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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 3 - Témoignages du 7 février 2008


OTTAWA, le jeudi 7 février 2008

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui, nous examinerons la pauvreté infantile en milieu urbain.

[Traduction]

Notre comité est composé de deux sous-comités : le Sous-comité de la santé de la population, d'une part, et le Sous- comité des villes, d'autre part, qui examinent les principaux défis auxquels sont confrontées nos villes. Comme la pauvreté, l'habitation et l'itinérance sont des questions qui intéressent les deux sous-comités, nous avons décidé de nous réunir en comité plénier. À la fin de notre réunion publique, nous siégerons à huis clos pendant cinq minutes pour discuter de notre programme des mois de février et mars, tant pour le comité plénier que pour les deux sous-comités.

Dans notre examen de la pauvreté, de l'habitation et de l'itinérance, nous bâtissons sur des travaux antérieurs accomplis par le Sénat. Pour le dossier de la pauvreté, il y a par exemple le rapport déposé en 1971 par le comité présidé par le sénateur Croll, de même que le rapport de 1997 déposé par le comité et présidé par le sénateur Cohen, intitulé La pauvreté au Canada : le point critique. Notre étude vient compléter le travail réalisé par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présidé par le sénateur Fairbairn, qui est également membre de notre comité. À la demande du sénateur Segal, ce dernier comité traite de la question de la pauvreté rurale. Nous essayons de réunir toute cette information pour examiner les dossiers dont nous sommes saisis.

Aujourd'hui, nous accueillons quatre témoins qui disposent chacun de cinq minutes. Emily Noble est présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Cette fédération a été fondée en 1920, à Calgary. Elle représente actuellement 220 000 enseignants des écoles publiques canadiennes. Nicki Sims-Jones est conseillère en politique de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada. Cette association, qui a été fondée en 1908, est maintenant une fédération de 11 associations et collèges provinciaux et territoriaux d'infirmières et infirmiers autorisés. L'association représente actuellement quelque 250 000 infirmières et infirmiers autorisés dans l'ensemble du Canada.

Michael Goldberg est président de la First Call BC Child and Youth Advocacy Coalition. Cette coalition est composée de personnes et d'organisations qui ont pour but de mieux faire comprendre la promotion de lois, de politiques et de pratiques visant à ce que tous les enfants et les jeunes bénéficient des occasions et des ressources nécessaires pour réaliser leur plein potentiel.

Marie-Paule Duquette est directrice générale du Dispensaire diététique de Montréal. C'est l'organisation la plus ancienne, puisqu'elle remonte à 1879. Le dispensaire a pour mission de promouvoir la santé communautaire et plus particulièrement celle des mères à faible revenu dont les bébés peuvent être à risque.

Emily Noble, présidente, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants : Merci de nous donner l'occasion de nous adresser à vous. La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants est une organisation composée de bénévoles et un porte-parole national. Notre fédération compte des organisations membres dans chaque province et territoire.

La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants s'intéresse depuis longtemps à la réduction de la pauvreté des enfants. En 1989, la FCE a publié un rapport qui portait sur les répercussions de la pauvreté sur les enfants, notamment sur le rendement scolaire des enfants pauvres fréquentant les écoles élémentaires et secondaires. Notre principe directeur en matière de pauvreté chez les enfants, c'est que tous les enfants, quelle que soit la situation ou le revenu de leur famille, ont le droit de profiter pleinement de l'éducation financée par l'État.

La FCE est un membre actif de divers réseaux et coalitions, dont l'Alliance nationale pour l'enfance et la jeunesse et Campagne 2000, qui travaillent à améliorer le bien-être des enfants et des jeunes Canadiens. L'une des priorités de la FCE est d'appuyer le corps enseignant et les organisations de la profession enseignante dans leur rôle d'ardents défenseurs de la justice sociale et, en particulier, des questions liées à la pauvreté des enfants.

Selon le récent rapport sur la pauvreté des enfants et des familles de Campagne 2000, en dépit d'une économie en croissance, de l'appréciation de notre dollar et d'un faible taux de chômage, les données de Statistique Canada révèlent que le taux de pauvreté infantile calculé en fonction du revenu après impôt est à 11,7 p. 100, exactement ce qu'il était lorsque tous les partis fédéraux ont convenu que des mesures urgentes s'imposaient. D'autres résultats du rapport dressent un portrait national tout aussi désolant, en particulier pour les groupes vulnérables comme les enfants autochtones, les enfants d'immigration récente et les enfants handicapés.

Parmi les points saillants de notre rapport, nous indiquons que plus de parents travaillent, mais demeurent pauvres, et que les enfants de familles confrontées à la discrimination systémique sont beaucoup plus à risque de grandir dans la pauvreté. Les populations autochtones sont jeunes et en croissance et les taux de pauvreté infantile y sont un obstacle formidable. Vingt-huit pour cent des enfants autochtones habitant dans une collectivité des Premières nations vivent dans la pauvreté. Hors réserve, ce taux est de 40 p. 100.

Je vais maintenant parler de la pauvreté dans les écoles. Étant donné l'importance de la pauvreté infantile au Canada, ses effets se répercutent inévitablement dans les écoles et les salles de classe. Laurel Rothman, co- coordonnatrice de Campagne 2000, dit que les effets de la pauvreté non seulement entraînent des privations matérielles, mais contribuent également à l'exclusion sociale.

Des élèves de 4e et de 5e année à North Bay ont dit qu'ils se sentaient honteux parce que leur père ne se trouve pas d'emploi et qu'ils font souvent semblant d'avoir oublié leur repas. Mme Rothman met également l'accent sur le fait qu'en tant que mentor quotidien auprès des enfants, les enseignantes et enseignants voient concrètement les répercussions de la pauvreté sur eux. Nous appuyons la Campagne 2000 à cet égard. Nous maintenons que les écoles sont des partenaires essentiels et influents pour ce qui est d'améliorer les chances dans la vie des élèves venant de familles à faible revenu.

Le rapport de la FCE de 1989 a établi que bon nombre d'enfants de familles à faible revenu éprouvent une motivation moindre à apprendre, accusent un retard de développement cognitif, obtiennent des notes inférieures, participent moins aux activités parascolaires, ont des aspirations de carrière moins élevées, connaissent des interruptions dans la fréquentation scolaire, fréquentent moins les universités, courent un risque accru d'analphabétisme et présentent des taux de décrochage supérieurs. Il existe clairement un lien étroit entre la situation socioéconomique d'un enfant et son rendement scolaire. C'est une réalité bien établie aussi bien dans les écoles qu'à l'extérieur des écoles.

Voici certaines des stratégies préconisées : il faut proposer des solutions pour remédier aux effets néfastes de la pauvreté sur les résultats scolaires. Autrement dit, il faut des solutions sur deux fronts. Il faut entre autres des politiques scolaires. Les enseignants ont à cœur de s'acquitter de leurs responsabilités, mais nous avons besoin du soutien des gouvernements. Que ce soit à l'échelon municipal, provincial ou fédéral, il est important que nous travaillions ensemble.

Voici des stratégies et des recommandations de politique qui pourraient améliorer considérablement la situation inéquitable en matière d'éducation qu'entraîne la situation socio-économique de la famille : l'augmentation du salaire minimum, le rétablissement d'une admissibilité élargie à l'assurance-emploi, des investissements majeurs dans le logement social et l'accessibilité accrue à l'éducation et à la formation postsecondaires à un prix abordable.

Nous sommes également chaudement partisans d'un régime de garde universel qui offrirait des soins de grande qualité à tous les enfants de même que des investissements dans d'autres programmes d'éducation de la petite enfance. En outre, nous croyons qu'il faut appuyer les conseils et les commissions scolaires ainsi que les organismes communautaires compétents dans leurs efforts pour coordonner les services sanitaires, récréatifs et sociaux dans les écoles.

Nous sommes heureux de constater que le mouvement pour la lutte contre la pauvreté s'amplifie. Cependant, nous devons agir dès maintenant. Les sondages montrent que la plupart des Canadiens et Canadiennes croient que des mesures concrètes du gouvernement peuvent réduire considérablement la pauvreté. La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants se joint aux autres organismes qui demandent une intervention politique en faveur d'une stratégie nationale contre la pauvreté au Canada. Les parents devraient être en mesure d'offrir un niveau de vie convenable à leurs enfants. En travaillant ensemble, les gouvernements peuvent garantir que c'est possible. Nous devons tous veiller à ce que les enfants aient la possibilité de réaliser tout leur potentiel.

Le président : Merci beaucoup.

Nicki Sims-Jones, conseillère en politiques, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Bonjour. Je vais essayer de limiter mon témoignage à cinq minutes également.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire part de nos vues à votre comité sur l'importante question de la pauvreté infantile. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada est la voix nationale et professionnelle des infirmières et infirmiers autorisés. Elle les appuie dans leur travail et préconise des politiques publiques saines et un régime de santé à but non lucratif de qualité, subventionné par l'État.

Les infirmières et infirmiers travaillent avec les enfants et les familles dans de nombreux contextes et dans toutes les collectivités du pays. Ils interviennent dans le domaine des soins primaires dans les centres de santé communautaire et les centres d'hygiène familiale; dans le domaine de la santé publique, ce qui les amène à visiter les nouveau-nés et les familles avec enfants dans leur foyer et dans les écoles; dans les hôpitaux; dans les universités, effectuant de la recherche sur les meilleurs moyens de soigner les enfants et les familles, ainsi que dans le domaine des programmes de santé mentale à caractère communautaire et institutionnel.

Les infirmiers et infirmières travaillent dans les grandes villes, ce qui signifie qu'ils travaillent très souvent avec les enfants et les familles les plus pauvres. Ils collaborent à des programmes de promotion de la santé dans la rue et, de plus en plus, avec des femmes et des enfants, ainsi que dans des collectivités des Premières nations. Compte tenu de ce qui précède, les infirmières et infirmiers sont témoins des effets que la pauvreté exerce chaque jour sur le développement et la croissance des enfants. Ils s'emploient avec zèle à atténuer ces effets et à préconiser des politiques publiques qui changeront le destin de ces jeunes Canadiens.

Comme mes collègues l'ont fait remarquer, trop d'enfants au Canada vivent dans la pauvreté. Le taux de pauvreté est demeuré le même qu'en 1989. Certains enfants sont plus susceptibles d'être pauvres que d'autres. C'est entre autres le cas des familles nouvellement arrivées au Canada, de celles qui ont des enfants handicapés, de celles qui font partie de groupes de minorité visible et des familles autochtones. Au Canada, nous disposons de données indiquant que les problèmes de santé et de développement sont plus fréquents chez les enfants pauvres que chez les enfants qui ne le sont pas. Vous trouverez tous les détails dans le document que nous avons préparé. Je n'en donnerai qu'un aperçu.

Des données indiquent que le risque de grossesses et de naissances problématiques est en proportion inverse de la situation socioéconomique. La pauvreté peut provoquer des naissances avant terme et une insuffisance de poids à la naissance. Ces enfants courent un risque plus élevé de déficiences et sont plus susceptibles à certaines maladies comme une infirmité motrice cérébrale, des problèmes de vision, de respiration et d'apprentissage.

Les enfants pauvres sont plus susceptibles de mourir de causes diverses que ceux qui ne le sont pas. Si le taux de mortalité infantile était le même pour tous les enfants, tant les pauvres que les riches, le Canada aurait perdu 258 enfants de moins en 1996. Il ne faut pas oublier que le Canada a un faible taux de mortalité infantile. Par ailleurs, il importe de signaler que la santé et les autres caractéristiques sociales des enfants autochtones comptent parmi les pires au Canada.

L'obésité chez les enfants est devenue un grave problème de santé publique au Canada. Nous disposons de données selon lesquelles les enfants pauvres sont plus susceptibles d'être obèses que les autres enfants et d'en subir les conséquences sanitaires et sociales.

Les problèmes de santé mentale ont été présentés comme la nouvelle morbidité des enfants et des jeunes du Canada. Il est démontré que la pauvreté influe sur la santé mentale en ce qui concerne les troubles psychiatriques de même que les problèmes émotionnels et de comportement.

Les enfants sont particulièrement vulnérables aux substances auxquelles ils sont exposés dans l'environnement, et les enfants pauvres le sont encore plus. Par exemple, les quartiers de familles à faible revenu sont souvent situés près de sources de contaminants environnementaux, comme des décharges, des industries urbaines et des routes. En outre, la mauvaise alimentation des enfants de familles à bas revenu accroît les risques découlant de leur exposition à des contaminants comme le plomb et les pesticides. Un enfant anémique absorbera plus facilement dans son organisme le plomb auquel il est exposé. Les enfants qui vivent dans un état de pauvreté continue sont très vulnérables. Dans le cadre d'une enquête longitudinale, on a examiné des enfants qui oscillaient entre pauvreté et non-pauvreté. Les enfants qui vivaient dans un état de pauvreté continue avaient des résultats moins favorables en matière de santé mentale. Ils étaient plus susceptibles d'éprouver des problèmes émotionnels ou d'anxiété, des problèmes de comportement agressif et des problèmes d'hyperactivité. Ils avaient également moins de chances de vivre dans des quartiers sûrs et d'avoir accès aux activités culturelles et récréatives que la plupart des Canadiens tiennent pour acquis.

Les gouvernements devraient se réjouir d'apprendre qu'il existe des mesures concrètes qui peuvent entraîner une réduction des disparités auxquelles se heurtent les enfants. Ces mesures correspondent à un ensemble de programmes universels et ciblés et font intervenir plusieurs secteurs. Dans des programmes universels, les enfants ne sont pas étiquetés ou stigmatisés. Cela signifie qu'un large éventail d'enfants peut éventuellement être avantagé et que les programmes peuvent être centrés sur des caractéristiques et des enjeux communautaires.

Les programmes universels ont cependant des inconvénients : ils procurent des avantages limités aux enfants, notamment à ceux qui sont le plus exposés à des risques et dont la famille est la moins susceptible de tirer profit de ces programmes. Leurs effets globaux sont limités et leurs coûts sont relativement élevés.

