition pour créer une fondation, et la Société canadienne d'hypothèques et de logement travaille actuellement à un modèle de marché avec 300 millions de dollars. Nous attendons de voir ce que donnera ce travail en vue de créer des logements du marché dans les réserves, qui ne touchera pas la collectivité hors réserve. C'est un autre moyen.
Nous nous rendons compte que nous voulons que les provinces participent. Elles ont un devoir envers tous leurs résidents, et nous nous considérons dans cette catégorie. Nous estimons avoir besoin d'une initiative qui fera participer les provinces. La Fiducie pour le logement des Autochtones hors réserve n'était peut-être pas la meilleure façon de procéder. Il aurait peut-être fallu plus de conditions.
Toutefois, la fondation a des aspects positifs parce qu'elle élimine la bureaucratie et rend la collectivité autochtone responsable de solliciter la participation des provinces. À notre avis, les provinces ont les ressources pour offrir des garanties dans les programmes.
Vous avez entendu votre collègue de l'Île-du-Prince-Édouard parler des autres types d'initiatives qui offrent des services sociaux aux locataires pour les faire progresser dans le continuum. Nous ne pouvons pas fournir des refuges sans programmes qui aident véritablement les gens à devenir des êtres à part entière.
Quelle que soit l'option que nous retenons, nous devons nous assurer la participation des autres. L'un de mes six principes vise à faire en sorte qu'on facilite cette participation.
La population dans les réserves augmente. Ce n'est pas tant à cause de l'arrêt Corbiere que parce que les Premières nations ont une responsabilité envers leurs résidents qui vivent à l'extérieur des réserves. Faire participer les gens qui vivent dans les réserves est un défi, mais qui vaut la peine d'être relevé.
Même si nous appuyons le modèle de la fondation, nous croyons qu'il pourrait en comporter plus d'une. Un homme du nom d'Arthur Donner a mené toutes sortes d'études pour la SCHL sur les modèles de fondation, et elles sont toutes considérées bonnes à mettre au rebut.
Le sénateur Keon : Je crois que quiconque a déjà essayé de suivre les transferts fédéral-provinciaux pour voir où les fonds devraient être affectés comprend les difficultés qui leur sont associés. Toutefois, si vous les acculez au pied du mur au moyen d'un bon plan stratégique, elles ne peuvent pas vous échapper. Si vous suivez la piste de l'argent, elles doivent rendre des comptes.
À mon avis, votre problème, c'est que vous avez actuellement un grand nombre d'organisations, mais aucune ne vous permet de suivre la piste de l'argent. J'ai passé toute ma vie à travailler dans le domaine de la santé, et je crois qu'une bonne santé dépend d'une dizaine de facteurs, y compris le logement. Toutefois, je pense que c'est commettre une grave erreur en matière d'habitation que de se laisser distraire pour essayer de fournir tous les autres services. Construisons la maison et concentrons-nous là-dessus.
Je ne peux pas m'imaginer pourquoi, dans un pays comme le nôtre, nous ne pouvons pas fournir 2 200 unités de logement public par année. À mon sens, c'est inconcevable que nous ne soyons pas en mesure de le faire.
Le président : Les autres témoins veulent-ils prendre part à cette discussion?
M. Poirier : Quel que soit le modèle de programme que nous utilisions ou la façon dont nous l'offrons, il ne comprend pas de financement ponctuel ni 25 ans de financement. Il s'agit d'un financement permanent. Il ne disparaîtra pas. Il nous faut ces maisons. Nous devrions avoir une certaine liberté d'action avec certaines des propriétés que nous avons.
À l'heure actuelle, si je vendais une maison, je perdrais la subvention. Cette subvention aurait dû être transférable. Elle aurait dû être transférée à une autre propriété. Ce transfert ne se fait pas actuellement.
Ces types d'opérations requièrent de la souplesse, mais doivent être à long terme. Je suis désolé, mais une période de 25 ou 30 ans paraissait longue à l'époque. Tout à coup, je suis confronté à un problème et je ne veux pas que personne d'autre ait à y faire face. Mettons le financement en place de façon permanente. Le problème ne va pas disparaître.
