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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 5 - Témoignages, 17 juin 2009


OTTAWA, le mercredi 17 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a été saisi du projet de loi C-11, Loi visant à promouvoir la sûreté des agents pathogènes humains et des toxines, s'est réuni aujourd'hui à 16 h 4 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte.

Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

C'est aujourd'hui notre troisième réunion sur le projet de loi C-11, Loi visant à promouvoir la sûreté des agents pathogènes humains et des toxines. Nous allons entendre comme témoins la commissaire adjointe à la protection de la vie privée, puis, à 17 heures, la ministre de la Santé et l'administrateur en chef de la santé publique.

Après les déclarations et la période de questions et réponses, je vous propose, à 18 heures, de rester pendant encore une demi-heure pour discuter de la façon dont nous allons poursuivre notre examen du projet de loi C-11. Nous pourrons ainsi décider si nous voulons envisager d'autres amendements au projet de loi et si nous voulons soumettre un rapport au gouvernement, assorti ou non de recommandations.

Nous en discuterons donc à ce moment-là, et nous pourrons ainsi demander à nos attachés de recherche de préparer le genre de rapport que nous voulons. Si nous décidons de procéder de cette façon, je proposerai de tenir une quatrième et dernière réunion, si vous êtes d'accord, le lundi 22 juin à 14 heures. Le Sénat est censé siéger à 16 heures ce jour-là, et si nous avons alors terminé l'examen de ce projet de loi, nous serons en mesure de le présenter au Sénat, avec notre rapport.

J'aimerais donc savoir, pour l'instant, si vous êtes d'accord pour poursuivre cette réunion d'environ une demi-heure, soit de 18 heures à 18 h 30?

Le sénateur Dyck : Monsieur le président, je viens d'apprendre que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones reçoit aujourd'hui le ministre des Affaires indiennes à 18 h 30, et j'aimerais donc que notre réunion soit terminée à 18 h 20 pour que j'aie le temps de m'y rendre.

Le président : C'est à vous de décider. Tout dépend de la nature et de la durée de la discussion que nous aurons, mais nous en tiendrons compte. Merci.

Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : La proposition est adoptée.

Nous allons maintenant commencer par notre première série de témoins pour cet après-midi. Nous accueillons Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée, qui représente le Commissariat à la protection de la vie privée. Elle est accompagnée de Melanie Millar-Chapman, analyste principale, recherche et politique.

Je vous invite à faire votre déclaration, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

[Français]

Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Monsieur le président, je vous remercie. Je suis la commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada et je suis responsable de l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, donc la loi qui s'applique au secteur public.

Comme vous l'avez dit, je suis accompagnée de Mélanie Millar-Chapman, analyste principale des politiques et de la recherche au commissariat. Elle a fait le gros du travail depuis que nous sommes engagées dans ce dossier. Je tiens à vous remercier de nous avoir invitées à commenter le projet de loi C-11.

Aujourd'hui, j'aimerais, premièrement, décrire notre approche envers le projet de loi C-11. Deuxièmement, j'aimerais prendre position quant aux amendements qui ont été apportés depuis son introduction. Troisièmement, j'aimerais clarifier notre point de vue sur les enjeux pour lesquels on a reçu l'explication de l'Agence de la santé publique du Canada et, finalement, soumettre à la réflexion du comité un commentaire au sujet d'un enjeu qui demeure en suspens.

Tout d'abord notre approche au sujet du projet de loi C-11.

[Traduction]

Je tiens à préciser d'entrée de jeu que nous reconnaissons et approuvons l'objectif du projet de loi C-11 comme étant un moyen de combler un vide réglementaire. Nous croyons comprendre que plusieurs milliers de laboratoires au Canada se servent d'agents pathogènes et de toxines acquis au Canada et ne sont régis que par un régime de biosécurité volontaire.

Nous avons déterminé, à partir de nos discussions avec des représentants de l'Agence de la santé publique du Canada, que le projet de loi C-11 visera les laboratoires des secteurs privé et public et que, par conséquent, le Commissariat devra exercer une surveillance en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, qui régit le secteur privé.

Comme vous le savez sans doute, nous avons été consultés par le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, et nous lui avons envoyé deux lettres en mars 2009, toutes deux affichées sur notre site Web.

Depuis la présentation de ce projet de loi, nous avons eu une séance d'information détaillée de la part des représentants de l'Agence de la santé publique. Nous avons également eu le plaisir de recevoir une correspondance très utile du Dr Butler-Jones qui visait à dissiper les inquiétudes que nous avions exprimées.

Le Dr Butler-Jones nous a écrit récemment pour nous informer que des membres de son personnel souhaitaient discuter avec nous d'un mécanisme d'évaluation des impacts sur la vie privée et nous inviter à participer à la consultation sur le dispositif réglementaire. Dans l'ensemble, nous sommes d'avis, d'une part, qu'il y a eu des amendements au projet de loi qui répondent à nos préoccupations et, d'autre part, que nous avons eu un dialogue constructif avec les représentants de l'Agence de la santé publique, ce qui nous a permis de mieux comprendre la réglementation proposée.

Je vais maintenant passer aux amendements apportés au projet de loi. Je tiens à souligner d'abord que nous sommes heureux de voir que deux des amendements au projet de loi C-11 répondent aux inquiétudes que nous avons exprimées dans notre lettre du 11 mars. Plus précisément, nous sommes heureux que le critère des motifs raisonnables ait été intégré au paragraphe 38(1), et que le paragraphe 39(2) ait été amendé pour empêcher que des renseignements personnels ne soient communiqués à d'autres personnes, à moins que la loi n'en exige la communication.

L'autre amendement qui, selon nous, pourrait améliorer la protection des renseignements personnels dans ce projet de loi est la nouvelle exigence selon laquelle les règlements feront l'objet d'un examen parlementaire. L'article 66.1 et l'invitation que le Dr Butler-Jones nous a faite le 29 mai dernier de participer au processus de consultation sur le dispositif réglementaire nous rendent optimistes quant au processus de réglementation qui sera mis en place dans le cadre de ce projet de loi.

Je voudrais maintenant aborder certains des enjeux pour lesquels nous avons obtenu des explications de l'Agence de la santé publique qui nous rassurent quant au régime envisagé. Le premier de ces enjeux concerne l'utilisation des renseignements personnels auxiliaires, comme les renseignements concernant un malade ou des membres de la famille d'un employé de laboratoire. Nous avions d'ailleurs mentionné ce problème dans la lettre que nous avons adressée au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

D'après les renseignements supplémentaires que nous a fournis le Dr Butler-Jones, nos préoccupations concernant les renseignements personnels auxiliaires pourront être abordées dans le cadre des évaluations des risques en matière de vie privée et des discussions qui auront lieu au sujet de la réglementation. Nous avons toujours compris l'importance de l'habilitation de sécurité pour ce genre d'établissement. Cependant, nous continuons de nous inquiéter du fait qu'il n'y a toujours rien dans le projet de loi qui limitera la collecte de renseignements personnels auxiliaires.

Dans notre lettre du 30 mars, par exemple, nous avons exprimé certaines inquiétudes à propos de la collecte éventuelle de renseignements personnels sur des membres de la famille d'un employé de laboratoire, si ces derniers devaient entrer en contact avec un agent pathogène ou une toxine réglementés. Nous avons dit par ailleurs que nous étions conscients des risques de détournement d'usage, et que, par conséquent, nous préférions que la collecte de renseignements personnels soit limitée.

Dans sa lettre du 29 mai, le Dr Butler-Jones a répondu à nos inquiétudes concernant la collecte de renseignements personnels auxiliaires en affirmant que :

Nous estimons que la collecte de renseignements médicaux personnels ne devrait normalement pas être pertinente dans le cadre de l'exécution de cette loi ou de ses règlements. En fait, pendant les 15 années d'existence du Règlement sur l'importation des agents anthropopathogènes, sur lequel s'appuiera largement le programme en lien avec le projet de loi C-11, nous n'avons jamais accédé aux renseignements personnels concernant des malades ou des membres de la famille d'un employé de laboratoire.

Il ajoute que :

Bien que nous souhaitions savoir comment une personne est tombée malade, si les circonstances ont trait à la biosécurité en laboratoire, nous n'avons pas besoin de savoir qui elle est pour bien administrer un programme sur les anthropopathogènes et les toxines. Les renseignements sur la manière dont elle est tombée malade permettraient certes de modifier les Lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire, afin qu'un incident semblable ne se reproduise pas dans d'autres laboratoires; mais, encore une fois, les renseignements sur l'identité de cette personne ne seraient pas pertinents à cet égard.

Même si cela n'améliore pas le libellé du projet de loi, je dois dire que cet éclaircissement nous permet de mieux comprendre les pratiques actuelles. Nous serons heureux de discuter des balises à mettre en place, lorsque nous rencontrerons nos collègues de l'Agence de la santé publique pour discuter du contenu des règlements en matière de collecte, d'utilisation et de divulgation.

Le deuxième point pour lequel nous avons reçu une explication satisfaisante de la part de l'Agence de la santé publique concerne les visites des inspecteurs. Nous avions formulé des préoccupations au sujet de l'article 41 qui, à notre avis, offrait peu d'information sur les pouvoirs d'un inspecteur de saisir des documents, du matériel et des renseignements. Nous nous demandions si les pouvoirs pourraient s'étendre à l'examen ainsi qu'à la collecte de renseignements personnels et de renseignements médicaux sur des personnes et des malades.

Là encore, le Dr Butler-Jones nous a fourni par correspondance le contexte de l'article 41. Nous notons également que le paragraphe 41(1), qui porte sur la visite de l'inspecteur, comprend le critère des motifs raisonnables.

Nous avons également noté que Mme Elaine Gibson a fait valoir au comité que l'exigence du caractère raisonnable qui a été ajoutée à l'article 38 devrait aussi s'appliquer aux pouvoirs d'un inspecteur aux termes du paragraphe 41(2), afin que ce paragraphe soit plus clair quant aux obligations des inspecteurs. Nous estimons que cet ajout rendrait la disposition plus claire, mais nous sommes satisfaits de voir que le paragraphe 41(1) comprend un critère des motifs raisonnables qui s'applique au paragraphe 41(2).

Je vais maintenant passer à l'article 67, les arrêtés d'urgence. Nous avions aussi émis des réserves sur la question des arrêtés d'urgence dans nos deux lettres antérieures. Nous croyons que le recours à un arrêté d'urgence pour modifier les règlements dans une situation d'urgence risque de diminuer le contrôle exercé sur les renseignements personnels, et nous avons dit que l'ajout d'un critère des motifs raisonnables dans cette disposition serait souhaitable.