Quant aux programmes ciblés, leur avantage est qu'ils s'avèrent en principe efficaces pour traiter des problèmes sociaux ou de comportements particuliers. Ils ont pour désavantage de donner lieu parfois à l'étiquetage des enfants qui y participent et de tendre à cibler de petites populations à risque élevé, mais pas les populations importantes à faible risque.

Les infirmières et infirmiers peuvent jouer un rôle dans ces programmes qui sont efficaces pour les enfants et les familles et dont le coût est raisonnable. Notre mémoire donne la référence à des rapports de recherche. L'une de ces recherches portait sur un programme de visite à domicile dans lequel des enfants ont été suivis pendant 15 ans. On a constaté que les enfants de mères qui avaient été visitées pendant leur grossesse avaient 68 p. 100 moins de chances d'être reconnus coupables d'un acte criminel. Des programmes de ce genre ont un avantage sur plus d'une génération.

Permettez-moi également de mentionner un autre étude, menée par Gina Browne, à l'Université McMaster de Hamilton. Elle a comparé deux groupes de jeunes mères qui recevaient des prestations d'aide sociale. Dans l'un des groupes, les mères ont été laissées à elles-mêmes pour l'obtention de services. L'autre groupe s'est vu offrir un éventail d'interventions qui leur ont fourni entre autres des activités récréatives et des services de garderie, en plus de visites à domicile d'infirmières ou d'infirmiers de santé publique. Évidemment, les mères qui avaient bénéficié des interventions avaient eu de meilleurs résultats sanitaires et sociaux. En outre, elles avaient coûté moins cher au système. De plus, elles étaient moins susceptibles de recourir à l'aide sociale ou à d'autres établissements, dont les services d'urgence. Autrement dit, il existe des solutions.

Michael Golberg, président, First Call BC Child and Youth Advocacy Coalition : Dans mes remarques préliminaires, je vais reprendre les principaux arguments énoncés de façon plus détaillée dans mon mémoire. Il n'est pas possible de les résumer tous, mais mon mémoire comprend des tableaux sur l'évolution chronologique de la pauvreté. On y trouve également quelques pages sur les diverses méthodes utilisées pour mesurer la pauvreté — des méthodes que j'ai déjà présentées au comité du sénateur Fairbairn pour l'étude de la pauvreté rurale. Je vous laisse le soin de lire tout cela.

Ce dont je veux parler aujourd'hui, c'est de la fragmentation des régimes de prestations qui existent actuellement et de la façon dont le problème du revenu cumulatif empêche les familles à faible revenu d'améliorer leur sort. Mes arguments sont semblables à ceux que John Stapleton et John Richards vous ont présentés à votre réunion de décembre, mais je m'attacherai principalement aux problèmes des familles ouvrières à faible revenu, et pas seulement aux familles qui sortent du régime d'aide sociale.

Les effets du revenu cumulatif se font sentir lorsqu'il y a chevauchement entre les seuils de revenu et les taux de réduction. Ces effets peuvent être exacerbés par un manque d'intégration entre les politiques de main-d'œuvre, les réductions fiscales et législatives, les transferts de revenu et les prestations sociales en fonction du revenu. Dans mon mémoire, j'ai fourni des tableaux illustrant les effets d'une augmentation du revenu lié au marché pour une famille de deux enfants comptant un ou deux parents; vous y trouverez six scénarios différents. Dans ces tableaux, nous constatons qu'en Colombie-Britannique, dans une famille de deux enfants et deux parents, si un seul adulte travaille à plein temps toute l'année, il doit gagner 16 $ l'heure pour atteindre le seuil de la pauvreté après impôt. Il faut se rendre compte que le salaire minimum de 10 $ dont on parle ne représente pas le salaire nécessaire à une famille; c'est un salaire pour une personne seule.

Le tableau montre également que cette famille ne conserverait que 21 p. 100 de son revenu accru, si l'emploi était mieux rémunéré — si le salaire passait de 11 $ à 16 $ l'heure — puisque ses prestations fiscales pour enfants seraient réduites, elle perdrait la totalité du supplément provincial pour loyer et devrait un peu plus d'impôt et de charges sociales.

On dit souvent que les gens sont pauvres parce qu'ils paient trop d'impôt. C'est faux. L'impôt ne représente en fait qu'une petite partie du problème; c'est du côté des prestations que se trouve la catastrophe.

Il en va de même si les deux parents travaillent à plein temps toute l'année, à un salaire bien supérieur au salaire minimum de la Colombie-Britannique. Dans ce cas, la famille doit payer les frais de garderie, même si elle reçoit presque toute la subvention provinciale. Le revenu disponible de cette famille, par exemple, n'augmente que de 26 p. 100 — pour deux parents travaillant à plein temps toute l'année — en raison des réductions de prestations et des dépenses énormes qui doivent être payées pour obtenir le revenu supplémentaire. Dans le cas de cette famille également, l'impôt sur le revenu et les charges sociales n'augmentent que de façon modérée.

Un autre point important discuté en détail dans le mémoire, c'est le besoin d'avoir des principes et des lignes directrices clairs, ou une justification pour l'établissement de politiques. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient dire quels sont les critères ou mesures utilisés pour établir les politiques.

Le mémoire cerne certains secteurs précis où il faudra apporter des changements aux politiques, comme le salaire minimum, les normes d'emploi, la couverture de l'assurance-emploi, l'amélioration des prestations fiscales pour enfants, l'augmentation des taux de prestation d'aide sociale, et la création et l'amélioration d'un système de garde d'enfants et de logements à prix abordable. D'autres en ont déjà parlé et le mémoire contient plus de détails. J'expliquerai volontiers ces questions plus en détail pendant la discussion.

Même si bon nombre de solutions sont de compétence provinciale, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan et utiliser son pouvoir de dépenser, je pense, pour encourager les provinces à prendre des mesures. Par exemple, en faisant en sorte que le salaire minimum fédéral corresponde au seuil de pauvreté avant impôt, puis en l'indexant à l'inflation, il enverrait un message clair aux provinces.

Le gouvernement fédéral pourrait aussi utiliser son pouvoir de dépenser en vertu du Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour fournir des fonds supplémentaires aux provinces et aux territoires qui acceptent d'établir les prestations d'aide sociale au seuil de la pauvreté après impôt ou qui acceptent de mettre en œuvre un programme de garde d'enfants financé à même les derniers publics, semblable à celui qui a été mis en place au Québec.

Une chose que je n'ai pas incluse dans mon mémoire, c'est la question de la formation linguistique et de l'appui pour les immigrants et les réfugiés, qui constituent un autre secteur important lié à la réduction de la pauvreté.

Le gouvernement fédéral peut augmenter directement la Prestation fiscale canadienne pour enfants et le Supplément de la prestation nationale pour enfants de manière à ce que la valeur combinée par enfant corresponde à la différence du seuil de faible revenu avant impôt entre un ménage d'une personne et un ménage de deux personnes. Encore une fois, nous fixons certains critères servant à l'établissement de ces prestations.

Plus important encore, le gouvernement fédéral pourrait s'engager à adopter une stratégie de réduction de la pauvreté assortie de cibles et de calendriers précis, ainsi que des mesures pour réaliser la stratégie. Il pourrait aussi jouer un rôle de chef de file en réexaminant les régimes fiscaux et les prestations pour s'assurer que les taux marginaux d'imposition réels que les personnes à faible revenu paient ne sont pas beaucoup plus élevés que ceux que paient les Canadiens les plus riches.

Une meilleure coordination de la conception de chacune des prestations, tant entre les ministères qu'entre les gouvernements fédéraux et provinciaux, permettrait d'atténuer les pires effets de la superposition, mais une réforme en profondeur du régime fiscal et du régime de prestations serait peut-être nécessaire pour éliminer le problème.

Même si mon mémoire accorde une grande place aux chiffres, il ne faut pas oublier que nous parlons de la vie de vraies personnes. Je me souviens très bien d'une mère avec qui j'ai parlé lorsque j'interrogeais des personnes à faible revenu, leur demandant ce que signifiait être pauvre. Cette mère a affirmé que son enfant et elle se sentaient comme des « Klingons ». Interloqué, je me demandais quel était le lien entre la pauvreté et les Klingons de Star Trek. Elle a dit qu'elle ne faisait pas référence aux Klingons de Star Trek. Plutôt, elle et son enfant devaient se cramponner, « cling on », à quelqu'un d'autre s'ils voulaient aller quelque part ou faire quelque chose de plus que simplement survivre. Pendant les entrevues que j'ai réalisées, la plupart des personnes à faible revenu disaient qu'elles se sentaient écartées, embarrassées d'être obligées d'avoir recours à la banque alimentaire ou de demander de l'aide, ou d'être constamment exclues de leur collectivité.

Le Canada a montré ce qu'il peut faire lorsqu'il prend des engagements fermes assortis de cibles et d'échéanciers. Nous espérons maintenant que la rhétorique contenue dans la résolution unanime de la Chambre des communes de 1989 sur l'élimination de la pauvreté chez les enfants guidera la travail qui fera de cette promesse une réalité.

[Français]

Marie-Paule Duquette, directrice générale, Dispensaire diététique de Montréal : Merci monsieur le président, c'est un honneur pour moi de vous présenter la vision du Dispensaire diététique de Montréal sur la pauvreté des enfants en milieu urbain.

Je peux vous dire que depuis 1996, la pauvreté à Montréal a diminué, mais il en demeure que 36 p. 100 des ménages qui vivent sur l'aide sociale au Québec se retrouvent à Montréal, et on observe également une augmentation du nombre de Montréalais qui sont sur l'aide sociale depuis plus de dix ans.

En dépit des allocations pour enfant, au Dispensaire on constate que la situation financière des personnes sur l'aide sociale de même que celle des petits salariés demeure bien en deçà des seuils de faible revenu. L'écart est beaucoup plus marqué chez les familles sans enfant que j'appelle ici « les familles en devenir » que chez les familles ayant plusieurs enfants.

Et les revenus des assistés sociaux n'atteignent pas les besoins établis par le Dispensaire qui sont des besoins dits de confort minimum, mais qui sont loin d'être des recommandations, et ce sont des besoins nettement inférieurs au seuil de faible revenu. Un revenu inférieur aux données du dispensaire met le maintien de la santé des membres de la famille en péril.

Au Québec, on sait que la majorité des immigrants se retrouvent dans la métropole et que 42 p. 100 de ces familles immigrantes vivent sous le seuil de faible revenu. Ces immigrants, à 50 p. 100, ont une moyenne d'âge entre 20 et 34 ans, donc en âge de procréer. Il y a 44 p. 100 des bébés nés à Montréal qui sont nés de mère née à l'étranger.

Ces populations sont en grande difficulté financière parce que souvent, ce sont des demandeurs de statut de réfugié ou des gens sans statut, et ils ont des revenus parfois de 30 p. 100 des seuils de faible revenu de Statistique Canada. C'est donc l'extrême pauvreté. Les femmes sont les plus nombreuses à souffrir de pauvreté — on sait que la pauvreté frappe davantage des femmes — et près de six familles monoparentales sur dix vivent sous le seuil de faible revenu.

Le nombre de femmes qui vivent sous le seuil de faible revenu ne fait qu'augmenter à Montréal au lieu de diminuer. On sait que la sécurité alimentaire des pauvres est compromise. Au Dispensaire, on a établi ce qu'on appelle « le panier à provisions nutritif » et on a démontré dans une étude que ce panier est difficilement accessible aux familles défavorisées.

Présentement, les familles des milieux défavorisés dépensent environ 21 p. 100 de leur revenu pour la nourriture, alors qu'elles devraient dépenser environ 32 p. 100 pour être bien nourries.

La grosse bête noire dans tout cela, c'est vraiment le coût du logement. Les familles défavorisées dépensent environ 46 p. 100 de leur revenu pour se loger. La grande victime de cette pauvreté, c'est l'enfant, et plus particulièrement l'enfant à naître parce que ces femmes enceintes vont donner naissance à des bébés beaucoup plus petits et beaucoup plus tôt. Or on connaît toutes les problématiques qu'engendre le fait de naître de faible poids à la naissance.

Également, avec toute cette pauvreté économique que vivent ces familles que l'on reçoit au Dispensaire, vient toute une situation de très grand stress émotionnel. Il y a l'isolement, la carence affective, il y a aussi les relations très instables et puis ce que j'appellerais aussi « le décrochage des pères » qui est très fréquent.

Tout cela peut influencer gravement la santé des membres de la famille, mais plus particulièrement celle de leurs enfants et nuire à la qualité du lien d'attachement.

Au Dispensaire, la lutte à la pauvreté se fait par la prévention des bébés de faible poids, la promotion de l'allaitement et le soutien de sa pratique. Le Dispensaire rejoint 2 000 familles par année, ce qui représente plus du tiers des familles défavorisées de l'île de Montréal.

À travers les mamans, les bébés du dispensaire bénéficient d'un service de consultation en nutrition par une diététiste selon la méthode Higgins. C'est une méthode développée par le dispensaire et assortie d'un supplément alimentaire. Par sa méthode le dispensaire a été le pionnier pour les WIC aux États-Unis, les programmes OLO au Québec (œufs-lait- orange) et le Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP).

Le Dispensaire offre également le service de promotion de l'allaitement de soutien de cette pratique. Il y a aussi des activités de groupes à caractère informatif, participatif et social offertes à ces femmes pour briser leur isolement et développer leurs habiletés parentales.

Le Dispensaire enregistre des taux de naissance de bébés de faible poids qui sont égaux à ceux que l'on retrouve en milieu bien nanti. Des études ont d'ailleurs démontré qu'il y avait de 50 à 78 p. 100 moins de risque pour une femme de donner naissance à un bébé de faible poids si elle était suivie au Dispensaire.

Également, 95 p. 100 de nos mamans allaitent et 77 p. 100 allaitent toujours après six mois. Ceci contribue à la qualité du lien d'attachement et à créer des bases solides à l'enfant. Nos résultats auprès des familles nées au Québec ayant moins de 11 ans de scolarité sont tout aussi remarquables. C'est tout un exploit parce ce groupe est à très haut risque.

