Aller au contenu

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 9 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 13 h 39, pour mener une étude et faire rapport sur la politique de sécurité nationale du Canada.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je suis le sénateur Colin Kenny, président du comité.

Avant de commencer, je voudrais brièvement présenter les membres du comité. À ma droite, le vice-président, le sénateur Pamela Wallin. Le sénateur vient de la Saskatchewan. Nommée au Sénat en janvier 2009, elle est une journaliste reconnue dont la carrière s'étend sur plus de 30 ans. En plus d'assumer les fonctions de vice-présidente du comité, elle est membre du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

À sa droite, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta. Il a été nommé au Sénat en avril 2000. Beaucoup de Canadiens le connaissent comme un musicien accompli et polyvalent et comme un artiste. Le sénateur Banks est membre du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

À sa gauche, le sénateur Wilfred Moore, qui a été nommé au Sénat en septembre 1996. Il représente la division sénatoriale de Stanhope Street/Rive-Sud en Nouvelle-Écosse. Il s'est impliqué sur le plan municipal à Halifax- Dartmouth et il a fait partie du Conseil des gouverneurs de l'Université Saint Mary's. Il siège également au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.

À sa droite, le sénateur Rod Zimmer, de Winnipeg, au Manitoba. Il a à son actif une longue et brillante carrière d'homme d'affaires et de philanthrope. Il siège au Sénat depuis août 2005. Il siège également au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

À sa gauche, le sénateur Pierre-Claude Nolin.

[Français]

Le sénateur Pierre-Claude Nolin est de la province du Québec. Il est avocat et a été nommé sénateur en juin 1993. Le sénateur Nolin est présentement vice-président du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles et est également membre du Comité sénatorial permanent du Règlement, procédure et droits du Parlement.

[Traduction]

À ma gauche, le sénateur Fabian Manning. Il a consacré sa carrière au service des citoyens de Terre-Neuve-et- Labrador aux trois paliers de gouvernement. Il a été nommé au Sénat en janvier 2009. Il préside également le caucus de l'Atlantique du gouvernement conservateur. Il siège en outre au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

À sa gauche, le sénateur David Tkachuk, de la Saskatchewan. Il a été nommé au Sénat en juin 1993. Au fil des ans, il a été homme d'affaires, fonctionnaire et enseignant. Il est également vice-président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et membre du Comité sénatorial de sélection.

À sa gauche, le sénateur Michael Meighen, de l'Ontario. Il a été nommé au Sénat en septembre 1990. Il est avocat de profession et membre des barreaux du Québec et de l'Ontario. Il préside actuellement le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il est membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

À sa gauche, le sénateur Grant Mitchell. Il a été nommé au Sénat en mars 2005. Il est d'Edmonton, en Alberta. Il a fait carrière dans la fonction publique de l'Alberta, dans le secteur financier et en politique. Il siège également au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

À sa gauche, le sénateur Joseph Day. Il est du Nouveau-Brunswick, où il est bien connu comme avocat en cabinet privé et ingénieur. Il siège au Sénat du Canada depuis octobre 2001. Le sénateur Day siège également au Conseil des gouverneurs du Collège militaire royal du Canada. Il préside actuellement le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le dernier, mais pas le moindre, au bout de la table, le sénateur Norman Atkins. Le sénateur Atkins a été nommé au Sénat du Canada le 29 juin 1986. Il a été président de Camp Associates Advertising Limited, une agence renommée de Toronto. Il a également occupé les fonctions de président de la campagne nationale du Parti progressiste-conservateur lors des élections fédérales de 1984 et 1988.

Honorables sénateurs, membres du public et invités spéciaux, nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter avec le lieutenant-général A.B. Leslie, chef d'état-major de l'Armée de terre. Ensuite, nous discuterons avec le lieutenant- général Angus Watt, chef d'état-major de la Force aérienne, et avec le vice-amiral Drew Robertson, chef d'état-major de la Force maritime. Ils se sont joints à nous aujourd'hui pour discuter notamment des défis auxquels ils sont confrontés dans leurs domaines de responsabilité au sein des Forces canadiennes. Nous sommes impatients de les entendre.

Comme je l'ai dit, notre premier témoin aujourd'hui est le lieutenant-général Leslie, chef d'état-major de l'Armée de terre. Le lieutenant-général Leslie s'est joint au Trentième Régiment d'artillerie pendant qu'il fréquentait l'Université d'Ottawa. En 1981, il est passé à la Force régulière, où il a d'abord servi dans le 1er Régiment, Royal Canadian Horse Artillery. Le lieutenant-général Leslie a également effectué une série de périodes de service en Allemagne, à Chypre et en Bosnie. La Médaille du service méritoire lui a été décernée en reconnaissance de ses actions sur la ligne de feu en août 1995. Plus récemment, le lieutenant-général Leslie a été nommé commandant de la Force opérationnelle à Kaboul et commandant adjoint de la Force internationale d'assistance à la sécurité, une mission dirigée par l'OTAN en Afghanistan. Il assume les fonctions de chef d'état-major de l'Armée de terre depuis juin 2006.

Bienvenue, lieutenant-général Leslie. Il paraît que vous allez faire une brève déclaration. Vous avez la parole, monsieur.

[Français]

Lieutenant-général A.B. Leslie, chef d'état-major de l'Armée de terre, Défense nationale : Monsieur le président, je vous offre mes excuses, je n'ai pas eu le temps de faire une traduction officielle de mon texte en anglais. Je vais faire la plupart de mes commentaires en français.

En tout premier lieu, j'aimerais vous remercier de l'intérêt que vous démontrez à l'égard des enjeux stratégiques de l'armée de terre, ce dont j'ai fait part au chef d'état-major de la défense ainsi qu'au sous-ministre de la Défense nationale en janvier.

Je tiens à vous dire que j'apprécie grandement l'occasion qui m'est offerte de répondre à vos questions sur les principaux défis que le commandant de la force terrestre devra relever dans les années à venir.

Tout d'abord, il m'apparaît important de réitérer que mon objectif principal est de m'assurer que nos troupes soient bien entraînées et équipées pour accomplir avec succès les opérations domestiques et internationales que le gouvernement du Canada jugera opportun de nous confier.

Ma mission est claire : elle est de mettre sur pied des forces terrestres polyvalentes et efficaces au combat, afin d'atteindre les objectifs de la défense du Canada.

Je suis excessivement fier des remarquables réalisations accomplies par les soldats sous mon commandement. De plus, je tiens à reconnaître publiquement l'appui exceptionnel des autres éléments des Forces canadiennes sans lesquel nous n'aurions pas été en mesure de remplir efficacement nos divers mandats et tâches opérationnelles.

Les paradigmes d'autrefois basés sur la guerre froide ont bien changé. Nous avons démontré hors de tout doute, notre capacité et habileté à adapter rapidement notre doctrine, formation et l'entraînement pour faire face à des opérations dispersées, complexes et noyautées sur des missions de contre-insurrection, celles-ci nous ont forcé à mettre en place un processus agile et rapide permettant d'intégrer efficacement, sur le plan de notre entraînement, les leçons apprises en terrain opérationnel. Cette approche accorde à nos soldats les meilleures chances de succès en opérations et minimise nos pertes en vies humaines.

Malgré les nombreux succès des dernières années, il n'en demeure pas moins que votre armée est tellement sollicitée qu'il nous faudra faire des choix difficiles si nous voulons être en mesure de maintenir le présent niveau d'engagement opérationnel à court et moyen terme. Du point de vue de l'armée, il existe quatre grandes catégories d'enjeux stratégiques sur lesquelles je veux vous entretenir : le personnel, l'instruction, l'équipement et les infrastructures.

En ce qui concerne le personnel, au sein de l'armée, c'est certainement notre ressource la plus importante. Aujourd'hui, nos soldats sont extrêmement sollicités pour soutenir le présent niveau de génération de forces nécessaires pour les opérations domestiques et internationales à court et moyen terme. Les Forces canadiennes ont bien reconnu ce besoin en personnel et suite au budget de 2005 et 2006, 3 075 positions du plan d'expansion des Forces canadiennes pour la force régulière ont été octroyées au commandant de la force terrestre afin d'accroître nos effectifs.

Toutefois, notre défi est incontestablement de recruter et d'entraîner ces nouveaux soldats pour qu'ils puissent remplir les nouveaux postes. D'ailleurs, le nombre de soldats en formation élémentaire au sein des Forces canadiennes, entre 2005 et 2009, est passé de 7 770 à 10 750.

Puisqu'il ne semble plus y avoir de fonds pour augmenter immédiatement les effectifs de la force de réserve et qu'à court terme le financement pour les employés civils, incluant les contractuels, est plafonné, seule l'augmentation des postes dans la force régulière peut améliorer notre capacité opérationnelle.

L'augmentation de nos effectifs de la force régulière au sein de l'armée pose toujours un véritable défi. À titre d'exemple, depuis le début de l'expansion de la force régulière, en 2005, alors qu'environ 2 100 nouveaux postes ont été créés, le nombre de soldats entraînés est demeuré sensiblement le même. Cela reflète bien la situation pour l'ensemble des Forces canadiennes qui, depuis 2005, affiche un niveau constant de soldats entraînés de l'ordre de 52 000. On peut expliquer ce fait par un niveau d'attrition plus élevé au cours des dernières années. De l'année financière 2003-2004 à 2007-2008, le chiffre total est passé de 6,5 p. cent à 9 p. cent. Cette hausse est probablement attribuable à une main- d'œuvre vieillissante et qui approche de la retraite. Ce phénomène d'attrition peut également s'expliquer par le fait suivant : le marché civil a réalisé la valeur des compétences que représentent 10, 20 ou 30 années d'expérience, en tant que militaire, et nombre d'entreprises sont prêtes à payer pour obtenir une telle main-d'œuvre.

De plus, les Forces canadiennes n'ont pas été très proactives à mettre en place des mesures incitatives pour encourager les membres des Forces canadiennes à demeurer au sein de l'organisation. Néanmoins, je suis conscient des efforts qui se font présentement à ce niveau.

De surcroît, la création de nouveaux quartiers généraux et d'unités non déployables a forcé l'armée à remplir plusieurs centaines de postes nécessitant des militaires avec un haut niveau d'expérience et de connaissances militaires. Ce changement organisationnel est survenu à un moment où nos militaires sont particulièrement sollicités au sein des unités de campagne, des régiments, des régiments, des brigades ainsi que dans les systèmes d'instruction. Ces gens sont indispensables afin de renflouer en personnel, le plus rapidement possible, nos unités opérationnelles.

Par ailleurs, ces militaires d'expérience jouent un rôle primordial pour minimiser le taux de mortalité et de blessés en opération. L'armée est à court de plus ou moins 700 officiers et 700 sous-officiers supérieurs aux métiers dont elle est responsable. Dans les circonstances, certaines solutions stratégiques ont été suggérées. À court terme, les Forces canadiennes devront soit réduire leur niveau d'engagement opérationnel ou bien réduire le nombre de personnes employées au sein des quartiers généraux statiques et non déployables. Une autre option serait de possiblement à réduire le nombre de quartiers généraux qui existent dans les Forces canadiennes.

À moyen terme et à partir de la mi-juillet 2011, nous devrons explorer la possibilité d'instaurer une courte pause opérationnelle, soit bien organisée et synchronisée, et ce, en l'espace de moins d'un an. Néanmoins, il va sans dire que nous demeurons toujours prêts à accomplir nos diverses tâches sur le plan national et international.

Sur une note plus positive, l'armée est très encouragée par l'augmentation du plan de recrutement stratégique des Forces canadiennes qui est passée de 6 400, en 2006, et qu'on prévoit accroître à 8 000 pour l'année 2009. Cette initiative devrait favoriser l'atteinte de l'expansion de la force régulière planifiée pour 2011-2012. Nous recrutons présentement beaucoup de soldats. Toutefois, il est primordial de veiller si on veut les garder au sein de nos rangs, de bien s'occuper d'eux, mais également et d'une façon exemplaire de leur famille.

De plus, la décision par les officiers seniors des Forces canadiennes d'augmenter le niveau préférentiel de dotation pour l'infanterie, les blindés et le nombre de caporaux-chefs dans certains métiers devrait porter fruit à court terme.

Parlons maintenant de l'instruction. Au cours des 24 derniers mois, l'armée a mis de l'avant plus de changements sur le plan de l'instruction individuelle et collective qu'au cours des 20 dernières années. Ces changements découlent de l'expérience acquise en particulier lors des opérations menées en Afghanistan ; des opérations complexes, dangereuses — 112 morts et un grand nombre de blessés graves — et où l'ennemi adapte rapidement ses façons de faire pour causer le plus de dommages possible à nos forces, — plusieurs véhicules détruits — et ce, sans aucun scrupule.

Nous devons donc avoir recours à un entraînement des plus rigoureux, complet et adapté à une menace qui évolue constamment. L'entraînement pour l'atteinte d'un haut niveau d'état de capacité opérationnelle est donc plus coûteux. Il requiert temps, argent et disponibilité de l'équipement.

Nos soldats méritent le meilleur entraînement réalisable et s'il y a un endroit où je ne suis pas prêt à faire des compromis, c'est définitivement à ce niveau. Il est primordial qu'ils soient prêts pour les missions difficiles. On doit leur donner tous les atouts requis pour réussir leur mission et afin qu'ils reviennent sains et saufs auprès de leurs familles.

Dans ce contexte, il est possible que des fonds additionnels soient requis pour continuer à adapter et modifier notre entraînement tant sur le plan individuel que collectif pour mieux répondre à une menace en constante évolution et aussi pour nous permettre de déployer de nouvelles capacités selon les besoins opérationnels.

Parlons maintenant de l'équipement. Un très grand nombre de personnes et d'organisations ont fait de l'excellent travail afin d'acquérir, pour nos soldats, du nouvel équipement, et par le fait même améliorer leur capacité de remplir avec succès les missions assignées et leur probabilité de survie en opération. Ces initiatives ont grandement contribué au moral des troupes. C'est un signe tangible que le pays soutient ses soldats et leur donne ce dont ils ont besoin pour faire le travail; un apport du gouvernement qui est énormément apprécié et que je qualifie de fort responsable.

Les principaux défis reliés à l'équipement se situent surtout au niveau de sa disponibilité, sa quantité et notre capacité à le remettre en bon état. Le présent tempo opérationnel fait en sorte que nous utilisons notre équipement à pleine capacité. Les conditions dans lesquelles il est utilisé sont très exigeantes. Les véhicules ramenés du théâtre des opérations sont souvent soit dans un état qui nécessite un niveau d'entretien très exigeant — en temps et en pièces de rechange —, ou un niveau de réparation qui surpasse notre capacité.

L'entretien de certains types de véhicules atteignent un taux hors d'usage excédant 70 p. cent. Pour les véhicules légers blindés, le taux est de 33 p. cent; pour les véhicules de reconnaissance de type Coyote, le taux est de 76 p. cent; pour d'autres véhicules légers blindés, le taux est de 100 p. cent — ces chiffrent datent de février 2009. Pour les véhicules blindés de type Bison, le taux est de 73 p. cent, et pour les chars qui demeurent au Canada, le taux est de 71 p. cent. Voilà le pourcentage des véhicules qui sont hors d'usage. Faute de mécaniciens et de techniciens, nous ne sommes pas en mesure de réparer ces véhicules.

Cette situation est très sérieuse, car le nombre et les types d'équipements qui doivent être réparés et remplacés ne cessent d'augmenter à un rythme effréné et l'utilisation de cet équipement est beaucoup plus grande que planifiée lors de leur achat. Par conséquent, nous devons, à l'occasion, déplacer le peu de véhicules disponibles vers nos bases d'entraînement, et ce à très grand coût, afin de garantir l'instruction essentielle pour nos troupes.

A cet égard, pour réduire l'entraînement des soldats pour remédier à la situation n'est certainement pas une solution viable. Nous en sommes maintenant réduits au point où il faudra, à court terme, des fonds additionnels pour embaucher des mécaniciens et des techniciens civils pour permettre de dispenser l'entraînement nécessaire à nos mécaniciens et techniciens militaires. Sans quoi, ces derniers ne seront pas disponibles pour des déploiements opérationnels en raison d'un manque d'entraînement et d'expérience.

Le personnel du bureau du vice-chef d'état major est bien au courant des ressources additionnelles requises pour rectifier cette situation. Ceci dit, je suis pleinement conscient de l'ampleur des défis corporatifs auxquels ce bureau doit faire face. Il est possible que nous recevions des fonds additionnels, néanmoins, le défi sera, une fois de plus, de mettre la main sur une main-d'œuvre disponible et qualifiée.

En dernier lieu, je tiens à souligner le travail colossal accompli par le personnel du sous-ministre adjoint (Matériel), M. Dan Ross, visant à améliorer le niveau de protection des véhicules qui offrira ultimement un meilleur niveau de protection à nos soldats. Cela a directement permis de sauver des douzaines de vies humaines.

Toutefois, il est clair que dans bien des cas, nous avons atteint la charge utile maximum permise pour ajouter de la protection sur nos véhicules. Diverses options, dont les projets reliés au système de combats terrestres du futur sont actuellement en cours d'élaboration ou sur le point d'être mises de l'avant.

Au nom du ministère de la Défense nationale, l'armée gère l'un des plus grands, variés et complexes éventails d'infrastructures des Forces canadiennes. Les fonds nécessaires pour permettre l'entretien de ces infrastructures sont énormes et il est clair que les fonds requis ne seront probablement pas disponibles. En conséquence, une approche éclairée, raisonnable et bien priorisée est la clé du succès. Toutefois, dans mon évaluation des enjeux stratégiques de l'armée sur le plan des infrastructures, j'ai soulevé le fait que la procédure en place pour l'approbation de certains projets est trop fastidieuse et prend beaucoup trop de temps et d'efforts. Les mois, et parfois même les années de délais s'écoulent au niveau de l'approbation des projets, ce qui engendre des coûts exorbitants au ministère.

Les ressources qui auraient pu être utilisées pour de nouvelles constructions ou pour l'acquisition de nouvelles capacités sont malheureusement souvent perdues à cause du temps et des efforts supplémentaires que nous devons investir pour modifier les soumissions de certains projets. Nous avons clairement soulevé le besoin de revoir et de simplifier le processus en place d'approbation des projets afin de maximiser les ressources financières allouées aux projets d'infrastructures. Le sous-ministre associé — infrastructures et environnement — travaille actuellement à élaborer un plan visant à améliorer la situation.

En conclusion, j'aimerais dire que notre armée fait face à des défis de taille, quant à son personnel entre autres.

Certes, nous recrutons des soldats, mais nous les maintenons en poste grâce à leur famille. L'attention que nous accordons à nos soldats et à leur famille est la clé de la rétention de notre personnel. Par contre, le défi le plus important demeure la pénurie croissante de leaders expérimentés sur le plan tactique.

Le commandement de la force terrestre passe probablement à travers la période de changement la plus significative des 50 dernières années quant à sa doctrine, de son instruction, de son équipement et de sa structure.

Malgré tout, les soldats, unités et formations de l'armée ont fait, sans équivoque, leurs preuves au combat et continuent à démontrer leur courage physique et moral de manière éclatante.

La valeur et le professionnalisme de nos soldats sont clairement reconnus internationalement par plusieurs de nos alliés et par la population canadienne.

La façon exemplaire avec laquelle ils s'acquittent de leurs tâches lors d'opérations complexes, tant au pays qu'à l'étranger, est le résultat du travail indéniable des milliers de réguliers, réservistes et civils qui ont contribué à les préparer d'une façon exceptionnelle.

Nous vivons à une époque où il est très valorisant d'être un soldat, car le sens du devoir pour la nation est, sans contredit, extrêmement palpable et présent.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : J'invoque le Règlement. Il manque une page dans l'exposé du lieutenant-général Leslie. La page 10 n'était pas incluse, du moins dans ma trousse d'information. Serait-il possible de l'obtenir?

Le président : Je comprends cela. Personne n'a cette page dans sa trousse. Vous l'avez? Bon, certains membres l'ont. Nous en ferons des copies que nous distribuerons.

Lieutenant-général Leslie, je vous remercie infiniment de ce portrait de l'Armée de terre qui donne à réfléchir. Votre exposé a suscité un grand intérêt au sein du comité.

Le sénateur Banks : Je vous remercie, c'est un plaisir de vous revoir. Je vous remercie de votre présence et de votre exposé qui, comme l'a fait remarquer le président, donne à réfléchir à certains égards.

Vous avez toutes les raisons d'être fier de vos effectifs. Votre fierté est partagée par tous les membres actuels ou passés de ce comité. Nous avons visité toutes les principales bases militaires au Canada et à l'étranger. Partout, nous avons été impressionnés par la qualité, l'engagement et les compétences des militaires. Comme vous l'avez dit, ils commandent l'admiration de tous et chacun, y compris ceux qui travaillent en étroite collaboration avec eux.

Cependant, les difficultés auxquelles vous faites face et auxquelles font face l'Armée de terre et certains autres services sont d'un intérêt particulier pour le comité, et ce, depuis longtemps déjà. C'est une chose terrible que de réduire la réalité à des chiffres, mais c'est important pour nous si nous voulons comprendre cet instantané. Vous nous avez parlé des problèmes relatifs à l'entretien des véhicules. Je suppose que c'est un problème de personnel plutôt qu'un problème de quincaillerie.

Je pense que vous avez dit que l'effectif des Forces canadiennes est de 52 000 militaires. Est-ce exact?

Lgén Leslie : L'effectif actuel des Forces canadiennes est effectivement de 52 000 militaires entraînés.

Le sénateur Banks : Quel est l'effectif total des forces armées?

Lgén Leslie : Puis-je consulter mes notes?

Le sénateur Banks : Bien sûr. Ce que je veux savoir, c'est l'effectif autorisé à l'heure actuelle et ensuite l'effectif actuel. En ce qui concerne seulement l'Armée de terre, je suis prêt à accepter les chiffres que vous pouvez me fournir de mémoire pour la Force régulière, la Force de réserve et les employés civils.

Lgén Leslie : Le gouvernement du Canada a déclaré son intention de porter à 70 000 militaires l'effectif de la Force régulière. Nous sommes sur la bonne voie. Je vais donner des renseignements d'ordre général au sujet des Forces canadiennes, mais je vais être précis en ce qui concerne l'Armée de terre. L'effectif de l'Armée de terre canadienne est constitué de 67 000 à 68 000 militaires de la Force régulière. Il y a quelques années, il était de 65 000 militaires. Est-ce que cela répond à la première partie de votre question?

Le sénateur Banks : Oui. Autrement dit, nous sommes sur le point d'atteindre l'objectif prévu. Nous étions mécontents du temps nécessaire pour y arriver. Nous ne sommes pas entièrement d'accord avec le chiffre de 70 000, mais c'est en train de bouger.

Lgén Leslie : Les choses progressent effectivement et pour diverses raisons. Je partage votre mécontentement. La raison, c'est en partie l'attrition. Compte tenu de la démographie, il y a beaucoup d'excellents soldats et officiers dont la carrière atteint actuellement le cap des 10, 20 et 30 ans.

Le sénateur Banks : Et on s'arrache leurs compétences.

Lgén Leslie : Nous formons des militaires étonnants. Je vais limiter mes observations à l'Armée de terre. Il y a de jeunes hommes et de jeunes femmes, ainsi que des hommes et des femmes un peu plus âgés qui ont déjà été amenés à prendre des décisions de vie ou de mort dans des circonstances extrêmement complexes. La bonne nouvelle, c'est que l'industrie civile est désormais beaucoup plus consciente de la réserve de talents que représentent les Forces canadiennes. La mauvaise nouvelle, c'est que l'industrie civile est désormais beaucoup plus consciente de la réserve de talents que représentent les Forces canadiennes.

Pour répondre à votre question sur l'Armée de terre, la Force régulière compte actuellement 20 364 soldats formés. En outre, on compte 6 235 recrues sur la liste des effectifs en cours d'instruction de base. Tant qu'elles n'ont pas reçu cette instruction de base, ce qui va de soi, elles ne peuvent joindre les rangs des forces armées. Elles doivent passer par le chef du personnel militaire pour recevoir une instruction de recrue. Une fois l'instruction de base complétée, les recrues sont affectées aux bataillons et aux régiments par l'intermédiaire des écoles de combat.

Le sénateur Banks : C'est là le portrait de la situation actuelle?

Lgén Leslie : Ces données datent de février. En février, l'effectif de la Force de réserve était de 20 588 réservistes et la croissance de cette force est très modeste. Environ 1 000 postes seront alloués par le vice-chef d'état-major de la Défense dans un avenir proche.

Le sénateur Banks : Y a-t-il des civils qui travaillent actuellement dans les forces armées?

Lgén Leslie : Absolument. Ils font autant partie des forces armées que les militaires.

Il y en a 5 355, sénateur.

Le sénateur Banks : L'effectif total de l'Armée de terre est actuellement de 26 600 personnes, y compris les 6 235 personnes qui sont déjà dans la filière et qui attendent de devenir opérationnelles.

Concrètement, qu'en est-il de la capacité de compléter les unités de campagne qui sont actuellement opérationnelles? Sont-elles à court d'effectifs du point de vue de leur structure optimale de dotation en effectifs? Lorsque vous déployez une compagnie, s'agit-il vraiment d'une compagnie? Lorsque vous déployez un bataillon, s'agit-il vraiment d'un bataillon?

Lgén Leslie : Il y a deux questions interreliées. La première est basée sur les dures leçons apprises ces derniers temps. La qualité est primordiale dans les rangs de nos soldats et ils ont prouvé à tous les Canadiens leurs qualités innées en tant que Canadiens, mais également en tant que soldats professionnels, qu'ils appartiennent à la Force régulière ou à la Réserve.

Il arrive un moment où la masse acquiert une qualité propre. C'est pourquoi l'Armée de terre a augmenté la taille de ses compagnies, de ses batteries et de ses escadrons. Ce qui s'est produit, c'est que des milliers de jeunes Canadiens se sont joints à la Force régulière et à la Force de réserve. Ils gonflent l'effectif de ces bataillons renforcés, ce qui permet une croissance de 3 075 réguliers supplémentaires. Nos rangs se gonflent de jeunes hommes et de jeunes femmes qui occupent les postes de carabiniers, d'artilleurs et de conducteurs de char.

Là où c'est le plus difficile, c'est à l'échelon des grades supérieurs, des officiers et des sous-officiers. Actuellement, pour répondre à votre question de façon plus détaillée, il nous manque environ 650 à 700 officiers (selon la façon de compter) et près de 700 sous-officiers supérieurs dans les classifications gérées par l'Armée de terre.

Il faudra du temps pour les former. En effet, contrairement à d'autres professions où il est possible d'accéder directement à des tâches de supervision, il n'y a qu'une seule façon de former un sergent avec dix années d'expérience et c'est justement en lui permettant d'acquérir durement ces dix années d'expérience.

Le sénateur Banks : Au sujet de ces 700 officiers manquants, sont-ils sur le terrain, où ils doivent gérer avec le gros bout du bâton, ou sont-ils à Ottawa?

Lgén Leslie : C'est effectivement dans les bataillons, les régiments et les brigades de l'Armée de terre que se fait surtout sentir cette pénurie.

Le sénateur Banks : À l'extérieur du Quartier général du MDN, ici à Ottawa?

Lgén Leslie : Oui, monsieur.

Le sénateur Banks : Vous avez suggéré deux choses. Vous avez suggéré dans votre exposé la possibilité de réduire le nombre de militaires portant des galons de toutes sortes à Ottawa.

Je vais vous poser une question à deux volets : certains de ces militaires pourraient-ils être affectés sur le terrain pour s'acquitter des fonctions de gestion que vous avez mentionnées? Nous comprenons qu'ils sont importants. Parallèlement, si tel était le cas, nous pourrions conclure que nous sommes un peu trop bien dotés au Quartier général de la Défense nationale, à Ottawa. Je vous demanderais donc de nous dire comment la refonte de la structure de commandement se déroule à cet égard. Disposons-nous du personnel approprié pour effectuer les tâches appropriées, disposant des compétences appropriées dans les fonctions appropriées?

Lgén Leslie : À mon avis, il devrait être prioritaire de combler ces actifs d'un grand nombre de jeunes Canadiens prêts à se rendre sur le terrain et à agir pragmatiquement, dans le cadre d'opérations domestiques ou internationales.

Toutes les organisations, en particulier celles qui sont d'une certaine taille, ont besoin d'un certain degré de capacité de supervision. Elles doivent pouvoir être subdivisées en groupes de taille gérable.

Dans l'Armée de terre, en votre nom, je suis en charge de centaines de bataillons, régiments, de soldats et de réservistes, d'écoles et d'unités. Je ne suis pas en mesure de le faire tout seul, bien que certains de mes subordonnés aimeraient se passer de supervision. C'est pourquoi nous avons mis en place une architecture de commandement et contrôle pour les prendre en charge.

En ce qui concerne nos priorités, il y a un consensus quasi universel sur le fait que l'effectif du Quartier général des Forces canadiennes devrait faire l'objet d'un examen. Cela ne s'appliquerait pas seulement au nombre de nouveaux commandements ou aux nouvelles initiatives de transformation. De façon plus modeste, cette démarche s'applique à l'Armée de terre, au sein de laquelle nous avons une foule d'unités relativement petites qui devraient logiquement être regroupées afin de simplifier les chaînes horizontales de responsabilité, en regroupant les éléments semblables ou les personnes qui s'acquittent de tâches et d'activités semblables.

Le sénateur Banks : À votre avis, cela ne réduirait en rien l'efficacité de la gestion de ces fonctions.

Lgén Leslie : Non sénateur, c'est improbable. L'un des charmes du monde informatisé dans lequel nous vivons, c'est de croire qu'il est possible de composer avec des coûts indirects moindres que dans le passé. Dans ma pratique personnelle, je ne crois pas que cela soit fondé, mais je suis peut-être le seul à le penser.

En ce qui concerne les effectifs affectés à Ottawa, mon mandat est de diriger l'Armée de terre en votre nom. J'ignore combien il y a d'employés à plein temps à Ottawa et je n'en fais jamais le compte. Il y a des réguliers, des réservistes, des civils, des fonctionnaires, des contractuels et des consultants.

Je serais porté à croire que leur nombre est d'environ 15 000 à Ottawa. Il ne fait aucun doute que certaines personnes affectées à Ottawa seraient en mesure de jouer le rôle que nous attendrions d'elles dans les bataillons et les régiments, mais cela ne veut pas nécessairement dire que toutes le pourraient ou le devraient.

Le sénateur Banks : Voici la raison de ma question. J'aimerais que vous m'expliquiez en des termes que je pourrai comprendre. Imaginons un travailleur qui rentre chez lui en autobus après le travail. Il apprend que les forces armées emploient environ 15 000 personnes à Ottawa.

Avez-vous bien dit les Forces canadiennes?

Lgén Leslie : Il ne s'agit pas seulement des Forces canadiennes, monsieur. Le jargon que nous utilisons dans l'étrange édifice du Quartier général de la Défense nationale est « équivalents temps plein ». On y trouve des réguliers, des réservistes en service à plein temps ou à temps partiel, des fonctionnaires, des contractuels et des consultants. Je crois que l'effectif total dans la région de la capitale nationale est de 15 000 personnes et qu'elles ne sont pas toutes entassées au Quartier général de la Défense nationale au 101, promenade du Colonel-By.

Cela étant dit, je crois que la personne la plus compétente pour répondre à cette question de façon précise est le vice- chef d'état-major de la Défense.

Le sénateur Banks : En proportion, à peu près combien de ces personnes ont un lien ombilical avec les forces armées? La moitié? Le tiers?

Lgén Leslie : Dans la région de la capitale nationale, il y a 6 090 militaires, incluant ceux qui travaillent au Quartier général des Forces canadiennes. Environ 300 autres, qui font partie de la brigade de la Force de réserve, sont également affectés à Ottawa, ainsi que les titulaires de postes dans le cadre élargi de la Défense nationale, ici même à Ottawa.

Le sénateur Banks : Pour le travailleur de notre exemple qui rentre chez lui en autobus, la question se pose essentiellement de la façon suivante : Si l'effectif des forces armées est de 20 000 militaires, y compris ceux qui sont totalement fonctionnels, plus 20 000 réservistes et environ 6 000 autres personnes à Ottawa et dans les alentours, pourquoi avons-nous de la difficulté à maintenir 3 000 soldats en Afghanistan? Les forces armées ont-elles besoin d'un effectif de 40 000 personnes pour maintenir 2 500 militaires en Afghanistan?

Lgén Leslie : En ce moment, il y a environ 2 400 soldats en Afghanistan. Ce nombre augmente et diminue en raison notamment des déploiements de courte durée qui ont pour but de donner un coup de main lors de l'installation de nouveaux équipements. Il y a aussi les équipes de formation qui se rendent sur le terrain. Par conséquent, pour les besoins de ma démonstration, ce nombre est très proche de 2 500. Ce sont là des militaires de l'Armée de terre. La Force aérienne et la Marine ont leurs propres allocations.

Nous avons recours à une règle que nous appelons communément la règle de « quatre plus un ». En tout temps, l'Armée de terre compte 2 500 soldats déployés, 2 500 soldats qui viennent de rentrer au pays, 2 500 soldats en cours d'instruction, 2 500 soldats qui suivent une formation individuelle et 2 500 soldats qui suivent une formation collective.

Pendant une année, en tout temps, 15 000 réguliers et réservistes se consacrent à la mission en Afghanistan. En outre, il faut compter le personnel de soutien des bases, les mécaniciens et les préposés aux champs de tir. En résumé, 20 000 militaires, soit essentiellement l'effectif total de l'Armée régulière, se concentrent sur ce qui se passe en Afghanistan.

