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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 11 - Témoignages du 9 juin 2009


OTTAWA, le mardi 9 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a été renvoyé, se réunit aujourd'hui, à 9 h 29, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux aînés, aux invités, aux membres du public et à tous les téléspectateurs qui, au pays, suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones grâce au canal CPAC ou sur le Web. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie- Britannique, et j'ai l'honneur de présider les travaux du comité.

Notre comité a pour mandat d'examiner les projets de loi ainsi que toute autre affaire au sujet des peuples autochtones du Canada. Ce matin, nous nous penchons sur le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

[Français]

Juste avant d'entendre ce que monsieur le ministre et nos témoins ont à dire sur le sujet, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.

[Traduction]

J'ai à ma gauche le sénateur Brazeau, du Québec, le sénateur Lang, du Yukon, le sénateur Brown, de l'Alberta, et le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique. À ma droite, il y a le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Carstairs, du Manitoba, le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, et le sénateur Dawson, du Québec.

Honorables sénateurs, je veux vous présenter le premier témoin qui prendra la parole ce matin. Pour traiter du projet de loi C-28, nous accueillons le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, l'honorable Chuck Strahl.

Nous sommes heureux de vous revoir ici. Nous sommes impatients de savoir ce que vous pensez du projet de loi C- 28. Je vois que vous êtes accompagné de fonctionnaires et je vais vous demander de nous les présenter, monsieur le ministre. Je crois comprendre que vous avez un peu plus tard une réunion du Cabinet, et nous vous avons demandé de nous accorder 30 minutes. Nous veillerons à ce que nos questions et, il faut l'espérer, les réponses soient aussi brèves que possible, pour que vous puissiez ensuite vous rendre à votre réunion.

[Français]

L'honorable Chuck Strahl, C.P., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits : Monsieur le président, honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité pour discuter du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

[Traduction]

Avant de commencer, j'aimerais vous présenter les trois fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui. Damon Rourke est directeur intérimaire, Négociation et planification de la mise en œuvre, Bureau de la mise en œuvre de la Baie James, à Affaires indiennes et du Nord Canada. Marianne Kroes est conseillère juridique à Justice Canada et elle travaille actuellement à la Division des négociations, des affaires du Nord et de l'interlocuteur fédéral, à AINC. Deborah Corber est avocate principale du ministère dans le dossier des Cris d'Oujé-Bougoumou. Elle est mandataire du procureur général du Canada.

Merci de nous avoir tous invités à discuter du projet de loi C-28, la Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le projet de loi C-28 est un texte législatif court et relativement simple. Mais ses implications profondes sont immédiatement apparues à tous les législateurs, quelle que soit leur allégeance politique. Ce fait n'a jamais semblé aussi évident que lors de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat.

Monsieur le président, j'espère que les membres du comité vont maintenir aujourd'hui l'appui général qu'ils ont manifesté à l'endroit du projet de loi C-28. Je veux profiter de l'occasion pour remercier tous les membres d'avoir accepté d'accorder une priorité immédiate à ce texte de loi important. Je suis convaincu que plusieurs membres du public avec qui j'ai déjà échangé espèrent la même chose.

Quelle est la fonction du projet de loi C-28? Ce projet de loi comporte deux grandes caractéristiques : le projet de loi C-28 modifie la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin de conférer des responsabilités et des pouvoirs additionnels à l'Administration régionale crie, notamment le pouvoir de prendre des règlements administratifs comme premier pas vers l'autonomie gouvernementale. Le projet de loi C-28 reconnaît les Cris d'Oujé-Bougoumou comme bande distincte et gouvernement local en vertu de la loi.

En modifiant ainsi la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le projet de loi C-28 donne force de loi à deux éléments essentiels de l'Entente concernant la nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d'Eeyou Istchee. Ceux qui ne connaissent pas l'entente seront intéressés de savoir qu'il s'agit d'une entente historique conclue l'année dernière par le gouvernement du Canada et les Cris de l'est de la baie James et du sud de la baie d'Hudson, dans le Nord du Québec : les Cris d'Eeyou Istchee.

Par la négociation et la signature de cette entente historique, les deux parties ont réglé des différends et des litiges issus de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, signée en 1975 par les Cris d'Eeyou Istchee et les gouvernements du Québec et du Canada.

[Français]

Cependant, bien qu'il mette un terme à des problèmes de longues dates, j'estime que la valeur profonde et durable de ce projet de loi ne réside pas tant dans les règlements des difficultés passées que dans ses perspectives d'avenir, c'est-à- dire les formidables possibilités qu'il ouvre aux Cris d'Eeyou Istchee.

[Traduction]

Cette entente nous permet, au gouvernement du Canada et aux Cris d'Eeyou Istchee, de porter toute notre attention et tous nos efforts sur l'avenir et sur ce qui compte vraiment dans la vie : bâtir des communautés plus fortes et autonomes, procurer aux hommes et aux femmes des possibilités de trouver un emploi sûr et valorisant, faire en sorte que les jeunes disposent des outils dont ils ont besoin pour réaliser leur plein potentiel.

Plus précisément, grâce à cette entente, le gouvernement du Canada s'engage à négocier une entente globale d'autonomie gouvernementale avec les Cris d'Eeyou Istchee, une entente qui permettra à ce peuple fier, ambitieux et ingénieux d'élaborer une constitution crie et un gouvernement pour la Nation crie. J'ai été ravi d'apprendre que le gouvernement du Québec allait participer à ces négociations avec nous.

Quel est le rôle du projet de loi C-28 dans ce processus? En modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le projet de loi C-28 nous fournit les outils pour progresser dans ces domaines. Le projet de loi C-28 permet aux Cris d'Eeyou Istchee d'établir un régime de gouvernance plus solide dès maintenant, de discuter d'égal à égal avec d'autres gouvernements, d'intervenir de manière beaucoup plus décisive dans les discussions et les décisions qui touchent leur existence et définissent l'avenir de leurs communautés.

En fait, monsieur le président, le projet de loi C-28 représente une base solide sur laquelle les Cris d'Eeyou Istchee peuvent s'appuyer pour poursuivre leur cheminement vers un gouvernement autonome véritable à part entière.

[Français]

Comment le projet de loi C-28 intervient-il exactement dans ce processus? Comme je l'ai dit, ce projet de loi comprend deux grands volets.

[Traduction]

D'abord, le projet de loi modifie la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin de conférer à l'Administration régionale crie, l'organe directeur des Cris d'Eeyou Istchee, le pouvoir lui permettant d'adopter des règlements administratifs, qui est semblable à celui dont disposent actuellement les gouvernements cris locaux dans la région. Forte de ce nouveau pouvoir, l'Administration régionale crie pourra superviser différentes fonctions essentielles, dont les services de police, d'hygiène publique et de lutte contre l'incendie, ainsi que plusieurs activités cruciales en matière de développement économique, comme la formation professionnelle, le recrutement et le placement. L'Administration régionale crie pourra aussi gérer ses affaires et établir des normes élevées claires dans la région. Ainsi, le projet de loi C- 28 confère à l'Administration régionale crie des pouvoirs qui correspondent véritablement à son titre.

J'aimerais prendre quelques minutes pour répondre à une question qui a été soulevée au cours du débat de deuxième lecture concernant les normes qui seront appliquées en matière d'eau potable salubre. Le projet de loi C-28 prévoit que les normes établies dans les règlements de l'Administration régionale crie sur la réglementation de l'eau doivent avoir des effets équivalant à ceux des normes établies dans les lois fédérales ou provinciales d'application générale. Autrement dit, les normes appliquées aux Cris seront aussi rigoureuses sinon plus que celles appliquées aux autres Canadiens à l'échelle fédérale ou provinciale.