Grâce à tout le soutien que nous leur apportons, les mamans reprennent confiance en leurs capacités et se sentent également mieux équipées pour s'en sortir. On le voit puisque plusieurs de nos mamans reviennent après l'accouchement pour donner un coup de main au Dispensaire pour redonner ce qu'elles ont reçu. Souvent, on les redirige vers l'école, les aide à terminer leurs études afin qu'elles se retrouvent éventuellement sur le marché du travail.

Les mesures que le Dispensaire pourrait recommander pour briser le cercle vicieux de la pauvreté là où il commence — dans le giron maternel —, c'est que tout soit mis en œuvre pour assurer à chaque enfant à naître la chance d'un bon départ en santé et que l'aide gouvernementale pour les enfants soit aussi probante pour les familles en devenir que les familles nombreuses.

Le Dispensaire recommande également que l'aide gouvernementale pour les enfants soit accessible pour tous les enfants à naître, quel que soit leur statut, et que des mesures gouvernementales corrigent l'impact du coût du logement sur la capacité de fournir aux enfants une alimentation adéquate.

[Traduction]

Le président : Merci de vos exposés. Je vais commencer la discussion avec deux questions d'ordre général.

Comme vous le savez, en 1989, la Chambre des communes a unanimement appuyé une motion pour mettre fin à la pauvreté chez les enfants au plus tard en l'an 2000, mais nous sommes aujourd'hui en 2008 et presque dans la même situation qu'en 1989. Pourquoi? Deuxièmement, comment pouvons-nous nous remettre sur la bonne voie pour faire ce qu'on voulait faire à ce moment-là, ou au moins réduire de façon importante la pauvreté chez les enfants et ensuite l'éliminer, processus à plusieurs étapes. Vous nous avez parlé aujourd'hui, comme d'autres par le passé, de certaines choses qui doivent être faites, comme augmenter la prestation fiscale pour enfants, augmenter le salaire minimum, reconnaître que la pauvreté chez les enfants, c'est vraiment la pauvreté de la famille parce que les enfants sont dans une situation de pauvreté, car leurs parents le sont. Vous nous avez aussi parlé de garde d'enfants et de logements abordables. Comment pouvons-nous passer à la prochaine étape pour atteindre les objectifs de 1989? Quelle sorte de plan envisagez-vous? Comment s'emboîteraient tous ces différents éléments? Quelles sont les priorités? Je vous donne beaucoup de latitude quant à vos réponses.

Mme Noble : Merci pour cette question. Il y avait une volonté en 1989 et, d'un point de vue philosophique, nous avions besoin d'agir. Cependant, nous n'avons pas mis en place les étapes suivantes pour agir. Maintenant, nous avons l'occasion de mettre en place certaines de ces étapes et d'en faire une priorité pour tous les partis. Que vous fassiez partie de la Fédération des contribuables ou de la Fédération canadienne des enseignants, nous devons travailler ensemble à cette initiative parce que cela nous coûte très cher dans d'autres secteurs. M. Dan Offord, qui a fait un travail exceptionnel, a dit qu'il fallait prévoir l'argent maintenant. Soyons réalistes et offrons un bon départ aux enfants pour que nous n'ayons pas à payer plus cher en bout de ligne. Je crois que c'est là la position de l'Association canadienne des enseignants. Travaillons ensemble et déclarons que l'élimination de la pauvreté chez les enfants sera la priorité pour tous les partis et pour toutes les organisations. Engageons-nous envers un plan d'action et des tâches précises, comme M. Goldberg l'a mentionné.

Mme Sims-Jones : Je ne suis pas à l'aise de présenter le point de vue de l'Association des infirmières et des infirmiers du Canada parce que nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter à notre conseil d'administration. Je parlerai en tant que personne qui a passé une grande partie de sa carrière avec des familles d'enfants pauvres, une chose qui a grandement changé au milieu des années 90, c'est la question du logement. Je me souviens d'avoir géré un programme en 1996 où nous travaillions avec des familles vivant dans des conditions désespérées. Je pouvais alors écrire une lettre afin qu'elles n'aient pas à aller dans un refuge ou pour leur trouver une place dans un refuge, mais cela a changé de 1996 à 2001. Il y a eu une diminution de la disponibilité des logements subventionnés. Le SCHL et le gouvernement fédéral ont abandonné ce rôle. Cependant, je nous encourage à examiner ce que peuvent faire les trois paliers de gouvernement maintenant pour s'assurer que des logements sont disponibles pour les familles qui ont besoin de logements subventionnés.

En Angleterre, on a fait un très bon travail pour s'assurer que les familles ont accès à des logements. Un des plus grands stress pour nos familles, c'est de constater à la fin du mois qu'il n'y a pas assez d'argent pour payer le loyer et la nourriture. Ces familles doivent alors utiliser les banques alimentaires. Sinon, elles se retrouveront dans un refuge, s'il y a assez de place pour les accueillir.

M. Goldberg : En 1989, il y avait moins de pauvreté chez les enfants, et la situation économique était meilleure. Puis, bien sûr, la récession et le ralentissement économiques qui ont débuté en 1990-1991 ont fait grimper les chiffres de la pauvreté. Les chiffres de la pauvreté augmentent et baissent selon l'état de l'économie. C'est inévitable. On a pu le voir dans le passé et dans presque tous les pays. En même temps, nous avons aggravé la situation pendant les années 90 sous le gouvernement libéral surtout, et ensuite sous le gouvernement conservateur. En 1996, alors que la pauvreté atteignait des sommets, nous avons également réduit la marge de manœuvre des provinces. On peut voir que les taux d'assistance sociale ont chuté dramatiquement dans toutes les provinces. Les provinces ont réduit leurs prestations d'assistance sociale en ne les augmentant pas. Elles n'ont pas suivi l'inflation, alors les gens essayaient de vivre dans des situations de pauvreté encore plus profonde, et cela a aggravé les problèmes courants au niveau provincial.

Les salaires minimums ne sont pas liés à quoi que ce soit. La Colombie-Britannique a augmenté son salaire minimum à 8 $ de l'heure en 2001 et dit qu'elle n'a pas besoin de l'augmenter encore une fois huit ans plus tard, comme si les prix n'avaient pas augmenté et qu'il n'y avait pas eu de changements. C'est la même situation partout au pays lorsqu'on regarde les salaires minimums. Les salaires du bas de l'échelle ne suivent pas le coût de la vie dans les provinces. Nous sommes toujours en retard. Lorsque cela se produit, nous voyons un nombre croissant d'enfants pauvres chez les familles de travailleurs tout simplement parce que les échelons inférieurs du marché du travail ne suivent pas le rythme des autres.

Nous voyons une réduction des normes du travail. Une chose que nous prenons pour acquis, et j'ai travaillé pour un conseil de planification sociale, c'est que nous recevons tous des congés de maladie payés. Cependant, si vous êtes dans les franges du marché du travail, dans un emploi peu rémunéré, vous avez des congés de maladie, mais ils ne sont pas payés. Les familles sont extrêmement vulnérables à ces problèmes de maladie et de maladie de leurs enfants.

La garde des enfants dans chaque province est une situation difficile, et c'est un peu vrai même au Québec, bien que le modèle québécois soit de loin supérieur à tout ce qui se fait ailleurs. Il est si difficile pour les parents d'obtenir des services de garde d'enfants que, s'il y a un problème avec les arrangements de garde d'enfants, souvent un des parents perdra son emploi parce que le couple ne parvient pas à trouver des services de garde. Nous nous attendons à ce que les parents gagnent un salaire et participent au marché du travail, cependant nous ne leur offrons pas les outils nécessaires pour ce faire et pour nous assurer que leurs enfants reçoivent les soins adéquats.

Ces choses ont toutes été discutées au niveau fédéral par le passé, et une fois que la question du déficit a été réglée au milieu des années 1990, nous avions la capacité de régler ces autres problèmes, cependant le gouvernement a choisi de réduire les impôts. Nous avons limité notre capacité à faire ce qui devait être fait. Cependant, nous pouvons renverser la vapeur. Il faudra augmenter les impôts si nous voulons tout régler, mais si nous prenons cet engagement, si nous voulons avoir des champions en place, nous devons reconnaître que cela coûtera cher. Nous avons essayé de le faire de façon économique auparavant, et c'est pourquoi nous n'avons pas réussi. Soit nous nous engageons à le faire et nous sommes prêts à dépenser l'argent nécessaire, et nous trouvons la façon de trouver cet argent, soit nous ne nous engageons pas. Cependant, si nous ne faisons que des belles déclarations en disant qu'il faut éliminer la pauvreté chez les enfants parce que c'est une mauvaise chose, et personne ne dira que c'est une bonne chose, nous ne réussirons pas. Cela ne fonctionnera pas.

Le président : Vous avez parlé d'objectifs et de calendriers pour atteindre ces objectifs.

M. Goldberg : Une chose que nous avons apprise de l'Angleterre et de certains autres pays, et nous commençons à voir cela au Québec et maintenant à Terre-Neuve, et l'Ontario en parle également; ma province est très loin en arrière présentement. Les provinces de l'Ouest ont adopté une approche différente à cet égard. Lorsque vous adoptez des objectifs et des calendriers, vous devez ensuite élaborer des plans d'action parce que vous devez rendre des comptes à un plus grand segment de la population. L'objectif de 1989 était vraiment exceptionnel. Il n'était pas réaliste. Éliminer la pauvreté chez les enfants, même en une décennie, serait très difficile à réaliser entièrement, mais il n'y a aucune raison de ne pas arriver à réduire cette pauvreté. En Angleterre, on l'a réduite de 25 p. 100 en cinq ans, et on m'a dit qu'en Ontario, on parle aussi de ce programme de 25 p. 100 en cinq ans, et la province s'est engagée à réduire la pauvreté de 50 p. 100 en 10 ans. Elle a presque atteint sa cible de cinq ans, bien qu'elle ne l'ait pas complètement atteinte, mais la prochaine cible sera beaucoup plus difficile, et c'est ce qu'elle verra. C'est un problème difficile à régler.

Au Royaume-Uni, on a pris un engagement public, et les champions étaient le ministre des Finances et le premier ministre, qui sont des champions très utiles pour faire la promotion d'une politique. Ils se sont engagés à essayer d'atteindre ces objectifs, et ils sont tenus responsables. Il est essentiel d'avoir des objectifs et des cibles et d'avoir des champions. Les gens diront : « Comment y arriverez-vous? Montrez-nous. » Cela fera en sorte que le travail se fasse.

Le président : Vous avez parlé des succès au Québec.

[Français]

Mme Duquette : Afin d'arriver à enrayer la pauvreté, il faut agir à plusieurs niveaux. Il est certain que le logement est un énorme problème, et comme le disait M. Goldberg, il faut investir des sommes d'argent pour s'assurer que les personnes ne soient pas en dessous des seuils de faible revenu.

En ce moment, on a des familles qui se retrouvent à moins de 30 p. 100 du seuil de faible revenu. Il est certain qu'on ne pourra pas enrayer la pauvreté sans agir à plusieurs niveaux.

Il est important de cibler les familles à très haut risque, parce qu'elles ont tendance à perpétuer la culture de la pauvreté. Je pense qu'il faut travailler intensément sur cet aspect.

Il y a des programmes qui ont été mis en place, au Québec, en plus de la politique de lutte à la pauvreté on a des programmes de garderies à sept dollars qui aident beaucoup les familles. Mais tant que les familles démunies vivent toujours en état de pauvreté; avec des revenus à 40 p. 100 des seuils de faible revenu, on ne peut pas leur demander de faire des miracles avec si peu.

La pauvreté engendrent d'autres problématiques. Si on veut des résultats, il faudra une volonté politique d'investir beaucoup de sous et assurer une meilleure répartition des richesses.

En ce moment à Montréal, dix p. 100 des familles ont un revenu de moins de 10 000 $, alors qu'un autre dix p. 100 ont des revenus de plus de 180 000 $. Il faudrait avoir une meilleure répartition des richesses pour arriver à enrayer la pauvreté.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Ma question s'adresse à l'Association des infirmières et des infirmiers du Canada. Vous dites ici que les blessures sont la cause la plus importante de mortalité chez les enfants et les jeunes au Canada. Dans les centres urbains, pour les jeunes de moins de 15 ans, le groupe à plus faible revenu est 1,3 fois plus susceptible de mourir suite à une blessure. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ces enfants sont plus susceptibles de mourir de blessure et ce que nous pouvons faire pour prévenir cette situation?

Mme Sims-Jones : C'est un bon point. Un des facteurs importants est l'environnement où ils vivent. Si vous êtes dans un environnement qui n'est pas intrinsèquement sûr, alors il est plus probable que vous subissiez une blessure. Pour une raison quelconque, il n'y a pas de barrière en haut de l'escalier. Peut-être qu'il est encombré. Il y a peut-être plus de gens. Parfois lorsque vous arrivez dans ces maisons, à cause du manque total de ressources, il est difficile pour les parents d'offrir à leurs enfants un environnement aussi sûr qu'ils le voudraient. Je pense que le premier facteur, c'est l'environnement.

Le deuxième est peut-être le manque de temps et les pressions que subissent les parents à cause de demandes contradictoires, car ils essaient de prendre soin de leurs enfants, ils essaient de gagner un salaire et ils essaient de participer à la vie de leur collectivité. Ils ne sont peut-être pas capables d'offrir le même niveau de supervision à leurs enfants que s'ils étaient plus riches et moins stressés.

Le troisième facteur, c'est que certaines collectivités ne sont peut-être pas aussi sûres que d'autres, et donc lorsque l'enfant est à l'extérieur, et parce qu'ils sont dans des zones à haute circulation, il y a plus de risque qu'il ait un accident de la circulation. La collectivité elle-même n'est pas aussi sûre dans de nombreuses collectivités à faible revenu.

Quant aux mesures que nous pouvons prendre, eh bien, nous pouvons fournir de l'aide aux parents pour prévenir les blessures de la même façon que nous les aidons dans leur rôle de parents auprès des enfants. Cela signifie veiller à ce qu'ils aient les ressources nécessaires pour exercer leur rôle de parents et bien d'autres ont abordé cet aspect, afin qu'ils puissent assurer à leurs enfants un milieu plus sûr.

Le sénateur Munson : Qu'est-ce que cela représente comme ressources?

