Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 4 - Témoignages du 14 février 2008
OTTAWA, le jeudi 14 février 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier la situation de l'éducation et de la garde des jeunes enfants au Canada à la lumière du rapport Starting Strong II publié par l'OCDE les 21 et 22 septembre 2006 qui classe le Canada au dernier rang de 14 pays pour ce qui est des fonds consacrés aux programmes d'éducation et de garde des jeunes enfants.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui nous examinons la situation de l'éducation et de la garde des jeunes enfants au Canada.
[Traduction]
En septembre 2006, le comité de l'éducation de l'Organisation de coopération et de développement économiques — que nous connaissons sous le sigle OCDE — qui a son siège social à Paris, a publié un rapport intitulé Starting Strong II : Early Childhood Education and Care. Ce rapport faisait état des progrès réalisés dans 20 pays relativement à des aspects clés d'une politique d'éducation et de garde des jeunes enfants couronnée de succès et proposait deux exemples de nouvelles initiatives stratégiques adoptées dans ces domaines. Les auteurs du rapport ont classé le Canada au dernier rang parmi 14 pays pour ce qui est des dépenses consacrées aux programmes d'apprentissage et de garde des jeunes enfants, déclarant : « [...] la politique nationale et provinciale d'éducation et de garde des jeunes enfants au Canada en est encore au stade initial... et la couverture est faible comparativement à d'autres pays de l'OCDE. »
Cette conclusion ainsi que l'état général du développement et de la garde des jeunes enfants a soulevé des préoccupations au Sénat. Après un débat, à la suite d'une motion présentée par notre collègue, le sénateur Trenholme Counsell, il a été convenu que notre comité examinerait ces questions.
Aujourd'hui, nous accueillons deux témoins très éminents, réputés pour leurs contributions dans ce domaine et dans d'autres champs d'activité au pays. Ce sont deux personnes qui sont au coeur de la question, puisqu'elles ont elles- mêmes un grand coeur.
Je suis heureux de vous présenter le Dr Fraser Mustard, fondateur du Conseil du développement de la petite enfance. Présentement, sa mission première est de souligner l'importance cruciale des expériences de l'enfant au cours des six premières années de la vie. En 1999, il a cosigné l'étude intitulé The Early Years sur l'apprentissage précoce en y incluant des recommandations spécifiques pour les collectivités. En 2002, il a mis sur pied le Council for Early Child Development and Parenting.
Il est accompagné du coauteur de l'étude sur l'apprentissage précoce, l'honorable Margaret Norrie McCain, qui continue de jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration de nombreuses initiatives de politiques et de programmes sur le développement de la petite enfance au Canada. Elle est aussi membre du conseil d'administration du Council for Early Child Development. Elle a aussi été la première femme lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, ayant occupé ce poste de 1994 à 1997. Le sénateur Trenholme Counsell lui a succédé.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Nous allons commencer par le Dr Fraser Mustard.
Dr Fraser Mustard, fondateur, Council for Early Child Development, Founder's Network : Permettez-moi de me présenter sous un angle qui ne figure pas dans la biographie. Je suis le fondateur de l'Institut de recherches avancées, qui existe maintenant depuis plus de 25 ans. Son objectif est d'amener des intervenants de différents domaines à communiquer de façon à favoriser l'interaction multidisciplinaire qui est cruciale pour faire face à l'afflux des connaissances au XXIe siècle.
En 1994, mon excellent président d'université m'a demandé d'assister à une réunion sur le rôle des universités dans une société axée sur le savoir. Ma carrière scientifique est un sujet distinct de ce dont je veux vous parler. Ma réputation à ce sujet, bonne ou mauvaise, n'a pas d'importance, mais si vous prenez de l'aspirine pour prévenir les maladies cardiovasculaires, vous avez une dette envers moi.
Mais je reviens à notre sujet principal. J'ai dit : « Je ne veux pas parler de cela. Je veux discuter des facteurs déterminant la qualité des populations pour l'avenir. » Les universités traitent uniquement avec des gens qui ont la capacité de faire des études universitaires, et c'est un problème de fond. Il m'a dit : « De quoi voulez-vous parler? » Je lui ai répondu : « Je veux parler du développement du cerveau au cours de la petite enfance, car cela influe sur la santé, l'apprentissage et le comportement tout au long du cycle de la vie. » Comme vous pouvez l'imaginer, une université ne voulait pas de conférencier qui parlerait des mères et des enfants. Toutefois, les organisateurs avaient besoin de mon nom, de sorte que l'on m'a mis en début de programme. Cela se passait à Winnipeg où il faisait froid, ce qui est normal à Winnipeg en hiver. Mon allocution ne portait pas sur un sujet universitaire type, mais le journaliste représentant le Globe and Mail à Winnipeg était présent. Il était brillant et il a compris l'essentiel de mon message. Il m'a posé des questions par la suite et il a rédigé un article. Comme le Globe and Mail manquait de matériel pour la première page le lendemain matin, l'article reprenant mes propos occupait tout le côté gauche de la première page du Globe and Mail et se poursuivait en page deux. Si vous voulez de la publicité, c'est l'idéal. En effet, lorsque je suis revenu à mon bureau le mardi midi, la dame qui s'occupe de moi m'a accueilli en disant : « Qu'avez-vous dit à Winnipeg? Le téléphone n'a pas arrêté de sonner depuis que je suis arrivée ce matin. » Encore aujourd'hui, le téléphone continue de sonner. Je pars pour l'Australie demain soir.
Lorsque le premier ministre de l'Ontario, M. Harris, m'a demandé d'étudier cette question pour lui, j'ai accepté, en grande partie sous l'influence de Betty Stephenson, une bonne conservatrice de l'Ontario. J'ai dit : « Je rédigerai ce rapport pour vous, mais je veux un groupe consultatif et un coprésident du sexe opposé », et c'est elle qui est ici.
Il n'a pas été facile de produire ce rapport sur la petite enfance — si vous n'en avez pas un exemplaire, vous devriez vous en procurer un — car nous avons résumé toutes les données réelles concernant la situation et proposé des pistes d'intervention. Sous l'égide du conseil, nous avons rédigé un second rapport intitulé La petite enfance II. Si vous n'avez pas d'exemplaires de ces rapports, nous pouvons vous les envoyer. À eux deux, ils réunissent toute l'information pertinente.
Lorsque vous devenez célèbre dans un domaine dans lequel vous n'avez jamais été formé, la multiplicité de vos contacts est extraordinaire. J'ai travaillé pour la Banque mondiale et la banque d'Amérique latine. Le gouvernement d'Australie-Méridionale m'a nommé penseur en résidence à Adelaide. C'était vraiment une affaire en or. Je travaillais au bureau du premier ministre avec une armée de collaborateurs. Tout était organisé pour moi. Je n'ai jamais eu à trouver un taxi. Il y avait toujours une voiture avec chauffeur pour me conduire. J'ai toujours été entouré d'une équipe. Le rapport que j'ai rédigé sera disponible d'ici deux à trois semaines. Il résume les avancées dans cet État qui souhaitait progresser dans ce dossier et, la bonne nouvelle, d'après ce que m'ont dit mes collègues hier, c'est que le gouvernement de l'Australie a maintenant fait de cette question une priorité.
Lorsque je suis rentré de mon dernier grand voyage en Australie, après la fin de mon séjour en tant que penseur en résidence — un titre très bon pour l'ego —, je me suis demandé pourquoi je revenais au Canada. Notre bilan n'est pas très reluisant. Nous sommes incapables de régler nos problèmes politiques à l'échelle fédérale et provinciale pour nous attaquer à ce que j'estime être le problème le plus important des sociétés contemporaines. Permettez-moi de vous illustrer cela à l'aide de deux autres exemples.
Je fais partie du conseil d'administration de l'Université Aga Khan, coparrain du Centre mondial du pluralisme, dont le siège social est à Ottawa. Je siège à ce conseil d'administration depuis ses débuts, en 1985. L'université oeuvre en Asie du Sud et en Afrique de l'Est. En tant qu'université, nous avons décidé qu'il n'existe aucune discipline enseignée dans les universités qui ne soit pas influencée par cette révolution des connaissances au sujet du développement neurobiologique. Pensez-y. Cela touche l'économie, la psychologie, l'anthropologie et mon domaine professionnel, la médecine. Nous mettons sur pied une faculté des arts et des sciences dans cette université qui était largement axée sur la science et l'éducation. Nous allons former des nouveaux personnels pour tous les nouveaux départements qui ont une connaissance fondamentale du sujet dont je vais vous donner un aperçu aujourd'hui. La seule université au Canada qui a fait sienne une démarche semblable est l'Université de Lethbridge.
Le sénateur Fairbairn : Absolument.
Dr Mustard : On y trouve la meilleure équipe de neuroscientifiques spécialistes du développement au pays.
Mon autre exemple est celui de la Chine. J'ai travaillé à la Banque mondiale, qui m'a envoyé là-bas il y a deux ans pour m'adresser à des pédiatres du développement. À la fin de la conférence, une femme est venue me parler. Je croyais que c'était une éducatrice de la petite enfance à qui nos propos avaient bien plus. Elle m'a fait revenir, accompagné de Mary Young, à la fin de novembre. Ce qu'il importe que vous sachiez, en tant que président du comité, c'est qu'elle nous a demandé de prendre la parole devant le groupe chinois équivalent, avec des représentants de tous les départements — services à l'enfance, éducation, science et technologie, fonctions sociales. C'était très impressionnant. Elle a rassemblé tout le matériel de la séance d'information précédente que nous avions fait en Chine. Elle a dit : « Nous voudrons peut-être vous voir demain. » Je ne connaissais rien à la culture du gouvernement chinois. Elle a ajouté : « Nous allons vous amener voir le vice-premier ministre responsable de tous ces domaines. » Les Chinois ont des vice- premiers ministres qui composent un véritable cabinet qui travaille avec tous ces différents départements. Ce type de structure n'existe pas dans notre pays.
Nous avons rencontré le vice-premier ministre le lendemain. C'était une femme intelligente. Après, je lui ai demandé : « Quels sont les antécédents de ces personnes? » La femme qui nous avait amenés là-bas était ingénieur électrique; titulaire d'un doctorat en génie électrique d'une université allemande; membre de l'académie d'ingénierie chinoise; ex- présidente de l'université; expert-conseil en sciences et en technologie au sein de cette société. Suite à la rencontre que nous avions eue le jour précédent, c'est elle qui a communiqué avec le premier ministre, qu'elle nous a fait rencontrer. Mary Young, de la Banque mondiale, qui m'accompagnait, a reçu un coup de téléphone à notre retour : pourrait-elle faire venir deux Canadiens spécialisés dans les méthodes de mesure de la qualité du développement de la petite enfance? Selon Mary Young, nous possédons la meilleure technique de mesure au monde, soit l'Initiative sur le développement de la petite enfance. Deux experts se rendront en Chine en juin ou en juillet pour travailler avec eux. Les Chinois veulent mettre cette technique à l'essai dans l'une de leurs provinces pour voir dans quelle mesure leurs efforts pour améliorer le développement des jeunes enfants en Chine sont couronnés de succès.
En tant que Canadien, je vous invite à réfléchir à ceci : la Chine compte 60 millions d'enfants de zéro à 5 ans. Le Canada en compte deux millions et demi. Lorsqu'on songe à cela, le rôle de votre comité, à mon avis, s'apparente à celui du groupe chinois, qui a rallié de multiples intervenants pour souligner l'importance de cette question.
Je suppose que vous avez ces documents, dans lesquels on me présente.
Au XXIe siècle, vous savez tous que c'est un enjeu d'importance : une personne qui ne peut pas bien fonctionner ne sera pas capable de faire face à la croissance exponentielle des connaissances et à tous les changements qui surviennent.
La page suivante est tirée du magazine The Economist, qui reprend les propos qu'a tenus devant nous le représentant de Singapour responsable de l'éducation. Singapour compte uniquement cinq millions d'habitants. Les dirigeants savent que pour survivre avec une population de cinq millions sur une île, il leur faudra exploiter tous les talents. Le responsable de l'éducation préscolaire, de l'apprentissage continu, et cetera, a reçu le mandat d'intégrer tous les aspects de ce vaste sujet. Il est intéressant que l'on ait fait cela. Vous devriez le rencontrer pour discuter avec lui si l'occasion se présente un jour. Peu importe quel parti politique est au pouvoir, cela demeure une priorité pour notre société, mais ce ne sera pas facile compte tenu du fait que notre système politique nous divise si l'on compare à ce qui se fait là-bas. J'ai trouvé que c'était très bien.
The Economist a aussi fait un autre bon coup au cours des 18 derniers mois. La revue a publié une série d'articles qui portent essentiellement sur la neuroscience du développement. Le premier, qui remonte au 21 septembre 2006, porte sur l'apprentissage sans apprentissage, l'épigénétique. Il s'agit du processus en vertu duquel la façon dont vous êtes traité très tôt dans votre vie, dans l'utérus, dans les trois ou quatre premières années de votre existence, peut modifier les gènes de votre cerveau. L'ADN est normal, mais les stimuli qui interviennent au cours de cette période précoce critique ont pour effet d'allumer ou d'éteindre les gènes. C'est un sujet d'une grande importance. Cela représente sans doute une révolution extraordinaire dans la neurobiologie du développement du cerveau. Si quelqu'un vous dit que le développement de la petite enfance n'est pas important, n'hésitez pas à le mettre sur la sellette. Si des gens vous présentent des résultats prouvant que cela est dommageable, examinez les processus en cause car la qualité de la stimulation sensorielle qui provient des parents ou de l'employé du centre de la petite enfance, peu importe, est cruciale. Il vous faut fouiller cela. Je sais qu'il existe une étude émanant du Québec dans laquelle on affirme que cette prise en charge est mauvaise, mais j'en connais un bout là-dessus. Je n'inscrirais jamais mes enfants dans les services de garde qui ont participé à l'étude. C'est stupide, car ils n'ont pas le niveau de qualité nécessaire pour remplir cette fonction. Tous les programmes de qualité donnent de bons résultats. Ne croyez pas les sornettes que l'on peut lire dans des études de second ordre. Je ne saurais trop insister sur cette mise en garde.
Comme je le disais, c'est un article important. On y explique pourquoi des jumeaux identiques, qui ont les mêmes gènes, peuvent afficher une variance de 20 à 30 p. 100 en matière de comportement à l'âge de 20 ans. C'est une révolution explosive. Votre rapport doit en faire état. Je peux vous donner les noms de véritables experts qui pourront vous en parler.