Ensuite, le projet de loi C-28 remplit un engagement pris envers les Cris d'Oujé-Bougoumou : celui de les reconnaître dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec comme étant la neuvième bande crie et comme ayant le même statut, les mêmes droits et les mêmes obligations que les huit autres communautés cries de la région.

Mesdames et messieurs les sénateurs, ce sont là les deux grandes dispositions du projet de loi C-28. Cependant, le processus de consultation qui a mené à la création du projet de loi n'est pas de moindre importance. Devant un comité de la Chambre, James O'Reilly, avocat-conseil de la Première nation d'Oujé-Bougoumou, et Bill Namagoose, directeur exécutif du Grand Conseil des Cris, ont insisté sur l'importance des consultations qui ont mené à l'élaboration du projet de loi.

M. O'Reilly a qualifié cette consultation d'« exemplaire ». Il a indiqué que des consultations très poussées avaient été menées à toutes les étapes du processus. Il a ajouté que les principales discussions ont été menées non seulement avec les Cris, mais aussi avec les Naskapis et les Inuits du Nunavik. D'ailleurs, M. O'Reilly a déclaré que l'esprit de coopération démontré dans l'élaboration du projet de loi C-28 représentait « l'une des solutions clés pour établir de meilleures relations entre le Canada et les Autochtones du pays ».

M. Namagoose a exprimé le même sentiment. En lisant la transcription de son témoignage, j'ai été frappé par le passage suivant :

Si le Canada envoie des négociateurs à la table pour agir en tant qu'avocats de la défense, il n'y aura bien sûr aucune entente. Mais si le Canada y envoie des négociateurs chargés de résoudre le problème, alors cela aboutira à des ententes comme ce que nous voyons en l'espèce.

Monsieur le président, le rapport produit par votre comité en 2008, intitulé Respecter l'esprit des traités modernes : Éliminer les échappatoires, souligne aussi le rôle important des négociateurs dans le règlement des différends et des revendications territoriales. D'ailleurs, ce rapport cite l'Entente concernant une nouvelle relation comme exemple des progrès qui peuvent être accomplis lorsque le gouvernement est pleinement engagé dans le processus de négociation.

En soulignant ce fait, le comité a touché une question profonde, mais souvent négligée : depuis des générations, les caractéristiques premières des relations fructueuses entre les Autochtones et les non-Autochtones du pays ont été les négociations, la consultation et le partenariat de bonne foi.

[Français]

Monsieur le président, j'estime que la sagesse issue de l'expérience commune des Autochtones et des non- Autochtones du pays et de leurs partenariats durables doit continuer de les guider, comme ce fut le cas pour le projet de loi C-28.

[Traduction]

C'est dans ce même esprit de consultation et de partenariat, qui infuse chaque aspect du projet de loi C-28, que je recevrai vos observations et vos questions et que je vous invite à maintenir votre appui à ce projet de loi.

Le sénateur Brazeau : Moi qui suis Algonquin et Québécois, je suis extrêmement heureux de pouvoir examiner ce projet de loi, en parler et l'étudier en comité. À votre avis, qu'est-ce qui explique le succès de cette entreprise en termes de processus de négociation entre le gouvernement du Canada et les Cris du Nord du Québec?

M. Strahl : Comme je l'ai mentionné, c'est une belle réussite. Elle est en partie attribuable aux négociateurs et à l'attitude avec laquelle ils ont abordé les négociations, des deux côtés. Comme il faut travailler d'arrache-pied pour établir une relation et qu'il doit y avoir un certain niveau de confiance entre les négociateurs qui cherchent à conclure une entente honorable, tout le crédit en revient aux négociateurs.

Deuxièmement, notre gouvernement avait donné à ces négociateurs un mandat clair. Il ne s'agissait pas seulement d'essayer de respecter la lettre de la loi, il fallait aussi établir de nouvelles relations. Les relations ne sont jamais codifiées uniquement dans la loi; elles sont plus profondes que les simples lois. Elles traduisent la façon dont nous communiquons les uns avec les autres.

Là encore, une relation véritable doit comporter un certain niveau de confiance et de compréhension. Nous pouvons tous regarder des relations et comprendre que c'est la raison pour laquelle ce document porte si bien son nom. Il ne s'agit pas d'un cadre juridique pour discuter des questions des Cris du nord de la baie James, il s'agit de relations. C'est cela aussi, le secret.

Nous avons procédé à de vastes consultations. Nous avions une ébauche de projet de loi que nous pouvions consulter et modifier pour la rendre aussi efficace que possible. En outre, grâce à la confiance qui régnait, il était entendu qu'il y avait encore beaucoup de travail à faire, mais qu'il s'agissait d'un premier pas sur la voie de l'autonomie gouvernementale totale.

Que nous parlions de certaines des préoccupations qu'ont encore les Naskapis ou de celles des Inuits, tous reconnaissent qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, et que cela se fera au cours de la prochaine étape.

C'est pourquoi nous avons déjà nommé des négociateurs de l'autonomie gouvernementale et envoyé un message clair qu'il ne s'agit que d'une étape sur la voie menant à une bonne relation permanente. Je crois que cela donne le ton, que cela indique que le travail n'est pas fini, que nous avons simplement jeté de solides bases pour régler rapidement les prochaines étapes.

Le sénateur Brazeau : Je suis heureux d'entendre ce que vous avez à dire là-dessus, car je considère vraiment ce texte législatif comme la base d'une future entente véritable sur l'autonomie gouvernementale avec les Cris. Je considère aussi que ce modèle pourrait peut-être s'appliquer à d'autres groupes des Premières nations dans tout le pays, qui l'utiliseraient pour négocier de telles ententes sur l'autonomie gouvernementale.

À votre avis, est-ce que la formule qui a été utilisée et le processus qui a été suivi pourraient servir de modèle à d'autres groupes des Premières nations?

M. Strahl : Si le modèle convient, nous devrions certainement l'utiliser. Toutefois, nous devons toujours préciser qu'il n'y a pas de solution universelle. Selon la collectivité des Premières nations ou le groupe autochtone, les négociations se déroulent à divers niveaux.

Une collectivité des Premières nations, par exemple, peut nous dire qu'elle va annoncer un plan pour accéder à l'autonomie gouvernementale totale en 10 ou 20 ans, qu'elle n'est pas tout à fait prête, qu'elle ne veut pas commencer dès maintenant, mais qu'elle veut prendre certaines mesures pour progresser sur cette voie. Il peut s'agir de renforcer les capacités ou d'exercer un contrôle sur l'éducation ou les soins de santé. Il peut s'agir d'accroître les contrôles sur les aspects qui influent sur leur vie. Nous sommes disposés à examiner divers modèles dans diverses régions du pays. Autrement dit, si quelqu'un est prêt à entamer des négociations sur l'autonomie gouvernementale totale, allons-y. S'il y a une transition comme celle-là, avec une progression graduelle, je crois que cela peut aussi se faire parce qu'ainsi, les intéressés peuvent renforcer leur capacité et comprendre l'application des lois locales et que cela permet aux sénateurs et députés et à d'autres Canadiens de voir des gestes concrets.

Je crois que c'est une bonne façon d'aborder l'autonomie gouvernementale. Je le répète, il n'y a pas de solution universelle, mais c'est un bon exemple de ce qui peut se passer lorsque nous demandons à un groupe ce qui lui conviendrait. Si cela lui convient, nous voulons participer à ces discussions — le but visé est toujours l'émancipation relativement à la Loi sur les Indiens et l'accession à l'autonomie gouvernementale.

Le sénateur Brazeau : Depuis une semaine environ, je reçois des messages des citoyens des Premières nations qui vivent dans ces collectivités cries. Ils veulent que je vous remercie du leadership dont vous et votre équipe avez fait preuve pour ce projet de loi.