Le Dr Butler-Jones et ses collaborateurs ont clarifié pour nous les situations d'urgence au cours desquelles le ministre doit pouvoir agir rapidement pour prendre des mesures temporaires exceptionnelles. À la lumière de cette information supplémentaire au sujet du contexte, nous sommes d'avis que l'approche proposée dans le projet de loi est raisonnable.

Je vais maintenant aborder le dernier enjeu dont je parlais au début et qui est toujours en suspens. Nous attirons votre attention sur le paragraphe 39(2), qui dégage le ministre de l'obligation d'obtenir un engagement d'assurance de la confidentialité avant la communication de renseignements personnels, dans l'éventualité où, comme on le décrit à l'alinéa 39(1)b) : « le ministre a des motifs raisonnables de croire que la communication est nécessaire pour parer à un danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité publiques. »

Bien que nous comprenions la raison qui justifie de permettre au ministre d'agir rapidement dans des situations où l'on fait face à un danger grave et imminent, nous sommes d'avis qu'il serait souhaitable d'avoir en place un engagement écrit d'assurance de la confidentialité dans les meilleurs délais, à la suite d'une communication en vertu de l'alinéa (1)b). Il s'agit là du seul changement que nous soumettons à votre assentiment aujourd'hui.

[Français]

En conclusion, nous espérons poursuivre notre collaboration avec l'Agence de la santé publique du Canada et nous prévoyons soulever certains points quand nous prendrons part au processus de consultation au sujet de la réglementation. Par exemple, nous avions recommandé plus tôt que la durée de conservation des renseignements personnels soit définie ou au moins assujettie à des critères précis. Nous avons également suggéré que les administrateurs conservent des rapports clairs au sujet de toute communication de renseignements personnels afin que nous puissions surveiller chacune d'entre elles et connaître leurs justifications.

Nous sommes satisfaits des changements qui ont été apportés au projet de loi C-11, jusqu'à maintenant, et il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci. Permettez-moi de vous poser quelques questions avant de donner la parole à mes collègues.

Si je comprends bien, la seule question en suspens concerne le paragraphe 39(2). Vous jugez nécessaire que le ministre obtienne un engagement d'assurance de la confidentialité avant de communiquer des renseignements personnels.

Quelles pourraient être les conséquences de ne pas modifier ce paragraphe comme vous le souhaitez?

Mme Bernier : L'exception prévue au paragraphe 39(2) concerne la communication de renseignements personnels sans engagement de confidentialité. En en discutant avec des représentants de l'agence de la santé publique, nous avons mieux compris dans quelles circonstances le ministre n'aurait pas le temps d'obtenir un tel engagement de confidentialité, à savoir dans des situations de danger grave et imminent. C'est exactement ce que l'alinéa 39(1)b) prévoit. Nous reconnaissons que, dans ces circonstances très spéciales, il peut ne pas être possible et ne pas être conforme aux impératifs sanitaires d'exiger un engagement de confidentialité avant la communication des renseignements.

Cependant, nous aimerions que, dès que le danger sanitaire a été écarté, un engagement de confidentialité soit signé par l'organisation ou l'État qui a reçu les renseignements afin que ces derniers soient protégés.

Le président : Pensez-vous qu'on puisse le faire dans le contexte des règlements, ou faut-il un amendement au projet de loi?

Mme Bernier : Un amendement serait préférable. Il renforcerait le régime de protection des renseignements personnels prévu dans ce projet de loi.

Le président : Vous reconnaissez que, dans certaines circonstances, il est impossible d'obtenir un engagement de confidentialité. Si on choisit la voie de l'amendement, il faudra avoir un libellé du genre : « sauf en situation d'urgence », un engagement de confidentialité devra être obtenu au préalable ou un certain nombre de jours après. À votre avis, quel devrait être le libellé?

Mme Bernier : Nous aimerions que le paragraphe 39(2) dispose que, dans le cas d'un échange de renseignements effectué en vertu de l'alinéa 39(1)b), l'engagement de confidentialité soit signé le plus vite possible après la communication des renseignements.

Le président : Pour en revenir à ma question sur le règlement par rapport à l'amendement, vous dites que l'amendement est préférable, mais qu'on pourrait aussi procéder par voie de règlement. Est-ce bien ce que vous avez dit, ou pensez-vous qu'un règlement ait moins de poids?

Mme Bernier : Nous préférerions un amendement au projet de loi.

Le sénateur Segal : J'aimerais tout d'abord féliciter le Commissariat à la protection de la vie privée et les fonctionnaires ici présents d'avoir réussi, par tous ces échanges de lettres avec l'agence de la santé publique, à régler pas mal de questions. Il est très important pour notre comité de savoir que le Commissariat à la protection de la vie privée est satisfait de l'orientation générale du projet de loi.

J'aimerais parler de l'incidence de ce projet de loi sur la protection de la vie privée.

Pour ce qui est des consultations sur le dispositif réglementaire, êtes-vous un passage obligé? Autrement dit, l'agence est-elle obligée de vous consulter? Je sais que le responsable de l'agence est tout à fait d'accord pour vous consulter au sujet du dispositif réglementaire qui sera mis en place. J'aimerais toutefois savoir si le Commissariat doit obligatoirement être consulté au cours de ce processus législatif.

Mme Bernier : Non, personne n'est obligé de nous consulter, mais nous aimerions justement que l'on modifie la Loi sur la protection de la vie privée pour rendre obligatoire une évaluation de l'impact sur la vie privée. Pour l'instant, cela n'est pas obligatoire.

Le sénateur Segal : Parlons maintenant de l'instrument qui sera choisi. Je comprends pourquoi vous préférez la voie de l'amendement. Toutefois, si le gouvernement, dans sa sagesse, décidait, après les consultations, de prendre un règlement indiquant que tous les règlements doivent être interprétés dans le contexte global de la Loi sur la protection de la vie privée, et que l'évaluation de l'incidence sur la vie privée était incluse sous forme d'annexe à ce projet de loi, seriez-vous satisfaite d'avoir obtenu au moins un règlement sur la question et d'avoir en fait obtenu le maximum, vu que le gouvernement veut faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible afin d'être en mesure de parer à un désastre apparemment imminent?

Mme Bernier : Ce serait certainement plus solide. Cela dit, la Loi sur la protection de la vie privée s'applique à l'Agence de la santé publique du Canada. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la LPRPDE impose des obligations dans ce domaine au secteur privé.

Vous avez raison, c'est ce que nous souhaitons, car cela renforcerait notre rôle.

Le sénateur Segal : Prenons une situation hypothétique, vraiment très hypothétique car je n'aurais certainement jamais eu le talent pour ça. Supposons quand même que je sois un étudiant en biochimie et que je travaille dans un laboratoire. C'est vrai, je le reconnais, il faut avoir beaucoup d'imagination.

Je travaille dans le laboratoire et je suis au courant de toutes les dispositions de ce projet de loi, y compris leurs répercussions sur la protection de la vie privée. D'un autre côté, je tiens à ce que mon superviseur soit content de moi étant donné que je prépare une maîtrise ou un doctorat. Cela dit, en manipulant des agents pathogènes, je commets accidentellement une erreur.

Selon vous, ai-je droit à la protection de ma vie privée en tant qu'étudiant, ou bien vais-je être voué aux gémonies parce qu'un bureaucrate a décidé que les erreurs ne pouvaient plus être tolérées à cause des risques qu'elles comportent?

Mme Bernier : Chacun a droit à la protection de sa vie privée. C'est là le point de départ. Supposons que votre employeur soit un laboratoire du secteur public. Cette organisation est assujettie à la Loi sur la protection de la vie privée, y compris dans la façon dont elle traite ce problème de rendement. Si elle porte atteinte à vos droits, vous pouvez déposer une plainte à notre commissariat et nous prendrons une décision.

Le sénateur Segal : Je me réjouis par ailleurs que les préoccupations dont vous aviez fait part au comité aient pu se régler entre vous et l'agence de la santé publique. C'est très constructif.

Le président : Vous devriez présenter ce scénario hypothétique au ministre, lorsqu'il comparaîtra.

Le sénateur Segal : Je crois que si je vais trop loin, il y aura des risques.

Le sénateur Cordy : J'aimerais moi aussi vous remercier car j'avais un certain nombre de questions à vous poser au sujet de la Loi sur la protection de la vie privée, et de votre rôle d'observateur vigilant dans le cadre de ce projet de loi, mais vous avez déjà répondu à un grand nombre de questions dans votre déclaration liminaire.

Permettez-moi de revenir sur l'un des points que je ne suis pas sûre d'avoir compris. Le critère des motifs raisonnables qui s'applique aux inspecteurs, au paragraphe 41(2), est, d'après vous, adéquatement établi au paragraphe 39(2). Mais je ne vois pas la correspondance entre les deux.

Mme Bernier : J'estime qu'il est adéquatement établi au paragraphe 41(1), qui porte que :

Sous réserve de l'article 42, l'inspecteur peut, pour vérifier le respect de la présente loi ou des règlements ou pour en prévenir le non-respect, à toute heure convenable, procéder à la visite de tout lieu ou véhicule s'il a des motifs raisonnables de croire [...]

Le sénateur Cordy : Vous pensez que c'est suffisant?

Mme Bernier : Nous estimons que « motifs raisonnables » s'applique au paragraphe 41(2), car ce paragraphe décrit à notre avis les activités prévues au paragraphe 41(1).

Le sénateur Cordy : Vous pensez donc que le libellé est satisfaisant et que l'inspecteur devra avoir des motifs raisonnables pour faire une inspection, n'est-ce pas?

Mme Bernier : C'est l'interprétation juridique que nous donnons à cette disposition.

Le sénateur Cordy : Je voudrais revenir sur un point que vous avez abordé tout à l'heure. Plusieurs témoins nous ont dit craindre que l'article 39, qui porte sur la communication de renseignements par le ministre, inclue la propriété intellectuelle et les renseignements exclusifs — par exemple, une demande de brevet — et que quelqu'un ne puisse obtenir ces renseignements en invoquant la Loi sur l'accès à l'information. C'est ce que plusieurs témoins nous ont dit.

Pour résoudre ce problème, quelqu'un m'a proposé, dans une lettre qui m'est parvenue par l'intermédiaire du greffier, d'ajouter le mot « sanitaires » à l'alinéa 39(1)c), ce qui donnerait : «[...] la communication est nécessaire pour permettre au Canada d'honorer ses obligations sanitaires internationales. » De cette façon, le gouvernement pourrait s'acquitter de ses obligations internationales en cas d'épidémie, de grippe ou autre crise survenant au Canada, et pourrait donc communiquer ces renseignements. Cela protégerait également la communication de renseignements relativement à la propriété intellectuelle que quelqu'un pourrait détenir dans un laboratoire.