Le 7 octobre, on a présenté une enquête sur le talent et un article sur la compétition pour le talent.
L'article du 23 décembre était fort intéressant. C'était une tentative pour nous faire comprendre, à vous et à moi, que nous ne sommes rien de plus que la fonction des neurones dans notre cerveau. Je ne vous expliquerai pas tout cela en détail, mais c'est un article dévastateur. Je vois que vous grimacez. C'est bien. Je vous suggère de lire l'article en question.
L'article du 14 juin est explosif parce qu'il explique un autre processus, qui contrôle la fonction des gènes. Ceux d'entre vous qui ont déjà étudié cela ont appris que l'ADN ordonne à l'ARN qui s'introduit dans le cytoplasme de synthétiser les protéines. Il existe des micro-molécules d'ARN qui ne font pas cela. En fait, elles régulent la fonction des gènes, et c'est là un nouvel élément de connaissance remarquable qui aura un effet sur l'approche globale de cette étude. Le fait que la revue The Economist ait abordé ce sujet est impressionnant. Elle essaie de cette façon de sensibiliser les chefs de file mondiaux du monde des affaires à la nature cruciale de ce sujet.
Dans la page suivante, on explique que le développement du cerveau fondé sur l'expérience au cours des premières années de la vie établit des trajectoires neurologiques qui influent sur la santé, l'apprentissage et le comportement. C'est à cause de cela que je me suis retrouvé ici. Comme l'honorable sénateur Keon le sait, les conditions associées aux premières années de la vie ont une influence sur le risque de problèmes physiques et de santé mentale au cours de la vie; et cela est relié au fonctionnement du cerveau. Vous pouvez tous comprendre que c'est le cas pour ce qui est de l'apprentissage, mais c'est aussi tout à fait vrai pour le comportement, et le comportement englobe la santé mentale.
Comment cela fonctionne-t-il? L'ADN présent dans les neurones détermine la plupart de ces fonctions, mais les processus épigénétiques qui modifient le contrôle et la régulation de l'expression de l'ADN provoquent la vulnérabilité à cette myriade de problèmes. Pour ce qui est de la susceptibilité aux maladies cardiovasculaires, on peut prouver qu'en grande partie, elle est déterminée avant l'âge d'un an. Il est extrêmement important de comprendre. C'est la même chose pour la dépression et la schizophrénie.
Une équipe britannique, sous la direction de Donald Acheson, a effectué en 1998 une étude sur les inégalités en matière de santé dont la conclusion est la suivante : un suivi au cours de la vie d'échantillons successifs depuis la naissance a fait ressortir l'influence cruciale de la petite enfance sur le développement et la santé physique et mentale ultérieurs. S'il y a un sujet qui n'a pas été fouillé de façon sérieuse, c'est la culture de la santé dans notre pays.
La petite note en bas de page se veut divertissante. Il est question de dépression et d'une étude effectuée par une équipe britannique consacrée à l'enquête longitudinale nationale sur le développement des enfants en Nouvelle- Zélande. On y examinait les facteurs génétiques et l'environnement. On peut avoir un gène sérotoninergique, comme on l'appelle, qui peut être court ou long. Le gène est normal — c'est important de le comprendre —, mais sa structure est différente. L'enfant qui est élevé dans un milieu violent et qui a deux gènes courts ou allèles — et c'est ce que signifie SS, l'un provenant de votre mère et l'autre de votre père — a un risque élevé de faire une dépression dans la vingtaine. Si vous avez deux gènes longs ou une structure allèle, LL, vous êtres résilient. C'est assez évident. Cela démontre l'interaction entre les facteurs génétiques et l'environnement. Un enfant élevé dans un bon environnement — nous employons le terme « abus », mais en l'occurrence, il s'agit de négligence; d'abus et de négligence — n'est pas à risque. Par conséquent, c'est une preuve convaincante dans le débat sur l'inné par rapport à l'acquis. Les personnes les plus vulnérables qui sont en manque de présence et de soins sont celles qui possèdent certaines structures génétiques. Nous ignorons tout à fait comment cela se traduit dans tous les domaines, mais cela montre clairement l'importance de cette question. Nous soupçonnons que ce sera la même chose dans le cas de l'autisme lorsque l'on en saura un peu plus à ce sujet grâce à certaines techniques que nous utilisons.
Cela a donc une incidence sur la santé, le comportement, et toutes ces variantes — le trouble du déficit de l'attention, le trouble de l'hyperactivité, l'autisme, la dépression antisociale — et il appert de plus en plus que cette vulnérabilité pendant l'enfance ou à l'âge adulte est déterminée par les conditions du développement de la petite enfance. Cela a des répercussions importantes pour l'éducation des enfants et pour aider les parents et le personnel des centres de développement de la petite enfance à comprendre le problème. Je parle de « centre de développement de la petite enfance », et non de « services de garde », une expression que je n'aime pas. Les services de garde peuvent se résumer à du gardiennage ou encore, il peut s'agir de garderies à but lucratif. Oubliez cela. Si l'on est sérieux, il faut créer des centres de développement de la petite enfance qui fonctionnent avec la participation des parents. Ce sont là les deux interventions gagnantes prioritaires. C'est ce que font les Scandinaves et les Cubains. Dans le contexte d'une dictature, on peut y arriver, mais comment les Scandinaves s'y prennent-ils?
Au sujet de l'acquisition de la langue et de la litératie, les mythes abondent. J'en ai vraiment plein le dos d'entendre les gouvernements provinciaux blâmer les enseignants au sujet des problèmes de litératie. C'est stupide. Si nos dirigeants politiques avaient quelques notions de neuroscience du développement, ils ne feraient pas cela. Je connais bien des sous-ministres de l'Éducation qui, à mon avis, ont besoin d'un bon coup de pouce. Certains font du progrès. Comme le nouveau sous-ministre en Ontario vient d'Australie-Méridionale, il a déjà compris. Par conséquent, j'espère que l'Ontario prendra des mesures. Cela dit, l'acquisition des habiletés linguistiques commence très tôt pendant la petite enfance. Le graphique dit : « Commence tôt — 12 premiers mois ». En fait, cela se passe au cours des sept premiers mois. Essentiellement, c'est alors que la structure de votre cerveau qui interprète les sons s'habitue à interpréter des sons différents. Par conséquent, si vous êtes exposé au japonais ou à l'anglais au cours de cette période, vous pourrez ultérieurement parler couramment et comprendre totalement ces deux langues. Cette réalité a des ramifications considérables pour la société. Je me suis adressé à la communauté francophone de Winnipeg, qui a bien apprécié cette idée. En effet, les francophones souhaitent que le gouvernement du Manitoba — et je crois qu'il l'a fait — ouvre des centres de développement de la petite enfance qui commenceraient à exposer les enfants aux deux langues dès leur naissance. Ainsi, ils pourraient parler couramment les deux langues et préserver la culture. C'est aussi une bonne chose si l'on veut maîtriser plusieurs langues. Ce n'est pas mon cas, mais si l'on développait cette structure, on pourrait aisément apprendre une troisième, une quatrième et une cinquième langue.
Passons maintenant au prochain graphique, où l'on établit une comparaison entre pays en matière de litératie. Il se fonde sur le matériel de l'OCDE consacré à l'alphabétisme et à l'acquisition de compétences chez les adultes, soit des personnes de 16 à 65 ans. Les chercheurs ont calculé les taux moyens d'alphabétisme par rapport au niveau de scolarisation des parents. Il s'agit là d'un marqueur socio-économique grossier car on ne peut comparer les pays de la façon habituelle. Voici la façon de le faire. Vous remarquerez qu'il s'agit d'une moyenne internationale qui concerne des pays industrialisés. Dans le cas de la Suède et de la Finlande, toute la population est au dessus de la moyenne internationale. Au Canada, que vous ne pouvez pas très bien voir puisque c'est la première des lignes sous la moyenne, le tiers de la population est inférieur à la moyenne, ce qui n'augure pas bien dans le monde qui se profile à l'horizon. L'Australie est au même point et les États-Unis sont au bas de la liste. Les États-Unis sont aux prises avec un problème sérieux, et j'y reviendrai tout à l'heure.
Nous allons maintenant passer à une petite étude effectuée par l'UNESCO, qui porte sur des pays d'Amérique latine. Il y a un pays qui se démarque; il s'agit des classes de troisième et quatrième années dans les écoles d'Amérique latine. Cuba affiche des résultats bien supérieurs à ceux des autres pays. Pourquoi cela? Quiconque n'est pas convaincu de l'influence du développement de la petite enfance devrait passer du temps à Cuba. Je viens d'avoir une rencontre, d'une durée de deux jours, avec des intervenants de Cuba et du Mexique car nous avons à Monterrey un groupe qui a adopté le programme cubain, et nous savons déjà que les résultats des enfants visés affichent d'énormes progrès en comparaison de ceux des districts sociaux équivalents.
Si je représentais graphiquement le Chili dans le graphique du haut, ce que nous avons fait, le gradient du Chili serait bien en deçà de la moyenne internationale pour les pays industrialisés. Cela nous amène à nous interroger sur ce qu'est une population de qualité.
Que faire? À la page suivante, intitulée « La réussite avant l'âge de 10 ans — Développement de la petite enfance », la Brookings Institution affirme qu'il faut intervenir tôt, qu'il faut commencer tôt. Oui, on devrait commencer dès la naissance; sinon, on devrait solliciter les parents dès le début de la grossesse. Intervenir souvent : il faut avoir un bon rapport avec les parents. C'est ce que l'on entend par « intervenir souvent ». Autrement dit, on obtient la collaboration des parents pour y arriver. Intervenir efficacement : j'ai visité les ABC, les garderies à but lucratif privées à Adelaide, et je n'inscrirais jamais mon enfant dans ces endroits. L'enfant subirait un préjudice. J'ai observé le travail et l'interaction des employés. Il n'y avait aucune interaction avec les parents, et l'équipe qui travaillait avec les enfants était terrible. Nous avons des données à ce sujet. Dans les garderies où la qualité des effectifs laisse à désirer, les enfants auront de piètres résultats.
Le prochain tableau illustre le chaos qui règne dans les programmes de développement de la petite enfance dans notre pays. Ces programmes ont été mis sur pied par nos gouvernements qui tentent de bonne foi d'aider les mères et leurs enfants. Cependant, c'est le chaos total et je ne sais pas si nos gouvernements peuvent accorder leurs violons pour essayer d'y mettre un terme. Les Australiens le font.
Mme McCain parlera des sources de stimulation cérébrale et des programmes de parentage axés sur le développement de la petite enfance. Le tableau suivant porte sur l'apprentissage fondé sur le jeu, mais c'est plutôt l'apprentissage à partir de problèmes.
J'ai mis sur pied à l'Université McMaster le programme fondé sur l'apprentissage à partir de problèmes. J'ai observé un enfant de quatre ans qui essayait d'atteindre un objet. Voilà un apprentissage à partir de problèmes. C'est la meilleure façon de développer son cerveau. Les gens pensaient que nous étions fous d'enseigner trois ans de médecine en se fondant sur l'apprentissage à partir de problèmes. Nous avons été sauvés par des femmes qui avaient opté pour des professions traditionnelles et qui, ultérieurement, avaient voulu devenir médecins. Elles n'avaient pas d'antécédents scientifiques, mais elles ont maîtrisé la matière facilement, et l'université s'est classée au second rang au pays lors des examens nationaux. Les femmes nous ont sauvés de tous les hommes qui critiquaient notre approche.
Les coûts qu'assument les particuliers et la société. Un individu qui commet un crime doit en payer le prix. Mais songez à tout l'argent que la société doit investir pour s'occuper de cette personne. À plus ou moins 20 p. 100, le coût de la criminalité et de la violence au Canada, tant pour les particuliers que pour la société, s'élève à 120 milliards de dollars par année environ. Pour ce qui est des problèmes de santé mentale et de comportement, qui englobent la toxicomanie, les intervenants en santé mentale en Ontario établissent le coût à 100 milliards de dollars par année au moins. Ce sont des coûts économiques et sociétaux faramineux, et j'en ai assez que le gouvernement du Canada ne soit pas capable de résoudre le problème.
Combien coûterait un programme de développement de la petite d'enfance et d'aide aux parents de haute qualité? Comme l'a fait valoir la revue The Economist il y a quatre ans, un tel programme doit être financé par le Trésor, comme l'éducation publique. C'est un enjeu qui revêt une importance énorme pour notre société. Selon nos calculs, le Canada devrait débourser 18,5 milliards de dollars par année. C'est beaucoup d'argent, mais voyez ce qu'il en coûte à la société de ne rien faire.
Nous passons maintenant au tableau de James Heckman au sujet du retour d'investissement. M. Heckman est un gagnant du Prix Nobel en économie qui s'inquiète de l'avenir de la population et de la capacité des États-Unis. Selon ses calculs, le rendement pour chaque dollar investi au cours de la période préscolaire, c'est-à-dire de la naissance à l'entrée à l'école, s'élève au bas mot à 8 $. Ce chiffre est passé à 16 $, après l'inclusion des données sur la santé. Les écoles font un profit, mais elles travaillent en fonction des intrants dans le système. Autrement dit, les écoles peuvent largement composer avec les intrants dans le système d'éducation, mais les trajectoires d'apprentissage que l'on constate au début de la scolarisation vont en s'élargissant et, dans mon groupe d'âge, c'est un gaspillage d'argent.
Earl van der Gaag, un économiste des Pays-Bas qui travaille à la Banque mondiale, affirme que le développement de la petite enfance a des répercussions sur l'éducation, la santé, le profil qualitatif de la société en ce qui a trait à la criminalité, à la violence et à d'autres facteurs; et le degré de qualité de vie sociétale.
Les données américaines reflètent la litératie de la population américaine en fonction des normes de l'OCDE. Cinquante pour cent de la population au niveau 1, qui est faible, vit dans la pauvreté aux États-Unis. Les 2 p. 100 au niveau 5, qui est élevé, vivent dans la pauvreté, mais cela est illustré par un gradient parfait. Si l'on veut s'attaquer à la pauvreté, il faut s'attacher au développement humain. Pour remédier au problème, il ne suffit pas d'y engloutir des sommes considérables. Il faut comprendre ce qui se passe vraiment dans notre monde.
Voilà mon sermon pour ce matin.
Le président : Nous vous en sommes très reconnaissants.