M. Strahl : Le mérite en revient à la fermeté des dirigeants de la collectivité crie. Ils savent ce qu'ils veulent et ils sont parvenus à leurs fins à force de constance et de persévérance. Je m'incline devant eux.

Le sénateur Carstairs : J'ai trois questions. Premièrement, dans votre déclaration, vous mentionnez qu'il s'agit d'une première étape en vue de l'autonomie gouvernementale. Pouvez-vous nous indiquer quelles seraient les autres étapes requises et à quel moment, de façon réaliste, cela pourrait se faire?

Deuxièmement, en matière de gouvernance. Vous savez que notre comité mène actuellement une étude sur la gouvernance. Y a-t-il des dispositions dans ce projet de loi qui, selon vous, amélioreront la gouvernance de ces collectivités?

Finalement, y a-t-il des indications quelconques — et je n'en ai pas vu — que les droits des femmes qui vivent dans ces collectivités seront protégés?

M. Strahl : C'est une étape sur la voie menant à l'autonomie gouvernementale totale. Cela élargit ce qui est couramment interprété dans les collectivités cries comme leur pouvoir sur ce qui intéresse toute une gamme de domaines, de l'hygiène à la protection-incendie en passant par nombre d'autres aspects. Le projet de loi donne à l'autorité régionale des pouvoirs identiques à ceux qui sont déjà couramment exercés au niveau local. Pour que les choses fonctionnent bien dans la région, il faut appliquer certaines normes de gouvernance communes. C'est ce que fait le projet de loi pour l'Administration régionale crie, qui n'avait pas ces pouvoirs auparavant.

Je crois que cela se fera sans heurts, parce que la communauté crie comprend bien la situation. Elle fait déjà très bien les choses, elle les comprend bien. Il est naturel de porter cela au niveau de l'Administration régionale crie, c'est un élargissement de la gouvernance dans les catégories que j'ai mentionnées. Je crois que cela se fera sans heurts, et c'est un exemple d'élargissement de la gouvernance dans un secteur, pour ne plus se limiter au niveau des collectivités et passer au niveau régional.

La loi va améliorer la gouvernance et permettre d'intégrer une neuvième collectivité qui était exclue auparavant. Nous savions tous que cela allait se faire, que cela s'imposait, et c'est maintenant chose faite. Nous améliorerons ainsi officiellement la gouvernance, parce que c'est maintenant dans le projet de loi.

Les deux parties ont déjà nommé leurs négociateurs de l'autonomie gouvernementale. Ils ont trois ans pour présenter leur rapport. C'est tout à fait faisable. Là encore, en raison de la bonne relation qui s'est établie, je crois que l'échéance est réaliste, et les négociateurs sont déjà au travail.

Pour ce qui est de la protection des droits des femmes, le projet de loi ne distingue pas les questions féminines, sauf pour maintenir ce qui est déjà en place en matière de droits des femmes. Il n'y a rien dans le projet de loi qui traite spécifiquement des droits des femmes, mais c'est un prolongement des attentes actuelles et des accords qui reconnaissent et protègent ces droits.

Damon Rourke, directeur intérimaire, Négociation et planification de la mise en œuvre, Bureau de mise en œuvre de la Baie James, Affaires indiennes et du Nord Canada : J'ajouterai que l'Administration régionale crie est une société publique constituée aux termes des lois du Québec. Comme l'a indiqué le ministre, le projet de loi confirme son rôle d'entité régionale ainsi que les fonctions qu'elle assume depuis un certain nombre d'années. À ma connaissance, il n'y a aucun aspect spécifique à l'Administration régionale crie.

Lors de mes discussions avec Bill Namagoose et d'autres représentants cris, j'ai appris qu'il y avait une structure pour élire en bonne et due forme non seulement les représentants au niveau du Grand Conseil mais aussi les membres de l'organe administratif, qui est l'Administration régionale crie. Je crois qu'il y a dans ces comités et organisations des dispositions qui protègent les intérêts de tous les citoyens. C'est ce qu'ils faisaient et ils continueront de le faire.

Le président : Si j'ai bien compris, le projet de loi C-28 ne traite aucunement du choix des dirigeants. Ma très compétente assistante, Mary Hurley, me l'a fait remarquer.

Le sénateur Sibbeston : Bonjour, monsieur le ministre.

C'est certainement un grand jour pour les Cris et les Naskapis. En écoutant vos propos, je me suis senti rempli d'optimisme et enthousiasme. Il me semble que si l'on mettait autant d'énergie à encourager tous les aspects des négociations et les relations avec les Premières nations, le Canada serait un meilleur pays, et sa population serait plus heureuse.

La mise en œuvre des ententes de règlement de revendications territoriales, des accords comme celui-là, semble avoir donné naissance à toute une industrie. Toute la population accueille très favorablement ces ententes, mais lorsque vient le temps de les mettre en œuvre, les difficultés surgissent. Maintenant, les aspects historiques entrent en compte, et toute une industrie voit le jour.

Il y a quelques semaines, tous les groupes dont les revendications territoriales ont été réglées au moyen d'ententes au cours des 20 ou 30 dernières années se sont réunis pour discuter du problème de la mise en œuvre. Le gouvernement fédéral n'arrive tout simplement pas à mettre les ententes en œuvre.

Pouvez-vous dire ou faire quelque chose pour encourager ces gens? Votre enthousiasme et votre honnêteté sont rafraîchissants, et si nous pouvions communiquer cette attitude et ces encouragements à ces personnes, nous aiderions beaucoup notre pays et les Premières nations.

M. Strahl : Merci, sénateur. Je sais que votre comité a fait de l'excellent travail dans les dossiers de la mise en œuvre en général. Je répondrai sous peu à votre rapport et j'espère pouvoir alors traiter de ces questions plus en détail.

Peu de temps après être entré en fonction, je me suis rendu compte — et je ne vise aucun parti en particulier — que le Canada devait faire mieux en matière de mise en œuvre. Il y a un consensus à ce sujet, je le sais. Nous prenons des mesures, à l'interne et au niveau pangouvernemental, pour essayer d'obtenir de meilleurs résultats.

Il faut rendre justice au gouvernement — et je parle du gouvernement en général —, la mise en œuvre des ententes sur l'autonomie gouvernementale est un secteur d'activité relativement récent au Canada. Celle-ci est évidemment la plus ancienne. Au tout début, il n'y avait guère de politiques et aucune expérience pour guider les travaux relatifs à cette entente. Évidemment, les intéressés essayaient de se débrouiller, sans conseil, sans précédent, sans aucunement savoir ce qui allait se passer, alors bien sûr des erreurs ont été commises, il y a eu beaucoup d'hésitation et d'inaction pendant que nous essayions de trouver des solutions.

Cela dit, je crois que cette entente est une indication que nous pouvons effectivement réussir. Il faut évidemment du temps; il est difficile de renouveler les ententes et les négociations financières sont épineuses, mais le gouvernement s'en tire de mieux en mieux et nos fonctionnaires comprennent mieux la question.

Comme le montre cette entente, des questions comme la façon de régler les différends par la médiation sont maintenant codifiées, et nous comprenons comment nous pourrons progresser. Nous l'avons déjà dit au sujet de l'autonomie gouvernementale ou des diverses ententes qui existent : les gens comprennent qu'il faut progresser constamment. Les questions à régler au sujet du renouvellement des ententes financières n'étonnent plus personne. Autrefois, après six ou huit ans d'autonomie gouvernementale, les Premières nations ou les peuples autochtones revenaient nous dire : personne ne s'y attendait, mais savez-vous ce qu'il en coûte de faire ceci? Et tout à coup, nous comprenions.