Pensez-vous qu'il soit nécessaire d'ajouter le mot « sanitaires »? Les gens seraient-ils moins réticents si leurs renseignements personnels étaient ainsi protégés?

Mme Bernier : Si le comité décidait de faire ça, monsieur le président, la portée de l'alinéa 39(1)c) s'en trouverait limitée. Nous n'avons pas pris position là-dessus car nous ne pensons pas que cela soit nécessaire. Quoi qu'il en soit, il faudrait en discuter avec l'Agence de la santé publique du Canada pour s'assurer que l'objectif recherché à l'alinéa 39(1)c) ne s'en trouve pas compromis. Nous ne demandons pas l'ajout de ce terme. Bien évidemment, un tel amendement aurait pour résultat de circonscrire la portée de l'alinéa et, partant, la gamme de renseignements personnels qui pourraient être communiqués. C'est sans doute possible.

Le sénateur Cordy : Le mieux serait d'en parler aux responsables de la santé publique.

Mme Bernier : C'est ce que je vous recommanderais, car il s'agit d'une question de politique.

[Français]

Le sénateur Eaton : Merci d'être ici pour nous aider à clarifier quelques points.

[Traduction]

À propos de l'alinéa 39(1)c) et de l'engagement de confidentialité, vous avez dit que vous aimeriez que le projet de loi soit modifié, ce qui le renverrait à la Chambre des communes. Une recommandation ou une observation vous suffirait- elle? Est-ce très important pour vous?

Mme Bernier : J'ai pris soin de dire dans ma déclaration que nous nous en remettons au comité. À mon avis, nos préoccupations ne justifient pas nécessairement un amendement au projet de loi.

J'ai dit que ce serait préférable, car cela renforcerait le dispositif législatif. Je pense que cela résume bien notre position.

Le sénateur Keon : Madame Bernier, permettez-moi de vous féliciter. Je pense avoir lu toutes les lettres que le Commissariat à la protection de la vie privée a échangées avec l'Agence de la santé publique du Canada, et je vous félicite vivement de la façon dont vous avez collaboré.

Je vais vous poser une question difficile : j'ai siégé à deux des trois grands comités qui ont été créés dans le sillage du SRAS et qui ont abouti à la création de l'Agence de la santé publique du Canada. À l'époque, nous savions que les Canadiens étaient exposés à des risques considérables parce que nous n'avions pas de base de données sur les anthropopathogènes au Canada. L'agence de la santé publique a été chargée de remédier à cela dès sa création, et elle a déployé beaucoup d'efforts dans ce sens, mais les progrès sont très lents. Nous affrontons une pandémie au Canada, et nous ne savons pas jusqu'où cela va aller. L'Organisation mondiale de la santé prévoit une pandémie mondiale l'automne prochain. Il ne faudrait pas qu'en plus de ça, nous ayons un cas de rejet d'autres agents pathogènes.

Il est absolument urgent que ce projet de loi soit adopté et que la banque de données puisse être constituée. Je vais demander à la ministre tout à l'heure d'accélérer le processus d'élaboration des règlements car, à mon avis, cinq ans c'est beaucoup trop long, compte tenu des risques auxquels les Canadiens et les habitants de la planète sont exposés, puisque les pathogènes ne connaissent pas de frontières.

Je suis convaincu que nous devrions accepter ce projet de loi avec des observations, notamment votre réserve à l'égard du paragraphe 39(2). Il ne faut pas attendre l'automne pour le faire car nous ne savons pas quand nous en serons saisis à nouveau, et nous risquons de ne pas avoir de banques de données pendant encore un an.

Dites-moi si vous êtes d'accord avec mon raisonnement. J'ai examiné minutieusement le projet de loi et les dépositions des témoins. Il faut agir, c'est urgent. Notre pays est lent à réagir.

Étant donné les circonstances, ne pensez-vous pas que nous devrions formuler une observation très ferme et examiner attentivement les règlements lorsque nous en serons saisis? Est-il justifié de retarder l'adoption du projet de loi?

Le président : Permettez-moi d'intervenir. Ce que vous dites, sénateur Keon, est tout à fait acceptable. Par contre, je ne sais pas si vous devriez en faire une question. C'est à nous de déterminer ce qu'il adviendra de ce projet de loi, s'il est prêt à être adopté tel quel ou s'il devrait être amendé, auquel cas son adoption pourrait être retardée jusqu'à l'automne. Je ne pense pas que vous puissiez poser ce genre de questions à des fonctionnaires. Quoi qu'il en soit, Mme Bernier a dit qu'elle préférait que tout soit réglé, mais qu'elle était prête à accepter la décision qui serait prise. Ma question et celle du sénateur Eaton ont obtenu une réponse tout à fait acceptable, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de poursuivre sur ce sujet.

Mme Bernier : J'aimerais rassurer le sénateur Keon en lui disant que la Loi sur la protection de la vie privée ne va pas à l'encontre de l'intérêt public. En fait, la Loi sur la protection de la vie privée prévoit expressément la communication de renseignements personnels si l'intérêt public le justifie. Par conséquent, il sera toujours possible de prendre les mesures nécessaires dans les circonstances que vous envisagez.

Le président : Je pense que la question est réglée, sénateur Keon. Avez-vous autre chose?

Le sénateur Dyck : Madame Bernier, votre déclaration a été très claire : vous vous dites satisfaite de l'ensemble des dispositions actuelles du projet de loi.

J'aimerais vous poser une question au sujet des renseignements exclusifs. Supposons que je travaille dans un laboratoire sur une substance qui présente un potentiel énorme pour le traitement d'une maladie; un accident se produit dans mon laboratoire, et l'inspecteur qui se présente saisit et copie tous les documents. Dans quelle mesure la propriété intellectuelle est-elle protégée? Devons-nous trouver un juste milieu entre la protection à laquelle j'ai droit en tant que chercheur et la protection de la santé des Canadiens dans leur ensemble? Pensez-vous que le projet de loi soit ce juste milieu?

Mme Bernier : La Loi sur la protection de la vie privée s'applique aux renseignements personnels, c'est-à-dire à une personne dont on connaît l'identité. C'est là la portée de la Loi sur la protection de la vie privée. C'est au cas par cas, et je ne suis pas sûre que la loi s'appliquerait au scénario que vous envisagez.

Le sénateur Dyck : Est-ce que ça relèverait des lois sur le droit d'auteur ou sur les brevets, par exemple?

Mme Bernier : Sans doute.

Le sénateur Dyck : Est-ce que ces lois comportent des clauses sur la protection de la vie privée?

Mme Bernier : Par exemple, oui.

Le président : Permettez-moi de vous poser une question avant de rendre la parole à mes collègues.

Le Dr Butler-Jones nous a donné beaucoup d'informations sur le processus de consultation qui a été mené pendant un certain nombre d'années. D'aucuns prétendent qu'il s'agissait davantage de séances d'information, avec des questions et réponses, que de séances de consultation. Comment qualifiez-vous les consultations que vous avez eues et que vous continuez d'avoir? Nous allons peut-être rédiger une recommandation sur la façon dont ces consultations sont organisées. Qu'en pensez-vous, notamment en ce qui concerne les questions relatives à la protection de la vie privée?

Mme Bernier : Notre expérience a été positive et constructive. Les représentants de l'agence de la santé publique ont été très ouverts, prêts à partager les informations dont ils disposaient et très précis dans les séances d'information, pour reprendre votre expression, qu'ils nous ont données. Cela dit, ils ont aussi su écouter nos préoccupations, et c'est de cette façon que nous avons réussi à concilier nos points de vue. Chaque fois que nous leur avons fait part d'un problème, ils nous ont donné une réponse qui nous a satisfaits. Manifestement, ils s'étaient bien préparés, non seulement sur le plan scientifique mais aussi sur le plan de la protection de la vie privée. Même si nous abordions des questions auxquelles ils n'avaient pas pensé, ils étaient prêts à les prendre en considération. Chaque fois, comme je vous l'ai dit, ils nous ont proposé une solution satisfaisante.

Le président : Pouvez-vous nous expliquer comment on fait une évaluation de l'impact sur la vie privée? Est-ce la même chose que pour une évaluation environnementale d'un projet ou s'agit-il plutôt d'une liste de contrôle qu'on passe en revue dans chaque cas?

Mme Bernier : C'est un peu les deux au sens où l'évaluation de l'impact sur la vie privée est dictée par les dispositions de la législation canadienne en matière de protection du droit à la vie privée. Cette évaluation est faite par le ministère qui envisage de mettre en place un programme. Ce ministère nous fournit par exemple l'évaluation d'un projet pilote. Nous en discutons avec lui et lui faisons des recommandations jusqu'à ce que tous les problèmes anticipés pour cette activité soient résolus. Au bout du compte, nous nous mettons d'accord ou pas sur son évaluation de l'impact sur la protection de la vie privée.

Le président : Êtes-vous satisfaits des réponses de l'agence de la santé publique et de sa volonté de collaborer avec vous dans tout ce processus?

Mme Bernier : Oui.

Le président : Parfait.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie de comparaître ce soir. Je sais que vous en avez déjà parlé, mais je veux être sûre d'avoir bien compris. Bon nombre de témoins nous ont dit que le ministre jouissait de vastes pouvoirs quant à la communication de renseignements. Vous qui avez examiné de près le projet de loi, pensez-vous qu'il devrait être une source d'inquiétude pour les chercheurs?

Mme Bernier : De quel problème parlez-vous?

Le sénateur Callbeck : Je parle de la communication de renseignements.

Mme Bernier : C'est exactement sous cet angle-là que nous avons examiné le projet de loi. Comme je l'ai dit, nos inquiétudes ont été dissipées, mais il n'en demeure pas moins que le texte méritait un examen minutieux sous l'angle de la protection de la vie privée. Nous avons toutefois constaté que le régime prévu pour la protection des renseignements personnels était assorti d'un grand nombre de restrictions, notamment l'inclusion du critère des motifs raisonnables et la limitation des communications en cas de danger grave et imminent, et que c'était donc un régime rigoureux. Chaque fois qu'il est question de la communication de renseignements personnels, le projet de loi impose des balises précises, si l'on peut dire, afin de garantir la protection de la vie privée tout en permettant la réalisation des objectifs fixés.

Le sénateur Callbeck : Par conséquent, les chercheurs ne devraient pas s'inquiéter?