Il faut également tenir compte des nombreux blessés qui souffrent de blessures physiques, psychologiques, morales, affectives notamment, qui, à juste titre ont besoin de soins et d'attention.

Nous nous concentrons comme un faisceau laser sur l'instruction des troupes, mais pas seulement pour l'Afghanistan. En plus, près de 5 000 militaires sont disponibles à plus ou moins court terme pour contribuer à notre tâche la plus importante, c'est-à-dire l'intervention domestique.

Le sénateur Banks : Je vous remercie, général. Encore une fois, nous apprécions la fierté que vous ressentez à l'égard de vos militaires. Ils sont exceptionnels.

Lgén Leslie : Je ne pourrais dire mieux.

[Français]

Le sénateur Nolin : Général Leslie, c'est un plaisir de vous recevoir. Je suis convaincu que les Canadiens sont fiers des militaires comme vous, qui nous représentent avec autant de brio, entre autres en Afghanistan, et je vous en remercie.

Dans vos remarques liminaires, vous nous avez dépeint les différentes facettes préoccupantes de vos responsabilités, entre autres au niveau de l'équipement. Vous nous informez qu'environ 70 p. cent de votre équipement de transport est hors d'usage, à un moment ou à un autre, faute principalement de la pénurie de mécaniciens et de techniciens. Je suis certain que les Canadiens qui vous écoutent aujourd'hui sont aussi abasourdis que moi par ces chiffres; acheter de l'équipement, c'est bien beau, mais si on n'a pas les mécaniciens et les techniciens en nombre suffisant pour les entretenir, on a un grave problème.

Donc, ma première question touche au recrutement. Après avoir entendu votre présentation introductive, puis-je déduire que les Canadiens intéressés et recrutés dans l'armée ne veulent pas devenir ni mécaniciens ni techniciens, mais plutôt des soldats?

Lgén Leslie : En ce qui a trait à l'entretien de nos véhicules, le problème est complexe. Entre autres, cela prend beaucoup de temps et d'argent pour assurer le processus.

Le sénateur Nolin : Dans votre témoignage, vous nous dites que c'est principalement faute de mécaniciens et de techniciens.

Lgén Leslie : Oui.

Le sénateur Nolin : Quand vous nous dites que 71 p. cent de vos blindés sont hors d'usage, à un moment ou à un autre, je comprends que seulement 29 p. cent de ceux-ci demeurent fonctionnels. Je me souviens avoir vu, au Nouveau- Brunswick, une entreprise privée qui réparait uniquement les roues du système de chenilles des blindés; mais il s'agit de gestion, on ne parle pas de ressources humaines. À mon avis, la source principale du problème — et votre témoignage est à cet effet — émane d'une pénurie de mécaniciens et de techniciens.

Lgén Leslie : Oui, en effet. Je m'excuse, ma réponse était incomplète. Pour que notre équipe de mécaniciens soit complète, il nous manque quelques centaines de mécaniciens. Nous avons besoin de jeunes gens possédant les aptitudes requises, capables de réussir leur période d'entraînement pour ensuite accomplir des tâches assez ardues sur différents équipements très complexes. Ils doivent acquérir l'expertise pour reconstruire un Leopard, un char ou un véhicule blindé léger ou assez lourd et des camions. Vous connaissez la règle de un pour cinq.

Le sénateur Nolin : Donc, le recrutement de ce personnel de soutien n'augmente pas au même rythme que le personnel militaire?

Lgén Leslie : Oui. Je soumets que c'est presque une crise.

Le sénateur Nolin : Vous avez de la concurrence dans le secteur privé.

Lgén Leslie : Oui! À l'Ouest, à l'Est, de jeunes gens sont entraînés pour refaire des véhicules très compliqués qui ressemblent à un bulldozer ou quelque chose du genre.

Le sénateur Nolin : C'est une main d'œuvre qui a son pesant d'or.

Lgén Leslie : Oui.

Le sénateur Nolin : Cela nous amène à ma deuxième question : les efforts de rétention de votre personnel. Je présume que c'est beaucoup plus intéressant pour vous de garder votre personnel que d'en former du nouveau. Vous nous parlez de la concurrence. Malheureusement, votre concurrence vous écoute aujourd'hui, cela deviendra peut-être difficile pour vous de répondre à ma question, mais je la pose quand même. Quelles sont vos stratégies pour retenir ce personnel qui a justement son pesant d'or?

Lgén Leslie : Je ne suis pas expert en la matière, mais on m'a dit que c'est cinq ou dix fois moins cher de retenir du personnel que d'en former du nouveau.

Le sénateur Nolin : C'est sûr!

Lgén Leslie : Comme je l'ai dit dans mon introduction, le facteur temps entre aussi en ligne de compte. Nous devons prévoir une période de cinq à dix ans avant que ce personnel ne détienne vraiment une expertise en la matière.

Le sénateur Nolin : Donc, c'est dans votre intérêt de les garder.

Lgén Leslie : Oui.

Le sénateur Nolin : Je présume que cette stratégie est complexe et, espérons-le, efficace.

Lgén Leslie : Je ne suis pas tout à fait convaincu qu'on fait un travail assez précis, basé sur des résultats immédiats dans notre stratégie de rétention. D'autres armées font autre chose. Par exemple, les forces américaines ont un système monétaire pour la rétention du personnel.

Le sénateur Nolin : Autrement dit, ils augmentent la solde — pour des raisons fort justifiables, d'ailleurs.

Lgén Leslie : Oui. Mais on n'est pas convaincus que cette solution serait efficace pour les Forces canadiennes.

Le sénateur Nolin : Expliquez-moi cela.

Lgén Leslie : Premièrement, nous ne sommes pas convaincus que notre budget nous permettrait d'offrir des avantages financiers assez compétitifs pour éviter que notre personnel se tourne vers les emplois offerts dans la vie civile. Ensuite, il ne s'agit pas seulement d'une question d'argent, mais aussi de qualité de vie — l'espoir, le moral, la situation géographique de leur famille. C'est assez compliqué.

Le sénateur Nolin : Je me permets de vous interrompre, voulez-vous dire que c'est un défi qui n'est pas réalisable compte tenu des ressources financières que vous avez à votre disposition?

Lgén Leslie : C'est exact.

Le sénateur Nolin : Vous manquez d'argent pour retenir ce personnel et maintenir le moral de leur famille?

Lgén Leslie : Pour être plus précis, sénateur Nolin, notre service n'a pas de budget pour cette approche, c'est plutôt le chef du personnel militaire, major général Walter Semianiw, qui est en charge de cela. Avec son équipe d'experts, il est en train de déminer la situation.

Le sénateur Nolin : « Déminer », j'aime bien l'allusion.

Lgén Leslie : Et efficace et de façon assez rapide afin d'améliorer les conditions existantes.

Le sénateur Nolin : Ma dernière question concerne les familles. La plupart des gens qui nous écoutent aujourd'hui sont sûrement les familles de ceux qui travaillent pour vous. C'est un métier difficile que celui de militaire. On a qu'à écouter les informations quotidiennement, on en a la preuve. C'est un métier dangereux. Les familles de ces militaires, ceux principalement déployés en Afghanistan, attendent des nouvelles de leur proche. Quelles sont les stratégies que vous et vos collègues employez, déployez et exploitez pour garder le lien et vous assurer de l'appui de ces familles auprès de vos militaires?

Lgén Leslie : On fait un processus de recrutement pour les soldats, mais on prévient les familles parce que si la qualité de vie n'est pas aussi élevée et n'est pas assez gracieuse et plaisante pour leur famille, ils vont le dire à leur jeune homme et jeune femme.

Le sénateur Nolin : Ils vont dire : ne va pas là.

Lgén Leslie : Oui. Nous sommes tous volontaires bien sûr. Si vous êtes dans les forces de réserve, vous avez été volontaire deux fois. La première fois, pour joindre les forces réservistes et la deuxième fois, pour être déployé dans une mission opérationnelle n'importe où, comme l'exemple que vous avez utilisé, l'Afghanistan.

On doit établir un équilibre, un système afin de nous assurer que le tempo opérationnel est logique et que nous ne sommes pas en train de fatiguer nos officiers, nos sergents et adjudants de façon insupportable. C'est le premier but.

Le sénateur Nolin : Autrement dit, la durée de l'éloignement.

Lgén Leslie : Oui sénateur. Mais c'est aussi l'intensité de l'expérience dès que vous êtes au Canada. Par exemple, j'ai mentionné qu'il nous manquait 700 sergents. Il y a des raisons tout à fait compréhensibles pour que ces sergents, adjudants, adjudants-chefs soient partis. Mais ceux qui restent travaillent plus fort parce qu'il y a un manque de personnel pour accomplir les tâches et les assister.

[Traduction]

Le président : Veuillez m'excuser.

Le sénateur Nolin : Il n'y a pas de quoi. J'espère que quelqu'un va revenir sur cette question, car elle est fondamentale.

Le président : Je suis d'accord.

Le sénateur Nolin : Que font les forces armées pour soutenir le moral de ceux qui restent à la maison à attendre leurs fils ou leurs filles qui sont partis au loin? Je suis persuadé que vous allez poser cette question.

Le président : Cette question est sur la liste. Je m'excuse, je n'accepte même pas de questions supplémentaires à ce stade. Nous disposons de 35 minutes et nous avons six autres intervenants.

Le sénateur Moore : Je vous remercie, général, d'être ici aujourd'hui.

En ce qui concerne la question que le sénateur Nolin a posée au sujet de l'équipement. J'ai été étonné d'apprendre que cet équipement n'est pas en service 70 p. 100 du temps. La principale raison, dites-vous, c'est que vous avez besoin de mécaniciens et de ressources financières additionnelles pour l'entretien.

Si je ne me trompe, c'est en janvier 2008 que vous aviez comparu devant le comité. À l'époque, tout semblait bien aller, non seulement dans l'Armée de terre, mais aussi dans la Marine et dans la Force aérienne. Le lendemain ou peu après, la presse rapportait toutes sortes de lacunes.

Nous n'avons jamais entendu parler de ces besoins en matière d'entretien de l'équipement. Ce problème s'est-il matérialisé au cours de la dernière année ou existait-il déjà la dernière fois que vous avez comparu, sans pour autant avoir été identifié?

Lgén Leslie : Les quatre principaux problèmes ne sont pas apparus l'année dernière, mais ils existent depuis 20 ans. Selon moi, les problèmes en soi ne sont pas nécessairement nouveaux. Les problèmes auxquels doit faire face un commandant de l'Armée de terre ou un chef de service concernent l'effectif. C'est évidemment un aspect important.

Le sénateur Moore : Je comprends.

Lgén Leslie : L'équipement, l'instruction et l'infrastructure.

Le sénateur Moore : La dernière fois que vous avez comparu, vous n'avez pas mentionné les besoins en matière d'entretien de l'équipement, ce qui aurait été important. Je n'aurais sûrement pas oublié le chiffre de 70 p. 100.

Lgén Leslie : Absolument, sénateur. J'ai mentionné l'équipement, mais vous avez tout à fait raison de dire que je n'ai pas mentionné 71 p. 100 de nos chars de combat principaux au Canada.

Le sénateur Moore : Même un chiffre moins élevé nous aurait alarmés.

Lgén Leslie : Le chiffre de 71 p. 100 est précis, car il s'agit d'un char de plus en panne.

Ce qui s'est produit en deux ans c'est que l'équipement militaire a été utilisé sans ménagement, transportant une charge plus lourde que la normale. En effet, grâce à l'argent que vous nous avez donné et dont je vous remercie, nous enveloppons nos soldats dans un nombre croissant de couches de protection pour vaincre l'ennemi qui essaie de nous abattre pendant que nous essayons de protéger les faibles et les innocents. En passant, il ne s'agit pas seulement des véhicules déployés à l'étranger. Il s'agit des véhicules stationnés au Canada aux fins de l'instruction. Celle-ci doit simuler fidèlement les opérations réelles.

Le sénateur Moore : Aussi durement dans l'instruction qu'au combat. Je comprends.

Lgén Leslie : À l'heure actuelle, les chars arrivent au deuxième rang pour ce qui est du taux de bris mécaniques. Par ailleurs, ces chiffres fluctuent à la hausse et à la baisse. Selon mon manuel tactique, les chiffres que je viens de donner datent de février.

Le sénateur Moore : Vous l'avez effectivement mentionné.

Lgén Leslie : Il arrive que le taux soit réduit à 65 ou 60 p. 100. Les chars de bataille principaux dont je parle sont des Leopard I. Ils ont été conçus il y a près de 45 ans. Nous pouvons compter sur des mécaniciens brillants. Nous avons des soldats exceptionnels qui font vraiment de la magie pour garder ces engins en ordre de marche. Il reste que les chars pèsent près de 50 tonnes, qu'ils sont utilisés au maximum. C'est pourquoi le gouvernement du Canada nous a acheté de nouveaux Leopard II. Toutefois, le nouveau Leopard II n'est pas encore entré dans l'inventaire de l'Armée de terre, à l'exception des 20 chars qui sont déployés en Afghanistan. Ceux-ci sont entretenus d'une façon exceptionnelle.

Le sénateur Moore : Que voulez-vous dire par « Le nouveau Leopard II n'est pas encore entré dans l'inventaire »?

Lgén Leslie : Sénateur, je ne suis propriétaire d'aucun équipement. Tout l'équipement est la propriété du gouvernement du Canada. En tant que commandant de l'Armée de terre, je ne dispose d'aucun char Leopard II pour l'instruction au Canada, du fait qu'aucun contrat n'a encore été signé pour leur remise à neuf.

Le sénateur Moore : Vous n'avez aucun char Leopard II au Canada pour l'instruction de nos militaires, hommes et femmes?

Lgén Leslie : Nous avons 40 chars Leopard II au Canada, mais ils n'appartiennent pas à l'Armée de terre pour le moment.

Le sénateur Moore : Quand pensez-vous les recevoir?

Lgén Leslie : Dès que possible. J'attends depuis deux ans.

Le sénateur Moore : Dès que possible, et vous attendez déjà depuis deux ans?

Lgén Leslie : Oui, sénateur.

Le sénateur Moore : Bon sang. Je suis bouche bée. Pourquoi?

Lgén Leslie : Le gouvernement du Canada a acheté 20 A6M Leopard II ultramodernes. Ce sont probablement les meilleurs chars du monde. À l'heure actuelle, ces chars sont utilisés dans le théâtre des combats en Afghanistan. Lorsqu'ils sont utilisés pour une mission, ils permettent des sauver la vie de nos soldats.

J'ai mentionné la règle du « quatre plus un » en précisant que des soldats s'entraînent à divers niveaux.

Le sénateur Moore : Oui.

Lgén Leslie : Il en va de même pour l'équipement. Comme ces chars Leopard II ont été déployés il y a deux ans, nous avons dû utiliser les Leopard 1 pour l'instruction, même si ces chars sont vieux de 45 ans. Le taux d'exploitation des vieux Leopard 1 découle d'un taux de défaillance de 71 p. 100.

Le sénateur Moore : En théorie, en appliquant votre règle du « quatre plus un », 80 de ces chars ne devraient-ils pas être disponibles?

Lgén Leslie : Oui, monsieur.

Le sénateur Moore : Vingt sur le terrain et les autres en réparation?

Lgén Leslie : Exact. Le gouvernement a acheté 100 chars Leopard II. Quarante sont encore en Europe et 40 sont actuellement à Montréal. Ils sont à Montréal depuis novembre dernier, si je ne me trompe. Je ne peux pas encore mettre la main sur les Leopard II pour l'instruction de nos soldats. Je ne contrôle pas le processus.

Le sénateur Moore : À qui devons-nous demander?

Lgén Leslie : Je vous recommande de le demander au vice-chef d'état-major de la Défense.

Le sénateur Moore : Pourrait-il répondre à la question relative aux 40 chars Leopard II qui sont à Montréal et aux 40 autres qui se trouvent en Europe?

Lgén Leslie : Probablement pas, monsieur. Ce serait plutôt le sous-ministre adjoint (Matériel) qui aurait la réponse.

Si je puis me permettre, je reviendrais à une question que vous avez soulevée au sujet de la pénurie de mécaniciens pour la réparation de l'équipement. Notre équipement est exceptionnel. Une partie de cet équipement est en cours de remplacement. Toutefois, cela implique du temps, de l'argent, des ressources humaines et des processus. À mon avis, je crains que notre temps ne soit compté si nous voulons faire en sorte que vos forces armées fonctionnent comme elles le devraient. En effet, les taux de défaillance mécanique des véhicules sont les plus élevés qu'il m'ait été donné de voir.

Pourquoi? L'armée fait ce qu'elle a à faire et nos soldats font ce qu'ils ont choisi librement de faire en étant déployés à l'étranger, mais nous avons été utilisés à la limite de nos capacités. Il ne fait aucun doute que nous avons un matériel excellent, mais depuis sept ans, nous sommes poussés à nos limites. Les théâtres où nous manœuvrons notre équipement sont plutôt rudes. Par ailleurs, l'ennemi a son mot à dire et persiste à attaquer nos soldats et notre équipement. À certains moments, je me fiche de l'équipement. Ce sont les soldats à l'intérieur, les équipages, qui sont vraiment importants.

Le sénateur Moore : Nous avons eu l'occasion de visiter le parc à ferrailles en Afghanistan. Ce n'était pas très beau de voir ce que certains dispositifs explosifs ont fait au matériel lourd.

Lgén Leslie : En effet. Maintenant, dans la plupart des cas, lorsque le matériel est frappé, les équipes peuvent s'éloigner. En ce qui me concerne, ce char de combat ou ce véhicule blindé léger fait son travail. Comme nous sommes en guerre, les chiffres cumulatifs ont une incidence sur le matériel réservé à l'instruction disponible au Canada. De toute évidence, la priorité est accordée aux militaires en mission outre-mer. Le processus d'octroi des contrats est problématique; comme il ne relève pas de mon mandat, je n'en ai aucun contrôle. En toute franchise, il prend énormément de temps.

Le sénateur Moore : Merci de votre franchise, lieutenant-général Leslie.

Le sénateur Wallin : Lieutenant-général Leslie, vous avez probablement posé au ministère la même question que nous vous posons concernant les Leopard II, à savoir pourquoi on en trouve à Montréal ou ailleurs, non sur les terrains d'entraînement. Quelle réponse avez-vous eue à cette question?

Lgén Leslie : Vous constaterez que la plupart des militaires et des civils au ministère de la Défense nationale éprouvent la même frustration que mes soldats et moi. Par exemple, aujourd'hui, nous parlons d'un véhicule en particulier. Ces magnifiques chars de combat principaux nécessitent certains travaux avant qu'on puisse commencer à les utiliser pour l'entraînement, non sur le terrain.

Le sénateur Wallin : Ceux qui sont à Montréal sont-ils mis à niveau ou font-ils l'objet d'autres travaux?

Lgén Leslie : À l'heure actuelle, madame le sénateur, rien ne se fait sur ces chars. On espère toutefois que de nouveaux groupes moteurs et de nouveaux systèmes de contrôle — reproduisant le genre d'équipement que les soldats affrontent à l'étranger — feront sous peu apparition. Ces chars ont été achetés d'un pays allié, mais comme ils sont inutilisés depuis quelques années, tous les sceaux doivent être refaits.

Le sénateur Wallin : Le processus normal.

Lgén Leslie : Pour ce qui est du système d'approvisionnement, je ne suis pas un expert, même si je ne suis pas non plus un amateur. Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes ne s'occupent que d'une partie limitée du processus. On a de plus en plus le sentiment qu'il est difficile de faire la guerre alors qu'un processus de paix est en place.

Le sénateur Wallin : Vous dites que rien n'est fait dans le moment. Voulez-vous dire qu'on en est à mi-parcours pour ce qui est de l'amélioration des Leopard II?

Lgén Leslie : Madame le sénateur, rien ne se fait actuellement sur les 40 Leopard II qui sont à Montréal.

Le sénateur Wallin : Comment se fait-il?

Lgén Leslie : C'est parce qu'aucun contrat pour leur remise en état n'a été octroyé.

Le sénateur Wallin : N'y a-t-il pas des fonds prévus pour cela?

Lgén Leslie : Dieu merci, le gouvernement du Canada a fait une répartition théorique.

Le sénateur Wallin : Y a-t-il des mécaniciens disponibles pour faire le travail?

Lgén Leslie : Je ne sais pas quelle sera la solution. J'estime que le travail devrait être effectué par des mécaniciens de l'industrie civile, non par des mécaniciens de l'armée, dont j'ai besoin pour d'autres travaux.

Le sénateur Wallin : C'est une question connexe. Vous avez parlé du besoin de mécaniciens civils ou contractuels parce que, dans l'armée, il y a une pénurie de mécaniciens pour faire ce travail, mais le processus de passation des marchés est trop compliqué et trop long. Est-ce le même problème pour vous à l'interne qu'à l'externe?

Lgén Leslie : Oui, madame le sénateur, c'est le même problème.

Le sénateur Wallin : D'après vous, quel est le principal problème dans le processus de passation des marchés?

Lgén Leslie : Le principal problème est la durée et les divers niveaux administratifs qui ont chacun leur point de vue et qui estiment jouer un rôle critique.

Le sénateur Wallin : Vous avez l'argent si vous avez les mécaniciens pour faire le travail.

Lgén Leslie : Le gouvernement du Canada a les fonds; ils ont été prévus dans le budget. C'était une brillante initiative d'acquérir ces véhicules. Les fonds figurent dans les répartitions théoriques affectées à chaque service. Il n'en demeure pas moins que, à l'heure actuelle, rien ne se fait sur ces chars de combat à Montréal.

Le sénateur Wallin : Je passe à une autre question. Vous avez fait état de problèmes de recrutement et de conservation de l'effectif. Premièrement, pour ce qui est du recrutement et des facteurs qui y sont liés, notamment le vieillissement de la population, la situation démographique, l'incursion du secteur privé et l'épuisement professionnel, la situation économique a-t-elle un effet compensateur?

Lgén Leslie : Je m'attendais à une augmentation du recrutement, notamment de travailleurs qualifiés ou partiellement qualifiés, mais ça n'a pas été le cas. Les chiffres sont légèrement inférieurs à ce que nous aurions espéré pour ce qui est de l'embauche. Je n'ai pas vu une augmentation soudaine de recrues à notre bureau, notamment des mécaniciens qualifiés ou des travailleurs possédant de l'expérience dans les systèmes optiques.

Le sénateur Wallin : Prévoyez-vous que cela arrivera? Nous n'avons par encore vu le pire.

Lgén Leslie : Je m'attendais à cela il y a six mois, mais ça ne n'est pas encore produit.

Le sénateur Wallin : Je donne avis que j'aborderai une dernière question plus en détail. Il s'agit d'une question plus vaste et je sais que d'autres souhaitent également en parler. Le général David Petraeus a dit que lors d'opérations de contre-insurrection, les forces armées font véritablement du travail social armé. Cela signifie que vous avez besoin d'anthropologues, de linguistes, d'historiens et d'autres spécialistes qui possèdent une formation du même genre. Je connais votre engagement personnel à l'égard de la formation et l'importance que vous y accordez. Faisons-nous de l'assez bon travail pour former le genre de soldat qu'il faut sur le terrain? Vous pouvez me donner une réponse brève aujourd'hui, mais j'apprécierais aborder cette question dans un autre contexte.

Lgén Leslie : Je crois que notre formation figure parmi les meilleures au monde. Elle repose en partie sur les qualités innées qu'apportent les jeunes Canadiens qui entrent dans l'armée. Comme le Canada est au départ une société multiculturelle, nous sommes davantage en mesure de comprendre divers points de vue. La formation que nous donnons est axée sur l'expérience dans la mesure où ce sont ceux qui viennent juste de revenir de l'étranger qui forment la prochaine génération de remplaçants; le cycle est de six mois.

Les Forces canadiennes font figure de chefs de file sur la scène mondiale au chapitre de la formation de leur effectif relativement modeste. Pourrions-nous mieux faire les choses? Il y a toujours matière à amélioration. Pourrions-nous procéder plus rapidement? Non. En dépit des nombreuses pressions exercées sur moi pour réduire la qualité et le coût de la formation, je ne céderai pas. Pourrions-nous apprendre des autres? Nous apprenons déjà des autres. Je connais le général David Petraeus; c'est un homme fort respectable. Vous constaterez que certaines de nos récentes philosophies s'inscrivent dans le droit fil de celles du général Petraeus, de l'armée américaine et de nos alliés.

Par exemple, à Wainwright, en Saskatchewan, quelque 100 Canadiens d'origine afghane nous donnent un coup de main pour ce qui est de la formation culturelle et de la sensibilisation aux autres cultures, notamment celle des Tadjiks, des Pathans, des Hazaras et des Ouzbeks. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Wallin : C'est un bon départ. Nous poursuivrons dans un autre contexte. Je vous remercie.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais revenir sur ce que le sénateur Moore a dit au sujet de votre dernier témoignage devant le comité. Tel qu'indiqué dans le rapport intérimaire d'août dernier, intitulé Quatre généraux et un amiral : La situation vue d'en haut, « les commandants ont tous affirmé qu'on tenait compte de leurs préoccupations et qu'ils étaient convaincus qu'ils recevraient tous les fonds dont ils ont besoin pour accomplir leurs missions respectives. » Aujourd'hui, malheureusement, ce rapport que je viens de citer, qui a reçu l'approbation de la majorité des membres du comité et qui n'a suscité des objections que de quelques-uns, dont moi, évidemment, remet en question la franchise de votre témoignage. Il y est en effet dit ceci : « Nous aurions donc été (agréablement) surpris si l'un ou l'autre de ces officiers avait fait état du problème de financement » et « Quand on voit de quelle façon le cabinet du premier ministre tient la bride serrée aux politiques et aux fonctionnaires en général, ce que déplorent d'ailleurs la plupart des membres du comité, nous avions peu de chances d'obtenir une franche évaluation des pénuries de fonds. » Les membres du comité ont également indiqué qu'ils ne partagent pas le point de vue par trop favorable que ces officiers supérieurs ont présenté lors de leur témoignage.

Je ne pense pas que vous ayez brossé un tableau si positif de la situation lors de votre dernière comparution. J'y ai noté certaines critiques légitimes et constructives et j'aimerais vous demander directement de confirmer si, lors de votre dernier témoignage, vous avez honnêtement exprimé votre opinion professionnelle?

Lgén Leslie : Oui, c'était mon opinion professionnelle honnête. Dans ce premier cas, ou jusqu'ici, le comité s'est concentré sur la disponibilité de l'équipement pour la formation. Maintenant, pour ce qui est des opérations, je tiens à assurer aux Canadiens que nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour que notre équipement à l'étranger demeure fonctionnel. C'est une question de priorité. Encore une fois, ce n'est pas uniquement une question d'argent.

Par exemple, l'an dernier, à titre de commandant de l'Armée de terre, c'est à contrecœur que j'ai remis 50 millions de dollars. En passant, je n'aime pas remettre des fonds parce que j'estime que les soldats pourraient bénéficier de certaines dépenses pour des choses dont ils ont besoin. Toutefois, le processus ne se situe pas nécessairement au niveau des dirigeants du pays. Il met en cause tous les membres de l'équipe remarquable qui accomplit le travail, les consultants et les entrepreneurs civils et militaires. Je crois que les Canadiens aiment les processus; ce n'est pas nécessairement une vérité absolue, mais, au Canada, le processus d'acquisition d'équipement militaire est fort lourd.

Le sénateur Tkachuk : Il est généralement vrai que les Canadiens aiment les processus.

Lgén Leslie : Le processus est extrêmement lourd et quand il est question des chars d'assaut, j'estime que c'est très sérieux. En fait, c'est plus sérieux pour nos soldats qui combattent actuellement. Les chars d'assaut que nous avons à l'étranger sont bons. Ce matin, un de nos chars a été touché par un engin explosif de circonstance. L'équipe est indemne. Le char d'assaut a joué son rôle. Les chars d'assaut dont nous disposons pour la formation au Canada se détériorent à un rythme alarmant, ce qui est parfaitement compréhensible parce qu'ils sont vieux.

Je conduis une fourgonnette qui a six ou sept ans et je dépense probablement trop pour l'entretien chaque année. Mon fils, qui est très brillant, a dû me suggérer des douzaines de nouveaux véhicules qui, m'assure-t-il, me permettraient d'économiser à long terme. Quoi qu'il en soit, je m'éloigne du sujet.

Cela répond-il à votre question, sénateur?

Le sénateur Tkachuk : Oui. Je voulais revenir à la question précédente parce que, lors de votre dernier témoignage, vous n'avez pas brossé un tableau si optimiste et que vous avez fait état, à l'instar d'autres témoins, de problèmes de recrutement et d'autres difficultés auxquelles vous êtes confrontés. Je me concentre sur une question que vous avez soulevée aujourd'hui et qui me préoccupe énormément, à l'instar d'autres sénateurs, en l'occurrence la passation de marchés. J'aimerais examiner la question de plus près, notamment en ce qui concerne les chars qui se trouvent à Montréal.

Maintenant, j'imagine que le ministère de la Défense nationale, Travaux publics et le Conseil du Trésor sont mis en cause, que le processus a été amorcé et qu'il y a des difficultés. Il y en a dans d'autres secteurs du gouvernement, pas uniquement dans le secteur militaire, mais savez-vous où le processus achoppe? Est-il paralysé à Travaux publics? Ce ministère attend-il l'attribution d'un contrat? Le contrat a-t-il déjà été attribué et reste-t-il simplement à l'approuver ou n'a-t-il pas encore été attribué?

Lgén Leslie : Je ne sais pas.

Le sénateur Tkachuk : Vous ne savez pas.

Lgén Leslie : Je ne sais pas.

Le sénateur Tkachuk : D'accord. Je n'ai pas d'autres questions si on ne connaît pas la réponse à celle-ci.

Le témoin a dit de s'adresser au vice-chef d'état-major de la Défense qui devrait le savoir.

Lgén Leslie : Le vice-chef d'état-major de la Défense est mieux placé que moi pour répondre à cette question. En passant, je n'insinue absolument pas que le vice-chef d'état-major de la Défense, une excellente personne, s'emploie à nous mettre des bâtons dans les roues pour ce qui est de la remise en état des chars. Ce n'est pas du tout le cas.

Le sénateur Tkachuk : Nous comprenons.

Le président : Toutefois, il attend à l'extérieur et il sera devant nous dans quelques instants.

Le sénateur Zimmer : Merci de votre témoignage. Nous remercions également les Forces armées canadiennes qui nous représentent partout dans le monde. Nous sommes extrêmement fiers de leur travail.

J'ai trois brèves questions à poser. Je pose une question supplémentaire à celle du sénateur Banks concernant le déficit dans les postes de supervision et de sous-officiers. Vous avez indiqué qu'il vous faudrait environ 10 ans pour former des militaires pour de telles fonctions. Comment pourriez-vous éventuellement remédier à ce déficit, en reconnaissant que leurs compétences et leurs talents, j'emploie vos propres termes, sont très intéressants pour l'industrie? Deuxièmement, j'imagine que bon nombre de militaires prennent leur retraite avant les 10 années en question, notamment à cause du danger de leur travail et également, comme l'a noté le sénateur Nolin, à cause du stress que le danger engendre dans les familles. Comment peut-on atteindre le niveau nécessaire pour former ces militaires en 10 ans afin qu'ils puissent occuper des rôles de supervision et des fonctions de sous-officiers?

Lgén Leslie : Comment remédier au déficit? Je me permets de proposer une approche en trois volets. Dans un premier temps, il faudrait examiner de façon objective et rationnelle l'expérience récente, par exemple, de nos caporaux-chefs sur le théâtre des opérations. Ce n'est plus comme avant où ces militaires recevaient des douzaines de semaines de formation et d'expérience avant de superviser des groupes de 10, 30 ou 100 soldats. Aujourd'hui, en fonction de l'expérience à l'étranger, où bon nombre d'entre eux ont dû intervenir et assumer temporairement certaines responsabilités parce que des camarades ont été blessés ou pire encore, on prend le risque de faire avancer rapidement les éléments les meilleurs et les plus brillants; bien plus rapidement que cela ne se faisait auparavant.

Comment fait-on pour que des sergents, des adjudants, des sergents-majors et des adjudants-chefs deviennent la pierre d'assise de l'armée? On commence par les caporaux-chefs. Au cours de la dernière année, l'armée a créé 1 000 postes additionnels de caporal-chef pour que, à compter de cet été, il soit possible d'avoir beaucoup plus de sous- officiers formés. Dans deux ans, nous formerons un beaucoup plus grand nombre d'adjudants qui rempliront des fonctions de sous-officiers, non dans 10 ans, pour revenir à l'exemple que vous avez cité, mais dans six ou sept ans.

En conclusion, c'est un excellent moment pour entrer dans l'armée canadienne parce nous allons probablement accorder des promotions beaucoup plus rapidement aux gens qui sont suffisamment talentueux — nettement plus rapidement que cela ne s'est jamais fait dans le passé. Essentiellement, nous nous approchons de ce que nos prédécesseurs ont vécu au cours de la Seconde Guerre mondiale et pendant certaines périodes de la guerre de Corée en matière de normes de mobilisation pour remédier au déficit.

Pour les officiers, la même logique s'applique, même s'il faut examiner rigoureusement les compétences que nos officiers acquièrent, parce que je pense que la route est en train de devenir inutilement compliquée et ardue. Nous n'accordons peut-être pas autant de crédit que nous le devrions à l'expérience opérationnelle.

Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Zimmer : Oui, merci.

La deuxième question est liée à ce que le sénateur Moore vous a demandé. Nous avons besoin de plus d'équipement, mais j'imagine qu'on est prudent parce qu'on ne veut pas garder du matériel inutilisé après l'Afghanistan. Comment répondez-vous aux besoins en équipement? Collaborez-vous avec les alliés? Y a-t-il moyen d'échanger et de partager avec eux, parce que, à la fin de la guerre, on ne veut pas se retrouver avec de l'équipement inutile et inutilisé?

Lgén Leslie : À l'heure actuelle, en appliquant la même règle du « quatre plus un », si tout fonctionne, les parcs de véhicules actuels sont suffisants pour permettre au Canada de fournir demain à peu près la même contribution qu'il offre aujourd'hui outre-mer.

Comme la mission militaire en Afghanistan se termine en 2011, il est naturel d'imaginer qu'il y aura une période d'ajustement pour les gens et pour l'équipement — je songe précisément à l'armée ici — puis, le gouvernement, dans sa sagesse, nous dira quelle sera notre prochaine mission, quand elle aura lieu, combien de temps nous resterons et ce que nous serons chargés d'accomplir. Comme vous le savez, l'armée ne prend pas ces décisions.

Il y a eu de grandes acquisitions au cours des dernières années. Maintenant, il faut réparer l'équipement que nos soldats ont utilisé et mis à rude épreuve. Les taux de bris ont atteint des sommets inégalés.

Je ne vois pas grand-chose se faire au chapitre du stock excédentaire, mis à part le remplacement des véhicules. Nous achetons par exemple de nouveaux camions; nous retirons les anciens aussitôt que les nouveaux quittent la chaîne de montage. Pour ce qui est des chars, on retire les vieux dès qu'un nouveau arrive au manège militaire.

En somme, tout dépend de la vision que vous et d'autres Canadiens avez du rôle de l'armée. Si vous estimez que son rôle se limite à la scène nationale, il n'est alors pas nécessaire de se doter de toute cette puissance de combat. Il est mieux de ne pas avoir une telle puissance au Canada. Toutefois, elle est nécessaire en Afghanistan.

Comment se concrétisera la mission prévue et quel est l'adversaire perçu? Si on estime que l'adversaire est plus ou moins similaire à celui auquel le Canada est actuellement confronté en termes de menaces asymétriques, de bombes humaines ou d'attaques éclairs à la roquette — je pense que c'est une hypothèse logique à poser — on veut alors énormément de protection pour les soldats. C'est à juste titre que les Canadiens sont furieux et protestent lorsque des soldats canadiens sont tués. Par conséquent, il faut des véhicules blindés pour les protéger. Cependant, ce ne sont pas de tels véhicules qui permettent de gagner la guerre. Ce sont plutôt les militaires qui sont sur le terrain, qui interagissent avec les populations locales, qui en finissent avec les adversaires et les anéantissent parfois et, plus important encore, qui assurent la sécurité de ceux qui en ont le plus besoin.

Le sénateur Zimmer : Lorsque je vous ai rencontré il y a quelques minutes, je vous ai indiqué que, dans les années 1970, j'ai travaillé pour le ministre de la Défense nationale, James A. Richardson. En 1976, à l'occasion des Jeux olympiques de Montréal, nous avons fourni 25 000 soldats. L'an prochain, évidemment, ce seront les Jeux olympiques de Vancouver. En quoi cet événement mobilisera-t-il nos ressources et comment y ferez-vous face?

Lgén Leslie : Comme vous le savez déjà, les Jeux olympiques d'hiver n'ont pas la même ampleur que les jeux d'été. Le vice-amiral Dean McFadden, commandant du Commandement Canada, est l'officier qui dirige actuellement l'équipe de l'armée canadienne qui soutiendra la GRC, qui est la principale force responsable de la sécurité. Ceci dit, je n'ai pas encore répondu à votre question.

Le vice-amiral McFadden est l'expert pour ce qui est des jeux olympiques. L'armée fournira environ 4 000 soldats. Nous ferons un usage judicieux de l'effectif de réserve et de certains groupements tactiques qui ont fini leur mission en Afghanistan ou ailleurs. Le troisième élément de la solution est le fait que ce soutien ne sera pas fourni très longtemps. C'est l'élément clé.

Pouvons-nous y arriver? Oui. Est-ce que ce sera difficile. Oui; ce ne sera pas une tâche facile, mais elle n'est pas insurmontable.

En toute franchise, comme les opérations sur la scène nationale sont prioritaires, nous ferons le nécessaire.

Le sénateur Zimmer : Vous avez raison. Les Jeux olympiques d'été sont de bien plus grande envergure. Il est également important de se rappeler que les Jeux olympiques de 1976 faisaient suite à ceux de Munich, qui ont eu lieu en 1972, et à l'occasion desquels il y a eu une escalade de violence. L'armée a fourni plus de soldats de réserve qu'il n'aurait été nécessaire.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup d'être avec nous. Votre témoignage est fort intéressant.

Le premier ministre semble récemment avoir changé son fusil d'épaule en disant que le Canada ne peut gagner la guerre en Afghanistan; qu'il est seulement possible de repousser les insurgés. Quel genre d'effet cela a-t-il eu sur le moral des troupes en Afghanistan?

De plus, est-ce un objectif contradictoire — le fait de repousser les insurgés — et est-ce effectivement ce qui se produit à l'heure actuelle? Estimez-vous faire des progrès sur ce plan par rapport à l'autre objectif énoncé qui est de former adéquatement des militaires et une force de police pour soutenir la stabilité de l'État?

Lgén Leslie : Je dois réfléchir à cette question. Veuillez m'accorder environ 30 secondes de réflexion.

Puis-je vous recommander le nouveau manuel de la contre-insurrection dont nous sommes très fiers? Cela ne signifie pas que c'est un ouvrage parfait, mais il a été rédigé par une équipe d'officiers et d'universitaires de grande expérience qui ont visité le territoire afghan. Évidemment, je ne m'accorde absolument pas le mérite de cet ouvrage, mais, à titre de commandant de l'Armée de terre, j'assume la responsabilité de toutes les erreurs et omissions qui s'y trouvent.

Dans ce manuel, on trouve énormément de conseils judicieux venant de jeunes militaires compétents et dynamiques. J'élève la discussion au niveau de la doctrine et des principes généraux.

Par définition, l'insurrection est un conflit au sein même d'un peuple, non contre un peuple, qui doit être résolu par des moyens politiques. J'étudie l'histoire militaire. Dans mes lectures, je n'ai jamais trouvé un seul cas où seule une intervention militaire a suffi à mater une insurrection. Par conséquent, nous jouons un rôle de soutien. Qui soutenons- nous? Nous soutenons le gouvernement local qui lutte ou qui dirige la lutte contre les insurgés.

Comment pouvons-nous régler le problème de l'Afghanistan? La réponse simple est qu'il incombe aux Afghans de régler le problème et que notre rôle est de les appuyer.

Il n'y aura pas de victoire militaire. Je veux dire que nous ne remporterons pas de grande bataille dans la poussière contre les talibans et al-Qaïda, que nous ne brandirons pas fièrement notre drapeau en signe de victoire et qu'il n'y aura pas de parade officielle pour célébrer notre triomphe.

Toutefois, il est possible de mettre en place des mécanismes pour bâtir la capacité de sécurité en Afghanistan ou dans le prochain pays où nous irons en mission. C'est aux Afghans qu'il incombe de régler ce conflit, avec notre aide. La sécurité est l'élément clé. À défaut de sécurité, il est impossible de reconstruire, de déployer des efforts diplomatiques, de faire du développement social et d'instaurer un partage du pouvoir. La sécurité porte sur trois aspects différents, comme la célèbre hiérarchie des besoins de Maslow. Il y a la sécurité physique, la sécurité sociale, puis, la sécurité économique. Toutefois, comme le dit le vieil adage des alligators dans le marais, si l'intention est d'assécher le marais, il faut immédiatement songer à l'alligator, c'est essentiel.

Dieu merci, nous sommes arrivés à une étape où il est possible de faire davantage que de simplement assurer la sécurité physique, mais pas partout en Afghanistan. Nous déployons des efforts diplomatiques et humanitaires, nous faisons du développement social et nous faisons du développement de base.

J'ai oublié la deuxième partie de votre question, monsieur.

Le sénateur Mitchell : Vous avez vraiment la conviction que nous pouvons repousser les insurgés; vous avez expliqué ce que cela signifie et en quoi cela correspond au rôle du Canada de former les forces afghanes. Toutefois, je pense que vous avez répondu de façon satisfaisante. Merci; votre réponse était fort intéressante.

Quand vous parlez d'approche diplomatique, il me semble que cela veut dire qu'on s'adresse à l'autre partie, dans ce cas-ci, les talibans. S'agit-il d'une approche structurée? Faisons-nous des progrès à ce chapitre?

Lgén Leslie : À mon avis et, plus important encore, de l'avis d'officiers nettement plus brillants, plus tournés vers le monde universitaire que moi, notamment de jeunes majors, capitaines et lieutenants-colonels et d'après les universitaires qui ont élaboré les idées contenues dans cet ouvrage, on n'a jamais réussi à mater une insurrection sans une certaine forme de négociation entre le gouvernement légitime et ses opposants.

Il va sans dire que la situation en Afghanistan se complique du fait que les talibans suscitent chez les Afghans divers degrés de fanatisme — le degré d'affiliation varie de l'appui ultra dur à l'appui mitigé — et il y a également al-Qaïda, qui se situe à l'extrémité du continuum, quel que soit le modèle envisagé.

À titre d'expert, j'estime que le Canada ne devrait pas négocier avec l'ennemi. C'est au gouvernement afghan qu'incombe cette tâche. Si tous les pays membres de l'OTAN, qui font partie de la coalition, décidaient d'entreprendre des pourparlers unilatéraux avec les talibans, ce serait le chaos. Par surcroît, cela anéantirait la crédibilité du nouveau gouvernement afghan.

Nous devons appuyer les efforts de ce gouvernement et, en toute franchise, il n'est pas nécessaire de recourir à l'armée pour ce faire. Il faut plutôt faire appel à des diplomates, des gens qui sont formés dans ce domaine.

Nous avons l'habitude des négociations, mais pas de cette nature, et nous devons assurer la sécurité des diplomates afghans qui possèdent des compétences remarquables. Il suffit de songer aux structures tribales et aux tensions qui existent entre les tribus.

Le sénateur Mitchell : Ils négocient énormément.

Lgén Leslie : Absolument. Quiconque a déjà participé à un débat avec l'ambassadeur Samad, a pu constater qu'il s'agit d'un homme d'une intelligence remarquable.

Le sénateur Mitchell : Merci. Je pense que le général fait preuve d'une grande humilité en ce qui concerne ses titres universitaires. Si je ne m'abuse, il est en train de terminer un doctorat.

Le président : Merci, sénateur Mitchell. Félicitations, général.

Le sénateur Day : Je crains que le général soit tellement occupé ici qu'il ne puisse tout simplement pas terminer son travail là-bas.

Général, tout d'abord, j'aimerais avoir certaines précisions. Plus tôt, vous avez dit :

[Français]

« Il nous faudra des fonds additionnels afin d'embaucher des mécaniciens et des techniciens civils. «

[Traduction]

Si j'ai bien compris, cela veut dire que vous avez besoin, du moins à court terme, de fonds additionnels pour embaucher du personnel civil pour faire une partie de ce travail technique, notamment en mécanique. Toutefois, je pense que dans une de vos réponses, vous avez indiqué que le problème était davantage lié aux contrats plutôt qu'aux fonds.

Lgén Leslie : Le problème est lié à ces deux questions. Je précise le contexte si vous me le permettez.

L'an dernier, pour ce qui est de la planification de diverses activités, mis à part la rémunération, l'armée a reçu 1,4 milliard de dollars. Cette année — nous n'avons pas encore les chiffres définitifs — le gouvernement nous attribue 1,62 milliard de dollars, soit 220 millions de dollars de plus. Cela contribuera grandement à régler certains des problèmes dont j'ai fait mention.

Permettez-moi de revenir à l'an dernier où je n'ai pu dépenser 50 millions de dollars. Ce n'est pas attribuable au fait que les gens sont mal intentionnés. Ce n'est pas non plus une question de manque de besoins. C'est que les gens veulent se débarrasser rapidement de la tâche. Il ne s'agissait pas d'un contrat de 50 millions de dollars. Il s'agissait de douzaines de petits contrats. Quand on obtient les fonds et qu'on planifie de les dépenser d'une façon cohérente et logique, qui doit signer? Dans les grandes bureaucraties, d'inévitables tensions surviennent, et à Ottawa, elles sont nombreuses et pas uniquement au MDN. Voilà.

Le sénateur Day : J'aimerais examiner cette question de plus près, mais je pense que nous n'avons plus le temps. J'aimerais me pencher sur la question de l'équipement, dont une grande partie n'est pas en état de marche et, de ce fait, non disponible à des fins d'entraînement, à tout le moins au Canada, comme vous l'avez indiqué.

Lors de nos visites des bases militaires, nous avons appris que particulièrement les unités de réserve ont été délestées, pour ne pas dire pillées, d'une grande quantité d'équipement qui a été envoyé à Wainwright pour préparer les groupements tactiques en vue d'un déploiement. À l'heure actuelle, de nombreux réservistes ne disposent pas du matériel qu'ils utilisent habituellement pour l'entraînement. Or, on demande à ces mêmes réservistes de se joindre au groupement tactique et d'aller en mission outre-mer sans avoir reçu un entraînement adéquat ou certainement avec un entraînement nettement inférieur à celui de la Force régulière ou que celui qu'ils auraient reçu dans le passé. Compte tenu de cette situation, estimez-vous qu'il faut plus de temps pour préparer le groupement tactique au déploiement?

Lgén Leslie : Sénateur, à l'heure actuelle, le nombre de réservistes — je les remercie d'ailleurs de nous prêter main- forte parce que nous ne pourrions y arriver sans eux — que nous envoyons outre-mer, par exemple en Afghanistan, représente entre 15 et 20 p. 100 de la totalité du contingent à chaque rotation.

C'est moi qui suis allé chercher une grande partie de l'équipement des unités de réserve pour le mettre à la disposition du groupement tactique et de la brigade qui s'apprêtent à partir. Ce n'est pas uniquement le groupement tactique. C'est également l'équipe de liaison et de mentorat opérationnel, l'équipe de reconstruction provinciale et l'élément de soutien national. En réalité, à tous les six mois, nous envoyons une petite brigade à l'étranger.

Il est vrai que, en général, les unités de réserve reçoivent moins de formation de base; disons que c'est le cas pour l'ensemble des 19 000 réservistes. D'autre part, nous nous concentrons sur ce que nous appelons le chemin de la guerre. Lorsqu'on n'est pas sur le chemin de la guerre, soit qu'on l'appuie, soit qu'on ne dispose d'aucun équipement, d'aucun argent, d'aucunes munitions et d'aucun temps d'entraînement pour l'acquisition de compétences de base. Toutefois, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons tellement de soldats sur le chemin de la guerre, en l'occurrence 15 000 sur une armée de 20 000 hommes, que la plupart d'entre eux acquerront les compétences nécessaires en un an ou deux. Si je disposais d'un budget et d'un effectif illimités, la situation serait entièrement différente, mais il n'est ni réaliste, ni dans l'intérêt du Canada d'envisager de telles hypothèses compte tenu de tout ce que nous traversons.

Oui, j'ai effectivement entendu énormément de doléances légitimes de la part de certaines unités de réserve parce que j'ai pris une partie de leur équipement. J'ai compris. C'est difficile.

Le sénateur Day : Nous avons promis de transmettre le message et c'est ce que nous faisons.

Lgén Leslie : Je l'ai clairement entendu.

Le sénateur Day : Enfin, au sujet de la mission en Afghanistan, nous nous concentrons tous sur le nombre de soldats tués, mais vous avez indiqué dans votre témoignage qu'il y a un très grand nombre de blessés. Pourriez-vous nous indiquer le nombre total de soldats ou de militaires des Forces canadiennes qui sont en service réduit parce qu'ils ont été blessés, qui sont encore dans les forces armées, mais qui ne peuvent retourner au combat?

Lgén Leslie : Sénateur, il faudrait que je vous revienne pour vous donner un chiffre précis. Je vais poser la question à un général qui, à titre de conseiller médical auprès du Chef d'état-major de la Défense, est responsable de l'évaluation médicale servant à établir la situation des blessés. Il y a eu quelques excellentes initiatives au cours des dernières semaines, notamment les huit unités conjointes de soutien qui regroupent des centres de services médicaux, sociaux et familiaux, qui ont tout simplement fait des merveilles au cours des trois ou quatre dernières années; en collaboration avec le ministère des Anciens Combattants, ces initiatives nous aideront à suivre la situation.

Le sénateur Day : Pardonnez-moi de vous interrompre, mais occupent-ils encore un poste autorisé que vous ne pouvez pas pourvoir en y affectant quelqu'un d'autre?

Lgén Leslie : Les militaires qui entrent dans une unité conjointe de soutien cessent de figurer sur les registres de l'armée, ce qui me permet de recruter d'autres jeunes tout en gardant à l'esprit que nous ne nous débarrassons pas de ceux qui ont été blessés. Les blessures sont d'ordre physique, mental et émotif. Les familles régimentaires s'occupent d'un nombre considérable de jeunes hommes et femmes qui ont besoin d'un peu de temps pour prendre des décisions concernant leur avenir.

Je convie chaque groupe qui doit être déployé à une grande causerie où les participants, environ 2 000, sont placés en demi-cercle. Ils connaissant tous l'objet de leur mission, mais je la leur rappelle de nouveau. En dernier lieu, je leur demande : qui ne veut plus partir? Jusqu'ici, un seul a fait marche arrière, sur les quelque 20 000 militaires auxquels je me suis adressé, parce que c'est le métier de soldat. Lorsqu'il y a une mission; nous sommes tous volontaires. Certains problèmes nécessitent une solution commune, mais à titre de soldats, nous sommes chargés d'aller en mission.

Permettez-moi de revenir à la question des victimes. Nos régiments et nos bataillons s'occupent des soldats qui manifestent un changement de comportement et nous collaborons avec des travailleurs sociaux et des psychiatres, par l'entremise du général dont j'ai fait mention antérieurement, pour savoir si la gravité des problèmes empêche de les renvoyer au combat ou de les laisser y retourner.

La première fois qu'un soldat part en mission, il le fait parce que c'est sa responsabilité professionnelle, qu'il fasse partie de la Force régulière ou de la Réserve. La deuxième fois, nous devons lui demander et la décision est conjointe. La troisième fois, le soldat doit demander à ses supérieurs. La quatrième fois, et elle se présente, mais bonne chance parce qu'il faut alors me consulter. J'ai maintenant délégué cette responsabilité à certains généraux sous mes ordres. Aux niveaux inférieurs, chaque commandant de zone est responsable de 10 000 ou 12 000 soldats. D'ici 2011, certains soldats et sous-officiers repartiront pour une cinquième mission. Il n'y en aura pas beaucoup, mais il y en aura. En outre, plusieurs centaines de militaires en seront à leur deuxième, troisième ou quatrième mission; nous tenons compte du fait que cette réalité a une incidence, mais c'est le travail des militaires.

Le sénateur Atkins : Général, pour faire suite à ce que vous venez de dire, notamment que certains militaires en sont à leur troisième, quatrième et cinquième rotations, y a-t-il une politique concernant l'admissibilité à une mission?

Lgén Leslie : Il y en a une au niveau de l'armée. Nous sommes fort intéressés à affecter les anciens combattants — certains sont jeunes, d'autres moins — aux écoles et établissements d'entraînement. Nous voulons permettre aux soldats les plus jeunes et les moins expérimentés d'entrer dans des bataillons et des régiments où ils recevront un entraînement pour prendre le chemin de la guerre.

Pour ce qui est de l'admissibilité — première, deuxième, troisième et quatrième rotations — si un militaire ne veut pas aller en mission, il a bien d'autres possibilités d'affectation. Toutefois, ce n'est pas dans la nature des soldats canadiens de refuser de participer à une mission. C'est particulièrement vrai des sous-officiers supérieurs et des officiers qui feront des pieds et des mains pour partir, si les jeunes soldats sous leurs ordres doivent partir. Compte tenu de leur expérience de missions antérieures, ils estiment pouvoir mieux s'occuper des troupes qu'un collègue qui n'aurait pas une telle expérience.

Il m'incombe, ainsi qu'aux généraux et aux adjudants-chefs sous mes ordres, de modérer de façon responsable leur enthousiasme d'accompagner les troupes et de tenir compte du risque qu'ils peuvent présenter s'ils sont épuisés et qu'ils ne s'en rendent peut-être pas compte.

Le sénateur Atkins : Tenez-vous compte de la famille?

Lgén Leslie : Oui, nous en tenons compte. Avant qu'un soldat parte à l'étranger, même pour une première mission, il est soumis à un processus passablement intensif et rigoureux auquel participent un travailleur social, un officier de sélection du personnel, un aumônier, la chaîne de commandement et le centre de ressources pour les familles. Toutefois, il nous arrive à l'occasion de faire des erreurs.

Le sénateur Atkins : Vous avez mentionné que le taux d'attrition moyen varie de 7 à 9 p. 100. Pouvez-vous décrire votre politique de réenrôlement et parler des efforts consentis pour que des mécaniciens d'entretien qualifiés et expérimentés se réengagent, particulièrement compte tenu de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée?

Lgén Leslie : À l'heure actuelle, nous compensons le manque d'effectifs principalement en faisant appel à des réservistes à temps plein. L'armée compte actuellement entre 4 000 et 5 000 réservistes qui travaillent à temps plein.

Deuxièmement, à l'instar d'autres généraux, j'ai écrit à des militaires qui ont récemment pris leur retraite et je les ai invités à reprendre le service. Je crois que, il y a quelques semaines, notre Chef d'état-major de la Défense leur a dit « Revenez à bord, nous vous aimons ». Ce n'est pas suffisant, mais c'est un bon point de départ pour faire comprendre aux nouveaux retraités qui possèdent une expérience incroyable qu'ils peuvent revenir, particulièrement s'ils n'ont pas récemment participé à une mission. Nous pouvons leur assurer qu'ils partiront. Ces lettres constituent des outils assez puissants. Des douzaines de retraités, non des milliers, font le choix de reprendre le service — espérons qu'ils seront des centaines à faire de même.

Le sénateur Atkins : Est-ce qu'ils veulent de l'action?

Lgén Leslie : Non, c'est ce que nous faisons qui les intéresse. Si le travail n'était pas complexe et dangereux, pourquoi faudrait-il une armée? Que ce soit en Afghanistan, précédemment en Croatie ou dans le prochain pays où l'armée canadienne sera envoyée, ce sont toujours des gens comme eux qui nous prêtent main-forte.

Le sénateur Atkins : Vous avez mentionné que l'argent n'est pas vraiment un grand incitatif pour le réenrôlement.

Lgén Leslie : C'est un élément qui aiderait probablement. Je me trompe peut-être — je suis peut-être naïf — mais personne ne va en Afghanistan pour l'argent que ça rapporte. C'est trop dangereux.

Le sénateur Atkins : Peut-être que non, mais les recrues entrent possiblement dans l'armée pour gagner de l'argent.

Lgén Leslie : Mais, on les enverra en Afghanistan.

Le sénateur Day : Les recrues le savent.

Le sénateur Manning : Je vous félicite et je vous remercie de servir le Canada et les Canadiens. Je suis de Terre- Neuve-et-Labrador qui représente seulement 1,7 p. 100 de la population canadienne, mais où un grand pourcentage de citoyens font partie des Forces canadiennes. Je connais très bien certains militaires et certaines des familles qui ont fait le sacrifice suprême à cause de l'engagement de l'un des leurs. Cependant, cette réalité a toujours existé.

J'aimerais parler du recrutement. Je me rappelle, quand j'étais à l'école, des représentants des Forces canadiennes venaient toujours nous rendre visite. Je crois que cette pratique existe encore. Vous parlez de l'armée et moi, je vais parler de Terre-Neuve-et-Labrador que je connais bien. Au cours de la dernière décennie, la population scolaire a diminué de 90 000 à 60 000 élèves environ. J'ai récemment été invité à assister à la cérémonie de fin d'année d'un autre groupe de cadets de ma province. On sait que pour bon nombre de jeunes, le passage chez les cadets donne l'occasion d'acquérir une formation de base pour entrer dans les forces armées. On note une diminution considérable du nombre d'élèves.

Plus tôt, vous avez parlé de la concurrence du secteur privé. Je m'interroge sur ce que l'armée, ce que nous, en tant que représentants du Parlement du Canada, et les Canadiens en général pensent des obstacles au recrutement. Que pourrions-nous faire pour inciter davantage de Canadiens à entrer dans les Forces canadiennes? Il y a quelques minutes, vous avez affirmé — cela s'applique d'ailleurs à toutes les personnes qui entrent dans les forces armées — que personne ne s'engageait pour faire de l'argent et que c'était plutôt une vocation. Paradoxalement, les statistiques concernant le recrutement ne sont pas ce que nous souhaiterions. J'aimerais connaître certains des obstacles que perçoivent les Forces canadiennes et certaines des mesures que nous pourrions prendre pour stimuler le recrutement actuellement à la baisse.

Lgén Leslie : Je vais peut-être regretter mes paroles, mais je ne crois pas que ce soit une question d'argent. Il y a une question de capacité, ce qui signifie qu'il faut recruter davantage pour pouvoir former davantage de recrues. C'est le processus. Si vous vous souvenez bien, j'ai parlé précédemment de la liste d'instructions de base sur laquelle sont inscrits des milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes qui attendent de recevoir l'entraînement initial. De nombreuses personnes d'une autre organisation examinent rigoureusement la durée de l'entraînement et la formation que nous donnons aux recrues.

Les chiffres n'augmentent pas aussi rapidement que nous l'aurions souhaité, mais, dans le cas de l'armée, il manque chaque année environ 600 ou 700 recrues. Nous pourrions baisser nos exigences, mais nous ne le ferons pas. La dernière chose qu'on voudrait serait de ne pas avoir les meilleurs éléments que le Canada puisse offrir. Dans des situations très complexes et dangereuses, il suffit d'une fraction de seconde et d'une décision inappropriée pour provoquer des tragédies incroyables. Nous pourrions raccourcir la formation, mais nous envoyons des jeunes Canadiens risquer leur vie. Par conséquent, pas question de raccourcir l'entraînement. Je n'ai pas de formule magique. Il faut faire preuve de patience et de diligence à cet égard et remettre le processus en question lorsque c'est possible, pour le rendre meilleur, plus rapide et plus efficace.

J'ai des statistiques pour divers corps de métier. C'est la conservation du personnel qui est la question la plus préoccupante. Puisque vous avez parlé du système scolaire, je signale qu'il serait fantastique de pouvoir garder les enseignants d'expérience. Il faut se rappeler qu'une armée a besoin d'un afflux constant de jeunes recrues prêtes à porter un fusil, à passer à l'action et à participer à des opérations comme celles que nous menons actuellement.

Le président : Il est 15 h 30. Nous devions terminer à 15 heures. J'ai une dernière déclaration à faire. Nous n'avons plus de temps.

Comme je reviens à la question que le sénateur Tkachuk a posée plus tôt, nous pouvons peut-être considérer qu'il s'agit d'une prolongation de son temps de parole. Le sénateur Tkachuk vous a parlé lieutenant-général du témoignage que vous avez livré l'an dernier devant notre comité, et de notre rapport intitulé Quatre généraux et un amiral.

Savez-vous si on donne des conseils aux témoins qui comparaissent devant nos comités ou avez-vous des raisons de croire que c'est une pratique courante?

Lgén Leslie : Oui.

Le président : Connaissez-vous la ligne directrice que le Conseil privé a émise en décembre 1990, dans laquelle il est essentiellement recommandé aux fonctionnaires de témoigner uniquement sur des questions relatives aux politiques gouvernementales, comme s'ils étaient en présence du ministre?

Lgén Leslie : Je vois où vous voulez en venir, sénateur, mais je ne présenterais pas les choses de cette façon.

Le président : Est-ce la même chose quand des officiers viennent témoigner devant le comité? Sont-ils soumis aux mêmes restrictions?

Lgén Leslie : Oui, je suis soumis aux mêmes règles de comportement que les fonctionnaires du gouvernement du Canada — mais je garde néanmoins en tête que je suis un soldat, non un fonctionnaire.

Le président : Merci. Honorables sénateurs, je vous présente mes excuses parce que nous avons largement dépassé l'heure d'ajournement prévue. Le vice-président m'a signalé — à juste titre — que j'aurais dû avoir un meilleur contrôle de la situation. Je vous demanderais votre collaboration pour les prochains témoignages.

Lieutenant-général Leslie, je déclare, au nom du comité, que votre témoignage a été captivant. Nous avons énormément appris et nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant notre comité.

Le prochain témoin sera le lieutenant-général Watt, Chef d'état-major de la Force aérienne. Le lieutenant-général Watt est entré dans les Forces canadiennes en 1972. Il a piloté un hélicoptère Sea King avec le 443e escadron, basé à Shearwater, en Nouvelle-Écosse; il a enseigné le pilotage d'hélicoptère à la BFC Portage La Prairie, au Manitoba; et il a par la suite été commandant du 423e escadron d'hélicoptères maritimes. À l'état-major, il a entre autres été affecté au siège de l'OTAN à Bruxelles et il a occupé divers postes à Ottawa, à Winnipeg et au quartier général du NORAD à Colorado Springs. En 2002, il a été nommé commandant de la force opérationnelle interarmées en Asie du Sud-Est, puis, en 2006, commandant adjoint (Air) de la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan. En 2007, il a été promu à son poste actuel de Chef d'état-major de la Force aérienne.

Lieutenant-général Watt, bienvenue encore une fois à notre comité. Si je ne m'abuse, vous avez une brève déclaration à faire.

Lieutenant-général W. Angus Watt, chef d'état-major de la Force aérienne, Défense Canada : Merci de m'avoir invité à m'adresser à vous au sujet de la Force aérienne du Canada.

[Français]

Plusieurs d'entre vous ont eu la chance de rencontrer les talentueux professionnels des deux sexes qui servent au sein de nos Forces aériennes au Canada et à l'étranger. Vous avez pu apprécier leurs compétences et la qualité de leur travail. J'aimerais vous exprimer ma reconnaissance pour l'appui que vous leur accordez.

[Traduction]

En qualité de Chef d'état-major de la Force aérienne du Canada, je suis chargé de mettre sur pied des forces témoignant de nos capacités aérospatiales. Cela signifie que je dois fournir aux commandements de niveau opérationnel, principalement au Commandement Canada pour ce qui est des opérations en Amérique du Nord et au Commandement de la Force expéditionnaire du Canada pour ce qui touche les opérations internationales, la bonne combinaison, d'une part, d'équipement et, d'autre part, de personnel ayant suivi une instruction adéquate.

[Français]

La dernière année a été une période de progrès et de transformation pour la force aérienne. Cet après-midi, je vais vous parler de certaines de nos réalisations. Tout n'est pas terminé et ces réalisations ne sont pas toutes de grandes nouvelles. Toutefois, en 2008, nous avons fait progresser considérablement la force aérienne.

[Traduction]

En tant que Chef d'état-major de la Force aérienne, pour que le progrès continue, je dois concentrer mon action sur trois grandes priorités : notre mission, notre personnel, notre équipement et notre infrastructure. La stratégie de défense Le Canada d'abord demande aux Forces canadiennes d'atteindre l'excellence au pays, d'être un partenaire solide et fiable pour la défense de l'Amérique du Nord, et de faire preuve de leadership à l'étranger en apportant une contribution significative à la sécurité internationale. Nous sommes déterminés à remplir ce mandat.

J'étais en Afghanistan la semaine dernière, et j'ai rendu visite à la nouvelle Escadre aérienne qui assure le soutien aérien des opérations et fournit à la Force aérienne du Canada une capacité sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Pendant mon séjour là-bas, les hélicoptères Griffon chargés d'escorter et de protéger nos hélicoptères Chinook ont atteint leur capacité opérationnelle initiale. Cela signifie qu'ils pourront commencer à assurer le soutien aérien des opérations.

En attendant, notre personnel s'entraîne en milieu opérationnel pour bientôt atteindre la pleine capacité opérationnelle. En janvier, nous avons annoncé que nos nouveaux véhicules aériens sans pilote Heron avaient atteint leur capacité opérationnelle initiale, et nous pourrons bientôt faire de même pour nos hélicoptères Chinook. En fait, cela s'est passé la semaine dernière.

[Français]

De plus, notre élément de soutien au théâtre opérationnel, qui fait désormais partie de l'escadre aérienne, continue de fournir un appui de premier ordre à la mission en assurant, de façon rapide et efficace, le transport de notre personnel et de notre matériel à destination ou en provenance du théâtre d'opérations.

Au Canada, nous sommes déterminés à maintenir notre partenariat avec les États-Unis dans le cadre du commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord — ou NORAD — pour défendre l'Amérique du Nord et protéger notre espace aérien et nos approches.

Nous sommes également déterminés à jouer un rôle majeur dans les opérations de recherche et de sauvetage, à travailler en étroite collaboration avec nos partenaires civils pour aider les Canadiens en détresse, et à appuyer la marine et l'armée de terre dans leurs missions. Bien sûr, nous participons très activement à la préparation des Jeux olympiques d'hiver de 2010, qui nécessiteront une contribution substantielle de la force aérienne.