Nous nous améliorons dans ce domaine, nous sommes maintenant conscients que de nombreux autres ministères interviennent dans les ententes qui donnent de bons résultats. Les occasions d'approvisionnement, les relations d'affaires, la politique de développement économique sont des questions qui peuvent relever d'autres ministères; RHDCC et les fonds de formation peuvent s'attaquer au renforcement des capacités. Parfois, il faut aussi faire appel aux gouvernements provinciaux et à d'autres ordres de gouvernement.

J'espère que ce projet de loi montrera aux gens que nous pouvons réussir. Je suis convaincu que le projet de loi montre que nous pouvons bien faire les choses, et je sais que vos prochains témoins pourront vous en parler. La mise en œuvre est un aspect important. Nous devons mieux nous en tirer, nous avons déjà affirmé que cela était d'une importance vitale. De plus en plus, nous adoptons une approche pangouvernementale plutôt que de confier la responsabilité à un seul ministre ou ministère. Nous devons tous mettre l'épaule à la roue.

Le sénateur Sibbeston : Je vous remercie de cette réponse. J'ai moi aussi été ministre, je sais qu'un ministre doit parfois s'engager dans son ministère. Je vous encourage à le faire, parce que vous avez toute une fonction publique derrière vous, vous avez 4 000 ou 5 000 fonctionnaires, de l'autre côté du pont, à Affaires indiennes et du Nord Canada, et ils font tous leur travail. Parfois, vous pouvez exercer sur eux une grande influence simplement en leur disant que vous voulez des résultats.

Il me semble qu'à votre niveau, souvent, entre gens raisonnables, tout se passe bien, mais la difficulté vient parfois des fonctionnaires. Je vous encourage à parcourir votre ministère, passez-y un jour ou deux, dites à chacun que vous voulez qu'il fasse du bon travail et qu'il obtienne des résultats. Pouvez-vous communiquer cet esprit et cet enthousiasme à tout votre ministère pour que l'on arrive à quelque chose? On a le sentiment qu'il y a un hiatus et que rien ne se fait; c'est une grande bureaucratie. Il faut motiver, encourager, orienter.

M. Strahl : Je vous remercie de ces commentaires. Je crois que c'est ce que nous essayons de faire. En un sens, c'est presque ironique. Certains diraient que c'est l'un des ministères ou l'une des bureaucraties les plus complexes, mais pourtant, grâce au travail du comité permanent de la Chambre des communes et au travail de votre comité, nous avons réussi à étudier plus de textes législatifs dans un meilleur esprit de collaboration que bien d'autres comités qui, pourtant, semblaient pleins de promesses. Je ne fais pas de reproches aux autres comités, mais je pense que nous avons prouvé que l'appartenance à un parti ne faisait aucune différence dans ce dossier. Nous voulons tous obtenir des résultats, et ce, dans les deux chambres; les députés et les sénateurs ont mis leur partisanerie de côté et ils se sont demandé ce qu'ils pouvaient faire pour le bien commun. Je suis d'accord, il faut cultiver cet esprit de coopération.

Le sénateur Lang : J'aimerais examiner les aspects financiers du projet de loi. Les Canadiens font une contribution importante ici, 1,4 milliard de dollars. Est-ce que cela remplace une partie des engagements financiers actuels du ministère des Affaires indiennes ou est-ce que ce montant s'ajoutera à l'engagement annuel permanent du ministère au titre des divers programmes exécutés par Affaires indiennes?

M. Strahl : Le règlement permet à une Première nation en régime d'autonomie gouvernementale ou sur la voie de l'autonomie gouvernementale d'exercer de plus en plus de contrôle sur les aspects qui compte le plus pour sa qualité de vie. J'en ai mentionné quelques-uns qui, dans d'autres secteurs, seraient en principe gérés plus directement par le ministère. De la sorte, les Cris, l'Administration régionale ou les gouvernements locaux peuvent s'acquitter de ces responsabilités et offrir de meilleurs services à meilleur prix à plus de gens. Je crois que cela est positif.

Lorsque le projet de loi aura été adopté et qu'il aura reçu la sanction royale, un montant de 100 millions de dollars sera transféré pour réaliser la partie habilitant l'administration régionale à faire son travail et élargissant nombre des dispositions sur l'autonomie gouvernementale, qui ne s'appliquent pas à elle à l'heure actuelle. Le projet de loi prévoit une autonomie locale accrue et l'exécution de services dans les domaines désignés.

Il reste encore du travail à abattre, et du côté de la gouvernance, nous travaillons en étroite collaboration avec nos négociateurs, mais ce projet de loi donne plus de latitude aux Cris, à l'administration régionale et aux gouvernements locaux des Cris pour faire leur travail. Je suis toujours ravi lorsque le travail se fait et que je lis des rapports à ce sujet plutôt que de devoir intervenir directement.

Le sénateur Lang : Je n'en doute pas, monsieur le ministre. Je veux revenir à l'engagement financier que prennent les Canadiens pour faire ce travail. Je ne comprends pas bien si cette somme de 1,4 milliard de dollars s'ajoute aux ententes financières régulières ou si elle remplace un certain nombre d'ententes financières qui sont actuellement en vigueur pour les Premières nations dans ce secteur.

M. Strahl : Dans les prévisions budgétaires, vous verrez que les fonds de l'an dernier et de cette année dépassent, pour ainsi dire, nos dépenses régulières. Le règlement qui a été négocié est conforme aux divers rôles du gouvernement et, évidemment, il prévoit un important paiement. Cette somme remplace ce que nous dépenserions normalement, au quotidien, mais je tiens à rassurer les autres Premières nations : cet argent ne proviendra pas de leur budget. Nous n'allons pas prendre à Pierre pour donner à Paul. Cette dépense extraordinaire vient clore des négociations entamées il y a longtemps, elle satisfait à des besoins de longue date en terme d'appui pour les litiges et elle permet à l'autorité crie d'exercer des responsabilités qui auparavant relevaient de la Loi sur les Indiens ou du ministère.

Ce montant remplace certaines allocations, mais il ne réduit en rien les autres dépenses consacrées aux Premières nations et aux dossiers autochtones. Pour effectuer cette dépense extraordinaire, nous avons préféré allouer des fonds supplémentaires plutôt que d'en prélever à d'autres postes budgétaires.

Le sénateur Lang : J'ai une autre question au sujet de ce milliard de dollars. Est-ce que l'argent sera transféré après l'adoption de la Loi sur la gouvernance?

M. Strahl : C'est déjà fait. Le projet de loi nous permet d'effectuer un dernier versement de 100 millions de dollars au titre des responsabilités de l'Administration régionale crie, mais le reste des fonds ont déjà été alloués dans le cadre du processus budgétaire, tout est terminé. C'est un peu comme la cerise sur le gâteau.

Le sénateur Dyck : Bonjour. Ce projet de loi donne plus de pouvoirs aux conseils de bande régionaux. Est-ce qu'il contient une disposition pour définir qui est et qui n'est pas membre d'une bande aux fins des élections au conseil de bande? Je pose cette question parce que je pense à la récente décision McIvor, en Colombie-Britannique, qui entraînera probablement des changements dans la Loi sur les Indiens. Est-ce que les bandes régionales ont maintenant le pouvoir de déterminer qui peut et ne peut pas voter?

M. Strahl : La décision McIvor est importante, comme vous l'avez dit, et nous avons déjà annoncé que notre gouvernement n'avait pas l'intention de la contester. Je crois que Mme McIvor elle-même en a déjà appelé de cette décision, mais nous ignorons ce que la Cour suprême fera de cette requête. Nous devons attendre qu'elle se prononce.

