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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 6 - Témoignages du 21 avril 2009


OTTAWA, le mardi 21 avril 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 17 h 50 pour étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères en général.

Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite à tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Le groupe de diplomates africains a demandé à comparaître devant notre comité pour discuter des relations entre le Canada et l'Afrique et plus particulièrement de la crise économique mondiale et de son incidence sur l'Afrique, les investissements du Canada en Afrique et l'aide publique au développement du Canada en Afrique.

Ce comité s'intéresse tout particulièrement aux relations entre le Canada et l'Afrique. Il y a de cela deux ans, le 15 février 2007, le comité a publié son rapport intitulé Surmonter 40 ans d'échec : Nouvelle feuille de route pour l'Afrique subsaharienne.

[Français]

Le Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères et du commerce international a commencé son étude sur l'Afrique en décembre 2004. Les membres ont entendu les témoignages de plus de 400 spécialistes au Canada, en Afrique et en Europe. De plus, ils se sont rendus en Afrique pour des entretiens et pour constater la situation des pays africains.

[Traduction]

Le comité accueille aujourd'hui un groupe d'ambassadeurs de divers pays. J'espère que ma prononciation de vos noms ne sera pas perçue comme un déshonneur. Du Bénin, Son Excellence Honoré Théodore Ahimakin; du Cameroun, Anu'a-Gheyle Solomon Azoh-Mbie; de l'Égypte, Shamel Elsayed Nasser; du Gabon, André William Anguile; du Kenya, Jane Muthoni Miano; du Rwanda, Edda Mukabagwiza; de l'Afrique du Sud, Abraham Sokhaya Nkomo; du Togo, Thésèse Lomba; de Tunisie, Mouldi Sakri; et du Burkina Faso, Juliette Bonkoungou. Je l'ai présentée en dernier, car j'ai demandé à Son Excellence depuis combien de temps elle était ambassadrice au Canada. Elle m'a répondu très vite qu'elle est ici depuis six hivers.

Bienvenue à vous tous. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous.

Je commencerai sur une note personnelle en offrant nos condoléances à l'ambassadeur Bawoumondom Amelete, du Togo. On me dit que votre belle-mère est décédée récemment. Nous vous offrons nos plus sincères condoléances.

[Français]

Soyez tous les bienvenus au Sénat. Nous avons une présentation de Son Excellence Juliette Bonkoungou, ambassadeure du Burkina Faso, laquelle sera suivie des questions des membres du comité. Votre Excellence, vous avez la parole.

[Traduction]

Nous recevons aussi Dala Peng, de la République démocratique du Congo.

La parole est à vous.

[Français]

Son Excellence Juliette Bonkoungou, ambassadrice du Burkina Faso : Monsieur le président, je voudrais excuser mes collègues qui ne sont pas là. Ils font partie de notre comité, mais pour des raisons diverses, certains sont aux États-Unis ou au Togo comme notre doyen qui est toujours retenu dans son pays pour des problèmes familiaux.

Monsieur le président, au nom de mes collègues du comité du groupe africain, représentant les ambassades et les missions diplomatiques accréditées au Canada et au mien propre, je voudrais vous remercier et vous exprimer notre plaisir d'être ici cet après-midi pour partager avec vous nos vues sur le partenariat Canada-Afrique.

Avant tout propos, permettez-moi d'affirmer avec force, d'entrée de jeu, que nous venons cet après-midi en tant qu'amis convaincus du rôle du Canada en Afrique. Nous venons vous porter nos convictions, nos questionnements dans le souhait d'un partenariat renouvelé et mutuellement avantageux avec votre beau pays. Dans l'histoire de toute amitié, il arrive des moments où il est nécessaire et important de prendre le temps de communiquer davantage, de nourrir un nouveau dialogue pour renforcer et redonner vigueur à cette amitié. C'est de cela qu'il s'agit cet après-midi.

Les relations diplomatiques de l'Afrique avec le Canada sont très anciennes et datent pour la plupart de nos États des lendemains de leur indépendance dans les 1960. Aujourd'hui, la plupart de nos 53 États entretiennent des relations diplomatiques et/ou économiques et commerciales avec le Canada. Mais que représente le Canada pour l'Afrique?

Du point de vue de l'Afrique, le Canada est un pays empreint d'amitié, un pays développé ami, sans passé colonial, multiculturel et bilingue, un pays soucieux de la paix et de la sécurité dans le monde; un partenaire loyal en amitié, mais qui sait se montrer indépendant d'esprit vis-à-vis même de ses meilleurs alliés lorsque ses propres valeurs sont en jeu; un ami qui comprend les défis de l'Afrique parce qu'il en vit plusieurs de même nature, même si ce n'est pas à la même échelle. Comme plusieurs pays d'Afrique, son économie est tributaire du destin des marchés des matières premières. Plusieurs de ses régions sont monoproductrices et elles ressentent avec acuité la précarité de cette dépendance, un pays dont le peuple sait exprimer de manière tangible sa solidarité envers les groupes vulnérables chez eux et ailleurs dans le monde, un pays qui utilise avec intelligence, prudence, retenue et dextérité les outils d'intervention publique au soutien du bon fonctionnement des marchés dans l'intérêt public. Pour nous Africains, parmi les très grands de ce monde, le Canada est un partenaire à portée de main pour l'Afrique. Ses entreprises et ses institutions n'ont pas le gigantisme et l'anonymat de celles des autres puissances économiques mondiales.

Il n'est pas sans intérêt de rappeler qu'à plusieurs occasions dans les forums internationaux, le Canada s'est tenu aux côtés de l'Afrique pour défendre ses intérêts. Il en a été ainsi notamment de la question des subventions à l'agriculture, particulièrement pour ce qui concerne le coton. Ce Canada est celui que l'Afrique connaît, fréquente et avec qui elle veut aller de l'avant.

En évoquant cela, nous pensons aux fermetures des ambassades dans certains pays, à l'établissement des pays prioritaires bénéficiaires de l'aide canadienne, puis à la réduction des listes de ces mêmes pays prioritaires, aux chiffres qui nous indiquent une tendance à la baisse de l'aide publique canadienne à l'Afrique au profit d'autres régions du monde. En effet, selon quelques sources canadiennes, par exemple celle du Conseil canadien pour la coopération internationale, avec la liste des 25 pays de concentration, 70 p. 100 de l'aide bilatérale canadienne allait à l'Afrique. Avec 20 pays, cette proportion devrait tomber à 35 p. 100 après 2010.