L'honorable Margaret Norrie McCain, coprésidente, Étude sur la petite enfance, Council for Early Child Development : Honorables sénateurs, je m'associe au Dr Mustard pour vous exprimer ma gratitude pour l'occasion qui nous est offerte de militer en faveur de la mise en place d'un système de développement de la petite enfance de haute qualité au Canada, et ce, pour la santé, le bien-être et le bien de tous les futurs Canadiens et, en fait, de tous les Canadiens actuels.
Je suis une disciple du Dr Mustard. Je dis que j'ai un doctorat de l'école de Fraser Mustard.
Dr Mustard : Elle a un bon développement des neurones, et elle est jeune.
Mme McCain : Cela est attribuable à un bon enchaînement car j'ai eu une bonne mère. J'aimerais que les membres de votre comité me permettent de faire une déclaration personnelle à l'appui d'un Sénat non élu. Ma mère, la regrettée Margaret Fawcett Norrie, a siégé à la Chambre haute dans les années 70. Elle a été la première femme sénateur de Nouvelle-Écosse, et le sénateur Cordy est la troisième. Grâce à ma mère, j'ai pu constater l'énorme avantage que le Sénat présente pour le gouvernement du Canada, et je pense qu'il serait regrettable qu'il devienne une assemblée élue.
La première femme présidente du Sénat, la sénateur Muriel McQueen Ferguson, était une amie de ma mère, mais aussi mon amie. Elle a été mon mentor et finalement une collègue car ensemble, nous avons créé une fondation qui porte son nom, la Fondation Muriel McQueen Ferguson.
À l'instar du Dr Mustard, je suis ici après avoir pris conscience que la violence familiale est la pire entrave à un sain développement humain. J'ai lu certains travaux de ma mère. Elle a d'ailleurs présenté un exposé devant un comité en 1974. Je ne prendrai pas le temps de la citer, mais en 1974, elle disait à ses collègues du caucus et du Sénat exactement la même chose que je dis aujourd'hui, mais elle n'avait pas l'avantage de pouvoir recourir à la science pour étayer ses propos. Par conséquent, il y a deux sénateurs qui se penchent sur moi et regardent au-dessus de mon épaule aujourd'hui.
Je suis heureuse d'accompagner le Dr Mustard et d'être sa collègue. Il est connu et apprécié partout dans le monde, de la Chine au Brésil, de l'Australie au monde en développement. En fait, il y a deux semaines, Jim Gray, de l'Alberta, a visité un centre de la petite enfance au Kenya. Il a été très impressionné par le programme, et les responsables lui ont dit que le modèle était fondé sur le travail de deux Canadiens, le Dr Mustard et Margaret McCain.
Le Dr Mustard vous a fourni des éléments d'information très importants. En fait, il aurait eu besoin d'une heure ou deux pour vous aider à vous familiariser avec l'état du dossier car ses connaissances sont inestimables. J'espère qu'un jour il sera aussi apprécié au Canada qu'il l'est dans le reste du monde car l'incidence du développement humain pour notre pays revêt une importance cruciale et a des répercussions considérables pour sa prospérité économique et sociale.
Pour certains, notre message concerne la garde d'enfants, soit la prestation de services de gardiennage aux mères qui travaillent et, pour d'autres, il s'agit d'éducation préscolaire. Honorables sénateurs, il s'agit de tout cela et de bien plus encore! Aujourd'hui, nous militons en faveur du développement optimal de tous les Canadiens, de la santé de la population. Il s'agit du premier palier du développement humain, des six premières années, les années les plus cruciales, celles qui, d'après la science neurobiologique actuelle, établissent les bases des trajectoires de la vie sur le plan de l'apprentissage, de la santé et du comportement.
Le Dr Mustard a cité James Heckman, et je ferai de même. Selon le Dr James Heckman, lauréat du Prix Nobel et professeur d'économie à l'Université de Chicago, l'éducation est un développement majeur qui mène à l'emploi ou au chômage à long terme. D'après lui, les investissements dans le développement du jeune enfant ont des répercussions profondes sur ses compétences et ses capacités tout au long de sa vie.
Après avoir rappelé que la conscience et la connaissance du développement du cerveau et de l'être humain ont permis de cerner des périodes critiques et sensibles dans la vie des enfants, M. Heckman a poursuivi en disant : « Une fois qu'un enfant accuse du retard, il risque de rester à la traîne toute sa vie. » Il a ajouté : « Le développement du jeune enfant favorise tant les possibilités économiques que la justice sociale. » Il n'y a pas de meilleur plaidoyer pour le développement de la petite enfance que celui du Dr Heckman. Ses travaux de recherche sont plus convaincants et plus solides que toute autre étude issue de n'importe quel département d'économie ici au Canada.
De nos jours, les enseignants s'évertuent à trouver des moyens de laisser une marque indélébile dans le coeur et l'esprit des élèves qui résistent à l'apprentissage. Ils ont maintenant des réponses. Travailleurs sociaux et psychologues s'évertuent à trouver des façons de modifier les comportements inappropriés et antisociaux : ils ont désormais des réponses. On s'évertue à trouver des moyens d'améliorer les taux d'alphabétisation des Canadiens : On a maintenant des réponses. Les experts de la prévention de la délinquance veulent réduire la violence et la criminalité chez les jeunes : ils ont maintenant des réponses. Ces réponses, on les trouve maintenant dans l'évolution du développement du cerveau de la conception à six ans, et encore une fois, je vous rappelle le message que vous a transmis le Dr Mustard au sujet de l'épigénétique. Il faut consacrer davantage de temps à l'étude de ce sujet.
Pourtant, il y a un énorme écart entre ce que nous savons et ce que nous faisons. En m'appuyant sur la preuve scientifique que le Dr Mustard n'a fait qu'effleurer, je voudrais décrire à quoi ressemblerait un système de parentage et de développement du jeune enfant. Cependant, auparavant, j'aimerais vous présenter trois choses : une brève déclaration au sujet de la pauvreté chez les enfants; des arguments en faveur d'un système universel de développement de la petite enfance; troisièmement, le rôle important des parents et les défis que ceux-ci doivent relever au XXIe siècle car les parents sont le facteur unique le plus important dans la réussite d'un enfant.
Dans l'esprit de la plupart des Canadiens, en particulier les politiciens et les décideurs politiques, la pauvreté infantile arriverait en tête de liste des facteurs de risque préjudiciables au bien-être des enfants et à leur développement optimal. C'est ce que les gens pensent d'abord et avant tout. La pauvreté chez les enfants compte manifestement. Chaque enfant mérite d'être bien nourri et vêtu, et de vivre dans un milieu protégé et sûr. Il s'agit là d'un droit fondamental de la personne, droit que nous, Canadiens, chérissons. Dans le cadre de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), on a étudié de nombreux facteurs de risque qui permettent de classer un enfant comme étant vulnérable pour ce qui est de parvenir à son développement et à ses compétences optimaux, et à sa capacité de faire face à la vie à l'âge adulte. Il s'agissait, entre autres, de la pauvreté infantile, de la monoparentalité, de la violence familiale et de la toxicomanie.
Selon les conclusions de l'enquête, 37,3 p. 100 des enfants vivant dans le quartile des revenus le plus bas tournent mal. Dans le quartile des revenus les plus élevés, celui des enfants riches, dirions-nous, ce nombre diminue à 24,2 p. 100. Vu sous un autre angle, ces chiffres nous apprennent que 63,7 p. 100 des enfants pauvres tournent bien. On retrouve le plus grand nombre d'enfants qui tournent mal et que l'on considère comme vulnérables dans la classe moyenne, au- dessus du seuil de faible revenu et à l'extérieur de la catégorie des enfants vivant dans la pauvreté.
En effet, selon des études réalisées par le regretté Dr Dan Offord, de l'Offord Centre for Child Studies, si l'on investit plus d'argent dans les enfants vulnérables, on ne réduira leur vulnérabilité que de 10 p. 100. L'ELNEJ affirme haut et fort que la façon dont les enfants tournent est attribuable en premier lieu aux parents, c'est-à-dire à la qualité de la famille. Ce facteur est suivi de près par la qualité de la communauté dans laquelle vit l'enfant.
Ainsi, les enfants qui vivent dans des foyers ou des communautés caractérisés par le chaos et les conflits, la peur et le stress, présentent des risques plus élevés d'obtenir de piètres résultats et de voir leur développement entravé. Contrairement à ce que l'on croit généralement, la pauvreté en soi n'est pas un facteur de risque élevé. Elle cause du tort quand elle coexiste avec d'autres facteurs de risque élevé.
Il ne fait aucun doute que les principaux responsables de la façon dont un enfant tourne sont les parents. Au-delà d'une saine nutrition et d'un logement sûr, les enfants ont besoin de ce que nous appelons la nurturance : l'amour, le toucher, la lecture, le chant, le jeu, l'exploration, l'interaction appropriée et sensible, les réponses à leurs besoins, autant de choses que de bons parents donnent facilement et naturellement. Cela montre à l'enfant que le monde est bon, sûr et intéressant. Si celui-ci le sait et le comprend, le développement de son cerveau sera optimal.
Selon le rapport de l'OCDE intitulé « Petite enfance, grands défis », le changement le plus appréciable de l'enfance moderne est peut-être le fait que la plupart des enfants ne passent plus leurs cinq premières années à la maison avec leur mère. Il n'y a que les parents nantis qui ont les moyens de laisser un parent à la maison avec la responsabilité des enfants. La plupart des parents ont besoin de deux revenus pour survivre et, pour conserver leur emploi, ils doivent travailler plus fort, plus longtemps et plus rapidement afin de conserver leurs acquis dans un marché hautement concurrentiel.
On a prédit que les nouvelles technologies nous apporteraient plus d'heures de loisir, mais en fait, c'est le contraire qui s'est produit. Avec l'arrivée de tous ces nouveaux petits jouets, les lignes de démarcation entre le travail et la maison sont devenues floues. La journée de travail de 9 heures à 17 heures a disparu, et le travail empiète sur la vie familiale. Jamais auparavant dans l'histoire les parents n'ont été soumis à un tel stress et à une telle pression, alors qu'ils s'efforcent d'être les meilleurs, tant au travail qu'à la maison.
Plus de 60 p. 100 — 62 ou 63 p. 100 — des mères d'enfants d'âge préscolaire travaillent au cours de cette période cruciale où l'enfant a besoin de parentage direct. Les parents, pour la plupart, doivent travailler, mais ce n'est pas nécessairement par choix.
Le meilleur investissement que le Canada puisse effectuer pour la justice sociale et le développement optimal des enfants est de les amener à prendre un bon départ en mettant sur pied un système de développement du jeune enfant de qualité, fondé sur l'expérience clinique. Je répète : un système de développement du jeune enfant de qualité, fondé sur l'expérience clinique. Comme je l'ai dit à l'un de nos dirigeants politiques de haut niveau, s'il est impossible d'obtenir des services éducatifs de qualité, mieux vaut rester à la maison. Fournir aux enfants des services de piètre qualité est sans doute pire que de ne pas leur en offrir du tout. Viser l'excellence, ou rien. Les enfants qui bénéficieront le plus d'un système de grande qualité sont ceux qui affichent les facteurs de risque les plus élevés.
La récompense vient plus tard dans la vie : on a des adultes en bonne santé, qui ont de meilleures aptitudes à la vie quotidienne et des capacités d'apprentissage à long terme qui, dans l'ensemble, mènent une vie de meilleure qualité. La récompense est la prospérité économique reposant sur un capital humain solide.
Au Canada, la croyance répandue au sujet de la garde d'enfants, c'est que celle-ci concerne l'emploi maternel : autrement dit, que c'est un service de garderie pour les mères qui travaillent. Cependant, nous considérons qu'il s'agit d'une question beaucoup plus vaste. Selon les scientifiques, c'est le premier palier du développement humain, la période de zéro à six ans, les années cruciales, qui détermine la trajectoire de vie sur le plan de l'apprentissage, du comportement et de la santé.
Nous envisageons et nous proposons d'atteindre nos objectifs grâce à un système de développement intégré du jeune enfant lié au système scolaire, qui comprendrait des programmes de garderie et d'éducation, et beaucoup plus encore. Nous le voyons comme une nécessité sur le plan du développement. Le rapport sur la petite enfance, qui s'inspire de nombreuses études, recommandait un système de développement de la petite enfance qui soit universel. Par là, nous n'entendons pas « financement public universel ». Il existe différents modèles que nous pouvons suivre. Toutefois, nous disons « universel » dans le sens où ce système serait disponible, accessible, abordable et facultatif pour tous.
Autrement dit, nous ne disons pas aux parents qu'ils doivent abandonner leur enfant à l'âge de deux ans et l'inscrire dans l'un de ces centres. C'est seulement que ce service serait disponible et qu'ils auraient la possibilité de s'en prévaloir deux ou trois jours par semaine. Il existerait. Il y a de multiples façons de s'en servir.
Il doit être universel en ce sens qu'il ne doit pas profiter seulement à ceux qui, d'après nous, sont « à risque ». Cela reviendrait à passer à côté de la forte proportion d'enfants canadiens vulnérables, comme ceux de la classe moyenne.
La preuve est convaincante : un programme de développement de la petite enfance et d'éducation parentale, bien financé et intégré, permettrait d'améliorer le fonctionnement cognitif et social de tous les enfants. D'ailleurs, ils s'épanouiraient tous dans un système de développement de la petite enfance de qualité.
Les études démontrent que les enfants vulnérables bénéficient grandement de la fréquentation d'enfants non vulnérables. Nous recommandons un système intégré de centres communautaires de développement de l'enfant et d'éducation parentale, liés au système scolaire et axés sur les enfants et les parents. Ces centres offriraient, entre autres, des programmes de garde d'enfants, qui constituent un besoin élémentaire, un apprentissage fondé sur l'expérience, ainsi que des programmes d'éducation et de soutien des parents. Ils devraient tenir compte des caractéristiques culturelles, être centrés sur la collectivité et être liés à des ressources communautaires comme des écoles, des bibliothèques et des services de loisir, ainsi qu'à des services de santé publique et à des programmes d'intervention précoce pour les enfants ayant des besoins particuliers, et il y en a toute une panoplie. En outre, il apparaît essentiel de doter ces centres de professionnels du développement de la petite enfance qui soient bienveillants, instruits, bien rémunérés, formés pour repérer les enfants ayant des besoins particuliers et capables de les aiguiller vers des programmes d'intervention adaptés avant que le conditionnement biologique ne se produise.