Le tribunal s'est penché notamment sur la question du statut et des inégalités qui intéresse les descendants de femmes autochtones et de pères non autochtones, et il faudra la régler. Nous allons nous y attaquer. Le projet de loi ne change rien à la façon de déterminer qui est membre des collectivités cries. Il n'en fait pas mention.

Marianne Kroes, avocate-conseil, Affaires indiennes et du Nord Canada : Le projet de loi donne à l'Administration régionale crie le pouvoir de prendre des règlements et il règle la question de la bande d'Oujé-Bougoumou. Il ne modifie en rien la composition de la bande.

Le sénateur Dyck : Il semble donner plus de pouvoir aux conseils de bande en matière de logement, mais il ne dit rien de la façon dont la bande devrait déterminer qui a droit à une maison en cas de dissolution d'un mariage. Cela constitue certainement un problème dans de nombreuses collectivités. Lors d'une séparation, il y a conflit, et les lois provinciales ne s'appliquent pas à ce qui se passe dans les réserves. Est-ce que le projet de loi règle d'une quelconque façon ces situations?

Mme Kroes : Non, il ne règle pas ces préoccupations et il ne porte pas sur les conseils de bande en tant que tels, mais plutôt sur l'Administration régionale crie, qui supervise les neuf bandes.

M. Strahl : La question des biens matrimoniaux est à l'étude. Nous avons présenté un texte de loi à la Chambre, et dans ce texte nous avons clairement indiqué que nous espérions que les Premières nations élaboreraient leurs propres codes concernant les biens matrimoniaux.

Sans aucune ingérence de ma part, il permet aux Premières nations d'appliquer des règles concernant les biens matrimoniaux sur leur territoire, et c'est ce que nous devons parvenir à faire. Je m'inquiète que dans de nombreux endroits au Canada il n'existe pas de lois applicables aux biens matrimoniaux en cas de dissolution d'un mariage, et c'est une lacune que nous devons corriger.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Mesdames et messieurs les sénateurs, je veux apporter une précision. À l'avenir, lorsque des ententes sur la gouvernance seront négociées, les questions liées entre autres à la Charte canadienne des droits et libertés et aux mécanismes intergouvernementaux de règlement des différends seront toutes examinées avant que l'entente sur la gouvernance soit paraphée.

Monsieur le ministre, je vous remercie, vous et vos fonctionnaires, d'être venus ce matin pour répondre aux questions de mes collègues. Nous savons que vous avez un emploi du temps chargé, mais c'était très important. Je remercie également les sénateurs de leur collaboration.

Honorables sénateurs, avant que nos prochains témoins ne s'avancent, le sénateur Carstairs veut faire un commentaire.

Le sénateur Carstairs : J'espère que le comité de direction nous autorisera à entendre, la semaine prochaine, des représentants de Santé Canada au sujet des flambées de grippe H1N1 à St. Theresa Point. Vingt et une personnes ont été évacuées jusqu'à maintenant. Nombre d'entre elles sont aux soins intensifs et occupent la majorité des lits réservés aux soins intensifs à Winnipeg, si j'ai bien compris la situation. Le problème deviendra d'envergure nationale. Il serait bon d'être mis au courant, cela nous aiderait vraiment.

Le président : Merci, sénateur Carstairs.

Nous accueillons maintenant les principaux promoteurs du projet de loi C-28. Premièrement, voici les représentants du Grand Conseil des Cris : le grand chef Matthew Mukash, le directeur exécutif Bill Namagoose, les conseillers juridiques Pierre Pilote et Denis Blanchette, et le directeur des Relations fédérales Brian Craik. M. Paul Wertman, conseiller, représente la bande d'Oujé-Bougoumou.

Matthew Mukash, grand chef, Grand Conseil des Cris : Merci, monsieur le président. Je remercie les membres de me donner l'occasion de parler en faveur du projet de loi C-28. Nous sommes ravis de constater que le projet de loi C-28 a reçu l'appui de tous les partis à la Chambre des communes le 7 mai et qu'il a également été bien accueilli par les membres du Sénat.

La législation proposée contient des modifications qui sont conformes à celles qu'il a été convenu de recommander dans l'Entente de 2008 concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris. Ces modifications permettront également à la communauté crie d'Oujé-Bougoumou d'être sur un pied d'égalité avec les autres communautés cries en termes de gouvernance locale, tel qu'il a été convenu entre le Canada et le Québec, puis de faire progresser les structures de gouvernance crie au-delà de celles qui avaient été reconnues et acceptées à l'origine dans le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois de 1975.

Je ne répéterai pas l'intégralité de notre présentation devant le Comité permanent des affaires autochtones, mais résumerai plutôt les commentaires qui y ont été formulés.

La communauté d'Oujé-Bougoumou a été dispersée en raison d'activités de mise en valeur minière exécutées avant les années 1970. La Convention de la Baie James et du Nord québécois n'est pas parvenue à régler cette situation. À l'époque, toutefois, nous avons bien reçu de la part du Québec des engagements visant à reconstituer la communauté.

Les pourparlers se sont finalement soldés par un accord concrétisé dans l'entente Oujé-Bougoumou/Québec de 1989 et l'entente Oujé-Bougoumou/Canada de 1992. Ces deux ententes traitaient de la construction de la communauté d'Oujé-Bougoumou et prévoyaient l'intégration des Cris d'Oujé-Bougoumou dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

L'entente Oujé-Bougoumou conclue avec le Canada exigeait des modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec concernant ces derniers. Toutefois, plusieurs questions à débattre sont demeurées en suspens et, en 1993, les Cris d'Oujé-Bougoumou ont intenté des poursuites juridiques distinctes contre le Québec et le Canada concernant leurs droits ancestraux et ils ont demandé des dommages-intérêts pour leur relocalisation forcée. Ces demandes, en ce qui touche le Québec, ont été satisfaites grâce à la Paix des braves, une entente signée en 2002. Un règlement hors cours a été conclu avec le Canada en 2008 aux termes de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris.

Le projet de loi C-28 permet au Canada de respecter son engagement d'inclure la collectivité d'Oujé-Bougoumou dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. La Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoyait l'établissement de l'Administration régionale crie en vertu de la législation provinciale. Celle-ci supervise certaines responsabilités cries relevant de la participation crie à la gouvernance régionale ainsi que certaines questions qui lui ont été déléguées par les communautés cries.

Le chapitre 9 la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoyait également l'intégration des communautés cries dans la législation fédérale, distinctement de la Loi sur les Indiens. La loi qui est née de ce processus, soit la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec adoptée en 1984, a été la première législation locale sur l'autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones du Canada. Après l'adoption de cette loi et jusqu'à ce jour, le Grand Conseil des Cris/Administration régionale crie a joué le rôle de forum pour la mise en œuvre concertée de cette loi par les Cris.

Bien que la loi ait ouvert la porte à la prise en charge, par les communautés cries, de nouvelles responsabilités concernant leur développement, plusieurs aspects de la Convention de la Baie James et du Nord québécois n'avaient pas été mis en œuvre par le Québec et le Canada.

L'annonce par le Québec en 1989 de son intention de construire d'autres projets de centrale hydroélectrique dans le Territoire a incité les Cris à instituer contre le Canada et le Québec, au cours de la même année, une poursuite judiciaire visant à faire cesser les développements proposés et à faire appliquer l'intégralité des dispositions de la Convention de la Baie James. Sans aller dans les détails de la lutte menée par les Cris, il suffit de dire qu'en 2002, la convention concernant une nouvelle relation entre le Québec et les Cris a réglé certains différends légaux entre les Cris et le Québec.

En rapport avec cette entente, les Cris ont pris en charge des responsabilités inhérentes à certaines obligations du Québec en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois de 1975 et le Québec s'est engagé à fournir le financement y étant associé pendant une période de 50 ans. Ces mesures ont grandement réduit le manque de cohérence entre les programmes du Québec et les priorités des Cris, qui étaient en grande partie la cause des conflits juridiques.