Mme Bernier : Du point de vue de la protection de la vie privée, nous sommes satisfaits des balises prévues dans ce projet de loi.

Le président : Je pense que nous avons épuisé le sujet. Croyez-le ou non, nous avons 15 minutes d'avance, à moins que vous n'ayez une dernière intervention à faire, madame Bernier. Merci.

J'aimerais maintenant accueillir chaleureusement l'honorable Leona Aglukkaq, ministre de la Santé. Elle est accompagnée de trois personnes que nous avons déjà rencontrées au sujet de ce projet de loi et à d'autres occasions.

Madame la ministre, c'est notre troisième réunion sur le projet de loi C-11. Nous avons entendu divers points de vue et, si vous avez suivi les délibérations du Comité de la santé de la Chambre des communes, vous constaterez que certains témoignages recoupent ceux que nous avons entendus lors de nos deux réunions précédentes.

Nous avons hâte de vous entendre à ce sujet, et encore plus hâte de vous poser des questions à la suite des témoignages que nous avons entendus lors de nos deux réunions précédentes. Je vais vous laisser faire votre déclaration liminaire et ensuite, nous passerons aux questions.

L'hon. Leona Aglukkaq, C.P., député, ministre de la Santé : Honorables sénateurs, je suis heureuse de vous rencontrer aujourd'hui pour aborder la question importante de la sûreté des agents pathogènes humains et des toxines.

Permettez-moi de vous présenter les fonctionnaires de l'Agence de la santé publique du Canada qui m'accompagnent aujourd'hui : le Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique; Jane Allain, avocate générale; et la Dre Theresa Tam, directrice générale, Centre des mesures et des interventions d'urgence.

Le projet de loi C-11, Loi sur les agents pathogènes humains et des toxines, a deux objectifs principaux. Le premier est d'améliorer la sécurité publique en exigeant que toute manipulation d'agents pathogènes humains et de toxines dangereux soit effectuée de façon sécuritaire. Le deuxième objectif est d'établir un nouveau régime pour les agents pathogènes humains et les toxines dangereux.

Certaines personnes ont remis en question la nécessité d'améliorer la sécurité, plus particulièrement le besoin d'inclure dans le projet de loi les agents pathogènes humains du groupe de risque 2. Honorables sénateurs, tous les agents pathogènes humains des groupes de risque 2, 3 et 4 sont dangereux. Nous voulons protéger le public et prévenir le risque qu'une personne contracte une maladie dans un laboratoire non sécuritaire et la transmette au grand public.

Certains intervenants ont affirmé qu'il n'y avait aucune chance que cela se produise, plus particulièrement avec les agents pathogènes humains du groupe de risque 2. Or, entre 1979 et 2004, il y a eu 15 décès en Amérique du Nord en raison d'infections contractées par des personnes qui travaillaient avec des agents pathogènes humains du groupe de risque 2. Au total, on a signalé 2 156 infections contractées par des personnes travaillant avec des agents pathogènes humains dans des laboratoires durant cette même période.

Bien que le risque de propagation d'une infection contractée par une personne travaillant dans un laboratoire non sécuritaire soit faible, les conséquences pourraient être graves.

Par exemple, au Canada, le SRAS existe seulement en laboratoire. Nous devons nous assurer que les pathogènes mortels restent dans leur environnement, c'est-à-dire dans les laboratoires. À l'heure actuelle, nous n'avons aucun moyen de savoir quels laboratoires sont en possession du SRAS.

Le projet de loi C-11 nous permettra de connaître les personnes qui travaillent avec les agents tels que le SRAS. Actuellement, nous n'avons pas ces renseignements parce que nous ne sommes pas tenus de signaler les infections produites par des pathogènes qui sont acquis au Canada. Le projet de loi nous permettra de garantir que ces personnes respectent les lignes directrices en matière de biosécurité et que leur travail est fait en toute sécurité.

Nous devons rester vigilants. Nous avons vu, dans le cas du H1N1, la rapidité avec laquelle ces infections peuvent se propager. Ce que nous demandons est raisonnable. En somme, nous voulons exiger que tous les employés suivent les mêmes lignes directrices de base en matière de biosécurité lorsqu'ils travaillent avec des agents pathogènes humains et des toxines.

Nous devons également tenir compte des risques à la sécurité. Actuellement, à l'extérieur du gouvernement fédéral, on n'exige pas d'habilitation de sécurité pour les personnes qui ont accès aux agents pathogènes humains et aux toxines les plus dangereux. Le projet de loi C-11 comble cette lacune et comprend des exigences de sécurité raisonnables. Le projet de loi exige que les installations qui détiennent un permis tiennent une liste des personnes autorisées à y avoir accès.

Le projet de loi nous permettra également de savoir qui est en possession d'agents pathogènes humains et de toxines dangereux au Canada, et l'endroit où ils sont conservés. Le projet de loi exige également une habilitation de sécurité pour les personnes qui ont accès aux agents pathogènes humains et aux toxines les plus dangereux du groupe de risque 3 ainsi qu'à tous les agents pathogènes humains et à certaines toxines du groupe de risque 4.

Une habilitation de sécurité est une exigence normale dans notre société lorsqu'il y a un risque pour la sécurité et la santé du public. Par exemple, on exige depuis longtemps une habilitation de sécurité pour les personnes qui travaillent dans les aéroports du Canada et au gouvernement fédéral.

Le risque pour la sécurité auquel nous exposent les agents pathogènes humains et les toxines est suffisamment grave pour justifier des mesures similaires.

Nous avons besoin de ce projet de loi car il prévoit une gamme d'interdictions importantes et comprend l'exigence fondamentale de prendre des précautions raisonnables lorsqu'on manipule des agents pathogènes humains et des toxines.

Veuillez noter toutefois que tous les aspects de notre démarche pour aborder la question des risques pour la sécurité que présentent les agents pathogènes humains et des toxines ont été des plus transparents. Nous avons demandé les commentaires des provinces, des territoires et des intervenants au sujet du projet de loi C-11. Nous avons organisé des séances d'information partout au Canada, à l'intention de centaines d'intervenants du milieu universitaire, du secteur privé et des gouvernements provinciaux et territoriaux. Nous avons fait des comptes rendus réguliers par courriel, au sujet de la législation, à des milliers d'intervenants. Nous avons demandé l'avis de la commissaire à la protection de la vie privée pour nous aider à tenir compte des enjeux concernant la protection des renseignements personnels pendant l'élaboration des règlements et l'évaluation de l'impact sur la protection de la vie privée.

S'inspirant des commentaires des intervenants, le gouvernement a présenté dix amendements importants au projet de loi C-11, après avoir écouté les témoins au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Par exemple, on nous a suggéré de ne pas exiger une habilitation de sécurité pour les personnes qui manipulent des agents pathogènes humains du groupe de risque 2. Nous avons accepté cela et proposé un amendement qui élimine cette exigence pour les personnes qui manipulent ces agents pathogènes humains et ces toxines en particulier.

Des intervenants nous ont demandé de traiter les installations qui possèdent des agents pathogènes humains du groupe de risque 2 moins sévèrement que les installations qui possèdent des agents pathogènes humains ou des toxines des groupes de risque 3 ou 4. Nous avons accepté cela et proposé un amendement qui devrait faire en sorte que les choses se déroulent ainsi.

Des intervenants ont aussi demandé que l'on crée des comités consultatifs pour les annexes du projet de loi. Nous avons accepté cela et appuyé un amendement de l'opposition pour exiger la création de ces comités consultatifs.

Certains se sont dits inquiets du recours au droit pénal et ont proposé de réduire les sanctions pour les infractions impliquant des agents pathogènes humains du groupe de risque 2. Nous avons accepté cela et proposé un amendement pour réduire les sanctions reliées à ces agents pathogènes humains.

La commissaire à la protection de la vie privée a écrit au Comité de la santé et a fait plusieurs recommandations, reliées plus particulièrement aux articles 38 et 39. Nous avons rencontré la commissaire à la protection de la vie privée et avons proposé par la suite des amendements qui répondent à ses principales recommandations. Nous voulons poursuivre notre travail avec la commissaire à la protection de la vie privée afin de recenser les enjeux concernant la protection des renseignements personnels dont nous devrons tenir compte quand nous procéderons à des consultations sur la réglementation.

Finalement, toutes les personnes que nous avons rencontrées nous ont indiqué qu'elles voulaient participer très activement à l'élaboration des règlements. À la lumière de ces faits, nous avons accepté les amendements de l'opposition qui exigent que les règlements soient déposés devant le Parlement. Cet amendement permettra aux parlementaires de se poser des questions au sujet des consultations sur la réglementation et de s'assurer que les provinces, les territoires et les personnes intéressées y participent.

Nous croyons que ces amendements renforcent le projet de loi et répondent aux préoccupations de la vaste majorité des intervenants.

L'Agence de la santé publique du Canada s'engage à faire participer les provinces, les territoires et une grande variété d'intervenants à l'élaboration des règlements. Nous reconnaissons l'importance de trouver un juste milieu entre la sécurité biologique et la biosécurité, d'une part, et les sciences et la recherche, d'autre part. Nous reconnaissons également que certains intervenants auront besoin de temps pour s'ajuster à ces nouvelles exigences et, dans cette optique, nous veillerons à ce que le dispositif réglementaire soit assorti d'un calendrier raisonnable.

Honorables sénateurs, il existe un consensus très large quant au bien-fondé de ce projet de loi important. J'ai expliqué clairement pourquoi il nous faut rapidement l'adopter. Nous avons l'occasion d'améliorer les aspects de la biosûreté et de la biosécurité au Canada en tablant sur les lignes directrices en vigueur et sur le programme d'importation existant. Il est également important d'adopter ce projet de loi pour mieux protéger la santé et la sécurité des Canadiens.

Je vous demande d'appuyer l'adoption du projet de loi afin que nous puissions protéger et promouvoir davantage la santé et la sécurité des Canadiens.

Le président : Merci, madame la ministre. Je vais être le premier à vous poser des questions, et ensuite je laisserai la parole à mes collègues.

S'agissant des permis, vous avez dit qu'il était nécessaire que le gouvernement sache ce que ces laboratoires ont en leur possession. Je comprends cela. Toutefois, les États-Unis et le Royaume-Uni — et tout le monde sait qu'aux États- Unis, la biosécurité est un souci primordial — ces deux pays donc, n'ont pas choisi la même voie. Plutôt que d'avoir un régime de permis, ils demandent simplement aux établissements de s'inscrire auprès de l'entité fédérale appropriée.