Le sénateur Keon : Je comprends très bien vos frustrations.
Le président : Quelqu'un d'autre veut-il répondre avant que je passe au sénateur suivant?
M. Seymour : Non, si ce n'est pour dire que je suis du même avis que le sénateur. Ce devrait être simple et évident, mais ça ne l'est pourtant pas.
On peut voir l'évolution du mouvement des centres d'amitié en Ontario. Bien que ce mouvement ait mis sur pied un certain nombre d'organisations de logement, ces dernières ont mis le logement de côté pour le séparer des services sociaux. Vous avez raison de dire que nous devons d'abord construire les logements. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent cesser de se disputer pour savoir qui est responsable du travail et passer à l'action.
Le sénateur Keon : Mais ma question était : Que pouvons-nous faire pour vous fournir les ressources en matière de planification stratégique? J'aimerais que vous y répondiez tous.
M. Seymour : Aider l'Association nationale du logement autochtone et la conférence nationale à élaborer une stratégie nationale en matière de logement échelonnée sur dix ans.
Mme Brown : Je suis tout à fait d'accord sur le fait que nous avons désespérément besoin d'une stratégie en matière de logement.
M. Augustine : L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est qu'on nous dit sans cesse qu'il nous manque la masse critique.
J'ai déjà vécu à Ottawa et, en parlant avec des gens dans la rue, ils me disaient : « Oh, vous avez des Indiens et des Autochtones à l'Île-du-Prince-Édouard? » Quand on regarde le financement du programme et les décisions qui touchent les programmes destinés aux Autochtones, c'est comme s'ils marmonnaient dans leur barbe : « Vous n'avez pas la masse critique pour justifier ce type de financement ». C'est comme si c'était une condition de la Confédération. Pour que l'Île-du-Prince-Édouard fasse partie du Canada, elle a besoin de cette masse critique, sans quoi, elle ne devrait même pas prendre la peine de participer aux discussions.
Quand on examine les systèmes de planification et nos expériences passées, lorsque les accords de financement englobaient le renforcement des capacités, il nous est souvent arrivé de ne pas recevoir ce type de financement. Dans le dossier du logement hors réserve, les Premières nations voudront se faire entendre, et je peux comprendre leur position. Elles ont déjà reçu ce genre de ressources pour renforcer les capacités et s'occuper des opérations et des travaux d'entretien.
En raison de la nature de notre organisation, un grand nombre d'Autochtones vivent hors réserve, et la majorité du financement des gouvernements fédéral et provinciaux est allouée aux Premières nations. Nous avons toujours eu du mal à renforcer les capacités. C'est très difficile à l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Autre chose sur cette question essentielle?
M. Seymour : Pour compléter, on parle d'une stratégie nationale pour ressusciter un programme de logement qui fournirait 2 200 unités et tiendrait compte des six principes dont j'ai parlé.
Une des critiques que j'ai à l'égard de la Fiducie pour le logement des Autochtones hors réserve, c'est qu'elle ne renferme que des fonds pour des dépenses d'immobilisations. Il faut des fonds pour les dépenses de fonctionnement. Je tenais à le signaler.
Par ailleurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est important de cibler les Autochtones et, en ce sens, pour renforcer mon argument selon lequel nous devons aider les fournisseurs de logement existants, nous reconnaissons la nécessité de fournir des unités de logement aux Autochtones. Les fournisseurs existants sont issus des collectivités autochtones pour aider les Autochtones. Il est important que nous mettions l'accent là-dessus et comprenions qu'il appartient à ces fournisseurs d'intégrer l'élément culturel au besoin et ce, où que soit logement. On m'a dit de faire passer ce message dans ces trois points supplémentaires.