Lorsque le Canada et les Cris ont entamé des pourparlers hors cours de 2005 à 2008, il a été constaté que ce modèle visant à transférer aux Cris certaines priorités relatives à certaines des obligations du Canada qui suscitaient les différends pouvait être adapté aux problèmes à régler entre les parties. Toutefois, le Canada est allé encore plus loin en acceptant la vision des Cris selon laquelle le temps était venu de franchir une autre étape dans l'évolution des structures et des responsabilités de gouvernance des Cris.

Dans l'entente de 2008, Le Canada a reconnu que la Nation crie avait besoin de structures de gouvernement à l'échelon régional pour mieux répondre aux besoins des Cris. Le Canada s'est également engagé à négocier avec nous une entente qui préconiserait une législation fédérale conférant à un gouvernent de la Nation crie des compétences et des pouvoirs allant au-delà de la portée de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Puisque nous avons signé l'Entente en 2008, certaines mesures provisoires doivent être mises en place par voie de modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en vue de reconnaître à l'Administration régionale crie les pouvoirs dont elle a besoin pour prendre immédiatement en charge certaines obligations du Canada envers les Cris.

En résumé, les modifications de la première phase exigent la reconnaissance juridique des pouvoirs suivants de l'Administration régionale crie : premièrement, adopter des règlements administratifs ayant force de loi dans les communautés cries et assurer que le public puisse y avoir accès; deuxièmement, permettre l'adoption de normes qui sont supérieures aux normes fédérales et provinciales. Ces règlements incluraient les éléments suivants : les installations essentielles d'hygiène, le logement, les bâtiments utilisés à des fins de gouvernance régionale, les services anti-incendie et la protection de l'environnement, y compris des ressources naturelles; troisièmement, gérer le financement et les actifs; quatrièmement, promouvoir le bien-être des Cris et des bandes cries; cinquièmement, préserver la culture, les valeurs et la tradition cries; sixièmement, assumer certaines responsabilités fédérales dont il peut être convenu; septièmement, habiliter les forces policières Eeyou-Eenou sur les terres de catégorie 1.

Aux termes de la convention, le Canada doit consulter les Cris sur les modifications, ce qu'il a fait. Les modifications proposées, une fois adoptées, satisferont aux exigences de la convention.

Nous félicitons les représentants du ministère de la Justice pour la manière courtoise et pertinente avec laquelle ils ont mené les consultations avec nous. De plus, tant le Canada que les Cris ont consulté les Inuits par l'entremise de leur organisme représentatif, Société Makivik, et les deux parties ont également consulté la bande naskapie. Nous avons reçu l'assurance, de la part des Inuits et de la bande naskapie, qu'ils acceptaient les modifications, ne s'y objectaient pas et considéraient que leurs droits s'en trouvaient ainsi protégés, sans qu'il leur soit porté atteinte.

Les Cris et les Naskapis ont demandé que d'autres modifications d'ordre technique soient apportées à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ces modifications ont été signalées dès l'adoption de la loi en 1984 et la Commission crie-naskapie fédérale demande leur mise en œuvre depuis des années. À la suite de pourparlers conduits avec la Commission et les Naskapis, nous avons convenu que la liste des modifications proposées serait examinée en vue d'être intégrée à la prochaine série de modifications à la loi devant être apportées d'ici trois à cinq ans, lorsqu'une législation plus exhaustive sur la gouvernance crie sera proposée au Parlement.

Le chapitre 3 de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris conclue en 2008 prévoit la mise en œuvre des modifications contenues dans le projet de loi C-28. Par la suite, un processus de négociation de phase 2 sera lancé pour mener à la proposition d'une législation plus exhaustive sur la gouvernance crie devant le Parlement d'ici trois à cinq ans.

L'entente de 2008 stipule ce qui suit :

De telles négociations, si elles réussissent, étendront la gouvernance de la nation crie au-delà des pouvoirs prévus par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en établissant les structures et les pouvoirs d'un gouvernement de la Nation crie et les rapports d'un tel gouvernement avec les bandes cries et les gouvernements fédéral et provincial.

Les modifications du projet de loi C-28 qui vous sont soumises aujourd'hui visent à réaliser la partie 1 de ce programme. Les pourparlers dont il est question à la partie 2 viennent tout juste d'être entamés, avec la participation du Canada, du Québec et des Cris.

Le président : Chers collègues, je siège au comité depuis 16 ans, et les Cris et les Naskapis ont souvent visité mon bureau pour discuter de la mise en œuvre. Il est encourageant de les voir ici aujourd'hui parler de la première étape. Il est bon qu'ils reconnaissent les contributions du ministère de la Justice. Nous n'entendons pas souvent louanger ce ministère, et cela est vraiment très encourageant, parce qu'il est souvent considéré comme un obstacle.

Le sénateur Brazeau : Je vais vous poser la question que je viens de poser au ministre. D'après vous, qu'est-ce qui explique la réussite du processus de négociation dans le modèle que vous et le gouvernement du Canada avez utilisé?

M. Mukash : Je ne veux pas répéter ce qu'a dit le ministre, mais je crois que c'est la volonté des négociateurs de collaborer et de suivre les principes que nous avons toujours suivis, c'est-à-dire de toujours travailler avec les gouvernements, le Canada et le Québec, de notre mieux.

La nation crie a fait bien du chemin. Il a fallu surmonter de nombreux obstacles pour établir ces relations. Nous nous sommes adressés aux tribunaux, nos poursuites ont été les plus longues. Toutefois, à un certain point, la Nation crie a décidé qu'il était temps d'établir de saines relations de travail avec le Canada et avec le Québec. C'était la vision de nos aînés, c'est ce qu'ils voulaient et c'est ce que nous avons fait.

Je tiens à remercier les négociateurs fédéraux, qui ont fait un excellent travail pour écouter notre peuple. Je sais que les anciens négociateurs ont visité les collectivités pour consulter la population. Ils sont entrés dans les maisons, ils ont assisté à des manifestations. Si vous voulez vraiment agir, c'est la façon de composer avec notre peuple, face à face.

Évidemment, il y a aussi le travail de notre négociateur, Bill Namagoose. Il a des dizaines d'années d'expérience et il sait de quoi il retourne. Je le félicite de l'excellent travail qu'il a réalisé.

Le sénateur Brazeau : J'ai dit précédemment que je considérais qu'il s'agissait de la base nécessaire pour conclure ultérieurement une véritable entente sur l'autonomie gouvernementale. Plus important encore, est-ce que vous considérez qu'il s'agit d'un pont vers l'autonomie gouvernementale pour l'avenir?

M. Mukash : Certainement. Comme l'a dit le ministre, toutes les collectivités autochtones du Canada sont différentes. La nation crie est un bon exemple de groupe autochtone qui a fait beaucoup de chemin. Nous avons eu amplement le temps de réfléchir à ce que nous voulions faire comme nation et à ce qu'était notre place dans la société en général. Nous avons décidé que nous devions collaborer avec la société majoritaire pour instaurer de bonnes relations.

Il est important que chaque Première nation détermine sa situation, comprenne son histoire et se tourne vers l'avenir. Nous voulons une entente adaptée à nos besoins. Nous entretenons d'excellentes relations avec les milieux d'affaires de notre région. Nous avons de bonnes relations avec tout le monde.

Quant au gouvernement, aucune relation n'est aussi harmonieuse qu'elle le paraît au début, mais nous comprenons tous cela. Nous essayons de travailler du mieux que nous le pouvons pour que les conditions du traité soient respectées. Ce modèle suscitera certainement des espoirs chez d'autres nations autochtones du Canada qui pourraient le suivre.