Mme Sims-Jones : On revient à ce qui a déjà été dit : un revenu adéquat, un logement adéquat, tout cela contribuant à réduire le stress, de sorte qu'ils puissent surveiller leurs enfants comme ils le souhaitent. Ils peuvent déménager dans un quartier plus sûr.

Le sénateur Munson : Le Québec, l'Île-du-Prince-Édouard et l'Alberta sont les seules provinces où la pauvreté chez les enfants est inférieure à 10 p. 100. Quelles pratiques exemplaires applique-t-on dans ces provinces et quelles leçons peut-on en tirer?

[Français]

Mme Duquette : J'ai examiné la pauvreté plus longuement à Montréal. C'est sûr qu'elle a diminué depuis 1996, mais il en reste encore beaucoup. On a mis sur pied au Québec des programmes services intégrés en périnatalité et en petite enfance (SIPPE) qui sont étendus à la province, ce qui est très bien. Ce programme cible des personnes à très haut risque et intervient sur une longue période de temps, sur cinq ans, auprès de ces familles en devenir. Ce serait bien si les familles pouvaient au moins avoir un revenu qui soit adéquat. Si c'était le cas, ces familles pourraient mieux réussir. On se rend compte que les familles n'ont pas deux dollars par personne par jour pour s'alimenter alors qu'aujourd'hui, pour avoir une alimentation adéquate, le panier d'approvisionnement coûte au moins cinq à six dollars par jour et par personne.

Quand tu dois dépendre des banques alimentaires, c'est sûr que cela peut apporter d'autres problèmes. Les banques alimentaires ont souvent des aliments qui ne sont pas nécessairement sains et bons pour la santé, ce qui peut engendrer le problème de l'obésité et d'autres problèmes.

Oui, au Québec, on a fait du progrès, mais il y a encore beaucoup à faire.

[Traduction]

M. Goldberg : Il est dommage que le sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard ait quitté la salle. Si l'Île-du-Prince- Édouard a un taux de pauvreté inférieur, c'est en raison de la méthode utilisée pour le mesurer. Si on se sert du SFR ou du SFR après impôt, on constate que le coût de la vie à l'Île-du-Prince-Édouard est inférieur à celui des autres provinces. Le seuil est inférieur et il est plus facile de l'atteindre. Néanmoins, à l'Île-du-Prince-Édouard, bien des gens doivent avoir recours à l'aide au revenu et ils vivent également dans la pauvreté. Il est vrai que les chiffres sont inférieurs quand on se sert du système après impôt, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une grande pauvreté à l'Île- du-Prince-Édouard.

Quant au Québec, il est passé sous la barre des 10 p. 100 cette année seulement. La province s'est engagée à faire quelque chose à cause de la loi. Il faut dire qu'il y a une certaine résistance au sein du nouveau gouvernement — c'est-à- dire celui qui a remplacé le gouvernement qui a adopté la loi —, mais la loi est néanmoins en vigueur. Elle force les politiciens à prendre en considération les mesures qu'ils ont affirmé vouloir prendre. On peut exercer des pressions à cet égard.

En Alberta, c'est attribuable à l'économie. L'économie albertaine est prodigieuse. Je le dis en tant qu'économiste. Je suis sûr que le sénateur de l'Alberta en conviendra. Toutefois, il est ironique de constater qu'après impôt, 7 p. 100 des enfants vivent dans la pauvreté dans une économie où la pauvreté devrait être absente. Il serait difficile de trouver une économie plus florissante que celle de l'Alberta. Si on ne peut pas enrayer la pauvreté dans un endroit comme l'Alberta, alors il faut avoir recours à la volonté politique.

Nous savons qu'il y a d'autres endroits qui ne jouissent pas d'une économie comparable à celle de l'Alberta, par exemple les pays nordiques. Toutefois, ils s'en tirent très bien. Ils ont ramené leur taux de pauvreté à 2 p. 100. Rien n'empêche l'Alberta d'en faire autant, si elle le décide. Le marché du travail ne peut pas faire davantage. Il ne pourra jamais faire mieux. Le gouvernement doit intervenir pour faire baisser le taux de pauvreté. Nous avons à cet égard l'exemple des autres pays qui ont réussi sur ce plan.

Le sénateur Munson : J'ai été frappé par ce que vous avez dit à propos du salaire minimum. Faut-il instaurer l'uniformité du salaire minimum à l'échelle du pays ou doit-on laisser cela entre les mains des provinces? La plupart des gens s'attendent placidement à une augmentation de 2 p. 100 le 1er avril. Toutefois, 2 p. 100, c'est déjà cela. Les gens s'y attendent, même les sénateurs. Les gens qui touchent le salaire minimum, toutefois, ne s'attendent pas à grand-chose, car la révision ne se fait que tous les cinq ans et ce salaire passera à 8,50 $ et, sous peu, on l'augmentera à 11 $. C'est toujours sous peu.

M. Goldberg : J'étais autrefois directeur de recherche au Conseil de recherche en planification sociale de la Colombie-Britannique. Avec des économistes de l'Université de la Colombie-Britannique, j'ai préparé un rapport sur les effets du salaire minimum. Nous voulions déterminer quels étaient ses effets sur l'emploi. C'est une chose que l'Institut Fraser et d'autres avaient étudiée, car ils voulaient déterminer si une augmentation du salaire minimum entraînait des disparitions d'emplois. En 20 ans, période pendant laquelle le salaire minimum a augmenté au Canada, il n'y a pas eu de disparition d'emplois. Il y a eu des effets de « déplacement de l'emploi », mais ils sont minimes. La totalité de la masse salariale, ce que nous examinions, produit un effet bénéfique pour les travailleurs quand on augmente le salaire minimum.

La grosse difficulté tient au fait que le salaire minimum a eu tendance à augmenter considérablement d'un seul coup. Il est important que les entreprises puissent faire une planification avant qu'une telle mesure soit prise. En 1999, nous avons recommandé 8 $. C'était à ce moment-là le seuil de pauvreté et c'est ce que nous avons préconisé. S'il était lié seulement au taux d'inflation, ce serait presque 11 $.

Comment peut-on augmenter le salaire minimum de 30 $ sans subir un effet de « déplacement d'emploi »? C'est impossible. Il faut le faire petit à petit. Cela fera mal, car nous n'avons pas fait les choses de façon graduelle. Il nous faut agir à cet égard de la même façon qu'avec les autres prestations. Les prestations pour aînés sont alignées sur l'inflation. Nous le faisons aussi pour les prestations pour enfants, afin de garantir que ceux qui sont au bas de l'échelle des revenus ne perdent pas de terrain. C'est crucial et cela doit être lié à l'augmentation du coût de la vie.

Le président : Quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose à cette réponse?

[Français]

Mme Duquette : Je crois qu'il serait très important d'augmenter le salaire minimum au pays afin qu'un retour sur le marché du travail soit plus alléchant et encourageant pour un bénéficiaire de l'aide sociale.

[Traduction]

Le sénateur Keon : Le problème est extrêmement complexe, mais c'est certainement un problème auquel il y a une solution. Je suis d'accord avec vous.

Je voudrais attirer votre attention à tous sur une façon d'aborder les choses, peut-être. On dit qu'il faut un village pour élever un enfant. Ce vieil adage est désormais modifié, car nous disons maintenant qu'il faut une collectivité pour élever un enfant.

Vos initiatives, pour un grand nombre, sont loin dans le champ gauche. Elles ne sont pas vraiment mises en œuvre par les gens qui connaissent la population, les problèmes, et qui ont le savoir-faire. Je ne veux pas dire par là qu'il ne faut pas que chaque palier de gouvernement intervienne, car il le faut. En outre, je ne dis pas qu'il faille se débarrasser de tout ce qui existe parce que nous devrions essayer de nous en servir.

Toutefois, les écoles sont absolument essentielles quand il s'agit d'enfants démunis. Il faut subventionner ces écoles pour que les enfants soient nourris en même temps qu'ils sont instruits, voire vêtus. Quelqu'un doit s'occuper de les vêtir. Les écoles sont essentielles, mais elles doivent être liées aux services communautaires si l'on veut dominer cette situation.

J'ai l'impression que le salaire minimum n'est pas un moyen très efficace pour enrayer la pauvreté, car bien des pauvres ne travaillent même pas. Ils ne savent même pas comment s'y prendre pour trouver du travail, pour le conserver, s'ils en obtiennent un. Il peut y avoir dans la famille un seul soutien de famille pour quatre ou cinq enfants. Il faut relever le salaire minimum pour en faire un revenu familial minimum. Commençons par là et ensuite le salaire minimum pourra être aligné sur l'indemnité de vie chère ou sur l'inflation.

Voyez l'absurdité : un cadre gagnant un million et plus par année a droit automatiquement à un rajustement de vie chère, tous les ans, et la plupart d'entre eux rouspètent. Ils veulent un peu plus. Ils obtiennent cela automatiquement. Le pauvre diable qui gagne le salaire minimum, qui fait tout ce qu'il peut, n'obtient pas de rajustement de vie chère.

Je vous ai posé la question de la mise en œuvre et de l'organisation au niveau communautaire et la question du revenu familial minimal. J'aimerais que tous abordent ces deux aspects.

Mme Noble : Je répondrai à la première partie. J'appuie fermement l'idée selon laquelle les écoles sont essentielles, mais c'est le sentiment global de la communauté qui est essentiel. C'est la raison pour laquelle, selon moi, une telle occasion se présente à l'heure actuelle. Il y a toute cette notion de discours sur la pauvreté. La population veut éliminer la pauvreté. Comme M. Goldberg le dit, nous ne serons peut-être pas en mesure de l'éliminer complètement, mais nous pouvons certainement la réduire. Dans les écoles, nous avions l'habitude de parler des choses de ce genre auparavant. Aujourd'hui, c'est un élément clé. La Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario a reçu un financement important de la part du gouvernement pour étudier à quoi ressemble la pauvreté dans les salles de classe et comment nous pouvons changer les choses dans les collectivités de l'Ontario. C'est une initiative qui pourrait donner de très bons résultats.

Pour ce qui est de la mise en œuvre, je ne suis pas vraiment au courant de l'aspect financier et statistique, et cetera. Cependant, je suis d'accord avec M. Goldberg lorsqu'il dit qu'il faut un engagement de la part de tous les paliers de gouvernement et que cela commence par la collectivité. Cela est indispensable, de même que des calendriers et un plan d'action. Je suis sûr qu'à notre époque, nous pouvons tous participer à ce genre d'initiative, et les enseignants peuvent jouer un rôle clé pour faire progresser les choses à cet égard.

Le sénateur Keon : Que pensez-vous d'un revenu familial minimum par opposition au salaire minimum?

Mme Noble : S'il s'agit d'une mesure avantageuse, alors que l'on prenne des mesures en ce sens. Si le gouvernement a la volonté de dire que c'est une mesure qu'il veut appliquer, et qu'elle est avantageuse pour les familles et les enfants qui vivent dans la pauvreté, alors faisons-le.

Il faut vraiment faire attention à la façon dont nous nous exprimons. Souvent, en tant qu'enseignante, je tombe dans le même piège. Vous le constaterez dans notre mémoire. Parfois nous blâmons les personnes qui vivent dans la pauvreté pour ce qui leur arrive. Quelle que soit la décision que nous prendrons, nous ne pouvons pas agir ainsi parce que cela ne fait qu'exacerber le problème.

Mme Sims-Jones : Je commencerai par parler des services communautaires.

Avant que les enfants fréquentent l'école, ils ont besoin de services, pendant la grossesse, comme Mme Duquette l'a indiqué de façon si éloquente, de même que pendant la petite enfance. Il faut mettre sur pied un système de services communautaires pour déterminer les enfants qui courent le plus de risque, qui vivent dans des familles qui connaissent des circonstances de vie très difficiles, pour s'assurer qu'ils bénéficient de l'aide dont ils ont besoin avant d'aller à l'école. Si un enfant de quatre ans entend mal, il aura un problème d'élocution que vous ne serez pas en mesure de corriger. Les infirmières préconisent des services précoces et ciblés destinés aux enfants qui en ont le plus besoin. Cela serait mon premier argument.

En ce qui concerne votre autre question, les écoles ont certainement un rôle important à jouer parce que nous ne voulons pas perdre ces enfants une fois qu'ils arrivent à l'école.

En ce qui concerne la notion d'un revenu familial minimum, il faudrait que je me renseigne un peu plus à ce sujet. L'avantage d'augmenter le salaire minimum, c'est que lorsque les gens vont travailler, ils sont payés pour le travail qu'ils font. Si nous passons à un revenu familial minimum, ce qu'il est certainement possible de faire par des exemptions d'impôt pour s'assurer que tout le monde dispose d'un montant minimum, il faudra également s'assurer qu'ils reçoivent un salaire convenable lorsqu'ils vont travailler.

[Français]

Mme Duquette : Par exemple, le groupe d'âge le plus pauvre à Montréal est le groupe des 0 à cinq ans qui représente 38 p. 100. Comme le disait Mme Jones, il faut travailler pour contrer la pauvreté. Il va falloir travailler sur la qualité de vie des enfants à naître, de même que sur les premières années de vie. C'est l'âge où les familles se retrouvent en plus grand état de pauvreté. Une fois que l'enfant est rendu à l'âge scolaire, la pauvreté des familles est réduite. Je pense qu'il serait idéal d'avoir un revenu garanti minimum pour toutes les familles. À ce moment-là, les femmes seraient capables d'avoir une alimentation adéquate, un logement adéquat et un environnement plus sécuritaire. Les logements se détériorent beaucoup à Montréal. Il faut y voir. De cette façon, l'enfant serait prêt pour l'école à l'âge de cinq ans.

C'est ce sur quoi on travaille au Québec avec les programmes intégrés. Il faut cibler les groupes à très haut risque. Cela demande la collaboration des intervenants qui sont spécialisés pour travailler avec les gens à très haut risque afin de changer les comportements. Ce n'est pas facile de modifier les comportements des gens.