Le sénateur Fairbairn : Monsieur Seymour, je vous ai écouté lorsque vous parliez du logement et du gouvernement national. Le mot « Alberta » a été soulevé à un moment donné. Vous avez parlé d'un programme composé d'un volet échelonné sur trois ans prévoyant des rénovations, mais pas de nouvelles maisons.
Je me suis occupée de certaines de ces initiatives au fil des ans et j'ai vu des logements adéquats être construits à Calgary, qui est une ville dynamique et qui n'est pas reconnue pour être pauvre. Les logements étaient destinés particulièrement aux Autochtones, à des mères avec des enfants, et cetera. Ils les ont bâtis près des écoles, et tout paraissait bien, puis les choses ont commencé à se gâter.
Avez-vous des réflexions à nous faire au sujet de ce genre de projet?
M. Seymour : J'ai parlé de l'Alberta tout à l'heure, lorsqu'il était question de la vérification pancanadienne que j'ai faite pour l'Association nationale du logement autochtone. Pour ce qui est de la part albertaine des fonds versés en fiducie pour le logement autochtone, l'Alberta nous a dit qu'elle les a partagés en trois parts égales et qu'elle engagera X dollars cette année. Les fonds s'appliquent effectivement à une période de trois ans. Quant à l'utilisation qui peut être faite de l'argent, la Province affirme qu'il peut servir à n'importe quoi, à condition que ce soit du logement, donc à des rénovations également. On m'a déjà demandé combien d'unités de logement résulteront de ces fonds. Si la Province utilise l'argent pour faire des rénovations — ce qui est valable —, nous ne diminuerons en rien les besoins existants. Nous soutiendrons simplement les unités existantes. Il est crucial de comprendre la différence entre les deux.
Nous n'avons pas encore vu de résultats concrets de l'engagement des fonds albertains. L'Alberta représente une province unique au Canada en ce qui concerne les fournisseurs de logement. Il y en a deux groupes. Il y a ceux qui ont des liens avec des groupes visés par traité, comme à l'Île-du-Prince-Édouard. Il existe dans la réserve un groupe qui, par l'intermédiaire d'un organisme subsidiaire, offre du logement en milieu urbain. Le hic, c'est qu'une fois que le programme est aboli, comme ce fut le cas en 1994, puis que la responsabilité en fut cédée en 1996, il a commencé à se consolider comme toute autre entreprise. Si une entreprise à domicile est située dans la réserve, elle commence à se consolider dans la réserve également.
Vos observations sont justes. Les programmes en milieu urbain diminuent quand ils sont dirigés à partir d'une collectivité située dans la réserve.
Le sénateur Fairbairn : Et lorsqu'on en a le plus besoin.
M. Seymour : Effectivement, lorsqu'on en a le plus besoin. Amisk Housing Association fait partie de notre organisme. L'association est située à Edmonton. Elle a conclu des alliances avec la Ville d'Edmonton et fait partie du fonds de fiducie du logement d'Edmonton qui a été établi pour créer des investissements locaux en vue d'offrir du logement et en profiter. L'association a réalisé plusieurs projets à Edmonton. Voilà qui illustre le travail fait en collaboration en vue d'offrir du logement à tous, chacun respectant le principe que le logement est un droit de la personne. C'est ce qui se passe. C'est pourquoi un de mes six principes est de faire participer toutes les parties, parce qu'elles sont toutes en cause. J'espère avoir ainsi répondu à votre question.
Le sénateur Cordy : La région atlantique du Canada est bien représentée à la table.
Je vous remercie d'avoir dénoncé les conditions inacceptables dans lesquelles vivent les Autochtones sans abri. M. Poirier a indiqué que le manque de logement déstabilise les familles, et le sénateur Keon en a parlé comme d'un déterminant de la santé. Comment peut-on être en bonne santé physique et mentale quand on n'a même pas de toit au- dessus de la tête?
Pour ce qui est des divers niveaux de gouvernement qui coopèrent en vue de bien faire, qui assume la responsabilité première? Monsieur Poirier, à Kinew, divers ordres de gouvernement travaillent ensemble au logement, n'est-ce pas? Comment en est-on arrivé là? Qui assume la responsabilité première et détermine les besoins et les fonds requis? Qui réunit tout le monde à la table, ou plutôt y a-t-il un moment où tous se réunissent à la même table?
