Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 4 - Témoignages du 6 mars 2008
OTTAWA, le jeudi 6 mars 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé, ainsi qu'à examiner, pour en faire rapport, les questions d'actualité des grandes villes canadiennes.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenu au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui, nous examinons les villes, l'itinérance et le logement.
[Traduction]
Notre comité a deux sous-comités : l'un étudie la santé des populations et l'autre, les défis de taille auxquels font face nos grandes villes. Puisque cette réunion porte sur la pauvreté, le logement et l'itinérance, qui sont des problèmes communs aux deux sous-comités, nous avons décidé de nous réunir au complet.
Nous nous appuyons également sur certains travaux antérieurs effectués par le Sénat en matière de pauvreté. Citons notamment le rapport de 1971 préparé sous la responsabilité du sénateur David Croll, de même que le rapport de 1997 du sénateur Cohen intitulé La pauvreté au Canada : le point critique.
Par ailleurs, notre étude vient s'ajouter aux travaux menés actuellement par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présidé par le sénateur Fairbairn, qui siège aussi à notre comité. À la demande du sénateur Hugh Segal, nous nous attaquerons donc au problème de la pauvreté rurale. Nous espérons conjuguer le plus possible nos efforts dans ce dossier.
Comme je l'ai dit, sous les thèmes généraux de la pauvreté, du logement et de l'itinérance, la séance d'aujourd'hui portera plus particulièrement sur la question du logement, mais ils sont tous liés. Nous avons parmi nous trois éminents experts, qui prendront chacun la parole pendant cinq minutes environ. Permettez-moi de vous les présenter. Tout d'abord, au milieu, vous avez la mairesse de London en Ontario, Mme Anne Marie DeCicco-Best, qui est ici aujourd'hui en qualité de coprésidente du Groupe de travail sur le logement du Caucus des maires des grandes villes, un groupe que je connais bien, de la Fédération canadienne des municipalités (FCM). En janvier 2008, la FCM a publié son quatrième rapport thématique sur la qualité de vie dans les villes canadiennes intitulé Logement abordable et itinérance : tendances et enjeux.
Ensuite, de Vancouver — ils ont moins de neige que nous —, nous accueillons M. Don Fairbairn, consultant, qui participe à la mise en œuvre du modèle de Vancouver « Streetohome », qui propose des modifications fiscales pour investir dans le logement supervisé pour attirer les entrepreneurs du secteur privé et les mécènes.
Enfin, nous entendrons M. Sean Gadon, directeur du Bureau de logement abordable de Toronto. La ville est aussi en train d'élaborer un plan exhaustif pour aménager et entretenir des logements abordables. En novembre 2007, la ville a publié un document de consultation intitulé Housing Opportunities Toronto : An Affordable Housing Framework 2008-2018 (Possibilités de logement à Toronto : Un cadre pour la création de logements abordables 2008-2018).
Mairesse Anne Marie DeCicco-Best, Groupe de travail sur le logement, Fédération canadienne des municipalités : Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis très heureuse d'être ici au nom du Caucus des maires des grandes villes et de la Fédération canadienne des municipalités pour vous parler d'un problème critique auquel nous sommes confrontés non seulement en tant que municipalités, mais aussi en tant que pays.
Au Canada, des milliers de familles cherchent désespérément un logement abordable. L'itinérance demeure un problème chronique et systémique dans les zones urbaines. Les choix sont parfois difficiles : la nourriture ou le loyer? Des vêtements pour les enfants ou le paiement hypothécaire? Ce sont là des choix que des Canadiens et leur famille ont à faire chaque mois. Le coût élevé des logements nuit également à la capacité des gens qui veulent améliorer leur situation, mais qui ne le peuvent pas, parce qu'ils n'ont pas les moyens d'avoir un endroit sûr et convenable où vivre.
Un rapport de la FCM publié à la mi-janvier, avant la parution de notre plan d'action national, a confirmé des tendances troublantes, notamment que la recherche d'un logement approprié et convenable devenait un problème même dans ce qu'on appelle la classe moyenne et que l'itinérance prenait vraiment racine dans nos villes et nos collectivités. Il ne s'agit pas là d'un simple problème social, mais d'un important problème économique. Et ce problème n'est pas uniquement local; il touche tout le pays. Je suis ici pour vous dire clairement que tous les paliers de gouvernement doivent unir leurs efforts dans ce dossier critique.
Tous les gouvernements ont des responsabilités en matière de logement, dans une certaine mesure, mais au cours de la dernière décennie, en particulier de 1994 à 1999, nous avons vu le gouvernement fédéral retirer l'aide financière qu'il accordait au logement abordable, et bon nombre de gouvernements provinciaux et territoriaux faire ensuite de même. Les municipalités canadiennes ont donc eu à faire face à ce problème en disposant de très peu d`aide.
Il faut se doter d'un plan national à long terme en matière de logement à cause de la complexité des questions inhérentes à ce problème. Les solutions à court terme proposées par la politique de logement dans notre pays ont été très utiles, mais elles n'ont pas réglé le problème.
La fin des programmes d'aide fédérale, en mars 2009, nous inquiète vivement. Si les tendances récentes se maintiennent, une baisse importante des investissements provinciaux et territoriaux suivra. Une chose est sûre : si les fonds ne sont pas renouvelés, les pertes seront importantes. Nous perdrons notamment l'élan insufflé pour trouver des solutions et les réseaux que nous avions établis dans des collectivités partout au pays.
Le Caucus des maires des grandes villes et la FCM ont travaillé ensemble à cette stratégie à long terme. Des fonds durables, à long terme, sur lesquels on peut compter, doivent maintenant lui être attribués. Il n'y a pas de choix. Le gouvernement fédéral doit continuer à faire preuve de leadership pour que des logements abordables puissent être offerts au Canada. Le plan que nous avons publié récemment est ambitieux, mais réaliste. Ses objectifs sont audacieux, mais nécessaires. Ce plan réclame des investissements de 3,35 milliards de dollars par année que pourraient se partager les trois paliers de gouvernement, le gouvernement fédéral héritant de la part du lion.
Nos priorités sont de deux ordres : d'une part, préserver et améliorer les actifs existants et, d'autre part, réduire l'itinérance et le nombre de personnes qui ont besoin de logement. Nous proposons trois options pour atteindre ces objectifs. Nous estimons qu'il serait possible d'y parvenir presque uniquement en réorganisant les dépenses. Par contre, cela ne peut se faire sans la participation du gouvernement fédéral.
La stratégie conçue par la Fédération canadienne des municipalités permettrait d'atteindre les objectifs suivants au cours des dix prochaines années. Premièrement, elle éliminerait l'itinérance chronique. Elle créerait 10 000 nouveaux logements supervisés de transition et logements abordables permanents — seulement 1 000 par année — et les mesures de soutien requises pour stabiliser les enjeux sous-jacents à l'itinérance chronique, par exemple la santé mentale et la toxicomanie.
Deuxièmement, la stratégie accroîtrait la proportion de logements abordables hors marché à 15 p. 100 des mises en chantier totales chaque année. La croissance de la population fait multiplier le nombre de ménages et, selon les estimations, 15 p. 100 de ces nouveaux ménages auront besoin de logement, soit l'équivalent de 25 000 à 30 000 ménages par année. Cet objectif vise la création d'un nombre suffisant de logements pour stabiliser ces besoins.
Troisièmement, elle réduirait les besoins impérieux de logement de 25 p. 100 d'ici dix ans. Plusieurs formules devront être employées, notamment l'aide au loyer et à l'accession à la propriété, la construction de nouveaux logements ainsi que l'acquisition et la préservation de logements existants afin d'accroître le parc de logements abordables hors marché.
Le quatrième objectif consiste à préserver et à moderniser le parc de logements sociaux du Canada à raison de 20 000 par année et à renouveler les subventions actuelles. Le tiers du parc actuel de logements sociaux, soit 200 000 logements environ, est menacé. Cet objectif vise à en assurer la préservation et la modernisation et à faire en sorte que les subventions seront renouvelées pour que ces logements demeurent abordables.
Notre cinquième objectif vise à prolonger le Programme d'aide à la remise en état des logements, ou PAREL, afin de remettre en état 10 000 logements par année. Ainsi, les propriétaires-occupants à faible revenu et les personnes atteintes d'incapacités continueraient à bénéficier d'une aide pour remettre en état leurs logements, et les propriétaires du marché locatif privé, y compris d'immeubles de maisons de chambres, pourraient effectuer les travaux voulus pour satisfaire aux normes minimales tout en maintenant des loyers abordables.
Ces objectifs sont ambitieux. Mais selon notre étude, il est possible de les réaliser si nous nous engageons à faire du logement une priorité, pas seulement une année à la fois, mais en permanence. Ce qui fait défaut au Canada, ce ne sont pas tant les investissements dans le logement que l'engagement à long terme à s'attaquer au problème pour trouver une solution.
Je ne le dirai jamais assez : le problème chronique de l'itinérance et le manque de logements abordables ne sont pas seulement des problèmes d'ordre social, mais aussi des problèmes économiques. Ils grugent les ressources limitées des gouvernements municipaux et compromettent la vigueur économique des villes qui sont les moteurs de la croissance économique, de la compétitivité et de la productivité du Canada.
Comme je l'ai mentionné au début, tous les programmes d'aide fédérale doivent se terminer en mars 2009. Le gouvernement fédéral doit mettre fin à l'incertitude chronique qui entoure la question du logement abordable et faire preuve d'un fort leadership en s'engageant à adopter une stratégie à long terme.
Le rapport de la Fédération canadienne des municipalités a été transmis aux ministres responsables du logement aux paliers fédéral, provincial et territorial. Nous exhortons tous les gouvernements à s'attaquer à ce problème et à travailler de concert avec les municipalités pour trouver une solution durable.
La FCM et les administrations municipales sont prêtes à faire leur part. Nous vous remercions de votre intérêt et nous espérons que vous nous aiderez à atteindre nos objectifs à long terme. Merci.
Don Fairbairn, consultant, Ville de Vancouver : Je suis ravi de témoigner devant votre comité ce matin. J'aimerais discuter avec vous de l'initiative intitulée « Streetohome » qui a été lancée à Vancouver. Cette dernière est axée sur le logement supervisé pour les sans-abri. Nous croyons qu'en nous employant à faire participer les collectivités et à réduire ce qu'il en coûte pour faire des dons, nous pouvons augmenter considérablement le financement de bienfaisance, accroître le leadership et la sensibilisation pour veiller à mettre fin à l'itinérance à long terme.
Je souhaite commenter les observations de la mairesse DeCicco-Best sur la nécessité de prendre en charge non seulement le problème, mais aussi la solution. Nous croyons que nous devons faire pression pour amener les citoyens des collectivités à faire leur part. Nous avons l'habitude au pays de nous fier au gouvernement pour régler ces problèmes. Comme citoyens, si vous vivez dans une ville et subissez les conséquences indirectes de l'itinérance, en raison des difficultés économiques et sociales, et si les sans-abri vivent dans vos quartiers, nous sommes d'avis que c'est à vous et à nous, en tant que membres de la collectivité, de régler le problème.
Ce que nous voulons vraiment, c'est d'amener les collectivités à partager cet avis. Selon nous, nous devons réaliser quelques objectifs pour y parvenir. Tout d'abord, nous devons encourager les salariés à revenu moyen et les petites entreprises, de même que les bien nantis et les grandes sociétés à nous accorder leur confiance, des ressources et du leadership. Le hic, c'est comment pouvons-nous gagner leur confiance?