Ces constats nous sont d'autant plus incompréhensibles qu'ils interviennent à un moment où de nouvelles puissances, comme le Brésil, la Chine et l'Inde, se bousculent à nos portes et investissent des sommes importantes pour se tailler une place. Se peut-il que, pour des raisons qui lui sont propres, notre ami de toujours, le Canada, ait choisi de laisser sa place à d'autres et d'ignorer les nombreuses études tant des institutions financières internationales que du secteur privé qui concluent toutes le rôle géostratégique que jouera l'Afrique dans la prochaine décennie avec 1,5 milliard de personnes d'ici 2020, dont 60 p. 100 auront moins de 25 ans?

Aujourd'hui, de nombreuses firmes canadiennes investissent de plus en plus dans plusieurs secteurs, dont principalement les mines et les infrastructures, et se présentent avantageusement par rapport à la concurrence. Par ailleurs, malgré quelques îlots de difficulté, une meilleure gouvernance se concrétise dans la plupart de nos États, avec notamment une plus grande démocratisation des régimes, grâce à l'organisation d'élections régulières et pluralistes qui donnent parfois même lieu à des alternances sans violence à la tête des pays.

Des systèmes judiciaires plus autonomes et mieux outillés se mettent en place. Des sociétés civiles se développent et prennent de plus en plus leur place, avec une liberté accrue et une pluralité de la presse. Des systèmes, des programmes et des mécanismes comme la Revue des pairs, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, le Nouveau Partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD) permettent de renforcer la qualité des gouvernances économiques et politiques, donnant ainsi à l'Afrique de grands espoirs de développement et de paix. Ce sont des progrès importants en quelques années pour un continent qui a été longtemps le théâtre de toutes les turpitudes issues de la Guerre froide, avec ses conséquences dans l'affrontement des blocs est-ouest.

À ces importants progrès en matière de démocratie et de gouvernance, je peux ajouter les immenses potentialités minérales de l'Afrique. En effet, l'Afrique possède d'énormes ressources naturelles, d'immenses gisements d'énergie solaire, un potentiel hydroélectrique qui représente 30 à 40 p. 100 du total mondial, des réserves en pétrole et en gaz naturel considérables, 97 p. 100 du chrome mondial, 85 p. 100 du platine, 60 à 80 p. 100 de l'or et du diamant, 64 p. 100 du manganèse, plus de 9 milliards de tonnes de bauxite à haute teneur, d'importantes réserves de phosphate, une faune et une flore abondante. Malheureusement, le tsunami de la crise financière risque d'annihiler tous les efforts et d'hypothéquer toutes les opportunités que représentent ces ressources. En effet, alors que le continent avait enclenché un programme de redressement et de réforme quasi général, réalisant un taux de croissance moyen de six p. 100 par an de 2004 à 2008, voilà que la crise importée va briser cet élan avec un taux qui revient à celui de 2,8 en 2000. Cette réduction de moitié réduit à néant l'amélioration espérée du revenu par habitant en raison d'une croissance démographique du même ordre. Selon l'estimation de la Banque mondiale, le nombre de pauvres, c'est-à-dire ceux qui vivent avec l'équivalent local de 1,25 dollar par jour, va augmenter de 10 p. 100 pour atteindre 550 millions de personnes et toutes les conséquences pour les populations africaines. Moins de ressources signifient moins de repas, moins d'enfants à l'école, moins de soin.

La crise risque aussi d'emporter avec elle les entreprises, mines, emplois et moyens d'existence. En Afrique, pas moins qu'ailleurs, le temps presse et l'adoption de décisions ne peut plus attendre. Les pays riches ont pu mobiliser en un temps record plusieurs centaines de milliards de dollars au profit de leurs citoyens et de leurs entreprises. L'Afrique demande, en tant que victime collatérale d'une crise qu'elle n'a ni voulue, ni créée, une part infime, soit 0,7 p. 100 du PIB mondial.

Une étude récente de la BAD estime les besoins du continent à un minimum de 106 milliards de dollars sur deux ans, au cours de l'année 2009-2010, juste pour rétablir le rythme de croissance. Mais pour véritablement relancer la machine de croissance et atteindre les 7 p. 100 nécessaires à la réalisation des infrastructures de base et à la réduction de la moitié de la pauvreté d'ici 2015, il faudrait 247 milliards pour la période de référence. C'est le quart du programme de relance annoncé par le président Obama pour les États-Unis. C'est l'équivalent de 10 p. 100 des réserves de change de la Chine. Autant dire que ce n'est pas dans le domaine de l'impossible quand on parle de toute la communauté internationale.

Nous voulons que notre ami de toujours, le Canada, reprenne toute sa place de conscience sociale du monde. C'est pourquoi nous proposons qu'à l'initiative du gouvernement canadien une table ronde soit organisée en vue d'ajuster la politique de soutien au développement du Canada envers l'Afrique. Cette table ronde pourrait réunir les représentants du corps diplomatique Africain à Ottawa, des parlementaires des commissions des affaires étrangères du Sénat et de la Chambre des communes, des dirigeants de l'ACDI et des responsables de l'Afrique au niveau des affaires étrangères et du commerce international, des ONG, des personnes ressources, les représentants des universités et des collèges, des représentants du secteur privé présents en Afrique. Il s'agira notamment de réfléchir aux voies et moyens pour réactiver le fonds canadien pour l'Afrique à l'établissement possible de conventions fiscales entre le Canada et l'Afrique, pour les pays qui n'en ont pas, en vue de faciliter le commerce avec les pays africains, tel qu'on le voit aux États-Unis. Il s'agirait également d'établir un échéancier pour l'atteinte de l'objectif de 0,7 p. 100 de son PIB par le Canada et, sur le plan politique, d'établir un forum Canada-Union africaine.