M. Poirier : Il est rare que nous soyons tous réunis.
Au cours des deux dernières années, nous avons réussi à construire quelques unités. Le Manitoba en était la force motrice. Les gens souhaitaient que les choses se fassent, mais rien ne se produisait, de sorte que nous avons pressenti plusieurs ordres de gouvernement. Nous les avons réunis à la table et nous avons dit qu'il fallait s'asseoir et discuter du logement subventionné. Ils ont répondu qu'il n'y avait pas de fonds disponibles. Nous avons quitté la table, estimant que toute démarche à ce niveau était inutile.
La Province a pris le dossier en charge, et nous avons pu construire des maisons. Il faut que ce soit nous qui poussions le dossier. La Province ne nous donne pas tout sur un plateau d'argent, elle ne fait que rendre la chose possible. Le Manitoba semble bien s'en sortir avec ce programme, mais ce n'est pas suffisant.
Le sénateur Cordy : Le gouvernement du Manitoba en a au moins discuté avec vous. D'autres provinces ont reçu du gouvernement fédéral des fonds qui demeurent inutilisés, ce qui est une vraie honte.
M. Poirier : Il en va tout autrement de l'argent placé en fiducie pour le logement. Cet argent dort quelque part, d'après ce que j'ai compris.
Le sénateur Cordy : De toute évidence, ni vous ni moi n'en comprenons la logique.
M. Poirier : Je comprends pourquoi il faut procéder lentement, mais pas trop lentement, tout de même.
Le sénateur Cordy : Il ne faudrait pas non plus qu'il y ait régression.
Faudrait-il que le gouvernement fédéral assortisse les fonds qu'il verse de conditions? Les provinces n'aiment pas qu'on leur impose des conditions ou recevoir des fonds ciblés. Comment faire en sorte que, lorsque les provinces ou les territoires reçoivent des fonds fédéraux, ils les utiliseront dans une période raisonnable après avoir consulté leur population? Il est absolument insensé de laisser cet argent dormir et de ne pas l'utiliser.
M. Poirier : Il faut prendre conscience que cet argent représente des mises de fonds initiales, non pas des frais d'exploitation. Vais-je bâtir quelque chose et le laisser s'effondrer? Ce n'est pas ce que je souhaite. Il faut changer le mode de financement et la source des fonds pour l'exploiter, une fois l'unité construite. Les frais d'exploitation doivent être inclus dans le programme, quel qu'il soit.
Le sénateur Cordy : Rien ne sert d'avoir un immeuble qui est vide.
Le président : En ce qui concerne Winnipeg, un mécanisme appelé un accord de développement urbain, soit une entente conclue entre les trois ordres de gouvernement, est censément lié à la prestation de services aux Autochtones, y compris le logement. Connaissez-vous cet accord et a-t-il eu une influence déterminante?
M. Poirier : Je ne suis pas sûr de sa nature au juste. Une initiative visant les sans-abri a été proposée à la ville, à la province et au gouvernement fédéral en vue de créer un guichet unique qui nous permettrait de savoir d'un coup quels programmes existent aux trois niveaux. Toutefois, les fonds n'étaient pas très importants et, à nouveau, ils représentaient davantage des mises de fonds initiales.
Le président : Cette initiative n'a donc pas eu d'influence marquante?
M. Poirier : Aucune.
Le sénateur Cordy : Les fonds versés pour l'exécution de projets d'immobilisations et de propositions sont peut-être seulement des mises de fonds initiales, mais il s'agit tout de même d'argent. Nous avons entendu des témoins extrêmement frustrés lorsque nous étions à St. John's, Terre-Neuve, nous parler du temps qu'il faut pour soumettre des propositions de projets. Les témoins ont indiqué qu'il leur fallait presque un employé à temps plein pour faire ce travail et qu'ils n'avaient pas les moyens d'y affecter un employé à temps plein. Ils ont aussi mentionné qu'ils avaient eux aussi de la difficulté à savoir ce qu'offraient les trois ordres de gouvernement.