Le sénateur Brazeau : L'Administration régionale crie est une entité respectée et bien établie, qui défend les intérêts de neuf collectivités cries. Lorsque de telles modifications sont proposées dans un projet de loi, cela change le paysage de certaines de ces collectivités. Évidemment, il faut que ces neuf collectivités l'acceptent et l'appuient.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont les neuf collectivités ont ratifié et appuyé les amendements de la loi qui est devant nous?

M. Mukash : Nous avons dû tenir compte du fait que nous réclamions la mise en œuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois depuis plus de trois décennies. Nous savions que nombre de nos jeunes ne comprenaient pas la convention. Ils ont posé de nombreuses questions au début. Nous avons dû expliquer la CBJNQ, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, et nous avons dû expliquer à notre population les origines de cette entente.

Lorsque nous sommes arrivés à l'étape de la consultation, nous avons invité les intervenants de la première heure à expliquer d'où venait la convention et le travail qui avait été réalisé au fil des ans.

Comme nous le disons toujours, la convention a pu être conclue grâce à la vision de nos aînés et grâce aux dirigeants qui sont venus après eux pour concrétiser cette vision. Les gens ont compris cela et ils ont vu qu'ils avaient ainsi l'occasion d'établir une bonne relation non seulement avec le Canada, mais aussi avec le Québec. Il ne faut pas oublier que nous avions besoin de l'appui du Québec pour que ce texte législatif soit adopté, et nous remercions le premier ministre Charest d'avoir appuyé sans réserve cette entente.

Il a fallu bien réfléchir, et nous avons dû élaborer une bonne stratégie pour que nos gens comprennent bien les conséquences de l'accord et le fait que cela concernait la mise en œuvre d'un traité. Lorsque la population l'a compris, nous n'avons eu aucune difficulté à obtenir son appui. Quatre-vingt-dix pour cent des électeurs ont participé au référendum pour demander que l'entente soit acceptée.

Le président : Écoutons maintenant le sénateur Watt, un des signataires originaux de cette Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Le sénateur Watt : Il a fallu bien du temps pour conclure cette entente. Je sais que les Cris ont vainement essayé pendant des années de mettre en œuvre la Convention de la Baie James, en particulier les questions de compétence fédérale, et je crois que les questions de compétence provinciale ont suscité le même genre de difficultés.

Vous avez mentionné que 18 ententes complémentaires ont été exécutées jusqu'à maintenant et que trois nouvelles ententes viendront modifier la politique établissant les terres de catégorie 1A et intégrer la nation crie d'Oujé- Bougoumou à l'ensemble, car cette nation n'a pu participer aux négociations en raison de problèmes techniques, selon une expression chère au gouvernement.

Pendant la deuxième phase de vos négociations avec le gouvernement du Canada au sujet des questions relevant du fédéral, est-ce que vous aborderez les questions féminines, des questions comme l'appartenance et les biens matrimoniaux? Je ne dis pas que vous avez des problèmes à cet égard, mais je sais que partout au pays les questions féminines ont souvent été mises de l'avant par divers groupes. Vous avez toujours été en mesure de trouver des solutions. Les habitants du Nord n'ont jamais véritablement éprouvé ce genre de problèmes en ce qui concerne les femmes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette question?

Bill Namagoose, directeur exécutif, Grand Conseil des Cris : Merci de cette question. Oui, nous prévoyons que les questions féminines seront abordées pendant la prochaine étape de nos discussions. Évidemment, l'entente et la loi seront présentées au Parlement du Canada aux fins d'examen après leur ratification par les Cris et les négociateurs. Vous aurez donc l'occasion d'en discuter.

Nous ne sommes plus assujettis à la Loi sur les Indiens. Nous nous sommes émancipés de la Loi sur les Indiens en 1984, et cela a réglé un grand nombre de nos problèmes internes. Il n'y a pas d'Indiens inscrits ou d'Indiens non inscrits dans nos collectivités. Nous avons ce que nous appelons des citoyens cris ou des bénéficiaires cris. Nous avons des citoyens qui ont un numéro de bande et qui sont des Indiens inscrits, et nous tenons à jour la liste aux termes de la Loi sur les Indiens, et nous avons aussi des citoyens qui ne sont pas des Indiens inscrits, mais nous ne faisons pas de distinctions dans les collectivités cries aux fins de la prestation des services ou de la participation aux décisions et aux activités de la collectivité. Lorsque nous passerons à la deuxième étape des négociations, nous aimerions régler et moderniser ce genre de questions, comme tout le monde.

Le sénateur Watt : Ma deuxième question a trait à l'accès à l'eau potable. Est-ce que cela figurera aussi au programme de la deuxième étape? Je sais que la question demeurera probablement de compétence fédérale, même si vous assumez les responsabilités administratives. Je ne crois pas que le gouvernement du Canada puisse se délester de ses responsabilités en ce qui concerne l'établissement d'une politique globale sur l'accès à l'eau potable. Est-ce que je comprends bien cette question?

M. Namagoose : Pour ce qui est de l'eau potable, les Cris installent des systèmes d'adduction d'eau et des systèmes d'égout depuis 1984 et ils les gèrent en vertu de la loi provinciale. Nous exerçons une surveillance constante. Nous avons maintenant 37 personnes accréditées pour gérer diverses parties du système d'adduction d'eau dans les collectivités cries. Elles ont suivi la formation offerte par le gouvernement du Québec. Nous avons un bassin de personnes pour gérer cela, et tout se passe très bien. Nous n'avons pas eu de problèmes de contamination de l'eau depuis des années. Nous appliquons les normes québécoises et nous les mettons en œuvre dans les réseaux d'alimentation en eau et les systèmes d'assainissement des collectivités cries. Nous avons dépassé ces normes.

Le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui nous donne l'autorité législative de dépasser les normes provinciales et fédérales, et nous allons certainement élaborer et mettre en œuvre des normes sur l'eau potable grâce à ce pouvoir que nous octroie la nouvelle loi. Nous travaillerons en ce sens, mais nous avons besoin pour ce faire du projet de loi et de l'autorisation législative. Au niveau local, nous avons appliqué les normes provinciales. Nous n'avons pas de problèmes de contamination et nous espérons, grâce à cette nouvelle loi, implanter et renforcer au niveau régional ce que nous avons fait avec la province de Québec.

Le sénateur Lang : Je n'ai jamais visité votre coin de pays, mais j'aimerais bien y aller pour voir tout cela moi-même.

J'ai posé une question au ministre au sujet des transferts financiers liés à l'entente. Je crois que cela s'élève en tout à 1,4 milliard de dollars. Est-ce que ce montant est proportionnel aux populations des collectivités ou est-ce qu'il est alloué directement à une société de développement? Est-ce qu'il sera administré par votre gouvernement régional lorsque l'entente sera en vigueur?

M. Namagoose : Le total du volet financier s'élève à 1,4 milliard de dollars, dont une somme de 1 milliard de dollars a été versée dès le départ, au moment de la signature de l'entente. Un montant supplémentaire de 100 millions de dollars sera transféré lorsque la loi recevra la sanction royale, et les Cris recevront encore 200 millions de dollars de plus lorsque nous aurons fait adopter une entente et un texte de loi sur le gouvernement de la Nation crie, ce qui devrait se produire d'ici trois ou quatre ans.

Ce montant de 1,4 milliard de dollars doit nous permettre d'assumer des obligations fédérales, notamment en matière d'adduction d'eau et d'assainissement. Le Canada et le Québec ont l'obligation de doter les collectivités d'installations d'adduction d'eau et d'assainissement, et nous allons maintenant assumer cette obligation. Nous avons commencé à installer des systèmes d'adduction d'eau et d'assainissement dans les collectivités cries.