Idéalement, le système doit s'appuyer sur un large éventail d'interventions auprès des enfants ayant des besoins particuliers, afin que ces derniers soient cernés tôt. Je veux insister à nouveau sur le fait qu'il est impératif d'effectuer une intervention précoce auprès des enfants victimes de mauvais traitement, car la violence familiale est le plus grand obstacle à leur sain développement. C'est le sénateur Ferguson qui vous le dit.
Il existe de nombreuses façons de mettre sur pied un système de développement de la petite enfance doté de ces importantes composantes : programmes fédéraux, provinciaux ou municipaux, garderies réglementées offrant des programmes de formation, services de garde chez le fournisseur de soins, jardins d'enfants, écoles maternelles, programmes d'aide aux familles, programmes de soins et d'information prénatals et postnatals.
Depuis 15 ans, on a acquis beaucoup de connaissances et une grande compréhension au sujet de l'importance du développement du jeune enfant. Toutefois, au Canada, on n'agit pas encore assez. En tant que pays développé, nous investissons dans l'éducation des enfants à partir de l'âge de six ans, mais nous sommes particulièrement en retard en matière de développement du jeune enfant : en fait, nous sommes au dernier rang des pays de l'OCDE. Notre attitude va à l'encontre du point de vue scientifique. Le bien-être des enfants est si essentiel qu'il justifie l'engagement des gouvernements, des institutions, des fournisseurs de services et du principal acteur : le grand public. Cela ne signifie pas que tout le monde doit jouer le même rôle, mais que tout le monde devra jouer un rôle. Notre avenir et notre prospérité nationale en dépendent.
Je voudrais ajouter un autre élément. D'ailleurs, je pense que vous aurez un exposé sur le sujet. À notre avis, une menace se profile à l'horizon, soit la possibilité de voir s'implanter des entreprises de garderies à grande surface. En fait, elles sont à nos portes et cela nous inquiète énormément. Il s'agit, comme je le disais, d'entreprises. Comme leurs objectifs sont de faire des profits pour leurs actionnaires, et non pas de meilleurs résultats pour les enfants au plan de la santé, la santé à l'échelle de la population, elles offrent uniquement des services de garderies pour les mères qui travaillent. Elles ne s'intéressent pas au développement humain. Elles ne répondent pas aux besoins des enfants en matière de développement. Au Canada, je pense qu'elles sont connues sous le nom de Busy Beavers, mais aussi d'ABC en Australie. Elles sont présentes en Australie, aux États-Unis, au Royaume-Uni et elles s'apprêtent à envahir le Canada en Ontario, en Alberta et peut-être en Colombie-Britannique. En 2007, en Australie, elles ont amassé des profits de 1,3 million de dollars, et 40 p. 100 de leur revenu provenaient des fonds publics.
La question suscite un débat car il existe au Canada un grand nombre de centres de la petite enfance à but lucratif — une expression qui me reste en travers de la gorge —, mais nous voulons parler de développement. Une analogie me vient à l'esprit quant à la place qui devrait leur revenir car on ne sait pas trop comment réagir à la situation. Je vois les établissements à but lucratif plus ou moins à la place des écoles indépendantes dans notre pays. De façon générale, nos écoles indépendantes sont de très haute qualité et respectent les programmes d'étude des ministères de l'Éducation. Elles sont constamment évaluées et surveillées et elles exigent des frais élevés, des frais au niveau du marché. Aucune d'elles ne reçoit et ne devrait recevoir des fonds publics. Personnellement, je vois les services de petite enfance à but lucratif ou les garderies, peu importe comment vous voulez les appeler, dans le même créneau au Canada. Si ces entreprises doivent s'implanter, il faut qu'elles soient traitées de la même façon, qu'elles exigent des frais et qu'elles soient surveillées et évaluées par les ministères de l'Éducation.
C'est une observation que je vous laisse. Je pense que vous aurez ultérieurement un exposé plus complet à ce sujet.
Le président : Merci beaucoup pour ces deux exposés très substantiels. J'ai accordé à nos témoins plus de temps. Nous sommes très chanceux de les accueillir et de pouvoir tirer parti de leur engagement et de leur expertise de longue date dans ce domaine.
Vous m'avez convaincu qu'il faudrait réviser notre attitude et axer nos efforts, non pas sur les garderies, mais sur des centres de développement de la petite enfance et l'intégration au système scolaire. Vos recommandations à tous les deux vont fermement dans cette direction. Concrètement, cela signifie-t-il qu'il faut allonger la fréquentation scolaire? À l'heure actuelle, les enfants commencent la maternelle à l'âge de cinq ans. Peut-être devraient-ils commencer à trois ans et bénéficier de deux années supplémentaires dans le système? Y a-t-il une autre façon d'introduire cela? Y a-t-il une autre façon d'organiser cela pour que la fréquentation de ces centres fasse partie du système d'éducation, mais simplement à un stade précoce?
Est-ce que cela se fait à l'heure actuelle? Y a-t-il de bons exemples de ce type d'intégration au système scolaire que vous pourriez nous citer?
En dernier lieu, si nous devons en parler dans ce contexte, il faut rappeler que l'éducation est une responsabilité provinciale. Nous sommes une entité fédérale. Comment voyez-vous le rôle du gouvernement fédéral dans ce système?
Dr Mustard : Je vais commencer par votre dernier point. Pourquoi avons-nous un gouvernement au Canada? Chose certaine, vous voulez une population de haute qualité qui compose une société stable afin que le Canada puisse fonctionner. Qui assume cette responsabilité sinon le gouvernement fédéral? Or, il ne l'a pas fait.
Mme McCain : La santé aussi, et non seulement l'éducation.
Dr Mustard : Il y a plus de cinq ans, le gouvernement de l'Australie-Méridionale a amalgamé les portefeuilles des services à l'enfance et de l'éducation en un seul ministère. C'est intéressant. Les Suédois aussi l'on fait, ainsi que les Cubains. Si je ne m'abuse, la Saskatchewan tente de le faire.
Pour quelle raison agirait-on ainsi? Si l'on réfléchit à la façon dont le cerveau se développe et fonctionne, c'est au cours de la période dite préscolaire dans notre société que se structure le cerveau, ce qui influe sur les résultats du système d'éducation. Par conséquent, séparer les deux volets est fondamentalement stupide. Il faut modifier notre façon de penser en fonction des connaissances que nous avons acquises au sujet de la neurobiologie moderne car le système scolaire ne peut guère remédier aux carences qui sont déjà présentes lorsque les enfants commencent à fréquenter l'école. Le poids de la preuve à ce sujet est énorme. J'ai vu l'Ontario investir dans des programmes d'alphabétisme au sein du système d'éducation publique — une initiative bien intentionnée qui a donné certains résultats. Pourtant, cela ne se compare en rien aux gains qui auraient été réalisés si le gouvernement avait investi cet argent au cours de la période précédant l'entrée à l'école des enfants. Il faut repenser le système, avoir une ouverture d'esprit qui nous permette de réviser la situation car essentiellement, ce que l'on vise, c'est la qualité du développement humain.
Lorsque j'ai pris la parole devant un groupe de responsables de la politique sociale au gouvernement de l'Alberta, il y a trois ou quatre ans, le ministre de la Santé a dit : « Pourquoi ne pas éliminer notre ministère de l'apprentissage, ou quel que soit le nom qu'ils donnent à leur système d'éducation, et instituer un ministère du développement humain? » Il était brillant. Il a fait des études médicales et il a parfaitement compris ce qui est en jeu. Il a saisi la dualité liée à l'aspect développement.
Il ne sera pas facile d'y arriver. À l'exception de l'Université de Lethbridge, nos universités n'ont pas une approche cohérente, mais à Lethbridge, nous avons de bonnes chances d'établir des programmes d'aide parentale et de développement de la petite enfance ayant un lien avec l'université, notamment pour ce qui est de la formation des effectifs, et cetera. De plus, nous pouvons compter sur l'appui des dirigeants de l'université, sans oublier qu'on trouve là-bas les meilleurs experts en neuroscience du développement du pays.
Le président : Madame McCain, pourriez-vous répondre à cette question et enchaîner avec ce que le Dr Mustard a dit à propos d'un changement de culture?
Mme McCain : Sénateur, votre question comporte plusieurs volets. Je veux revenir sur la façon dont nous voyons ce dossier évoluer. Oui, l'éducation relève de la compétence des provinces, mais la santé et le comportement sont aussi en cause, de sorte qu'il y a des chevauchements. Comme cela s'inscrit pour nous dans le développement humain global, nous pouvons — vous pouvez — trouver un créneau pour cela dans l'arène fédérale.
Comment pensons-nous procéder pour que cela se produise? Nous allons sans doute abaisser l'âge d'admissibilité des enfants, et cela ne se fera pas du jour au lendemain, sans compter que chaque province a un système différent. Si je ne m'abuse, le Québec a déjà intégré dans son système des enfants de deux ans. L'Ontario continue de bâtir sur ses acquis, soit les prématernelles et les maternelles. Il propose l'option de pleines journées ou d'heures prolongées. L'objectif est d'accueillir les enfants de deux et trois ans pour répondre aux besoins des parents qui travaillent. Voilà l'orientation qu'il faut prendre. L'inscription des enfants de deux et trois ans dans ces centres tous les jours sera facultative. Certains parents qui travaillent à temps partiel n'inscriront leurs enfants qu'à temps partiel. Il y a de multiples façons d'utiliser le système. Ce sera un service optionnel qui viendra enrichir l'éducation parentale. Nous ne voyons pas les enfants assis à de petits pupitres. Ils bénéficieront plutôt d'un apprentissage fondé sur les expériences, notamment grâce au jeu et, idéalement, ils seront encadrés par des employés affectueux et bienfaisants qui travailleront en équipe avec les parents. Après un congé de maternité d'un an, les parents ont besoin de services non parentaux de grande qualité. Il y aura de multiples façons d'accéder au système et les provinces s'en occuperont. Je vais commencer à travailler avec les dirigeants du Nouveau-Brunswick qui réfléchissent aux moyens à prendre pour accueillir des enfants plus jeunes. C'est plus que l'éducation; c'est aussi la santé et le comportement.
Dr Mustard : Je vais faire suite aux propos de Mme McCain. Elle a fait beaucoup de choses. Avec certains de mes collègues, elle a repris l'une des écoles primaires de Toronto que le conseil scolaire voulait fermer. Elle a persuadé les membres du conseil d'y installer un centre d'éducation parentale et de développement de la petite enfance, associé à un programme très pointu de garderie de haute qualité. En réalité, il s'agit d'un centre de développement de la petite enfance embryonnaire qui fait appel à la participation des parents — l'un des programmes d'éducation parentale de Mary Gordon est appliqué à la maternelle. La semaine dernière, je me suis entretenu avec le directeur de l'éducation du corridor de Bow Valley allant de Canmore au lac Louise. Après avoir visité le centre, il a dit que cela lui avait montré ce qu'il faudrait faire. C'est un exemple.
Mme McCain a raison de dire qu'il faut arriver au point où il est possible de lancer des initiatives et ensuite, laisser les gens juger. Je suis sûr que ceux qui sont allés à Cuba ont pensé que c'était un endroit curieux lorsqu'ils ont examiné leurs réalisations. Il est possible d'arriver à faire cela si l'on peut générer une compréhension dans tous les milieux. C'est la clé.
Le conseil dont Mme McCain et moi-même sommes membres a été délibérément constitué pour tenter de combler le fossé entre nos connaissances et nos actions. Le conseil accorde des bourses d'étude dans différentes régions du pays à des personnes qui travaillent avec nous. Même si le conseil n'est pas financé par le gouvernement, leur travail est de collaborer avec les collectivités pour les amener à acquérir cette compréhension pour pouvoir ensuite prendre le genre d'initiatives dont parle Mme McCain. Nous espérons que cela influera sur le processus politique.
Le président : Merci.
Le sénateur Keon : Je suis ravi de vous accueillir tous les deux ici. Je serai bref étant donné que j'ai eu le privilège de passer beaucoup de temps avec le Dr Mustard il y a de cela quelques semaines. Comme vous le savez, je préside un sous-comité de notre comité qui effectue une étude sur la santé de la population, et j'espère présenter le rapport final d'ici décembre 2008. Le rapport en question porte essentiellement sur la santé maternelle et infantile et sur le développement.
Vous n'avez ni l'un ni l'autre évoqué la santé maternelle. J'ai été très impressionné par la façon dont on s'occupe de ce volet à Cuba. Nous avons entendu des témoignages contradictoires au sujet de l'importance de la santé maternelle, et je vous serais très reconnaissant de nous faire part de vos commentaires. En outre, il faudra aborder le problème de la pauvreté en lien avec la santé maternelle et infantile et le développement. Le sénateur Eggleton dirige aussi une étude sur les villes qui traitera de la pauvreté, parallèlement à ce que nous faisons dans le domaine de la santé de la population.
Je commence à croire que l'une des choses qu'il nous faudra étudier est le revenu familial de base. Oublions le salaire minimum et parlons plutôt d'un revenu familial minimum pour éradiquer la pauvreté. Le vieux proverbe voulant qu'il faut un village pour élever un enfant est toujours de mise et, chose certaine, il faut une famille pour élever un enfant.
Dans quelle mesure la santé maternelle est-elle importante? Personnellement, j'y accorde beaucoup d'importance. Au fil des ans, docteur Mustard, vous m'avez dit la même chose. Avez-vous changé d'avis?
Dr Mustard : Vous posez une question fondamentale. Si nous avions disposé de plus de temps aujourd'hui, nous aurions abordé cet aspect. Je vais commencer par des exemples simples.
Nous savons que l'architecture et le fonctionnement du cerveau commencent dans l'utérus. De plus en plus, nous avons la preuve que les infections contractées par la mère en cours de grossesse seraient un facteur susceptible de causer la schizophrénie plus tard au cours de la vie de l'enfant. Nos connaissances sont insuffisantes pour l'instant, mais il y a un lien avec la santé maternelle et il semble que ce soit une possibilité vraisemblable. Est-ce aussi vrai pour l'autisme et d'autres handicaps? Nous ne le savons pas pour l'instant. La santé des mères, qui doivent éviter les infections et, en particulier, les infections virales, revêt une importance inestimable pour toute la suite des événements.