À notre avis, c'est en faisant participer les membres de la collectivité. Comment les faire participer? Nous estimons qu'il s'agit là du défi classique qui consiste à regrouper les intérêts des organismes à but non lucratif, des différents paliers de gouvernement et des organisations gouvernementales, de même que des chefs de file communautaires. Nous proposons deux façons d'y parvenir : d'une part, mettre sur pied une fondation, une entité plus traditionnelle et, d'autre part, créer un moyen de placement.
Parlons un peu des salariés à revenu moyen, qui n'ont pas beaucoup de capitaux et n'ont pas nécessairement beaucoup de ressources à offrir, mais qui sont très inquiets. Souvent, ce sont des parents qui travaillent, se sentent menacés et éprouvent de l'insécurité parce qu'ils ne savent pas quoi faire.
Nous nous sommes assuré le concours d'une grande banque canadienne, qui a accepté de créer les comptes de l'initiative « Streetohome ». Il s'agira de comptes de dépôt. Les déposants y placeront leurs capitaux; ceux-ci seront à eux et ils pourront les retirer quand ils en ont besoin, mais les intérêts sur les sommes déposées seront versés à la fondation « Streetohome ». De cette façon, nous croyons que la banque convaincra ses clients que c'est une noble cause, qu'il y a des raisons d'avoir confiance et de donner. Individuellement, ce n'est peut-être pas énorme, mais collectivement, ce pourrait être considérable.
Pour ce qui est des bien nantis et des grandes entreprises, nous sommes d'avis qu'il faut réduire ce qu'il en coûte pour faire des dons. Si vous ne pouvez pas persuader les gens d'investir, vous rendez ordinairement les investissements plus attrayants. En plus de réduire le coût des dons, nous offrirons aux gens la possibilité d'être des chefs de file. Nous ne diminuerons pas le coût des dons simplement en faisant un chèque. Ce que nous disons, c'est que vous pouvez réduire le coût de vos contributions en investissant. Vous saurez ainsi si des logements supervisés sont effectivement offerts.
S'ils ne sont pas fournis adéquatement, si les services de soutien ne sont pas bien fournis, ce qu'il en coûtera pour faire vos dons sera plus élevé. Dans le cas contraire, il sera moindre. Ce n'est pas tant que ces individus en profiteraient que le coût de base de leur contribution serait subordonné à la capacité des fournisseurs de logements à but non lucratif et de l'ensemble du système d'assurer des services de soutien de manière adéquate et efficace.
Nous proposons d'y arriver grâce à une structure de société en commandite qui exigerait d'apporter des modifications à la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu. Nous avions espéré que ces modifications seraient incluses dans le dernier budget. Elles ne l'ont pas été, mais nous continuerons de travailler dans le cadre de la structure proposée ou d'une structure pour veiller à ce que nous puissions atteindre cet objectif.
C'est vraiment grâce à ces deux initiatives, à ces deux idées — pour gagner la confiance des salariés à revenu moyen et rendre une participation plus attrayante pour les bien nantis et les sociétés — que nous croyons pouvoir amener l'ensemble de la collectivité à assurer un leadership et à sensibiliser les gens.
La sensibilisation est essentielle. Nous reconnaissons tous que les sans-abri ne constituent pas un groupe de pression puissant. Ils ne sont pas un groupe de pression. La majorité ne vote pas. Trop occupés à se disputer les maigres ressources, leurs défenseurs à l'heure actuelle ne collaborent pas nécessairement de manière efficace. Nous sommes d'avis que l'ensemble de la collectivité doit être leur porte-parole. C'est d'ailleurs dans son intérêt de le faire. Nous n'avons qu'à lui faciliter les choses pour qu'elle le fasse.
Je vais vous donner un exemple qui montre pourquoi nous croyons que cette démarche fonctionne. À Vancouver, nous avons amassé 75 millions de dollars de nouveaux investissements faits par des bien nantis, conditionnels aux modifications fiscales fédérales. La Ville de Vancouver s'est engagée à investir 50 millions de dollars dans 12 terrains achetés un dollar, ce qui est sans précédent. La ville a accepté de supprimer les taxes foncières et les frais d'aménagement. Ces terrains permettront de construire 1 200 unités de logement supervisé et abordable.
Comme je l'ai mentionné, une grande banque canadienne créera des comptes pour l'initiative « Streetohome ». Si cela fonctionne à Vancouver, nous croyons que cela pourrait fonctionner ailleurs. Là encore, nous pensons que pour régler le problème, nous ne pouvons pas continuer à compter sur les gouvernements fédéral et provinciaux pour obtenir du financement. Comme citoyens, nous ne pouvons pas continuer à leur demander de régler ce problème pour nous. C'est avec cet objectif en vue que nous travaillons fort pour mettre en œuvre « Streetohome » à Vancouver, partout dans la province de la Colombie-Britannique, avec l'engagement de la banque, dans chacune des banques du secteur financier — et, bien sûr, si nous réussissons, à la grandeur du pays.
Sean Gadon, directeur, Bureau du logement abordable, Ville de Toronto : Au nom de la Ville de Toronto, je suis heureux d'être ici pour faire un exposé sur le logement abordable et l'itinérance. Au nom du maire, David Miller, et des membres du Conseil municipal, je tiens à vous féliciter d'avoir inclus le logement abordable dans vos travaux prioritaires.
Étant donné qu'autour de 1,4 million de ménages canadiens a besoin de logements, dont plus de 200 000 dans la seule ville de Toronto, la nécessité d'adopter une stratégie nationale est réelle et urgente. Je suis ici aujourd'hui pour témoigner des progrès que nous réalisons par l'intermédiaire du partenariat en matière de logements abordables entre la Ville de Toronto, la province de l'Ontario et le gouvernement du Canada.
Cette année, environ 2 500 personnes à faible revenu auront une nouvelle vie grâce à la création de 1 000 nouveaux logements abordables à Toronto, rendue possible grâce à des investissements fédéraux dans le cadre du programme de logements abordables. Par ailleurs, près de 700 familles et particuliers torontois vivront dans des maisons plus sûres et mieux entretenues, grâce à des investissements effectués par l'entremise du Programme fédéral d'aide à la remise en état des logements. En outre, depuis trois ans, quelque 1 500 sans-abri de Toronto ont trouvé un logement grâce à la Stratégie fédérale des partenariats de lutte contre l'itinérance.
Enfin, en raison des investissements à long terme du gouvernement fédéral par l'entremise du programme national de logement social, plus de 250 000 Torontois continueront à vivre dans des logements abordables et sûrs.
Ces programmes nationaux de logement abordable et d'aide aux sans-abri, ainsi que les résultats positifs qu'ils produisent sont ni plus ni moins que des radeaux de sauvetage en matière de logement pour les familles et les particuliers qui ont été abandonnés à la dérive dans les turbulences d'un marché de l'habitation dont ils ne peuvent soutenir la concurrence ou qu'ils ne peuvent s'offrir.
Je suis ici aujourd'hui pour témoigner du fait qu'il est indispensable de poursuivre les programmes nationaux de logement et les initiatives pour les sans-abri afin que Toronto continue de prospérer tout en offrant des possibilités pour tous.
Pour faire progresser tous nos efforts, nous venons de publier un accord-cadre sur le logement abordable, appelé Housing Opportunities Toronto. J'en ai apporté des exemplaires pour vous aujourd'hui. Nous y préconisons une approche à long terme pour des logements abordables ainsi que des investissements suffisants et durables, et recommandons des mesures précises à prendre par les trois gouvernements.
Lorsque nous nous sommes penchés sur l'incidence des investissements dans le logement abordable, nous avons découvert le pouvoir que confèrent ces investissements à la collectivité. Nous avons découvert que les logements abordables favorisent et soutiennent quatre principaux objectifs : le développement économique, la viabilité sur le plan environnemental, des quartiers où il est agréable de vivre et des gens en bonne santé. Ils favorisent le développement économique en permettant aux travailleurs clés d'habiter où ils travaillent ainsi qu'en attirant de la main-d'œuvre qualifiée et de nouveaux arrivants. Ils assurent une viabilité sur le plan environnemental en réduisant les coûts énergétiques pour les familles à faible revenu et en diminuant les niveaux de consommation d'énergies polluantes. Ils créent des quartiers où il est agréable de vivre en encourageant les communautés de revenus mixtes et de meilleurs résultats pour les personnes à faible revenu, y compris en soutenant la sécurité communautaire dans les quartiers prioritaires. Le dernier mais non le moindre, ils favorisent la bonne santé des gens en faisant la promotion de la santé mentale et physique, et en réduisant les pressions sur notre système de santé.
En 2007, les trois ordres de gouvernement ont investi 716,8 millions de dollars dans des programmes de logement abordable et d'aide aux sans-abri à Toronto. Ce sont des programmes essentiels. Dans notre stratégie Housing Opportunities Toronto, nous laissons entendre que, au fil du temps, 469 millions de dollars de plus par année seront nécessaires pour répondre aux besoins de logement non satisfaits de 200 000 ménages.
D'importants investissements s'imposent si nous voulons aider les sans-abri et les locataires, construire de nouvelles habitations, réparer les maisons existantes et fournir une aide à l'accession à la propriété. Aujourd'hui, seulement une semaine après la présentation du budget fédéral, nous avons encore besoin d'un signe, d'un engagement de la part du gouvernement fédéral, à savoir que celui-ci continuera à fournir des logements aux citoyens ayant des revenus faibles ou moyens. En 2008, comme l'a indiqué la mairesse de London, nous avons besoin d'un engagement renouvelé à l'égard des initiatives fédérales clés qui doivent prendre fin en mars 2009 : le programme de logements abordables, la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance et le Programme d'aide à la remise en état des logements. Nous exigeons la relance de l'investissement du financement fédéral au titre du logement social pour aider à réparer et à remettre en état les 90 000 unités de logements sociaux de Toronto. D'autres investissements dans de nouveaux logements abordables rapporteront des avantages énormes et permettront de construire une ville plus saine et plus forte.
C'est pourquoi, dans notre mémoire prébudgétaire, nous avons demandé à Ottawa :
[...] de livrer un plan d'action national dans le dossier du logement et de l'itinérance qui renouvellerait et renforcerait les investissements fédéraux à long terme, et fournirait une aide financière de 3,35 milliards de dollars chaque année, partagée entre tous les ordres de gouvernement.
Il faut un investissement fédéral pour revitaliser les coopératives d'habitation publiques bâties il y a 40 ou 50 ans. La société de logement communautaire de Toronto a commencé le travail par le réaménagement de Regent Park — une initiative d'un milliard de dollars menée au centre-ville de Toronto. Il reste encore beaucoup à faire. Il faut également un investissement fédéral pour exploiter le potentiel des logements abordables proposés pour la première fois il y a vingt ans dans West Don Lands, dont quelque 1 200 ont besoin d'un financement dans le cadre du renouvellement du secteur riverain de Toronto. À l'heure actuelle, nous n'avons pas l'argent, mais les terrains sont la propriété de l'État. Nous essayons de réaliser cet objectif depuis 20 ans. Nous sommes prêts à aller de l'avant, mais nous avons besoin de l'aide du fédéral.