[Traduction]

M. Goldberg : Rappelez-vous qu'à l'époque où il y avait une diminution des inscriptions scolaires, nous avons créé les écoles communautaires. Je connais certaines écoles de ce genre en Ontario et en Alberta. Les services sociaux, les garderies et d'autres services ont utilisé ces excellents établissements publics que nous avions payés, au lieu de les fermer ou de les démolir, afin de répondre à tous les besoins de la communauté. Malheureusement, les fluctuations démographiques ont fait en sorte qu'un nombre accru d'enfants sont arrivés dans les quartiers. Les programmes communautaires ont dû déménager parce que les locaux étaient nécessaires pour l'enseignement. Même si c'est là la vocation première de ces établissements, il aurait fallu agrandir les écoles et y conserver les programmes communautaires.

Nous avons raté le coche au début des années 1980, et nous avons maintenant l'occasion de nous rattraper. J'exhorte les communautés, les conseils scolaires, les municipalités et les provinces — malheureusement le gouvernement fédéral n'a rien à voir dans ce dossier, mais il pourrait encourager les interlocuteurs de l'éducation à prendre certaines mesures — à ne pas fermer d'écoles. En Colombie-Britannique, nous fermons des écoles un peu partout et nous donnons littéralement des bâtiments qui pourraient être utilisés pour générer un sentiment communautaire, puisque pour les jeunes enfants, ils sont situés à distance de marche. Ils seraient l'endroit idéal pour y installer des garderies communautaires. Nous l'avons déjà fait. Bon nombre d'entre nous, qui étions coordonnateurs des écoles communautaires, avons été capables de faire des choses semblables à la fin des années 1970 et au début des années 1980. C'est de nouveau possible.

Permettez-moi de parler du salaire familial. Le salaire minimum n'est qu'un outil parmi tant d'autres. C'est un outil assez grossier; un peu comme un marteau. Mais pour régler le problème de la pauvreté chez les enfants, il vous faut aussi un tournevis, une scie, un ciseau et toutes sortes d'autres outils. À lui seul, le salaire minimum aidera peut-être les travailleurs sans famille, mais il ne règlera pas tous les problèmes des familles.

Nous travaillons actuellement à un projet dans le cadre duquel nous examinons ce que nous appelons le salaire minimum vital. C'est ce qu'on appelle souvent aussi le salaire familial : de quoi serait composé le salaire familial et quels éléments de ce salaire devraient venir du gouvernement? En Colombie-Britannique, nous examinons cette question. Pour établir la norme, nous examinons le cas d'une famille qui travaille 60 heures — c'est-à-dire de deux partenaires qui travaillent 30 heures chacun. Nous utilisons la mesure du panier de consommation, qui est décrite dans le mémoire, qui a été établie par le gouvernement fédéral. Nous en soustrayons les impôts, mais y ajoutons les prestations pour enfants. Nous soustrayons également les coûts relatifs à la santé et aux frais de garderie qui doivent être payés dans notre province. Pour avoir un salaire minimum vital qui se situe au-dessus du seuil de la pauvreté, une famille de deux personnes doit travailler 60 heures par semaine à un salaire de plus de 17 dollars l'heure.

C'est là notre dilemme. Nous n'avons pas vraiment réussi à interrelier notre politique économique — c'est-à-dire notre politique de la main-d'œuvre, d'une part, y compris les normes d'emploi, le salaire minimum et un certain nombre d'autres politiques relatives au marché du travail — et notre politique fiscale, d'autre part, c'est-à-dire les impôts, bien qu'il y ait des améliorations, et les obligations prescrites pour être admissible au RPC et à l'assurance- emploi. Du côté des prestations, c'est la catastrophe. Une famille de deux personnes perd 23 p. 100 de ses prestations pour enfants lorsqu'elle dépasse le seuil des 20 000 dollars. Dans les programmes de logements subventionnés en fonction du revenu, on retire 30 ¢ pour chaque dollar gagné et dans le cas des garderies, ce sont 50 ¢ qui sont retirés pour chaque dollar. Si vous gagnez dix dollars de plus, vous en perdrez cinq, qui seront retirés de votre subvention pour la garde des enfants. Si vous habitez un logement subventionné, vous perdrez en plus 30 ¢ sur chaque dollar. À cela s'ajoutent les impôts, le RPC et toutes les autres charges sociales. Dans certaines familles, le taux d'impôt marginal est de 126 p. 100. C'est ridicule. Tout cela parce que nous avons mal fait notre travail. Je ne saurais trop insister sur notre échec à lier les programmes entre eux pour qu'ils n'interagissent pas d'une manière vraiment négative. Ce sont surtout les familles à faible revenu qui en font les frais.

Les autres s'en tirent mieux. Une famille de la classe moyenne, qui gagne de 60 000 à 100 000 $, n'a pas de problème. Mais si le revenu d'une famille est de 30 000 à 40 000 $, on lui tombe dessus. Ce n'est pas juste.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je vous remercie pour vos présentations. Quand nous entendons cela, nous nous demandons ce qu'on peut faire, tout en sachant qu'il nous faut agir rapidement. Vous avez mentionné, Mme Duquette, que le pourcentage de familles immigrantes est de 42 p. 100. Vous m'avez interpellée lorsque vous avez parlé du décrochage des pères. Que voulez-vous dire par le décrochage des pères?

Mme Duquette : Très souvent, la maman devient enceinte et le papa la quitte et la laisse seule pour faire face aux responsabilités à l'égard des enfants. Ce n'est pas rare. On en rencontre régulièrement au bureau. Ces femmes se retrouvent dans un état d'extrême pauvreté. Je prends le cas d'une dame qui avait deux enfants venus au monde prématurément et qui était enceinte de jumeaux. Quand elle a donné naissance à ses jumeaux, le père est parti. Elle est restée seule avec ses enfants. Il va falloir travailler sur la façon d'habiliter les pères à être responsables de leurs enfants et les aider à trouver leur place. Trop souvent, on voit que les pères décrochent.

Il y en a même qui sont fiers de dire qu'ils sont pères de quatre ou cinq enfants du même âge. Il faut travailler là- dessus.

Le sénateur Pépin : Est-ce que vous voyez cela comme un fait nouveau? Est-ce que cela augmente?

Mme Duquette : Cela augmente, mais ce n'est pas nouveau. Cela existait auparavant, mais c'est plus fréquent; c'est plus facile maintenant d'abandonner, tout simplement. Hier encore nous avons eu un appel d'une maman qui était désespérée : elle accouche le 3 février, son mari l'a laissée, elle élève déjà deux enfants.

Le sénateur Pépin : Vous avez parlé du succès que vous avez lorsque vous suivez une femme enceinte, puis qui donne naissance. Vu que vous l'avez suivie, même si elle était à un niveau de pauvreté important, l'enfant naît avec un poids suffisant. Avez-vous été capable de suivre ces enfants après, sur une longue période, pour savoir, comment ils s'en sortent lorsqu'ils sont rendus à l'école?

Mme Duquette : Nous n'avons pas mené d'études aussi loin. Le dispensaire est un organisme sans but lucratif subventionné en partie par Centraide. Nous aidons 2000 mamans par année et nous avons environ 200 mamans sur une liste d'attente pour les services et nous n'avons pas d'équipe pour mener des recherches longitudinales de cette sorte. En revanche nous avons des témoignages; j'ai en tête plusieurs exemples de mamans qui ont complété maintenant leurs études à l'université, des femmes qui nous sont arrivées hypothéquées au départ, qui étaient blessées par la vie depuis leur enfance et qui maintenant sont diplômées de l'université. L'une d'elle appelait dernièrement pour nous dire qu'elle avait acheté une maison.

Ce sont des cas isolés, on ne peut pas dire que nous avons cet impact sur toutes les mamans, mais si on intervient d'une certaine façon auprès d'elles, je pense qu'on peut changer le cours des choses. C'est sûr que c'est à long terme. Nous suivons les mamans pendant la grossesse, pendant la période d'allaitement et la première année de vie. Cela donne un bon départ aux enfants. Il se peut, c'est sûr, qu'à l'adolescence l'enfant ait des problèmes de parcours.

Le sénateur Pépin : Il y a aussi le fait qu'ils n'ont pas accès à des services de garde. Nous sommes allés à Cuba, je peux vous assurer que ce ne sont pas des gens qui vivent dans la richesse, mais nous avons appris beaucoup de choses. Évidemment, les femmes enceintes sont suivies, mais aussi les enfants. Ceux-ci vont dans des services de garde et sont suivis jusqu'au primaire. Ils les suivent tout le temps et le fait qu'ils soient capables de faire beaucoup de prévention fait que ces enfants réussissent mieux. Il va falloir que nous soyons également capables de faire cela.

Actuellement, le ministère de la Santé et des services sociaux du Québec propose aux familles vulnérables des services de soutien intégrés durant la grossesse et la petite enfance. Il y a aussi un programme de soutien aux jeunes parents, avec des visites à domicile. Est-ce que votre dispensaire fait partie de ce réseau et de ce programme?

Mme Duquette : Non, nous ne faisons pas officiellement partie du programme, car le dispensaire est un organisme sans but lucratif, donc n'est pas un organisme gouvernemental. Le programme de services intégrés en périnatalité et en petite enfance est certainement un programme qui vise à aider toutes les femmes enceintes dès leur grossesse, même les plus vulnérables, et à intervenir pendant les cinq premières années de vie. Ce sont des mesures mises en place présentement et qui essayent d'offrir à ces femmes le soutien dont elles ont besoin, mais je crois qu'il y a un manque de personnel pour répondre à toutes les demandes. Car, quand on s'engage à suivre une famille pendant cinq ans, cela demande beaucoup de personnel.

Le sénateur Pépin : Vous recevez des fonds du gouvernement, mais vous dites également, je crois, que Centraide vous aide. Cela veut donc dire que ce que vous recevez n'est pas suffisant.

Mme Duquette : Non; nous recevons des fonds de Centraide, nous en recevons du programme canadien de nutrition prénatale et également des programmes du ministère de la Santé et des services sociaux pour arriver à joindre les deux bouts. Nous aidons 2000 mamans par année, nous leur fournissons à chacune un litre de lait par jour, un œuf et de la graine de lin, et ce, depuis des années. Cela nous coûte 20 000 $ par année en litres de lait et on sait combien le prix du lait augmente; il a augmenté encore de cinq sous en février. Depuis trois ans d'affilée, le prix du lait augmente et c'est une denrée très nutritive. Le dispensaire l'offre aux mamans, mais cela nous coûte 20 000 $ par mois.

Le coût des services du dispensaire, c'est très peu. Nous, cela nous coûte environ 500 à 600 $ par maman pour le suivi que nous offrons, incluant le soutien nutritionnel de même que le soutien professionnel. C'est peu comparé au montant d'argent épargné à la province, au bout du compte, en soins de santé.

Le sénateur Pépin : Je m'adresserai à Mme Sims-Jones. Dans le mémoire que vous nous avez soumis, vous parlez d'un programme, le Nurse Home Visitation Program. Évidemment, vous dites que c'est une des solutions qui nous aideraient à réduire les disparités en santé. Une étude similaire a été réalisée à Memphis chez les familles afro- américaines, et les résultats montrent que l'intervention a eu beaucoup d'incidences positives pour les enfants et pour leurs mères.

Ma question est de savoir si le programme a fait ses preuves et ce qui a été amélioré depuis les 20 dernières années dans les différentes communautés. Qu'est-ce qu'il faudrait changer ou améliorer pour que cela fonctionne encore mieux?

[Traduction]

Mme Sims-Jones : Si j'ai bien compris votre question, vous avez parlé des programmes de visites à domicile par des infirmiers et infirmières et vous demandez quels sont les bienfaits de ces programmes au Canada?

Le sénateur Pépin : Je demandais également ce que l'on pourrait faire pour les améliorer.

Mme Sims-Jones : Tout comme Mme Duquette, je puis vous parler du programme de visites à domicile. J'ai participé à la mise en place de ce programme en Ontario. Je voudrais également insister sur d'autres questions. Dans le cas des visites à domicile, nous essayons d'aider les gens où ils se trouvent, et nous aimerions pouvoir faire davantage. Nous aimerions que les gens puissent avoir un logement adéquat et un revenu suffisant pour pouvoir offrir à leurs enfants des aliments nutritifs, mais ce n'est pas le cas dans bon nombre de familles. Dans le cadre du programme de visites à domicile, nous avons essayé de déterminer quelles familles vivent dans la situation la plus difficile ou nous offrons un programme intensif de visites à domicile.

Des études ont été réalisées dans d'autres pays. Par exemple, David Olds, aux États-Unis, a examiné les risques élevés pour les femmes américaines. La plupart de ces femmes étaient des mères adolescentes. On les a suivis de façon intensive pendant deux ans. Ces femmes ont maintenant été suivies pendant quinze ans et certaines de ces familles ont enregistré des résultats sanitaires et sociaux positifs.

Il existe un programme semblable en Ontario. Les visites sont effectuées par des infirmiers et infirmières ainsi que par des personnes ordinaires qui travaillent en étroite collaboration avec les infirmiers et infirmières, et nous essayons d'aider les familles à déterminer quels sont leurs objectifs. Par la suite, nous les aidons à atteindre ces objectifs. Le programme est axé sur des objectifs. La recherche montre que les programmes axés sur des objectifs donnent de meilleurs résultats.

[Français]

Le sénateur Pépin : En 1998, le coût du Nurse Home Visitation Program aux États-Unis était de 2 800 à 3 200 $. Si on essayait d'appliquer le même programme au pays, combien pensez-vous que cela pourrait coûter par famille à faible revenu? Ici on disait que cela coûte 3 200 $ par famille pour un an.

[Traduction]

Mme Sims-Jones : C'est une excellente question, et je peux vous trouver la réponse. Je ne l'ai pas au bout des doigts. Il existe des programmes de service à domicile au Canada, et je peux calculer combien ces programmes coûtent par famille.

Le sénateur Pépin : Croyez-vous qu'il serait bon d'appliquer de tels programmes partout?

Mme Sims-Jones : Oui. Ils donnent de très bons résultats. L'étude réalisée par Gina Browne a révélé que si vous offrez de l'aide aux femmes qui vivent de l'aide sociale et que vous les faites bénéficier de programmes, elles s'en tirent beaucoup mieux que si vous les abandonnez à leur propre sort.

Le sénateur Cochrane : D'après certains observateurs, la pauvreté durant l'enfance peut mener à la pauvreté à l'âge adulte. Existe-t-il d'après vous une forte corrélation entre la pauvreté durant l'enfance et à l'âge adulte?