Certes, nous comprenons, comme nous l'avons déjà évoqué, que chaque pays choisit ses politiques en fonction de ses moyens, de ses contraintes propres et de ses priorités. Toutefois, il est utile de rappeler que le Canada, à l'instar des autres pays développés, a pris l'engagement au Sommet de Copenhague, confirmé par les Nations-Unis, de porter sa contribution à l'aide publique au développement à 0,7 p. 100. Or, aujourd'hui, avec 0,29 p. 100 et le rang de 16e sur 22 des pays donateurs, nous sommes très loin du compte. Selon les Nations Unies, les objectifs du millénaire visant une réduction de 50 p. 100 de la pauvreté d'ici 2015 ne seront pas atteints tant que les différents bailleurs bilatéraux, dont le Canada, ne respecteront pas leur engagement. Les mêmes experts affirment qu'au rythme actuel, l'Afrique ne peut espérer réduire de moitié sa pauvreté qu'en 2150, soit dans 130 ans.

Nous apprécions les importants efforts du Canada en Afghanistan, en Haïti et en Afrique, notamment au Darfour. Toutefois, aujourd'hui plus qu'hier, nous devons regarder les choses en face.

Le trio prospérité, paix et sécurité est la même fratrie. Ils se nourrissent mutuellement et grandissent ensemble. Aussi, il est très important d'œuvrer ensemble dès aujourd'hui avec notre ami de toujours pour éteindre les prémisses des transferts de violence qui se manifestent çà et là sur notre continent par, notamment, des actes comme les prises d'otage et la piraterie. Il est illusoire, comme le pensent certains, qu'on puisse séparer la sphère des affaires et celle du développement et de la sécurité. Les uns ne vont pas sans les autres.

Nous ne sommes pas venus ici ce soir pour demander l'aumône. Nous sommes venus partager avec un partenaire. Pour nous, le choix du Canada en faveur d'autres contrées ne doit pas se faire au détriment de l'Afrique.

Malgré tout cela, fort de l'expression de la compréhension et de la solidarité des Canadiennes et des Canadiens, de celles des nombreuses personnalités du monde politique, de la presse et de la société civile canadienne, au nombre desquelles la voie autorisée de l'ancien premier ministre, l'honorable Joe Clark dans le Globe and Mail, nous demeurons optimistes et nous avons bon espoir que les relations Canada-Afrique peuvent continuer de se servir de manière mutuellement fructueuse pour relever les défis du développement de la lutte contre la pauvreté et de la promotion de la sécurité.

L'engagement du Canada pour l'Afrique, toujours critique, précieux et ciselé, doit demeurer indéfectible et conforme à ses valeurs, la plupart du temps congruentes avec celles de l'Afrique. C'est pourquoi, tout en prenant acte de la nouvelle politique et du message ambigu envoyé en direction de l'Afrique, nous restons confiants et prenons bonne note des assurances données par nos interlocuteurs au ministère des Affaires étrangères et à l'ACDI concernant les ouvertures à travers les organismes multilatéraux de coopération. Mais sans nier l'importance de ces contributions, nous pensons que les valeurs profondes du Canada, les potentialités et les enjeux de développement du continent militent en faveur d'une stratégie politique africaine spécifique du Canada.

Enfin, en un mot comme en mille, nous souhaitons revoir le Canada reprendre son leadership en Afrique dans le cadre d'un partenariat renouvelé, plus stratégique, dans une perspective de « win-win situation ».

[Traduction]

Le président : Merci, Votre Excellence. Je tiens à vous présenter nos excuses pour les difficultés que vous avez eues à votre arrivée sur la Colline et dans les édifices du Parlement. Nous avons eu le même problème. Malheureusement, les forces de sécurité ont eu fort à faire. C'est une source de désagréments pour nous tous. Veuillez accepter nos excuses.

Nous allons maintenant passer à la période de questions.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous êtes les bienvenus à notre comité. J'ai beaucoup aimé votre intervention. J'aurais une question à vous poser parce que j'ai lu énormément sur tout ce qui se passait en Afrique. On s'en va de plus en plus vers le libre-échange avec toutes sortes de pays.

Il y a des pays africains qui sont partisans d'une union des États africains et qui veulent développer un gouvernement central, une armée et une politique étrangère commune. Ils affirment qu'un continent unifié et cohésif permettrait à l'Afrique de mieux se positionner dans l'économie mondiale. Tout récemment, un écrivain guinéen, Tierno Monémenbo, disait lors d'une entrevue — et je cite :

L'intégration africaine est indispensable. Nous sommes un petit pays pas du tout viable individuellement, ni au point de vue démographique, ni économique. Il est donc nécessaire de se regrouper en grands blocs. Sans intégration véritable, le continent noir ne pourra pas résister à l'Union européenne, aux États-Unis, à la Chine et l'Inde. Seul, on ne représente rien du tout. La population de la Guinée, c'est la moitié de celle de la ville de Mexico.

Est-ce que vous pensez qu'avec 53 pays, ce projet important a des chances de voir le jour afin qu'ensemble vous pussiez vous en sortir et devenir vraiment un bloc qui soit vraiment capable de faire face aux autres?

[Traduction]

Le président : C'est ce que nous ferons pour le moment. Quand le temps pressera, nous pourrons regrouper les questions. Pour le moment, ceux qui le souhaitent peuvent intervenir. Si les réponses peuvent être aussi concises que possible, nous pourrons prendre davantage de questions et de réponses.

[Français]

Mme Bonkoungou : À la question de madame le sénateur, je dirais que ce que nous voulons symboliser en venant ici ensemble et en parlant d'une seule voix, c'est notre volonté de cette union et de ce regroupement. Je peux vous dire qu'aujourd'hui, l'ensemble des Africains est favorable à cette démarche. Mais nous savons que partout où cela s'est passé, aux États-Unis, par exemple, il y a eu des guerres pour qu'ils arrivent où ils sont. Je vis avec vous au Canada. Vous êtes un pays fédéral, mais je sais qu'il y a des difficultés. Nous pensons que nous devons y aller avec les difficultés que cela suppose. Mais nous sommes tous convaincus que c'est l'intégration qui demeure la voie à suivre.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie.