Ce ne sont là que deux exemples des possibilités et des occasions que pourraient créer de nouveaux investissements dans le logement abordable. En collaboration avec notre secteur privé et nos partenaires communautaires, nous sommes fin prêts à faire cela et bien plus encore pour y arriver. Une fois de plus, je tiens à féliciter et à remercier le comité de son soutien dans l'étude de ce problème aujourd'hui.
Le président : Je vous remercie des observations que vous avez faites au sujet du financement durable, madame la mairesse, et je conviens qu'il est absolument nécessaire. Nous sommes dans un état d'incertitude qui nous inquiète tous un peu.
M. Gadon a présenté un certain nombre de statistiques qui montrent que la Ville de Toronto réalise des progrès en matière de logement. Il a parlé du nombre d'unités, mais je ne peux faire autrement que de penser que pour chaque pas en avant, nous faisons un pas en arrière, car les listes s'allongent. La liste d'attente à Toronto compte presque 70 000 personnes. Certains attendent de cinq à dix ans. Ce chiffre est le même depuis un certain temps maintenant et ce n'est pas encourageant. Comme vous l'avez dit à la fin de votre déclaration, il est certainement évident qu'il reste encore beaucoup à faire. Nous entendons aussi parler des unités à Toronto qui sont difficiles à habiter ou à attribuer à des gens à cause des rénovations qui doivent être effectuées au préalable.
Vous avez tous parlé des programmes fédéraux actuels qui prendront fin dans un an. Croyez-vous que ces programmes devraient être renouvelés tels qu'ils sont aujourd'hui ou envisagez-vous une nouvelle approche pour dépenser ces fonds? Voulez-vous que certaines modifications soient apportées au type de programmes ou d'aide fédérale?
Je constate la formation du partenariat dans différentes parties de la collectivité à Vancouver. Bien entendu, nous avons envisagé la participation du secteur privé dans la collectivité. Par ailleurs, M. Philip Mangano, qui a pris part à la conférence de la FCM l'an dernier à Calgary, comparaîtra ici ce printemps pour discuter du modèle américain à l'égard de l'itinérance. Je remarque également une observation qu'a formulée Cathy Crowe, une infirmière de rue de Toronto, qui affirme ne pas aimer son modèle. Voici ce qui la préoccupe :
La planification et le financement de services pour les sans-abri, pour reprendre ses propres paroles, visent maintenant à chasser les itinérants des rues tout en réduisant le nombre de lits dans les refuges et en limitant les services d'urgence offerts aux sans-abri.
Elle s'inquiète du fait qu'on accorde trop d'importance aux sans-abri visibles dans les rues — aux itinérants chroniques —, comparativement à bien d'autres qu'on ne voit pas dans les rues.
Mme DeCicco-Best : Un an, c'est court. Nous devons à tout le moins avoir un signe que le financement existant continuera d'être versé après mars 2009. La raison même pour laquelle le Caucus des maires des grandes villes de la FCM a fait de ce dossier l'une de ses priorités nationales, c'est qu'on nous présente toujours à la dernière minute, année après année, une stratégie nationale en matière de logement qui nous met dans la même situation. Nous espérons être en train de stimuler le type de dialogue où l'on demandera au gouvernement fédéral et à toutes les parties, car c'est un problème qui transcende toutes les parties, de faire en sorte que nous ayons un programme à long terme avec un financement durable sur lequel nous pouvons tous compter.
Le plan que nous avons rendu public ne réglera pas tous les problèmes. Il ne comprend pas tous les détails que certains aimeraient avoir, mais nous essayons de mettre en place un cadre que nous pourrions présenter aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux comme point de départ. Il faut que ces gouvernements assument le rôle de chef de file pour élaborer une stratégie la plus flexible possible pour répondre aux besoins, avec le type de financement que nous recherchons, pour que chaque collectivité et chaque province puissent l'adapter à sa situation. À tout le moins, nous devons savoir que du financement sera prévu dans un an. Nous espérons que d'ici là, le gouvernement interviendra et élaborera un plan à long terme, et nous voulons tous y participer.
Nous n'avons pas dit qu'il faut que ce soit uniquement du financement du gouvernement fédéral. En fait, sur les 3,35 milliards de dollars dont il est question dans notre plan, près de 2 milliards sont déjà injectés dans le système. Nous voulons que cela continue, mais il y a une marge de manœuvre, car nous enregistrons des budgets excédentaires que tout le monde considère comme étant du financement additionnel qui pourrait être disponible pour avoir quelque chose à plus long terme.
Je peux vous donner un exemple de London. On nous demande souvent : Si le gouvernement fédéral s'occupe de tout, que feront les municipalités? La ville de London a investi deux millions de dollars environ dans de nouveaux logements abordables, verse 12 millions supplémentaires chaque année aux programmes existants et a élaboré un cadre local, qui ressemble beaucoup à celui de Toronto, de Vancouver et d'autres villes. Le premier objectif vise à construire 1 200 nouvelles unités de logement abordable d'ici 2010. Nous avons déjà largement dépassé les 700 unités. Nous n'avons pas attendu que d'autres gouvernements participent. Nous avons essayé de jouer un rôle de chef de file à l'échelle locale parce que nous savons que ce problème ne disparaîtra pas. Toutefois, nous ne pouvons pas continuer de maintenir ce programme une année à la fois et de nous demander ce qui se passera à la dernière minute. Pour répondre sincèrement à votre question, c'est un peu des deux, mais nous envisageons un engagement à long terme de la part du gouvernement.
M. Fairbairn : Il est clair qu'il faut une certaine prévisibilité. Ces investissements sont difficiles à obtenir et exigent de longs délais d'exécution. Il est difficile d'essayer d'établir où investir les maigres ressources à l'échelle municipale si nous ne sommes pas certains de recevoir les fonds. C'est sûrement le cas pour les cinq prochaines années, ce qui est normalement le temps qu'il faut pour élaborer un plan, changer le zonage et obtenir l'accord des quartiers pour y situer des logements supervisés et abordables. Ce n'est pas un problème à court terme. En raison du manque de garantie et de disponibilité du financement, il est difficile d'aller de l'avant en toute confiance. Je fais certainement écho aux propos de la mairesse DeCicco-Best.
Pour ce qui est des propos de l'infirmière de rue, Cathy Crowe, ses préoccupations sont légitimes. La difficulté ici, c'est de déterminer où concentrer les maigres ressources. S'il n'y a qu'une quantité donnée de ressources à allouer dans le domaine des logements sociaux, qu'est-il logique de faire? Qu'est-ce qui importe le plus aux gens? D'après la majorité des personnes à qui nous avons parlé, il est difficile pour les résidents de la ville de comprendre le problème du logement social ou de faire quoi que ce soit pour le régler. La solution dépend non seulement du financement de la part des gouvernements fédéral et provinciaux, mais aussi d'un vaste levier économique. Elle dépend des changements apportés aux politiques, des approches à l'égard du financement de l'assistance sociale, du recyclage, de l'industrialisation et de toute la gamme des leviers politiques dont dispose l'appareil gouvernemental.
Par ailleurs, chaque citoyen peut profiter de sa contribution pour s'attaquer au problème des sans-abri visibles. On peut bien nous reprocher de nous concentrer sur l'itinérance visible, mais s'il est une chose que nous pouvons réussir à régler en tant que collectivités, c'est bien l'élimination de l'itinérance dans les rues.
À Vancouver, nous ne nous concentrons pas uniquement sur l'itinérance visible dans le cadre de ce programme. Nous collaborons avec le gouvernement provincial. Nous espérons travailler à la mise sur pied d'un tribunal communautaire. L'idée derrière la fondation « Streetohome », c'est que chaque province, ville et autorité sanitaire nomme des administrateurs professionnels indépendants. Nous sommes actuellement à la recherche de ces administrateurs.
La fondation offrirait une entité transparente et comptable, où les situations qui mènent directement à l'itinérance peuvent être mieux gérées. Citons notamment le cas de ceux qui sont laissés pour compte parce que l'appareil judiciaire ne peut rien pour eux ou ceux qui sont internés en psychiatrie après avoir été amenés en ambulance et évalués. À leur sortie deux ou trois jours plus tard, il n'y a personne pour les aider et ils se retrouvent de nouveau à la rue.
Pour ce qui est de la possibilité de régler des problèmes communautaires graves et visibles, nous sommes d'avis qu'il faut effectivement se concentrer là-dessus, peut-être au détriment d'autres éléments du continuum du dilemme du logement. Là encore, comme membres de la collectivité, où devrions-nous placer nos capitaux et notre leadership? La réponse qu'on nous donne la plupart du temps, c'est de les placer dans le problème de l'itinérance visible.
M. Gadon : J'aimerais adopter une perspective plus vaste : on pourrait résoudre les problèmes d'itinérance dans notre pays, mais on aurait quand même une crise du logement. De nombreux Canadiens vivraient encore dans des logements qu'ils ne peuvent se permettre de payer ou qui sont en piteux état. À titre d'exemple, je porte à votre attention la collectivité autochtone. Comme nous le savons tous, bon nombre des Autochtones vivent dans des logements dont la qualité laisse hautement à désirer.
Selon moi, l'approche relative à ce problème doit être axée non pas sur la lutte contre l'itinérance, mais sur le logement. Il faut s'assurer que chaque personne au Canada a accès à un logement décent et abordable. Tel devrait être l'objectif ou le but canadien que nous essayons d'atteindre, ou le principe selon lequel il devrait y avoir, en effet, un certain mécanisme pour venir en aide aux gens, peu importe s'ils vivent à Corner Brook, à Toronto, à North Bay ou à Burnaby.
En ce qui concerne les programmes en vigueur aujourd'hui, le Programme d'aide à la remise en état des logements, le PAREL, existe depuis les années 1970. De toute évidence, il s'agit d'un bon programme dont le renouvellement ne devrait pas être remis en question tous les ans. L'Initiative de lutte contre l'itinérance, pour sa part, a vu le jour en décembre 1999. Ce programme particulier est extraordinaire parce qu'il favorise l'innovation et la créativité à l'échelle locale; dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral accorde un financement en fonction d'un plan communautaire, mais c'est la collectivité qui décide des priorités, reconnaissant que celles-ci diffèrent selon la collectivité. Soixante et une collectivités de partout au pays participent à cette initiative. Il s'agit d'une initiative qui encourage l'innovation, la créativité et l'engagement; ce sont les gens au niveau local qui aident à résoudre leurs problèmes.
Le Programme Canada-Ontario de logement abordable, une initiative annoncée en 2000, est un autre exemple d'important programme de logement. Dans ce cas-ci, c'est trop prescriptif. Malgré une nouvelle offre sur le terrain, dans les collectivités à la grandeur du pays, nous constatons en effet que, comme c'est principalement lié au loyer moyen sur le marché imposé par la SCHL, ces logements ne sont pas abordables pour les 66 000 Torontois qui se trouvent sur notre liste d'attente. Dans de tels cas, nous avons besoin d'une initiative complémentaire qui aide à ramener les loyers à un prix abordable. Au lieu d'offrir une unité de deux chambres à coucher à Toronto pour 1 100 $, le programme devrait ramener le loyer à environ 600 $ parce que c'est ce que peut se permettre de payer une famille ayant un revenu annuel de 20 000 $ ou de 25 000 $. Si c'était moins prescriptif, nous pourrions mieux gérer ces questions à l'échelle locale.