Je crois savoir que nous avons tous besoin de rendre des comptes pour l'argent que nous dépensons et qui est versé pour l'exécution de projets. Monsieur Augustine, êtes-vous frustré lorsque vous essayez de savoir quels projets sont disponibles et de combien de temps vous disposez pour soumettre des propositions?
M. Augustine : C'est très frustrant parce que nous disposons de si peu d'employés et que les exigences concernant la présentation des rapports changent constamment. Il faut bien que quelqu'un le rédige, le rapport.
Sauf en matière de réforme constitutionnelle et de redéfinition des sphères de compétences, une approche utile pour le Native Council of Prince Edward Island a été d'établir un comité tripartite. Grâce à lui, tous sont représentés à la table et tous ont la même information. À mon avis, cette approche est avantageuse, bien qu'elle puisse parfois prendre du temps.
M. Seymour : Depuis 1996, nous avons vu que les approches fragmentées ne donnent pas les résultats escomptés. Exiger d'une province qu'elle rende des comptes en lui versant un gros montant sans conditions ne se traduit pas par la construction d'unités de manière efficace et opportune. Il serait préférable d'élaborer un programme national ayant pour principe qu'au cours des dix années suivantes, nous construirons 2 200 unités par année, envers et contre tous, à condition que la stratégie inclut des consultations au début, que des rapports soient présentés et les exigences de reddition de comptes respectées tout au long. Il faut intégrer l'obligation de rendre des comptes aux mécanismes d'exécution de projets de construction de logements. L'exigence s'appliquerait aux non-Autochtones comme aux Autochtones. Nous avons constaté ce besoin à la suite du succès obtenu par le gouvernement fédéral dans le cadre d'autres programmes.
Je participe à des marathons et je peux vous dire que les coureurs de marathon ne courent pas uniquement chaussés d'espadrilles. Nous avons une technologie qui nous permet, au moyen du système mondial de localisation, c'est-à-dire du GPS, de connaître notre rythme cardiaque et notre vitesse et de mesurer jusqu'à cinq ou six variables grâce à une minuscule pièce d'équipement qui facilite notre course vers la ligne d'arrivée. La question est de trouver le moyen de réduire au minimum les données requises pour faire en sorte que les gens visent la bonne cible.
Voici, selon moi, une des trois exigences de base : tout d'abord, il faut un objectif à long terme, sur dix ans par exemple, assorti d'un plan à long terme pour que les gens sachent que leur participation s'étale sur plusieurs années. On se dit souvent : « Pourquoi faire tant de chichi au sujet de 300 millions de dollars? Nous allons nous esquiver le plus longtemps possible ou les dissimuler jusqu'à ce que plus personne n'en parle ». Si, par contre, on affirme qu'on va recevoir 300 millions de dollars par année pour les dix prochaines années afin de construire X maisons, peut-être cessera-t-on de rénover de vieilles maisons et en construira-t-on de nouvelles.
On parle de fonds conditionnels. Actuellement, lorsque nous demandons au gouvernement du Canada à qui la province doit rendre des comptes, il affirme que les provinces ne sont pas obligées de rendre des comptes au gouvernement fédéral. Elles doivent rendre des comptes à leur population. En Colombie-Britannique, lorsqu'ils ont consulté l'Aboriginal Housing Management Association, nous avons énoncé quatre principes : nous souhaitons que la province cible les unités pour les Autochtones, qu'elle fasse en sorte que seuls les Autochtones peuvent demander les fonds, que cela se fasse de manière équitable au moyen d'un processus de sélection transparent et qu'il y ait une évaluation. L'application de ces principes n'était pas exigée par le gouvernement fédéral. Il n'y a pas d'évaluation pour fixer le solde et rendre des comptes, pour permettre de dire que le rendement a été médiocre parce qu'on a travaillé à cette partie de l'ensemble plutôt qu'à l'autre.