Pourquoi avez-vous choisi un régime de permis plutôt qu'une simple inscription? La plupart des gens qui s'y opposaient estimaient que le groupe de risque 2 était assujetti à des dispositions trop strictes. Il semblerait qu'on ne retrouve le contenu de l'annexe 2 ni aux États-Unis ni au Royaume-Uni. Bon nombre d'entre eux ont demandé pourquoi on n'élargissait pas la portée des lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire plutôt que de mettre en place une nouvelle procédure d'octroi de permis.

Qu'en pensez-vous?

Mme Aglukkaq : Vous m'avez posé trois ou quatre questions en même temps. Je vais commencer et je demanderai ensuite à mes collaborateurs s'ils ont quelque chose à ajouter.

Vous avez parlé des États-Unis et du Royaume-Uni. Les États-Unis, par exemple, ont sélectionné un certain nombre d'agents pathogènes qui, selon eux, présentent les plus graves dangers à la sécurité de leurs citoyens. Dans leur loi, ils les désignent sous le nom d'» agents spécifiques » et appliquent la règle des agents spécifiques. Le contrôle des agents spécifiques y est très rigoureux.

Au Royaume-Uni, ils ont adopté en 2002 une réglementation sur le contrôle des substances dangereuses, qui est très semblable au projet de loi C-11 en ce sens qu'elle englobe les anthropopathogènes du groupe de risque 2 et qu'elle prévoit la même procédure d'octroi de permis.

À l'instar de la législation américaine, notre projet de loi porte à la fois sur la sûreté et sur la sécurité qui doivent entourer tous les anthropopathogènes des groupes de risque 2, 3 et 4, ainsi que certaines toxines. C'est principalement pour cette raison que nous avons décidé de légiférer.

Vous avez demandé pourquoi les anthropopathogènes du groupe de risque 2 étaient inclus dans le projet de loi C-11. J'ai dit tout à l'heure que, au Canada, les anthropopathogènes du groupe de risque 2 sont assujettis depuis 15 ans aux règlements relatifs à l'importation d'anthropopathogènes. Ils sont dangereux précisément parce qu'ils sont susceptibles de provoquer chez l'homme de graves maladies, parfois mortelles. La bactérie à l'origine du E. coli en est un exemple. Nous reconnaissons que les anthropopathogènes du groupe de risque 2 sont moins dangereux que ceux des groupes de risque 3 et 4. En conséquence, le dispositif réglementaire du projet de loi C-11 imposera des exigences moins rigoureuses aux laboratoires qui manipulent des anthropopathogènes du groupe de risque 2. Le projet de loi C-11 a d'ailleurs été modifié en ce sens, à la Chambre des communes.

Le président : J'ai demandé pourquoi le gouvernement avait décidé d'imposer un régime de permis plutôt qu'une simple inscription, en ajoutant que beaucoup de gens préféraient un système d'inscription, comme cela se fait aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Docteur Butler-Jones, pouvez-vous me le dire?

Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique, Agence de la santé publique du Canada : Nous avons déjà un régime de permis qui couvre à peu près la moitié des laboratoires. Nous nous sommes pratiquement contentés de l'élargir aux laboratoires qui ne sont actuellement pas réglementés parce qu'ils n'importent et n'exportent pas de produits. C'est donc un régime qu'on connaît bien. Si nous avions dû mettre en place un nouveau système, cela aurait compliqué les choses pour la moitié des laboratoires qui sont déjà assujettis à ce régime. Pour ces laboratoires, il s'agit simplement d'un élargissement du régime qu'ils connaissent déjà. Certes, ce sera nouveau pour les autres laboratoires, mais si nous avions instauré un régime complètement différent, il aurait fallu que tous les laboratoires s'y adaptent, y compris ceux qui sont déjà assujettis au régime actuel.

Le président : J'aimerais poser une question au sujet du recours au Code criminel. S'agissant d'actes de bioterrorisme délibérés, le recours au Code criminel semble tout à fait justifié, mais lorsqu'il s'agit d'un accident, l'est-il aussi? Pour les employés de laboratoire, ça va être pour eux une sorte d'épée de Damoclès, ne pensez-vous pas?

Pourquoi n'avez-vous pas prévu des sanctions pécuniaires pour ce genre de situation, plutôt que des sanctions pénales? Le projet de loi C-6, par exemple, La Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, prévoit des sanctions pécuniaires. Il y a des parallèles. Pourquoi ne pas avoir prévu ce genre de sanctions dans le cas d'accidents?

Dre Theresa Tam, directrice générale, Centre des mesures et des interventions d'urgence, Agence de la santé publique du Canada : Nous avons envisagé toutes sortes de sanctions lors de l'élaboration de ce projet de loi. Nous avons écarté les sanctions pécuniaires parce qu'il n'y en a jamais eu dans les règlements actuels sur l'importation d'anthropopathogènes. Comme l'a dit le Dr Butler-Jones, nous voulions avoir un régime assez semblable au régime actuel, qui est en place depuis de nombreuses années.

Nous avons l'intention de faire observer la réglementation en instaurant un dialogue avec les laboratoires, dans le but d'identifier des pratiques exemplaires. En cas d'incident, le laboratoire reçoit un avertissement et, s'il y a lieu, son permis est suspendu. Les sanctions pénales sont un dernier recours.

C'est ainsi que nous voyons les choses. Les amendes et sanctions pécuniaires ne font vraiment pas partie du régime que nous administrons actuellement. Nous avons pensé qu'il n'était pas raisonnable de déduire régulièrement les coûts des laboratoires. Nous voulons plutôt que ces laboratoires mettent en place un système de gestion des risques en permanence. Le Code criminel va jouer un rôle dissuasif et être un instrument de dernier recours.

Dr Butler-Jones : Permettez-moi d'ajouter que cela fait 15 ans que nous avons la possibilité de recourir à des sanctions pénales dans ce domaine. C'est vraiment un dernier recours. Ceux que cela inquiète n'ont qu'à aller voir ce qui s'est passé dans les laboratoires qui sont assujettis à notre réglementation depuis 15 ans.

Le président : Qui détermine que c'est un dernier recours? Autrement dit, qui décide qu'on va avoir recours à des sanctions pénales?

Jane Allain, avocate générale, Santé Canada : Il faut bien comprendre que ce projet de loi participe du pouvoir du gouvernement fédéral d'imposer des sanctions pénales. Le régime que nous avons prévu satisfait aux critères établis par la Cour suprême du Canada, à savoir que l'interdiction doit être accompagnée d'une sanction et qu'elle doit être justifiée sur le plan pénal, y compris dans le domaine de la santé et de la sécurité du public. Toute une série d'interdictions et de sanctions peuvent être décidées, mais elles doivent être accompagnées d'un régime réglementaire assorti à l'exercice de cette fonction. Nous instaurerons des mécanismes de mise en conformité afin de nous assurer que ceux qui reçoivent un permis respectent bien les lignes directrices en matière de biosécurité; le pouvoir d'inspection, les avertissements, l'envoi de lettres et le respect des normes sont les différents mécanismes par lesquels nous nous assurerons que la loi est bien respectée. Certes, la loi participe du pouvoir du gouvernement fédéral d'imposer des sanctions pénales, mais ce projet de loi n'est pas un texte pénal au sens où l'on déclare : tu ne voleras pas, et si tu voles, tu seras puni. L'objectif est de s'assurer de la conformité des laboratoires avec le dispositif réglementaire qui sera mis en place.

En dernière analyse, c'est le procureur qui décidera, et comme l'a dit le Dr Butler-Jones, aucune poursuite n'a jamais été intentée en vertu des règlements sur l'importation d'anthropopathogènes.

Dr Butler-Jones : En l'occurrence, c'est l'administrateur en chef de la santé publique qui demandera au procureur d'intervenir. C'est ce que prévoient toutes les lois en vigueur au Canada en matière de santé publique. C'est un pouvoir qui est rarement invoqué, toujours en dernier recours, lorsqu'il n'y a plus d'autre moyen d'assurer la conformité avec la loi. Nous avons une longue expérience de cela.

Le sénateur Segal : Le dernier témoin nous a dit que les gens allaient être surveillés. Qui va surveiller qui? Comment cette surveillance va-t-elle s'exercer, et en vertu de quel pouvoir?

Mme Allain : Les laboratoires seront obligés d'avoir un permis et, pour avoir ce permis, ils devront répondre à certaines conditions. Par ce mécanisme, l'agence de la santé publique les surveillera afin de s'assurer qu'ils observent bien ces conditions.

Le sénateur Segal : Vous allez donc surveiller leur conformité?

Mme Allain : Oui.

Le sénateur Segal : Vous ne parlez pas des individus?

Mme Allain : Non.

Le sénateur Keon : Madame la ministre, ce n'est pas un bon moment pour être ministre, avec cette pandémie au Canada et celle qu'on prévoit au niveau mondial pour l'automne.

J'ai suivi attentivement l'évolution de ce projet de loi, et je suis tout à fait à l'aise avec son contenu. J'ai donc bien l'intention de l'appuyer. Par contre, nous allons sans doute avoir besoin de quelques explications pour dissiper les craintes de certaines personnes qui ont témoigné devant notre comité.

Ma préoccupation principale, pour le moment, est que, pour l'élaboration des règlements, vous devenez extrêmement démocratiques, vu que les règlements devront être approuvés par les deux Chambres du Parlement. Cela risque de donner lieu à d'intenses pressions, et tout va dépendre de ce qui se passera au cours des prochaines années. Espérons qu'il n'arrivera rien de grave, mais c'est quand même une possibilité.

Pensez-vous qu'on pourrait accélérer l'élaboration des règlements sans compromettre le processus démocratique qui est prévu dans le projet de loi?

Mme Aglukkaq : Nous avons l'intention de nous atteler à la tâche sans tarder. Nous nous sommes engagés à consulter un certain nombre de parties prenantes, et nous allons le faire le plus rapidement possible. Nous voulons rassurer ceux qui avaient des doutes quant au processus d'élaboration des règlements.

Nous allons donc agir rapidement. Il le faut. Face à des crises comme le H1N1 ou le SRAS, nous devons absolument avoir des normes en place qui nous permettent de gérer et de localiser les agents pathogènes dangereux. Nous allons commencer à travailler avec les organisations le plus rapidement possible.

Le sénateur Keon : En discutant avec le Dr David Butler-Jones, qui est un vieil ami, j'ai appris que ce processus pourrait prendre jusqu'à cinq ans. Je crains donc que le processus démocratique retarde tellement les choses que les règlements ne seront pas en place quand nous en aurons besoin.