S'il y a un message à retenir de tout cela, c'est que nous devons penser d'abord aux gens, à leur lieu de résidence et à leurs besoins. Dans le cadre de notre programme « Streetohome », qui a aidé 1 500 personnes à quitter la rue ces trois dernières années, nous nous sommes adressés à ces gens pour leur demander ce qu'ils aimeraient avoir ou ce dont ils ont besoin pour résoudre leur problème d'itinérance. La réponse qu'on nous a donnée est la suivante : « Je veux un logement. Je ne veux pas un lit d'hébergement. Je ne veux pas qu'on m'envoie dans un hôpital ou dans un établissement psychiatrique. » C'est assez simple. C'est ce à quoi nous devons travailler.
Le président : Je vais maintenant donner la parole à mes collègues, en commençant par le vice-président, le Dr Keon, d'Ottawa.
Le sénateur Keon : Merci. Vos exposés m'ont beaucoup plu. Depuis des années, je m'intéresse aux inégalités sociales, surtout aux inégalités en matière de santé. En ce qui concerne les centaines de programmes qui ont été créés aux paliers fédéral, provincial et municipal, je suis arrivé à la conclusion que le principal obstacle pour résoudre les inégalités sociales, et M. Gadon a mis le doigt dessus, c'est le manque d'organisation à l'échelle communautaire. Nous utilisons le mot « collectivité » à toutes les sauces, mais nous ne savons pas vraiment ce qu'il signifie parce qu'on ne dispose pas d'une définition des collectivités au Canada.
Si nous pouvions avoir plus de développement communautaire, particulièrement dans les mégavilles, alors les gens à l'échelle communautaire pourraient se rassembler et s'entraider considérablement et développer un sentiment de fierté à l'égard de leurs logements et des quelque dizaines de déterminants sociaux qui aident à transformer leur vie, en passant de la dépendance à la productivité.
Monsieur Fairbairn, vous avez dit que c'était aussi le cas à Vancouver. J'ai appris, dans un autre témoignage, qu'on est en train de démolir des logements dans les quartiers pauvres du centre-ville à Vancouver, sans aucun plan de remplacement.
Ce qu'il faut faire collectivement dans l'ensemble du gouvernement et des ONG, c'est tout d'abord d'essayer de répartir le Canada en collectivités à partir du palier fédéral-provincial-municipal et d'assurer une intégration verticale de ces dernières dans les divers ordres de gouvernement.
Grâce à l'énorme possibilité d'intégration horizontale à l'échelle communautaire, on peut rejoindre les individus, comme on l'a mentionné, et satisfaire à leurs besoins plutôt que de déployer un gros programme de haut en bas qui soit déconnecté de ceux-ci.
J'aimerais que vous trois me donniez votre avis, et j'espère que vous partirez d'ici avec un engagement envers une certaine stratégie capable de définir les collectivités en mesure de corriger les inégalités sociales au Canada.
M. Gadon : Quelqu'un a mentionné Philip Mangano, le conseiller du président des États-Unis en matière d'itinérance au United States Interagency Council. Je me dis que c'est là un exemple de leadership fédéral. Grâce au travail de M. Mangano, il existe probablement maintenant plus de 300 différentes collectivités américaines qui s'occupent de trouver des solutions à l'itinérance. Comme je l'ai dit tout à l'heure, 61 collectivités participent depuis 1999 au Programme des partenariats de lutte contre l'itinérance au Canada.
Je crois qu'il existe une grande volonté de la part des collectivités à résoudre ces problèmes — et c'est certainement le cas dans la ville de Toronto et à la lumière des travaux que j'ai réalisés partout au pays. Leur voix ne se fait peut-être pas entendre aussi fort à l'échelle fédérale parce que les gens n'envisagent pas de s'adresser aux paliers fédéral, provincial et territorial pour résoudre ces problèmes; il n'en demeure pas moins que ce sont eux qui fournissent le pain et le beurre à nos conseils municipaux et aux organismes œuvrant dans les rues.
Tout ce que nous demandons, à vrai dire, c'est de continuer les partenariats et le leadership des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour que le travail que nous avons commencé puisse se poursuivre. Plus particulièrement, pour ce qui est du logement, ce n'est pas quelque chose qu'on peut planifier en une semaine, en un mois ou en une année. Il faut acheter le terrain, embaucher un architecte et faire construire un bâtiment. Ce sont des initiatives pluriannuelles qui nécessitent ce genre d'engagements. Je peux vous assurer qu'au palier communautaire et municipal, ce n'est pas la volonté communautaire et politique qui manque.
Mme DeCicco-Best : Lorsque je regarde notre stratégie de logement dans la ville de London, elle a donné, dans une grande mesure, des résultats positifs parce que nous avions obtenu des fonds fédéraux et provinciaux. Sans ce financement, je peux vous assurer que nous n'aurions pas pu aller de l'avant avec notre stratégie. Chaque nouveau complexe domiciliaire que nous avons construit dans le cadre de notre nouvelle stratégie de logement abordable a toujours fait participer un organisme sans but lucratif et d'autres organismes ayant de l'expérience dans le domaine. Même si nous avons pu obtenir un financement des trois ordres de gouvernement pour les aider à mettre en branle le projet, dans bien des cas, ce sont des gens à l'extérieur de la municipalité qui l'administrent.
Ce qui importe, et ce que nous constatons, c'est que les règles varient beaucoup d'une province à l'autre. Cela m'a intéressée d'entendre M. Fairbairn dire qu'on avait pu offrir des incitatifs non imposables en Colombie-Britannique parce que je sais qu'on ne peut pas le faire en Ontario.
Ces questions sont traitées très différemment d'une province à l'autre. Voilà pourquoi nous avons besoin de flexibilité dans toute stratégie de logement. Il faut l'établir de façon à ce que chaque collectivité puisse s'attaquer à ses problèmes à sa manière. Ainsi, Toronto aura un centre d'intérêt bien particulier et une perspective tout à fait différente parce qu'on y trouve plus de sans-abri.
À London, notre liste d'attente pour des logements abordables comprend environ 3 500 personnes. C'est beaucoup pour une ville de 350 000 habitants. Nous avons fait un excellent travail parce qu'il y avait auparavant 4 000 personnes sur la liste d'attente. Nous faisons des progrès, mais nous sommes presque rendus à un point où, les fonds étant quasiment épuisés, nous n'avons nulle part où nous tourner parmi les autres paliers de gouvernement. Nous ne pourrons pas continuer à fournir des fonds aux organismes à but non lucratif pour qu'ils construisent des logements ni à contribuer aux subventions, le cas échéant, pour permettre aux gens de payer les loyers du marché, et cetera.
Lorsque M. Gadon évoque l'argument que les gens ont besoin d'un chez-soi et que la solution réside dans le logement, il faut dire que bon nombre des personnes qui feraient également partie de ces programmes subsistent actuellement d'un chèque de paye à l'autre. Il ne s'agit pas toujours uniquement de la personne qui se retrouve littéralement dans la rue ou de la personne qui a une maladie mentale ou même de la personne qui a des problèmes de drogue. Dans bien des cas, nous avons des gens qui travaillent, mais dont le gagne-pain leur permet à peine de payer leur loyer. S'ils subsistent d'un chèque de paye à l'autre, nous avons l'obligation de les garder loin de tous les autres programmes de subventions gouvernementales auxquels ils se fieront en les aidant, un tant soit peu, à payer leur loyer ou leur hypothèque, à rester chez eux et à subvenir aux besoins de leurs familles.
Les programmes doivent être flexibles, mais nous ne pensons d'aucune manière qu'il s'agit uniquement d'un problème gouvernemental. Nous y avons fait face dans notre collectivité. Je sais que d'autres collectivités, en tout cas celles que je connais en Ontario, ont adopté la même approche.
M. Fairbairn : Merci pour vos observations, sénateur Keon. Vous avez fait quelques observations relativement à la ville de Vancouver lorsque vous avez dit avoir entendu dans des témoignages précédents, qu'on démolissait des logements au centre-ville de Vancouver, sans pour autant les remplacer. Je vais vous donner quelques chiffres pour essayer de mettre cette question en contexte.
Au centre-ville, on compte environ 5 000 unités d'hôtel. C'est ainsi que je les appelle. On les désigne comme des « hôtels d'hébergement en chambres individuelles », ou HHCI. Ils sont composés de pièces de 10 pieds sur 10 pieds qui sont très vieux. Leur construction remonte au début de l'ère industrielle de la ville de Vancouver. Voilà donc les bâtiments qu'on est en train de démolir. Au cours de la dernière année, la province de la Colombie-Britannique a acquis 950 de ces unités. Elles sont maintenant remises en état dans le cadre d'un effort de financement conjoint entre la ville de Vancouver et la province, et il y aura également un financement fédéral pour aider à la rénovation de ces 950 unités.
Les douze sites dont j'ai parlé tout à l'heure comprennent la construction de 1 200 nouvelles unités de logement supervisé et abordable. En gros, plus de 2 000 unités contribueront grandement à remplacer l'inventaire des 5 000 pièces de 10 pieds sur 10.
Malgré la perte de logements, il y a un plan, et des efforts considérables sont déployés pour remettre en état ou remplacer l'inventaire des HHCI. C'est un défi de taille à cause du coût élevé des terres et de la construction au centre- ville de Vancouver.
J'aimerais également commenter votre observation selon laquelle, si je puis la reformuler, il faut essayer de ramener la solution au niveau de l'individu. C'est vraiment un environnement complexe. Nous avons des gens qui ne vont pas bien. Il y a des problèmes de santé qui entrent en jeu, de même que des questions de capacité individuelle. On reconnaît que les gens ne sont pas tous handicapés au point de ne pas pouvoir travailler. Bon nombre des sans-abri travaillent. Cette image d'un organisme supérieur qui vient imposer une solution correspond précisément à l'image que de nombreux citoyens se font, et nous savons que cela ne fonctionnera pas.
Je vais parler uniquement de Vancouver, si vous me le permettez. Un des gros problèmes, c'est l'absence d'un organisme ou d'un ministère gouvernemental qui est responsable de la solution. Il faut la collaboration du ministère de la Santé, du Procureur général, du ministre du Logement et du ministre de l'Aide à l'emploi et au revenu. Les gouvernements n'excellent pas dans l'art de piloter des programmes qui répondent aux besoins des individus, mais ils sont capables de gérer des programmes basés sur un budget ayant des objectifs ministériels. Leurs objectifs ne tiennent pas compte des individus qui se déplacent à travers le système. Un de nos arguments, c'est que nous devons, tout comme M. Gadon l'a proposé, répondre aux besoins des individus. Les gouvernements n'y parviennent pas. La meilleure approche consiste à transférer la prestation de services au niveau communautaire. Toutefois, la seule façon d'y arriver efficacement, c'est de donner l'assurance aux organismes participants qu'ils auront des fonds sur une période de plus de 12 mois.
La majorité de ceux qui offrent des services sociaux essentiels à la survie du logement de qualité travaillent pour des organismes sans but lucratif; ils ne disposent pas de groupes de ressources humaines, et les travailleurs de soutien eux- mêmes donnent le meilleur d'eux-mêmes chaque jour, n'obtenant pratiquement rien en retour et sans que leurs efforts soient reconnus.