Son Excellence Mouldi Sakri, ambassadeur de Tunisie : J'ai voulu faire une petite contribution en réponse à la question parce qu'il y a un an, j'étais directeur général Afrique, au ministère des Affaires étrangères à Tunis. J'ai vécu tous les sommets de l'Union africaine, toutes les conférences du conseil des ministres. J'ai beaucoup côtoyé la naissance de l'Union africaine et du mouvement d'intégration du continent africain. Ce que je peux répondre, c'est que cette intégration est bien réelle aujourd'hui et elle a fait maintenant son chemin pendant une décennie. C'était en 1999 que la décision a été prise. Il y a eu, bien sûr, changement de l'organisation de l'Unité africaine qui avant était une organisation d'États souverains vers une union africaine pour aller plus vite dans l'intégration économique, politique, sociale, culturelle et à tous les niveaux du continent.

Les institutions ont été établies. Il y a bien sûr la présidence de l'Union africaine qui est assurée par un des chefs d'État choisi, élu par ses pairs et il y a l'assemblée des chefs d'État qui se réunit deux fois l'an, une fois à Addis-Abeba et une fois dans un pays africain et qui décide de l'ensemble de la politique africaine vis-à-vis l'Afrique et vis-à-vis le monde; il y a le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine qui est devenu l'instrument qui gère les conflits en Afrique. Cela veut dire que l'Afrique a pris en charge elle-même les problèmes du règlement des conflits, de paix et de sécurité.

D'autre part, dans le domaine de l'intégration, il y a l'intégration économique et cette intégration se fait par le biais des régions. En Afrique, il y a cinq principales régions et chacune a des instruments d'intégration régionaux et les cinq régions constituent la panoplie d'intégration au niveau continental.

Le programme africain pour le développement économique et social intégral est l'outil principal d'intégration économique. Et le NEPAD a été créé au départ et présenté aux bailleurs de fonds et aux partenaires de l'Afrique et maintenant il est intégré à l'Union africaine et il est devenu le programme de l'Union africaine.

L'autre volet de cette intégration, c'est le volet financier. Et les chefs d'État de l'Union africaine ont décidé de créer la monnaie unique africaine qui verra le jour dans quelques années. La Banque centrale de l'Union africaine pour toute l'Afrique, le Fonds monétaire africain et une autre institution législative a été créée, le Parlement panafricain qui constitue la panoplie de tous les domaines d'intégration. Il y a aussi la Cour de justice africaine et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

Donc, toutes ces institutions constituent les instruments et les institutions de l'intégration africaine.

De plus, il y a le conseil économique et social, qui regroupe toutes les représentations de la société civile africaine. Toutes les ONG africaines sont élues chaque année et sont représentées dans le conseil économique et social.

Donc, l'Afrique est bien partie dans le domaine de l'intégration et il n'y a plus de retour maintenant. Comme vous l'avez lu dans les informations, l'Afrique se dirige maintenant vers un gouvernement de l'union qui va gérer l'ensemble des décisions qui sont prises au niveau de l'Afrique.

Notre souhait aujourd'hui est d'obtenir un grand partenariat Afrique-Canada, à la mesure des attentes et de la conjoncture dans laquelle nous vivons et dans ce tournant historique que connaît le XXIe siècle vers la construction de grands ensembles. Nous savons que le Canada appartient à un ensemble, c'est normal.

C'est pourquoi nous voulons aujourd'hui présenter au Canada un véritable partenariat, gagnant/gagnant, à la mesure des deux parties et où chacune des parties y trouvera ses intérêts. Nous sommes confiants que le Canada est en mesure de relever cet objectif important. Comme l'a dit madame la présidente, le Canada n'a pas de passé ni de contentieux avec l'Afrique. Au contraire, il a un crédit et un capital d'estime dans les populations africaines. Le Canada est bienvenu pour un grand partenariat.

Nous, qui sommes diplomates et accrédités auprès de ce grand pays ami, souhaitons ne pas voir le Canada rester en marge de ce mouvement qui se fait envers l'Afrique. Le Canada doit prendre sa place normalement auprès des autres grandes puissances dans ce partenariat bénéfique à tous. Nous sommes confiants que ce message sera écouté par nos amis qui, certainement, sont au fait des événements et des changements qui se passent. Nous souhaitons vous convaincre. L'Afrique n'est pas homogène. Il y a des pays qui sont encore en construction, d'autres qui sortent de conflits et d'autres qui sont moins avancés et qui ont besoin d'aide et d'assistance. Certains pays — et c'est la majorité des pays en Afrique — ont fait des efforts considérables en matière de développement économique et méritent d'être appuyés pour sortir de ce développement une bonne fois pour toutes. Ce serait des pays gagnés du côté des pays développés.

Nous désirons votre soutien, car le temps presse, comme l'a dit madame la présidente, et nous devons gagner parce qu'il y a tout à gagner pour tous. Je vous remercie.

Le sénateur Dawson : Merci monsieur le président. Je suis heureux de vous entendre. Il aurait été illusoire qu'un représentant de chacun des pays africains vienne témoigner devant le comité. Nous croyons que c'est un problème qui doit se faire de façon multilatérale avec l'Afrique regroupée.

Si nous vous avons reçus, c'est parce que nous croyons qu'il y avait un dialogue à établir. En mon nom personnel — je ne peux parler pour les autres membres — je suis prêt à collaborer à toutes les étapes à suivre autour d'une table de concertation.

Parmi tous les sujets débattus à l'étape de notre rapport sur l'Afrique, le NEPAD était probablement l'élément que nous appuyions le plus fortement. C'est l'approche où vous décidez entre vous quelles devaient être les priorités et nous, comme intervenants, nous les soutenons.

La revue par les pairs est, selon nous, la seule façon de voir à ce que les pays du continent puissent travailler ensemble pour améliorer leurs rapports. On a d'excellentes relations bilatérales, que ce soit avec la Tunisie ou le Burkina Faso. Cependant, si le Canada veut apporter son aide, il doit approcher le continent d'une façon collective.

Suite à notre étude sur l'Afrique, il y a bien des choses que l'on aurait voulues faire et qu'il nous été impossible de faire. La volonté du comité, nonobstant le débat sur le rapport, était de voir de quelle façon on pouvait venir en aide à l'Afrique. Nous sommes certainement malheureux que la crise économique actuelle menace certains soutiens financiers pour vos pays. Il est évident que la crise n'a pas d'origine sur votre continent et, malgré cela, vous n'avez que les mauvais côtés de cette crise et vous risquez d'en souffrir plus longtemps que nous.