Mme Aglukkaq : Cela fait deux ans et demi que nous poursuivons des consultations sur ce projet de loi. Je reconnais que c'est très lent. Plusieurs parties prenantes nous ont dit qu'elles voulaient participer à l'élaboration des règlements. Il faut savoir faire des compromis quand on veut faire adopter un projet de loi. Personnellement, je préférerais, au nom de la santé et de la sécurité des Canadiens, que tout cela aille plus vite. Encore une fois, il faut trouver un juste milieu.

On essaie de dégager un consensus pour faire adopter un projet de loi, mais au final, c'est la santé et la sécurité des Canadiens qu'on cherche à protéger avant tout. C'est la position que nous avons toujours défendue. Votre comité voudra peut-être accélérer le processus et faire une recommandation dans ce sens. Je serais d'accord avec ça.

Dr Butler-Jones : Nous voulons bien entendu consacrer tout le temps qu'il faut aux consultations et à l'élaboration des règlements, mais il ne faut pas oublier, et c'est rassurant, que dès que le projet de loi sera adopté, s'il l'est, les laboratoires seront alors obligés de faire des rapports. Nous aurons donc un contact avec eux, et même s'ils ne seront pas juridiquement tenus à ce moment-là de respecter toutes les normes, étant donné que les règlements ne seront pas encore en vigueur, nous pourrons quand même les aider à s'adapter plus rapidement à ces nouveaux règlements. Nous espérons en fait que, lorsque les règlements entreront en vigueur, la plupart des laboratoires en respecteront déjà les normes.

Donc, dès que le projet de loi sera adopté, nous aurons la liste de tous les laboratoires, ce qui nous permettra de les contacter et d'engager un processus de consultation dans le but, je l'espère, de régler le problème.

De plus, les interdictions qui sont prévues dans le projet de loi nous permettront, au cas où certains laboratoires soient récalcitrants, d'invoquer des recours juridiques. Nous aurons donc le pouvoir de les contacter directement.

Le sénateur Cordy : Merci, madame la ministre, de comparaître devant notre comité aujourd'hui.

J'avais certaines inquiétudes en ce qui concerne le pouvoir des inspecteurs de procéder à des fouilles et à des saisies, mais les représentants du Commissariat à la protection de la vie privée les ont dissipées.

En effet, l'alinéa 46(3)a) porte que, en cas de saisie par un inspecteur, le propriétaire de la chose saisie peut demander à un juge provincial qu'elle lui soit restituée, et le juge peut ordonner qu'elle lui soit restituée. Toutefois, toujours à ce même alinéa, il est question d'un délai de 180 jours suivant la date de la saisie, et cela me préoccupe.

Il me semble que six mois, c'est long pour se faire restituer des choses saisies, surtout quand il s'agit de documents et de matériel appartenant à des chercheurs. Six mois, c'est long.

Mme Allain : Les pouvoirs que ce projet de loi confère aux inspecteurs sont semblables à ceux qui sont prévus dans d'autres lois relatives à la santé, comme la Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur les produits dangereux.

Il faut qu'il y ait une certaine uniformité entre les lois fédérales, et ces procédures sont assez standards. Le mécanisme prévoit qu'une chose peut être saisie et que le propriétaire a le droit de contester la saisie devant un tribunal, lequel peut décider de lui restituer son bien s'il estime qu'elle n'est pas justifiée.

Ce sont des clauses standards qui existent dans toutes les lois.

Le sénateur Cordy : Je comprends, et je suis d'accord avec vous. Il est évident que, dans certains cas, l'inspecteur doit pouvoir procéder à une saisie, et que dans d'autres, le propriétaire doit avoir le droit de s'adresser à un tribunal. Ce que je trouve inhabituel, c'est ce délai de 180 jours. Quand on travaille dans un laboratoire, six mois, c'est très long.

Dr Butler-Jones : C'est uniquement dans le cas où un laboratoire ne se conformerait pas aux règles établies. Il ne faut pas qu'il puisse poursuivre sa recherche s'il ne respecte pas les normes de biosécurité et s'il ne gère pas son matériel de façon appropriée; sinon, vous ne faites que restituer du matériel dangereux à un laboratoire dangereux.

Bien sûr, si le laboratoire corrige la situation, la chose saisie lui sera restituée. Cela n'a jamais été un problème dans nos 15 années d'expérience. Nous avons toujours réussi à collaborer avec le laboratoire, avec les chercheurs et les autres employés, et ces derniers ont toujours fait preuve de bonne volonté. Dans le cas contraire, si le laboratoire n'est pas prêt à respecter des normes élémentaires de sécurité, je ne pense pas qu'il devrait avoir ce genre de matériel en sa possession.

Le sénateur Cordy : Je suppose que le juge provincial sera du même avis que vous.

Dr Butler-Jones : Certainement.

Le sénateur Cordy : Le juge provincial, dans ce cas-là, ne décidera pas de restituer la chose saisie au laboratoire, donc le délai n'a pas importance.

Dr Butler-Jones : C'est vrai, mais c'est un délai standard, comme l'a dit Mme Allain. Cela figurera dans la demande. Heureusement, nous avons ces 15 années d'expérience qui montrent bien que nous n'agissons pas de façon capricieuse ou arbitraire.

Mme Allain : J'aimerais également ajouter que, en vertu de l'article 45, l'inspecteur doit donner mainlevée de la saisie s'il est convaincu que les dispositions de la loi et les règlements applicables à la chose saisie ont été respectés.

Le sénateur Dyck : Bonsoir, madame la ministre. J'aimerais poser une question au sujet des anthropopathogènes et des toxines du groupe de risque 2. Des témoins nous ont dit que cette catégorie de produits devrait être retirée de la loi, car les laboratoires qui les manipulent respectent déjà les lignes directrices en matière de biosécurité. Cela me ramène à la question de savoir pourquoi on a jugé nécessaire d'imposer un système de permis plutôt qu'une simple inscription.

Dr Butler-Jones : Encore une fois, c'est par souci d'uniformité avec le régime qui est déjà en place et qui fonctionne bien. Les laboratoires qui y sont assujettis ne semblent pas avoir de problème avec ça.

Le sénateur Dyck : Des témoins nous ont dit que le projet de loi C-11 alourdira le fardeau administratif. Ils nous ont montré des documents en nous disant qu'ils devaient déjà remplir des formulaires pour demander une subvention et qu'il leur faudrait maintenant en remplir d'autres.

Dr Butler-Jones : Les consultations vont justement nous servir à déterminer de quelle façon on peut rendre les choses les plus simples possibles. Si vous posez la question à des laboratoires qui respectent déjà les lignes directrices, ils vous diront que les formalités administratives sont minimes et que ce sont des pratiques standards.

Nous allons également collaborer avec les provinces. Celles qui ont déjà mis en place un système d'inspection ne visent pas les mêmes pratiques que nous, mais nous pourrons peut-être conjuguer nos efforts pour qu'il n'y ait qu'un seul processus administratif plutôt que deux. Nous allons voir, au cours de nos discussions et de nos négociations, comment ça va marcher dans la réalité, mais notre objectif est de limiter les formalités administratives.

Le sénateur Dyck : J'en conclus donc que vous avez l'intention d'entreprendre des consultations très détaillées auprès des ministres provinciaux de la Santé et auprès de ceux qui dirigent les laboratoires de recherche et les laboratoires d'hôpitaux.

Mme Aglukkaq : En effet. Nous avons également l'intention de collaborer avec les laboratoires pour la mise en œuvre progressive du nouveau régime, notamment pour nous assurer qu'ils le comprennent bien. C'est dans notre intérêt, et nous avons l'intention de procéder à une mise en œuvre progressive afin de faciliter l'adaptation des différentes organisations touchées.

Le président : J'aimerais poser une question supplémentaire au sujet des consultations. Le Dr Butler-Jones nous a remis un bilan impressionnant des consultations qui ont été effectuées à une certaine époque, mais plusieurs personnes nous ont dit — et je ne cherche pas à défendre leur cause, je vous répète simplement ce qu'elles nous ont dit — que ces consultations avaient surtout été des séances d'information, avec questions et réponses, plutôt que des consultations réelles.

Quand vous dites que vous allez entreprendre des consultations approfondies, je suppose que vous allez écouter ce que les gens auront à vous dire, qu'il va y avoir un dialogue et que ces consultations ne seront pas des séances d'information.

Dr Butler-Jones : Absolument. En fait, nous avons fait une première série de consultations intensives dans le sillage de la première présentation du projet de loi. Nous avons ensuite intégré dans le nouveau projet de loi les commentaires qui nous avaient alors été faits afin, notamment, que certaines dispositions soient moins restrictives et moins spécifiques. Ensuite, lorsque nous avons entrepris une deuxième série de consultations, nous pensions avoir réglé ce problème, mais à notre grande surprise, des gens nous ont demandé d'avoir des dispositions plus strictes, alors qu'au cours des consultations précédentes, ils nous avaient demandé le contraire.

Une fois que le projet de loi sera adopté, nous serons mieux en mesure d'engager un véritable dialogue sur ces questions-là. Pour les consultations passées, nous n'avions pas beaucoup de temps, mais maintenant, nous allons prendre le temps qu'il faut pour consulter toutes les personnes intéressées, notamment nos collègues provinciaux et territoriaux, sans oublier les laboratoires, les universités et d'autres parties prenantes.

[Français]

Le sénateur Pépin : Lors de son témoignage, Mme Gibson a fait remarquer qu'elle entretenait de sérieuses inquiétudes vis-à-vis le projet de loi C-11 même s'il a été amendé depuis le mois de février 2009. Elle a résumé ses préoccupations en trois mots : lourdeur, coût et criminalisation.

Je me demandais si vous pouviez émettre des commentaires à ce sujet. Je vous écoute depuis le début et je commence à comprendre pourquoi, mais si vous pouviez préciser sur l'une de ces préoccupations, j'apprécierais.

Mme Allain : Quant à la question du droit pénal, la Cour suprême nous a répété à plusieurs reprises que trois critères doivent être rencontrés pour justifier une loi en vertu du pouvoir criminel du Parlement : il doit y avoir une prohibition accompagnée de sanctions et cette prohibition doit être basée sur des objectifs publics légitimes.

La Cour suprême nous a dit à plusieurs reprises qu'il y a une ampleur à cette juridiction et que cela peut toucher à une variété de projets de loi.

Elle a souligné à plusieurs reprises que la santé publique et la sécurité publique sont des objectifs légitimes pour fonder l'exercice du droit criminel.

Selon nous, le projet de loi C-11 reflète les critères et les énoncés de principe que la Cour suprême nous a répétés à plusieurs reprises. Nous avons aussi été guidés par d'autres projets de loi tels que la Loi sur le tabac, les lois environnementales, la Loi sur le contrôle des substances, la Loi sur certaines drogues et autres substances. Tous ces principes ont été enchâssés et reflétés dans l'encadrement.