La Fondation Streetohome appuiera les travailleurs de soutien, leur offrant des conseils et de la formation et intercédant auprès des intervenants et des organismes gouvernementaux dont j'ai déjà parlé afin d'assurer la prestation adéquate de services de soutien.
Si des personnes influentes et nanties investissent là-dedans, notre cause bénéficiera de défenseurs formidables. Ces gens s'adresseront aux premiers ministres, peu importe leur allégeance politique, et leur diront « Nous avons contribué à vous porter au pouvoir. Le capital que nous avons investi est menacé. Nous attendons davantage de vous. »
Vous conviendrez que le financement doit continuer de venir des ordres de gouvernement supérieurs, mais la responsabilité entourant la prestation de services doit relever de la collectivité.
[Français]
Le sénateur Pépin : Si je comprends bien, chaque communauté, chaque ville doit être en mesure de résoudre ses problèmes et travailler avec les différents groupes. Les gouvernements fédéral et provinciaux ne sont pas capables de le faire à leur place.
Si les villes pouvaient travailler avec les différents intervenants de leur communauté, le gouvernement fédéral n'aurait seulement qu'à assurer le financement sur plusieurs années. Les villes pourraient alors établir le programme de base nécessaire à la construction de logements. Votre responsabilité serait alors d'aider les sans-abri.
Est-ce le seul ou le meilleur rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer, soit de financer le programme pendant tant d'années? Ainsi les villes n'auraient pas à se préoccuper de cette question. Le problème serait réglé à la base pour chacune de vos communautés.
[Traduction]
Mme DeCicco-Best : Nous voulons évidemment que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en matière de financement. Pour ce qui est de la dernière question, je crois que les municipalités ont besoin d'une certaine souplesse sur le plan du développement ou qu'elles doivent recourir à ce programme pour satisfaire aux besoins des citoyens et avoir cette marge de manœuvre.
Néanmoins, je crois toujours que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Il ne s'agit pas simplement d'injecter des fonds pendant cinq ans puis disparaître. Nous espérons que tous les ordres de gouvernement uniront leurs efforts. Ce partenariat doit être formé à l'instigation du gouvernement fédéral, car c'est une question nationale. Lorsque des gens vivent dans la rue ou habitent un logement mais ont à peine les moyens de payer le loyer ou encore, comme l'a fait remarquer M. Gadon plus tôt, vivent dans des logements insalubres, la situation est préoccupante à bien des égards. C'est une chose que d'avoir un toit, c'en est un autre que de vivre dans une chambre de 10 pieds par 10 pieds qui tombe en ruine. C'est indigne. Ce n'est pas mieux que de vivre dans la rue.
À mon avis, le gouvernement fédéral devait faire du logement une priorité et agir en conséquence, en plus d'élaborer une stratégie à long terme, fort d'un financement durable et fiable. Nous voulons collaborer avec chaque province afin que cette stratégie soit suffisamment souple pour répondre aux besoins de chaque ville.
Par le passé, certains programmes étaient si normatifs qu'il était difficile d'en tirer quoi que ce soit. Ils étaient si chers à mettre en œuvre et répondaient si peu aux besoins qu'il était presque préférable de ne pas en avoir du tout ou de les contourner. Il ne suffit par de réclamer des fonds; il faut que le gouvernement admette que le logement constitue un problème dans notre pays.
Lorsque nous parlons des municipalités, nous les décrivons toujours comme un moteur de l'économie. Nous devons régler la question du logement si nous voulons nous battre à l'échelle mondiale, pour nos entreprises, nos emplois, la richesse et la force économique de notre pays. Nous voulons que le gouvernement fédéral en prenne l'initiative et qu'il fasse preuve de leadership.
Je suis prête à lui attribuer tout le mérite. Nous n'avons pas besoin de félicitations, à l'échelle locale, mais nous devons stimuler la discussion au moyen de la politique de la Fédération canadienne des municipalités et du Caucus des maires des grandes villes parce qu'aucun plan viable à long terme n'a été proposé depuis au moins 10 ans. Tout le monde est concerné. Le gouvernement fédéral doit prendre les devants et reconnaître qu'il y a une crise du logement. C'est un point de départ.
M. Fairbairn : Pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral, il ne fait aucun doute qu'il faut absolument faire preuve de leadership en matière de financement, pas seulement symboliquement, mais concrètement.
Ce qui est intéressant, quand on compare le financement annuel ou pluriannuel aux fonds fournis dans le cadre d'un régime fiscal, c'est de voir le fardeau administratif que doivent supporter les organismes et les particuliers qui se tournent vers les programmes de subventions. Ces programmes ont leur place. La majorité du financement fédéral passe par eux; cependant, plusieurs organismes sans but lucratif affirment que 20 p. 100 de leurs frais généraux administratifs découlent de demandes de financement. Certains avancent même des chiffres plus élevés. Voilà qui me semble totalement inefficace.
Même si nous croyons que le financement pluriannuel a un rôle à jouer, nous préconisons une réforme fiscale ciblée qui permettrait aux particuliers et aux collectivités d'investir s'ils le désirent. Nous croyons qu'au lieu que le gouvernement fédéral redistribue les recettes fiscales, il serait possible, grâce à une réforme fiscale très ciblée et bien gérée, de stimuler les investissements ce qui n'est pas le cas actuellement.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement et les hypothèques structurées courantes offrent un important rendement, qui varie entre 6 et 7 p. 100. Rien ne nous empêche d'y ajouter une certaine part de financement des entreprises et des particuliers à un coût moindre après impôt, résultat d'une réforme fiscale.
Nous croyons que le leadership ne se limite pas à continuer d'accorder des subventions et d'accepter que le logement soit un problème national. Nous pensons qu'il faut offrir certains incitatifs fiscaux pour la construction de logements plus adéquats. Évidemment, le plus difficile consiste à régler le dilemme du logement abordable, qui coûte beaucoup plus cher. Je n'en dirai pas plus long.
M. Gadon : En ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, il faut savoir que nous connaissons une période de croissance économique soutenue depuis cinq à huit ans, qui tire peut-être à sa fin. Le gouvernement fédéral doit clairement examiner ces questions globales à la lumière de ce que l'avenir nous réserve peut-être. Si nous entrons effectivement dans une période de ralentissement économique, je puis vous assurer que nous ne sommes pas prêts à faire face aux problèmes de logement et d'itinérance.
En outre, les investissements du gouvernement fédéral dans le système de logement totalisent actuellement à peu près deux milliards de dollars. Le gouvernement fédéral aura récupéré la majorité de ces fonds d'ici environ 2030.
D'une année à l'autre, les subventions fédérales destinées aux logements sociaux construits au cours des 60 dernières années diminuent. Au lieu d'injecter plus d'argent, le gouvernement réduit ses investissements. Il me semble que le gouvernement fédéral doit non seulement être un bailleur de fonds, mais également établir un cadre national et être en mesure de planifier, puisqu'il est celui qui comprend le mieux les défis auxquels le pays est confronté.
La Fédération canadienne des municipalités et moi-même faisions remarquer que le logement n'est pas différent des routes, des ponts et des transports en commun. Il devrait faire l'objet de la même attention et de la même planification.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais vous poser des questions au sujet des programmes de logement qui prendront fin en mars 2009, c'est-à-dire bientôt. Je sais que dans ma province, et je suis certaine que la situation est la même ailleurs, il y a des listes d'attente pour certains programmes. Les délais sont parfois encore plus longs dans d'autres provinces.
Comment réagissez-vous lorsque les municipalités s'adressent au gouvernement fédéral à ce sujet? Croyez-vous que le gouvernement renouvellera ces programmes?
Mme DeCicco-Best : Nous espérions que le récent budget comprendrait des mesures concernant le logement. Il faut le reconnaître, le gouvernement fédéral a prévu un fonds permanent de la taxe sur l'essence, ce qui est une bonne nouvelle pour les infrastructures. Le budget prévoit également un programme pour les services de police et des fonds aux transports en commun, deux mesures encourageantes. Il ne semble toutefois pas y avoir grand-chose pour le logement. En fait, les organismes nationaux, répartis un peu partout au pays, se sont montrés très critiques à l'égard du budget et s'inquiètent. En effet, un an avant la fin des programmes, on sent déjà souffler un léger vent de panique au sein des organismes communautaires, qui réalisent que l'année sera vite écoulée.
Si nous insistons et tentons de saisir toutes les occasions d'attirer l'attention sur ce problème à l'échelle nationale, c'est parce que nous avons besoin d'un signal. La première chose que le président nous a demandé, c'est si nous voulons que ces programmes restent comme ils sont ou qu'ils prennent une autre forme. À tout le moins, je le répète, je voudrais avoir l'assurance que ces 2 milliards seront là après mars 2009. Deuxièmement, nous nous emploierons à établir un nouveau cadre national auquel les villes, les provinces, le gouvernement et le pays pourront adhérer pour faire du logement une priorité au Canada. Nous devons affirmer que nous mettrons tout en œuvre afin d'établir une stratégie à long terme, avec le financement nécessaire, pour faire valoir de façon convaincante que c'est prioritaire pour le pays.
Je crois que des villes comme London, Toronto et plusieurs autres vous en parleront davantage, car cette question les préoccupe au plus haut point. J'attends toujours, comme les maires des autres grandes villes, une annonce plus importante de la part du fédéral.
Le sénateur Callbeck : Je partage votre inquiétude. Comme vous le dites, le temps file, et l'absence d'engagement du gouvernement est difficile à comprendre dans l'état actuel des choses.
Le président : Les autres témoins auraient-ils des commentaires à formuler à ce sujet?
M. Gadon : En décembre 2006, le gouvernement a renouvelé pour deux ans le Programme d'aide à la remise en état des logements et l'Initiative nationale pour les sans-abri. À cet égard, on peut être quelque peu optimiste que le gouvernement croie en ces programmes. Toutefois, il existe un problème de délai en ce qui concerne les organismes qui appliquent ces programmes dans la collectivité. Il y a un énorme décalage entre une annonce d'Ottawa et sa mise en œuvre locale; parfois, cela peut prendre des mois.
Nous savons également que le renouvellement récent du programme d'aide à la remise en état et de l'initiative pour les sans-abri s'est fait en dehors d'un cycle budgétaire, et qu'il n'est pas nécessaire d'attendre jusqu'au prochain budget fédéral, en 2009. Pourquoi nous faire languir?
Je crois que le ministre fédéral rencontrera certains de ses homologues des provinces en avril. Il s'est réuni avec les ministres provinciaux et territoriaux responsables du logement en février, à Vancouver, lesquels ont demandé le renouvellement de ces programmes. Il semble y avoir un solide consensus et nous avons bon espoir que le gouvernement fédéral agira à brève échéance.
Je voudrais dire une chose à propos du budget fédéral déposé la semaine dernière. On prévoit réserver 120 millions de dollars pour la Commission canadienne de la santé mentale afin qu'elle se penche sur des questions très importantes touchant justement la santé mentale. Nous ne savons guère ce que cela représente au niveau local.
Certes, les questions entourant la santé mentale et les sans-abri sont cruciales, mais quoi qu'on en pense, le problème ne s'arrête pas là. Même si le gouvernement fédéral peut exercer son leadership à ce chapitre, les investissements ne doivent pas se limiter à cela.
Le sénateur Callbeck : J'espère que le gouvernement fédéral prendra des mesures à ce sujet, car le temps presse.