[Traduction]

Le personnel de la Force aérienne est mon plus grand atout, et mon plus grand défi, pour les années à venir. Notre niveau d'effectifs, aussi bien dans la Force régulière que dans la Réserve, est inférieur à ce qu'il devrait être. Notre bassin traditionnel de recrues se rétrécit, et nous sommes confrontés à des problèmes démographiques internes qui découlent de la réduction du personnel des Forces canadiennes au début des années 1990.

Actuellement, par exemple, nous avons beaucoup de techniciens en aéronautique qui ont de 1 à 11 années de service, et de 17 à 26 années de service. Cependant, nous n'en avons pas suffisamment qui ont de 12 à 16 années de service. Cela finira par entraîner une pénurie de personnel de niveau supérieur, et un déclin du taux de militaires expérimentés par rapport aux militaires sans expérience.

Par conséquent, le maintien en service est essentiel, et nous faisons tout pour encourager les membres de la Force aérienne à prolonger leur carrière militaire. Je suis en train d'élaborer une stratégie du personnel et de prendre des mesures pour améliorer le taux de maintien en service, afin d'atténuer certains des problèmes démographiques auxquels nous faisons face. Nous avons pris des initiatives pour améliorer le développement professionnel et la formation technique des officiers de la Force aérienne, pour améliorer la planification de la relève, et pour atténuer certaines des contraintes de la vie militaire — surtout pour les familles.

Nous sommes en train d'examiner la structure de nos groupes professionnels pour faire en sorte que les bonnes personnes soient à la bonne place. Par exemple, nous avons récemment réorganisé le groupe des navigateurs aériens pour qu'il reflète mieux les rôles opérationnels actuels et futurs de ses membres. Le nouveau groupe des opérateurs de systèmes de combat aérien continuera de remplir certaines fonctions de navigation aérienne, mais il sera également chargé de diriger les opérations des véhicules aériens sans pilote, de fournir les équipages des avions stratégiques de ravitaillement en vol, et d'exécuter des tâches de renseignement, de surveillance et de reconnaissance pour divers aéronefs.

De plus, le groupe des techniciens d'aéronefs est en cours de restructuration pour répondre aux exigences techniques de nos nouveaux aéronefs et aux besoins de notre force expéditionnaire.

[Français]

Nous avons également entrepris de moderniser nos programmes d'instruction, qui constituent un facteur clé dans l'équation du personnel. Dans le domaine de la formation des pilotes, nous sommes en train de combler le fossé entre le nombre de pilotes qu'il nous faut et le nombre de pilotes que nous avons. Pour augmenter notre taux annuel de production de pilotes, nous faisons un usage accru de simulateurs et nous exemptons les pilotes des cours dont ils n'ont pas besoin pour le type d'aéronef qu'ils sont destinés à piloter, tout en augmentant le nombre d'instructeurs et la capacité de nos unités d'instruction opérationnelle.

De plus, nous avons complètement transformé notre système de formation des techniciens à Borden, en Ontario. Le nombre d'étudiants a été augmenté de 50 p. cent et la durée des cours a été réduite de 40 p. cent. Cette transformation a été rendue possible notamment par l'utilisation des techniques fondées sur la réalité virtuelle, qui est un des apports du XXIe siècle. Nous sommes en train d'inaugurer un environnement d'apprentissage où une bonne partie de la formation initiale des techniciens se fera dans un monde virtuel en trois dimensions sur le web.

Pour tenir compte des nouvelles réalités opérationnelles, nous obligeons les membres de la force aérienne à suivre des cours qui sont associés traditionnellement à l'armée de terre, afin d'augmenter leur capacité de survie dans les situations de combat.

Ma troisième priorité est l'équipement. Nous avons eu de nombreux succès dans ce domaine récemment, mais je vais me contenter de vous signaler quelques-unes de nos principales acquisitions.

[Traduction]

Nous faisons face au vieillissement de notre flotte d'aéronefs. Au milieu des années 1980, l'âge moyen de nos aéronefs était d'environ 16 ans. Aujourd'hui, leur âge moyen est de 25 ans. Cela ne signifie pas que nos aéronefs ne sont pas sécuritaires. Je veux être parfaitement clair à ce sujet : nos aéronefs ne sont pas dangereux. Mais il est plus difficile de trouver des pièces de rechange, et les délais de maintenance accrus entraînent une diminution du taux de disponibilité de nos aéronefs. Par conséquent, mon objectif est de réduire l'âge moyen de nos aéronefs.

À cette fin, nous avons entrepris un vaste programme de renouvellement de notre flotte. L'été dernier, nous avons pris livraison du dernier de nos quatre avions de transport stratégique C-17 Globemaster, et l'an prochain, nous commencerons à prendre livraison de nos nouveaux avions de transport tactique Hercules de modèle J.

Pour répondre à nos besoins à long terme dans le domaine des hélicoptères de transport, nous avons fait l'acquisition de Chinook de modèle F qui seront opérationnels pendant au moins 20 ans, et qui devraient nous être livrés bientôt.

[Français]

Nous avons loué des véhicules aériens sans pilote de type Heron comme solution provisoire et nous sommes à la recherche d'une solution à long terme qui inclura des capacités affectées aux opérations nationales et des capacités déployables.

Nous nous sommes donné une capacité stratégique de ravitaillement en vol en modifiant deux avions Polaris. L'un de ces avions ravitailleurs sera capable d'escorter quatre CF-18, sans escale, d'une rive à l'autre de l'océan Atlantique.

Nos avions Aurora, conçus initialement pour la lutte anti-sous-marine, sont en cours de modernisation pour devenir des avions multimissions affectés à la surveillance et à la reconnaissance en zone terrestre, en plus de remplir leurs fonctions habituelles en zone littorale. Cette modernisation permettra aux Aurora de demeurer opérationnels jusqu'en 2020. À plus long terme, cependant, nous ferons l'acquisition d'un avion multimission du XXIe siècle, pour remplacer les avions polyvalents.

[Traduction]

Nous allons également de l'avant avec l'acquisition d'un nouvel avion de recherche et de sauvetage pour remplacer notre flotte actuelle composée d'avions Hercules et Buffalo. Nous sommes en train de planifier l'acquisition d'un chasseur de la nouvelle génération pour remplacer les CF-18 Hornet, qui devront être retirés du service vers la fin de la prochaine décennie.

Ces achats d'équipement sont la concrétisation de la stratégie de défense Le Canada d'abord. Cette stratégie nous donne un cadre d'action qui nous permettra de réaliser nos objectifs à long terme, plutôt que d'apporter constamment de nouveaux ajustements. C'est une bonne nouvelle pour la Force aérienne.

Dans la Force aérienne, le personnel et l'équipement ne sont pas les seules choses qui comptent. Il y a aussi les idées. Le Centre de guerre aérospatiale des Forces canadiennes, qui a été créé en 2005, est extrêmement productif dans des domaines comme la doctrine, l'application des leçons apprises, le développement de concepts, l'expérimentation et la stratégie. C'est vraiment une « cellule de réflexion » et un élément essentiel de la transformation de la Force aérienne qui nous a fait défaut pendant de nombreuses années.

[Français]

Deux questions me préoccupent particulièrement au sujet de la diminution du nombre de militaires expérimentés dans la Force aérienne. Premièrement, nous ne pouvons pas compromettre la sécurité aérienne et nous devons augmenter nos efforts pour prévenir les accidents plutôt que de réagir aux catastrophes et, deuxièmement, la navigabilité est un élément essentiel.

Je suis l'autorité désignée des Forces canadiennes en matière de navigabilité aérienne. Nos aéronefs sont des machines complexes et l'environnement dans lequel ils évoluent est très exigeant.

[Traduction]

Nous avons un très bon système, mais il peut être amélioré. Nous avons travaillé avec diligence pour améliorer le système, surtout dans le domaine du suivi et de la gestion des risques.

[Français]

Nous avons beaucoup de choses à célébrer cette année. L'année 2009 marque le 100e anniversaire du premier vol propulsé d'un appareil plus lourd que l'air au Canada. La célébration de cet événement par les aviateurs civils et militaires a commencé à Baddeck, en Nouvelle-Écosse, le mois dernier, et elle se poursuivra tout au long de l'année grâce à des événements spéciaux et à des spectacles aériens.

Cette année, nous célébrons également le 85e anniversaire de la force aérienne qui a contribué tout au long de son histoire à la sécurité du Canada, en temps de paix comme en temps de guerre. Nous allons exploiter ce fier héritage ainsi que notre professionnalisme pour construire la force aérienne de demain.

[Traduction]

Pour conclure, je suis extrêmement fier du travail que les hommes et les femmes des Forces canadiennes accomplissent jour après jour, au Canada comme à l'étranger. Je suis convaincu que nous réussirons à concrétiser la vision de la Force aérienne, qui est d'être « une force aérospatiale agile et apte au combat ayant la portée et la puissance nécessaires pour exécuter les opérations intégrées des Forces canadiennes tant au pays qu'à l'étranger. »

Monsieur le président, distingués membres du comité, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup lieutenant-général Watt de cet exposé fort instructif.

[Français]

Le sénateur Nolin : Général Watt, c'est un plaisir, et surtout comme québécois francophone, de voir un diplômé du Collège militaire royal de Saint-Jean. Je présume que c'est là que vous avez appris à maîtriser la langue de Molière avec autant de doigté et de finesse. Vous me permettrez de vous poser quelques questions en français. J'ai quelques questions qui méritent des détails et je vous invite à nous soumettre des réponses écrites plus détaillées en termes d'équipement, puisque mes questions porteront principalement sur le matériel. Je ne vous demande pas de nous dévoiler des détails opérationnels, je ne voudrais pas mettre en danger la vie de nos troupes, mais j'aimerais avoir le détail des différents types de véhicules qui composent votre flotte aérienne ainsi que leur taille, autant ce qui est déployé que ce qui est en réserve au Canada. Comme je vous le dis, vous pouvez répondre par écrit par la suite.

Aussi, vous avez entrepris — vous y avez fait allusion —, vous et le gouvernement du Canada, un vaste programme de recapitalisation. D'après vous, sommes-nous capables de faire face à ce vaste programme de recapitalisation?

Lgén Watt : Dans quel sens?

Le sénateur Nolin : Financièrement, entre autres. Nos intentions dévoilées seront-elles rencontrées compte tenu de nos possibilités financières?

Notre processus d'achat, je comprends, a été grandement facilité par les achats à sens unique dans les premières années du programme de recapitalisation, il n'en reste pas moins qu'on a un programme d'acquisition complexe, fastidieux et souvent disproportionné. Les Canadiens restent étonnés — c'est le moins qu'on puisse dire — quand ils apprennent que, dans certains cas, cela peut prendre jusqu'à 15 ans entre le commencement et la fin du processus. Avons-nous des ambitions trop grandes pour nos capacités?

Lgén Watt : Tout d'abord, concernant votre question sur l'équipement de notre flotte aérienne.

Le sénateur Nolin : Dans le fond, c'est un inventaire que je vous demande.

Lgén Watt : Oui. Comme vous l'avez mentionné, il serait plus adéquat de vous fournir une réponse écrite.

Le sénateur Nolin : Un document assez détaillé sera apprécié.

Lgén Watt : Oui. Vous recevrez cela dans les prochaines semaines.

Concernant votre deuxième question, notre programme d'acquisition est assez ambitieux, effectivement, et il comporte deux défis principaux, le premier étant du point de vue financier. Je peux dire que chaque programme comporte des défis individuels, il faut établir un équilibre entre les besoins opérationnels et la capacité financière.

Maintenant, avec la stratégie Le Canada d'abord, nous avons négocié les éléments principaux de la force aérienne à prévoir pour la prochaine décennie. Je suis content. Tous mes désirs n'ont pas été complètement satisfaits, évidemment, j'ai tellement d'ambitions, mais je crois que nous avons une stratégie qui mènera les forces aériennes vers un futur fiable afin de sécuriser les Canadiens et les Canadiennes.

Le deuxième défi se trouve au niveau du personnel requis pour gérer les programmes d'acquisition. Cette tâche demande des compétences assez particulières et elles sont rares dans les Forces canadiennes. Nous avons réussi jusqu'à maintenant, mais je ne tiens rien pour acquis. Nous avons connu des réussites énormes avec le C-17 — énorme dans les deux sens — avec le CC-130J, les drones Heron et l'acquisition des hélicoptères Chinook maintenant en Afghanistan. D'autres programmes ambitieux s'en viennent, mais pour l'instant, il s'agit d'un défi et non pas d'une catastrophe.

Le sénateur Nolin : Vous anticipez ma prochaine question. Mais quoi qu'il en soit, si votre réponse écrite est plus efficace, n'hésitez pas parce que souvent, ce sont les détails qui nous aident.

En ce qui concerne votre programme de recapitalisation, nous aimerions en savoir plus sur l'état d'avancement du projet. Même s'il s'agit d'un projet qui n'en est qu'à l'étape de l'évaluation à l'interne, nous aimerions avoir de l'information sur les types d'équipements tels les hélicoptères maritimes et les différents équipements que vous avez mentionnés de façon générale dans votre exposé.

J'aimerais plus de détails sur les sujets suivants : hélicoptères maritimes, transport aérien tactique, hélicoptères de transport moyens, achat intérimaire et à long terme, appareils à voilure fixe de recherche et de sauvetage.

Vous avez aussi fait référence aux aéronefs multimissions et aux aéronefs de chasse. Quant aux véhicules aériens sans pilote, vous êtes à la recherche d'une solution permanente. J'aimerais aussi avoir plus de détails sur vos projets spéciaux.

Lgén Watt : Sénateur Nolin, vous êtes très bien informé. Je vois que vous avez fait une liste assez exhaustive.

Le sénateur Nolin : Comme pour vous, tout dépend de la qualité des recherchistes.

Lgén Watt : Nous pourrons vous fournir une réponse détaillée par écrit qui vous donnera toute l'information nécessaire.

Le sénateur Nolin : Si vous me le permettez, j'ai une dernière question plus délicate. C'est beau d'avoir tous ces projets, mais nous ne sommes pas toujours capables de les réaliser, et le fait de ne pas pouvoir les réaliser peut poser un risque.

Quelle évaluation faites-vous de la situation de la force aérienne? À moyen et long termes, quelle évaluation du risque faites-vous quant à la qualité des services militaires au Canada?

Lgén Watt : Je suis confortable avec la situation actuelle de la force aérienne, mais ce qui m'inquiète, par contre, c'est la situation qui prévaudra dans une décennie.

Le sénateur Nolin : C'est pourquoi j'ai parlé du moyen et du long terme et j'aimerais vous entendre sur cette évaluation du risque.

Lgén Watt : C'est vers la fin de la prochaine décennie que les besoins seront énormes au sein de la force aérienne. La vie des flottes d'avions dont nous disposons maintenant prendra fin. Des appareils tels l'Aurora, le Chasseur et les avions de recherche et de sauvetage devront être renouvelés avant la fin de la prochaine décennie.

Toutes les énergies de l'état-major de la force aérienne sont axées sur les futurs programmes d'approvisionnement et c'est dans une dizaine d'années qu'on verra le risque devenir plus élevé. C'est la raison pour laquelle la stratégie « Le Canada d'abord » représentait un pas vers l'avant pour moi. Au lieu de commencer à argumenter sur le besoin d'un tel type de capacité opérationnelle, nous en sommes au point où on peut discuter du besoin d'un aéronef. Je crois que nous arriverons à relever ces défis reliés au risque qui augmenta d'ici une décennie. Pour l'instant, la situation n'est pas parfaite et il y a toujours des problèmes à régler.

[Traduction]

Le sénateur Wallin : À titre de Canadienne qui appuie la mission du Canada en Afghanistan et d'ancienne membre du comité d'experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan, dirigé par M. Manley, je suis ravie d'entendre parler aujourd'hui de la vitesse de livraison de certains équipements dont vous avez besoin, pas uniquement de quantité.

Je voudrais faire quelques observations sur deux questions qui sont intimement liées : la maintenance et les achats. Nous avons entendu votre homologue de l'Armée de terre nous dire il y a quelque temps qu'à tout moment, environ 71 p. 100 de son équipement principal de combat est en cours de maintenance ou hors d'usage. Mis à part le problème particulier des hélicoptères Sea King, pouvez-vous nous dire quel est le pourcentage dans votre cas?

Lgén Watt : J'ai 18 flottes d'aéronefs. Si l'une d'entre elles comptait 70 p. 100 d'aéronefs indisponibles, elle serait complètement mise au rancart. Une Force aérienne ne peut pas se permettre un pareil taux de mise hors service parce que les compétences de pointe exigées de la part du personnel doivent être constamment entretenues. Autrement dit, si vous n'accumulez aucune heure de vol pendant un mois, vous n'êtes plus apte à piloter. Le taux de disponibilité des aéronefs varie. Ce sont les Airbus et les C-17 qui ont le taux de disponibilité le plus élevé. Environ 90 p. 100 de la flotte est en service à tout moment. Ce sont les Buffalo, les Hercules et les Sea King qui ont les taux les plus bas, soit autour de 50 ou de 60 p. 100. Le taux varie quotidiennement. Nous essayons constamment de l'améliorer. Comme je l'ai mentionné auparavant, nous avons de la difficulté à maintenir les vieux aéronefs en bon état, pour qu'ils demeurent sûrs. Lorsqu'ils présentent un risque, nous les clouons au sol. Dans le cas du vieil équipement, il peut être difficile de trouver des pièces, et la maintenance exige beaucoup de travail.

Je ne suis pas dans la même position que l'Armée de terre. Je ne perds pas de véhicules au combat comme elle. La perte de véhicules dans les combats contre l'ennemi est l'un des plus gros problèmes de l'Armée de terre. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas eu ce problème. Quand des aéronefs sont hors d'usage, c'est pour des raisons banales.

Le sénateur Wallin : Vous avez un autre problème pour ce qui est de la maintenance. Est-il directement lié à votre capacité d'attirer et de conserver votre main-d'œuvre interne ou à votre capacité de trouver des contractuels rapidement?

Lgén Watt : Les deux facteurs entrent en ligne de compte.

Pour maintenir un aéronef en état de voler, il faut réunir plusieurs conditions. Il faut disposer d'un personnel de qualité, bien formé, qui sait comment réparer l'aéronef. On doit fournir à ce personnel les instructions et les outils nécessaires pour faire la maintenance de l'aéronef. On doit lui fournir rapidement les pièces nécessaires à la maintenance. L'aéronef doit être conçu pour en faciliter la maintenance. Lorsque toutes ces conditions sont réunies, le taux d'aéronefs en bon état de marche est élevé, comme c'est le cas des C-17.

Le sénateur Wallin : Êtes-vous capable de recruter les personnes dont vous avez besoin? Quel effet le manque de personnel dont vous avez parlé a-t-il sur cette partie de votre équipe?

Lgén Watt : Mes techniciens font partie des métiers de la série 500. Ils sont au nombre de 3 000, ce qui constitue le groupe d'employés le plus important de la Force aérienne. En général, le recrutement donne des résultats satisfaisants. Pour les jeunes Canadiens, la Force aérienne demeure un milieu de travail attirant, et j'essaie d'entretenir et d'améliorer cette réputation. Comme je l'ai indiqué dans mon allocution, nous avons renouvelé notre méthode de formation des techniciens, ce qui nous permet d'intéresser davantage de recrues à s'enrôler.

Le problème est le creux démographique au milieu. L'âge moyen de mes techniciens est de 42 ans. J'ai beaucoup de baby-boomers qui vont prendre leur retraite bientôt et j'ai beaucoup de jeunes débutants. Mais, entre ces deux groupes, il y a un creux qui fera problème parce que c'est dans ce groupe intermédiaire que nous allons devoir puiser la prochaine génération de dirigeants. Il y a deux choses qui sont inévitables dans la vie : la mort et les taxes. J'ajouterais que la démographie est également incontournable. Il y a seulement un moyen d'obtenir un technicien ayant 15 années d'expérience en uniforme : il faut commencer maintenant et attendre 15 ans que le technicien prenne de l'expérience.

Le sénateur Wallin : Serait-il juste de dire que la stratégie de défense Le Canada d'abord vous donne l'assurance que les achats vont se faire selon une approche plus rationnelle?

Lgén Watt : Cette approche facilite les prévisions. Je suis dans les Forces canadiennes depuis longtemps. Je porte l'uniforme depuis bientôt 37 ans. L'une de nos tâches difficiles, qui exige que nous défendions constamment notre cause, est celle qui consiste à établir un plan à long terme pour obtenir des ressources financières et pour les utiliser de manière équilibrée, en les répartissant efficacement entre l'Armée de terre, la Marine et la Force aérienne, c'est-à-dire entre nos divers programmes. La stratégie de défense Le Canada d'abord nous permet de voir venir assez longtemps à l'avance, soit une dizaine d'années, ce qui est utile.

Le sénateur Meighen : Bienvenue de nouveau devant le comité, lieutenant-général Watt. Je suis heureux de vous y voir de nouveau. Je suis désolé d'avoir manqué le début de votre allocution.

J'ai quelques questions brèves à vous poser. Tout repose sur des gens, qu'il s'agisse de vous, du lieutenant-général Leslie, dans l'Armée de terre, ou du vice-amiral Robertson. Avez-vous remarqué un changement dans l'intérêt pour la vie militaire que manifestent les pilotes déjà formés de l'aviation civile, compte tenu des difficultés dans le secteur du transport aérien au cours des dernières années?

Deuxièmement, si ma mémoire est fidèle, je crois me souvenir qu'au cours des dernières années, nous avons entendu des témoins nous dire que ce n'était pas toujours facile de revenir dans la Force aérienne après en être sorti — et je ne suis pas en train de dire que ce devrait l'être. Autrement dit, lorsque l'économie allait bien, les gens quittaient la Force aérienne, mais lorsque l'économie allait moins bien ou lorsqu'une personne voulait réintégrer la Force aérienne pour une autre raison, elle avait de la difficulté à le faire, qu'il s'agisse d'un réserviste ou non. Est-ce que les choses sont plus simples à cet égard maintenant?

Lgén Watt : Je vous remercie pour ces questions. Le métier de pilote est, dans la Force aérienne, comme le canari dans la mine. Le changement se manifeste dans ce métier avant les autres métiers. Nous recrutons suffisamment de pilotes actuellement. Il y a quelques années, nous avions de la difficulté à en recruter, mais ce n'est plus le cas maintenant. Nous avons même une abondance de recrues qui veulent être pilotes. Il est difficile d'attribuer ce changement à une cause en particulier, mais les difficultés économiques nous facilitent certainement la tâche.

Nous avons également changé certains critères, comme les normes pour la vue des pilotes. Auparavant, nous n'acceptions pas les candidats ayant subi une correction de la vue au laser. Aujourd'hui, nous les acceptons. Ceux qui, parmi vous, rêvaient d'être pilotes, mais étaient empêchés de réaliser leur rêve à cause de leur vue peuvent maintenant saisir la chance. Nous avons aussi changé les normes anthropométriques, c'est-à-dire les mesures du corps qui déterminent si la personne a la taille qu'il faut pour les dimensions du cockpit. Nous avons redessiné ce programme.

Le sénateur Meighen : Vous avez redessiné les pilotes ou le cockpit?

Lgén Watt : Nous avons refondu les normes, pour qu'elles correspondent aux cockpits modernes, car les normes antérieures dataient des années 1940.

Nous n'avons pas de difficulté à recruter des pilotes. Mais, je ne tiens rien pour acquis, une fois de plus. La Force aérienne a un bureau de réenrôlement. Le personnel de ce bureau téléphone aux gens qui semblent avoir perdu leur emploi dans une ligne aérienne et qui étaient autrefois dans les forces armées. Il demande à ces gens s'ils souhaitent réintégrer la Force aérienne. Dès que nous entendons dire qu'un transporteur aérien ferme boutique, nous regardons la liste de ses pilotes et téléphonons à ceux qui ont déjà été dans les forces armées. Nous avons obtenu de bons résultats ainsi parce que chaque ancien pilote de la Force aérienne que nous y ramenons n'a pas besoin d'être formé. C'est très avantageux. Cependant, il reste encore beaucoup d'obstacles bureaucratiques. Il est encore beaucoup trop difficile et trop compliqué de réintégrer les forces armées. Je n'ai pas de prise sur tout le processus. Il y a des parties du processus qui sont bien au-delà du champ de compétence de l'Armée de terre, de la Marine et de la Force aérienne. Ces parties relèvent de la direction des Forces canadiennes. Les officiers supérieurs sont bien conscients des obstacles, et nous nous employons avec beaucoup d'énergie à les réduire.

En fin de compte, les circonstances économiques actuelles nous sont favorables, mais le facteur clé sera la rétention. Lorsque les lignes aériennes sont en plein essor, je perds de nombreux pilotes d'expérience. Lorsque les lignes aériennes traversent une crise, je suis heureux.

Le sénateur Meighen : Essayez-vous de favoriser la rétention en offrant des primes de longévité? Par exemple, plutôt que d'obtenir une prime d'engagement, la personne peut obtenir un avantage à la fin de ses années de service.

Lgén Watt : Nous avons essayé cette méthode au cours des années 1990. À la fin de cette période, nous étions dans une situation désespérée. L'économie était en forte croissance et les lignes aériennes également. Nous avons alors offert des primes aux pilotes pour les retenir, avec des résultats mitigés. Dans le monde entier, les forces aériennes ont essayé la méthode des primes de rétention pour conserver leur personnel. Je n'écarte pas ce moyen, mais ce n'est pas une panacée. Il a des avantages et des inconvénients.

Le sénateur Meighen : Qu'en est-il des réservistes? Avez-vous beaucoup de réservistes?

Lgén Watt : La réserve aérienne est beaucoup plus petite que celle de l'Armée de terre, évidemment. J'ai 2 200 réservistes, qui sont concentrés dans divers rôles. Nous n'affectons pas nos réservistes de la même façon que l'Armée de terre. La Marine a sa manière, elle aussi. Dans la Force aérienne, nous tâchons d'intégrer des réservistes à toutes nos unités. Bien que leur nombre et leur nature varient, il y a des réservistes dans pratiquement toutes les unités de la Force aérienne. Il constituent en général le cœur du personnel d'expérience. Ce sont eux qui m'aident à encadrer les débutants qui affluent, compte tenu du manque de personnel régulier d'expérience. Les réservistes sont expérimentés, et ils m'aident à surmonter ces difficultés. Ils forment une partie essentielle de pratiquement toutes les unités. J'ai quelques unités qui comptent une forte proportion de réservistes — un escadron à Borden et un autre à Winnipeg —, mais elles ne sont pas nombreuses et elles sont dispersées.

Le sénateur Meighen : La réserve aérienne comprend-elle des pilotes?

Lgén Watt : Oui, on y trouve des pilotes.

Le sénateur Meighen : Si j'étais un pilote pour la société de transport par hélicoptère ABC et si vous me demandiez d'aller en Afghanistan, je pourrais accepter et me retrouver aux commandes d'un Chinook.

Lgén Watt : Quand est-ce que nous pouvons vous proposer une affectation, monsieur le sénateur?

Le sénateur Meighen : Dès que je me serai fait opérer pour améliorer ma vue.

Lgén Watt : Pour répondre à votre question, je vous dirais que nous avons bel et bien des pilotes dans la réserve.

Le sénateur Meighen : En parlant des hélicoptères Chinook, pourriez-vous nous en dire davantage que ce que je sais déjà? Selon ce que les médias nous apprennent aujourd'hui, les Chinook ont déjà commencé à prouver leur utilité en Afghanistan. On est porté à conclure que nous devrions nous procurer nos propres Chinook plutôt que ceux que nous avons achetés ou loués des Pays-Bas en Afghanistan. Achetés ou loués?

Lgén Watt : Les Chinook qui sont en Afghanistan nous appartiennent.

Le sénateur Meighen : Je le sais. Je me disais aussi que j'allais passer cette question.

Lgén Watt : Ils nous appartiennent.

Le sénateur Meighen : Ils nous ont appartenu auparavant aussi.

Lgén Watt : Nous avons eu d'autres Chinook, mais il s'agit d'un modèle différent. Nous avions des Chinook de modèle A que nous avons vendus aux Pays-Bas au début des années 1990. Il s'agit maintenant du modèle D, que nous avons acheté l'année dernière à l'armée américaine. Je me trouvais en Afghanistan la semaine dernière. Je viens de revenir jeudi dernier. J'ai fait un vol dans un Chinook canadien pour la première fois en 20 ans. C'était une expérience formidable, laissez-moi vous le dire.

Le sénateur Meighen : Il y en aura d'autres, n'est-ce pas?

Lgén Watt : Nous avons six Chinook de modèle D que nous avons achetés dans le cadre d'un programme ultrarapide. Les gens dans les médias qui nous croient incapables de procéder rapidement à un achat devraient prendre connaissance d'exemples comme celui-là.

Le sénateur Meighen : Des C17 également?

Lgén Watt : Oui. Nous n'avions aucun Chinook et, moins d'un an plus tard, nous avons un détachement complet de déployé, avec six appareils. Ils font un travail magnifique. Comme vous l'avez souligné, j'ai déclaré lorsque j'étais là- bas, la semaine dernière, leur mise en service opérationnel. Les hélicoptères Chinook et Griffin transportent déjà des troupes sur le champ de bataille. À long terme, nous avons un programme distinct et parallèle d'acquisition d'une plus grosse flotte d'hélicoptères de capacité moyenne. Nous sommes encore en train de négocier avec la société Boeing pour acquérir ces hélicoptères. Les négociations ne sont pas encore terminées.

Le sénateur Meighen : S'agit-il de l'appel d'offres que le gouvernement a annulé parce que les propositions étaient trop chères? Suis-je en train de me tromper de programme?

Lgén Watt : Il ne s'agit pas de cet appel d'offres. Vous confondez ces négociations avec l'achat du navire de soutien interarmées. Les négociations sont toujours en cours pour les Chinook. L'appel d'offres n'a pas été annulé.

Le sénateur Meighen : La dernière fois que vous êtes venu témoigner devant nous, vous nous avez dit que vous deviez raccourcir les missions en raison du coût du carburant et que vous deviez aussi réduire le nombre d'heures de formation. Cette contrainte a-t-elle changé avec l'évolution du prix du carburant?

Lgén Watt : Il n'y a pas eu de changement. Lorsque je suis venu témoigner devant vous, je vous ai dit que le coût du carburant était en forte hausse — et c'était le cas à l'époque —, mais je n'ai pas dû réduire mes activités parce que j'ai pu aller voir le vice-chef d'état-major de la défense, qui tient les cordons de la bourse, et obtenir de lui X millions de dollars de plus pour payer la différence.

Depuis lors, avec la crise économique mondiale, le prix du pétrole s'est effondré. Nous n'avons évidemment plus de problème avec le prix du carburant, mais je ne me fais pas d'illusions. Inévitablement, le prix du carburant va augmenter, et je vais devoir retourner voir le vice-chef d'état-major de la défense. Mais, pour l'instant, je n'ai pas de problème.

Le sénateur Meighen : Je fais davantage confiance à votre mémoire qu'à la mienne, mais êtes-vous bien sûr que la Force aérienne n'a jamais été obligée de réduire le nombre d'heures de formation à cause du coût du carburant?

Lgén Watt : Non, sénateur. Nous n'avons pas réduit nos activités à cause du coût du carburant, parce que j'ai fait chaque année une demande d'argent additionnel au vice-chef d'état-major de la défense pour payer les produits pétroliers aéronautiques, c'est-à-dire le carburant, les huiles et les lubrifiants. J'ai justifié cette demande par un calcul du coût excédentaire par rapport à la somme m'ayant été accordée au départ. Je lui ai demandé de combler le manque à gagner, et il l'a fait chaque année. L'année qui vient de passer a été trépidantes.

Le président : À Cold Lake, un témoin nous a affirmé que le nombre d'heures avait été réduit.

Le sénateur Meighen : Je me suis trompé de témoin, mais je ne me suis pas trompé sur ce que j'ai entendu.

Lgén Watt : En tant que commandant de la Force aérienne, j'étais probablement le patron de ce type à Cold Lake.

Le sénateur Meighen : Il n'y est plus, alors. Vous n'étiez pas le patron à l'époque.

Lgén Watt : Ni la flotte des F18, ni les autres flottes ne sont retenues au sol en raison du coût du carburant.

Le sénateur Meighen : Ma dernière question concerne le Cormorant. Les rotors de queue sont-ils encore fissurés? Le nombre d'heures de vol de ces appareils, leur vitesse et leur altitude ont-ils été réduits à cause du problème récurrent qui existe depuis que nous avons acheté ces hélicoptères? Pouvez-vous nous permettre d'entrevoir une lueur d'espoir qui nous fera penser que le problème sera résolu au cours de notre existence?

Lgén Watt : C'est une question très pessimiste.

De jeunes équipages canadiens formidables volent à bord de cet aéronef.

Le sénateur Meighen : J'en suis conscient.

Lgén Watt : Le Cormorant est indiscutablement le meilleur aéronef à voilure tournante au monde pour la recherche et le sauvetage. Le problème est son état de fonctionnement, sa disponibilité et sa fréquence d'utilisation.

Vous avez raison : nous avons eu des problèmes et nous continuons d'en avoir avec le rotor de queue. Cependant, à mesure que nous avons appris à comprendre ces problèmes, nous avons pu assouplir les restrictions qui entouraient l'utilisation de cet appareil et qui empêchaient les équipages de s'entraîner. Nous en sommes maintenant au point où les équipages se sentent plus à l'aise. Ils ont atteint un bon degré de compétence. De plus, nous avons amélioré notre utilisation du simulateur, alors la formation s'améliore aussi.