Pour répondre à votre question, les sénateurs et le gouvernement fédéral doivent soutenir l'Association nationale du logement autochtone, ainsi que les organismes régionaux. Ils feraient ainsi en sorte que ces organismes peuvent signaler les écueils ou agir comme chiens de garde étant donné leurs nombreuses antennes. Les personnes à la base surveillent ce qui se passe. Le gouvernement fédéral ne sera jamais en mesure de trouver comment l'argent échappe à l'attention.
Le sénateur Brown : J'ai passé neuf ans au sein d'une commission de planification locale à l'extérieur de Calgary. Pendant les cinq dernières années, j'en étais le président. On pouvait prendre des décisions à l'égard de tous, sauf des Autochtones. On pouvait obtenir un permis de construire ou faire approuver des plans ou un lotissement en moins de trois mois. Par contre, dans le cas des Autochtones de la réserve Redwater ou des autres situées aux alentours de Calgary, il fallait compter de six mois à un an. Cela étant dit, c'est de là que vient une partie du problème : les gouvernements ont toujours estimé qu'ils pouvaient régler le problème mieux au niveau fédéral qu'au niveau provincial ou municipal.
Je crois que, depuis un siècle, nous commettons une erreur élémentaire. Les témoins que nous avons entendus ont commis la même erreur. Ce ne sont pas des unités qu'il faut construire, mais des maisons. Les maisons sont assorties de titres de propriété. Les personnes qui habitent dans les maisons ont besoin de se sentir chez elles de sorte qu'il leur faut en être propriétaires. Quand elles vieillissent, que leurs enfants quittent le foyer, il faut qu'elles puissent vendre la maison, en retirer leur capital et l'investir dans une maison plus petite. Quoi qu'il en soit, il faut que ce soit une maison. Ils ne peuvent pas se sentir chez eux à moins que la maison ne leur appartienne vraiment. Si vous construisiez 2 200 maisons par année, vous pourriez peut-être résoudre ce problème.
La Ville de Chicago a essayé de construire beaucoup d'unités capables d'accueillir un grand nombre de personnes et elle a érigé des tours d'habitation de 20, 30 et 40 étages. Elle a regroupé tous ces gens en un seul îlot urbain. Dans les cinq ou six années qui ont suivi, elle a dû en détruire plus de la moitié. La seule chose qu'elle n'a pas pensé à fournir, c'est le sentiment d'être chez soi ou des espaces verts à l'extérieur. Elle a rasé la moitié des immeubles. Le terrain est maintenant occupé par une unité de logements qui a une certaine chance de survie.
Il faut cesser de parler d'« unités ». Il faut que vous cessiez, messieurs, de parler d'unités et que vous commenciez à demander à notre pays de construire des « maisons ». Il faut que les maisons soient habitées et que leurs occupants sachent qu'elles leur appartiennent aussi longtemps qu'ils le souhaitent, à condition de les entretenir et de les protéger. Dès lors, vous rendrez invalide le point qu'on fait valoir, à la page 7 des notes préparées par le Service d'information et de recherche parlementaires où on peut lire que le problème vient, en partie, du fait que les « Autochtones à faible revenu vivent dans des logements temporaires..., allant souvent d'un logement à un autre ».
Rien ne saurait mieux transformer quelqu'un en sans-abri que de passer d'un logement à un autre constamment. Il faut qu'elle ait un toit. Si nous souhaitons changer la dynamique, il faut cesser de parler d'unités et d'appartements et commencer à parler de maisons.
Le sénateur Keon : Le président a été maire de Toronto pendant longtemps, un maire bien aimé. Je croyais qu'il avait été réélu deux fois, mais en fait, il a été élu quatre fois. Promenez-vous le long de la rive, à Toronto, si vous souhaitez voir des maisons privées.
Le président : Merci de la promo. Tôt ou tard, je prendrai part à la discussion.