Vous avez dit espérer voir des modifications fiscales pour Vancouver dans le dernier budget, mais en vain. Ces modifications auraient incité davantage les personnes ayant un revenu élevé à investir. Pouvez-vous nous décrire brièvement en quoi consisteraient ces changements?
M. Fairbairn : La modification la plus importante et la plus laborieuse, c'est l'adoption de la loi en Chambre. Elle permettrait d'accorder aux unités de sociétés en commandite le même traitement fiscal que celui applicable aux dons d'actions des sociétés canadiennes cotées en bourse. C'est un changement que le gouvernement a effectué il y a quelques années, et cela a porté fruit. Beaucoup d'organismes de bienfaisance ont bénéficié des actions remises à titre gratuit par des sociétés cotées en bourse.
La première chose que nous demandons, c'est que soit étendue la portée de cette loi pour inclure les sociétés en commandite qui investissent uniquement dans les logements supervisés. Là aussi, il faut que ce soit très ciblé pour s'assurer qu'il n'y ait pas de pertes fiscales imprévues.
Deuxièmement, il faudrait un décret permettant des pertes de revenus locatifs durant la période d'investissement. L'autre modification serait que l'Agence de revenu du Canada établisse un règlement pour faciliter la procédure.
L'objectif principal est d'effectuer les modifications législatives nécessaires pour encadrer les dons d'unités de sociétés en commandite.
Le sénateur Callbeck : L'autre partie concernait les intérêts. Vous dites que vous avez conclu une entente avec la banque. Elle encouragera les gens à affecter leurs intérêts à votre projet.
M. Fairbairn : Nous travaillons avec l'une des plus grandes banques canadiennes, qui appuie cette initiative et qui s'occupera du marketing. La banque fera de la publicité dans chacune de ses succursales et présentera le plan à ses clients. Ces derniers pourront mettre leurs économies dans un compte Streetohome, qui serait comme n'importe quel autre compte de dépôt, sauf que les intérêts accumulés seraient redirigés vers la Fondation Streetohome ou vers n'importe quel organisme choisi par le client venant en aide aux sans-abri.
Le sénateur Callbeck : Les intérêts accumulés vont à la fondation et le client n'a pas à payer d'impôt sur le montant.
M. Fairbairn : Le client doit payer un impôt sur les intérêts; toutefois, il reçoit un reçu d'impôt pour don de bienfaisance.
Le sénateur Callbeck : Quelqu'un d'autre a-t-il déjà essayé ce programme?
M. Fairbairn : La banque dit que non. Vancity, une coopérative de crédit à Vancouver, avait un programme similaire il y a quelque temps.
Nous avons demandé aux gens de la banque s'ils croient que cela en vaudrait la peine. Ils connaissent leur clientèle et savent comment elle réagit à de telles initiatives, et ils sont optimistes. En général, bien des gens ne pensent pas vraiment aux intérêts qu'ils accumulent dans un compte, surtout lorsqu'il s'agit de conservation de titres. Les taux d'intérêt sont très bas.
La banque est aussi d'avis qu'un grand nombre de déposants pourraient être prêts à rediriger leurs intérêts. Ils estiment que c'est de l'argent frais, qui autrement ne serait pas consacré aux sans-abri. Comme je l'ai dit tout à l'heure, on doit inspirer confiance et, en l'occurrence, faciliter la contribution des gens.
Le président : J'ai une autre question à propos de ces changements fiscaux. Aux fins de notre recherche, pouvez-vous citer les articles pertinents de la Loi de l'impôt sur le revenu? Pouvez-vous faire une estimation de l'impact sur le cadre financier, c'est-à-dire de la perte de recettes sur ces comptes?
M. Fairbairn : Ce serait très long.
Le président : Peut-être pourriez-vous nous l'envoyer.
M. Fairbairn : Dans l'annexe du rapport que j'ai fourni au comité, on précise les modifications nécessaires.
En ce qui concerne l'impact financier, nous avons estimé la valeur du manque à gagner en recettes fiscales à environ 350 millions de dollars sur 10 ans. C'est le montant total et non annuel. Il n'est pas important pour le fédéral, car il y a également une incidence sur l'impôt provincial. C'est une réduction marginale. Nous croyons que ce serait très avantageux pour le gouvernement fédéral, en dépit du manque à gagner en recettes fiscales, car on pourrait investir environ entre 700 millions et 1 milliard de dollars de plus pour les sans-abri.
Le sénateur Trenholme-Counsell : Comme le Dr Keon, je suis médecin et je pense que nous faisons toujours le triage des choses. Qu'est-ce qui est urgent? Quel problème est le plus grave?
Je regarde la stratégie de la Fédération canadienne des municipalités, et je crois que le problème des sans-abri arrive en tête. À mon avis, c'est la préoccupation numéro un. Je suis allée récemment à Vancouver, à Winnipeg et à Toronto. Lorsque je parle de sans-abri, je n'écarte pas les provinces de l'Atlantique; même si le phénomène n'est pas aussi criant là-bas, il est quand même présent. Il me semble que la blessure profonde et béante, au Canada, c'est le problème des sans-abri.
Il n'y a pas que des jeunes qui soient sans-abri, il y a aussi des gens de tous âges, et même des aînés. Toutefois, il s'agit le plus souvent de jeunes. Je dirais que presque tous souffrent d'une forme quelconque de maladie mentale ou de toxicomanie. On peut probablement considérer que tous les fugueurs ont des problèmes de drogue ou de santé mentale. Je crois que ces gens souffrent tous un peu de dépression, ou sont déprimés à cause de leurs conditions de vie.
Dans notre étude sur la santé mentale, nous avons vu que le problème des sans-abri est également important. Est-ce que la Fédération canadienne des municipalités a fait de cette question sa priorité absolue en raison des points que j'ai soulevés, ou est-ce une pure coïncidence? Est-ce que cela devrait être la priorité du Canada au cours des cinq à dix prochaines années?
Je comprends également la nécessité d'avoir des logements abordables et de rénover des habitations pour les Canadiens qui en ont besoin, mais je vais en rester là.
Mme DeCicco-Best : Permettez-moi de réitérer que les cibles et la stratégie élaborées par le Caucus des maires des grandes villes et la FCM sont interdépendantes. Il ne fait aucun doute que la maladie mentale et la toxicomanie sont une partie importante du problème des sans-abri.
Vous avez raison de dire que ces maux affligent la vaste majorité des gens qui vivent dans la rue et dans les refuges ou qui vont d'un logement de transition à un autre.
Je voudrais revenir à ce que vous avez dit au sujet des personnes âgées, de même qu'à l'une de nos conclusions les plus troublantes au sujet de la classe moyenne. Nous voyons de plus en plus de personnes âgées en situation précaire. C'est désolant sur le plan social de voir qu'elles n'ont pas les moyens de se payer un logement. Certaines ont travaillé leur vie durant, ont investi et ont peut-être même élevé des familles, qui à leur tour ont contribué à l'économie, mais elles sont désormais incapables de se loger. Comme je l'ai déjà dit, elles n'arrivent pas à joindre les deux bouts parce que le peu d'aide qu'on leur offre ne suffit pas à couvrir les coûts croissants de l'habitation. Nous voyons donc de plus en plus de personnes âgées qui correspondent au profil. Ce n'est pas bon signe.
M. Fairbairn a parlé de ceux qui pourraient offrir des services ou faire partie de la solution. Il est encore plus effarant de voir que de plus en plus de gens de la classe moyenne ont des difficultés à payer leur loyer ou à rembourser leur prêt hypothécaire.
Nous voyons l'écart se creuser entre ceux qui peuvent s'offrir un toit et les autres. Cette situation rend de plus en plus urgente la création d'une stratégie en matière de logement. Plus nous tarderons à mettre en œuvre un plan à long terme, plus l'écart s'accentuera et plus la situation deviendra critique, parce que de plus en plus de gens seront touchés.
Certains de mes collègues, d'autres maires, ont la chance de se trouver dans des provinces où l'économie repose sur des bases solides et permet de créer de nombreux emplois; l'Alberta en est un bon exemple. Toutefois, ils me disent aussi que les gens ne peuvent déménager pour profiter d'emplois bien rémunérés parce qu'ils n'ont pas les moyens de se loger, le coût du logement s'étant accru en même temps que le reste. Ça ne va pas, parce que ça ne règle pas les deux aspects du problème.
J'ai parlé des cinq objectifs de notre stratégie, et le problème des sans-abri est omniprésent. C'est une priorité dans chacun des domaines. Si on omet l'un des éléments, cela a des répercussions sur les autres.
M. Gadon : Un certain nombre des stratégies misent sur la prévention. Il faut se demander pourquoi ces gens n'ont pas de toit. Un jeune qui fuit un foyer marqué par la violence ne souffre pas nécessairement de maladie mentale, mais il n'aurait certainement jamais dû se trouver dans pareille situation.
Il y a beaucoup à faire en matière de prévention. Les responsables de la santé publique le comprennent bien. Au cours des 15 à 20 dernières années, le problème s'est compliqué parce qu'on a vu apparaître différents types de sans- abri. Il ne s'agit plus seulement de clochards utilisant les services de haltes-accueils de l'Armée du Salut, mais de toutes sortes de gens, y compris des familles et des mères seules vivant avec leurs enfants dans des chambres de motel. Ce sont des conditions de vie inacceptables qui placent les gens dans un cercle vicieux. Les Américains — et nous aussi, maintenant — parlent de sans-abri chroniques pour désigner ces sans-logis par intermittence qui utilisent la presque totalité des ressources d'urgence disponibles.
Dans ces cas, il faut mettre en œuvre des initiatives bien précises, offrir soit des logements supervisés qui répondent aux besoins de chaque personne, plutôt qu'un programme à l'emporte-pièce. Il faut travailler sur le terrain pour voir quels genres de services et de soutien sont nécessaires, afin d'être ensuite en mesure de les offrir. À Toronto, nous avons découvert qu'il est possible de regrouper des services et des programmes pour permettre aux sans-abri chroniques — ceux qui vivent dans la rue depuis 10 à 15 ans et même plus — d'emménager dans des logements. Il existe des solutions.
Les parents qui vivent dans la rue avec leurs enfants risquent qu'on leur en retire la garde. Cette situation touche particulièrement les femmes, parce qu'elles gagnent moins que les hommes. Des mères partagent une chambre à deux ou à trois et vivent dans des logements sordides, seulement pour pouvoir rester avec leurs enfants. Si elles se retrouvent à la rue, on les leur enlève. De nombreuses personnes au pays sont donc des sans-abri non recensés.
Les solutions que nous proposons en matière de logement permettraient de s'attaquer à ce fléau également. Il ne faut pas voir que la partie émergée de l'iceberg et se dire que s'il n'y a pas de sans-abri dans les rues, c'est que le problème n'existe pas.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai une brève question complémentaire. Il y avait un fil conducteur dans vos déclarations, le leadership national. De plus en plus, et cela m'effraie, le leadership semble faire défaut dans ce pays. Certains disent que le problème relève des provinces et qu'il suffit de leur donner de l'argent, qu'il n'est pas nécessaire d'établir des normes, un leadership ou une vision globale parce qu'il s'agit d'un dossier relevant de la compétence provinciale.