Nous ne ménageons pas nos efforts de collaboration avec la société qui détient les pièces, AgustaWestland, et avec IMP, qui s'occupe de la maintenance, dans le but de rationaliser la maintenance, de réduire le nombre d'inspections et d'améliorer la disponibilité. Je ne ferai pas de promesse, cependant. Je vous dirai seulement que nous nous employons à améliorer la situation et que la situation s'est bel et bien améliorée par rapport à ce qu'elle était il y a quelques années parce que nous en avons appris sur le problème du rotor de queue.

Le président : Merci, monsieur le sénateur Meighen. Votre pessimisme était justifié.

Le sénateur Banks : Lieutenant-général, je vous remercie pour votre allocution d'ouverture et pour votre présence aujourd'hui. Nous sommes enchantés de vous voir de nouveau.

J'ai tellement d'expérience dans mes fonctions que j'ai développé des antennes qui détectent les euphémismes. Je voudrais donc vérifier si mes soupçons sont fondés. Je vais vous donner deux exemples tirés de votre allocution. Vous avez dit que la Force aérienne avait « modernisé le métier de navigateur aérien pour qu'il corresponde plus exactement aux rôles opérationnels actuel et futur des gens de ce métier ». Vous avez dit aussi que les « métiers de technicien aéronautique sont en cours de restructuration pour répondre aux exigences techniques des nouvelles cellules des aéronefs et aux besoins du corps expéditionnaire aérien. »

Voilà de belles paroles. Toutefois, les mots peuvent avoir divers sens. Dans ce cas, il aurait été plus clair de dire qu'il s'agit de « supprimer la formation ne concernant pas les cellules des aéronefs utilisés par les pilotes ». Vous avez parlé de l'utilisation des simulateurs, par exemple, mais vous ne pouvez pas envoyer un simulateur à la rescousse lorsque des gens sont en détresse sur un navire.

Lorsque vous améliorez l'efficacité de la formation, que vous en réduisez la durée et que vous diminuez le nombre de personnes qui y sont affectées, n'y a-t-il pas un effet néfaste sur la formation des techniciens? Je pense aux pilotes dont vous parliez il y a quelques minutes. Je ne suis pas certain que je serais bien heureux si j'étais à leur place et que j'apprenais que la formation des techniciens a été réduite.

Lgén Watt : Il y a toute une série de questions dans ce que vous venez de dire. Je vois que vous êtes sensible au fait que j'utilise des abréviations et des formules vagues pour décrire des choses bien précises. Cependant, ce sont les contraintes de temps, plus que toute autre chose, qui m'ont dicté le choix des mots.

Premièrement, lorsque je parle de la formation que nous n'avons pas à donner aux pilotes, je pense aux pilotes qui nous arrivent avec une expérience considérable. Ainsi, une personne qui a déjà une licence pour piloter des appareils multimoteurs n'a pas besoin de suivre les composants les plus basiques de notre système de formation de pilote. Nous pouvons l'exempter de ces composants.

Le sénateur Banks : Donc, ils n'ont pas besoin de suivre la formation à Moose Jaw?

Lgén Watt : Non, la formation est à Portage la Prairie. Ils ne peuvent pas sauter cette étape.

Le sénateur Banks : Vont-ils quand même commencer à Moose Jaw?

Lgén Watt : Exactement. Je ne parle pas des gens qui ont simplement une licence de pilote. Je parle de ceux qui arrivent dans le système avec une expérience considérable. Pourquoi faudrait-il leur donner encore de la formation?

Pour ce qui est des techniciens, nous avons pu raccourcir leur formation dans le cadre d'un projet nommé la Réorganisation de l'instruction des techniciens en aéronautique, qui s'est déroulé au cours des trois dernières années.

Le sénateur Banks : Avez-vous réduit cette formation de 40 p. 100?

Lgén Watt : Oui. De plus, nous avons accru la capacité de 50 p. 100 et nous avons amélioré la qualité.

Le sénateur Banks : C'est remarquable.

Lgén Watt : Vous vous demandez comment nous avons pu y arriver et comment vous pouvez me croire lorsque je fais ces affirmations.

Le sénateur Banks : Comment y êtes-vous arrivé?

Lgén Watt : Ce n'est ni gratuit, ni même bon marché. Nous avons investi beaucoup d'argent pour parvenir à faire un certain nombre de choses. Premièrement, nous avons choisi un système de formation qui était fortement axé sur l'apprentissage et sur la formation en cours d'emploi et nous y avons injecté des technologies du XXIe siècle. On trouve, dans les écoles de techniques aéronautiques, des tableaux de commande intelligents avec une représentation en trois dimensions d'un aéronef. Un jeune en cours de formation est capable, au moyen d'un tel tableau, de prendre une pièce virtuelle et de la déplacer. Il peut tourner des clés et actionner des valves dans la réalité virtuelle de manière à ce qu'une fois en présence d'un véritable aéronef, il ait déjà une bonne compréhension de ce qu'il doit faire. Ainsi, on gagne du temps et on accroît la qualité.

Ce ne sont pas seulement de belles paroles. Ce sont des résultats bien tangibles. Nous commençons à pouvoir observer ces résultats, notamment sur les CF-18. Nous avons pu constater une amélioration sensible de l'état de fonctionnement au cours de la dernière année, à mesure que les techniciens nouvellement formés ont commencé à travailler dans les unités. Ce sont des jeunes intelligents et bien formés. Dès leur arrivée dans les ateliers, ils ont la compétence nécessaire pour effectuer des inspections de base, au lieu d'avoir à faire deux années de formation en cours d'emploi au préalable. La qualité s'améliore.

Le titre « opérateur de systèmes de combat aérien » n'est pas simplement un changement de vocabulaire. Lorsque je suis entré dans la Force aérienne, le cours de navigation comprenait un exercice où il fallait se tenir debout dans la coupole d'observation, au sommet d'un avion Hercules, pour y prendre des mesures d'appoint au sextant. Il fallait être capable de naviguer au sextant.

Les navigateurs ne font plus ce genre de chose. En fait, ils ne font plus beaucoup de navigation. Ils font plutôt un travail très important à l'arrière des aéronefs : ils gèrent des missions dynamiques complexes et une multitude de senseurs dans un environnement très difficile. Ce ne sont pas des navigateurs. Alors, on a changé leur titre pour qu'il décrive plus exactement leur travail. La formation a également été adaptée. Ils ne s'exercent plus à employer un sextant; ils s'exercent à utiliser des ordinateurs et des senseurs du XXIe siècle. De plus, dans le cadre de la modernisation de ce métier, j'ai décidé que les gens qui l'exercent allaient être les principaux responsables des drones.

Votre question était compliquée, alors la réponse était également compliquée.

Le sénateur Banks : C'est rassurant.

Vous avez parlé de la difficulté d'obtenir des pièces de rechange. Vous avez dit que c'était l'un des problèmes que vous aviez dans la maintenance. Je présume que ce problème ne concerne pas les C-17 ou les appareils récents, mais plutôt les appareils du genre des Aurora. Est-ce bien le cas?

Lgén Watt : Chaque aéronef présente des difficultés qui lui sont propres. La pièce qui se brise est habituellement celle que l'on n'a pas. C'est presque un truisme maintenant.

Le sénateur Banks : Nous entendons cela presque chaque fois que nous nous rendons dans une base aérienne.

Lgén Watt : Nous faisons de notre mieux pour prévenir ce genre de choses, mais nous avons de plus en plus recours à des services fournis directement par le constructeur, avec un système électronique pour lui commander les pièces et une livraison ultrarapide. C'est le modèle que nous adoptons de plus en plus, en remplacement des énormes entrepôts de pièces dont on risque de ne pas avoir besoin.

Le sénateur Banks : Puisque vous êtes capables manifestement de vous faire livrer des pièces de rechange très rapidement, pourquoi dites-vous qu'il peut être difficile d'obtenir de telles pièces en raison d'une moindre disponibilité ou pour d'autres raisons?

Lgén Watt : Je parlais des aéronefs plus anciens, pour lesquels on ne peut pas s'approvisionner en pièces de cette manière. Je parlais aussi des aéronefs que nous utilisons encore, mais que les constructeurs ne fabriquent plus.

Lorsque nous avons acheté ces aéronefs, les constructeurs n'utilisaient pas ce système de gestion optimisée pour nous fournir les pièces. Nous nous sommes constitué de gros stocks de pièces que nous avons gérés nous-mêmes. C'est ce que nous avons dû faire dans le cas des vieux modèles d'aéronef, comme l'Hercules de modèle E et le Sea King.

Dorénavant, lorsque nous achetons un nouveau modèle d'aéronef, nous n'achetons pas seulement l'aéronef, mais également la maintenance pour une durée de 20 ans.

Le sénateur Banks : Dans l'ensemble, quel est l'effectif de la Force aérienne en comptant les militaires réguliers, les réservistes et les civils?

Lgén Watt : En comptant tout le monde?

Le sénateur Banks : Oui, dans la Force aérienne.

Lgén Watt : Il y a environ 13 500 militaires réguliers et 2 200 réservistes.

Le sénateur Banks : Y a-t-il eu une augmentation par rapport à l'année dernière?

Lgén Watt : Ce ne sont pas les effectifs qualifiés en activité; c'est l'effectif total. Comme je l'ai dit, il y a environ 13 500 militaires réguliers et 2 200 réservistes.

Le sénateur Banks : Sur les 13 500 militaires réguliers, combien sont actuellement aptes à exercer leurs fonctions?

Lgén Watt : Les effectifs qualifiés en activité comptent environ 11 200 militaires.

Le sénateur Banks : Il y a 2 500 militaires en cours de formation. Est-ce une augmentation ou une diminution par rapport à l'année dernière?

Lgén Watt : C'est une légère augmentation par rapport à l'année dernière.

Le sénateur Banks : Vous êtes satisfait des niveaux de recrutement de la Force aérienne?

Lgén Watt : Je suis un chef qui a de l'ambition pour la Force aérienne. Je serais toujours prêt à recevoir davantage de recrues. Je me réjouis du progrès, mais je ne suis pas encore satisfait.

Le sénateur Banks : Je pense que je vous comprends.

Le sénateur Wallin : Nous vous comprenons tous.

Le sénateur Banks : Je me rappelais la même chose que le sénateur Meighen à propos de la réponse qui nous avait été donnée à Cold Lake, mais comme vous l'avez indiqué, le lieutenant-général n'était pas le patron de ce type à cette époque.

Le sénateur Day : Lieutenant-général, permettez-moi en premier lieu de vous faire mes meilleurs vœux en vue de votre retraite qui s'annonce pour l'automne prochain. Nous vous remercions et vous félicitons pour votre carrière magnifique de 37 ans. Nous vous souhaitons du succès dans votre prochaine carrière.

Lgén Watt : Merci.

Le sénateur Day : Pourriez-vous me donner un éclaircissement au sujet du nouveau Chinook de modèle F? Je vous ai entendu dire que le contrat nous permettant d'acquérir ce nouveau modèle n'avait pas encore été signé. Pourtant, dans votre document, vous écrivez que nous sommes en train de nous procurer des hélicoptères Chinook de modèle F, qui vont répondre à nos besoins pour les 20 prochaines années ou même au-delà et qui devraient être livrés à compter de 2012. Ce n'est qu'un souhait. Comme il n'y a pas de contrat, nous ne savons pas vraiment quand les livraisons vont commencer.

Lgén Watt : C'est ce que je prévois et ce que j'espère, mais ce n'est pas garanti.

Le sénateur Day : Vous avez indiqué que le nombre de militaires est moins élevé que ce qu'il devrait être au pays, tant dans les forces régulières que dans la réserve. Vous nous avez donné des chiffres montrant l'augmentation de l'effectif. Quel devrait être cet effectif?

Lgén Watt : Je vous garantis que je ne serai jamais satisfait. Nous avons des problèmes à résoudre dans pratiquement toutes nos unités, tout comme l'Armée de terre et la Marine. Certaines unités ont des effectifs complets, en particulier celles qui sont déployées à l'étranger. Nos escadrons de recherche et de sauvetage ont des effectifs complets. Le niveau de dotation est plutôt élevé dans toutes les unités qui sont liées au système de recherche et de sauvetage.

Toutefois, dans le reste de la Force aérienne, la situation est difficile. La différence entre les unités bien dotées et les autres se trouve dans les effectifs qualifiés en activité. Et même aux endroits où l'on dispose du niveau souhaité d'effectifs qualifiés en activité, ce niveau peut cacher le problème fondamental. Qu'une unité ait théoriquement des effectifs complets n'empêche pas la Force aérienne de dépendre largement de l'expérience et de compétences de ses effectifs. Si vous êtes un copilote, vous êtes utile à votre unité, mais vous n'avez pas la qualification de commandant de bord ou de commandant de mission. Il faut divers niveaux de qualification professionnelle. J'ai déjà été commandant d'escadron, et à ce titre, on doit constamment se soucier des conséquences des arrivées et des départs de personnel sur l'expérience et les qualifications dont on dispose au sein de l'unité. Lorsqu'on a plus de monde, ce problème est plus facile à gérer.

Je ne dirai jamais que j'ai assez de personnel. Il m'en faudrait toujours plus.

Le sénateur Day : Vous avez indiqué que vous étiez satisfait de l'augmentation d'une année à l'autre. Qu'est-ce que vous espérez pour l'année prochaine?

Lgén Watt : Comme je l'ai indiqué, je me réjouis du progrès, mais je ne suis pas encore satisfait. J'espère avoir davantage de personnel.

Le sénateur Day : La même augmentation?

Lgén Watt : Davantage.

Le sénateur Day : Je vois que vous n'avez pas l'intention de donner un nombre exact.

Pourriez-vous nous dire ce qu'est le Centre de guerre aérospatiale des Forces canadiennes? Le comité aurait-il intérêt à le visiter?

Lgén Watt : Je recommanderais fortement au comité de visiter le Centre de guerre aérospatiale des Forces canadiennes, qui existe depuis environ cinq ans et qui se trouve à Trenton, en Ontario. Son rôle est semblable à celui des centres de même nature dans l'Armée de terre et dans la Marine. La Marine a un centre de guerre maritime à Halifax et l'Armée de terre a un centre de guerre terrestre à Kingston. Le Centre de guerre aérospatiale est le centre d'études et de recherche de la Force aérienne. Environ 70 personnes s'y concentrent sur la doctrine, les leçons retenues, l'expérimentation et la modélisation. J'ai regroupé de véritables cerveaux au Centre de guerre aérospatiale, et ils y font un travail merveilleux dans tous ces domaines. L'année dernière, ils ont publié le premier no de la Revue de la Force aérienne du Canada, où il est question de la puissance aérospatiale. Cette revue sert à stimuler les débats et la réflexion dans des domaines clés de la doctrine, car les idées font aussi partie de notre travail. Le travail de démarrage du Centre de guerre aérospatiale a été pénible parce que, pour y regrouper des cerveaux, nous avons dû fusionner des unités. Les décisions n'ont pas été faciles à prendre il y a cinq ans, mais nous en récoltons les dividendes aujourd'hui.

Le sénateur Day : En tant que commandant de la Force aérienne, vous êtes responsable de la mise sur pied de la force. Est-ce parce que vous n'êtes pas arrivé à mettre sur pied la force nécessaire que nos hélicoptères Griffon n'ont pas pu se rendre plus tôt en Afghanistan? Je sais que nous avons dû en fin de compte acheter des Chinook aux États- Unis pour avoir les hélicoptères de moyenne capacité dont nous avions besoin, mais nous avions tout de même déjà les Griffon auparavant. Les gens étaient nombreux à vouloir qu'ils soient envoyés là-bas, et on entend dire aujourd'hui qu'ils font un travail formidable en appui au Chinook et dans le transport du personnel, ce qui lui évite beaucoup de blessures comme celles qui se produisent lorsque des bombes placées sur les routes explosent au passage des véhicules terrestres. Les Griffon effectuent aussi de la surveillance nocturne. C'est un nouveau moyen intéressant dont on s'est doté. Ils font des vols de nuit pour détecter toute activité et voir si quelqu'un est en train de poser des bombes artisanales. Ces hélicoptères sont capables de faire ce travail, et ils le font très bien. Pourquoi avons-nous attendu si longtemps?

Lgén Watt : Vous ne posez pas la question à la bonne personne. Mon travail consiste à mettre sur pied des unités avec des Griffon. Ces unités étaient prêtes l'année dernière et l'année avant. J'attendais qu'on fasse appel aux Griffon. Lorsqu'on l'a fait, les Griffon ont été déployés. Je vous remercie pour vos remarques aimables. J'ai pu voir les Griffon à l'œuvre là-bas, la semaine dernière. J'ai moi-même pris part à un vol à bord du Griffon et du Chinook. Les équipages étaient enthousiastes. Les soldats se sont régalés.

J'ai pris connaissance d'une statistique intéressante la semaine dernière. Les Griffon, dont on vient tout juste de déclarer la mise en service opérationnel, ont transporté 1 000 personnes pendant leur période de préparation.

Le sénateur Day : Font-ils le même genre de travail, du moins en partie, que les hélicoptères américains Black Hawk?

Lgén Watt : Ce sont des aéronefs différents et des armées différentes. Nous utilisons nos hélicoptères en tenant compte de la plateforme et de nos besoins.

Le sénateur Day : Peuvent-ils transporter cinq, six ou dix personnes?

Lgén Watt : Tout dépend du poids des personnes et du temps qu'il fait.

Le sénateur Day : Combien de personnes peut-on transporter dans un Chinook?

Lgén Watt : Tout dépend de l'équipement que portent les personnes. On peut être deux passagers à bord du Chinook pourvu qu'il n'y ait pas trop d'équipement.

Le sénateur Day : Pour mes collègues?

Lgén Watt : Une trentaine de personnes.

Le sénateur Zimmer : Merci pour votre exposé. Il fait bon vous revoir.

Le sénateur Nolin et le sénateur Wallin ont parlé de l'équipement. On parle toujours de « matériel usagé ». Lorsqu'on achète une voiture neuve, elle est couverte par une garantie de cinq ans. Une fois la garantie échue, les problèmes mécaniques commencent.

Nous pensons toujours à acheter du matériel usagé. Pourquoi ne penserions-nous pas à acheter du matériel neuf? En fin de compte, lorsqu'on achète des pièces ou de l'équipement usagé, il y a du sable qui entre dans les roulements à billes, il y a des roulements à billes qui figent, et d'autres problèmes surviennent qui entraînent des bris mécaniques.

Ne serait-il pas plus sage d'acheter du neuf dans le cas de certaines pièces d'équipement, plutôt que d'acheter du matériel usagé? Ce choix ne serait-il pas plus économique en fin de compte? Que font les autres pays? Achètent-ils tous du matériel usagé, sauf peut-être les États-Unis?

Lgén Watt : Je ne suis pas certain de ce que vous voulez dire. Le seul achat important de matériel usagé que nous avons fait récemment est celui des Chinook de modèle D. Dans tous les autres cas, nous avons acheté du matériel neuf. Dans le cas des Chinook de modèle D, nous avons préféré acheter des aéronefs qui étaient déjà actifs, dans le théâtre des opérations, parce que nous nous étions donné moins d'un an pour nous les procurer et les mettre en service.

Le sénateur Zimmer : Étaient-ce des aéronefs récents?

Lgén Watt : Oui. Ce ne sont pas de vieux aéronefs arrivés au bout du rouleau. Ils avaient déjà servi, mais ils avaient été bien entretenus par l'armée des États-Unis et ils seront encore mieux entretenus par nous.

Le sénateur Zimmer : En ce qui concerne le personnel, j'ai entendu de nombreuses histoires, et vous venez d'en parler aujourd'hui. Si des entreprises forment des pilotes à leurs frais et que vous pouvez ensuite recruter ces pilotes, c'est bon pour vous.

Cependant, l'inverse peut également arriver. J'ai souvent entendu parler de pilotes ayant été formés par les forces armées, à nos frais, que nous perdons lorsqu'ils sont au milieu de la quarantaine. Nous leur avons donné toute cette formation, mais ils se font faire des offres alléchantes par le secteur privé. Y a-t-il une façon de ralentir ou de mettre fin à ces départs?

Lgén Watt : Premièrement, je dirais que les pilotes ont une période de service obligatoire de sept ans à partir du moment où ils reçoivent leur brevet de pilote. Pendant les sept premières années, ils ne peuvent pas quitter les forces armées. Je sais que ce n'est pas ce que vous vouliez savoir. Votre question portait sur les gens qui partent après 15 ou 20 années de service.

Le sénateur Zimmer : Oui.

Lgén Watt : L'équation est complexe. Nous avons parlé auparavant des primes de rétention, qui ne sont pas nécessairement la panacée que certains imaginent.

Dans la Force aérienne, nous pensons qu'à un certain stade de la vie, le facteur déterminant est la famille. C'est notre façon particulière de voir les choses. Les personnes qui sont aux commandes de nos aéronefs aiment ce qu'elles font. Nous jouons un rôle captivant, nous accomplissons des missions exigeantes et notre environnement opérationnel est formidable. Notre personnel aime vraiment son travail. Cependant, à un certain stade de l'existence, la famille pense que ça suffit. Elle en a assez des déménagements. La conjointe a une bonne carrière. Les enfants doivent poursuivre leurs études et ont peut-être aussi des besoins d'ordre médical. Alors, la famille veut que le militaire quitte les forces armées.

Le sénateur Zimmer : Est-ce là toute l'explication? La dangerosité du travail n'est-elle pas également un facteur qui entre en ligne de compte?

Lgén Watt : C'est un facteur qui compte également. Mais, je ne peux rien y faire. Le danger fait partie de la vie militaire. Je comprends que certaines familles décident qu'elles en ont eu assez. Nous pensons qu'il y a une multitude de facteurs qui s'accumulent et qui font qu'à un certain point dans la vie, la famille dit : « Nous en avons eu assez. Il est temps que tu trouves un autre emploi. »

J'écoutais le témoignage du général Leslie. Dans les Forces canadiennes — Armée de terre, Marine et Force aérienne —, nous nous employons tous à atténuer ces facteurs. Il n'y a pas de panacée. S'il y avait un remède miracle, nous l'aurions utilisé il y a longtemps. Nous réduisons les affectations nécessitant un déménagement pour les gens qui sont au milieu de leur carrière, de manière à moins perturber la vie familiale. Nous aidons davantage les conjoints et les conjointes à se trouver un nouvel emploi lorsqu'ils doivent déménager. Nous collaborons avec les provinces pour que le passage des enfants d'âge scolaire d'une province à l'autre se fasse plus en douceur. Nous tâchons d'encourager les cliniques, de manière à ce que les familles des militaires puissent obtenir les soins médicaux dont elles ont besoin. Nous pensons que tous ces efforts contribuent à atténuer les pressions qui s'exercent sur les familles.

Je dis souvent que ce sont les membres de la Force aérienne que je recrute, mais que ce sont les familles que je cherche à garder parmi nous.

Le sénateur Zimmer : Nous avions prévu la visite du bombardier russe qui est venu récemment. Que s'est-il passé exactement?

Lgén Watt : Depuis de nombreuses années, nous faisons partie d'une organisation formidable qui s'appelle le NORAD. J'ai été directeur des opérations du NORAD à une certaine époque, et j'en connais bien la mission. Nous interceptons des appareils qui entrent dans notre espace aérien depuis que le NORAD existe. La fréquence des intrusions varie, et nous réagissons chaque fois.

Le sénateur Manning : Je vous félicite et vous remercie pour vos années au service du peuple canadien à divers endroits dans le monde. Je vous fais mes meilleurs vœux pour votre retraite.

C'est la première fois que je prends part à une réunion de ce comité, et je suis fier d'en être membre. C'est une journée intéressante. Pourriez-vous expliquer au novice que je suis et à mes collègues l'avantage que procurent aux Forces canadiennes en Afghanistan les hélicoptères Chinook, qui ont commencé à transporter des soldats samedi? Donnez-nous une idée en faisant une comparaison entre la situation avant et après l'arrivée des Chinook.

Lgén Watt : Nous avons déployé des appareils qui étaient déjà là-bas, mais qui ne nous appartenaient pas. Nos soldats sont en Afghanistan depuis un bon bout de temps, et les hélicoptères constituent une partie importante de cette mission. Si jamais vous vous rendez en Afghanistan, vous verrez que c'est un pays très accidenté, où il est difficile de se déplacer et où il manque d'infrastructures de transport. Les hélicoptères améliorent la mobilité des troupes et les aident à se protéger. Lorsqu'on se déplace en hélicoptère, on risque moins de tomber sur une bombe artisanale. Au cours des dernières années, en Afghanistan, nos alliés nous ont aidés avec leurs hélicoptères. Ils ont fait un travail magnifique, mais la demande dépasse largement l'offre. Parfois, nous ne pouvions pas obtenir les hélicoptères dont nous avions besoin pour accomplir notre mission, ce qui obligeait les soldats à se déplacer sur les routes.

Maintenant, la Force aérienne a ses propres hélicoptères au sein de la grande flotte alliée d'hélicoptères en Afghanistan. Nous devons admettre que, tout comme nous devions autrefois demander aux autres de nous aider avec leurs hélicoptères, nous faisons aujourd'hui partie de ceux qui aident les autres. Nous prêtons main-forte à nos alliés au moyen de nos hélicoptères pour livrer le même combat.

Le sénateur Manning : En ce qui concerne les ressources humaines disponibles, nous avons parlé un peu du recrutement et de la rétention au sein des forces armées avant votre arrivée. Nous poursuivons la discussion à ce sujet avec vous concernant la Force aérienne. En Afghanistan et ailleurs, disposez-vous actuellement de ressources humaines suffisantes? Êtes-vous satisfait de ce que vous avez comme personnel au sol pour appuyer les équipages des aéronefs?

Lgén Watt : Est-ce que vous parlez de la mission en Afghanistan?

Le sénateur Manning : Oui.

Lgén Watt : Au cours de la dernière année, la Force aérienne a considérablement accru sa présence. Environ 250 personnes contribuaient à la mission. Elles étaient surtout affectées à la base principale de soutien, à l'extérieur de l'Afghanistan, mais dans la région. C'était notre mission principale. Nous avions un avion Hercules là-bas, des drones en Afghanistan et un certain nombre de personnes travaillant à la logistique. Depuis ce temps, le nombre de membres de la Force aérienne dans la région est passé à un nombre variant entre 600 et 650 personnes à chaque rotation, parmi lesquelles 250 personnes sont affectées aux hélicoptères Chinook et Griffon. De plus, un élément de commandement et de contrôle conseille le commandant de l'escadre pour qu'il fasse le meilleur usage possible des ressources.

Je suis fier de pouvoir dire qu'au cours de la dernière année, les effectifs de la Force aérienne engagés dans la mission ont plus que doublé.

Le sénateur Manning : Je vois dans la documentation qui nous a été remise que vous prévoyez prendre votre retraite cet automne. À vous entendre parler, on sent bien votre dévouement, tout comme on peut le sentir dans les paroles de beaucoup de membres des Forces canadiennes. Alors que vous approchez de la fin de votre carrière, y a-t-il des problèmes qui vous tiennent éveillé la nuit et que vous voudriez voir réglés dès que possible? Y a-t-il un ou deux problèmes sur lesquels notre comité devrait se concentrer?

Lgén Watt : Je dis toujours que je me réjouis du progrès réalisé, mais que je ne suis pas satisfait. Vous allez pouvoir juger mon travail comme chef d'état-major de la Force aérienne en 2019. Je ne ménage pas les efforts pour assurer le succès de ceux qui seront aux commandes dans une dizaine d'années. Tout va bien pour moi et pour la Force aérienne maintenant. Tout ira bien pour mon successeur. Mais, si nous ne prenons pas maintenant les bonnes décisions concernant les programmes clés — non seulement l'équipement, mais également l'infrastructure et le personnel —, il y aura des problèmes importants.

Je regarde loin devant. Je force mon état-major à regarder loin devant pour préparer les bons résultats que nous obtiendrons dans une dizaine d'années. Actuellement, nous nous en sortons bien. Les problèmes s'annoncent pour plus tard, dans une dizaine d'années.

Si je devais choisir le problème le plus important — je pense que vous seriez surpris —, je ne dirais pas qu'il s'agit de l'équipement. Je dirais plutôt qu'il se trouve du côté de la pénurie de main-d'œuvre. Compte tenu de la démographie de notre société, on se disputera chaudement le talent au Canada à partir de 2011-2012. La prochaine cohorte sera très petite. Quelles que soient les difficultés économiques, et nous les aurons surmontées d'ici là, espérons-le, on s'arrachera le talent à partir de ce moment.

Je compte préparer la Force aérienne pour qu'elle puisse être gagnante dans le jeu de la concurrence pour l'obtention du talent. Je crois que nous serons en mesure d'offrir un produit formidable à la jeunesse du Canada.

Le sénateur Mitchell : Lieutenant-général Watt, je voudrais vous féliciter à l'occasion de la retraite que vous allez prendre, mais je voudrais aussi savoir si vous allez répondre à l'appel et revenir au travail comme les pilotes que vous voulez rappeler.

Lgén Watt : Si vous m'offriez de retourner dans un cockpit, vous auriez probablement une réponse favorable de ma part.

Le sénateur Mitchell : Ma première question porte sur un point précis. Le Griffon est un hélicoptère d'attaque, ou du moins un hélicoptère armé. Est-ce à dire que nous n'aurons pas besoin de l'aide des hélicoptères d'attaque des États- Unis ou des Black Hawk pour protéger nos Chinook?

Lgén Watt : Les Griffon servent à escorter nos Chinook. Cependant, la mécanique à Kandahar est imposante et complexe. De nombreux pays sont présents avec des moyens considérables. En général, ils mettent ces moyens en commun et confient aux meilleurs éléments, dans les circonstances, la tâche d'accomplir la mission du jour. Une journée, nos Chinook pourront être escortés par des hélicoptères Apache des États-Unis, pendant que nos Griffon feront autre chose. Nos hélicoptères ne sont pas irrémédiablement rattachés les uns aux autres. Ils font partie d'un ensemble plus vaste. Nous jouons notre rôle et mettons la main à la pâte selon les besoins.

Le sénateur Mitchell : En ce qui concerne les véhicules aériens sans pilote, un contrat a été accordé à MacDonald Detweiller. À ce que je sache, l'exécution de ce contrat devait commencer au plus tard en février 2009. A-t-elle bien commencé? Où en est-on rendu?

Lgén Watt : J'étais de passage en Afghanistan la semaine dernière. J'ai fait un vol à bord d'un Chinook et un autre à bord d'un Griffon. J'ai assisté à une mission d'un appareil Heron, le véhicule aérien sans pilote dont vous parlez. Ce sont les gens de MacDonald Detweiller qui ont font la maintenance et le lancement. Pendant la mission, ce sont nos militaires qui pilotent cet appareil. Actuellement, le Heron est en service. J'ai déclaré sur place sa mise en service opérationnel.

Le sénateur Mitchell : Nos hélicoptères risquent-ils d'être attaqués avec des lance-roquettes légers? Il me semble étrange qu'aucune attaque de ce genre ne semble avoir été signalée alors que les talibans utilisaient ces armes contre les Russes. Pourquoi ne semblent-elles pas utilisées actuellement?

Lgén Watt : C'est ce que nous appelons des systèmes portatifs de défense antiaérienne. Les moudjahidines s'en servaient pour lancer les fameux missiles Stringer dans leur combat contre l'occupation soviétique. Il y a des systèmes portatifs de défense antiaérienne en Afghanistan. Ils n'ont pas été utilisés fréquemment. Espérons qu'ils ne le seront pas. Cela pourrait s'expliquer par un certain nombre de raisons, mais rien n'est certain, et je ne voudrais pas encourager personne.

Pour l'instant, ce sont les tirs d'arme légère qui constituent le principal danger pour les hélicoptères, et il est d'une certaine manière beaucoup plus difficile de se protéger contre ce danger. Il y a beaucoup de tirs d'arme légère contre les hélicoptères.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous l'intention de munir d'armes les véhicules aériens sans pilote?

Lgén Watt : Actuellement, le véhicule aérien sans pilote, le Heron, n'est pas armé. Cela s'explique principalement par le fait que nous avons dû le mettre en service rapidement. Les appareils que nous utilisions commençaient à montrer des signes de défaillance et nous avions besoin de disposer rapidement de ce nouvel appareil dans le théâtre des opérations. Si nous avions voulu lui ajouter une arme, il aurait fallu retarder considérablement sa mise en service. Pour l'instant, on ne prévoit pas munir le Heron d'une arme.

À long terme, nous comptons nous servir du programme de remplacement JUSTAS pour nous procurer une flotte complète de véhicules aériens sans pilote. Ce n'est pas moi qui prends les décisions pour ce qui est des achats. Mon rôle est de faire des recommandations. Mon état-major est en train de formuler une série de recommandations qui préciseront les capacités que devrait posséder la nouvelle flotte de véhicules aériens sans pilote. Ces recommandations prévoiront probablement l'ajout d'une arme sur ces appareils.

Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé des obstacles administratifs à la réintégration des pilotes. Qu'est-ce qui pourrait être fait en général à ce sujet et que devrait faire en particulier le ministre responsable?

Lgén Watt : En fait, le problème ne dépend pas du ministre, mais bien de nous. Le chef du personnel militaire, un général très actif du nom de Walter Semianiw, ne ménage pas les efforts dans ce dossier. Au fil des ans, nous nous sommes imposé beaucoup de règles. Chaque règle avait du sens au moment où elle a été établie, mais lorsqu'on les ajoute les unes aux autres, elles finissent par constituer une barrière infranchissable. Par conséquent, nous devons trouver un moyen d'assouplir les règles en collaboration avec les divers organes qui les appliquent parce que certaines règles ont des incidences financières.