M. Goldberg : Oui, il y a une forte corrélation. C'est l'application de la notion de désavantage; cela signifie que si vous êtes désavantagé au début de votre vie, vos chances de l'être plus tard augmentent. Cela ne signifie pas nécessairement que vous serez pauvre, mais les risques sont grandement accrus. Nous constatons que bon nombre d'adultes pauvres vivaient dans la pauvreté durant leur enfance.

[Français]

Mme Duquette : Une femme enceinte en difficulté, qui n'est pas aidée ou soutenue durant sa grossesse et qui donne naissance à un bébé de faible poids, cet enfant est à risque de répéter le même modèle que sa mère. Si on donne des bases solides à l'enfant dès la naissance et les premières années de sa vie, il y a des chances pour que cela s'améliore. On le voit beaucoup. Cela peut prendre une génération ou deux. Il y a des progrès et on le voit.

Le dispensaire existe depuis 128 ans, je suis la cinquième directrice et j'ai vu bien des familles dans le passé et je peux vous dire qu'il y a vraiment eu du progrès pour certaines de ces familles. Il y a des chances de s'en sortir, mais il faut assurer un bon départ à l'enfant. Il faut qu'il y ait une qualité d'attachement et des bases solides. Les bonnes fondations se font durant la grossesse et les premières années de vie. En grossesse, on n'a pas beaucoup de temps pour intervenir parce que la maman nous arrive à 20, 25 ou même 28 semaines de grossesse. Il reste peu de temps pour modifier le comportement de la mère. Si elle a une mauvaise alimentation, il faut changer un comportement en quelques semaines, c'est très peu. Il faut aussi modifier quelques fois un comportement, la cigarette, la drogue, et cetera. Il faut intervenir rapidement et bien. Il faut que ce soit des gens aptes à faire l'intervention et qui possèdent l'art de travailler avec ces personnes pour les amener à changer leur comportement. Il faut être à l'écoute et ce n'est pas donné à tout le monde. Il faut assurer la formation des ressources sur ce plan.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane : À ce sujet, votre travail vise surtout à favoriser la santé des nouveau-nés. Pourriez-vous nous en dire davantage?

[Français]

Mme Duquette : Oui, on vise un changement de parcours pour les 2000 femmes enceintes suivies au dispensaire par année. On les reçoit, on les aide durant la grossesse, on offre un service de consultation individuelle; chacune est vue individuellement par une diététiste qui évalue leur état nutritionnel, qui identifie les risques que la maman présente et qui va intervenir là où la maman est et où on peut l'amener avec toutes ses problématiques à changer son parcours. Si par exemple la femme enceinte est à risque de donner naissance à un bébé de faible poids, on espère que dans les semaines qu'on a pour intervenir, on va faire en sorte qu'elle donne naissance à un bébé de bon poids. On voit souvent la différence chez nos mamans. Je pense à une jeune fille qui était un bébé de deux livres à la naissance. On l'a suivi. Quand elle est arrivée au dispensaire, elle ne pouvait se concentrer, elle était très nerveuse, une grande dame de 5 pieds 10 pouces qui pesait environ 120 livres et fumait 20 cigarettes par jour, qui prenait de la drogue et qui avait une très mauvaise estime d'elle-même. Elle disait qu'elle était bonne à rien, qu'elle n'avait pas complété sa troisième année scolaire. Elle avait déjà connu deux grossesses antérieures de bébés de faible poids. Nous l'avons aidé à comprendre qu'elle pourrait maintenant tourner la page et que maintenant qu'elle était maman, avec du soutien, elle peut changer le cours des choses. Elle a donné naissance à un garçon de sept livres. Elle est revenue nous voir avec son bébé pour nous dire qu'elle savait maintenant ce que le verbe aimer voulait dire. Les deux autres enfants qu'elle avait eu, lui ont été enlevés et sont placés. Pour elle, les grossesses antérieures étaient des échecs. Cela lui rappelait qu'elle était une personne incapable de réussir, une bonne à rien en réalité. Elle n'a pas eu d'autres grossesses tout de suite après parce qu'elle avait ce bébé à aimer et à amener à un objectif. On fait en sorte que les bébés naissent de bons poids, mais on soutient beaucoup les mamans avec l'allaitement, sans les forcer. On va encourager les mamans à allaiter, à décider du choix d'allaitement au moment de l'accouchement. On les fait participer à deux activités sur l'allaitement pour qu'elles soient prêtes à allaiter leurs enfants quand vient le temps. On va également les suivre quand elles choisissent d'allaiter. On va leur apporter tout le soutien nécessaire pour réussir.

Généralement, 77 p. 100 de nos mamans allaitent toujours après six mois. On a fait une étude auprès des jeunes nés au Québec ayant dix ans et moins de scolarité pour connaître le taux d'allaitement. Dans ce groupe, 33 p. 100 prenaient de la drogue ou des cigarettes, 20 p. 100 avait moins de 20 ans et on a réussi à ce que 40 p. 100 d'entre elles allaitent toujours après six mois. C'est dans l'extrême pauvreté, mais ce sont de petits pas et il faut travailler de façon très spécifique avec les familles pour les aider à changer leur comportement.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane : Existe-t-il des données au sujet des écoles qui ont mis sur pied des programmes de petits déjeuners à l'intention des enfants? J'ai travaillé dans l'enseignement, et d'après mon expérience, ce sont tous les enfants, pas seulement les pauvres, qui voulaient participer au programme de petit déjeuner. C'était formidable. J'ai trouvé que c'était un moyen très efficace d'aider les enfants à apprendre. Il leur était beaucoup plus facile d'apprendre s'ils avaient pris un bon petit déjeuner.

Mme Noble : Je n'ai pas de données précises à ce sujet avec moi. J'ai eu la chance de travailler dans deux écoles dans lesquelles les parents ou une église offraient un programme de petits déjeuners pour tous les enfants, et c'est là un élément essentiel. Il faut éviter d'étiqueter les enfants, car cela entraîne des reproches, et il faut éviter cela.

Il faudrait que les programmes de petits déjeuners ou de déjeuners soient offerts à tous. Un club de bienfaisance offrait des fruits et des barres granola aux enfants de l'école. Les enseignants ont signalé que les enfants ne s'endormaient plus dès 10 heures le matin. Ils étaient plus attentifs et pouvaient participer davantage aux activités physiques. La bonne forme physique améliore la santé de l'esprit.

Dans le district d'Algoma, dans le nord de l'Ontario, d'où je viens, les producteurs de lait offraient du lait aux conseils scolaires à un prix très réduit.

Vous avez parlé de Cuba. Dans les années 1980, le Canada a fait quelque chose de formidable. Nous avons exporté de superbes taureaux Holstein à la ferme Raoul Castro, à Cuba. Il y avait des projets dans la région d'Oshawa. Je le sais pour l'avoir constaté moi-même, puisque j'ai visité certaines des écoles. Si nous avons exporté ces taureaux, c'était pour améliorer la production et la qualité de lait à Cuba. Les taureaux Holstein canadiens ont permis d'atteindre cet objectif.

Et voilà le résultat de ce que le Canada a fait il y a 25 ans : il y a dans les écoles un programme de distribution de lait qui offre un aliment nutritif à tous les enfants.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci et bienvenue. Notre comité fait également une étude sur le développement de la petite enfance et les services de garde de qualité, en raison de la faible cote que nous a accordée l'OCDE. Je trouve toujours intéressant de voir que ce sujet ressort chaque fois que nous entendons un groupe de témoins sur la pauvreté.

Madame Noble, j'ai remarqué que vous avez parlé de la nécessité d'un régime universel de garderie, et M. Goldberg, vous préconisez des services de garde de haute qualité financés par le trésor public. Je vous remercie d'en avoir parlé.

J'ai deux questions dont la première s'adresse à Mme Noble. Je reviens de Nouvelle-Zélande, où j'ai eu la chance de me rendre. Dans ce pays, les services de garde relèvent du ministère de l'Éducation. Ce sont des services de très haute qualité, dotés d'un programme de formation; les éducatrices ont le même traitement que les enseignantes de l'élémentaire. Il est prévu que d'ici 2011, je crois, toutes les éducatrices aient suivi une formation d'au moins trois ans. Cette mesure est mise en place progressivement.

J'aimerais savoir comment ce régime de garde universel dont vous avez parlé s'inscrit, d'après vous, dans les services d'éducation offerts au Canada.

Ma deuxième question s'adresse à Mme Duquette.

[Français]

Bienvenue, madame Duquette. J'ai beaucoup d'admiration pour votre institution...

[Traduction]

... le dispensaire diététique de Montréal existe depuis un peu plus de 50 ans. J'y ai étudié lorsque je faisais mes études à l'Hôpital Royal Victoria. C'est Mme Higgins, je crois...

[Français]

... qui était là à ce moment, dans les débuts de l'institution, n'est-ce pas?

Mme Duquette : Pas tout à fait. L'institution a été fondée en 1879 par Mme Emily De Witt, une bénévole. C'était une femme de grande vision, puisqu'en 1920, elle avait constaté que la pauvreté était un problème très important, de même que le logement et la malnutrition engendrés par la pauvreté. Elle a donc retenu les services d'une diététiste pour diriger le dispensaire, en 1920, de la première école de diététique de l'université McGill. Ensuite sont venues Mme Ann Garvock et Mme Higgins. Je suis la cinquième directrice en 128 ans.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai une grande admiration pour le programme des garderies de la province de Québec et j'aimerais vous questionner à ce sujet.

Premièrement, pour les familles qui n'ont pas la possibilité de payer 7 $ par jour, ce programme offre-t-il des arrangements particuliers?

Aussi, j'aimerais connaître votre opinion au sujet de ce programme au Québec. Je pense que c'est un exemple pour le reste du pays, mais j'aimerais avoir votre opinion.

Mme Duquette : Ce système de garderie fonctionne très bien au Québec. C'est un excellent programme.

En ce qui concerne les familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté, les Centres de petite enfance prévoient des places gratuites. Le problème, c'est que les places sont limitées et qu'il faut s'y prendre longtemps à l'avance pour pouvoir en bénéficier. Il faut quasiment réserver durant la grossesse pour pouvoir avoir une place en garderie. Le gouvernement travaille pour créer de nouvelles places.

Bref, c'est un programme qui fonctionne très bien. On l'encourage vraiment. Il fournit un bon répit pour nos familles dans le besoin.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne vous ai peut-être pas bien compris, mais pouvez-vous me préciser la situation pour les familles qui n'ont pas 7 $ par jour?

Mme Duquette : S'ils n'ont pas 7 $ par jour, certains Centres pour la petite enfance fournissent le service gratuitement. Par contre, il n'y a pas assez de places pour répondre à toutes les demandes. Je ne connais pas les barèmes sur lesquels on se base pour attribuer les places gratuites.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cette décision revient-elle au Centre ou au gouvernement?

Mme Duquette : C'est une décision des CPE, Centres de petite enfance, je crois . Ils essaient de trouver des places pour tout le monde. Les familles dans le très grand besoin déménagent souvent, aussi, et cela peut provoquer des problèmes, mais pour la plupart, ils auront accès assez facilement à des places.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est gratuit pour ces familles. À peu près.

Mme Duquette : Je ne connais pas le calcul des montants à payer selon le revenu de la famille. C'est à peu près gratuit pour certains, mais pas pour tous.

[Traduction]

Mme Noble : En ce qui a trait à l'éducation, nous préconisons un système sans coupure. Pour revenir à ce que disait M. Goldberg, on a publié il y a 20 ans un document intitulé Nos enfants et nos jeunes d'aujourd'hui, dans lequel on disait que l'école est un pivot de la communauté. Alors, utilisons tous les locaux excédentaires.

Ma mère était infirmière de santé publique, et je me souviens qu'elle venait à l'école, qu'elle sortait pour rendre visite, comme vous dites, à des mères. Les mères amenaient leurs bébés à l'école. C'était dans une région rurale.

Nous avons la possibilité d'examiner de telles mesures, surtout dans mon optique d'enseignante, afin que les services soient offerts sans coupure.

Je vais vous donner un exemple de ce qui se fait dans ma région. Une des réserves, celle de Batchewana, a très à cœur l'éducation. Elle dispose d'une prématernelle et d'une garderie. L'autobus ramasse les enfants dans la réserve et les amène dans ces établissements. Les enfants passent de la prématernelle au primaire. L'autobus les ramasse, les amène à l'école et ensuite les ramène. Le jardin d'enfants ne dure qu'une demi-journée. À la fin de celle-ci, les enfants sont raccompagnés à l'école primaire. Cela se fait de façon continue.

Dans certains pays scandinaves, on applique le même genre d'approche. C'est une formule que nous devrions envisager.

Le sénateur Cook : Je vous remercie d'avoir porté encore une fois à mon attention ce matin la complexité du sujet que nous examinons.

Nous savons quel est notre objectif, mais nous ne sommes pas certains de la façon de l'atteindre. Je sais que dans votre domaine de compétence et dans le cadre de votre mandat, vous disposez de stratégies et de programmes qui permettent d'obtenir des résultats. Pour moi, cela ne constitue qu'un petit élément du tableau d'ensemble.

J'ai deux questions à vous poser, mais permettez-moi d'abord de vous parler d'un plan d'action qui a été mis en place dans ma province en 2006. Il s'intitule « Reducing Poverty : An Action Plan for Newfoundland and Labrador ». Vous pouvez le consulter sur Internet. Il établit des buts et des objectifs. Il est dirigé par un comité ministériel pangouvernemental qui regroupe les ministres des affaires autochtones, de l'éducation, des finances, des services communautaires, et aussi de l'Innovation, du Commerce et du Développement rural. Le plan prévoit la présentation de rapports à l'assemblée législative de la province. Il s'agit d'un plan décennal qui est assorti d'un budget de 2,4 millions de dollars. Je sais que je viens d'une petite province, mais croyez-vous que cette initiative pourrait servir de modèle pour atteindre notre objectif?