Nous reprenons les obligations du Canada et du Québec en ce qui concerne la construction de centres communautaires dans les collectivités cries et nous construisons actuellement ces centres communautaires grâce à ces ressources. Nous avons signé l'entente en 1975, et celle-ci prévoyait l'obligation de construire des centres communautaires dans les collectivités cries. En 30 ans, le gouvernement fédéral a déboursé 3 millions de dollars pour construire un centre communautaire. Cela était compris dans notre poursuite devant les tribunaux, et la question est maintenant réglée et fait partie de l'entente. Nous allons construire des centres communautaires au nom du Canada et du Québec, j'imagine.

Pour ce qui est de la gestion des fonds, une fiducie a été créée pour la nation crie aux termes de l'entente, afin de superviser, de gérer et d'investir les fonds. L'Administration régionale crie sera la seule entité de gouvernement de la nation crie qui pourra utiliser la Fiducie de la nation crie et demander qu'elle finance certains projets et programmes. Aucun autre citoyen cri n'y est autorisé, seule l'Administration régionale crie. La Fiducie de la nation crie doit veiller à ce que le budget, les dépenses, l'utilisation de ses fonds servent uniquement à remplir des obligations fédérales. Elle ne peut dépenser l'argent que selon ce qui est prévu dans l'entente. Les activités qui ne sont pas des obligations fédérales ne sont pas admissibles au financement de la Fiducie de la nation crie. Voilà le processus adopté. L'Administration régionale crie, en tant que gouvernement de la nation crie, élaborera un budget chaque année, elle définira les programmes, puis elle présentera une demande de financement à la Fiducie de la nation crie, aux fins d'approbation. C'est un peu notre Conseil du Trésor, pour ainsi dire.

Le président de la Fiducie de la nation crie est l'ancien grand chef et chef national Matthew Coon Come. Les autres membres en sont l'ancien grand chef Ted Moses, l'ancien grand chef Billy Diamond, l'ancien chef exécutif Robert Kanatwat, l'ancien trésorier de l'Administration régionale crie Albert Diamond, l'ancien chef exécutif de la nation crie Philip Awashish et l'ancien grand chef des Cris Violet Pachanos. Ce sont eux qui administrent la Fiducie de la nation crie. Il y a un gouvernement de la Nation crie et un organe de type Conseil du Trésor appelé la Fiducie de la nation crie.

Le sénateur Lang : Est-ce que cela changera lorsqu'un gouvernement régional aura été instauré et que votre loi sur la gouvernance aura été adoptée, ou est-ce que la fiducie demeurera en place et que c'est là que les fonds seront administrés?

M. Namagoose : La fiducie demeurera, quoi qu'il advienne de l'Administration régionale crie. La fiducie demeurera parce qu'elle est la gardienne des fonds de la Nation crie.

La Fiducie de la nation crie a un mandat de 20 ans. Elle recevra 1,4 milliard de dollars et elle veillera à ce que cet argent soit dépensé pour exécuter des obligations fédérales. À la fin de la vingtième année, le compte devrait avoir un solde nul. Il ne s'agit pas d'un fonds du patrimoine, c'est un fonds à épuise, qui couvre les obligations qu'a le gouvernement fédéral aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Au cours de la 18e année, nous reprendrons les négociations pour renouveler l'entente concernant une nouvelle relation.

Le sénateur Lang : Je ne comprends pas bien un aspect de ce transfert de fonds. Je n'ai pas tout à fait compris la réponse du ministre non plus, et le témoin pourrait peut-être éclairer ma lanterne.

Je ne comprends pas quelle est la responsabilité du ministère des Affaires indiennes relativement à ce transfert de fonds, puisque vous assumez ces responsabilités. J'imagine que le gouvernement fédéral n'exerce plus ces responsabilités et que donc il se retire et vous dit : voilà, cela relève maintenant de vous, et il vous verse des fonds pour que vous vous acquittiez de ces responsabilités. Est-ce bien cela?

M. Namagoose : Oui. Les obligations que nous avons assumées sont des obligations issues de traités dont le Canada doit s'acquitter envers les Cris. Nous reprenons ces obligations pour une période de 20 ans. Lorsque l'entente concernant la relation prendra fin, dans 20 ans, les obligations issues de traités en termes de prestation de services d'hygiène, de construction de centres communautaires et d'autres questions prévues dans la Convention de la Baie James seront rendues au Canada. Elles redeviendront des obligations issues de traités dont le Canada devra s'acquitter envers les Cris. Nous assumons ces obligations issues de traités pour une période de 20 ans, mais ce sont des obligations issues de traités qui incombent au Canada, ce sont des obligations perpétuelles à l'égard des Cris.

Le président : Honorables sénateurs, il est encourageant de voir la patience qu'ont eue les Cris envers nous, Canadiens, envers notre pays en général, en choisissant la négociation plutôt que les tribunaux. Le résultat est indépendant des allégeances politiques, car le premier ministre Chrétien a largement contribué à la définition de cette entente. L'entente de 2008 a été conclue sous la gouverne de l'administration actuelle, mais il faut aussi reconnaître les efforts de tous ceux qui l'ont précédée. Je crois que le plus encourageant c'est d'entendre dire que le ministère de la Justice a si bien collaboré et qu'il est maintenant beaucoup plus facile de travailler avec lui. Notre étude sur la mise en œuvre a peut-être elle aussi contribué à l'éclosion de ce nouvel esprit de coopération.

Vous prenez enfin votre destinée en main. L'entente porte sur une période de 20 ans, et il faut espérer qu'elle durera 2 000 ans ou même deux millions d'années.

M. Namagoose : On nous a soumis quelques questions concernant la situation de l'Administration régionale crie, qui doit assumer ces pouvoirs. Nous aimerions déposer devant le comité la loi québécoise qui crée l'Administration régionale crie et ses pouvoirs.

L'Administration régionale crie n'est pas une simple façade. Elle existe depuis 1978 et elle fonctionne de concert avec l'autre organe de gouvernance des Cris. En conséquence, nous aimerions déposer ce texte législatif.

Le président : Sommes-nous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Le document est déposé. Je vous remercie encore, monsieur Namagoose.

Grand chef, je vous remercie, vous et votre délégation. Je crois que vous avez su répondre à toutes nos questions. Il y avait des questions sur les eaux et des questions sur les droits des femmes. Permettez-moi de vous souhaiter à nouveau bonne chance. Puissiez-vous réussir! Et que Dieu vous protège. Merci encore.

Chers collègues, nous pourrions discuter de ce qui suit à huis clos ou préférez-vous tenir cette discussion en public?

Le sénateur Carstairs : Je ne vois pas pourquoi nous devrions le faire à huis clos. Je pense que tous ici sont disposés à passer à l'étude article par article.

Le président : Honorables sénateurs, le paragraphe 96 (7.1) prévoit que :

À moins de permission de ses membres présents, un comité ne peut pas omettre l'étude article par article d'un projet de loi.

Je vous demande si vous voulez vous dispenser de l'étude article par article du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Sommes-nous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : C'est convenu.

Il est convenu que le projet de loi est adopté sans modification?

Des voix : D'accord.

Le président : Est-ce que l'accord est unanime?

Des voix : Oui.

Le sénateur Carstairs : J'aimerais présenter une motion pour que nous en fassions rapport au Sénat cet après-midi.

Le président : J'y viens. Merci beaucoup, sénateur.

Vous plaît-il que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat, sans amendement ni observation, dans les plus brefs délais?

Des voix : Oui.

Le président : Merci, chers collègues.

[Français]

Merci pour toute la coopération. Je remercie également le sénateur Dawson d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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