La Cour suprême nous a aussi dit qu'il pouvait y avoir un régime réglementaire très complexe rattaché à l'exercice du pouvoir criminel et que cela ne défait pas l'exercice du pouvoir criminel. Nous croyons avoir répondu à ces exigences.

[Traduction]

Mme Aglukkaq : Je vais demander à la Dre Tam de vous donner une réponse au sujet des coûts.

Dre Tam : Un certain nombre de chercheurs et d'autres personnes nous ont dit que le coût les préoccupait. Nous avons effectué une évaluation comparative afin de mesurer le fardeau administratif que cela pourrait représenter pour les laboratoires. Pour ceux qui sont déjà assujettis aux lignes directrices en matière de biosécurité, l'entrée en vigueur de la nouvelle loi aura peu d'impact.

Notre évaluation a porté sur toute une gamme de laboratoires, et les coûts supplémentaires découleront surtout des formalités administratives qui seront éventuellement exigées. Je veux parler des formalités concernant le transfert des agents pathogènes, et cetera. Encore une fois, nous sommes prêts à en discuter au cours de nos consultations afin de voir quel serait le système le plus efficace.

Si vous êtes déjà assujetti aux règlements sur l'importation d'agents anthropopathogènes, les formalités dont ils sont assortis pourront être intégrées aux exigences relatives aux permis. Autrement dit, si vous remplissez déjà un formulaire pour importer ces produits, nous ne vous demanderons pas de remplir le formulaire pour les produits importés et pour les produits domestiques. C'est certainement une question que nous allons examiner.

Pour ce qui est des laboratoires qui ne sont pas assujettis aux lignes directrices en matière de biosécurité, il faudra qu'ils s'adaptent aux nouvelles règles, par exemple en ce qui concerne la formation. Certains se sont dits préoccupés par le coût que pourrait représenter la gestion des inventaires. La majorité des laboratoires sont des laboratoires de niveau 2 et nous allons essayer de déterminer, au cours de nos consultations, ce qui constitue un inventaire raisonnable. S'il s'agit simplement de la liste des agents pathogènes et que le laboratoire ne manipule que des agents du groupe de risque 2, notre évaluation comparative nous permet de dire que le coût d'entretien de cette liste sera minime.

Pour ce qui est du permis en soi, nous ne demandons pas aux laboratoires de payer leur permis. Par contre, pour s'adapter au nouveau régime, ils devront dispenser certaines formations. Les agents de la sécurité biologique ont déjà été nommés dans la plupart des laboratoires à risque plus élevé. Pour les autres laboratoires, étant donné qu'il y aura une période d'adaptation, nous pensons que l'impact sera réduit au minimum.

Nous sommes donc convaincus, à la suite de notre évaluation comparative, que l'impact pécuniaire sera minime pour la majorité des laboratoires.

Le président : La ministre doit nous quitter. J'ai encore les noms de deux sénateurs, mais nous poserons nos questions aux fonctionnaires. Merci, madame la ministre, d'avoir comparu devant notre comité et bonne chance.

Mme Aglukkaq : Merci beaucoup.

Le sénateur Eaton : Docteur Butler-Jones, la semaine dernière, un témoin nous a parlé du fardeau que cela allait représenter pour les laboratoires d'analyses médicales, que cela allait ralentir le service aux malades et que ces laboratoires devront mettre à niveau leurs installations pour pouvoir manipuler des agents pathogènes des groupes de risque 2 et 3. Ce témoin parlait des laboratoires d'analyses où les gens vont se faire faire une prise de sang pour des analyses médicales.

Dr Butler-Jones : Nous avons examiné cette question sous plusieurs angles et je peux vous dire que, pour l'essentiel, cela ne s'applique pas aux laboratoires d'analyses médicales. La question qui nous intéresse ici, n'est pas que des gens soient porteurs d'une bactérie. Les provinces ont mis en place des règlements sur la santé publique pour traiter de ce genre de situation. Les échantillons de sang sont assujettis à des règles standard sur la façon de s'en débarrasser, et cela n'a rien à voir avec le débat en cours.

Le projet de loi s'adresse aux personnes qui font des cultures de virus pour la recherche ou pour mettre au point des vaccins, car les quantités d'agents pathogènes sont alors plus importantes et représentent une menace potentielle pour le public. Cela n'a rien à voir avec les laboratoires d'analyses médicales. Je vais demander à la Dre Tam de vous donner plus de détails.

Dre Tam : Le projet de loi exempte expressément ceux qui prélèvent des échantillons pour des analyses médicales. Autrement dit, les médecins, les infirmières et les techniciens de laboratoire qui font des prises de sang sont exemptés de ce projet de loi, dont l'objectif n'est pas d'empêcher quelqu'un de se faire faire une prise de sang.

Par contre, si le laboratoire utilise le prélèvement sanguin pour faire des cultures de bactéries ou de virus en grande quantité, dans ce cas-là, il doit respecter des procédures de sécurité appropriées. S'il ne le fait pas déjà, il devra le faire.

Le président : Permettez-moi de poser une question supplémentaire à ce sujet. Vous avez dit que les médecins ou les laboratoires qui prélèvent des échantillons sanguins sont exemptés du projet de loi; mais que se passe-t-il si l'échantillon doit être transporté afin d'être analysé dans un autre laboratoire? Est-ce qu'il tombe sous le coup de la loi ou est-ce qu'il en est exempté?

Dre Tam : Je vais demander à Mme Allain de vous répondre. Il y a d'autres lois, comme la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, qui sont exemptées de ce projet de loi.

De même, l'analyse médicale d'un échantillon d'eau contenant une bactérie ou un virus ne tombe pas sous le coup de ce projet de loi.

Autrement dit, le prélèvement sanguin que vous venez de faire sur un malade ou l'échantillon d'eau naturelle que vous n'avez ni manipulé ni reproduit ne tombent pas sous le coup de la loi.

Le président : Les résultats des analyses médicales ne seront donc pas retardés à cause des nouvelles procédures prévues par la nouvelle loi?

Dr Butler-Jones : Absolument pas. L'entrée en vigueur de la loi ne devrait avoir absolument aucun impact sur les analyses médicales.

Le président : Je suppose que cela sera indiqué dans les règlements.

Dr Butler-Jones : Non, les analyses médicales ne tombent absolument pas sous le coup du projet de loi.

Le sénateur Eaton : Docteur Butler-Jones, plusieurs sénateurs, cet après-midi, et de nombreux témoins, la semaine dernière, ont demandé que les pathogènes du groupe de risque 2 soient exclus du projet de loi. Pouvez-vous me confirmer que la plupart des pathogènes du groupe de risque 2 se trouvent dans des laboratoires universitaires ou dans de grands laboratoires qui respectent déjà les lignes directrices en matière de biosécurité, et que l'objectif, maintenant, est de recenser les laboratoires dont nous ne savons rien et qui n'ont pas importé ou transféré d'agents pathogènes et de toxines d'un laboratoire à l'autre? Et qu'en fait, l'objectif est de protéger ceux qui travaillent dans les laboratoires?

Dr Butler-Jones : Parmi ces laboratoires dont nous ne savons rien, il y en a peut-être qui manipulent des virus et des bactéries comme le SRAS, du groupe de risque 3. Vous avez raison de dire que nous réglementons actuellement les laboratoires qui importent et exportent des agents pathogènes des groupes de risque 2, 3 et 4. Ces laboratoires ne devraient pas s'opposer aux dispositions du projet de loi, vu que l'objectif est de protéger les employés ainsi que le public en général.

J'ai déjà donné l'exemple du virus H2, qui avait causé une pandémie dans les années 1960, en expliquant que tous ceux qui étaient nés après cette date n'étaient pas immunisés. Ce virus s'était propagé dans le monde entier lorsqu'un organisme américain avait procédé à des tests inter-laboratoires, et on avait déterminé que ce virus appartenait au groupe de risque 2. C'est uniquement parce qu'on savait qu'il appartenait au groupe de risque 2 qu'on a pu déterminer qu'il s'agissait du virus H2N2 et non pas du H3 qui était alors en circulation. Nous avons pu alors contacter rapidement les laboratoires qui avaient cet agent pathogène en leur possession et empêcher ainsi que ce virus ne déclenche une pandémie. Nous avons pu intervenir un peu plus rapidement que pour le virus actuel.

Les agents pathogènes du groupe de risque 2 peuvent être très dangereux, surtout lorsqu'ils sont concentrés dans un même lieu. Ils peuvent alors infecter beaucoup de monde.

Mme Allain : J'aimerais préciser que l'article 7 dit en substance que personne ne peut se livrer à certaines activités sans avoir de permis, mais que le paragraphe 7(2) indique expressément qu'il ne s'applique pas aux activités couvertes par la Loi sur le transport des marchandises dangereuses.

À l'heure actuelle, les agents pathogènes sont réglementés par la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, par conséquent, le projet de loi ne s'applique pas. Vous n'avez donc pas besoin d'avoir un permis. Par contre, vous devez respecter les exigences concernant l'emballage hermétique des produits pendant leur transport.

Le sénateur Fairbairn : J'aimerais vous dire pour commencer que je ne suis pas une scientifique. Beaucoup des questions que je voulais poser l'ont déjà été aujourd'hui, mais j'aimerais cependant que vous me brossiez un tableau d'ensemble. Je pense à tout ce travail formidable qui se fait dans notre immense pays, notamment dans le Grand Nord et dans les zones rurales du Canada. Comment faites-vous pour établir des contacts avec les régions très éloignées, qui me semblent tellement différentes des régions plus peuplées, où il y a beaucoup de laboratoires de recherche? Comment faites-vous pour établir des contacts avec les laboratoires du Grand Nord et des régions rurales du Canada?

Dr Butler-Jones : Si j'ai bien compris votre question, ce que vous voulez savoir déborde largement du cadre de ce projet de loi. Nous présumons que les laboratoires se trouvent essentiellement dans les centres urbains et qu'en dehors de ces centres, il n'y en a pas, même des petits laboratoires. Tout cela participe du système de santé publique et va bien au-delà de la portée du projet de loi qui, à mon avis, va profiter à tout le monde. Cela concerne les médecins, les infirmières de santé publique, les inspecteurs, les nutritionnistes et tous ceux qui travaillent dans les régions. L'objectif est de leur donner le soutien, les informations et les lignes directrices dont ils ont besoin pour faire de la prévention et contrôler les poussées épidémiques au niveau local, d'abord, et ensuite au niveau de la province ou du territoire en remontant jusqu'au fédéral.