Comme je l'ai dit, vos efforts vous permettent d'obtenir des résultats, mais il existe encore des écarts. Nous n'arrivons pas à franchir cet obstacle. Pour moi, il faut d'abord accorder la priorité à la dignité de la personne, de ces gens dont nous parlons ici collectivement. Il y a ensuite, pour résumer, l'alimentation et de la sécurité. J'ai deux questions.

On discute depuis longtemps de la possibilité de créer un régime national d'assurance-médicaments. Quels obstacles empêchent actuellement le gouvernement de mettre en place un tel régime? Les gens qui reçoivent des prestations d'aide sociale vivent bien en deçà du seuil de pauvreté, où qu'ils se trouvent au Canada. Pourquoi ne permet-on pas à ces familles de gagner un revenu modeste qui leur permettrait d'avoir un salaire minimum vital, quelle que soit la province dans laquelle elles vivent? Pourquoi ne prenons-nous pas de telles mesures? À mon avis, cela nous aiderait à atteindre notre objectif.

M. Goldberg : Je vais commencer par répondre à cette question. Tout d'abord, je vous félicite de venir de Terre- Neuve-et-Labrador. Votre premier ministre a fait des déclarations très courageuses. À vrai dire, c'est lui qui a fait les déclarations les plus progressistes dans ce dossier au Canada. En Colombie-Britannique, nous allons dans la direction opposée. Je voudrais bien que Danny Williams vienne parler à notre premier ministre, qu'il le mette au pas et qu'il l'informe de ce qui doit être fait.

L'essentiel, c'est que vous avez un plan. Un plan, ce sont des objectifs, une stratégie d'action. Un plan permet de réunir les gens qui sont en mesure de mettre en œuvre la stratégie d'action et d'en surveiller l'exécution. Voilà ce qu'est un plan. Il a parlé d'un plan. J'aimerais bien savoir quels sont plus précisément les objectifs de ce plan. Je crois qu'il faut encore les élaborer. Nous attendons de connaître les détails. Durant sa campagne électorale, M. Williams a déclaré qu'il hausserait le salaire minimum à 10 $ l'heure d'ici 2010. Compte tenu des différences dans le coût de la vie entre Terre-Neuve et la Colombie-Britannique, nous serions très heureux que notre premier ministre amène notre salaire minimum à un niveau comparable.

Vous avez raison, c'est en grande partie un problème de nutrition et de sécurité. Dans le document que je vous ai donné, je mentionne un rapport dans lequel on analyse les diverses politiques complexes qui sont nécessaires pour garantir l'alimentation et la sécurité des personnes seules, des familles avec enfants ou des aînés. Ces derniers, il faut le noter, sont ceux qui ont le moins de nourriture et de sécurité. En 1971, la commission Croll a indiqué dans son rapport que les aînés constituaient le groupe le plus touché par la pauvreté. Le gouvernement de l'époque a jugé la situation inacceptable et des mesures ont été prises. Les gouvernements peuvent améliorer les choses, et cela a été démontré grâce à la création et à l'amélioration des programmes pour les aînés : le RPC, la sécurité de la vieillesse, et plus particulièrement le supplément de revenu garanti, qui a vraiment aidé la vaste majorité des aînés les plus démunis à sortir de la pauvreté.

Je n'ai jamais compris pourquoi nous n'avons pas de régime national d'assurance-médicaments. J'ai vécu en Angleterre pendant quelques années. Lorsque nos enfants avaient besoin de soins dentaires, nous les amenions chez le dentiste, qui facturait les services de santé. Si nous avions besoin de médicaments, la facture était réglée par les services de santé. Ce régime était infiniment plus efficace du point de vue économique que ce que nous avons maintenant. Malheureusement, ils ont eu par la suite un premier ministre qui a décidé de faire machine arrière, et bon nombre de ces mesures ont été abolies.

Je suis économiste de formation. J'ai travaillé dans le domaine de l'économie. La principale question que pose un économiste, lorsqu'il examine, par exemple, des valeurs, est la suivante : quel est le moyen le plus efficace d'atteindre l'objectif visé et d'obtenir le maximum pour son argent? De toute évidence, nous dépensons des sommes énormes en produits pharmaceutiques parce que nos méthodes sont inefficaces. Si nous avions un régime national, comme il en existe un en Nouvelle-Zélande, nous aurions un pouvoir d'achat astronomique. Nous pourrions mieux établir les coûts en fonction du produit de référence et prendre des mesures pour assurer une utilisation optimale des fonds disponibles.

Prenons le régime de garderies du Québec. Pourquoi gaspiller de l'argent à faire payer 7 $ par jour aux parents? Les gens d'affaires savent qu'il faut émettre des reçus et s'assurer d'être payés. Si les parents n'ont pas l'argent nécessaire, il faut que quelqu'un octroie les subventions qui sont distribuées. Pour un économiste, tout cela est de l'activité gaspillée. Cela ne donne aucun résultat. Il n'y a pas plus de garderies. Tout n'est pas perdu, puisque cela crée de l'emploi, mais cela ne permet pas d'atteindre l'objectif visé.

Par conséquent, je n'ai jamais compris pourquoi on hésite tant à adopter des modèles beaucoup plus efficaces, dont la plupart sont universels. La plupart de nos programmes sont de nature universelle, et les gens n'en abusent pas, car ce sont eux qui en paient les coûts, par l'entremise du régime fiscal, ce qui est beaucoup plus efficace que de demander à chacun de payer une petite somme et d'émettre des reçus pour tout cet argent. Je ne comprends pas pourquoi nous n'avons pas un tel régime. Il est illogique du point de vue économique de ne pas en avoir un.

Le sénateur Cook : Et que pouvez-vous nous dire au sujet des bénéficiaires de l'aide sociale, de l'idée de leur permettre d'avoir un salaire minimum vital?

M. Goldberg : Dans mon témoignage, j'ai dit que nous devrons peut-être revoir le régime fiscal et le système de prestations. John Stapleton et John Richards ont dit, je crois, que dans bon nombre de provinces, les bénéficiaires de l'aide sociale perdent 50 cents pour chaque dollar qu'ils gagnent. Dans ma province, ils en perdent la totalité. S'ils gagnent un peu d'argent, ils perdent toutes leurs prestations. À peu près tous s'entendent pour dire qu'il faut mettre en place des mesures beaucoup plus progressives pour la réduction des prestations, sinon, le revenu gagné remplace celui des prestations.

Nous n'avons pas encore compris. Le pire, et je crois que John Stapleton l'a également mentionné dans son témoignage, c'est que lorsqu'une famille bénéficiaire de l'aide sociale essaie de gagner un revenu, une mère seule, peut- être, qui cherche à réintégrer le marché du travail, à temps partiel, elle ne garde que la moitié de son revenu. Elle est privée de certaines prestations ou doit les payer, comme dans le cas du RPC et de l'assurance-emploi, et perd encore davantage si elle reçoit une subvention au logement. À tel point que ces gens ne conservent que 20 ¢ par dollar gagné.

S'il existait une exemption quelconque sur le revenu gagné, il faudrait qu'elle s'intègre à tous les autres programmes qui sont offerts. Personne ne devrait perdre plus de 50 ¢ par dollar gagné lorsque le revenu est conjugué à des prestations.

Le sénateur Cook : Nous avons pris d'excellentes mesures dans le programme d'assurance-emploi, ou peu importe le nom qu'on lui donne maintenant. Pourquoi les gouvernements ne mettent-ils pas en place un programme semblable?

M. Goldberg : Je ne crois pas que le régime d'assurance-emploi offre des exemptions sur le salaire gagné. Je sais que les prestataires peuvent gagner un peu d'argent, mais si le montant est suffisamment élevé, ils n'ont plus droit aux prestations.

Le sénateur Cook : Nous sommes capables, d'un côté, d'instaurer un programme efficace, mais nous sommes incapables, de l'autre, d'adopter les mesures qui s'imposent. Ce n'est pas seulement une question d'économie, mais une question de dignité pour ces familles. L'un des parents pourrait aller travailler et en être heureux. Il ne gagnerait peut- être que 20 $, mais cela permettrait au moins d'éliminer le stigmate associé à l'aide sociale sans que les prestations ne soient réduites pour quelques heures de travail. Je trouve que c'est inacceptable. Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite faire un commentaire?

Mme Noble : Pour revenir à la question de la dignité des enfants à l'école, il y a des cas où les enfants n'ont pas d'argent pour participer à une sortie. Il y a aussi le problème mentionné par l'autre sénateur, celui des enfants qui participent au programme des petits-déjeuners alors que celui-ci n'est pas offert à tous. Vous avez raison de parler de dignité et d'estime de soi. C'est très important.

Le président : Passons maintenant au sénateur Fairbairn, de l'Alberta.

Le sénateur Fairbairn : Vos propos me semblent, en partie, très encourageants. Pour le reste, je ne dirais pas qu'ils sont décourageants, mais plutôt qu'ils posent certaines difficultés.

La plupart de nos invités ont parlé de l'éducation et de l'apprentissage, de la façon dont ces éléments peuvent aider le pays à assumer ses responsabilités et à profiter des possibilités qui s'offrent à lui.

Comme vous le savez peut-être, je travaille depuis bon nombre d'années au dossier de l'alphabétisation. Dans le document sur la pauvreté dans les écoles, on peut lire à deux ou trois endroits que les problèmes que nous examinons et qui nous dérangent depuis tant d'années existent encore dans une certaine mesure. Quand on œuvre dans le domaine des soins de santé, voire dans à peu près n'importe quel domaine, il faut posséder de bonnes bases. Nous avons eu quelques difficultés à ce sujet avec le gouvernement fédéral il y a un an, mais les choses se sont améliorées dans une certaine mesure, de sorte qu'il est possible, dans toutes les régions du Canada, d'aider les personnes qui ne savent ni lire ni écrire mais qui souhaitent apprendre, qu'il s'agisse d'aînés, de travailleurs ou d'enfants.

D'après vos analyses, dans quelle mesure cela se pose-t-il comme un véritable écueil pour les gens qui ont besoin de cette aide qu'ils devraient recevoir, mais qui ne la reçoivent pas? Je signale à nos témoins que nous en avons parlé également dans notre étude sur la pauvreté rurale. C'est un sujet qui revient constamment.

Pouvez-vous faire le point là-dessus? Je ne veux pas m'y attarder, mais quand on parle de problèmes comme la pauvreté des enfants des villes, pourriez-vous nous donner une idée de l'importance de l'alphabétisation parmi les difficultés auxquelles sont confrontées les familles qui essaient de joindre les deux bouts et de donner une chance aussi à leurs enfants?

Mme Sims-Jones : Vous soulevez un point intéressant, car il est très difficile de travailler si l'on ne sait pas lire. L'un des groupes avec lesquels nous avons travaillé de près était celui des nouveaux arrivants au Canada qui ne pouvaient pas lire leur propre langue. Il est bien difficile d'apprendre à lire l'anglais si on ne peut pas lire sa propre langue. On a mis au point des programmes pour enseigner aux jeunes mères à lire leur langue maternelle, et pour leur apprendre ensuite comment lire l'anglais. S'ils veulent être en mesure de travailler et d'apporter à long terme une contribution au Canada, ces nouveaux arrivants devront être capables de lire pour que leurs enfants puissent en faire autant.

Nous programme de visites à domicile, qui visait à répondre aux besoins des familles en situation difficile, comportait un volet alphabétisation. C'est tout ce que je peux vous dire sur le sujet.

[Français]

Mme Duquette : Lorsqu'il s'agit de pauvreté urbaine, comme à Montréal où 42 p. 100 des familles immigrantes vivent sous le seuil de la pauvreté, je peux vous dire que dans les familles venant de 90 pays différents que l'on rencontre au dispensaire, les femmes souvent ne parlent pas trop bien le français ou l'anglais. Leurs enfants deviennent la plupart du temps les interprètes de ces familles et la difficulté de la langue est une grosse difficulté qui se pose pour ces dernières lorsque vient le temps de retrouver du travail.

Lorsqu'on sait que pour un immigrant cela prend 14 ans avant de bien s'intégrer, bien cela peut prendre 20 ans avant que l'immigrant puisse retrouver un seuil de revenu égal à celui d'un citoyen né au Canada. C'est un long processus.

[Traduction]

M. Goldberg : Le problème des immigrants, et plus particulièrement des réfugiés, est bien présent dans les grandes régions métropolitaines. Ajoutons à cela le besoin d'accroître la formation en anglais langue seconde ou en langue maternelle. Pour certains immigrants et réfugiés, c'est absolument essentiel. Ça l'est aussi, à mon avis, pour la population autochtone urbaine. C'est le deuxième groupe qui affiche un taux élevé d'analphabétisme fonctionnel. Ces Autochtones peuvent avoir parfois des problèmes d'analphabétisme fonctionnel même s'ils ont terminé leur sixième, septième, huitième, neuvième et même dixième année à l'école. Cependant, nous devons éviter de considérer cela comme un problème d'alphabétisation, car la plupart des Autochtones seraient offensés s'ils étaient traités de cette façon. De par leur culture, ils sont sensibles à certaines choses qu'ils ont, eux, leurs parents et leurs grands-parents aussi, vécues. Je songe, entre autres, aux pensionnats autochtones et à d'autres situations qui ont rendu extrêmement difficile la vie de la population autochtone urbaine. Cette population et les immigrants sont les deux groupes auxquels nous devrons offrir des services.

Le sénateur Fairbairn : Vous avez parlé, un peu plus tôt, de l'Alberta, ma province d'origine, et de la situation fort bien connue et très encourageante qui existe là-bas. Cependant, il y a un fait bien particulier que certains ne comprennent pas ou même ignorent. Grâce à l'utilisation des nouvelles technologies, nous avons réussi à transformer nos sables bitumineux. Cela a suscité beaucoup d'enthousiasme et des gens de tout le pays viennent s'établir à Calgary, entre autres. Ils arrivent en Alberta et se rendent ensuite à Fort McMurray, pensant qu'ils auront des emplois, et par conséquent une belle maison et un bon avenir. On pense souvent que l'industrie accorde une large place aux métiers manuels.