Le deuxième exemple est plus compliqué. La première fois que j'ai vu cette expérience, je travaillais avec l'homme qui dirige ce qui est sans doute la plus belle colonie de macaques rhésus à Washington, aux États-Unis. Si l'on prend une femelle macaque rhésus ayant une certaine structure génétique et qu'on la sépare de sa mère, son développement ne sera pas optimal. Par la suite, lorsqu'elle s'accouplera et qu'elle aura des petits, elle ne sera pas une bonne mère. Nous constatons cela dans notre propre société. Avec les macaques rhésus, on peut changer la donne. On peut intégrer cette mère et ce petit à un groupe de mères plus robustes. Le résultat sera différent pour le petit. Il se développera normalement parce que l'on aura amorti les effets de l'environnement.
Comme Mme McCain le sait, lorsque nous avons créé la Maison Béatrice à Toronto pour aider des mères célibataires itinérantes, surtout des mères d'origine africaine-américaine ayant de jeunes enfants, nous voulions les sédentariser pour que leurs enfants ne subissent pas de préjudice du fait qu'ils étaient négligé. Nous avons fait l'acquisition d'une école que nous avons rénovée. Nous avons consacré beaucoup de temps à la mise sur pied d'un programme d'éducation efficace à l'intention des mères assorti d'un excellent programme de développement de la petite enfance. Maintenant, tout fonctionne bien. Ce service a été repris par le YWCA, qui le commercialise.
S'agissant de la santé maternelle, il faut prendre en compte les effets négatifs des problèmes de comportement et de santé mentale et se demander comment on peut y remédier et quelles mesures il convient de prendre pour faire avancer le dossier.
Enfin, la nutrition est très importante. Des preuves récentes concernent l'environnement et les gènes. Au début de la vie, certainement après la naissance de l'enfant, mais probablement dans l'utérus, la qualité du régime alimentaire, notamment pour ce qui est des acides gras non saturés à longue chaîne, que l'on trouve en abondance dans le poisson, influe considérablement sur le développement du cerveau et des neurones car elle affecte la structure membranaire des neurones. Et devinez quoi? Cela a une incidence remarquable sur le QI au cours des cinq premiers mois de la vie. La nutrition a aussi une incidence sur la santé. Par conséquent, on a mis le doigt sur ce que j'estime être la question la plus importante dans le contexte du développement humain, pour ce qui est de l'apparition ultérieure de problèmes de santé physique et mentale. On pourrait discuter de coronaropathie du point de vue de la nutrition au début de la vie et dans l'utérus. Je vous souhaite bonne chance et je vous fournirai toute l'information dont je dispose pour que vous puissiez l'intégrer dans votre excellent rapport.
Le sénateur Keon : Je prendrai tout le crédit.
Dr Mustard : Cela ne me dérange pas.
Mme McCain : J'ajouterais qu'il faut prendre en compte les effets du stress sur les femmes enceintes et les mères au cours de la première année suivant la naissance d'un enfant. Il faudrait sans doute voir quelle est l'influence des hormones de stress sur le foetus dans l'utérus et de quelle façon une mère qui subit un stress extrême s'occupe d'un enfant au cours de la première année de sa vie. Lorsque la mère est très stressée, les enfants subissent des carences affectives. La santé maternelle n'est pas simplement physique; elle est aussi mentale.
Dr Mustard : Permettez-moi de poursuivre dans la même veine. Mme McCain a évoqué le système limbique HPA, dans le corps humain. C'est un système fondamental qui détermine de quelle façon vous et moi réagissons aux événements au quotidien. Cette trajectoire est essentielle. Elle détermine la vulnérabilité aux problèmes de santé physique et mentale, la capacité d'apprentissage, et cetera. D'après la preuve recueillie d'après toutes les expériences menées sur des animaux, cette trajectoire est établie et réglée au cours des premiers mois de la vie. Cela commence dans l'utérus. Pour en revenir à ma femelle macaque rhésus, qui avait été négligée par sa mère, elle subira un stress sévère. C'est cette trajectoire qui nuira à sa capacité de bien élever ses propres petits. Voilà pourquoi les médecins sont aujourd'hui réticents à prescrire du cortisol aux femmes enceintes. C'est que ce médicament a des effets biologiques complexes.
Cette situation a des répercussions sur une myriade de gestes que nous posons dans la société, mais à tout le moins, nous connaissons l'existence de cette trajectoire et nous pouvons la surveiller. Le fonctionnement de cette trajectoire est fortement influencé par les soins que reçoit l'enfant en bas âge. La nurturance a un effet sur les processus épigénétiques qui gouvernent les fonctions génétiques se trouvant sur cette trajectoire.
Le président : Je vais donner la parole à un autre médecin, qui est aussi un ancien lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick et le parrain de la résolution qui a amené le Sénat à confier cette étude à notre comité, le sénateur Trenholme Counsell.
Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur le président, collègues, je vous remercie beaucoup. J'ai beaucoup de mal à maîtriser mes émotions. Je suis pratiquement au bord des larmes en vous entendant tous les deux ici aujourd'hui. J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour vous, mais je vous considère aussi comme des amis très chers, presque comme des membres de ma famille. Comme Mme McCain l'a dit, nous nous connaissons depuis très longtemps. Je vous remercie beaucoup d'être venus.
En guise de préambule à ma question, je signale que j'ai eu la chance d'être choisi pour faire partie d'une délégation parlementaire Asie-Pacifique qui se rendra en Nouvelle-Zélande en janvier. Là-bas, je pourrai prendre une journée et demie pour visiter des centres de la petite enfance et me familiariser avec le système néo-zélandais. J'aimerais faire trois observations que vous pourriez peut-être commenter par la suite.
Premièrement, après un processus de planification d'une durée de trois ans, la Nouvelle-Zélande a élaboré un plan décennal visant à instituer des centres de développement de la petite enfance, d'éducation et de soins de qualité pour les enfants. Deuxièmement, sous l'égide du ministère de la Justice, on a conçu un programme éducatif très complet allant de la naissance à l'entrée à l'école. Deuxièmement, ce programme éducatif est disponible dans tous les centres. Troisièmement, la Nouvelle-Zélande s'est aussi dotée d'un plan décennal pour former les personnels qui travaillent dans les garderies et dans les centres d'éducation parentale et de développement de la petite enfance. En l'espace de dix ans, ces personnes devront avoir terminé, à tout le moins, un programme d'études collégiales ou universitaires de trois ans. Ils doivent obtenir un diplôme et on les aide financièrement dans cette démarche.
De plus, ce que j'ai trouvé vraiment remarquable, c'est que les travailleurs des services à l'enfance touchent la même rémunération que les enseignants de niveau primaire. Si cela n'est pas suffisant pour nous réveiller, je ne sais pas ce qu'il faudra. Voilà ce qui se fait en Nouvelle-Zélande, un pays qui a l'avantage d'avoir un gouvernement unique. Il n'a donc pas à faire face à la complexité d'une fédération, comme c'est le cas dans notre merveilleux pays, qui a plusieurs ordres de gouvernement.
J'aimerais ajouter une dernière chose à ce sujet. Il y a en Nouvelle-Zélande des entreprises à grande surface. Je ne les nommerai pas, mais il y en a. Quelque 53 ou 57 p. 100 des services à la petite enfance sont fournis par ces entreprises, mais elles sont obligées de suivre le programme éducatif, sous peine de perdre leur permis d'exploitation. Tous les centres sont inspectés aux trois mois. Ils sont obligés de verser à leurs personnels les mêmes salaires qu'aux enseignants, sinon ils perdront l'autorisation d'exister en Nouvelle-Zélande. Je porte cela à votre attention. Peut-être pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet.
Le but de notre étude est de savoir pourquoi nous avons obtenu de si piètres résultats dans le rapport de l'OCDE. Et comme nous sommes des parlementaires du gouvernement du Canada, en tant que sénateurs, il nous appartient sans doute de reconnaître, d'appuyer, d'encourager et de mettre à profit ce que font les provinces, les territoires et les collectivités partout au pays. En outre, nous espérons pouvoir faire certaines suggestions au gouvernement du Canada, peu importe qui dirigera ce gouvernement à ce moment-là, au sujet du rôle du gouvernement fédéral. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus long à ce sujet.
La seule chose qui m'a dérangée au cours de nos séances, et nous n'en avons pas discuté avec qui que ce soit depuis, c'est le témoignage du professeur Milligan de l'Université de Toronto, si je ne m'abuse. Il a mentionné une étude effectuée au Québec qui a permis d'observer une détérioration, d'après certaines mesures, en termes d'agression, d'anxiété et d'autres aspects du développement, voire même de la santé des enfants. Cette étude m'a beaucoup inquiétée. Elle a été mentionnée ici, mais nous n'avons pas vraiment obtenu de commentaires ou de réactions à cet égard. Je ferais mieux de m'arrêter ici.
J'aimerais que vous commentiez l'étude de la Nouvelle-Zélande en insistant peut-être sur ce que le gouvernement fédéral du Canada peut et devrait faire. Deuxièmement, je voudrais aussi avoir votre réaction à ce rapport du professeur Milligan.
Mme McCain : Êtes-vous allé en Nouvelle-Zélande? Il vaudrait mieux que vous répondiez.
Dr Mustard : Vous avez raison de souligner que la Nouvelle-Zélande a un gouvernement unique. Il peut compter sur l'appui de personnes très compétentes qui ont compris la situation et qui ont contribué à des avancées. Certaines d'entre elles ont continué leurs bons offices en Australie. Lorsque j'ai travaillé en Australie-Méridionale, j'ai traité avec des Néo-Zélandais.
L'Australie a un problème complexe pour ce qui est de rallier à cet enjeu les diverses régions. Le gouvernement national a convenu de faire de toute cette question une priorité pour l'ensemble du pays. Je n'ai aucune idée de la façon dont ils s'y prendront pour collaborer avec les États. Par conséquent, je ne sais pas comment ils feront.
Si vous voulez tirer un enseignement pour le Canada, comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut se poser la question : quel est le rôle du gouvernement fédéral? Son rôle est de faire en sorte que le Canada demeure une démocratie hautement productive, sécuritaire et créative. C'est la raison pour laquelle je vote pour divers représentants au niveau fédéral. Il me semble que c'est sa raison d'être et c'est ce que le gouvernement fédéral de l'Australie a maintenant accepté. Il existe une structure appelée COAG, qui réunit les gouvernements des États et le gouvernement fédéral. Cet organisme a inscrit le développement de la petite enfance à son programme. Je ne pense pas que nous n'ayons jamais eu une structure de ce genre chez nous. Je sais qu'ils se rencontrent périodiquement, mais ici, pareille structure n'existe pas.
Voici la leçon que l'on peut tirer du modèle de la Nouvelle-Zélande et de Singapour, soit dit en passant. Si l'on veut aboutir à quoi que ce soit, il faut faire en sorte que la structure institutionnelle de notre gouvernance s'aligne sur ce qui doit être fait. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Ne me demandez pas comment y arriver. Je ne suis pas un politicien.
Pour ce qui est de vos préoccupations au sujet du rapport en provenance du Nouveau-Brunswick, si vous allez dans une garderie à but lucratif ABC, observez le travail des employés. Ils ne prennent pas les bébés et les bambins dans leurs bras; ils ne leur parlent pas.
Permettez-moi de vous donner un exemple de l'importance des soins. Les personnes qui me connaissent savent que j'aime les chats. Un vendredi soir, il y a de cela 20 ans, à mon arrivée à la ferme que nous utilisions comme lieu de retraite la fin de semaine quand nos enfants étaient jeunes, ma femme m'a dit : « Il va falloir que tu noies ces chatons. » Notre chatte d'étable avait eu plusieurs chatons, mais elle venait d'être tuée dans un accident de la route et les petits n'avaient pas été sevrés. Comme je n'aime pas tuer les animaux, je ne les ai pas noyés ce soir-là. Une fois au lit, je me suis demandé ce que j'allais faire parce que ma femme allait insister pour que je les noie le lendemain matin. Comme je suis un bon médecin, je me suis dit que si je mettais du lait dans une seringue coiffée d'une tétine, je pourrais peut-être nourrir ces chatons. Devinez quoi? C'est possible. Ils ont bien aimé.
J'ai donc nourri ces chatons pendant deux jours et demi et j'ai demandé à ma fille d'appeler le vétérinaire pour voir s'il n'avait pas des bouteilles et des tétines pour chatons. Effectivement, il avait des bouteilles, des tétines et des formules pour chatons.
C'est une longue histoire, mais nous avons fini par garder l'un de ces chatons pour nous. Notre idée était d'en faire un chat d'étable. Cependant, je l'avais déjà tellement socialisé qu'il ne voulait pas être un chat d'étable. En notre absence, il allait se cacher à l'église pour être en sécurité. Finalement, un fermier local nous a dit : « Vous devriez faire quelque chose à propos de ce chat. Ce n'est pas un chat d'étable. » Notre famille l'a donc adopté. Devinez qui était son parent adoptif? Moi. Je m'assoyais pour lire ou travailler et le chat grimpait sur mes genoux en ronronnant. Si je partais, il restait assis là. C'était notre chaise. Cela m'a beaucoup appris au sujet de l'attachement. Lorsqu'il a atteint l'âge de 20 ans, il est devenu sourd et aveugle. Je me suis dit qu'il faudrait l'emmener chez le vétérinaire pour le faire euthanasier. Toutefois, j'avais transformé ma cuisine en aile gériatrique pour chats. Cet animal pouvait y entrer, me trouver et s'asseoir sur mes genoux.
J'ai compris que de multiples senseurs entraient en jeu. Mon odeur s'était imprégnée en lui très tôt, ce qui lui permettait de me trouver. Cela m'a appris que cette période précoce de la vie est cruciale pour le déclenchement de ces senseurs.
Lorsque vous allez dans une garderie à but lucratif et que vous voyez la piètre interaction des personnels avec les bébés et les bambins, vous savez qu'ils ne déclenchent pas les multiples senseurs critiques.
Les Suédois ont effectué une étude longitudinale sur les mâles. Ils ont examiné le développement des compétences verbales au cours des premiers mois de la vie : bébés, bambins, et cetera. Ensuite, ils ont suivi le développement de ces enfants pendant leur cheminement à l'école et ils ont noté les cas de recours à la violence à l'adolescence. Environ 25 p. 100 des mâles ayant développé de piètres aptitudes verbales à six mois, 12 mois et 24 mois ont eu affaire à la justice pénale à l'adolescence. À l'époque, la base de connaissances n'était pas la même qu'aujourd'hui. Selon l'interprétation des Suédois, si ces jeunes avaient des démêlés avec la justice, c'est qu'ils ne pouvaient pas comprendre les lois parce qu'ils étaient faibles en litératie. Ils savaient que la litératie est déterminée par ce qui se passe au cours de la petite enfance.