Il incombe à des groupes comme les vôtres, tout comme à nous, d'exiger un leadership national fort. Nous le faisons dans le domaine de la santé : le sénateur Munson a réclamé une stratégie en matière d'autisme, et moi, une politique de développement de la petite enfance et des places en garderie. En ce qui concerne le logement, vous avez fait remarquer que pour changer la situation au pays, il faudrait que tous aient à cœur de régler ce problème, à commencer par le premier ministre. Êtes-vous d'accord?
Mme DeCicco-Best : Tout à fait. Je n'aurais pas pu mieux dire. J'insiste encore une fois sur le fait que si l'on considère le logement comme une question sociale, et c'est peut-être ce qui nous a nui, personne ne verra le volet économique qui y est associé. Il est impensable que notre pays puisse faire face à la concurrence mondiale, alors que les besoins fondamentaux de certains de nos concitoyens ne sont pas couverts. Je suis absolument d'accord avec vous, sénateur.
Le sénateur Munson : C'est une question de droits de la personne. Je ne voudrais pas prendre un ton mélodramatique, mais nous sommes tous conscients de nos obligations morales, éthiques et financières envers les plus démunis d'entre nous, frappés par la vie.
Est-ce que des gens meurent dans la rue ou dans des abris de fortune parce que, collectivement, nous n'en avons pas fait assez?
M. Fairbairn : Oui, sénateur. Je répondrai à votre question en faisant référence à une étude récemment entreprise par les policiers de la ville de Vancouver, qui sont les premiers intervenants. C'est par leur intermédiaire que nous offrons des soins aux sans-abri.
Des gens de la rue meurent de surdoses ou parce que leur système immunitaire est trop faible. Ils ne savent pas comment obtenir des soins médicaux. Traditionnellement, ces soins sont offerts par des cliniques vers lesquelles sont dirigées les personnes malades. Ainsi, ces gens doivent se présenter un jour donné, à une heure précise. Souvent, ils ne savent pas l'heure qu'il est, et encore moins quel jour de la semaine on est. Cette méthode conventionnelle ne nous permet donc pas d'atteindre ce segment de la population. Par conséquent, nous offrons des services d'urgence par l'entremise des policiers, puis des pompiers et des ambulanciers. L'étude de la police de Vancouver a révélé que plus de 30 p. 100 des appels dans toute la ville au cours d'une période de deux semaines concernaient des gens qui ont été considérés, selon une évaluation subjective mais statistiquement pertinente, comme souffrant d'une maladie mentale. Au centre-ville, c'était plus de 50 p. 100. À l'hôpital St. Paul, qui est situé dans le centre urbain et offre quotidiennement des soins à la majorité des sans-abri, des gens décèdent tout simplement en raison de leur très mauvais état général, attribuable à des problèmes de santé ou au manque d'accès à des soins.
Je n'ai pas de statistiques à vous donner, mais ça se produit tous les jours, et c'est inacceptable.
M. Gadon : La santé physique et mentale de même que l'espérance de vie d'une personne sans abri sont compromises. Je ne peux pas vous dire à quel âge meurent ces gens en moyenne, parce que je ne suis pas médecin, mais tout au long de ma carrière, j'ai rencontré de nombreuses personnes dans cette situation. Je les ai encouragées et j'ai essayé de trouver des solutions à leurs problèmes, parce qu'elles méritent de vivre plus longtemps et dans de meilleures conditions. Toutefois, ce n'est pas possible tant qu'elles sont dans la rue.
Ces gens vulnérables sont attaqués, heurtés par des voitures et maltraités. À Toronto, à côté d'une église du centre- ville, un monument a été érigé à la mémoire de centaines de sans-abri morts dans la rue ou vivant dans des conditions exécrables. Je ne peux pas vous donner d'exemple précis, mais ça se produit.
Le sénateur Munson : Nous avons parlé d'un leadership national. J'imagine que personne ne sait si un plan pancanadien est en cours de préparation. Je ne voudrais pas donner un caractère trop personnel à la discussion, mais j'ai un fils qui travaille dans le marché ByWard, ici-même à Ottawa, où il s'est lié d'amitié avec un poète de la rue. Il a d'ailleurs apporté quelques-unes de ses merveilleuses œuvres à la maison. L'homme en question a mené une vie extraordinaire, et pourtant, il vit aujourd'hui dans la rue, emmitouflé pour se protéger du froid des derniers jours.
Nous avons entre autres parlé des entrepreneurs locaux. Qui saisit les occasions, prend les initiatives et passe à l'action? D'où vient l'argent? À Vancouver, il y a 75 millions de dollars qui ne font rien, à part générer quelques intérêts. Qui tend la main à ces poètes de la rue et défend leur droit au logement?
Je ne sais pas comment faire pour que les propriétaires, de petits magasins comme de grandes banques, assument leurs responsabilités et prennent des mesures concrètes. J'ignore comment nous y arriverons.
M. Fairbairn : À Toronto, on a réussi à attirer les gens à l'intérieur, en quelque sorte. L'année dernière, à Vancouver, un programme de sensibilisation direct parrainé par le gouvernement provincial et la municipalité a été couronné de succès. Une ou deux personnes réussissent vraiment à interagir avec les sans-abri à Vancouver. L'une d'entre elles est Judy Graves, une employée municipale. Elle sait comment communiquer avec les gens. Elle leur tend la main et, en très peu de temps, établit une relation de confiance qui ne pourrait exister autrement entre un sans-abri chronique et une personne dite normale ayant un domicile fixe.
Il faut avoir des aptitudes particulières, notamment beaucoup d'empathie à l'endroit des itinérants et la capacité de communiquer avec des personnes démunies au point de se sentir plus souvent en sécurité dans les rues qu'ailleurs.
Il s'agit d'un programme de sensibilisation. Celui-ci est efficace et consiste à offrir un logement aux itinérants. Il est conçu pour renforcer leur confiance et leur fournir du soutien. Environ 350 personnes ont été logées l'an dernier dans le cadre de ce programme. Près de 80 p. 100 d'entre elles demeurent logées. Cela est possible grâce à des personnes hautement qualifiées et dévouées qui inspirent confiance et qui offrent une bien meilleure alternative à l'itinérance.
Le sénateur Munson : Quel est le rôle du secteur privé dans ce programme?
M. Fairbairn : Le secteur privé ne participe aucunement à ce programme. Ce sont la ville et le gouvernement provincial qui le financent.
Le sénateur Munson : Le secteur privé devrait-il avoir un rôle à jouer dans un tel programme? Nous avons discuté avec les émissaires américains que nous avons rencontrés à Calgary, à l'occasion du congrès de la FMC, et ceux-ci m'ont impressionné. Il semblait y avoir des cas de réussite dans certains des quartiers défavorisés des États-Unis.
M. Gadon : En ce qui concerne les initiatives menées à Toronto, le secteur privé verse beaucoup de dons à des organismes de bienfaisance de longue date tels que les YW et l'Armée du Salut. Ceux-ci recueillent des dons et les consacrent à leurs activités de bienfaisance.
Le secteur privé est responsable de certains de nos programmes de logement. Il y a entre autres des programmes pour entrepreneurs destinés en particulier aux jeunes. Par exemple, Eva's Initiatives, dans l'ouest de la ville, a un atelier d'imprimerie où les jeunes y apprennent un métier dans l'industrie des communications graphiques. Des entreprises offrent des mentorats et enseignent les rudiments d'un métier aux personnes à risque et sans abri. Il y a toutes sortes d'initiatives en place. Bon nombre d'entre elles sont innovatrices, mais précaires en même temps.
Au début de mon exposé, j'ai parlé de la somme de travail qui doit être abattue dans ce dossier. Même les partenariats et les alliances sont difficiles; ils nécessitent du travail. Imaginez les multiples partenaires et les efforts qui doivent être déployés pour réussir. Je vous ai donné quelques exemples des types de programmes que nous essayons de soutenir. Ce sont des programmes tellement utiles. Ceux-ci sont offerts à l'échelle locale avec la participation des gouvernements et du secteur privé.
Le sénateur Munson : Les listes d'attente, comme vous nous l'avez dit aujourd'hui, s'allongent. Nous reconnaissons que ce sont de bons programmes. Toutefois, les chiffres que vous nous avez fournis sont ahurissants.
M. Gadon : Tout à fait. Ce que je veux que vous reteniez aujourd'hui, c'est que la série d'initiatives qui ont été entreprises donnent des résultats. Le travail de la FMC nous laisse croire qu'il faut exploiter ces possibilités.
Mme DeCicco-Best : Je suis d'accord avec mes collègues pour dire que de nombreux organismes à but non lucratif, des promoteurs et autres veulent participer à ces types de projets. Ils s'intéressent à ces initiatives particulières parce qu'ils savent bien ce qui arrive à une ville lorsque sa jeune population est sans abri ou incapable de se payer un logement.
En ce qui concerne les organismes dont a parlé M. Fairbairn, les organismes de première ligne qui se vouent à cette cause seront les plus durement touchés si le financement prend fin. Ceux-ci viennent en aide à des personnes qui ont des besoins particuliers et qui sont les plus vulnérables dans leur communauté.
Les organismes connaissent bien les gens qui vivent dans la rue. Si, par exemple, je prends connaissance d'un projet qui pourrait permettre de loger un certain nombre de personnes, tout ce que j'ai à faire, c'est de communiquer avec les organismes en question. Ceux-ci font partie d'un réseau incroyable qui connaît les itinérants. Ils savent qui sont les personnes qui ont des besoins particuliers, notamment des problèmes de santé mentale ou de dépendance, et à qui les confier pour qu'elles reçoivent de l'aide. On n'a pas besoin de chercher bien loin pour trouver des gens dans le besoin.
Le sénateur Munson : Je suppose que nous pourrions trouver des promoteurs qui ont du cœur.
M. Gadon : Vous avez parlé de M. Mangano aux États-Unis. Son groupe a découvert que les services de police ne pouvaient rien faire pour régler le problème, et je suis ravi qu'il n'en ait pas été question au cours de la discussion de ce matin.
Lorsque j'ai parlé avec des policiers locaux, et je pense que c'est le cas également à Vancouver, ils m'ont dit qu'ils voulaient ce genre de soutien. Ils ne veulent pas être en première ligne pour régler ces problèmes. C'est la même chose pour les hôpitaux et les autres services d'urgence; ils souhaitent que ces programmes fassent en sorte que les gens aient moins recours à leurs services plutôt que d'être mis en conflit avec eux.
Le sénateur Fairbairn : Madame la mairesse, je pense que la Fédération des municipalités canadiennes est l'une des plus importantes associations au pays. Elle rend un énorme service à ses collectivités. Je constate que plus les années passent, plus vous avez de l'entrain; vous ne participez pas à ces réunions de façon passive. Vous faites valoir vos idées de façon dynamique auprès de tous les ordres de gouvernement. Nous avons un bon maire à Lethbridge, en Alberta, et celui-ci considère que la dernière réunion a été des plus fructueuses.
Ce qui rend le problème encore plus difficile à régler, c'est que de nombreuses villes y sont confrontées. Par exemple, l'un d'entre vous a parlé de Calgary et des sables bitumineux. Les gens viennent des quatre coins du pays pour se trouver un emploi à Calgary. Trop souvent, ils arrivent en pensant obtenir un travail manuel qui leur offrira toute la sécurité à laquelle ils aspirent, une maison, et cetera. Une fois rendus là-bas, ils réalisent vite qu'on n'a pas réellement besoin de travailleurs manuels étant donné que l'exploitation des sables bitumineux dépend en grande partie de la technologie de pointe. Dans le domaine des sables bitumineux, on est davantage à la recherche de gens hautement qualifiés et spécialisés en informatique et ainsi de suite.