Vous avez parlé de table de concertation. Suite à vos témoignages, nous aurons à déterminer nos recommandations face au Sénat et face au gouvernement. Si vous n'aviez qu'une demande à faire auprès du comité, que serait-elle?

Mme Bonkoungou : Cette demande est très simple. Nous demandons un cadre pour l'élaboration d'une véritable stratégie au profit de l'Afrique dans le cadre d'un partenariat renouvelé et gagnant/gagnant. Nous souhaitons avoir avec vous une discussion sur la base d'une vision globale, c'est-à-dire une vision qui ne reste pas seulement au niveau de l'aide publique au développement, mais qui intègre également les autres questions, comme les questions économiques et commerciales. Quels sont les problèmes dans ces domaines et quelle aide le Canada pourrait-il apporter? L'avis des gens du secteur privé sera également requis. En matière d'investissements privés en Afrique, quelles sont les difficultés des gens d'affaires? Qu'est-ce qu'on peut faire?

En réalité, nous souhaitons une revue de notre partenariat pour pouvoir nous donner les outils pour aller de l'avant. Cette revue pourrait se faire avec la contribution de tous.

C'est ma vision. Pendant longtemps, beaucoup de gens ont salué la place du Canada dans le monde en le décrivant comme une espèce de conscience sociale du monde. Nous souhaitons que le Canada reprenne toute sa place et cela passe par un signal fort donné à ce moment précis où la crise frappe et menace nos économies, notre taux de croissance, et cetera.

Son Excellence Honoré Théodore Ahimakin, ambassadeur du Bénin : Monsieur le président, je crois que si nous avons une seule doléance à faire ce soir, c'est de demander au Sénat d'adopter une résolution ou une recommandation à l'endroit du gouvernement pour que, à l'instar des autres partenaires d'Afrique dans le monde industrialisé, le Canada mette en place un cadre de concertation avec l'Afrique. C'est ce que nous cherchons véritablement.

Si un tel cadre existait, comme ce que nous avons avec les États-Unis, avec l'Union européenne, avec le Japon et la Chine, nous pourrions passer en revue les problèmes qui se posent. Cela permettrait également au gouvernement canadien de revoir sa politique de l'Afrique. C'est de cela qu'il s'agit. Est-ce que nous avons ici une vision globale de la façon dont le Canada peut travailler en partenariat avec l'Afrique? Tout le reste va suivre : la politique, l'économie, le commerce, l'immigration, et j'en passe.

[Traduction]

Le président : Monsieur l'ambassadeur Nasser, vous êtes invité à faire une observation.

Son Execellence Shamel Elsayed Nasser, ambassadeur d'Égypte : J'aimerais faire une observation générale. C'est un grand honneur pour nous d'être ici. J'espère que le message de notre groupe de diplomates d'Afrique, tel qu'il vous a été livré par la doyenne par intérim, a été bien compris.

Permettez-moi de résumer ce que nous tentons de vous dire. Notre message est très simple. Il comporte trois volets : premièrement, notre amitié avec le Canada est importante pour nous; deuxièmement, les enjeux sont grands pour le Canada, pour les États et le continent africains et les résultats peuvent être très positifs pour tous; troisièmement, nous estimons que cette amitié a besoin d'être revigorée.

Le sénateur a demandé : « Que pouvons-nous faire? » Il est important d'entretenir ce dialogue entre l'Afrique, représentée par les ambassadeurs, ici ou dans leur capital respective, et les autorités canadiennes. Il n'y a pas de réponse simple quant à ce que nous pouvons faire. Il faudra du temps pour que les uns et les autres en tirent le maximum de bénéfices.

Pendant que le monde assiste au déroulement de la crise financière, de nombreuses régions d'Afrique, de nombreux pays, continuent d'obtenir de bons résultats et enregistrent une croissance positive malgré tout. Les entreprises canadiennes pourraient en profiter, et pas uniquement le gouvernement. Le gouvernement peut accorder des garanties aux investisseurs, entre autres, tout en créant un climat favorable au resserrement des relations, mais il est important de faire savoir que l'Afrique offre des possibilités aux entreprises canadiennes. Des entreprises canadiennes sont déjà présentes en Afrique. Elles font de bonnes affaires, notamment dans le secteur minier, ou elles dégagent des bénéfices malgré la crise qui sévit ailleurs dans le monde.

Voici donc le message que nous vous livrons aujourd'hui : entretenons ce dialogue. Ce sera un long processus. Nous espérons que cette rencontre ne sera pas la dernière du genre.

Le président : Je donne maintenant la parole au sénateur Andreychuk, qui est aussi membre de l'Association parlementaire Canada-Afrique.

Le sénateur Andreychuk : Effectivement. J'ai eu le plaisir de rencontrer les ambassadeurs hier lors de la réunion de l'association. Je félicite les ambassadeurs de leur attitude positive. Certains ambassadeurs ont exprimé des préoccupations quant aux changements apportés à notre aide au développement officielle. Je suis ravie de voir que les ambassadeurs ont élaboré une réponse africaine et souhaitent renforcer les relations entre le Canada et l'Afrique, ainsi qu'élargir et enrichir cette relation au profit du Canada, des pays africains et de l'Afrique dans son ensemble.

J'ai discuté d'un grand nombre d'enjeux avec vous. La crise économique est préoccupante. Vous avez signalé à juste titre que le Canada intervient dans d'autres pays pour soutenir ses entreprises et ses citoyens. Nous savons que la conjoncture est particulièrement difficile pour vos pays respectifs. J'aimerais que vous me donniez un peu plus de détails sur ce que l'Union africaine, en tant qu'entité, ou les pays à titre individuel font à l'égard du FMI, de la Banque mondiale et d'autres institutions multilatérales. Puisque le Canada soutient ces institutions dans l'espoir que cela aura des retombées positives générales, pouvez-vous me dire si des pays particuliers ou l'Union africaine ont ouvert un dialogue avec la Banque mondiale et le FMI dans le but de trouver des stratégies qui aideraient l'Afrique pendant cette récession?