C'est à ce moment-là que je suis venu m'adresser à vos spécialistes au Nouveau-Brunswick. Je leur ai expliqué que les Suédois avaient fait fausse route. Comment les enfants apprennent-ils les fonctions cérébrales de base nécessaires pour la litératie et le langage? Grâce aux intrants précoces. On ne peut travailler avec un bébé ou un bambin sans le prendre dans ses bras. Devinez quelles trajectoires vous engendrez? C'est comme l'histoire de mon ancien chat. L'odorat, le toucher, et cetera, sont autant de facteurs qui déterminent le développement de trajectoires de stress.
Pour en revenir à l'histoire que vous avez entendue au sujet du Québec, les garderies merdiques causent du tort aux enfants. Ces travaux de recherche sont sans doute de la bouillie pour les chats, excusez l'expression. Je suis direct. J'en ai ma claque des universitaires qui sont à côté de la plaque parce qu'ils ne comprennent pas la neurobiologie du développement. Voilà pourquoi ils se gourent. Excusez-moi. J'espère que cela vous aide à comprendre la situation.
Mme McCain : Les observations qu'a faites le sénateur Trenholme Counsell en Nouvelle-Zélande sont très importantes. Elles incluent un plan à long terme, la consolidation du plan sous l'égide d'un seul ministère, ce qui recueille l'assentiment du Dr Mustard, et un ministère puissant. Les Néo-Zélandais ont choisi de confier le dossier au ministère de l'Éducation, ce qui est bien. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, il est extrêmement important d'exiger des études supérieures des effectifs et de bien les rémunérer. Vous avez mentionné la présence d'entreprises à grande surface, mais ces dernières sont assujetties à des critères rigoureux. Le Canada n'est pas prêt. Nous n'avons pas encore adopté de tels critères. Les entreprises à grande surface s'implantent ici en l'absence de lignes directrices bien définies.
Pour ce qui est de l'étude de l'Université de Toronto, je la connais très bien. J'ai entendu M. Baker, qui fait partie de la même équipe. J'ai fait un exposé après lui. Les auteurs de l'étude ont dit n'avoir trouvé aucun avantage nutritionnel ou physique lié à l'allaitement naturel. Ils ne connaissent rien au sujet de la théorie de l'attachement. C'est un groupe d'économistes. Leurs travaux ont été vertement réfutés par des psychologues, des spécialistes du développement réputés, ainsi que par d'autres économistes. Nous n'y accordons pas beaucoup de poids.
Dr Mustard : Heckman a remporté le Prix Nobel d'économie pour son remarquable travail. Il comprend son sujet mieux que 99,9 p. 100 des économistes. Il a été capable de faire le lien entre la neurobiologie et diverses études, et il est allé visiter la colonie de macaques primates rhésus afin d'étudier les facteurs biologiques observables là-bas sous l'angle des humains. Faites uniquement confiance aux économistes qui ont un solide bagage en sciences biologiques.
Le sénateur Fairbairn : Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit que vous ayez dit, l'un comme l'autre, que les participants autour de la table n'appuieraient pas. En fait, presque tous les participants ont travaillé d'une façon ou d'une autre dans le domaine de la litératie avant de venir ici ou depuis leur arrivée.
L'une des difficultés liées à cette question, c'est que bien des gens ne croient pas à ce pays compatissant; ils ne croient pas que ce fondement dont vous avez parlé existe vraiment. Si c'est le cas, ce n'est pas un problème qui relève du gouvernement fédéral, c'est une question d'éducation. J'aimerais savoir une chose, docteur Mustard. Avez-vous déjà eu l'occasion de rencontrer un dirigeant politique ou un premier ministre pour le convaincre, ou le feriez-vous?
Ce dossier n'a pas de saveur politique particulière. Compte tenu de vos propos aujourd'hui, si l'on regarde ce qui s'est fait dans les autres pays, si nous voulons générer une vague d'enthousiasme pour régler la situation, à qui faut-il s'adresser? Où pouvons-nous vous dire d'aller pour raconter l'histoire que vous nous avez racontée aujourd'hui?
C'est une histoire très puissante qui suscite presqu'un sentiment d'accablement. Lorsque l'on réunit litératie et apprentissage, les gens souvent n'y croient pas vraiment.
Je parie que si vous vous entreteniez avec le premier ministre actuel, qui est non seulement un grand champion de l'éducation, mais aussi un grand amoureux des chats, vous vous entendriez très bien. Ce qui est frustrant c'est qu'on a parfois l'impression d'être obligé de s'adresser aux plus hauts échelons pour convaincre. En l'absence de ce genre d'appui, il est difficile de faire avancer activement ce dossier aussi loin et aussi sérieusement que nous le souhaiterions tous.
Dr Mustard : Je suis disposé à parler à toutes les personnes qu'on voudra, pourvu qu'elles soient prêtes à écouter.
J'avais découpé les deux photos du premier ministre et de ses chatons qui ont parues dans le Ottawa Citizen. J'ai à mon bureau deux chats, appelés Betsy et Bailey. J'ai décidé de lui envoyer une lettre, signée Betsy, Bailey et moi-même, pour lui expliquer que les chatons avaient besoin d'aide. Nous avons été heureux d'apprendre qu'il s'intéressait au développement précoce des chatons.
J'ai fait valoir mon argument selon lequel c'est la même chose pour les êtres humains. J'ai reçu une réponse de quelqu'un de son bureau. Betsy, Bailey et moi-même avons été ravis d'avoir reçu une réponse à notre lettre. Je pense que vous avez mis le doigt sur ce que vous devez faire.
Si l'Australie-Méridionale a pu progresser, c'est que le premier ministre a pris la parole pour dire : « Nous allons implanter des centres de développement de la petite enfance dans nos écoles primaires. » Cela a poussé l'État à agir. Tous les différents intervenants des communautés qui s'investissent dans le développement de la petite enfance créent un fouillis. Cette annonce a soudainement eu pour effet de les unir.
Pendant ma résidence à Adelaide, ils sont tous venus me dire : « Pouvez-vous convaincre le gouvernement de l'Australie-Méridionale d'adopter une approche gouvernementale globale pour soutenir les programmes de développement de la petite enfance? » En ce moment, ce processus est en cours. Les dirigeants politiques et les différents partis du pays ont un rôle de premier plan à jouer. Si nous pouvions obtenir du premier ministre qu'il prenne la tête de ce mouvement, ce serait fantastique. Ce serait formidable pour le pays.
Le sénateur Fairbairn : Je serais certainement volontaire, avec d'autres, pour donner un coup de main.
Mme McCain : Nous avions l'oreille de deux anciens premiers ministres; nous avions un plan national sur la garde des enfants et nous avions des ententes avec dix provinces. Comme vous le savez sans doute, il n'a pas été facile d'en arriver là. C'était l'amorce de ce système national que nous avions envisagée. J'aimerais en changer le nom. Nous avons rencontré l'actuel leader de l'opposition, et il comprend ce qui est en jeu. Si vous pouvez nous ouvrir la porte du premier ministre actuel, nous vous en serions reconnaissants. Nous n'avons pas été en mesure d'aller jusqu'à lui.
Le sénateur Callbeck : Je vous remercie beaucoup d'être venus aujourd'hui. C'est un grand privilège pour nous de vous accueillir tous les deux. Comme l'a dit le sénateur Fairbairn, vous nous avez présenté des arguments solides et convaincants, et j'espère sincèrement que vous pourrez vous entretenir avec le premier ministre.
Madame McCain, il y a deux ou trois choses dans votre mémoire sur lesquelles je m'interroge. À la page 5, vous parlez des niveaux de revenu et du nombre d'enfants qui tournent mal. Vous dites que dans le quartile des revenus les plus bas, 37,3 p. 100 des enfants tournent mal. Dans le quartile des revenus les plus élevés, ce pourcentage tombe à 24,2. Et c'est dans la classe moyenne que l'on retrouve le plus grand nombre d'enfants qui tournent mal. Lorsque j'ai lu cela, je me suis dit que c'était vraiment curieux. D'où sort ce pourcentage, et pourquoi en est-il ainsi?
Mme McCain : Il provient de l'Étude sur la petite enfance. En avez-vous un exemplaire? Je pense que cela figure également dans l'Étude sur la petite enfance II, n'est-ce pas?
Dr Mustard : Je ne me souviens pas si cela figure dans les deux ouvrages.
Mme McCain : Si l'on combine les pourcentages dans les deux quartiles de la classe moyenne, le second et le troisième, on obtient un nombre plus élevé que dans les quartiles inférieur ou supérieur. En termes de chiffres, le plus grand nombre d'enfants vulnérables se trouve dans la classe moyenne.
Le sénateur Munson : La question est de savoir pourquoi.
Dr Mustard : Permettez-moi de vous aider à comprendre. Il s'agit d'une expression épidémiologique. C'est une expression exponentielle. On prend en considération la population totale. Si 15 p. 100 de la population vit dans la pauvreté, cela représente uniquement 15 p. 100 de la population et si 60 p. 100 de ces personnes tournent bien, cela nous donne le pourcentage. Si l'on considère l'extrémité des revenus élevés, l'extrémité McCain, 12 p. 100 affichent des difficultés, ce qui se traduit par un nombre plus petit, mais un certain nombre tout de même. La plus grande partie de la population est la classe moyenne. Ces rapports sont un gradient. Si l'on additionne les chiffres dans la classe moyenne, on se retrouve avec un pourcentage plus élevé. On passe du chiffre le plus bas au chiffre le plus haut, et c'est ce que la plupart des gens ne saisissent pas.
Sénateur Keon, il faudra que vous insériez ces données dans votre rapport sur la santé de la population car c'est ce que les gens ont le plus de mal à comprendre. Il faut leur expliquer ce calcul étape par étape. S'ils sont doués pour les mathématiques, ça va, mais rappelez-vous que votre compétence en mathématiques a été déterminée avant votre entrée à l'école primaire. C'est compliqué et ce n'est pas facile à expliquer.
Mme McCain : Le message, c'est que le manque d'argent n'est pas le grand facteur de risque que l'on croit qu'il est. Les enfants doivent être bien nourris, bien logés et bien vêtus. Il faut répondre à leurs besoins essentiels. Cela mis à part, il faut se demander quels autres besoins ne sont pas comblés. Bien des familles sont dysfonctionnelles. La violence familiale joue probablement un rôle. Des enfants peuvent être victimes de négligence dans une maison cossue. De nombreux enfants riches sont négligés émotionnellement, ce qui entrave leur développement neurobiologique. Ce sont des facteurs de risque qui entrent en jeu, et c'est ce que nous essayons de faire comprendre. L'argent ne changera rien aux résultats de ces enfants.
Voilà, nous y sommes. C'est à la page 84. Pour vous répondre, c'est une question de nurturance, de stimulation, de qualité de l'éducation parentale et de bon fonctionnement de la famille.
Dr Mustard : Je voudrais intervenir, parce que c'est un point très important. Je ne peux pas le nommer, mais il y a à Calgary un homme d'affaires qui a beaucoup de succès et qui s'intéresse à la toxicomanie parce qu'il a eu lui-même un problème d'alcoolisme. Il s'est adressé aux dirigeants des grandes entreprises de notre pays pour leur dire que dans toutes nos grandes entreprises, il y a des problèmes d'alcoolisme. Il sait que le risque de la toxicomanie n'est pas dû à l'absence de volonté. C'est à cause d'un dysfonctionnement des neurones établi dans la petite enfance. Voilà qui donne immensément à réfléchir. Il peut y avoir négligence dans les familles à l'aise, même si elles sont riches. Il peut y avoir des pères qui ont du succès dans les affaires et qui négligent leur famille. Il peut y avoir des dispensateurs de soins qui sont embauchés pour aider et qui ne sont pas compétents. Le développement de l'enfant exige un entourage formé de gens de qualité. Quand on met en place des programmes de développement de la petite enfance dont on sait qu'ils sont conformes à cette norme de grande qualité, de 80 à 90 p. 100 des familles les utilisent, quelle que soit leur situation financière.
Mme McCain : Nous pourrions passer une heure entière à vous parler de différentes manières d'être parent.
Le sénateur Callbeck : Vous recommandez un système. Vous dites que vous ne préconisez pas le financement public universel. Il m'a semblé discerner un conflit. Vous avez évoqué l'élaboration d'autres modèles. Y a-t-il d'autres modèles? Comment ce système serait-il financé?
Mme McCain : Je pense qu'il y a place pour des parents à revenu élevé qui paieraient des droits élevés. Beaucoup de familles paient 300 $ ou 350 $ par semaine pour des parents-substituts à la maison qui ne font pas bien le travail, qui ne sont pas bien formés, qui ne parlent pas bien la langue et qui ne stimulent pas l'enfant. Ces enfants seraient beaucoup mieux dans des centres de développement de la petite enfance de grande qualité. Une famille à revenu élevé devrait payer des frais. Elle ne devrait pas obtenir le service gratuitement. Voilà ma position.
Le sénateur Callbeck : Une échelle mobile?
Mme McCain : Je suis en faveur d'une échelle mobile. Le Dr Mustard va probablement me donner un coup de pied sur le tibia.
Dr Mustard : Non.
Mme McCain : Il y a différentes manières d'envisager une telle situation. Au Québec, c'est 7 $ par jour pour ceux qui peuvent payer cette somme. Beaucoup de ces familles pourraient payer beaucoup plus. Je ne crois pas que nous pouvons nous permettre, de nos jours, un autre système public universel. Il y a d'autres manières d'aborder ce problème.
Dr Mustard : Compte tenu de cette possibilité, ma règle de base est que si l'on veut l'égalité et l'équité dans notre société, il faut s'assurer que le programme soit disponible pour toutes les familles qui ont de jeunes enfants. Si vous pouvez obtenir cette assurance dans le cadre d'un système mixte, tant mieux pour vous. Mais je vous le dis carrément : aucun pays n'a obtenu cela avec un système mixte.
À Toronto, nous avons une école privée pour filles dont le personnel est extrêmement compétent et où l'on est en train de mettre en place un programme de développement de la petite enfance intégré au programme de cette école, à partir de la naissance de l'enfant. C'est un programme d'une très grande qualité. C'est exactement ce qu'il faut faire. Ils ont même introduit l'apprentissage par résolution de problèmes pour les trois premières années du primaire, parce que c'est essentiellement ce que l'on fait dans le cadre d'un bon programme de développement de la petite enfance.