Parmi les gens qui s'amènent en Alberta pour décrocher un emploi, il y a ceux qui font partie des 40 p. 100 de Canadiens qui ont du mal à lire et à écrire. Ceux-ci ne peuvent pas rivaliser avec les autres Canadiens de partout au pays pour obtenir ces postes remarquables. À ce chapitre, Calgary éprouve de grandes difficultés et se retrouve avec des gens à la rue qui ne savent pas où aller.
On ne ménage aucun effort. Ces dernières années, les divers ordres de gouvernement ont contribué à régler bon nombre de ces questions, n'empêche qu'il s'agit d'un énorme problème. La situation est bien différente de l'image qu'ont les gens.
Il est fort probable que Vancouver tire parti des Jeux olympiques et paralympiques. Je me demande dans quelle mesure cela permettra d'aider les sans-abri. Je ne parle pas seulement de Vancouver, mais aussi des autres villes sur la route qui mène à Vancouver, étant donné que des gens du monde entier viendront nous visiter.
Je me demande si la tenue des Jeux olympiques permettra à Vancouver et à d'autres villes de cette province de mettre au jour la situation des itinérants. Ce serait possible de le faire.
Comme mes collègues l'ont indiqué, bon nombre de ces gens ont d'autres problèmes. Toutefois, le fait de sortir et de prendre part à ce qui pourrait être une chose très énergique et positive à un moment où c'est tout à fait le contraire — non seulement au sein de votre localité, mais aussi partout ailleurs au pays — pourrait avoir un grand impact.
Mme DeCicco-Best : Tout d'abord, merci d'avoir reconnu le travail du Caucus des maires des grandes villes et de la FMC. Nous avons un regain d'énergie. J'ignore si on m'a envoyée parce que je représente une plus petite localité. J'ai proposé de coprésider la question du logement il y a un peu plus d'un an, parce que j'estimais qu'il s'agissait d'une question d'intérêt national. Étant donné qu'il n'y a pas seulement les mégavilles qui sonnent l'alarme, les gens comprennent que cette situation touche des villes de toutes tailles; il ne s'agit pas uniquement de Vancouver, Toronto, Montréal et Calgary. J'éprouve un grand respect pour toutes ces villes, car c'est principalement grâce à elles si nous avons pu attirer l'attention du pays sur nous. Par contre, les petites localités sont aux prises avec les mêmes problèmes.
Nous espérons pouvoir réaliser des progrès grâce au Caucus des maires des grandes villes et à la vigilance dont nous faisons preuve pour veiller à ce que ces questions soient à l'avant-plan des préoccupations du gouvernement. Nous l'avons vu ailleurs. Ces cinq ou six dernières années, nous avons assisté à des progrès plus que jamais auparavant. Cependant, c'est parce que nous n'abandonnons jamais. Si on ne prend pas d'engagement, dans le cadre d'un budget ou d'une déclaration, nous continuons à en faire la demande.
Comme ces questions nous concernent, vous continuerez de voir le Caucus des maires des grandes villes sonner l'alarme et mener la lutte dans ce dossier. Pour ce qui est de Calgary, le maire est un membre actif du caucus. De toute évidence, même si certains secteurs de l'Alberta sont très prospères, il reste que cette province a des besoins. Il faut parfois voir plus loin que cela. Vous avez raison : il y a des gens qui vont là-bas en espérant pouvoir gagner beaucoup d'argent, mais une fois rendus, ils réalisent qu'ils doivent faire face aux mêmes problèmes. Le coût de la vie et le coût du logement sont peut-être trop élevés. Les gens doivent toujours composer avec ces réalités. C'est pourquoi nous essayons de faire de ce dossier une priorité au pays, et pas seulement dans une ville ou une grande ville à la fois. Cela nous affecte tous.
M. Fairbairn : Merci, sénateur Fairbairn, pour vos remarques, particulièrement en ce qui a trait à Vancouver.
Je pense que les Jeux olympiques et paralympiques ont suscité le débat public à propos des difficultés auxquelles sont confrontés les quartiers défavorisés de Vancouver. Depuis des années, ce dossier est au centre des préoccupations des localités, de la ville, de la province et du gouvernement fédéral. Cependant, à l'approche des Jeux olympiques, il n'y a jamais eu autant d'intérêt à l'égard de ce dossier.
La province a fait preuve d'un fort leadership en essayant d'accroître ses investissements, tout comme la ville. Par contre, le problème ne sera pas réglé à Vancouver lorsque le monde entier aura les yeux rivés sur les Jeux olympiques. Aujourd'hui, des journalistes internationaux sont en ville. Dan Rather y était il y a quelques semaines. Les citoyens et les gouvernements seront embarrassés sur de nombreux aspects. Le problème est si intense et difficile qu'on n'arrivera pas à y remédier d'ici aux Jeux olympiques. Ce serait une erreur que d'envisager cette possibilité. Il faut investir judicieusement et bien structurer les programmes afin que ceux-ci soient efficaces et durables et profitent à ceux qui en ont besoin. Nous ne pouvons simplement pas cacher ces itinérants pour faire plaisir au monde entier.
Étant donné l'ampleur du problème, les délais d'exécution, la quantité des investissements et la restructuration des services, nous ne parviendrons pas à régler le problème à temps. Cela va dans les deux sens. Dans une certaine mesure, ce sera gênant pour les habitants de Vancouver et du reste du Canada. En revanche, je pense que le fait qu'on jette la lumière sur ces problèmes nous poussera à les régler.
Même si la tenue des Jeux olympiques motive les gens à agir, elle ne donnera pas lieu à une solution.
Le sénateur Fairbairn : À mon avis, les jeux eux-mêmes donneront un bon coup de pouce à la province et à la ville. Cela comprend aussi les Jeux paralympiques parce qu'ils sont remarquables. Ils donnent de l'espoir aux personnes handicapées de Vancouver. Les Jeux paralympiques démontrent qu'il y a moyen de bien vivre et de faire des choses excitantes.
Vous passerez certes de bons moments, mais je comprends ce que vous dites : même si ces jeux seront extraordinaires, ils ne règleront pas vos problèmes. Ils peuvent toutefois susciter une prise de conscience qu'il n'y avait pas auparavant.
M. Fairbairn : Notre maire serait ravi de vous entendre. Merci.
Le président : Permettez-moi de vous parler de ces personnes qui vivent dans un logement qui n'est pas abordable et qui n'est pas nécessairement décent. Par exemple, il y a 67 000 personnes à Toronto qui sont sur la liste d'attente. Certaines d'entre elles devront attendre jusqu'à dix ans. On voit tout de même des résultats, mais l'attente est très longue et les progrès se font lentement. Nous ne savons même pas si ces programmes seront reconduits l'année prochaine. Par conséquent, cela ne fait qu'ajouter à l'incertitude dans laquelle nous nageons.
Que peut-on faire pour réduire ces listes d'attente? Les suppléments au loyer sont-ils un élément clé de la solution? Qu'en est-il des propriétés à bon prix? Nous avons eu du succès avec les coopératives d'habitation. On a des préoccupations et des réserves à l'égard des programmes et du financement. Toutefois, à Toronto, nous avons de nombreux condominiums. En fait, nous en avons tellement que cela réduit le taux d'occupation. Ils sont inabordables pour bon nombre de personnes, sans contredit celles qui sont sur la liste d'attente.
On soulève de temps à autre la question des propriétés à prix raisonnable; les gens rêvent de devenir propriétaires et d'investir dans leur propre propriété. J'aimerais que vous nous entreteniez des suppléments au loyer, des propriétés à bon prix et des façons de réduire ces listes d'attente.
M. Gadon : Au cours des dernières années, nous avons adopté des approches à court, à moyen et à long terme. La construction de logements coopératifs ou sans but lucratif constitue une approche de moyen à long terme étant donné que cela prendra de trois à cinq ans avant qu'un ménage puisse s'y installer. C'est donc quelque chose qui se fera à long terme. Nous savons que dans 20 ou 30 ans, ce logement sera abordable et une famille dans le besoin pourra y vivre.
En même temps, compte tenu de la nature de ce que nous appellerons la crise, on peut intervenir plus rapidement. Par exemple, nous menons un projet pilote à Toronto depuis quelques années dans le cadre duquel un ménage qui consacre plus de 50 p. 100 de son revenu au loyer est admissible à une allocation de logement. Nous disposons de très peu de fonds pour ce type d'aide, mais cette allocation vient en aide non seulement aux personnes qui ont un problème de logement, mais aussi un problème d'argent. À court terme, dans un marché locatif ayant un certain taux d'inoccupation, les allocations de logement peuvent s'avérer très efficaces. Dans une ville comme Calgary où le taux d'occupation est à son maximum, il est difficile de demander à un propriétaire de fixer un plafond sur un loyer et d'accepter une subvention. Dans ce cas, c'est plus difficile d'adopter cette approche.
En ce qui concerne les propriétés, dans la ville où je viens, près de la moitié des habitants sont locataires, principalement parce que bon nombre d'entre eux sont pauvres. Toutefois, il y a des personnes et des familles qui pourraient presque acquérir une propriété et, avec un peu d'aide, et le document de la FMC en fait état, cela pourrait être possible. Je ne dis pas qu'un propriétaire est un meilleur citoyen, mais il a la possibilité d'avoir un actif. En toute honnêteté, cela nous prémunit contre la pauvreté en vieillissant.
Dans la continuité des programmes qui sont offerts au pays, nous devrions envisager des solutions pour les locataires, telles qu'une aide au logement à court terme combinée à des programmes de construction à long terme et, parallèlement, verser des petites subventions et accorder des prêts en vue de favoriser l'accession à la propriété.
Mme De Cicco-Best : Quatre de nos cinq stratégies sont axées là-dessus. Nous voulons agrandir le marché du logement et résorber l'arriéré. Nous voulons moderniser et préserver notre parc de logements économiques.
Notre dernière stratégie vise à prolonger le Programme d'aide à la remise en état des logements, le PAREL. Pour vous donner un exemple des efforts coopératifs qui sont déployés à London en ce qui a trait au PAREL, nous versons une contribution égale à celle de la SCHL. Par exemple, si la société débourse 24 000 $, nous en faisons autant, et cela permet de garder le loyer à 70 p. 100 du prix du marché. Ces logements deviennent donc plus abordables pour les personnes à faible revenu et les personnes handicapées, celles-ci ayant également des difficultés financières. Cela leur donne au moins la possibilité d'atteindre des normes minimales afin qu'elles puissent se payer leur propre unité de logement. C'est un exemple de ce que nous faisons, mais nous travaillons également à d'autres programmes. Dans le cadre de notre stratégie, nous nous intéressons à la question des logements abordables et non seulement à la question de l'itinérance afin de mettre en place un cadre qui s'appliquerait partout au pays.
Le président : Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions, mais nous vous remercions de votre comparution et de vos observations. C'est très important pour nous.
Je demanderais à mes collègues de demeurer en place pour discuter rapidement de nos travaux, mais cette partie de la séance est levée.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.