Cependant, les choses ont beaucoup changé au cours des dernières années et cette industrie utilise maintenant surtout des technologies de pointe. Aujourd'hui, on trouve très souvent dans les rues de villes comme Calgary des gens de tous les âges, jeunes et vieux, qui sont arrivés plein d'enthousiasme, pensant se faire un avenir, pour constater qu'ils n'ont pas la possibilité de se tailler une place dans cette industrie parce qu'ils ne savent pas suffisamment lire pour utiliser les machines perfectionnées maintenant disponibles.

Je suis sûr que cela s'applique à bien d'autres secteurs ailleurs au pays, et pas simplement à la province de l'Alberta. C'est très inquiétant. Quand nous disons qu'il faut regrouper, à tous les paliers de gouvernement, les ressources en alphabétisation, c'est que c'est le seul moyen d'obtenir des emplois de ce niveau et de bâtir une bonne vie pour soi même et sa famille.

Je trouve cela très troublant, mais comme vous le savez, c'est un problème sur lequel bon nombre de gens préfèrent fermer les yeux ou auquel ils ne croient pas. Même dans le cas de l'Alberta, il faut se rendre à l'évidence, car on voit comment les gens arrivent plein d'espoir pour constater que, sans la capacité de lire et de comprendre les nouvelles technologies, ils vont avoir beaucoup de difficultés.

Le président : Pourriez-vous commenter brièvement?

M. Goldberg : Si on pouvait ajouter aux programmes d'alphabétisation — ce qui était bien, dans les écoles communautaires d'il y a 30 ans, c'était le postulat de base de l'école communautaire, c'est-à-dire l'apprentissage à vie. Il y avait l'éducation aux adultes, des enfants et des adultes qui apprenaient ensemble, des grands-parents qui savaient à peine lire qui apprenaient avec leurs petits-enfants. Tout cela est possible dans un milieu où l'on parle d'éducation, dans un bâtiment qu'on appelle une école, une école qui, dans ce cas, est ouverte de 7 heures le matin à 23 heures le soir. Dans un tel environnement, il est possible de donner aux gens d'autres possibilités que celles des programmes d'alphabétisation plus rigides et officiels auxquels certains ont de la difficulté à avoir accès, auxquels ils résistent ou qui posent d'autres problèmes. Effectivement, l'alphabétisation est essentielle dans une économie du savoir, cela ne fait aucun doute.

Mme Noble : Il faut comprendre que l'alphabétisation, ce n'est pas seulement lire des mots; il faut également pouvoir lire les chiffres et comprendre tout ce qui a trait à la technologie, et c'est essentiel. N'est-il pas arrivé qu'un employé d'Air Canada mette moins d'essence dans le réservoir d'un avion parce qu'il avait confondu un quart et un huitième? Voilà un exemple qui aurait pu poser des problèmes de fonctionnement ou de sécurité. C'est de cela qu'il s'agit. C'est l'alphabétisation dans une optique très holistique.

Le sénateur Brown : Monsieur Goldberg, je suis d'accord avec deux de vos propositions. La première porte sur le salaire minimum. Nous attendons qu'un problème prenne des proportions de crise, nous le corrigeons à grands coups d'argent et nous attendons qu'une autre crise se produise. C'est terrible. Je crois, comme vous, que le salaire minimum devrait être calculé en fonction de l'inflation, ou à un niveau légèrement supérieur à l'inflation, afin de rattraper le recul.

Ensuite, en ce qui a trait à la réduction des prestations, nous avons déjà entendu cet argument au sujet des paiements d'aide sociale et d'autres programmes de ce genre. Je ne vois pas pourquoi nous accordons de l'aide à quelqu'un pour la reprendre ensuite, que ce soit en réduisant les prestations ou en récupérant l'argent sous forme d'impôt. C'est vraiment stupide.

Quand les gens commencent à parler d'universalité, cela m'effraie. C'est un grand problème au Canada. Un citoyen du Québec a dû s'adresser aux tribunaux, voire à la Cour suprême, pour avoir le droit d'obtenir des soins de santé. La Cour suprême a rendu une décision dont l'écho se fait encore entendre partout au pays.

En Alberta, une femme a fait valoir un argument encore plus solide que celui de ce citoyen du Québec. Elle a demandé pourquoi elle ne pouvait utiliser ses économies pour sauver sa vie. Voilà ce que donne l'universalité. Voilà ce qui se produit quand on impose des règlements qui empêchent une personne de se procurer à l'extérieur du régime les services qu'elle a les moyens de payer. Cette personne est pénalisée, et le régime aussi.

Autre exemple : un des membres de ma famille a attendu pendant deux ans et demi qu'on lui fournisse des soins pour soulager les douleurs chroniques qu'elle ressentait. Nous avons fini par baisser les bras. Nous l'avons amenée dans une autre province où elle a pu obtenir le traitement contre une somme considérable. Mais il était déjà trop tard. Les nerfs de son dos étaient endommagés de façon permanente et elle n'aurait pas pu obtenir l'opération nécessaire à moins d'attendre trois ans en Alberta, province où l'on discute de tout l'argent dont on dispose.

Le problème, c'est qu'il y a une pénurie de travailleurs dans notre régime de soins de santé. C'est probablement aussi un symptôme du programme universel qui a permis aux Américains d'acheter nos médecins et nos infirmiers et infirmières depuis des décennies. Nous devons maintenant trouver le moyen de les ramener chez nous, ou d'en former davantage. Ces problèmes sont directement issus de l'universalité du régime.

Pourquoi des gens qui gagnent de 100 000 à 400 000 $ par année ne pourraient-ils pas se faire soigner là où ils veulent? Ils le font déjà, en fait. Je peux me rendre dans d'autres provinces et pays pour obtenir des soins de santé, mais je ne peux pas le faire dans ma propre province et ainsi réduire les lignes d'attente afin que d'autres puissent obtenir des soins.

M. Goldberg : Vous avez soulevé trois points auxquels je vais répondre. Premièrement, en 2001, je me trouvais en Alberta dans le cadre d'une conférence nationale sur la politique d'aide sociale à l'Université de Calgary. On avait demandé au ministre des Affaires sociales de l'époque comment les taux d'aide sociale étaient calculés. Il avait répondu qu'on prévoyait utiliser la mesure du panier de consommation lorsque celle-ci serait connue. Nous étions satisfaits de cette réponse, mais le ministère n'a pas tenu parole. Cette mesure aurait permis d'accroître considérablement les taux de l'aide sociale et aidé les gens à joindre les deux bouts. Le taux actuel est inférieur à ce dont les gens ont vraiment besoin, mais ils peuvent s'en tirer. Bon nombre de gens ont été déçus de voir que cette promesse n'a pas été tenue.

Deuxièmement, nous nous entendons pour dire que le fait de prélever des impôts ou de réduire les prestations ne contribue pas à alléger la pauvreté. Vous pouvez voir dans les tableaux que j'ai fournis que l'impôt, pour un revenu de 40 000 $, n'est pas énorme. Le vrai problème, ce ne sont pas les impôts, mais plutôt les pertes de prestations. Elles sont énormes : une réduction de 50 à 70 cents pour chaque dollar gagné. Trois pour cent seulement de cette réduction est attribuable à l'impôt. De 6 à 7 p. 100, environ, vient d'autres déductions, comme le RPC ou l'assurance-emploi.

Nous nous sommes leurrés en pensant que nous devons réduire les impôts pour aider les gens à faible revenu. Ce n'est pas la solution. Il faut changer les régimes de prestations pour éviter que ces personnes ne s'enfoncent davantage.

Le sénateur Brown : Je suis d'accord avec vous sur ces deux points.

M. Goldberg : Troisièmement, l'universalité. Vous avez parlé du dilemme qui existe entre la nécessité de disposer de suffisamment de médecins, d'infirmiers et d'infirmières, et la capacité de financer et d'offrir des programmes. Que l'on soit pauvre ou riche, le coût d'une chirurgie sera le même, que vous le payez vous-même directement ou que vous le payez par l'entremise de vos impôts. La grande différence, c'est que le contribuable riche aide à payer certains des coûts pour le contribuable pauvre.

Nous avons de nombreux services universels, dont les routes, les sapeurs-pompiers, les forces policières, les écoles — bien que ce ne soit pas le cas de l'enseignement postsecondaire. Si les bien nantis étaient tenus de payer les pompiers qui viennent éteindre l'incendie de leur maison, ce système de paiement par l'utilisateur détruirait nos services d'incendie.

La question est de savoir ce qui est le plus efficace du point de vue économique. Si l'argent est mis en commun, combien de services peut-on obtenir, si ceux-ci sont bien planifiés? À l'heure actuelle, la pénurie de médecins, d'infirmières et d'infirmiers est le résultat d'une mauvaise planification. La planification était mauvaise parce qu'elle reposait sur des cycles de 10 ans au lieu des cycles de 70 ou de 80 ans.

En Colombie-Britannique, par exemple, la mauvaise planification entraîne la fermeture d'écoles. Dans 25 ans, les villes vont manquer d'écoles. Je suis prêt à le parier. Mais on ne peut pas amener les gouvernements à prévoir sur 25 ans. Par conséquent, le problème actuel dans les soins de santé ne vient pas de l'universalité du programme. Si quelqu'un a suffisamment d'argent pour se faire soigner aux États-Unis, tant mieux pour lui. Il faut cependant s'assurer que ceux qui n'en n'ont pas les moyens puissent aussi être soignés.

Le sénateur Brown : Le problème, cependant, c'est que cet argent sort de la province pour rien. Pourquoi devrais-je amener en Colombie-Britannique un membre de ma famille pour qu'il se fasse soigner et payer des dizaines de milliers de dollars pour des soins de santé que je pourrais recevoir en Alberta, ce qui réduirait les coûts en Alberta et permettrait d'embaucher plus de médecins? Cela n'a aucun sens pour ceux qui sont extraordinairement riches ou même pour ceux qui se situent au-dessus du seuil de pauvreté et qui ont les moyens de payer les soins dont ils ont besoin. Nous limitons leur capacité de se procurer des soins.

Vous ne pouvez pas répondre à cette femme qui demandait pourquoi elle ne pouvait utiliser ses économies pour sauver sa vie.

M. Goldberg : Elle aurait pu le faire, mais probablement pas en Alberta, parce qu'il n'y avait pas de médecins ou d'infirmières ou d'infirmiers disponibles. Je ne connais pas la réponse.

Le président : Notre sujet d'aujourd'hui n'est pas le régime de soins de santé. Permettez-moi de poser une question pour clore le sujet.

Pour mesurer la pauvreté, nous utilisons fréquemment le seuil de faible revenu, ou le SFR. Cependant, Statistique Canada nous dira que cette mesure n'a pas été conçue pour mesurer la pauvreté.

À court terme ou à long terme, devrions-nous investir temps et effort pour mettre au point une nouvelle mesure de la pauvreté? Si nous voulons fixer des objectifs et des échéances, nous devrions avoir une façon de mesurer les résultats. À quoi pourrait ressembler un tel système? À la mesure du panier de consommation, ou bien à une autre formule?

M. Goldberg : Il en est question dans mon mémoire, mais je n'en n'ai pas parlé aujourd'hui. Toutefois, c'est le modèle que j'ai utilisé à la réunion sur la pauvreté rurale. Dans les deux premières pages, je fournis des définitions et des mesures. Au tableau de la page 2, on peut voir à quel point les mesures de la pauvreté se ressemblent, si l'on compare les chiffres avant et après impôt. La mesure de l'Institut Fraser est la seule qui affiche une différence significative, mais elle se fonde sur la survie physique et non sur les besoins communautaires.

Tous ceux qui travaillent dans le domaine et discutent de ces questions depuis des années disent que nous n'avons pas besoin d'une autre mesure de la pauvreté. Nous avons déjà à notre disposition de bons outils, avant impôt ou après impôt, et d'autres qui peuvent être utilisés pour des comparaisons internationales. Ils sont semblables. Il suffit d'en choisir un. On pourrait choisir la mesure du panier de consommation pour calculer les taux d'aide sociale. C'est du moins la mesure que j'adopterais. Pour établir la politique d'emploi, on pourrait avoir recours à une mesure avant impôt. On pourrait aussi peut-être utiliser une mesure à la fois du revenu et de la consommation comme le SFR avant impôt. En fait, on pourrait passer des heures à discuter de la question de savoir si c'est 2 000 au-dessus ou en-dessous du seuil ou si la marge d'erreur doit être fixée à 4 p. 100. Pourquoi faire? Ma réponse est la suivante : quoi que vous fassiez, ne vous engagez pas dans ce genre d'exercice. Si nous nous fixons des objectifs X, Y et Z, vérifions les résultats que donnent les trois indicateurs. De cette façon, le problème sera réglé.

Le président : D'autres commentaires?

[Français]

Mme Duquette : Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il ne faut pas créer de nouvelles mesures. De toute façon, selon les mesures de Statistique Canada, pour le seuil de faible revenu, 54,7 p. 100 de ton revenu devrait aller pour le logement, la nourriture et les vêtements. J'ai récemment fait le calcul : pour une famille de cinq personnes, en 2008, avec les revenus d'aide sociale et les allocations, cette famille devrait dépenser 86 p. 100 de leur revenu pour ces trois seuls items.

Il est certain que si on essaie de trouver un autre seuil de faible revenu, c'est travailler sur des chiffres qui n'iront pas vraiment loin, qui n'aideront pas notre but qui est de sortir les enfants de la pauvreté. Je ne pense pas qu'on y arrivera de cette façon.

[Traduction]

Mme Noble : Je suis d'accord avec mes collègues : il ne faut pas se lancer là-dedans. Nous avons déjà suffisamment de mesures en place. Je vois les visages des enfants. Je veux qu'ils puissent apprendre. Nous avons la possibilité d'aider cette génération d'enfants afin qu'ils ne se retrouvent pas dans la pauvreté dans 20 ou 30 ans. C'est de cela qu'il s'agit.

Mme Sims-Jones : Je suis d'accord avec Mme Noble : nous avons déjà des mesures qui peuvent contribuer à changer les choses. Elles ont été élaborées au Canada et à l'étranger. Il est temps de les mettre en œuvre.

Le président : Nos témoins sont unanimes. Merci d'être venus nous rencontrer. Vous nous avez fait bénéficier de renseignements précieux, d'idées, et aussi de votre expérience considérable.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant poursuivre à huis clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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