Oui, on peut procéder de cette manière. Je suis fermement convaincu que si l'on veut réussir au XXIe siècle, il faut instaurer une équité raisonnable dans la société; on n'a pas le choix. C'est ce que nos concurrents ont à offrir. Il faut une égalité raisonnable en termes de santé et de bien-être de la population et c'est à nous de choisir si nous voulons et pouvons le faire.
Comme vous l'avez dit, en Nouvelle-Zélande, on peut recourir aux services privés, mais il faut respecter des normes nationales. C'est acceptable. Je suis prêt à l'accepter. Par contre, je n'accepte pas ce qui se passe en Australie, où l'on est autorisé à faire des profits et où le financement est public à 40 p. 100. C'est même encore plus catastrophique que d'avoir un système entièrement financé par le public.
Le revers de la médaille, c'est qu'il faut innover. Durant ma carrière au gouvernement, quand j'ai dû diriger les sciences de la santé à McMaster, j'ai été pénalisé parce que je pouvais mettre au point un système de laboratoire plus efficient pour servir la ville de Hamilton. Quelque crétin dans la bureaucratie a calculé le coût et les économies. Toronto s'en est tiré avec beaucoup d'argent alors que j'ai été pénalisé parce que j'étais innovateur. À cette époque, je haïssais les systèmes financés par l'État. Je veux seulement que vous le sachiez.
Le sénateur Munson : Vous utilisez un langage coloré, docteur Mustard, et vous dites que vous n'aimez pas les garderies — vous voulez qu'on les supprime — et que vous en avez plein le dos du gouvernement. Vous avez évoqué la menace de garderies à grande surface. Vous avez utilisé des expressions comme « de la bouillie pour les chats » et « merdique », et cetera. C'est ce qui s'appelle parler sans détour, et il me semble que vous êtes toujours sorti des sentiers battus.
Notre comité a fait un rapport sur l'autisme intitulé Payer maintenant ou payer plus tard. Nous sommes nous aussi sortis des sentiers battus quand nous avons dit : Si vous ne payez pas maintenant, vous paierez plus tard à cause de ce qui arrivera à ces enfants qui sont autistes. On nous dit que cela relève des compétences des provinces et que nous ne pouvons rien faire pour enrayer ce problème. Les gens persistent à s'enfermer dans ce paradigme fédéral-provincial, ce qui me rend fou.
Vous proposez de mettre en oeuvre un programme de développement de la petite enfance auquel vous intégrez l'élément universalité, mais pourtant, cela peut se faire de bien des manières : fédéral, provincial, gouvernementaux locaux, programmes parrainés et centres de la petite enfance réglementés qui offrent des programmes de développement. Avec un tel système à intervenants multiples, comment s'assurer que tous travaillent à l'unisson et mettent en oeuvre le programme que vous avez à l'esprit?
Dr Mustard : En Australie-Méridionale où l'on est en train de faire cela, on se bute maintenant à d'énormes problèmes d'infrastructure qui ne sont guère différents de ceux qui caractérisent la construction des ponts et des routes, et cetera. Comme le sénateur Trenholme Counsell l'a dit, il faut maintenant préparer un personnel de grande qualité qui soit capable de diriger le programme. C'est vrai dans n'importe quel pays qui emprunte cette voie. Cela veut dire qu'il faut amener les universités et collèges à travailler ensemble pour produire ce personnel de grande qualité. Il faut aussi que le personnel ait une bonne compréhension des aspects neuroscientifiques du développement, parce que les intervenants doivent comprendre la problématique du cheminement sensitif qui influe sur le cerveau, car c'est important quand on travaille avec des nourrissons et des bambins.
À cet égard, Lethbridge a un avantage parce qu'on y trouve un superbe groupe d'études neuroscientifiques du développement. Ces gens-là sont capables d'utiliser leurs connaissances pour orienter les programmes de développement et d'éducation de la petite enfance, contrairement à ce que l'on observe dans la plupart des districts. Dans les facultés de l'éducation, c'est la vacuité totale dans ce domaine, ce qui est regrettable.
Cela exige une certaine réorganisation institutionnelle pour s'assurer que l'université ait la capacité et la neuroscience du développement qui est pertinente à toutes les disciplines universitaires, y compris l'économique, soit dit en passant, aussi bien que les sciences de la santé. C'est difficile parce que l'effectif n'est pas énorme dans ce domaine. Ce qu'il faut faire au niveau de notre pays, si vous décidez de vous lancer dans cette voie, c'est de réfléchir à la manière de stimuler le système pour augmenter l'effectif des gens qui possèdent cette compréhension au niveau des collèges et des universités. Je pense que ce serait une sage décision.
Il y a une autre question à laquelle vous devez réfléchir. Nous avons constaté cela en Australie-Méridionale. Il y a des gens qui au départ ont créé ce que l'on appelait dans l'ancienne terminologie des garderies, mais ils se trouvent essentiellement à diriger dans ces garderies de très bons programmes de développement de la petite enfance et de l'art d'être parent. J'ai rencontré à Adelaide une femme qui dirige l'un de ces centres. Elle n'a pas tellement de diplômes qui impressionnent la galerie, mais si je créais un programme dans mon école, c'est elle que j'irais chercher. Il faut établir une sorte de programme de formation de deuxième cycle pour perfectionner les compétences de ces gens-là. Durant ce processus, on doit engager des dépenses d'infrastructure pour créer l'effectif nécessaire. Ce ne sera pas facile, à moins que l'on ne mette en place des mesures incitatives dans le système.
Par ailleurs, il est essentiel, si l'on veut emprunter cette voie, que ce soit implanté sur une base communautaire, parce que le vecteur le plus puissant qui amène les gens à participer, c'est quand des communautés se parlent entre elles.
Enfin, vous devez mesurer les résultats obtenus. N'oubliez pas : pas de données, pas de problèmes, pas de politiques. Nous avons mis au point un système de données en travaillant au premier rapport, intitulé L'Initiative de développement de la petite enfance, auquel le gouvernement du Canada a participé. Cette mesure est très solide parce qu'elle a été validée sur toute la population de Colombie-Britannique. Nous pouvons vous montrer la performance moyenne des enfants dans chacun des districts de la province. On observe justement la problématique dont nous discutons en ce moment, les districts les plus à l'aise obtenant les meilleures performances, mais on y trouve quand même des enfants qui ne vont pas bien. On les appelle hors-diagonale. Pourquoi? Vous pouvez lire cette étude et en découvrir les raisons.
Par ailleurs, au sujet de cette étude, vous devez savoir qu'elle montre clairement les résultats obtenus par notre pays pour ce qui est de favoriser le développement des jeunes enfants. C'est une mesure des résultats obtenus, et c'est véritablement honteux. En passant, j'aimerais bien que vous fassiez parvenir ce texte au cabinet du premier ministre, si vous pouvez trouver le moyen de le faire.
En conclusion, nos collègues de l'Australie ont adopté cela à l'échelle nationale et les résultats sont très impressionnants. Nous ne l'avons pas fait au Canada.
Deuxièmement, en Australie-Occidentale, où l'on a fait cette étude en premier, on a constaté que des districts de classe moyenne obtenaient des résultats beaucoup trop médiocres. On a donc implanté un programme spécial de développement de la petite enfance, dans le cadre duquel on choisissait des enfants de deux ans qui feraient l'objet de tests trois ans plus tard, et on est parvenu à diminuer le nombre d'enfants vulnérables qui entrent dans le réseau scolaire, leur taux passant de 46 p. 100 à 12 p. 100 en trois ans. Il y a là un véritable point de comparaison pour n'importe quel politicien. Nous pourrions dire que si vous avez réussi cela, vous avez vraiment changé les trajectoires de la santé, de l'apprentissage et du comportement dans la vie. Est-ce que cela vous est utile?
Le sénateur Munson : Oui, beaucoup. Je vous suis reconnaissant d'avoir soulevé cet aspect de la formation, parce que c'est la même situation dans le dossier de l'autisme. Nous n'avons pas assez de gens qui ont la formation voulue pour s'occuper des enfants autistes dans notre pays.
Dr Mustard : N'oubliez pas que la mesure des résultats est également cruciale pour faire adopter cette initiative sur le plan politique.
Le sénateur Munson : Vous avez parlé de la garde des enfants et des garderies. Le sénateur Cook a dit tout à l'heure que l'on ne voit pas d'hommes. On a beaucoup parlé de maternage aujourd'hui et de toute la problématique de la famille. Quel est le rôle du père dans le développement de la petite enfance? Je pose cette question sérieusement, parce que quand on parle de famille et de services communautaires, le papa se trouve ailleurs dans l'équation.
Mme McCain : Pas nécessairement.
Le sénateur Munson : Eh bien, la plupart du temps.
Dr Mustard : Vous devriez le demander à mon fils au Cap-Breton. J'ai eu six enfants et ils pourraient vous dire si j'ai été un bon père ou pas. En passant, il est le champion de ce programme au Cap-Breton. Il s'appelle Jim Mustard. Vous devriez peut-être lui parler. Il serait un interlocuteur intéressant.
Essentiellement, ma façon d'aider à cet égard, et c'est banal en fait, consistait à m'occuper des enfants le dimanche. Je devais être sur mes gardes parce que ma femme s'occupait de moi-même et des six enfants et ce n'est pas une tâche facile.
La politique du congé parental est intéressante. Dans certains pays, on offre 18 mois de congé parental avec soutien du revenu. Les six premiers mois sont réservés à la mère et les 12 mois suivants peuvent être partagés entre la mère et le père. Vous devez aussi réfléchir à cela dans le cadre de votre infrastructure.
Le président : L'intervenant suivant est le sénateur Cordy de Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Cordy : Je vous remercie d'être venus ce matin. La discussion a été fascinante. Je vous remercie de nous avoir fait part de vos réflexions, à nous et à tous ceux qui nous écoutent à la télévision. À titre d'ancienne enseignante à la maternelle et à l'école primaire pendant bon nombre d'années, je suis convaincue que l'on n'insistera jamais assez sur toute la question du développement de la petite enfance. C'est tellement important.
Vous avez parlé tous les deux du besoin de services de garde d'enfants de grande qualité. Docteur McCain, vous avez évoqué des garderies à grande surface. Ce qui est triste, c'est que les parents au Canada sont tellement désespérés dans leur recherche de places de garderie qu'à l'heure actuelle, je ne doute nullement qu'il y aura une ruée vers ce service. Le neveu de mon mari a refusé une promotion à Toronto parce que la liste d'attente pour une place de garderie était de plus de six mois. Nous avons tous entendu des histoires de ce genre. Malheureusement, les gens vont utiliser les services de ces garderies à grande surface.
Vous avez tous les deux proposé de mettre en place au Canada un système de développement de l'enfance de grande qualité et fondé sur des données scientifiques. Nous en étions au moins à la case départ avec Ken Dryden. Cependant, cela n'arrivera pas maintenant et il semble bien que cela ne se fera pas non plus dans un avenir prévisible. J'étudie l'état d'esprit de l'ensemble des Canadiens, en plus de celui des politiciens. Or je pense que pour les politiciens, c'est le public qui est l'élément déclencheur. Pour avoir un programme de développement de l'enfance de qualité, il nous faut des gens de qualité pour le diriger. Pourtant, nous insistons pour payer le salaire minimum aux travailleurs qui s'occupent de nos jeunes enfants. Nous voulons qu'ils soient qualifiés, qu'ils aient des diplômes universitaires et même deux ou trois ans de formation, mais je ne suis pas sûre que le taux de maintien de l'effectif puisse être tellement élevé. En Nouvelle- Écosse, l'université Mont Saint Vincent offre un excellent diplôme en éducation de la petite enfance, mais les jeunes gens qui viennent de terminer leurs études et s'efforcent de rembourser leur prêt étudiant gagnent seulement le salaire minimum.
Comment pouvons-nous changer les mentalités pour que le développement de la petite enfance devienne important et pour que les gens qui font le ménage dans les garderies ne soient pas mieux payés que les professionnels qui s'occupent des enfants?
Mme McCain : Comment s'y prendre? Je suppose qu'il faut simplement continuer de faire ce que nous faisons. Cela fait partie de notre initiative continue. C'est un aspect que j'ai mentionné dans mon allocution, nommément relever le prestige, le niveau d'éducation et la rémunération des professionnels de la petite enfance. Ils doivent être mis sur le même pied que les enseignants. Ils doivent être inclus, à un moment donné. C'est une tâche ardue et continue. Nous avons beaucoup d'obstacles professionnels à surmonter.
Nous avons trouvé des exemples de programmes où l'on a réussi à intégrer les deux professions, je veux dire les enseignants et les éducateurs de la petite enfance. La rémunération est également un problème. Nous devons faire comprendre cela aux gouvernements. Le travail se poursuit sans relâche. Cela fait partie de l'initiative. Oui, beaucoup de collèges communautaires se dirigent vers la mise en place de programmes d'étude menant à un diplôme. Les collèges communautaires de Toronto qui décernent actuellement des certificats en éducation de la petite enfance sont en train d'étoffer leur programme pour déboucher sur un diplôme universitaire. Là aussi, le travail se poursuit.
Quelle était la première partie de votre question?
Le sénateur Cordy : Je disais qu'il faut changer les mentalités, parce que cela doit venir de la collectivité.
Mme McCain : Cela vient avec le transfert de connaissances. Nous avons énormément de travail à faire et nous ne sommes pas nombreux à le faire. Si je pouvais faire des clones du Dr Mustard et l'envoyer aux quatre coins du pays, nous pourrions déplacer des montagnes. Nous avons un élan formidable dans l'Est grâce au Dr Mustard. Il est une vedette. Combien d'entre nous sommes des vedettes à 81 ans?
Dr Mustard : Ne révélez pas mon âge!
Mme McCain : Il reçoit des ovations. Nous avons eu trois grandes conférences dans l'Est. Environ 600 personnes viennent entendre cet homme et, à chaque fois, il est ovationné. L'année dernière, à Mount Allison, les 400 personnes qui assistaient à sa conférence ont répondu au questionnaire pour obtenir leurs impressions en disant : nous devons entendre Fraser plus souvent. Tout cela fait partie du transfert de connaissances.