Je dis cela parce que j'ai vu dans l'un de vos documents un commentaire au sujet du soutien que le Canada apporte aux organismes multilatéraux plutôt qu'aux partenariats. J'avais cru comprendre que c'était la voie à privilégier; c'est- à-dire que l'Union africaine soutient la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et le FMI. Le FMI et la Banque mondiale font preuve d'une nouvelle ouverture qui n'est pas encore suffisante, mais qui fait à tout le moins place aux voix venues d'Afrique dans ses propres structures, et j'aurais cru que cette ouverture serait accueillie favorablement. J'aimerais savoir comment cette ouverture est reçue et si elle est utile pendant cette crise économique.

[Français]

Mme Bonkoungou : Que font nos gouvernements? Bon nombre de nos gouvernements ont créé des commissions spéciales. Ils ont pris des mesures fiscales d'incitation. Ils ont apporté des aides ciblées à certains secteurs, par exemple le domaine de l'agriculture. Ils ont appuyé les producteurs en subventionnant les intrants et ce qu'il faut pour que la terre soit fertile. Ils ont adopté une réglementation prudentielle des secteurs financiers. Au niveau des institutions financières comme la Banque mondiale, ils ont essayé également de créer des instruments nouveaux pour venir appuyer les différents pays. Il demeure que la rareté des ressources au niveau international se ressent au niveau des institutions financières africaines, comme la BAD, ce qui laisse certains chantiers en suspend.

Les gouvernements africains ne sont pas restés les bras croisés, ils ont adopté des mesures. Mes collègues de l'Égypte, de Tunisie et du Gabon voudront sans doute ajouter à ma réponse.

[Traduction]

Le président : Souhaitez-vous intervenir, monsieur l'ambassadeur Anguile?

Son Excellence André William Anguile, ambassadeur du Gabon : C'est une grande chance pour toute l'Afrique d'être représentée ici aujourd'hui à l'occasion de cette importante réunion avec nos amis et partenaires canadiens.

Pour l'instant, je n'ai rien à ajouter sur ce qui a déjà été dit à cet égard. J'interviendrai sans doute ultérieurement.

Le président : Est-ce que quelqu'un souhaite ajouter quelque chose?

[Français]

M. Sakri : J'aimerais ajouter aux propos de la présidente. Le Canada a fait beaucoup au niveau multilatéral. En 2007, j'ai assisté à trois réunions des pays de l'OCDE et des pays africains dans le cadre du NEPAD, j'étais alors représentant de la Tunisie au NEPAD. Ce qui a été souligné à plusieurs reprises dans ces forums multilatéraux, c'est que l'intervention des organismes internationaux est insuffisante pour venir à bout des besoins de l'Afrique en matière de développement. C'est pourquoi les Africains ensemble ont toujours souligné les priorités de l'Afrique et les ont bien tracées, notamment en matière de développement. Dans le domaine du commerce, vous savez très bien que le cycle de Doha est bloqué.

Donc, les doléances de l'Afrique n'ont pas été prises en compte jusqu'à maintenant.

Dans le domaine des changements climatiques, l'Afrique est un continent sinistré, affecté par ces changements dont il est seulement victime. Il n'est pas la cause de ces problèmes de changement climatique qui ont causé beaucoup de torts à l'agriculture et aux agriculteurs dans notre pays. Cela a donc augmenté le volume de la famine et des problèmes alimentaires.

Il y a le problème de l'environnement. En matière de changement climatique, vous savez très bien que jusqu'à maintenant, le multilatéral n'a pas encore apporté de solution aux problèmes des pays africains. Sur la question de l'environnement, vous connaissez les difficultés et les différends malgré les promesses d'aide faites aux pays africains en matière d'environnement. Malheureusement, jusqu'à maintenant, l'Afrique est loin derrière et ses besoins sont énormes. Il n'y a qu'une question à soulever, il s'agit de la lutte contre la désertification. Il y a 25 pays qui souffrent de ce problème et qui s'appellent les pays du Sahara et du Sahel et ils constituent une organisation. La Tunisie fait partie de cette organisation et le problème majeur est de lutter contre la désertification et de sauver les terres déjà exploitées par les populations dans la région du Sahel et dans la région des pays riverains du grand désert. Pour les problèmes où il y a un engagement multilatéral, et où les organisations multilatérales interviennent, le Canada en fait partie, malheureusement, on n'avance pas beaucoup. C'est pourquoi on a pensé que ces questions ne peuvent pas avancer sans un cadre vraiment Afrique-Canada en ce qui concerne le Canada où on poserait ces questions en deux parties bien engagées dans ces domaines et où le Canada pourrait prendre des positions avancées et affirmer sa position d'avant- garde dans beaucoup de domaines qui devancent beaucoup de bailleurs de fonds et de partenaires. Si le Canada agit dans le cadre multilatéral, il sera lié par les décisions multilatérales et n'aura pas les coudées franches pour financer des projets qui pourraient être profitables au Canada et qui pourraient profiter aussi à l'Afrique. C'est pourquoi je voudrais souligner que nous voulons vraiment ce cadre politique qui permettrait aux deux parties de parler franchement, d'exposer leurs intérêts et d'y trouver une plateforme commune. Je crois que c'est le forum adéquat.

Je terminerais en disant qu'il y a trois principaux axes qui pourraient fonder ce partenariat avec le Canada. Il y a l'axe politique qui, je crois manque dans cette relation sur le plan global alors qu'il existe avec les autres grandes puissances. Alors pourquoi pas avec le Canada? L'Union africaine est le lieu bien indiqué pour qu'il y ait cette concertation politique à haut niveau.

Le deuxième axe auquel le Canada s'investit beaucoup est la paix et la sécurité dans le monde. Le Darfour et bien d'autres régions en Afrique sont de hauts intérêts pour le Canada où il est déjà investi. Nous croyons qu'un partenariat entre le Canada et le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine serait indiqué pour faire apparaître et montrer la porte du Canada, sinon cet apport ne serait vraiment pas comme nous le souhaitons et pas comme le souhaitent nos amis Canadiens.