Mme Brown : Je suis entièrement d'accord. C'est une chose que nous, en tant que conseil, essayons de décortiquer, notamment comment on peut aider les gens qui sont allés vivre à Ottawa, quelle qu'en soit la raison, à acheter des maisons et à avoir un sens de la propriété. Nous découvrons que d'importants problèmes sociaux sont associés aux unités de logement dont nous disposons, surtout dans le secteur Vanier, qui a mauvaise réputation à Ottawa. Les problèmes sociaux existent parce que le logement est situé dans un mauvais quartier. Notre objectif est de nous diversifier et d'essayer de leur trouver des maisons dont elles se sentiront propriétaires.
M. Augustine : Ce qu'on a dit au sujet des unités et des maisons est intéressant. Tout dépend de la façon dont on aborde la question et du genre d'expression utilisée.
Nous sommes en train de vivre une transition, de valeurs collectives à des valeurs individuelles. Ces valeurs individuelles sont des éléments de propriété. De la manière dont sont structurées actuellement les choses, il n'y a pas de propriété des unités. C'est arrivé ainsi. Les Autochtones s'adaptent à la façon dont le problème est encadré et à la terminologie utilisée.
Si je recevais un prix lors d'une distribution, je serais libre d'en disposer selon ma volonté. Je pourrais même décider de moi-même le donner. Quand une personne est propriétaire de quelque chose, elle peut en tirer fierté. Tant qu'on est fier d'être le propriétaire de sa propre maison, il y a de bonnes chances qu'on va en prendre soin et qu'on va faire attention à l'environnement. On s'occupera de l'esthétique.
Cependant, quand on parle d'unités, la nature de la propriété devient tout simplement trop floue.
M. Seymour : J'aimerais faire valoir trois points. Dans nos forums, nous parlons d'unités comme étant constamment des maisons. Ce sont des maisons. Nous ne construisons pas des unités. À l'intention des comptables et des broyeurs de données, nous utilisons l'expression « unités », mais uniquement parce que c'est ce le terme qui les intéresse.
Par ailleurs, l'Association nationale du logement autochtone a soumis une proposition visant à explorer cette approche, et elle vous serait très reconnaissante de l'appuyer dans sa demande.
Enfin, en ce qui concerne le continuum et la connaissance du problème, nous ne pouvons pas offrir à un sans-abri une maison sans frais parce que, comme on dit dans la réserve, on offre presque des maisons sans frais sur la réserve, et on en tire 18 années de logement, soit la durée de vie de la maison. Si l'on inspirait ce genre de fierté dans la réserve, on y répondrait à tous les besoins de logement. En effet, le gouvernement débloque des montants faramineux pour des logements situés dans la réserve parce que les maisons y durent moitié moins longtemps. La fierté vient de la contribution qu'on y fait.
L'État ne pourrait se payer de luxe d'acheter des maisons pour chaque personne qui en a besoin parce que le coût assumé par le contribuable, qui est déjà prêt à laisser tomber l'Autochtone parce qu'il le perçoit comme étant constamment en train de réclamer, serait beaucoup plus élevé. Il faut l'assortir comme il convient de respect. La fierté vient du fait que la personne comprend que c'est sa maison. Je suis entièrement d'accord avec vous. Il vient des efforts déployés par la personne pour l'acquérir. En la donnant gratuitement, on n'inspire pas la fierté. Il faut que la personne fasse quelque chose pour l'obtenir et, si elle ne le fait pas, il pourrait y avoir un problème, comme cela s'est vu dans la réserve.
Le sénateur Brown : Je ne suis pas en train de laisser entendre pour un instant qu'il faudrait leur donner des maisons gratuitement. Je proposais plutôt que nous leur donnions les maisons avec le titre de propriété et que ces titres soient assortis de prêts hypothécaires à rembourser. Vous affirmez vouloir des fonds permanents. Quelle meilleure façon que d'offrir des prêts hypothécaires de 25 ans sur ces maisons qui sont payées en partie par le gouvernement fédéral et en partie par les occupants? Cette proposition s'étalerait sur 25 ans. Je suis désolé de devoir vous contredire, mais vous n'avez pas utilisé le mot « maison » jusqu'à ce que j'en parle. Vous avez plutôt parlé d'unités. Si vous souhaitez changer la terminologie, dites au constructeur que vous souhaitez avoir des maisons, non pas des unités. Vous pouvez changer les termes utilisés. Vous n'avez pas besoin d'attendre qu'on le fasse pour vous.