Je sais que le chef d'état-major de la défense a la ferme volonté d'y arriver, de même que le chef du personnel militaire. Je sais aussi que les commandants d'armée appellent de tous leurs vœux un tel changement.

Le sénateur Mitchell : Prenons-nous toujours part au projet d'avions d'attaque interarmées? Allons-nous remplacer les F-18 avant qu'ils arrivent à la fin de leur vie utile?

Lgén Watt : C'est un dossier très complexe, et l'avion d'attaque interarmées est une pièce du casse-tête. Nous sommes signataires d'un protocole d'entente pour la production et le développement futur. Nous n'avons pas encore acheté un avion en particulier. Le protocole d'entente nous donne accès au programme, en particulier à ses retombées industrielles régionales, dont les entreprises canadiennes commencent déjà de profiter. L'avion d'attaque interarmées est l'une des options envisagées pour remplacer nos F-18, qui devront être mis hors service d'ici la fin de la prochaine décennie puisqu'ils arriveront alors à la fin de leur durée de vie structurale. Nous nous efforçons, dans ce dossier également, de nous préparer pour être bien placés à l'avenir. Nous voulons mettre en œuvre un programme pour remplacer les F-18 à la fin de la prochaine décennie, et l'avion d'attaque interarmées est l'une des principales options envisagées.

Le sénateur Moore : Je voudrais en savoir davantage sur deux points concernant le Cormorant soulevés par le sénateur Meighen. Lorsque vous êtes venu témoigner devant nous, en juin 2008, vous nous aviez indiqué qu'AgustaWestland avait l'intention de revoir la conception de l'appareil. Ces travaux sont-ils en cours? À l'époque, vous aviez dit qu'ils prenaient beaucoup plus de temps que prévu et vous vous étiez dit insatisfait. Où en est-on dans la nouvelle conception de l'appareil?

Lgén Watt : Les travaux prennent encore beaucoup trop de temps, et je suis encore insatisfait.

Le sénateur Moore : C'est tout?

Lgén Watt : Nous collaborons avec le constructeur. On ne peut pas tout simplement nous arranger seuls de notre côté. Il faut collaborer avec le constructeur. Nous consacrons beaucoup d'efforts à cette collaboration, et le constructeur fait des progrès dans certains domaines. Le rotor de queue fait partie de toute une série de problèmes. Nous avons trouvé un moyen pour remédier au problème. Même s'il n'est pas complètement résolu, la situation est bien meilleure qu'avant.

Le sénateur Moore : Y êtes-vous parvenus avec leur aide et avec votre propre expérience de l'utilisation de l'aéronef?

Lgén Watt : Avec leur aide en partie, mais nous comptons dans nos rangs des ingénieurs formidables. Entre autres problèmes, nous ne comprenions pas comment les fissures se produisaient. Nous le savons beaucoup mieux maintenant et nous sommes capables de remédier au problème beaucoup plus facilement, mais il n'est pas complètement résolu. Et il n'y a pas que le rotor de queue.

Le sénateur Moore : Sur une échelle de 1 à 10, êtes-vous parvenus à mi-chemin?

Lgén Watt : Je préfère ne pas créer des attentes auxquelles on ne pourra pas répondre. Je ne vous donnerai pas un chiffre exact. Nous obtenons un meilleur taux d'utilisation de l'appareil, mais pas aussi élevé que je le voudrais.

Le sénateur Moore : Vous avez indiqué que, selon le contrat d'achat de cet hélicoptère, le taux de disponibilité de l'appareil devait être de 70 p. 100, mais qu'il n'avait atteint que 50 p. 100. D'après vous, le constructeur avait promis une amélioration de 10 p. 100 au plus tard en novembre 2008 ainsi qu'une autre amélioration de 10 p. 100 au plus tard en novembre 2009. Vous disiez avoir l'intention de mesurer l'atteinte de cet objectif. L'avez-vous fait?

Lgén Watt : Pas très bien.

Le sénateur Moore : En êtes-vous toujours à 50 p. 100?

Lgén Watt : Toujours à 50 p. 100.

Le sénateur Moore : Comment faites-vous pour essayer de les motiver? Quelqu'un a dit que l'argent ne semblait pas être un facteur.

Lgén Watt : Nous ne sommes pas seuls.

Le sénateur Moore : D'autres pays ou d'autres acheteurs de leurs appareils sont-ils concernés?

Lgén Watt : Nous ne sommes pas les seuls utilisateurs de cet aéronef. Nous en avons un modèle unique simplement parce que les modèles évoluent. Par exemple, les Britanniques ont une flotte assez importante d'appareils EH-101. Il s'agit du même genre d'hélicoptères, mais leur taux de disponibilité à eux est de l'ordre de 40 p. 100. Les Danois ont, eux aussi, une flotte d'aéronefs semblables. Ils n'en obtiennent pas, eux non plus, le taux de disponibilité qu'il leur faudrait. Les pays qui utilisent ces aéronefs ont formé ensemble un groupe d'utilisateurs pour collaborer dans la recherche d'idées et de solutions et pour exercer des pressions sur le constructeur.

J'hésite à promettre quoi que ce soit lorsqu'il y a des facteurs sur lesquels je n'ai aucune prise, mais des signes récents semblent montrer que le constructeur s'intéresse davantage au problème. J'espère qu'il va y avoir une amélioration dans ce dossier.

Le sénateur Moore : Serez-vous là en novembre pour faire une évaluation?

Lgén Watt : Je ne prendrai pas ma retraite avant le mois d'octobre, alors il me reste encore du temps pour observer ce qui se passera dans ce dossier.

Le sénateur Moore : Tenez-les bien à l'œil.

Lgén Watt : Je n'y manquerai pas.

Le sénateur Atkins : Lieutenant-général Watt, combien y a-t-il de 130?

Lgén Watt : Nous en avons acheté 32 au départ, un mélange de ce que l'on appelle le modèle E et le modèle H. Quand ils atteignent un équivalent d'heures de référence, ce qui est une mesure de leur durée de vie en fatigue, nous devons les mettre à la réforme. Nous n'en avons plus que 26 ou 27 à l'heure actuelle, les autres ayant atteint la fin de leur durée de vie. Au cours de la prochaine année, de nouveaux appareils devront être réformés et c'est pourquoi il est si important que nous recevions les nouveaux modèles J le plus rapidement possible. Heureusement, nous avons réussi à négocier une livraison anticipée de nos premiers appareils qui devraient nous arriver en mai ou juin de l'an prochain et nous espérons en avoir reçu au moins cinq d'ici Noël 2010.

Ils remplacent les modèles E. Les modèles H sont plus récents et ils ne seront utilisés que pour les missions de recherche et sauvetage.

Le sénateur Atkins : Lorsque nous sommes allés à Trenton, nous avons eu l'impression qu'il était difficile de faire voler les 130 et que le pourcentage de la flotte qui pouvait prendre les airs était plutôt restreint. Est-ce toujours le cas?

Lgén Watt : Les modèles E sont une source de problèmes. Comme je l'ai souligné au début de mon exposé, les appareils les plus anciens sont désuets et il est difficile de trouver des pièces de rechange pour les réparer. Nous avons toutefois la chance de pouvoir compter sur des techniciens très compétents qui arrivent à faire des miracles.

Quand je suis allé en Afghanistan la semaine dernière, j'ai volé à bord de nos Hercules. J'ai parlé aux gens des équipes d'entretien. Ils arrivent là-bas à assurer le bon état de fonctionnement des appareils à 80 ou 90 p. 100, mais ils doivent travailler sans relâche pour y arriver. Ici au Canada, le pourcentage est moins élevé. Nous arrivons encore à répondre aux besoins de la mission, mais nous pourrions faire mieux avec un nouvel appareil et nous serons donc très heureux de recevoir les nouveaux modèles J.

Le sénateur Atkins : L'autre impression qui nous est restée, c'est qu'une bonne partie des mécaniciens qui s'occupent des 130 approchaient l'âge de la retraite. Avez-vous réussi à garder suffisamment de mécaniciens d'expérience dans ce secteur?

Lgén Watt : Comme on dit, on a peu de contrôle sur la mort, les impôts et la démographie. La démographie commence à faire ses ravages et les techniciens arrivent effectivement à l'âge de la retraite. C'est un défi pour nous, et c'est là la raison pour laquelle nous avons mis sur pied le programme de formation professionnelle des techniciens de l'aéronautique qui nous permettra d'accroître le nombre de techniciens dans le système. Notre principal défi sera donc de gérer le manque d'expérience.

C'est pour y faire face que nous intégrons des réservistes — et nous avons des réservistes qui sont techniciens de l'aéronautique — ce qui nous permet de maintenir un bon niveau d'expérience. Ce que j'essaie de faire, c'est de conserver des noyaux de techniciens expérimentés dans une mer d'inexpérience. Dans trois, quatre ou cinq ans, tous ces jeunes commenceront à avoir de l'expérience aussi.

Le sénateur Atkins : Qu'est-ce qui rend le modèle J tellement supérieur au modèle E?

Lgén Watt : Vous n'avez jamais eu la chance de prendre place à bord d'un modèle J, sénateur?

Le sénateur Atkins : En fait oui, j'ai eu la chance de le faire.

Lgén Watt : J'ai voyagé à bord d'un modèle J à quelques reprises quand j'étais en Afghanistan. C'est un appareil semblable au Hercules. Il a la même apparence solide, mais il est de 20 à 40 p. 100 supérieur aux appareils actuels pour presque tous les paramètres de mission, c'est-à-dire la distance maximale franchissable, la vitesse, la charge utile, la capacité, la manoeuvrabilité et la capacité d'attendre. Il est de plus équipé de toutes les nouvelles techniques de navigation et d'entretien. C'est un appareil très puissant, muni d'un affichage frontal dans la cabine de pilotage, comme un avion de chasse, et d'un dispositif de visualisation cartographique mobile actionné par un GPS. C'est un appareil impressionnant et nous avons bien hâte de le recevoir.

Le président : Général, au cours de cette visite, nous avons vu 19 Hercules inutilisables sur la piste. Les techniciens avec lesquels nous nous sommes entretenus n'étaient pas sur la voie de sortie. C'étaient de jeunes techniciens qui étaient très frustrés de ne pas avoir les pièces de rechange nécessaires pour faire les réparations qui s'imposaient. C'est pour cette raison qu'ils voulaient partir. Cela n'avait rien à voir avec la démographie. C'était plutôt qu'ils s'étaient engagés pour réparer des avions et qu'ils ne pouvaient pas le faire parce qu'ils n'avaient pas ce dont ils avaient besoin pour le faire.

Lgén Watt : À quand remonte votre visite là-bas?

Le président : Il y a à peu près trois ans.

Lgén Watt : J'y suis allé plus récemment. Il y aura toujours des problèmes au niveau des pièces de rechange pour les avions plus anciens, mais je crois que le moral est assez bon.

Le président : La nouvelle stratégie de défense Le Canada d'abord a maintenant été adoptée. Savez-vous si elle contient des détails sur le plan de livraison des différentes pièces d'équipement et sur ce à quoi nous pouvons nous attendre?

J'ai lu le document sur la Stratégie de défense à plusieurs reprises et je n'y ai pas trouvé de détails ou de référence à cet égard nulle part.

Lgén Watt : Je ne crois pas que le document en contienne. Nous avons un plan d'investissement conforme à la stratégie de défense Le Canada d'abord qui, pour ce qui est de l'armée de l'air, tient compte des principaux projets d'investissement pour la prochaine décennie.

Ces projets sont en grande partie basés sur ce que nous appelons la durée de vie prévue de chacun de ces appareils. À partir de ces chiffres, je me pose certaines questions. Quand nous aurons besoin que ces appareils commencent à nous être livrés? Quand aurons-nous besoin des derniers appareils? Quand dois-je finaliser les offres d'achat pour respecter ces échéances et quand le processus doit-il être lancé? Pour en revenir à ce que je disais précédemment, la personne qui occupera le poste de Chef d'état-major de la Force aérienne en 2019 aura des problèmes si je ne mets pas ce processus en branle dès maintenant, et c'est pour cette raison que nous l'avons amorcé.

Le président : En ce qui a trait aux préoccupations que vous avez pour le futur, Chef d'état-major de la Force aérienne, qu'arrivera-t-il s'il doit composer avec une augmentation de budget de 2 p 100 par année sur les 20 prochaines années? Qu'est-ce qui vous permet de croire que l'inflation ne dépassera pas les 2 p. 100 au cours des 20 prochaines années?

Lgén Watt : Pour ce qui est de l'inflation, je n'ai pas de boule de cristal.

Le président : C'est pourtant le taux d'inflation qui a été prévu.

Lgén Watt : La seule chose que nous pouvons faire, c'est d'optimiser les ressources qui nous sont accordées.

Le président : Compte tenu du fait que le gouvernement actuel est minoritaire, qu'est-ce qui vous permet d'accorder foi à la politique prévue pour l'avenir puisque nous savons par expérience que les gouvernements minoritaires ne durent généralement pas plus de quelques années?

Lgén Watt : Je ne suis qu'un simple officier de la Force aérienne. Je ne fais pas de commentaires sur les gouvernements minoritaires ou leur longévité. Je ne peux que me baser sur la politique du gouvernement en poste et c'est ce qui est prévu à l'heure actuelle.

Le président : Je comprends cela, mais vous avez dit que cette politique vous satisfaisait et qu'elle vous avait inspiré confiance. J'essaie de comprendre ce qui vous a inspiré confiance.

Lgén Watt : Ce qui m'a inspiré confiance, c'est d'avoir une politique à long terme qui prévoit un niveau de financement nous permettant de faire des prévisions et d'inclure ces investissements importants dans les fonds prévus. Si vous et vos collègues du Parlement décidez dans l'avenir de nous accorder des fonds supplémentaires, nous trouverons certainement un moyen de bonifier cet investissement.

Le président : Comme vous le savez, je le ferais certainement s'il n'en était que de moi.

Au nom du comité, je vous remercie d'être venu nous rencontrer. Votre témoignage a été très utile et nous vous remercions de nous avoir consacré de votre temps. Nous sommes désolés de notre retard à commencer et à terminer cette séance, mais il semble que nous nous améliorions un peu à cet égard. Nous vous remercions d'avoir témoigné devant notre comité.

Notre prochain témoin est le vice-amiral Drew Robertson, Chef d'état-major de la Force maritime, qui est accompagné du commodore L.M. Hickey.

Le vice-amiral Robertson s'est enrôlé dans les Forces canadiennes en 1973. Dans le cadre de ses premières affectations, il a effectué des périodes de service comme directeur de conduite de la guerre à bord du NCSM Nipigon et du NCSM Kootenay, instructeur à l'École des aspirants-officiers des Forces canadiennes et officier de combat à bord du NCSM Skeena. De 1988 à 1992, il a servi au Commandement maritime et au Quartier général de la Défense nationale. En 1993, il a été nommé commandant en second du ravitailleur NCSM Provider, avant d'assumer le commandement du destroyer NCSM Annapolis en janvier 1995.

Il a été promu au grade de capitaine de vaisseau (Marine) en 1997 et est devenu directeur des politiques de l'OTAN. En 1999, il a assumé le commandement du destroyer NCSM Athabaskan. En 2001, il a pris la direction de la Flotte canadienne de l'Atlantique à titre de premier commandant du Groupe opérationnel du Canada pendant son déploiement de six mois en Asie du Sud-Ouest. Il a alors été appelé à commander un groupe opérationnel multinational comprenant des navires de sept pays. Le vice-amiral Robertson assume ses fonctions actuelles depuis 2006.

J'ai oublié de souligner que le commodore Hickey est directeur général du personnel et de l'état de préparation maritimes.

Vice-amiral Drew Robertson, Chef d`état-major des Forces maritimes, Défense nationale : Je vous remercie de me permettre de témoigner à nouveau devant votre comité. J'ai demandé au commodore Larry Hickey de m'accompagner parce qu'il est plus au fait que moi des détails relatifs aux questions de personnel. Il est sous-marinier et capitaine de navire de surface et il a un grand nombre d'années d'expérience. J'ai donc un expert pour me seconder.

C'est un grand plaisir pour moi d'être ici parmi vous. Je voudrais d'abord prendre quelques minutes pour revoir l'état de la marine canadienne, votre marine.

[Français]

Beaucoup d'eau est passée sous les quilles des navires de la marine depuis la dernière fois où j'ai pris la parole devant ce comité. Permettez-moi donc de passer en revue quelques-unes des réalisations de votre marine.

Au moment même où je m'adresse à vous aujourd'hui, le commandement maritime compte 138 membres de son personnel déployé, en appui à des opérations terrestres des Forces canadiennes, et quelque 2 200 autres en mer, pour un total de presque 2 400 membres du personnel de la marine en déploiement, soit 35 p. 100 de ses effectifs formés en activité.

[Traduction]

Il y a donc 11 navires de combat faisant route aujourd'hui, ce qui comprend un groupe de travail composé d'un destroyer et de quelques frégates, un navire-ravitailleur et un sous-marin qui sont chargés d'activités de mise sur pied d'une force sur la côte Est.

Ces navires font partie d'une flotte de 33 navires, dont certains sont en bassin de radoub. Ces chiffres correspondent assez bien à notre capacité maximale. Nous avons atteint un maximum au printemps dernier alors que nous avions 2 500 personnes en mer, ce qui correspond à 37 p. 100 de notre effectif. Vous comprendrez toutefois qu'il y a des variations dans les chiffres au cours de l'année.

Notre mission principale est la défense du Canada. Les opérations ont parfois lieu relativement près de nos bases. En septembre dernier, par exemple, l'une de nos frégates, le NCSM Fredericton, et un certain nombre d'aéronefs Aurora de la 14e Escadre Greenwood de la Nouvelle-Écosse ont aidé la GRC à intercepter un chargement de 750 kilogrammes d'huile de cannabis au large des côtes de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Plus souvent qu'autrement, cela se passe à l'étranger. En février, par exemple, le navire canadien Montréal revient à Halifax après une longue patrouille de surveillance dans les Caraïbes.

[Traduction]

Il était sur place pour appuyer le Joint Interagency Task Force South, une force militaire internationale remarquable dirigée par les Américains qui empêche des tonnes de drogues en provenance de l'Amérique du Sud de se retrouver dans les quartiers des villes canadiennes, américaines et européennes, et je parlerais même de centaines tonnes de drogues chaque année, y compris celles qui ont été interceptées par un navire français avec l'aide du NCSM Montréal au moment où il était dans le Sud.

[Français]

La contribution de nos navires, de nos sous-marins et de nos aéronefs ne se limite pas à empêcher que la drogue se rende jusqu'à nos rues. Ils aident aussi les pays des Caraïbes à combattre les effets corrosifs du trafic de la drogue sur la stabilité et la sécurité dans la région.

[Traduction]

Pour ce qui est du Nord, l'été dernier, dans le cadre de nos opérations courantes dans l'Arctique, le NCSM Toronto et le NCSM Shawinigan ont patrouillé les eaux de l'Arctique pendant que nous continuions à perfectionner nos opérations dans le Grand Nord canadien avec l'aide de nos partenaires fédéraux et militaires, sous la direction du vice- amiral P.D. McFadden au Commandement Canada. À cet égard, nous avons fait beaucoup de progrès pour mettre en œuvre une approche pangouvernementale à la sécurité maritime au large de nos côtes en mettant sur pied nos centres d'opérations de la sécurité maritime qu'un grand nombre de nos partenaires internationaux reconnaissent maintenant comme étant l'étalon standard en la matière. Nous continuons de développer ces centres avec l'aide de nos partenaires.

En février, six navires de combat et bon nombre de bâtiments de la sécurité portuaire ont sillonné le port de Vancouver et ses approches. Ils ont réussi le deuxième d'une série de trois exercices préparés en prévision des prochains jeux olympiques d'hiver. Là encore, ces opérations ont eu lieu sous la direction de Commandement Canada.

[Français]

Le chef d'état-major de la défense aime utiliser l'exemple des parties à domicile et à l'étranger pour établir une analogie entre le monde des sports et le nôtre. Nous, les marins, voyons plutôt cela comme une seule grande patinoire.

[Traduction]

C'est tout simplement que cela décrit mieux les océans qui nous relient tous, compte tenu de la circulation maritime habituelle et du commerce international. Permettez-moi d'aller maintenant au-delà de nos frontières et de parler de ce que nous avons fait à l'autre bout de la glace.

Le gouvernement du Canada a envoyé un commodore de l'armée canadienne et un groupe opérationnel regroupant trois navires, soit le NCSM Iroquois, le NCSM Calgary et le NCSM Protecteur, dans l'océan Indien l'année dernière, ce qui a été notre plus importante participation à la campagne actuelle de lutte contre le terrorisme depuis la fin de l'Opération Apollo il y a environ cinq ans. Le commodore canadien a assumé le commandement d'une force navale interalliés qui a été affectée à des opérations autour de la péninsule d'Arabie pendant plusieurs mois. Nous l'avons fait parce que le gouvernement nous a demandé de prendre la commande des opérations et que nos alliés apprécient le leadership du Canada.

En gardant la rondelle à l'autre bout de la patinoire, nous sommes souvent appelés à donner un coup de main à ceux qui ont moins de chance que nous. Nous l'avons fait deux fois l'année dernière. Bon nombre d'entre vous savent probablement que le NCSM Ville de Québec, qui travaillait pour le compte de l'OTAN dans la Méditerranée l'été dernier, a été réaffecté pour fournir une escorte armée aux navires affrétés par le Programme alimentaire mondial chargé de transporter de la nourriture à Mogadiscio en Somalie.

Le commandant Chris Dickinson, qui était alors capitaine du bateau, a dit que cette mission avait été la plus satisfaisante de toute sa carrière. Son équipage et lui étaient conscients qu'ils apportaient une aide concrète à des dizaines de milliers de personnes qui en avait réellement besoin, un réalité qui les frappait de plein fouet chaque fois qu'ils approchaient des côtes de Mogadiscio et qu'ils voyaient les combats qui s'y déroulaient, particulièrement la nuit.

Il est arrivé que les détecteurs du navire captent des signaux de radars installés sur la côte qui balayaient le NCSM Ville de Québec, mais le commandant Dickinson savait que son équipage et lui avaient les connaissances et l'équipement nécessaires pour pouvoir faire demi-tour et retourner en mer en toute sécurité au besoin. Le littoral du long de la côte de la Somalie, à l'extérieur de Mogadiscio, est loin d'être accueillant.

Le NCSM St. Johns a pris la tête des programmes d'aide des Forces canadiennes en Haïti à la suite du passage de l'ouragan Ike. Pendant deux semaines, l'équipage a dû improviser pour réussir à livrer des tonnes d'approvisionnement de secours dans des villages situés le long de la côte sud de Haïti qui avaient été isolés du reste du pays. En plus de notre force navale en mer, nous avons également environ 138 militaires qui sont affectés à des opérations terrestres, dont un peu plus d'une centaine en Afghanistan et autant qui se préparent à les remplacer.

En fin de compte, les services de la marine doivent servir autant à maintenir la paix et à empêcher la guerre dans la mesure du possible qu'à participer aux combats au besoin. Nous sommes cette partie des Forces canadiennes qui est déployée en avant, avant la « Rotation 0 », ce qui devrait être notre mode de fonctionnement normal. C'est d'ailleurs ainsi que le NCSM St. Johns et le NCSM Ville de Québec ont pu répondre aux besoins du Programme alimentaire mondial. Ils étaient déjà près de l'endroit où ils devaient se rendre. Ils n'auraient pas pu être utiles s'ils avaient tous les deux été accostés au port d'Halifax. Ils avaient été déployés en avant afin d'offrir une option crédible, efficace et pertinente au gouvernement du Canada et à ses dirigeants au besoin. C'est pour la même raison que le NCSM Ottawa et le NCMS Regina se trouvaient dans le Pacifique lorsque je suis venu témoigner devant le comité le printemps dernier. Ils devaient participer à un exercice avec la Marine américaine et les marines régionales afin d'appuyer les intérêts canadiens en rendant visite à certaines marines régionales, y compris celles du Japon, de la Corée et de la Chine.

[Français]

C'est aussi pourquoi le navire canadien Winnipeg a quitté Victoria, il y a trois semaines, pour aller rencontrer la force de réaction opérationnelle de l'OTAN dans la mer d'Arabie au début d'avril dans le cadre historique du premier déploiement maritime de l'Alliance atlantique jusqu'en Extrême-Orient.

[Traduction]

Le NCSM Winnipeg est actuellement en route vers la mer d'Oman pour participer à des exercices dans le sud de la mer du Japon et la mer de Chine orientale au sein d'une force internationale regroupant des navires sud-coréens et américains dans le cadre d'exercices annuels en vue de préparer le programme de défense de la Corée du Sud. Voilà un bon exemple de la façon dont nous intégrons plusieurs objectifs de défense dans tous les déploiements entrepris par une frégate ou un groupe de travail.

Mesdames et messieurs, notre devise est depuis longtemps « Prêts, toujours prêts ». Elle a été adoptée il y a 99 ans et elle ne décrit pas seulement la grande contribution de la marine canadienne à la défense et à la sécurité du Canada. Je dirais qu'elle nous décrit également très bien. La constitution de notre force au cours de l'année dernière a donné plusieurs résultats. L'an dernier, le chef d'état-major de la Défense et le sous-ministre ont répondu à une demande de financement supplémentaire pour les opérations, l'entretien et l'approvisionnement national, ce qui a permis à nos forces maritimes de contribuer à toute une série de missions tant aux pays qu'à l'étranger et de prouver l'utilité du déploiement avancé.

Au cours des deux ou trois prochaines années, notre marine sera très bien placée pour continuer d'entreprendre de nouvelles opérations et de les appuyer et de maintenir les compétences au niveau du matelotage, du leadership et des tactiques qui sont au cœur de nos compétences en tant qu'organisation de combat. Ce sont de bonnes nouvelles.

Notre principal défi au cours de cette période portera sur nos effectifs. Nous devrons tout d'abord trouver un moyen de réduire le niveau d'instabilité que nous imposons à nos marins dont les effectifs sont réduits en cette période de grande demande dans tous les rangs des Forces canadiennes.

Deuxièmement, nous devons prendre les mesures nécessaires pour composer notre future flotte, ce qui signifie que nous devons continuer d'engager des personnes qui ont les aptitudes voulues pour aider notre sous-ministre responsable des matériels à gérer le programme maritime de façon à ne pas nuire au succès des opérations.

À plus long terme, nous devrons déterminer comment nous pourrons répondre à nos besoins, tant opérationnels qu'institutionnels, avec un nombre réduit de navires en mer lorsque nous devrons entreprendre les travaux de modernisation des frégates de la classe Halifax. Ces travaux commenceront en 2010 et réduiront nos capacités opérationnelles pendant une certaine période.

Il est clair qu'une réduction de la capacité de notre flotte aura d'importantes répercussions sur la croissance du personnel de la flotte et sur notre rendement pour les années à venir. L'aspect positif dans tout cela, c'est que le gouvernement s'est engagé à renouveler pratiquement tous les éléments de la force maritime dans sa stratégie de défense Le Canada d'abord. Comme je l'ai souligné lorsque j'ai témoigné devant le comité en juin dernier, nous sommes à la veille d'entreprendre des travaux de modernisation et de remplacement de la flotte qui seront probablement les plus importants que nous ayons jamais entrepris. Ce sera le programme qui permettra de mettre sur pied la flotte canadienne qui sera en service pendant les cinquante prochaines années. Ce n'est pas vraiment une exagération puisque les navires-ravitailleurs et les destroyers de commandement et de contrôle que nous utilisons aujourd'hui avaient été commandés dans les années 1960.

Ne vous méprenez pas. La réalisation de cette nouvelle flotte ne sera pas facile, comme nous l'avons vu avec le projet de Navire de soutien interarmées. Toutefois, je peux vous assurer que nous nous penchons très sérieusement sur ce que nous avons appris de ce projet. Nous ne nous contentons pas de réaliser des projets individuels. Nous travaillons plutôt à réunir le potentiel nécessaire pour mener un programme à bien au sein du gouvernement. L'industrie en fait autant de son côté.

La constitution d'une nouvelle flotte ne vise pas uniquement à fournir les bons outils à nos effectifs en mer pour qu'ils puissent faire le travail que nous attendons d'eux, bien que ce soit exactement ce que la stratégie de défense Le Canada d'abord permettra de faire. La constitution de la nouvelle flotte nous permettra aussi d'investir dans notre avenir. À cet égard, nous avons fait le premier pas essentiel depuis ma visite de juin dernier. Nous avons conclu un marché pour la modernisation des frégates de la classe Halifax, le Projet de prolongation de la durée de vie des frégates.

C'est essentiel parce que les frégates de la classe Halifax sont un pont qui nous relie à notre flotte de demain.

Je vous quitterai sur un dernier point. Grâce à la vision qu'il a présentée dans la stratégie de défense Le Canada d'abord, le gouvernement nous a donné l'occasion de léguer à nos successeurs une marine bien meilleure que celle dont nous avons héritée, et c'est précisément ce que nous voulons réaliser.

Le président : Merci amiral. Ce fut très instructif.

Le sénateur Moore : Merci d'être venu nous rencontrer. Je pourrais probablement passer tout le temps dont nous disposons à poser des questions sur les navires et leur remplacement. Vous avez souligné que la constitution de la nouvelle flotte ne serait pas facile, comme nous l'avons vu dans le cas du projet de navires de soutien interarmées. Vous avez également souligné que vous tentiez sérieusement d'en tirer des leçons.

Pouvez-nous nous donner des détails à cet égard. Quel est le statut de ce projet?

Vam Robertson : En tentant d'établir ses besoins, la Marine s'est penchée sur les besoins établis pour le projet de navires de soutien interarmées. Nous avons discuté avec nos alliés qui travaillent à la construction de navires d'une certaine classe, et surtout avec les Néerlandais, pour nous assurer de bien comprendre les éléments qu'ils ont pris en considération au moment de décider d'adopter ce navire.

En même temps, mais dans un tout autre ordre d'idées, le sous-ministre adjoint chargé des matériels s'est penché sur le dossier de l'achat des navires de soutien interarmées pour tenter de bien saisir tous les facteurs qui ont mené à cette situation de non-conformité dans laquelle nous nous sommes retrouvés l'été dernier et pour décider des mesures à prendre. Comme nous disons dans la Marine, c'est son bateau à lui. Il s'en est occupé en collaboration avec les Travaux publics et d'autres. Ma responsabilité, c'est d'engager les meilleurs ingénieurs maritimes dans l'équipe des SM-A puisque ce sont eux qui prennent les décisions pour la suite des choses.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que vous traitiez avec le sous-ministre adjoint pour ce qui est de la situation de non-conformité dans laquelle vous vous êtes trouvé l'été dernier. De quoi s'agissait-il?

Vam Robertson : Il s'agissait d'un processus d'acquisition qui s'est terminé l'été dernier puisque les deux équipes compétentes n'ont pas présenté de soumissions recevables. C'est le processus d'acquisition sur lequel la Marine s'est penché au niveau des exigences.

Le sénateur Moore : Ces soumissions étaient-elles acceptables pour la Marine au niveau de la conformité? Je ne comprends pas ce qui n'allait pas dans ce dossier.

Vam Robertson : Les soumissionnaires ne respectaient pas les exigences obligatoires établies par le gouvernement dans le processus d'acquisition.

Le sénateur Moore : Où en est-on à l'heure actuelle dans ce dossier?

Vam Robertson : Du côté de la Marine, nous avons terminé l'examen des mesures prises par nos alliés et nous nous sommes penchés sur la meilleure façon d'aller de l'avant. Ce travail donnera des résultats d'ici environ 4 mois. Nous verrons où cela nous mènera d'ici le début de l'été.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que vous aviez discuté de la question avec les Néerlandais. Songez-vous à utiliser un modèle néerlandais, ou s'agira-t-il plutôt d'un modèle canadien ou d'un mélange des deux?

Vam Robertson : Il est intéressant de voir le recoupement des idées, en ce sens que nous avions un concept que les Néerlandais avaient étudié il y a de cinq à sept ans de cela. Ils ont alors évalué qu'il avait une certaine valeur pour leur Marine et décidé de l'adapter légèrement pour répondre à leurs propres besoins. Ils ont ensuite décidé de pousser le concept un peu plus loin et de le construire.

Le sénateur Moore : Ils l'ont construit?

Vam Robertson : Pas encore, mais ils ont l'intention de lancer le processus très bientôt et ils se trouvent donc sensiblement dans la même position que nous en ce moment. Leur Marine est assez différente de la nôtre, mais ils ont un créneau dans lequel ils sont d'avis que leur modèle s'inscrirait bien.

Pour ce qui est de la Marine canadienne, le ministre a déclaré très clairement récemment que nous irions de l'avant avec le projet de navires de soutien interarmées. Nous verrons comment les choses se présenteront dans quelques mois.

Le sénateur Moore : Que va-t-il arriver à votre avis? Ce projet est sur la table depuis plusieurs années déjà. Une décision sera-t-elle prise avant que vous preniez votre retraite?

Vam Robertson : Je ne sais pas vraiment quel sera l'échéancier.

Le sénateur Moore : Quand comptez-vous prendre votre retraite?

Vam Robertson : Cela fait partie de l'équation. La date de ma retraite n'est pas fixée non plus.