Le second volet est le volet économique. Il y a également là tout à gagner pour le Canada s'il s'investit directement en partenariat avec l'Afrique. Il y a les infrastructures. Il y a des projets énormes d'infrastructure dans le domaine des constructions de routes, de ports, d'aéroports, de télécommunication, dans le secteur énergétique et dans tous ces secteurs. Le Canada est un des leaders qui peut profiter de ce partenariat.

Dans le cadre d'échanges commerciaux, si on arrive à avoir un instrument juridique liant des échanges Canada- Afrique, cela pourrait être un moyen, un mécanisme fort pour étendre et renforcer les échanges avec le Canada. Il y a les investissements à travers la Banque africaine de développement dont le Canada fait partie. Le Canada pourrait vraiment améliorer sa contribution et sa participation dans le développement des pays africains, pays par pays, car la BAD s'occupe des programmes de développement spécifiques à chaque pays et à travers ce mécanisme et la participation du Canada à la BAD, le Canada pourrait avancer.

Le troisième axe est celui du social, les étudiants, les immigrés, le mouvement des personnes entre le Canada et l'Afrique est un élément fondamental qui pourrait faire partie de ce grand partenariat, qu'on pourrait définir ensemble, et trouver les meilleurs mécanismes et moyens de renforcer ce partenariat humain.

Voilà les trois axes qui me semblent vraiment porteurs dans ce partenariat.

[Traduction]

M. Nasser : Nous apprécions tout ce que fait le Canada au sein des organisations multilatérales, dont les institutions de Bretton Woods, la Banque mondiale et le FMI, ainsi qu'au G8 et au G20. Nous n'avons pas cherché à minimiser l'importance de ce travail. Nous apprécions que le Canada, pays ami, prenne les devants dans ces tribunes.

Quant à savoir ce que chacun des pays fait pour améliorer la situation, je dirais que les pays du groupe africain souhaitaient, à cette étape, discuter d'enjeux généraux, communs à l'ensemble du continent. Toutefois, à titre d'exemple, je serai tout à fait heureux de donner des statistiques qui révèlent ce que fait mon pays à cet égard. Nous avons obtenu de bons résultats, mais il reste de lourds défis à relever.

Le président : Dans les dix minutes qu'il nous reste, j'aimerais donner à chacun de vous une dernière occasion d'aborder une question qu'il juge essentielle, particulièrement ceux qui n'ont pas encore eu l'occasion d'intervenir, dont M. Peng, chargé d'affaires adjoint de la RDC. J'invite chacun de vous à émettre un dernier commentaire, après quoi nous passerons aux dernières déclarations.

[Français]

Dala F. Peng, adjoint au chargé d'affaires, République démocratique du Congo : Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné la parole. Comme Son Excellence l'ambassadeur de l'Égypte vient de le dire, comme cette rencontre est surtout orientée pour parler de tous les continents, il serait un peu gênant de parler d'un pays en particulier. Il faut reconnaître que la crise qui sévit dans les Grands Lacs est très profonde et mérite d'être suivi par le Canada même s'il ne s'agit pas ici de pays, mais d'une région. Le Canada a pris beaucoup de leadership dans cette région. Le Canada était coprésident dans le groupe des amis des Grands Lacs et c'est le Canada qui était au front pour mettre en place cette conférence internationale sur la sécurité et le développement dans les Grands Lacs.

Et comme par hasard, la liste publiée ne mentionne pas les pays de la région. C'est regrettable. Pourtant, c'est une région, ce n'est pas un seul pays. Je crois qu'il vaudrait la peine que le Canada regarde à deux fois cette région qui se bat encore dans le processus de sortie des conflits. C'est tout ce que je voulais dire.

[Traduction]

Le président : Monsieur l'ambassadeur Nasser, êtes-vous satisfait de ce que vous avez pu dire?

M. Nasser : Merci.

Le président : Quelqu'un d'autre souhaite-t-il intervenir?

[Français]

M. Anguile : Je vous remercie, monsieur le président. Je n'ai qu'un point à ajouter à ce que mes collègues ont dit, aujourd'hui. Nous l'avons dit, je pense, d'une voix unique, mais je lance encore un appel à nos amis et partenaires canadiens : il ne faut pas faire preuve de timidité. Je pense que le Canada, aujourd'hui, dispose de tous les atouts pour égaler une grande puissance et son rôle traditionnel en Afrique l'a vraiment prouvé.

Le Canada n'a pas à rougir de son bilan jusqu'à aujourd'hui, que ce soit dans le domaine de la paix et de la sécurité, dans le domaine des investissements. À ce titre, je crois que l'Afrique doit rendre hommage à notre grand partenaire.

Mais aujourd'hui, au moment justement où l'Afrique, à cause de sa vulnérabilité apparente face à certaines crises qui voient le jour, que ce soit des crises financières ou, comme l'a rappelé mon collègue de la République démocratique du Congo, des crises militaires, des crises humanitaires, c'est maintenant que nous souhaiterions vraiment que le Canada montre son visage, son engagement et sa volonté, non seulement d'une assistance, mais également d'un partenariat. Aucune région du monde, encore moins en Afrique, ne peut se développer sur un ferment d'instabilité.

L'engagement est déjà de mise dans des régions comme le Darfour, notamment. Nous souhaiterions que le Canada n'hésite pas à s'impliquer pour mettre fin ou, du moins, atténuer ces crises.

C'est à ce titre également qu'il pourrait y avoir une renaissance dans ces régions et un développement, un développement tant attendu, un développement économique et un développement humain. Nous lançons donc un appel général. Ne soyez pas timides, allez de l'avant. L'Afrique vous soutient ainsi que tous les pays d'Afrique.

Comme je l'ai toujours dit à chacune de nos rencontres, je ne connais pas un pays d'Afrique qui puisse avoir des griefs ou des remontrances envers le Canada. Nous souhaiterions bien sûr parfois avoir des liens un peu plus serrés, mais qu'à cela ne tienne, l'important est que le Canada soit visible sur le continent et continue à montrer son visage d'amitié et de solidarité vis-à-vis de l'Afrique.

Le président : Merci, ambassadeur Anguile.