M. Poirier : La propriété chez les Autochtones est l'étape suivante. Il faut passer à cette étape d'abord. Nous avons tant de familles qui n'ont pas la capacité financière de contracter des prêts hypothécaires. Je ne suis pas sûr de la façon dont sera mis sur pied un régime qui permettrait de recevoir ces nouvelles maisons. Les familles qui viennent me demander du logement n'ont pas les moyens de quitter ce secteur et de devenir propriétaires, et c'est pourquoi elles viennent me voir.
Il y a plusieurs années, dans les années 1980, nous avons mis en vente un groupe de maisons et, sur 25 maisons, je crois, deux familles en ont acheté, et une famille habite encore la sienne. Je ne reçois pas beaucoup d'appels de locataires qui souhaitent savoir comment ils peuvent accéder à la propriété.
C'est l'étape suivante, mais nous n'en sommes pas encore là.
Le sénateur Cook : Je vous remercie de ces exposés passionnés et visionnaires. J'ai une question d'ordre philosophique, mais tout de même pratique, à vous poser. Qui va lever les obstacles? Pouvez-vous me le dire? Pour être claire, j'ai entendu M. Seymour mentionner une stratégie décennale. Vous pourriez peut-être nous fournir votre liste d'épicerie, nous décrire votre rêve. Vous avez parlé de plusieurs obstacles, et j'aimerais savoir qui va les éliminer. Devons-nous le faire pour vous? Dans l'affirmative, nous aurons besoin de votre aide. Autre que cette stratégie décennale, je n'ai pas entendu qui que ce soit parler de lever les obstacles ou même de les identifier. C'est là ma question.
M. Seymour : Quelle belle façon de mettre fin à cet exercice! Monsieur le président, je vais faire vite. Ensemble, nous lèverons les obstacles parce que nous sommes incapables de le faire seuls. Les seules choses que nous souhaitons, c'est de faire en sorte que, tout d'abord, vous appuyez les mécanismes qui rassemblent les gens pour discuter de ce qu'il y a à faire et, ensuite, comme je l'ai dit dans les principes, que vous compreniez les besoins tout le long du continuum. Le continuum inclut le besoin d'avoir un sens de la propriété, d'avoir la capacité d'entretenir la maison et de faciliter l'accès à la propriété. Vous avez besoin de soutenir des piliers qui ne sont pas actuellement soutenus — l'Association nationale du logement autochtone et des associations régionales analogues. Il faut appuyer le genre d'efforts déployés en Colombie-Britannique, où il existe un protocole d'entente en matière de logement qui rassemble toutes les parties à la même table. Il faut appuyer les conférences nationales qui encouragent les gens à discuter de ce qui peut être fait.
Comme j'ai tenté de l'énoncer, notre pays est très vaste. Il y a des écarts considérables entre les économies régionales et sur le plan de la sensibilité aux Autochtones, du respect qui leur est marqué, de leurs cultures et des approches à leur égard qui ont évolué au fil des ans. Il n'y aura pas de panacée unique. Il faudra mettre sur pied les organismes régionaux. Il faudra les réunir à l'échelle nationale pour avoir une vision nationale. Nous devrions avoir un seul but : lever les obstacles et faire en sorte qu'au moins 2 200 maisons sont construites chaque année pendant les dix prochaines années.
Le président : Je remercie les quatre témoins d'avoir participé à ce débat. Ils nous ont fourni des informations très précieuses et nous ont motivés à faire de notre mieux pour travailler avec eux à lever les obstacles.
La séance est levée.