Le sénateur Moore : Nous vous donnerons peut-être une prime de maintien en fonctions pour que vous continuiez à vous occuper de ce dossier.

Vam Robertson : Le projet de navire de soutien interarmées, comme tous les autres projets qui nous sont soumis, y compris celui qui porte sur les navires de patrouille extracôtiers pour l'Arctique, relèvent du secteur naval et du gouvernement, du Groupe des matériels, de Travaux publics et autres et ce sont les responsables de ces secteurs qui doivent s'assurer de la réussite de ce processus. C'est leur responsabilité et je les soutiens à cet égard.

Le sénateur Moore : Croyez-vous qu'une décision sera prise cette année dans le dossier du projet de navire de soutien interarmées?

Vam Robertson : C'est ce qui a été dit en effet.

Le sénateur Moore : J'aimerais que vous nous parliez du rôle que vous avez joué auprès de l'OTAN à Norfolk en Virginie. Je crois comprendre que l'officier général qui est actuellement en poste doit prendre sa retraite l'été prochain et qu'on ne compte pas le remplacer. Je ne sais pas si la décision a été prise à cet égard. Quelles répercussions cela pourrait-il avoir sur toutes les délibérations, consultations et influences que nous avons déjà eues dans cette importante base américaine, compte tenu du fait que des pays dont l'influence maritime est beaucoup moindre peuvent compter sur les services d'un officier général?

Vam Robertson : La question de la place qu'occupent les officiers généraux dans la structure de commandement de l'OTAN relève du chef d'état-major de la Défense en consultation avec le ministre. Bien qu'il risque d'y avoir des changements au niveau des fonctions, cela relève du chef d'état-major de la Défense.

Je crois qu'il a l'intention d'accroître la structure de commandement et de choisir les postes qui sont les plus pertinents pour le Canada, précisément dans l'optique de l'influence dont vous venez de parler. Je le laisserai donner des détails à cet égard. Tout ce que je pourrais dire ne viendrait pas de source sûre.

Le sénateur Moore : Vous y avez déjà travaillé n'est-ce pas?

Vam Robertson : Non, je n'ai jamais travaillé au quartier général naval de Norfolk.

Le sénateur Moore : N'étiez-vous pas responsable de la flotte de l'OTAN?

Vam Robertson : Des navires de l'OTAN en mer oui.

Le sénateur Moore : Et vous n'aviez pas de liens avec lui à cet égard?

Vam Robertson : Le quartier général de Norfolk, qui est le Commandant suprême allié Transformation, est l'un des deux principaux quartiers généraux dirigés par l'OTAN, l'autre étant le Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe ou SHAPE, à Mons en Belgique.

Le sénateur Moore : Oui, le sénateur Nolin est très impliqué dans tout cela.

Vam Robertson : Ni l'un, ni l'autre ne sont des quartiers généraux maritimes. Ce sont des quartiers généraux interarmées complètement intégrés. Le quartier général de Mons a des antennes à Naples et à Brunssum, qui sont également des quartiers généraux de niveau opérationnel conjoint. Il y a des quartiers généraux de composante maritime à Naples et à Northwood, au Royaume-Uni, qui relèvent de la direction de ces quartiers généraux.

Le sénateur Moore : Croyez-vous qu'un officier de rang inférieur pourrait avoir une participation semblable à celle que vous avez déjà eue par le passé?

Vam Robertson : Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une question de rang inférieur. Je crois que notre présence sera renforcée. Je vais laisser le chef d'état-major de la Défense se pencher sur cette question.

Le sénateur Wallin : Quelques-unes des réponses que vous nous avez données m'encouragent et m'inquiètent à la fois. Je crois que vos commentaires sur la stratégie de défense Le Canada d'abord correspondent à ce que la plupart d'entre nous croyons, c'est-à-dire que nous sommes otages de cette pensée à court terme, et que cette stratégie nous permettra de voir à plus long terme. Cela nous rassure.

Tout d'abord, vous avez parlé de certaines choses qui pourraient à votre avis causer des problèmes. Vous croyez par exemple que lorsque viendra le temps d'entreprendre les travaux de modernisation et de carénage, cela vous forcera à réformer certaines pièces d'équipement et que la réduction du nombre de navires en service pourrait être un problème dans certains cas.

Deuxièmement, comme vos collègues l'ont mentionné, le recrutement, le maintien en poste et toutes ces questions de personnel semblent constituer de graves problèmes. Nous avons entendu deux points de vue différents du côté de la force terrestre et de la force aérienne. Pour ce qui est de la force terrestre, la situation économique actuelle n'a pas eu de répercussions positives au niveau du recrutement, alors que votre collègue de la force aérienne était d'avis que c'était le cas. Lorsque les lignes aériennes réduisent leur nombre d'appareils, il est plus facile pour lui de recruter du personnel.

Quelle est votre position à cet égard? Je crois que vous avez parlé de certains métiers techniques qui vous faisaient défaut. Quelle est la situation à ce niveau?

Je vais tenter de vous présenter mes questions le plus rapidement possible et vous pourrez y répondre ensuite. Dans les recherches que nous avons effectuées ici, nous nous sommes rendu compte qu'un grand nombre de vos marins sont affectés ailleurs qu'à la marine, dans des services autres, pour participer à des opérations qui n'ont rien à voir avec la marine. Je ne comprends pas pourquoi. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est?

Vam Robertson : Prenons les questions une à une. Je parlerai du personnel d'abord.

Pour ce qui est du personnel, je ne suis pas du tout étonné que la réponse ait été différente du côté de l'Armée de l'air et de celui de l'Armée de terre parce que la plupart des gens qui se présentent dans les centres de recrutement veulent s'engager dans les Forces aériennes. Ce n'est que lorsqu'il n'y a pas d'ouverture que les deux autres services attirent les candidats.

Je crois qu'une crise économique peut attirer quelques candidats supplémentaires. Toutefois, nous ne pouvons pas dépasser les limites parce que lorsque la situation économique change, nous devons continuer d'attirer les talents dont nous avons besoin.

Nous n'avons donc pas réussi aussi bien que nous aurions voulu dernièrement au niveau du recrutement. Lorsque je dis « nous », je veux parler de la Marine, bien qu'il n'y ait qu'un centre de recrutement des Forces canadiennes, que nous appuyons d'ailleurs. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour aider le système de recrutement à attirer un plus grand nombre de gens qui s'intéressent à la mer. Il y a plusieurs choses que nous avons faites dans ce but au cours des quelques dernières années et je demanderai au commodore Hickey de vous en parler.

En plus de ne pas avoir réussi aussi bien que nous l'aurions voulu dans certains secteurs, nous faisons face nous aussi à un taux d'attrition de plus en plus élevé en raison de la courbe démographique qui a suivi les années 1990. Mes propos s'appliquent en majeure partie aux postes techniques et non à tous les secteurs de la Marine. Il est vrai qu'il y a une plus grande demande pour l'ensemble de nos compétences dans toutes les forces armées.

Ce sont là des tendances qui sont apparues depuis un bon moment déjà. C'est le résultat des données démographiques des années 1990. Ces facteurs ont eu des répercussions sur le recrutement au cours des cinq ou six dernières années, et plus récemment sur le maintien de l'effectif qui chute alors que le phénomène de l'attrition prend de l'ampleur. Cela s'explique par la forme particulière de la courbe. De plus, nous subissons les pressions engendrées par le conflit en Afghanistan depuis quelques années déjà.

Dans certains cas, il nous faudra plusieurs années pour résoudre les problèmes. Nous faisons bien sûr de grands efforts au niveau du recrutement. Nous avons une équipe chargée des affaires publiques au ministère de la Défense nationale. Elle regroupe environ 30 agents contractuels qui se trouvent actuellement à bord du NCSM Ville de Québec et dans le port d'Halifax pour filmer les prochaines annonces publicitaires qui auront une saveur maritime et viseront plus particulièrement les techniciens. Nous voulons que les techniciens se reconnaissent dans ces publicités, qu'ils se voient occuper un poste de ce genre dans quelques années et avoir beaucoup de succès.

Je crois que je vais maintenant laisser la parole au commodore Hickey pour qu'il nous dise quelques mots sur les choses que nous avons faites.

Commodore L.M. Hickey, Directeur général, Personnel et état de préparation maritimes : Pour donner suite aux propos de l'amiral, je dirais que la Marine est grandement désavantagée au niveau du recrutement, en grande partie parce qu'elle est loin du centre de la population canadienne, c'est-à-dire loin des côtes. Les Canadiens ont du mal à comprendre ce que fait la Marine.

Comme le vice-amiral Robertson l'a souligné, c'est la Marine qui attire le moins de candidats parmi tous ceux qui se présentent. Seulement 8 p. 100 d'entre eux s'intéressent à la Marine d'entrée de jeu.

L'attention des médias est monopolisée par l'Afghanistan, ce qui influence le public.

Le président : Un peu de silence s'il vous plaît pour que nous puissions entendre le témoin.

Cmdre Hickey : L'autre élément dont nous devons tenir compte, c'est que nous faisons face à une grande concurrence au niveau des compétences, et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. J'ai parlé à mes collègues du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande qui ont les mêmes problèmes. Ils tentent d'attirer les jeunes et les gens dont nous avons besoin dans les métiers à niveau élevé de stress, les métiers techniques.

C'est un problème important auquel la plupart des pays de l'Ouest doivent faire face. Les principaux facteurs en cause sont la réduction du nombre de jeunes, l'arrivée de la génération du baby-boom à l'âge de la retraite et le déclin des taux de natalité et d'immigration. Nous n'avons donc pas accès aux genres de personnes que nous attendions.

L'autre élément important, c'est que le genre de personnes que nous voudrions recruter ne se joignent pas à la Marine pour les mêmes raisons que l'amiral et moi nous y sommes engagés lorsque nous avions 17 ou 18 ans. Ces jeunes n'aspirent pas nécessairement à une carrière qui se prolongera sur 30 ans et leur procurera un emploi stable. Dans bien des cas, ils cherchent à obtenir un emploi, à occuper un poste décent et à en tirer un salaire décent, mais ce qu'ils veulent en réalité c'est obtenir une expérience dont ils pourraient profiter dans une autre carrière. Ils veulent passer ailleurs et ils ont des intérêts divers pour le reste de leur carrière.

Qu'est-ce que la Marine a fait pour répondre à tout ça? Pour commencer, pour ce qui est d'aider les gens à comprendre ce que fait la Marine, nous tentons d'être plus présents. Nous communiquons avec les centres de recrutement pour savoir où se tiennent les salons de l'emploi. Nous essayons de visiter les écoles et nous avons mis sur pied un programme qui prévoit des visites régulières dans les écoles. Nous avons ce que nous appelons des autobus de recrutement. Ce sont des autobus dans lesquels nous avons installé du matériel audiovisuel que les gens peuvent visiter pour mieux comprendre le travail de l'Armée et de la Marine. Nous avons deux autobus de ce genre qui nous ont permis de sortir des grandes villes et de visiter les régions rurales. Nous avons commandé trois autres autobus, ce qui portera le nombre à cinq.

Nous avons également grossi notre équipe de recrutement. À cet égard, je dois d'ailleurs revenir sur le commentaire du vice-amiral Robertson qui a dit que la Marine ne faisait pas réellement de recrutement, elle attire des recrues. Nous tentons de faire tout ce que nous pouvons pour nous assurer que lorsqu'un candidat vient nous rencontrer, c'est qu'il rêve de porter une chemise blanche et non une chemise verte ou une chemise bleu pâle. C'est ce qui compte.

Nous avons doublé le personnel affecté à la coordination, à la participation aux foires d'emploi et aux activités scolaires.

Nous avons quadruplé notre budget pour les activités récréatives et donné toutes sortes de petits cadeaux publicitaires comme des crayons, des porte-clefs et des autocollants. Nous avons quadruplé ce budget. Nous avons créé ce que nous appelons une tournée d'influence sur les deux côtes. Les « influenceurs » sont par exemple des conseillers en orientation ou des mentors de la communauté qui sont intéressés à prendre la mer et à voir ce que nous faisons dans la Marine. Ces gens seront ensuite en mesure de parler d'une façon positive des possibilités de carrière dans la Marine.

Nous avons également vu à ce qu'il y ait des gens qui portent l'uniforme de la Marine dans tous les centres de recrutement. Nous avons engagé des réservistes de la Marine dans les régions où nous ne disposions pas de membres des Forces régulières, pour que les candidats qui se pointent dans un centre de recrutement puissent s'entretenir avec une personne qui connaît bien le domaine. Je pourrais poursuivre la liste d'épicerie, mais cela vous donne une bonne idée de ce que nous faisons.

Le sénateur Wallin : Les jeunes d'aujourd'hui ne recherchent pas le même genre d'aventures qu'autrefois. Ils y ont accès d'autres façons.

Cmdre Hickey : Il y a toujours des aventuriers qui aiment ce genre de choses.

Vam Robertson : Nous prendrons d'autres mesures plus ciblées au besoin pour tenter de recruter les techniciens qui sont essentiels au bon fonctionnement des navires. Ceux d'entre vous qui avez déjà pris place à bord d'un navire ont pu constater que les techniciens sont essentiels partout. Nous devons y arriver. Il y a du travail à faire.

Vous avez parlé de lacunes au niveau des capacités ou d'une capacité réduite. Je vous ai dit que les frégates de classe Halifax devaient être modernisées puisqu'elles en étaient maintenant au milieu de leur vie utile. Nous devons moderniser l'équipement actuel qui date des années 1980. Ces travaux commenceront avec les frégates de classe Halifax en 2010 et ils devraient être terminés en 2017 environ. Comme nous n'avons pas été en mesure de faire ces travaux d'entretien de façon modérée il y a cinq ou sept ans, nous devons maintenant nous y attaquer de façon plus urgente que nous aurions aimé le faire. Nous n'avons pas vraiment le choix. Il est temps de moderniser ces bateaux pour qu'ils puissent être aussi efficaces au cours de la seconde partie de leur vie utile qu'ils l'ont été au cours de la première.

L'adoption d'un processus de modernisation accéléré entraînera la réduction du nombre de navires opérationnels. C'est ce qui explique l'importance de pouvoir faire appel aux sous-marins, aux destroyers et aux ravitailleurs durant la phase de modernisation des frégates de classe Halifax. C'est ce que nous faisons.

Ceci dit, je m'inquiète de la progression du projet de remplacement des ravitailleurs et des destroyers, tout simplement parce que nous avons aujourd'hui la force maritime qui est probablement la plus efficace et la mieux équilibrée de toute l'histoire du Canada. Elle a profité d'un certain nombre d'initiatives lancées vers le milieu des années 1990, comme l'adoption des frégates de la classe Halifax et la modernisation des destroyers. Nous bénéficions de tout cela à l'heure actuelle. Les opérations que nous menons à l'échelle internationale tirent profit des décisions qui ont été prises à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Le sénateur Wallin : De combien de navires devrez-vous vous priver à la fois? En retirerez-vous seulement un à la fois?

Vam Robertson : Oui, nous en retirerons un seul à la fois, sur chacune des côtes. Il y aura toutefois une période au cours de laquelle les navires se retrouveront dans un chantier de construction maritime avant de passer dans un chantier commercial, avant et après les travaux. Cela augmentera le nombre de navires hors service à quatre ou cinq frégates et peut-être même plus. C'est pour cette raison que nous devons nous assurer de la présence de navires d'autres classes.

Le sénateur Wallin : J'aimerais faire un bref commentaire sur la question que j'ai soulevée à l'égard du personnel qui devrait être réaffecté, du nombre de personnes qui pourraient être touchées et de ce qui explique tout cela. C'est une question que je pose sans trop savoir parce que selon les renseignements que nous obtenons, il semble que des officiers soient libérés de leurs tâches dans la Marine pour des fonctions qui ne sont pas liées au domaine maritime.

Vam Robertson : Je présenterais les choses autrement. Au cours des cinq dernières années, ou peut-être un peu plus, nous avons réaffecté certains de nos spécialistes du secteur naval et des deux autres secteurs à des fonctions auxiliaires au ministère. Je ne dirais pas que le recrutement fait partie des fonctions auxiliaires, mais nous y consacrons plus d'énergie, ce qui nous apporte des avantages directs. Il y a également toutes sortes d'autres tâches à accomplir.

La transformation lancée il y a environ trois ans nous a obligés à affecter un plus grand nombre d'officiers dans nos divers quartiers généraux, ce qui signifie que nous devons réaliser, avec un nombre d'officiers limité, le meilleur équilibre possible entre le recours aux forces d'aujourd'hui et de demain et la formation de nos successeurs. Nous devons faire tout cela en même temps. Nous devons atteindre un meilleur équilibre au niveau du personnel. Nous sommes évidemment beaucoup plus efficaces aujourd'hui que nous l'étions il y a cinq ans, avant la transformation, alors que nous avions une structure différente qui ne donnait pas d'aussi bons résultats. Il doit y avoir un équilibre entre toutes les choses que nous devons réaliser en tant qu'institution. Nous devrons ajuster cet équilibre lors de la prochaine série de transformations.

Le sénateur Meighen : Je vous souhaite la bienvenue, vice-amiral Robertson et commodore Hickey. J'aimerais revenir sur la question du personnel qualifié, particulièrement en ce qui a trait aux métiers spécialisés. Ma mémoire est un peu vague, mais je me souviens très bien que l'on ait parlé de réductions de mouvements militaires dus à un manque de personnel. Cela remonte à quelques années déjà. Vous avez souligné que le personnel serait votre principal objet de préoccupation pour les deux ou trois prochaines années.

La situation s'améliore-t-elle ou s'aggrave-t-elle plutôt pour ce qui est du personnel nécessaire pour faire le travail que vous êtes appelés à faire? Pourriez-vous nous donner des détails sur le plan de transition de la Marine au niveau du personnel? J'en ai entendu parler, mais je ne sais pas de quoi il s'agit.

Vam Robertson : Pour ce qui est de l'effectif actuel de la Marine, le fait que nous n'arrivions pas à recruter suffisamment de nouveaux membres dans certains secteurs continue de nous préoccuper. Nous devons faire mieux, particulièrement du côté des métiers techniques. Puisque nous n'avons pas réussi à recruter autant de nouveaux membres que nous aurions dû dans ces secteurs et que l'attrition augmente légèrement, nous n'avons pas autant de membres que nous en avions il y a un an, mais la réduction n'est pas énorme et elle se compte dans les deux chiffres. Nous devons renverser la vapeur et pas seulement en accroissant notre effectif de quelques dizaines de membres au cours de l'année à venir. Nous devons effectuer une remontée pour revenir à un niveau plus sain. Nous avons la responsabilité, le commodore Hickey et moi, d'aider le système de recrutement des Forces canadiennes à enrôler un plus grand nombre de gens.

Il n'est pas question à l'heure actuelle d'une réduction de capacité opérationnelle due à la situation au niveau du personnel. C'est une chose que nous gérons avec beaucoup de soins sur les deux côtes. Les opérations navales sont soigneusement équilibrées, c'est-à-dire que nous ne pouvons tout simplement pas imposer un régime plus dur que ce que les marins sont prêts à tolérer. Il y a un seuil inférieur que les marins sont prêts à accepter, mais au-dessous de ce niveau, ils quittent la Marine parce qu'ils s'ennuient. De même, il y a également un niveau supérieur au-dessus duquel ils sont forcés de travailler trop fort en mer et de passer trop de temps loin de leur famille, ce qui les pousse aussi à quitter les rangs.

Nous équilibrons donc le rythme des opérations avec soin. Nous recherchons le genre d'effets que je décrivais dans mon allocution d'ouverture.

Le sénateur Meighen : Vous parliez alors du plan de transition. J'ai entendu dire qu'on avait récemment établi un plan de transition pour le personnel de la Marine. Je ne savais pas de quoi il s'agissait.

Cmdre Hickey : Je ne crois pas que ce soit là le titre officiel.

Le sénateur Meighen : Je pourrais vous donner les initiales de ce programme.

Cmdre Hickey : L'été dernier, j'ai réussi à réunir nos spécialistes des ressources humaines de la côte Est, de la côte Ouest et de Québec dans le cadre d'une conférence. Nous avons tenté de faire le tour de tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il y en a plusieurs. Puis, j'ai essayé de dégager de ces discussions un plan qui correspond dans les grandes lignes à celui du chef du personnel militaire. Son plan de campagne portait sur le maintien en poste, le recrutement, la reconnaissance du mérite et une série de mesures devant permettre de faciliter la vie des soldats, des marins et des aviateurs. Ce dont vous parlez, c'est de la campagne de la Marine en vue d'apporter des solutions au problème de ressources humaines.

Tout cela a réellement commencé en août environ et nous tentons toujours de résoudre le problème.

Le sénateur Meighen : Il me semble, vice-amiral, qu'il y a un grand nombre de projets d'immobilisation prévus à brève échéance. Êtes-vous certain de pouvoir compter sur les ressources nécessaires pour gérer ces projets ou devrez- vous recruter ou former des gens pour pouvoir répondre aux besoins?

Vam Robertson : Ma principale priorité est de fournir au sous-ministre adjoint des matériels le personnel dont il a besoin pour réaliser ses projets. Ces gens sont parmi les plus talentueux de notre effectif. Les ingénieurs maritimes ainsi que les capitaines de bateau, comme nous deux, sont essentiels pour faire avancer les projets du groupe des matériels. Je dois recruter ces gens en raison de notre situation actuelle. Nous avons un navire de ravitaillement qui est en service depuis 40 ans et un destroyer qui est en service depuis 36 ans. Comme le lieutenant-général Watt l'a souligné, les deux navires de ravitaillement et les trois destroyers viennent s'ajouter à une flotte relativement vieille, même avec les frégates. Ils doivent être remplacés.

Il y a des risques, et je ne parle pas de risques au niveau de la sécurité. Pour reprendre les termes utilisés par le chef d'état-major de la Force aérienne, nous ne prenons pas la mer avec des navires dangereux. Ce sont des navires sûrs et efficaces. Le groupe de travail qui a été envoyé pour assurer le commandement dans la région du golfe Persique l'été dernier était composé de l'un de nos destroyers, un navire de ravitaillement et une frégate. Ces navires ont fait le tour du monde. Nous ne remettons pas leur sécurité et leur efficacité en question. C'est tout simplement qu'ils avancent en âge.

Nous risquons dans les années à venir de devoir surmonter certaines lacunes dans nos capacités opérationnelles. J'en ai parlé l'année dernière quand j'ai témoigné devant le comité. Rien n'a changé à cet égard. Cela signifie que nous devons faire les achats nécessaires pour remplacer les navires de ravitaillement et concrétiser le projet de navires de soutien interarmées et passer ensuite au projet Navire de guerre Canadien. Si nous n'arrivons pas à faire ces acquisitions dans le délai prévu, je crains que nous ayons des problèmes de rendement opérationnel vers l'année 2015.

J'ai écouté les propos du lieutenant-général Watt. En sa qualité de chef d'état-major de la Force aérienne, il a souligné que son rendement serait évalué d'ici 2017. Pour ma part, à titre de chef d'état-major de la Force maritime, j'évalue ce dont la Marine disposera en 2015 ou 2017 parce que nous devons assurer un rendement opérationnel. Nous avons besoin du navire de soutien interarmées pour pouvoir maintenir notre liberté d'action à l'échelle internationale. Nous devons remplacer les destroyers pour maintenir nos capacités opérationnelles au niveau du commandement et du contrôle de la défense aérienne. C'est ce qui me motive à encourager les gens à participer à des projets qui les aideront à avoir le plus de succès possible.

Le sénateur Meighen : Comme vous n'avez pas réalisé beaucoup de grands projets d'immobilisations au cours des quelques dernières années, disposez-vous de spécialistes pour gérer ces nouveaux projets à venir? Pouvez-vous compter sur des ingénieurs navals et des superviseurs de projets ou ont-ils tous disparu?

Vam Robertson : Nous en avons moins qu'au moment de la dernière modernisation de la Marine, à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Par suite des compressions exercées au cours des années 1990, notre service est plus petit qu'il ne l'était dans les années 1980. Avons-nous suffisamment de gens pour réussir à faire avancer ces projets d'acquisition? Oui, mais cela suppose que nous accorderons la priorité à la dotation de ces postes. Nous devons réussir à les combler.

Le sénateur Meighen : À recruter des spécialistes et à les garder?

Vam Robertson : Autrement dit, nous devons faire avancer les projets d'acquisition prévus et réaliser la stratégie Le Canada d'abord. Nous devons également maintenir le même effet opérationnel que nous offrons tous les jours.

Ce sont là deux secteurs dans lesquels nous devons mettre nos talents en œuvre. Il y a d'autres secteurs où nous pourrions devoir prendre des risques au sein du Commandement maritime des Forces canadiennes. Toutefois, notre principale priorité est de mener ce projet à bien.

Le sénateur Meighen : Étonnamment, nous n'avons pas beaucoup entendu parler des sous-marins dernièrement. Pouvez-vous me dire ce qui se passe dans ce secteur et quand ils devraient être entièrement opérationnels?

Le sénateur Meighen : Le NCSM Corner Brook est en mer aujourd'hui au large de la côte Est après avoir participé à un important exercice aux côtés de navires américains et canadiens la semaine dernière. Je crois que sa présence a compté pour convaincre les Américains d'y participer. Ils sont très intéressés à participer à des exercices impliquant des sous-marins diesel-électrique puisqu'ils n'ont que des sous-marins à propulsion nucléaire. Les sous-marins qui présentent un certain intérêt à l'échelle internationale dans les régions où nos deux forces navales doivent opérer sont pour la plupart à propulsion diesel.

Au cours des quelques dernières années, le NCSM Corner Brook et le NCSM Windsor ont été très occupés. Ils ont participé aux exercices de l'OTAN dans le Nord de l'Europe, aux exercices de déploiements navals dans l'Extrême Arctique NORPLOY qui ont lieu tous les étés et à des opérations antidrogue canadiennes dans les Caraïbes. Par exemple, le NCSM Corner Brook a travaillé le printemps dernier avec la Joint Interagency Task Force dans les eaux situées au nord du littéral de l'Amérique du Sud. Les navires ont prouvé à chaque fois qu'ils avaient toutes les capacités nécessaires. Les officiers et les équipages ont les aptitudes nécessaires pour en tirer les meilleurs résultats.

Contre nos alliés de l'OTAN, nos sous-marins ont prouvé à de nombreuses reprises qu'ils pouvaient travailler avec n'importe quel groupe de surface de l'OTAN. Dans les exercices effectués contre les sous-marins américains de classe Los Angeles, ils sont sortis plutôt équivalents. Les sous-marins de classe Los Angeles ont un avantage, ils sont très rapides. Un contre un, les exercices ont démontré que les sous-marins étaient de force égale.

Le NCSM Chicoutimi sera le premier à subir les travaux de maintenance assurés par l'entrepreneur. Il sera soumis à la première refonte effectuée par cet entrepreneur civil. C'est une opération d'une durée de 18 mois à laquelle les sous- marins doivent être soumis à tous les cinq ou six ans. C'est essentiel pour que l'on puisse garantir qu'ils peuvent plonger en toute sécurité. Le NCSM Chicoutimi sera le premier à subir ces travaux qui commenceront en 2010. À la fin de l'année 2010, nous aurons trois sous-marins en opération, soit le NCSM Windsor, le NCSM Corner Brook et le NCSM Victoria. Toute proportion gardée, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvions il y a trois ans, nous sommes sur la bonne voie en prévision de l'été ou de l'automne de l'année prochaine

Le président : Amiral, pourriez-vous nous dire si l'un ou l'autre de ces bâtiments a déjà lancé des torpilles?

Vam Robertson : Ils ont lancé des projectiles d'essai, mais pas de torpilles encore. La raison est simple. La certification nécessaire pour lancer des torpilles exige de longs essais afin de prouver les capacités du bâtiment. À l'heure actuelle, nous nous concentrons sur la formation des sous-mariniers.

Les travaux sur le NCSM Chicoutimi et les activités d'entretien réalisées il y a deux ou trois ans nous ont poussés à nous concentrer sur la formation des sous-mariniers afin d'être prêts pour l'été et l'automne 2010. Nous entreprendrons alors les mesures de certification du système de lancement de torpilles et passerons ensuite aux opérations.

Le président : Quand croyez-vous avoir au moins trois sous-marins ayant obtenu la certification nécessaire pour lancer des torpilles?

Vam Robertson : Si j'ai bien compris, un seul des bâtiments doit subir le processus de certification avec les torpilles que nous utilisons. Cela sera fait en 2010.

Le président : En 2010, vous pourrez donc compter sur 3 bâtiments pouvant lancer des torpilles?

Vam Robertson : C'est exact.

Le sénateur Manning : J'aimerais revenir aux navires de soutien interarmées pour un instant. Après vous être rendu compte que les soumissions n'étaient pas acceptables l'an dernier, vous avez refait vos devoirs. Toutes les personnes visées étaient-elles d'accord avec les plans général et technique de ces navires? J'ai cru comprendre que des fonds avaient été accordés pour ce projet, mais que lorsque les soumissions ont été refaites, le montant prévu était sensiblement plus élevé. Il semble que la répartition des fonds était la principale raison à ce moment-là. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais c'est ce que j'ai entendu dire.

Vous nous dites aujourd'hui que ce processus pourrait être ravivé d'ici quelques mois.

Y a-t-il eu entente entre tous sur la conception et les plans techniques?

Vam Robertson : Permettez-moi de vous dire quelques mots sur le milieu de la construction navale au niveau international. La situation dans laquelle nous nous trouvions l'été dernier, à la fin de cette phase du processus d'acquisition, démontre bien la volatilité de cette industrie, tant sur le plan national qu'international. Le niveau d'incertitude et d'imprévisibilité dans l'industrie internationale de la construction navale est à un niveau que je n'avais jamais vu auparavant dans toute ma carrière.

Au cours des trois ou quatre dernières années, avant le début de la crise économique, il y avait d'énormes fluctuations de prix. Je pense par exemple au prix de l'acier qui a doublé et à d'autres éléments essentiels de la fabrication de moteurs marins, comme les pompes et autres, qui ont également augmenté à un rythme beaucoup plus élevé que celui de l'inflation. Il était alors impossible de prévoir où tout cela allait nous mener.

Les coûts engendrés par le matériel et la main-d'œuvre et tous les autres risques inhérents dans l'industrie nationale ont donné lieu à un certain niveau d'incertitude qui a eu des répercussions sur le processus d'acquisition qui a pris fin l'été dernier.

Cela ne signifie pas que le processus d'acquisition et la construction des navires soient au-delà de nos capacités. Ne vous méprenez pas. Regardez nos frégates. Elles sont de calibre international. Nos destroyers modernisés sont le meilleur exemple de navires modernisés que je connaisse au monde. Nous sommes tout à fait en mesure de construire et de moderniser des navires. Le navire de soutien interarmées n'est pas non plus au-delà de nos capacités.

Le sénateur Moore : Vous voulez dire au Canada?

Vam Robertson : Bien sûr, cela n'est pas au-delà de nos capacités. Nous devons tout simplement être capables de supporter l'instabilité qui existe au niveau du marché de la construction navale, tant au pays qu'à l'échelle internationale, parce qu'il y a des enjeux internationaux dont il faut tenir compte à l'échelle nationale, pour réussir dans nos efforts d'acquisition.

Le sénateur Manning : J'aimerais revenir aux capacités de production des chantiers navals canadiens. Nous savons tous que nous n'avons pas un grand nombre de chantiers navals au Canada. Je présume qu'un projet de l'importance des navires de soutien interarmées élimine la participation de certains de ces chantiers.

D'après les discussions que j'ai eues, il semble qu'il y ait actuellement un essor dans le secteur de la construction navale. Nous avons beaucoup travaillé pendant un très grand nombre d'années, puis l'industrie a décliné. Nous reprenons maintenant le collier, mais nous ne disposons pas des chantiers, du personnel spécialisé et des ressources dont nous avons besoin.

Dans l'éventualité où le contrat est accordé, serait-il possible de répartir la construction du NSI sur plusieurs chantiers navals? Pourrait-elle être répartie sur plusieurs régions du pays? Le ministre a dit qu'on envisage de le construire au Canada. Si c'est vrai, serait-il possible que plusieurs chantiers navals bénéficient d'un tel contrat?

Vam Robertson : Je ne suis pas le mieux placé pour répondre à cette question. Le sous-ministre adjoint (Matériels) et ses ingénieurs pourraient y répondre.

Cependant, je peux vous donner mon impression générale. Les navires de relativement petit tonnage peuvent être construits de diverses façons. La grande majorité d'entre eux, cependant, sont construits par un seul chantier naval.

À propos de la composition, c'est-à-dire où le travail est accompli, le chantier qui est chargé d'effectuer le travail ne représente qu'une petite partie de la valeur économique de la construction navale pour le Canada. Cela concerne plutôt l'industrie maritime que la construction navale. Cette industrie recoupe beaucoup d'autres industries dans l'ensemble du pays, comme celles de la construction de moteurs, de pompes, de moteurs électriques, et cetera. Ces pièces d'équipement sont construites par des Canadiens dans l'ensemble du pays. Beaucoup des entreprises qui contribueront à l'éventuelle construction du navire de soutien interarmées fourniront des pièces construites en Ontario et au Québec au chantier qui finira par réaliser le projet. La réalisation du projet de navire de soutien interarmées n'engage pas seulement le secteur de la construction navale, mais aussi l'industrie maritime et d'autres dans tout le Canada.