Nous faisons cela sans aucun soutien financier du gouvernement fédéral — nous l'avons perdu. Cependant, il y a un élan dans beaucoup de milieux au Canada et c'est encourageant. Ma famille ne prêche pas seulement en paroles, mais aussi en argent. Dans notre fondation familiale, nous avons décrété que le développement de la petite enfance est l'unique mission de la fondation. Un jour, ce sera une fondation importante. Elle n'a pas aujourd'hui l'ampleur que nous voudrions, mais nous serons en mesure d'agir. Sa mission consistera notamment à renforcer la capacité communautaire.
Pour revenir à votre question, oui, nous devons en effet sortir des sentiers battus et obtenir en premier l'adhésion des collectivités. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont un rôle à jouer, mais il est important de rassembler en un tout la mosaïque d'activités au niveau communautaire. Il existe un document dans lequel on dit qu'il faut passer du chaos à la cohésion et amener tous les gens à mettre la main à la pâte. Nous essayons de faire un tout de cette mosaïque, pour que tous travaillent à l'unisson au niveau communautaire.
Certaines composantes sont sacrées. Cependant, les collectivités doivent fournir ce service conformément à leurs propres besoins, qu'elles soient rurales, urbaines ou multiculturelles. Nous ne pouvons pas reproduire cela à l'identique, mais nous pouvons et nous avons effectivement des composantes qui répondent aux besoins de développement.
Il y a de l'activité actuellement. Je trouve excitant ce qui se passe dans l'est du Canada, où les besoins sont probablement les plus grands. Tout cela se passe au niveau communautaire, mais tout à coup, le gouvernement provincial est entré en jeu et veut faire sa part. Il y a de l'activité au bureau du premier ministre de la province et sur le terrain, dans les collectivités. Nous allons commencer à bâtir à partir de nos points forts pour montrer à d'autres collectivités comment cela peut se faire.
Dr Mustard : J'ajoute à cela que le chiffre de 18,5 milliards de dollars que je vous ai donné pour un programme universel de développement de la petite enfance et de parentage comprend du personnel de grande qualité, payé au moins au même taux que les enseignants du niveau primaire. De plus, cela englobe un congé parental subventionné pendant 18 mois. Voilà ce que coûte le programme. Vous pourrez dire que c'est beaucoup d'argent, mais voyez quel sera le coût pour la société en aval, si nous ne faisons rien. C'est pourquoi vous devez vous entretenir avec un économiste comme James Heckman, parce que je ne suis pas sûr que la plupart de nos économistes comprennent cette situation, bien que certains jeunes commencent maintenant à la comprendre.
Le gouvernement d'Australie-Méridionale avait rassemblé neuf fonctionnaires âgés de moins de 30 ans. Ils venaient de différents ministères et on leur avait demandé de s'entretenir avec moi. Ils devaient ensuite proposer un plan d'action au gouvernement d'Australie-Méridionale. Ils étaient jeunes et n'étaient pas ancrés dans un fief ou une discipline en particulier, mais leur rapport ressemble beaucoup au mien. C'est une autre stratégie que vous pourriez peut-être envisager d'adopter.
Étant donné le lourd bagage que transportent les professionnels qui sont dans la carrière depuis longtemps, devriez- vous maintenant commencer à intégrer des gens plus jeunes dans votre structure de gouvernance, si vous voulez accélérer le mouvement? Je pense que vous devriez le faire. Vous êtes une bande de vieux bonzes. Vous pouvez vous en faire le champion, sénateur Keon.
Le sénateur Cook : Merci à tous les deux d'avoir aiguillonné mon cerveau ce matin.
On en a beaucoup parlé et je vais le lire dans votre rapport à la page 9. Je viens de la province de Terre-Neuve-et- Labrador, et notre premier ministre a lancé un plan social stratégique de 10 ans qui englobe de nombreux éléments, notamment le développement de la petite enfance. Je vais limiter ma question au leadership.
Docteur Mustard, vous avez dit que vous ne saviez pas comment vous y prendre parce que vous n'êtes pas politicien. Eh bien, notre défi, à titre de membres du comité, est de formuler des recommandations qui transmettront un message clair en fonction de la réalité. Qui assume le leadership dans ce dossier? Quels sont les catalyseurs qui pourront nous faire passer du chaos à la cohésion? Des normes nationales seraient-elles un tel déclencheur? Je sais que je semble répondre à ma propre question. Est-ce que des normes nationales pourraient constituer un déclencheur? L'éducation serait-elle un déclencheur pour ceux qui travaillent dans ces programmes? Où se situent les organisations à but lucratif et à but non lucratif? Quels sont les éléments déclencheurs que notre comité devrait recommander dans son rapport, pour nous faire passer du chaos à la cohésion? Si vous pouviez nous indiquer une ou deux pistes de solution, ce serait utile.
Dr Mustard : Je vais essayer. Vous posez une question fondamentale. Pour revenir à ce que Mme McCain disait tout à l'heure, nous avons créé le conseil parce que je n'ai pas le don d'ubiquité. Je ne peux pas sillonner continuellement le pays. Je me déplace assez fréquemment d'un bout à l'autre de notre pays. La semaine dernière encore, je suis allé en Alberta et en Colombie-Britannique pour défendre ce dossier. Maintenant, je ne peux pas voyager constamment.
C'est pourquoi le conseil a mis sur pied un programme de bourses d'étude attribuées à des représentants des collectivités qui veulent être nos partenaires, que nous voulons aider à mieux comprendre la problématique et à défendre la cause. Ils ont de l'interaction avec des politiciens, comme nous l'a appris Mme McCain, quand elle nous parlait des Maritimes, et ils sont en contact l'un avec l'autre. Je suis heureux que le gouvernement du Nouveau- Brunswick ait amené les deux autres gouvernements à participer à des discussions. J'oublie la date, mais le conseil des ministres de l'Éducation aura une conférence diffusée sur la Toile à la mi-avril. Le Nouveau-Brunswick veut diffuser l'une de mes interventions à partir de Saint John, à l'autre bout du pays. Tout cela indique qu'il y a manifestement une certaine volonté d'agir parmi les gouvernements et qu'ils exploitent maintenant leurs propres médias électroniques pour faire progresser le dossier.
Pour en revenir à votre question : il faut voir où il existe une capacité de récepteur et agir. Il faut aussi s'entourer de gens qui comprennent que ce modèle peut fonctionner dans une collectivité. Mon fils, qui vit sur une exploitation rurale au Cap-Breton, est un champion dans ce domaine. Il se rend jusqu'au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince- Édouard. Il ne va pas à Terre-Neuve parce que c'est un peu plus compliqué. Selon nos normes, il vit sous le seuil de la pauvreté. Toutefois, il dirige une propriété familiale dans des conditions optimales et dans un endroit de haute qualité que je ne pourrais pas me permettre de bâtir moi-même. Par conséquent, il faut trouver ce type de personne un peu partout au pays. Nous en avons déniché un certain nombre qui sont prêts à se lancer. Ensuite, il faut promouvoir la compréhension de cet enjeu dans les structures de gouvernement car si l'on peut générer un mouvement suffisamment important dans les collectivités, il sera alors politiquement possible pour les gouvernements de faire quelque chose.
Le sénateur Cook : Merci. J'ai aussi fait partie de la délégation qui s'est rendue à Cuba, et cela a été une expérience magnifique. Dans mon cas, la courbe d'apprentissage a été abrupte. Depuis lors, j'y pense constamment; l'organisation de la société cubaine est tellement différente de la nôtre. Je cherche encore des éléments qui pourraient être pertinents dans notre pays.
Mme McCain : Ce qui retient l'attention, c'est leur classement en litératie, comparé au nôtre. Nous dépensons des sommes considérables pour l'éducation, et voyez nos résultats. Cuba est l'un des pays les plus pauvres du monde, et pourtant le taux d'alphabétisation et l'espérance de vie y sont très élevés. Ce sont là des éléments qui attirent l'attention des gens. Chaque fois que l'on mentionne cela, les gens dressent l'oreille et écoutent. Quarante-deux pour cent des Canadiens sont des analphabètes fonctionnels, et d'après les données scientifiques, cela est directement lié à ce qui se passe au cours des premières années de la vie.
Au sujet de la recherche de chefs de file, vous pouvez rentrer dans vos provinces respectives et vous y trouverez un chef de file. Au Nouveau-Brunswick, c'est en partie Jim Mustard qui a attiré l'attention du ministre et du sous-ministre de la Santé. Tout ce qu'il faut, c'est une étincelle pour allumer le feu et le propager. C'est en quelque sorte ce qui s'est passé. Les dirigeants veulent faire quelque chose. Il faut que vous cherchiez autour de vous qui sera le champion de cette cause dans votre province.
Le sénateur Cook : Il y a des tensions entre les garderies à but lucratif et sans but lucratif dans ma province, et peut- être ailleurs au Canada. Comment résoudre le problème? Il y a certainement une façon d'assurer une coexistence pacifique. Faut-il se tourner vers des normes nationales ou vers un organisme décernant un permis d'exercice? À qui faudrait-il s'adresser pour cela? À mon avis, nous avons besoin des deux types de centres.
Mme McCain : C'est un dialogue que nous avons eu avec l'ancien gouvernement. Je demeure d'avis que les fonds publics ne devraient pas servir à financer des organismes à but lucratif. Nous ne pouvons pas soudainement éliminer les centres à but lucratif, mais je crois fermement qu'ils ne peuvent opérer en fonction de la recherche de profits. Ils doivent respecter des critères liés aux résultats pour les enfants. C'est primordial; l'enfant doit avoir préséance, comme c'est le cas dans le réseau des écoles indépendantes.
Les enfants fréquentent des écoles indépendantes de haute qualité. Elles ne reçoivent pas un sou du gouvernement, mais elles respectent les normes gouvernementales. Il faut qu'il en soit de même pour les centres de la petite enfance à but lucratif.
Il se peut que cela arrive, mais nous ne sommes pas prêts pour les établissements à grande surface. Les critères ne sont pas encore en place. Si nous leur ouvrons la porte et que nous essayons par la suite d'imposer rétroactivement des critères dans le réseau, nous aurons d'énormes difficultés. Toutefois, à ce moment-là, ils vont réduire le nombre de couches qu'ils mettent aux enfants. Ils ne vont pas les changer, à partir du moment où ils arrivent jusqu'après l'heure du repas du midi. Ils économisent sur le nombre de couches. Il leur importe peu que les enfants souffrent d'érythème fessier. Ce n'est qu'un petit exemple.
Dr Mustard : J'aimerais intervenir. Je suis médecin, tout comme votre vice-présidente. Au milieu des années 1880, la ville de Londres a été frappée par un virus gastro-intestinal — le choléra. Les responsables de la santé publique se sont dit qu'un facteur en causait la propagation. À l'époque, Londres n'avait pas de système universel d'eau potable ou d'égout. Finalement, le Dr John Snow a compris que la pompe de Broad Street était la cause de la propagation de cette maladie. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il a compris que c'était là ce qui se passait. Au bout du compte, on a compris que c'était l'eau de la pompe qui propageait la bactérie. Depuis lors, toutes les sociétés civilisées ont un réseau d'alimentation en eau. Ces réseaux ne sont pas gratuits mais ils existent parce qu'on ne peut se permettre de causer du tort à la population.
Si l'on considère le développement de la petite enfance sous le même angle, comme un moyen d'améliorer la qualité de la population à laquelle on ne veut pas causer du tort, le concept est le même. C'est comme investir les deniers publics dans une stratégie visant à s'assurer que toute la population est protégée d'une maladie. On peut tout de même avoir son propre système d'égout et d'alimentation en eau à Londres, si l'on veut.
Toutefois, The Economist, un magazine qui n'est pas connu pour ses positions de gauche, mais plutôt pour ses positions de droite, a publié un article sur ce sujet il y a trois ou quatre ans. On y disait qu'étant donné que le développement de la petite enfance est crucial pour le développement global, il devrait être financé par l'État. J'ai été sidéré. L'auteur disait que si les sociétés avaient appris comment financer l'éducation à même les fonds publics, tout en ayant un réseau d'établissements privés parallèle mais assujetti aux mêmes normes, cela pourrait fonctionner.
C'est cette perspective qu'il faut adopter. Nous sommes en présence d'un besoin universel pour la société. Il y a des écarts de revenu, et on ne veut pas que le système soit bureaucratique au point de perdre toute souplesse. Par conséquent, on souhaite que le secteur privé adhère aux normes en vigueur car il peut parfois innover mieux qu'un système subventionné par l'État. L'idéal serait d'avoir un équilibre intelligent. Maintenant que Terre-Neuve est sur le point de devenir une province riche, vous avez la possibilité de prendre les devants et de donner l'exemple au reste du pays.
Mme McCain : Je peux vous parler du premier site, à Toronto, qui a fait l'objet d'une évaluation. Il y en avait cinq, mais les quatre autres ont été pris en charge par le gouvernement provincial. Il en reste un, qui fonctionne de façon indépendante, mais sous l'égide de l'Institute for Child Study de l'Université de Toronto. Nous apprenons énormément de cette expérience sur la façon de mettre en oeuvre et de développer un environnement de haute qualité.
Le label de qualité s'articule autour des éléments recensés par le Dr Mustard en Nouvelle-Zélande : la qualité des employés; la nurturance et la stimulation qu'ils offrent. Nous tirons de précieuses leçons sur la façon de surmonter les obstacles professionnels et de travailler avec les parents.
Les pères emmènent les enfants le matin et les reprennent le soir, ce qui leur donne l'occasion de s'entretenir avec les dispensateurs de soins. Nous n'avons pas encore trouvé le moyen de permettre aux hommes d'allaiter, mais ils peuvent toucher les enfants, les cajoler et leur faire la lecture, ce qui est de la plus haute importance. Nous parlons des parents et pas nécessairement des mères. Toutefois, la santé des mères au cours de la grossesse est cruciale, tout comme au cours de la première année de l'allaitement. Je crois que ma phrase était plutôt bancale.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Ce fut un moment privilégié. Nous sommes ravis que vous soyez venus. Vous nous avez tous enrichis énormément. Comme je l'ai mentionné, comme je tiens vraiment à passer du temps de qualité avec le Dr Mustard, il a eu la bonté de me permettre de venir le voir pour m'entretenir avec lui.
Dr Mustard : Je ne « permets » pas que vous veniez, je l'exige.
La vice-présidente : Je suis à vos ordres.
Honorables sénateurs, nous devons poursuivre la séance à huis clos pour approuver deux rapports qui ont été déposés. Docteur Mustard et madame McCain, nous vous invitons à vous joindre à nous pour le repas dans la salle d'à côté. Docteur Mustard, je vous verrai avant d'aller à la Chambre.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.