[Traduction]

Le président : Monsieur l'ambassadeur Sakri, avez-vous un dernier commentaire à faire, ou puis-je donner la parole à ces charmantes dames?

[Français]

M. Sakri : J'ai tout dit, monsieur le président.

[Traduction]

Le président : Nous n'avons pas entendu l'ambassadrice Mukabagwiza, du Rwanda. Madame l'ambassadrice, aimeriez-vous dire quelques mots?

[Français]

Son Excellence Edda Mukabagwiza, ambassadrice du Rwanda : Monsieur le président, il me fait plaisir de pouvoir partager avec vous cette discussion. Je vous remercie d'avoir bien voulu recevoir notre équipe, cela démontre l'engagement de votre comité à vouloir continuer ce dialogue qui a déjà commencé et qui, pour nous, pourrait vraiment susciter d'autres questions à développer.

Monsieur le président, j'aimerais ajouter une seule chose à ce que mes collègues ont dit, et que j'apprécie, tout en répondant aussi à la question qui avait été posée par le sénateur Fortin-Duplessis. Nous croyons à ce projet d'avoir une même voix, tous ensemble, comme des pays africains et collectivement, ce projet qui peut sembler ambitieux, mais auquel nous croyons quand même de tout cœur. Nous avons besoin de votre partenariat, spécifiquement le partenariat du Canada comme un pays ami de longue date et, bien sûr, un partenariat de tous les pays du monde.

Il ne faut pas voir cela comme une ambition que l'on ne peut atteindre, mais on voudrait avoir la conviction, comme celle qu'a déjà démontrée le sénateur Fortin-Duplessis, que c'est quelque chose qui peut déjà donner des fruits et des résultats palpables. On sait qu'on ne peut y arriver sans être vraiment soutenus ou supportés à tous les niveaux. Et que, justement, ce projet puisse être apprécié à tous les niveaux, de tous les côtés, par tous les amis, afin que nous puissions y arriver.

[Traduction]

Le président : Je donne maintenant la parole à l'ambassadeur Ahimakin, du Bénin.

[Français]

M. Ahimakin : Monsieur le président, je crois que tout a été dit. Je voudrais, en guise de conclusion, lancer un appel à la commission que vous représentez ici. Parce que c'est bien connu, dans les démocraties pluralistes comme celle qui a cours au Canada, la force de la représentation nationale, c'est-à-dire vous, parlementaires, est importante. Ce n'est pas tous les jours que vous nous recevez en tant que groupe.

Vous avez la possibilité de nous entendre aujourd'hui. Je souhaite que vous puissiez peser de tout votre poids. Vous avez enregistré ce que nous avons dit afin qu'au niveau de la plénière du Sénat, les besoins exprimés par l'Afrique aujourd'hui, d'avoir un cadre de concertation politique, économique, sociale et culturelle avec le Canada, que ces besoins soient portés au niveau de l'exécutif afin que vous preniez véritablement conscience, en tant que pays, de ce que vous représentez pour l'Afrique.

Vous verrez, à travers les institutions de formation au Canada, beaucoup de nos étudiants qui sont ici. Ils ne viennent pas parce qu'ils sont détenteurs ou bénéficiaires de bourses, mais ils viennent avec le soutien financier de leurs parents. Vous savez bien, mesdames et messieurs les sénateurs, que les études coûtent très cher au Canada. Cela veut dire qu'il y a quelque chose que nous venons chercher ici.

N'oubliez pas ce continent qui ne vient pas pour le monde, mais qui vient en tant que partenaire porter le message et en tant qu'institution représentant l'ensemble du peuple canadien auprès du gouvernement fédéral pour que véritablement l'on puisse considérer encore plus que par le passé l'Afrique comme partenaire digne d'être écouté et d'être assisté. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Enfin, madame l'ambassadrice Bonkoungou, je vous invite à nous livrer un dernier message, après quoi nous passerons aux dernières déclarations.

[Français]

Mme Bonkoungou : Je crois que mes collègues qui m'ont précédée ont couvert tous les aspects. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres commentaires et nous espérons que la rencontre de ce soir ne restera pas sans suite.

[Traduction]

Le président : J'aimerais vous remercier tous d'être venus aujourd'hui. Vous serez toujours les bienvenus. Nous trouverons toujours le temps de vous recevoir quand vous le jugerez bon.

Je tiens à vous assurer que les membres du comité sont très ouverts à votre message. Le sénateur Dawson a mentionné l'étude que le comité a réalisée il y a quelques années et les nombreuses visites que nous avons effectuées dans de nombreux pays africains. Nous sommes très sensibles à votre message. Nous ne sommes pas l'exécutif, mais nous sommes très sensibles à votre message et nous souhaitons poursuivre le dialogue.

J'aimerais d'ailleurs faire un commentaire que l'on n'entend pas souvent dans des réunions comme celle-ci. L'une des plus précieuses ressources du continent africain a malheureusement quitté vos rives pour les nôtres, et je veux parler bien sûr des ressources humaines. Comme vous le savez, vous en subissez maintenant les lourdes conséquences. Pour des raisons qui leur sont propres, des Africains ont décidé de refaire leur vie ici et ils ont enrichi le Canada. Nous l'apprécions. Nous parlons de commerce et d'investissement, mais nous parlons trop peu souvent de la valeur de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui viennent ici avec leurs familles. Nous tenons à vous exprimer notre gratitude.

Nous avons pris acte de votre proposition de créer une table ronde. Mon collègue et moi avons discuté de cette question et nous souhaitons inclure d'autres organisations. Je pense à mon collègue, le sénateur Andreychuk, du groupe Canada-Afrique. Nous vous reviendrons là-dessus dans un avenir rapproché.

Encore une fois, je m'excuse pour les inconvénients que vous avez subis à votre arrivée. Bonne chance, et il nous tarde de poursuivre le dialogue.

Chers collègues, nous devons traiter d'une question d'ordre administratif, c'est-à-dire que nous devons approuver un budget. Il s'agit de ce que l'on appelle un budget d'urgence. Il comprend divers postes totalisant 10 000 $.

Le sénateur Andreychuk : Je présente une motion en ce sens.

Le président : Nous vous fournirons des exemplaires à la prochaine réunion.

(La séance est levée.)


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