Même quand il est question de navires de guerre de surface canadiens, de nombreux secteurs qui ne seraient pas normalement associés à l'industrie maritime ou à la construction navale effectuent des investissements dans la R et D de pointe dans le cadre de la construction d'un navire de combat de pointe. Pourtant, dans le fond, la réalisation de projets de construction de navires à haute valeur ajoutée devrait être considérée comme un investissement dans le Canada plutôt qu'un investissement dans un chantier donné.

Le sénateur Manning : Cela fait quelques années qu'on entend beaucoup parler de l'Arctique, de la souveraineté dans l'Arctique, de la protection de l'Arctique, et cetera.

Les navires qui protégeront ces eaux-là seront-ils les mêmes que ceux qui protègent les eaux méridionales? Il a été question il y a un certain temps d'un navire de patrouille extracôtier de l'Arctique. Pouvez-vous nous dire où en est ce projet?

Vam Robertson : Nous avons beaucoup appris à propos de l'Arctique au cours des deux dernières années, depuis que le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir et a manifesté un intérêt accru dans l'Arctique. Certains changements qui se sont manifestés au cours des deux derniers étés seulement nous donnent une bonne idée de ce qui se passera à long terme.

Parlons un instant du navire de patrouille extracôtier de l'Arctique. Nous nous sommes attardés sur l'étape de la définition et sur la formulation de l'énoncé des besoins. C'est un processus itératif, puisque nous apprenons davantage à propos de l'environnement et le type de navire qui serait le mieux adapté à cet environnement. Nous avons beaucoup appris de nos liens de travail étroits avec l'industrie, ainsi que de nos collègues de la Norvège et du Danemark — deux pays qui ont de bons navires en circulation au large du Groenland et, dans le cas de la Norvège, de Svalbard.

Nous travaillons avec un ingénieur-conseil pour parfaire le concept. Nous comptons émettre une demande de proposition plus tard cette année, ce qui est conforme aux échéanciers annoncés précédemment. À ce rythme-ci, le premier navire sera construit d'ici 2013-2014.

Nous avons également travaillé avec la Garde côtière et divers ministères associés aux installations à Nanisivik. Nous avons effectué de nombreuses études sur place à Nanisivik pour évaluer l'état de l'infrastructure et pour lancer les travaux de planification afin que, d'ici 2011, sous réserve de l'autorisation gouvernementale, nous commencions la mise à niveau des installations à Nanisivik.

En plus d'avoir fait des progrès sur le concept du navire de patrouille extracôtier de l'Arctique et des préparations pour créer une modeste capacité d'avitaillement à Nanisivik, ce que nous avons fait ces quelques dernières années, c'est attirer davantage l'attention sur le Nord. À l'heure actuelle, un certains nombre de facteurs convergent, nommément la demande nationale croissante en matière d'énergie, la nécessité d'assurer la sécurité énergétique et les changements climatiques. Tous ceux-ci contribuent à l'évolution de l'environnement dans l'Arctique.

Il y a beaucoup moins de glace dans l'Arctique que dans les années passées. Un de mes collègues, le chef de la garde côtière américaine, ne s'intéresse pas à savoir pourquoi la quantité d'eau augmente; la garde côtière américaine patrouille les eaux libres, elle accroîtra donc sa présence dans l'Arctique. Nous adoptons la même approche, c'est-à- dire que nous partons du principe qu'il y aura une plus grande superficie d'eaux libres. Les richesses de l'Arctique attireront l'attention de nombreux pays.

En ce qui nous concerne, il ne s'agit pas principalement de Nanisivik ou des eaux au Sud d'Alert. Il est plutôt question de la façon dont nous allons maintenir la surveillance, une présence et le contrôle dans les eaux au Nord d'Alert. Peut-être pas dans les cinq prochaines années, mais certainement au cours des cinq, dix ou quinze prochaines années, il y aura des eaux libres au Nord d'Alert, le long de ce qui sera la troisième ligne de côte du Canada, une côte plus longue que la distance de la ligne qui part du banc de George jusqu'au détroit de Belle Île en passant par la baie de Fundy, autour de la Nouvelle-Écosse et de Terre-neuve-et-Labrador. Elle est plus longue que cela. Ce sera une côte navigable, je répète, quand nous deux ne serons plus en service, dans 10, 15 ou 20 ans.

Le navire de patrouille extracôtier de l'Arctique contribuera sans aucun doute à la surveillance, à la présence et au contrôle dans ces eaux. Le message, cependant, est que la protection des ressources de l'Arctique et de notre souveraineté dans la région se fera au cours des deux prochaines décennies. Je pense que le navire de patrouille extracôtier de l'Arctique est un bon début et qu'un port modeste à Nanisivik serait utile. D'autres projets viendront s'ajouter à ceux-là à mesure que les changements climatiques continuent d'accroître la quantité d'eaux libres dans l'Arctique.

Le sénateur Manning : Merci encore. Je vous remercie de votre service à notre pays et vous souhaite tout ce qu'il y a de mieux.

Le président : Vice-amiral, j'aimerais faire fond sur la question du sénateur Manning au sujet du cycle d'expansion et de ralentissement du secteur de la construction navale. Le gouvernement n'envisageait-il pas, au cours des quelques derniers mois, un programme permanent de construction navale qui a depuis été rejeté?

Vam Robertson : J'aimerais commencer en disant que la stratégie de défense Le Canada d'abord, en formulant une vision à long terme et certains éléments de prévisibilité, est intéressant pour l'industrie. Celle-ci peut établir sa planification à long terme avec une plus grande confiance tout en reconnaissant les points que vous avez soulevés plus tôt avec le chef d'état-major de la Force aérienne à propos des gouvernements minoritaires. Quoiqu'il en soit, cette stratégie contient un élément de prévisibilité qu'apprécie l'industrie.

Il reste donc à savoir comment faire en sorte que cette prévisibilité, et les milliards de dollars qu'il faudra pour remettre à niveau les immobilisations de la Garde côtière et de la marine au cours des 20 prochaines années, créent les circonstances idéales pour l'ensemble du pays. L'industrie et le gouvernement poursuivent les activités en ce sens.

Comme dans l'approvisionnement, j'appuie les efforts en cours visant à déterminer la meilleure façon de réaliser ces projets, pour le Canada, au cours des 20 prochaines années. Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question.

Le président : En effet, vous n'y avez pas répondu.

Vam Robertson : Ce n'était pas mon intention.

Le président : A-t-on proposé un programme permanent de la construction navale qui a par la suite été rejeté? C'est un des programmes qu'on avait proposés pour stimuler l'économie et pour fournir les navires nécessaires à la Garde côtière, à l'armée et aux services de traversiers. Un tel projet nécessiterait plus de chantiers navals que nous n'en avons présentement au Canada.

Vam Robertson : Des travaux sont en cours pour déterminer la meilleure façon d'aller de l'avant. Je ne pense pas que des propositions aient été rejetées. Cela ne me concerne pas directement, je laisserai donc à d'autres la chance d'en discuter, le cas échéant.

[Français]

Le sénateur Nolin : Amiral Robertson, j'aimerais vous féliciter pour la qualité de votre français. Je suis convaincu que les marins qui servent sous vos ordres sont fiers d'avoir un chef qui s'exprime dans leur langue.

Dans le dernier rapport du ministère de la Défense nationale intitulé Rapport ministériel sur le rendement, le ministère fait l'observation suivante :

On poursuit l'élaboration de plans et de procédures pour la fonction d'alerte maritime du NORAD. Les relations entre le NORAD, le Northern Command américain (USNORTHCOM) et le COM Canada évoluent au même rythme que le NORAD.

Pourriez-vous donner au comité un aperçu des nouvelles responsabilités du NORAD en matière de surveillance maritime?

[Traduction]

Vam Robertson : Le NORAD est maintenant responsable de l'alerte maritime. Cela n'entend pas le commandement et le contrôle des opérations des forces maritimes. Cela entend plutôt la coordination de l'information dont disposent les deux pays afin de veiller, dans la mesure du possible, à l'uniformité du processus afin que l'information reçue à propos de l'environnement maritime au Canada et aux États-Unis soit à l'avantage des deux pays.

Ce n'est pas moi qui le dis. Cette responsabilité relève maintenant de Commandement Canada. Il est question de partage de renseignements maritimes entre les deux pays. Ces activités touchent nos centres des opérations de la sécurité maritime, elles s'effectuent en parallèle. Six ministères travaillent ensemble dans les centres des opérations de sécurité sur les deux côtes, l'objectif étant d'assurer le meilleur niveau de partage d'information possible.

Nous avons fait beaucoup de progrès à cette fin. La plus grande difficulté pour les centres des opérations de sécurité concerne les obligations juridiques à respecter quant au partage d'information entre les ministères; malgré les protections juridiques indiquées qui sont en place, il faut que nous soyons en mesure de partager l'information quand il est nécessaire de le faire. Voilà le travail entrepris en partie par Commandement Canada, ainsi que par les six ministères concernés.

[Français]

Le sénateur Nolin : Contrairement à ce qu'on voit dans le monde du NORAD, il n'y a pas d'opération commune ou de commandement commun. Cela n'est qu'un échange d'information.

[Traduction]

Vam Robertson : Exactement.

[Français]

Le sénateur Nolin : Vous avez parlé de notre relation avec nos voisins américains; qu'elle est votre appréciation du degré d'interopérabilité avec nos autres partenaires de l'OTAN? Puisque vous avez commandé les fonctions maritimes de l'alliance, vous avez été à même de saisir les problèmes d'interopérabilité.

[Traduction]

Vam Robertson : En fait, c'est le vice-chef d'état-major de la Défense, le vice-amiral Rouleau, qui a assuré le commandement de la force opérationnelle de l'OTAN il y a trois ou quatre ans. J'ai bénéficié de mon commandement dans la région du golfe, qui relevait de la coalition. J'ai bénéficié de l'interopérabilité rendue possible par l'OTAN. Si celle-ci ne développait pas l'interopérabilité, j'ignore comment les diverses forces navales coopéreraient.

Le sénateur Nolin : Au sein de la coalition.

Vam Robertson : Exactement.

Je dirais que nous bénéficions d'une interopérabilité totale avec les forces navales des pays de l'OTAN et avec quelques autres encore, comme celles de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie, du Japon et de la Corée du Sud, par exemple, où s'entraîne aujourd'hui le NCSM Winnipeg. L'interopérabilité est possible parce que ces pays respectent les normes de l'OTAN. Ce sont soit des normes de l'OTAN, soit des normes américaines, des normes bilatérales, qui équivalent exactement aux normes de l'OTAN relatives à l'interopérabilité.

L'interopérabilité, c'est beaucoup plus que de simples spécifications techniques. C'est également une question de confiance et de fiabilité. Les forces navales du Canada et des États-Unis, par exemple, sont on ne peut plus étroitement liées sur le plan tactique et opérationnel. Nous avons certaines aptitudes qu'ils n'ont pas et, cela va sans dire, ils en ont beaucoup que nous ne pourrions même pas rêver d'avoir. Cependant, le degré de confiance entre nos deux forces navales est bien illustré par le fait que nos navires peuvent s'intégrer à leurs groupements tactiques.

Parallèlement, j'avais des navires américains sous mon commandement quand j'étais dans le golfe, tout comme l'amiral Davidson, qui était alors commodore, quand il était dans le golfe il y a un an. Cela illustre l'interopérabilité des esprits autant que les normes techniques.

[Français]

Le sénateur Nolin : Est-ce que vous voulez commenter l'incident entre le sous-marin britannique et le sous-marin français?

[Traduction]

Vam Robertson : Je dirais simplement que, aussi peu probable que puisse sembler cet incident, aucun renseignement n'est protégé avec autant de vigilance par les pays que l'emplacement de sous-marins porteurs de missiles balistiques, qui font partie intégrante de leur stratégie de dissuasion nucléaire. Il va sans dire que ces renseignements jouissent d'un plus haut niveau de confidentialité que tout autre renseignement.

Le sénateur Nolin : Vous avez soulevé la question de confiance. C'est pourquoi je n'ai pu m'empêcher de poser la question.

Le président : Vice-amiral Robertson, n'est-il pas vrai qu'on peut avoir accès à ce genre de renseignement quand on a un sous-marin en permanence le long de la côte Ouest?

Vam Robertson : Nous partageons des renseignements sur la gestion de l'espace marin des deux côtes.

Le président : D'accord, mais à l'époque où nous n'avions pas de bateau le long de la côte Ouest, ces renseignements ne nous étaient pas communiqués, n'est-ce pas?

Vam Robertson : Si je ne me trompe pas, vous avez raison.

Cmdre Hickey : Il n'est pas nécessaire de partager ces renseignements.

Vam Robertson : Nous profitons de ces renseignements.

Le président : Nous devons nous y mettre rapidement.

Vam Robertson : Nous en bénéficions même aujourd'hui.

Le sénateur Day : Le NORAD a eu beaucoup de succès dans les domaines de l'espace aérien et de l'aérospatiale, et il a été question d'élargir officiellement son mandat en y incluant les opérations navales le long des deux côtes. On parle maintenant du Nord, disons donc le long des trois côtes. Envisage-t-on une initiative en ce sens qui nécessiterait une opération conjointe entre le Canada et les États-Unis le long de nos côtes?

Vam Robertson : Il faut faire la différence entre bilatéral et binational. Le NORAD est un commandement binational, les commandants américains et canadiens rendent donc des comptes à leurs supérieurs politiques. C'est très important, compte tenu de la nature des opérations aérospatiales; ce n'est pas le partage de renseignements, mais bien les déplacements d'aéronefs dans l'espace aérien de l'autre pays, qui nécessitent la coopération la plus étroite.

Ce n'est pas le cas dans le domaine maritime où, au-delà de 12 miles, on est en haute mer et n'importe quel navire peut se déplacer librement. Cela ne veut pas dire que nous négligeons la capacité d'interopérabilité en ce qui concerne la défense du continent. J'ai mentionné que nous avons une force opérationnelle sur la côte Est qui s'entraînait la semaine dernière avec deux destroyers dans les eaux bien au large de la côte Est américaine.

Sous Commandement Canada, nous tâchons d'améliorer le commandement bilatéral et la planification bilatérale. Je laisserai le vice-amiral McFadden en parler, puisqu'il est l'utilisateur de la force. En tout cas, nous avons des décennies d'expérience en matière de coopération rapide et efficace sous une entente bilatérale sur les dispositions du commandement. D'ailleurs, la même interopérabilité qui nous a si bien servi dans le golfe Persique était également à notre avantage en Afrique du Nord.

Le sénateur Day : Il a toujours été entendu ici qu'on entretient une bonne relation bilatérale. Il a été question, il y a quelques années, d'élargir de modèle du NORAD, que vous qualifiez de binational. Peut-on s'attendre à du nouveau dans un avenir proche, ou est-il probable qu'on maintienne simplement les activités bilatérales?

Vam Robertson : Je ne suis pas au courant d'un mouvement vers une approche binationale à ce point-ci. L'approche bilatérale fonctionne bien.

Le sénateur Day : On vous a posé une question sur l'OTAN et notre rôle au sein de celle-ci. Vous avez mentionné dans votre introduction un navire qu'on avait sorti d'une force opérationnelle de l'OTAN pour l'envoyer à Mogadiscio pour participer à la lutte contre les activités de pirates, qui devenaient très graves. Sous quels auspices ces activités se trouvent-elles sinon celles de l'OTAN? Vous avez quitté l'OTAN pour mener ces activités.

Vam Robertson : Les activités du Programme alimentaire mondial relèvent du commandement national. Le gouvernement, en réponse à l'appel du Programme alimentaire mondial et de l'Organisation maritime internationale, a décidé de détacher le NCSM Ville de Québec du commandement de l'OTAN. Le navire, sous le commandement national, a fourni les services d'escorte nécessaires le long de la côte Est de l'Afrique. Ces services d'escorte, qui sont toujours nécessaires comme vous pouvez l'imaginer, sont maintenant assurés par une force opérationnelle maritime de l'Union européenne, et ce, jusqu'à la fin de l'année. Ils se sont donné un mandat d'un an qui prendra fin, si je ne m'abuse, en décembre. Après cela, on déterminera, en fonction des conditions de sécurité dans la région, les services d'escorte nécessaires à l'avenir.

À l'heure actuelle, le NCSM Winnipeg est en route pour rejoindre la force de l'OTAN dans le golfe d'Aden. J'imagine que cette force assurera une surveillance et une protection de base de la marine marchande avant de continuer son chemin vers l'est pour rejoindre un déploiement qui l'amènera aussi loin que Singapour, dans la mer de Chine occidentale, et jusqu'en Australie.

Le sénateur Day : Après avoir terminé son exercice avec l'OTAN, elle s'en ira faire cela.

Vam Robertson : La force opérationnelle de l'OTAN ira à Singapour, dans la mer de Chine occidentale et en Australie. Les chefs d'État et gouvernements des pays de l'OTAN ont décidé, lors du dernier sommet, que l'organisation militaire de l'OTAN devra élargir les services offerts aux pays partenaires comme l'Australie et le Japon; c'est une des initiatives entreprises à cette fin.

Le sénateur Day : C'est intéressant. Sommes-nous obligés de fournir des effectifs à ces opérations de l'OTAN ou est- ce qu'elles sont entreprises sur une base volontaire quand un navire est disponible?

Vam Robertson : Nous consacrons à ces initiatives un navire pendant 6 mois tous les ans depuis les quelques dernières années. Nous avons déployé le NCSM Ville de Québec à cette fin l'automne dernier avant qu'il ne soit chargé d'une nouvelle mission. Ces initiatives se font sur une base volontaire dans la mesure où les pays choisissent quel navire y consacrer. Les sphères politiques des divers pays se sont entendues sur le fait qu'il y aura des instruments militaires et, par conséquent, sur les pays qui contribueront à ces forces militaires. Il en va de même pour la flotte navale permanente de l'OTAN.

Le sénateur Day : Mes dernières questions porteront sur la capacité. Il y a quelques années, le comité s'est rendu sur la côte Ouest près de Victoria, à Esquimalt, en Colombie-Britannique. On nous a dit qu'un des destroyers était immobilisé parce qu'il n'y avait pas suffisamment de marins pour l'amener en mer et qu'on se servait de ses pièces comme pièces de rechange. La situation s'est-elle améliorée depuis cette époque? Pourriez-vous nous donner des chiffres? Vous avez dit que, à cause de l'attrition, l'effectif de marins est légèrement inférieur à ce qu'il était l'année dernière. Avez-vous des chiffres globaux? Y a-t-il des navires immobilisés qui seraient en mer si nous avions un effectif suffisant?

Vam Robertson : Aucun de nos navires n'est immobilisé. Le navire dont vous parlez est le NCSM Huron, qui a été retiré de la circulation au début de la décennie. On s'en est effectivement servi comme cible dans des exercices de tir au printemps 2008.

Le sénateur Day : A-t-elle sombré à cet endroit?

Vam Robertson : Oui. Aucun autre navire n'est présentement immobilisé de façon permanente sans personne aux commandes et retiré de la circulation. Il arrive que des navires soient immobilisés pour être remis en état, à quels moments leur effectif diminue. Il y en a un sur la côte Ouest qui commence une telle période de radoub. Aucun autre navire n'est présentement amarré.

Le sénateur Day : Ce n'est pas à cause d'un effectif insuffisant.

Vam Robertson : C'est exact. Je parlais de sous-marins, de frégates, de destroyers et de navires-ravitailleurs.

Vous savez sans doute que l'équipage des navires de défense côtière est composé de réservistes navals, et ce, depuis près d'une décennie. Nous commençons à comprendre les problèmes liés au système adopté dans les années 1990. En vertu de celui-ci, ces navires étaient manœuvrés par des réservistes qui servaient et occupaient un poste sur une des deux côtes pendant quelques années avant de rejoindre leur unité de réserve d'appartenance. Ils retournaient ensuite à la même côte pendant quelques années encore, et occupaient un poste plus élevé dans la hiérarchie du navire.

Nous avons remarqué que ce modèle n'est pas suivi en pratique. Les réservistes navals qui sont envoyés sur la côte y restent et continuent de servir en mer.

Le sénateur Day : Ils sont dans les réserves pour ne pas avoir à se déplacer.

Vam Robertson : Cela leur permet de se concentrer exclusivement sur les opérations nationales menées par la réserve navale. Cependant, les réservistes navals qui vont d'une côte à l'autre passent la majorité de leur temps en mer et ne bénéficient jamais d'affectations de courte durée parce que le système n'avait rien prévu de tel. Nous devons examiner à nouveau ce concept et déterminer comment nous pouvons continuer de doter les navires de défense côtière avec des réservistes tout en leur permettant d'avoir du temps à terre. Après huit ans d'affectations dans des navires en mer, les gens ont besoin d'un répit. Nous n'avons pas tenu compte de cela dans le système. Nous devons trouver une façon de modifier le concept, c'est ce que nous faisons à l'heure actuelle.

Le sénateur Day : Nous avons également discuté de cela à Esquimalt. Leur seul salut est qu'ils n'étaient pas en mer très longtemps.

Vam Robertson : C'est bien vrai. Qui plus est, ils aiment leur travail, mais après un certain point, ce sont leurs familles qui leur disent combien ils aiment leur travail.

Le sénateur Zimmer : Vice-amiral Robertson et commodore Hickey, merci de vos exposés aujourd'hui. J'ai eu l'occasion unique l'année dernière de visiter la frégate NCSM Ville de Québec avec le sénateur Nancy Ruth. Nous avons passé un moment fantastique avec un équipage remarquable et un excellent leadership. J'ai mangé avec l'équipage et nous avons dormi sur des couchettes. J'ai eu l'expérience unique, sur l'héliplate-forme, de tirer des obus d'artillerie. C'était toute une sensation. Si je n'étais pas si vieux, on m'aurait recruté sur-le-champ. C'était vraiment une expérience incroyable. J'encourage tous les membres du comité à la vivre. Cela nous donne une toute autre perspective des choses.

Le président : En tant que cibles?

Le sénateur Zimmer : Si vous en avez l'occasion, veuillez communiquer au vice-amiral Davidson, qui était alors le commodore Davidson, mes remerciements pour l'expérience unique que j'ai vécue grâce à l'amabilité et au bon cœur que l'équipage met au service du monde entier. Veuillez leur laisser savoir que nous prions pour qu'ils reviennent sains et saufs.

Ma question porte sur le NCSM Ville de Québec. Vous avez dit que ce navire et d'autres de la même classe ont des systèmes de radars côtiers. Combien de frégates avons-nous?

Vam Robertson : Nous avons 12 frégates.

Le sénateur Zimmer : Je pense qu'un des membres de l'équipage m'a dit le nom du dispositif de radar, mais je ne m'en souviens pas. Il m'a dit que seulement la moitié des navires sont équipés de ce dispositif et que si un des navires qui n'en a pas a besoin de s'en faire installer un avant le déploiement, il faut qu'il l'emprunte à un des navires qui sont équipés du dispositif en question.

Tout navire peut être appelé à répondre à une situation d'urgence. N'estimez-vous pas qu'il serait une priorité de faire en sorte que tous les navires soient équipés de ce dispositif de radar afin qu'ils puissent être déployés rapidement dans un tel cas?

Vam Robertson : C'est toute une occasion que vous avez eue de voir le NCSM Ville de Québec à Québec, où il était destiné en vue des célébrations du 400e anniversaire. Il était inhabituel qu'il soit destiné à participer à des célébrations tout en maintenant un niveau de préparation élevé, trois semaines avant d'être déployé pour une période de six mois. C'était la nature du 400e anniversaire. Personne ne voulait manquer cela. Le navire avait un niveau de préparation élevé et avait tout l'équipement et tout l'effectif nécessaire.

L'équipement auquel vous faites référence n'est pas de l'équipement de détection, mais bien de brouillage. Tous les navires sont équipés de dispositifs de détection qui servent de capteurs — les yeux, les oreilles — autres que les capteurs électroniques et acoustiques.

Le brouilleur, lui — je n'entrerai pas dans les détails pour des raisons évidentes — est un système qui n'est pas nécessaire en Amérique du Nord. Dans aucun cas n'aurions-nous besoin d'utiliser ce dispositif-là. Ils ne sont que nécessaires dans les opérations étrangères. Les navires chargés d'effectuer des missions à l'étranger ont l'équipement nécessaire. Je ne vais pas donner de détails sur le nombre de ces dispositifs que nous avons, je me contenterai simplement de vous assurer qu'ils sont disponibles pour les opérations étrangères.

Il en va de même, potentiellement, pour les autres dispositifs que nous avons en moins de 12 ou 13 exemplaires. Nous nous concentrons alors sur les navires qui doivent effectuer des opérations internationales. Cela ne me dérange pas. Certains de ceux-ci sont assez perfectionnés et coûteux.

Une des choses sur lesquelles on se penche dans le cadre de la modernisation de la classe Halifax est l'état des simples dispositifs comme les radars, les radars de veille de surface et aérienne, qui seront remplacés dans le cadre de la modernisation. Ces radars-là ont été déplacés d'un navire à l'autre par le passé. Un navire mouillé à un port est resté sans radar parce que les autres radars étaient utilisés dans le cadre de la réparation et de la remise en état du pipeline. Ce genre de problème sera résolu quand nous aurons terminé de mettre nos navires à niveau dans le cadre de la modernisation de la classe Halifax. Dès qu'on commencera la modernisation des premiers navires, les anciens systèmes en seront extraits à mesure que de nouveaux systèmes sont installés, et serviront d'équipement de rechange pour les navires dont la modernisation est prévue dans quelques années. À partir de 2010, nous n'aurons plus ce problème.

Le sénateur Zimmer : Quel engin fabuleux. Cela ne lui prend pas plus que la longueur du navire pour s'arrêter, et pas plus que la longueur du navire pour atteindre sa vitesse de croisière. C'est incroyable.

En juin dernier, vous avez expliqué au comité les défis techniques liés aux navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique, notamment la nécessité de maintenir un équilibre, c'est-à-dire accroître la capacité dans l'Arctique tout en garantissant l'utilité des navires sur les côtes est et ouest. Vous avez dit que le tout était de trouver la solution optimale. C'est un défi technique auquel travaille actuellement une firme d'ingénieurs. La solution optimale est celle qui permet au bâtiment d'avoir une bonne tenue en mer et une bonne vitesse de croisière tout en ayant une résistance à la glace suffisante pour pouvoir travailler en Arctique jusqu'aux marges de la saison de navigation.

Pouvez-vous faire une courte mise à jour du dossier et nous faire connaître l'état actuel de l'acquisition de navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique?

Vam Robertson : À mon sens, la chose la plus importante que nous ayons comprise au cours de la dernière année est qu'il y aura des eaux libres dans le haut Arctique dans les années à venir. N'oublions pas que tout navire dont nous ferons l'acquisition en 2014 nous servira pendant encore 30 ans. Les navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique commenceront leur cycle de vie dans l'environnement que nous connaissons actuellement, mais de quoi celui-ci aura l'air en 2020 ou en 2025. Il y aura des eaux libres, et il nous faudra des navires capables de naviguer dans les eaux de l'Arctique et le long des côtes est et ouest.

Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès en ce qui concerne l'équilibre entre la résistance à la glace et la capacité de patrouille extracôtière. La forme de la coque sera adaptée aux conditions du haut Arctique et pourra résister aux conditions uniques de l'Arctique canadien, la glace pluriannuelle propre à l'Arctique canadien et américain. Nous serons en mesure d'assurer une présence — non seulement pendant la période navigable mais éventuellement un peu au-delà de celle-ci — tout en maintenant la vitesse et l'endurance souhaitables dans les eaux libres. Il n'est ni possible ni souhaitable de construire un brise-glace destroyer. Le navire en question pourra patrouiller en haute mer ainsi que dans la glace.

Le sénateur Banks : Merci d'avoir comparu devant nous. En tant que terrien, j'aimerais mieux comprendre l'ampleur de la tâche. Je crois comprendre que les coques ne sont pas en place. Aucune quille n'a encore été posée. Cela ne s'est pas fait.

Combien de nouvelles coques faudra-t-il dans l'avenir prévisible, autant pour les navires de soutien interarmées que pour les navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique et les navires qui remplaceront les destroyers et les bâtiments de combat de classe unique? De plus, à votre connaissance, pour remettre à niveau la Garde côtière, combien de nouveaux navires devrons-nous construire?

Vam Robertson : Je devrais pourtant avoir cette information à portée de main.

Le sénateur Banks : Est-ce 50 ou 100?

Vam Robertson : Visons le plus petit des deux.

Le sénateur Banks : Disons 50. Combien de temps cela prend-il pour construire un navire, en moyenne? Quelques années, j'imagine.

Vam Robertson : Ce n'est pas exactement mon domaine de compétence. Je pense que vous parlez du moment où la première plaque d'acier est coupée jusqu'au moment où la bouteille de champagne est brisée contre la proue.

Le sénateur Banks : Même là, ce n'est pas terminé.

Vam Robertson : Vous avez tout à fait raison. Je dirai ceci : si on prend les dizaines de navires à construire dans les années à venir, ainsi que les chantiers qui peuvent faire le travail, il reste à savoir si nous avons la capacité de livrer le produit. Je ne pense pas que ce sera un problème si le gouvernement établit des exigences bien définies, assure un bon niveau de prévisibilité, comme le fait la stratégie Le Canada d'abord en établissant un programme de flotte, et maintient des liens raisonnables avec l'industrie ainsi qu'un bon niveau de sensibilisation. L'industrie est aujourd'hui en mesure d'accroître sa capacité — c'est ce qu'on me dit, en tout cas — pour produire une telle flotte.

Le sénateur Banks : Par souci de clarté, je pense qu'il y a actuellement deux ou trois chantiers qui peuvent construire des navires de combat et des navires spécialisés. Combien de navires par année, environ, peuvent-ils construire? Peuvent-ils en construire deux par année?

Vam Robertson : Cela dépend de toutes sortes de facteurs. J'ai entendu dire qu'un délai de 18 mois pour la construction d'un navire de combat n'est pas déraisonnable. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le chantier à Saint John a construit neuf frégates sur une période de cinq ans ou moins. Quand on construisait des navires de classe Iroquois, le chantier Davie à Lévis pouvait en construire un tous les six mois, et ces navires sont relativement perfectionnés.

Mes ingénieurs et d'autres qui s'y connaissent dans le dossier affirment que la capacité de production de l'industrie n'est pas le problème.

Le sénateur Banks : De façon permanente pour que nous n'ayons pas à faire la même chose encore et encore?

Vam Robertson : Exact. Bien sûr, quand je dis que ce n'est pas le problème, cela ne veut pas dire que ça ne sera pas difficile. Tout ce que je dis, c'est que ce n'est pas un facteur limitatif.

Le sénateur Banks : La dernière fois que le comité s'est prononcé sur la question — et nous n'avons pas encore officiellement changé d'avis — nous avons examiné la situation et sommes venus à la conclusion que, compte tenu du nombre de navires qu'il nous faut et de l'urgence avec laquelle il nous les faut, nous allions devoir les acheter à l'étranger parce que nous ne pouvions les construire nous-mêmes.

Je pense que nous sommes en train de changer d'avis et nous sommes sur le point de changer d'orientation parce qu'il serait préférable de maintenir une capacité permanente de construction navale au Canada.

Je vous suis reconnaissant des renseignements fournis.

Le président : La plupart des membres du comité estiment qu'il y a un avantage stratégique à les construire ici même. Quand les choses se gâtent, nous ne pouvons nous permettre de dépendre d'un autre pays pour nous envoyer des bateaux.

Le sénateur Banks : Puisque nous avons affirmé le contraire, nous devrions dire quelque chose.

Le président : Pour ce faire, il faut que nous produisions un rapport et que nous tenions une discussion.

Le sénateur Banks : C'est bien vrai.

Le sénateur Day : Nous ne pensons pas tous de la même façon.

Le président : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : Le sénateur Manning a habilement couvert le sujet de la souveraineté dans l'Arctique, sujet sur lequel je comptais poser des questions.

J'aimerais officiellement déposer auprès du comité le document suivant, auquel le président a fait référence. C'est un document publié par le Bureau du Conseil privé en décembre 1990 intitulé Note sur les responsabilités des fonctionnaires à l'égard des comités parlementaires. On peut y lire :

Les fonctionnaires ont l'obligation fondamentale de renseigner fidèlement leur ministre et aussi de transmettre fidèlement, au nom de leur ministre, les renseignements qu'ils sont autorisés à divulguer au Parlement. Cette obligation vaut, qu'il y ait eu ou non assermentation.

Puisque vous en avez parlé, monsieur le président, j'aimerais que ce document soit déposé et que des copies soient distribuées aux membres du comité.

Le président : Pas de problème. Si vous aviez lu le rapport, sénateur Tkachuk, vous sauriez qu'il est déjà en annexe d'un de nos trois derniers rapports. Cela dit, je ne vois pas de mal à le déposer à nouveau.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais qu'il soit déposé à nouveau.

Le président : Parfait. Chers collègues, la journée a été longue. Nous avons eu un excellent dernier témoin. Vice- amiral, je vous suis reconnaissant. Commodore, votre contribution était utile. J'espère vous revoir avant que vous ne passiez à autre chose; le témoignage que vous avez présenté aujourd'hui est très utile pour le comité.

Au nom de celui-ci, j'aimerais vous remercier tous deux beaucoup.

Vam Robertson : Le plaisir était pour moi.

Cmdre Hickey : Merci.

Le président : Pour ceux qui nous regardent à la télévision, contactez-nous au 1-800-267-7362 si vous voulez de plus amples informations ou de l'aide pour contacter les membres du comité. Le site Internet se trouve au www.sen-sec.ca.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


Haut de page