Notre agence fournit du soutien non seulement pour ce qui est de la formation et de la collaboration avec les universités et autres parties prenantes, mais aussi pour ce qui est des pratiques exemplaires. Nous sommes de plus en plus présents dans les services de santé publique. Par exemple, nous avons des épidémiologistes et d'autres personnes qui sont sur place au Manitoba et au Nunavut pour essayer de mieux comprendre la nature des poussées épidémiques qui s'y sont déclarées.

Le sénateur Fairbairn : C'est à cela que je pensais quand je vous ai posé ma question, car ce sont des situations qui se produisent en ce moment et dans des régions très reculées. Ce que vous avez dit me rassure.

Dr Butler-Jones : Au cours des quatre dernières années, nous avons essayé de renforcer considérablement les liens que nous avons non seulement à l'intérieur de notre système mais aussi sur le plan international. Nous avons envoyé quelqu'un à Beijing lorsqu'a éclaté le problème de la mélamine et à propos d'autres incidents comme le H5 et le H1. Nous avons également de bons contacts avec des organisations homologues comme les CDC, les Centres for disease control and prevention, dans le monde entier. Cela nous permet de réagir plus rapidement, de détecter les problèmes et de partager des informations. Comme vous l'avez vu pour le virus H1, la collaboration entre les Canadiens, les Américains et les Mexicains a été sans précédent. Cela nous a permis d'identifier plus rapidement la nature du problème et de prendre ensemble les mesures qui s'imposaient.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. J'aimerais poser une question au sujet des pouvoirs discrétionnaires du ministre, car certains témoins ont abordé ce sujet. Si je comprends bien, le ministre peut délivrer un permis, dont les conditions peuvent varier, le suspendre et le révoquer.

Celui qui se voit suspendre ou révoquer son permis peut déposer une plainte, qu'un comité examinera. Toutefois, la décision ultime appartient au ministre, n'est-ce pas?

Mme Allain : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Le titulaire du permis a-t-il des garanties?

Mme Allain : Le ministre ne peut suspendre ou révoquer un permis qu'en cas de danger grave et imminent pour la santé et la sécurité du public. Des critères ont été établis à cet égard. Le projet de loi prévoit également que le titulaire du permis peut demander au ministre de revoir sa décision.

Les pouvoirs que cette disposition confère au ministre ne peuvent être invoqués que si tous les autres mécanismes dont la Dre Tam a parlé n'ont pas donné de résultats. Par conséquent, si l'agence de la santé publique, en veillant au respect des règlements, demande au titulaire d'un permis d'améliorer ses mesures de biosécurité afin de respecter les lignes directrices sur la biosécurité en laboratoire, qu'il s'agisse de la gestion de l'inventaire ou des pratiques observées, et que le titulaire du permis refuse de se prêter à ces exigences, c'est seulement à ce moment-là que le ministre sera informé de la situation et invité à invoquer son pouvoir de suspension ou de révocation.

Encore une fois, c'est une approche progressive, et le ministre ne devra envisager de suspendre ou de révoquer le permis que si, au bout d'un certain temps, le titulaire n'a toujours pas amélioré ses mesures de biosécurité.

Le sénateur Callbeck : Si le comité en décide autrement, c'est la décision du ministre qui l'emporte.

Mme Allain : Oui, c'est la décision finale du ministre.

Le président : C'est à la fois l'instance décisionnelle d'origine et l'instance d'appel?

Mme Allain : Au final, c'est la décision du ministre qui l'emporte.

Le président : Bien.

Le sénateur Cordy : Quand j'ai posé cette question aux représentants du Commissariat à la protection de la vie privée, ils m'ont dit que vous seriez sans doute mieux en mesure d'y répondre. Des témoins nous ont dit craindre que l'article 39, qui porte sur la communication de renseignements par le ministre, inclue la propriété intellectuelle, comme une demande de brevet, et que n'importe qui puisse obtenir ces renseignements par la Loi sur l'accès à l'information.

L'un de nos témoins a suggéré de modifier l'alinéa 30(1)c) en ajoutant le mot « sanitaires » après « obligations », ce qui donnerait : «... permettre au Canada d'honorer ses obligations sanitaires internationales. » Il me semble que cela rassurerait ceux qui s'inquiètent pour leur propriété intellectuelle, car de cette façon, le ministre ne pourrait communiquer que les renseignements concernant des questions sanitaires intéressant les Canadiens et les habitants d'autres pays. Qu'en pensez-vous?

Dr Butler-Jones : Je vais vous donner un premier élément de réponse et ensuite, Mme Allain voudra peut-être ajouter quelque chose. Il est évident qu'il est question ici des règlements sanitaires internationaux. Toutefois, s'il y a d'autres accords internationaux que le Canada est obligé de respecter et que vous limitez cet article à un seul domaine, comment le Canada pourra-t-il honorer ses autres engagements, quels qu'ils soient? Nous ne sommes manifestement pas intéressés à divulguer ce qui constitue de la propriété intellectuelle. Il existe d'autres mécanismes de protection en cas de divulgation inappropriée de renseignements personnels, et ces mécanismes couvrent peut-être la propriété intellectuelle. À mon avis, il existe d'autres mécanismes pour cela.

Pour ce qui est du régime de permis et des pouvoirs du ministre, ces pouvoirs ne peuvent être invoqués qu'en dernier ressort. Les régimes de permis sont souvent assortis de ce genre de mécanisme. Vous allez peut-être avoir l'impression d'entendre un disque rayé, mais en 15 années d'expérience, nous n'avons jamais révoqué le permis de qui que ce soit

Le sénateur Cordy : Pouvez-vous me donner un exemple de renseignements qui pourraient être communiqués en vertu de ce projet de loi et qui ne concerneraient pas la santé?

Dr Butler-Jones : Je n'en ai pas pour l'instant. Par contre, si le Canada voulait signer une entente internationale à laquelle cette disposition s'opposerait, cela poserait des problèmes. L'expression « obligations internationales » permettra au Canada de s'acquitter de son obligation, qu'elle soit d'ordre sanitaire ou non.

Mme Allain : J'aimerais rassurer les sénateurs en leur disant qu'il existe des dispositions qui prévoient la protection des renseignements commerciaux exclusifs. Qu'il y ait une demande d'accès à l'information ou non, certaines dispositions en vigueur nous permettent de protéger ce type de renseignements. Je veux parler principalement de l'article 20 de la Loi sur l'accès à l'information, qui permet de protéger des secrets commerciaux de tierces parties. Il permet de protéger les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui sont fournis à un organisme gouvernemental par une tierce partie, ainsi que les renseignements dont la divulgation pourrait raisonnablement entraîner des pertes ou des gains financiers pour cette tierce partie. Ces protections s'appliquent actuellement aux demandes d'accès à l'information. Lorsque des demandes d'accès à l'information concernent les règlements actuels sur l'importation d'agents pathogènes, et que nous avons en notre possession des renseignements commerciaux exclusifs, nous avons des mécanismes qui nous permettent de protéger ces renseignements et de ne pas les divulguer à une tierce partie.

Le sénateur Cordy : Si quelqu'un fait une demande d'accès à l'information, quels renseignements, cette personne va- t-elle pouvoir obtenir que le ministre pourra recueillir dans le cadre de ce projet de loi? Ces renseignements seront-ils complètement inaccessibles à un journaliste, par exemple, qui fait une demande d'accès à l'information?

Mme Allain : Peu importe qui fait la demande.

Le sénateur Cordy : C'est ce qu'on vit tous les jours, en politique.

Mme Allain : Nous ne savons jamais qui est l'auteur de la demande même si nous savons parfois d'où ça vient. Ça fait partie des principes. Dans la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection de la vie privée, il y a plusieurs dispositions que nous pouvons invoquer, et que nous devons invoquer, afin de protéger les renseignements. Par conséquent, on peut protéger les renseignements personnels ainsi que les renseignements commerciaux exclusifs.

À titre d'exemple, j'aimerais vous dire que, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, des demandes visent souvent à obtenir des renseignements sur des sociétés pharmaceutiques lorsqu'elles soumettent des informations. Ces informations peuvent être protégées, et le sont. C'est le même principe qui s'applique. Nous examinons toujours la demande. Je ne voudrais surtout pas vous donner l'impression que nous n'examinons pas ces demandes d'accès à l'information avec toute l'attention requise. Nous examinons toujours ces demandes. Nous vérifions quel genre de renseignements nous avons en notre possession et quels mécanismes de contrôle nous pouvons utiliser.

Dr Butler-Jones : J'ai beaucoup de mal à imaginer que nous puissions recueillir, dans le cadre de cette loi, des renseignements susceptibles de nuire à une entreprise commerciale, qu'il s'agisse d'un brevet ou d'autre chose. Ce que nous recherchons, ce sont les agents pathogènes que les laboratoires ont en leur possession. Nous ne cherchons pas du tout à savoir comment un vaccin a été mis au point et quels sont les renseignements exclusifs qui s'y rattachent.

J'ai vraiment du mal à imaginer que ça puisse devenir un problème, mais quoi qu'il en soit, il existe des mécanismes de protection.

Le président : Permettez-moi de conclure en vous posant une ou deux questions.

La commissaire adjointe à la protection de la vie privée était ici tout à l'heure, et elle nous a dit que son organisation avait établi avec votre agence un bon mécanisme de consultation et que vous aviez dissipé la plupart de ses inquiétudes.

Elle a toutefois encore une réserve en ce sens qu'elle préfère, comme elle nous l'a dit, que l'on procède par voie d'amendement, même si elle est prête à accepter ce qu'on aura décidé de faire, que ce soit un amendement au projet de loi ou une simple recommandation de notre part. Je vais vous lire exactement ce qu'elle nous a dit, afin de ne pas me tromper.

Nous attirons votre attention sur le paragraphe 39(2), qui dégage le ministre de l'obligation d'obtenir un engagement d'assurance de la confidentialité avant la communication de renseignements personnels, dans l'éventualité où, comme on le décrit à l'alinéa 39(1)b) [...]

[...] Bien que nous comprenions la raison qui justifie de permettre au ministre d'agir rapidement dans des situations où l'on fait face à un danger sérieux et imminent, nous sommes d'avis qu'il serait avantageux de s'assurer qu'un engagement écrit d'assurance de la confidentialité est en place dans les meilleurs délais à la suite d'une communication...

Elle préfère donc que l'engagement de confidentialité soit signé avant et, en cas d'urgence, immédiatement après. Qu'en pensez-vous?

Mme Tam : C'est une question dont nous avons discuté avec la commissaire à la protection de la vie privée. Manifestement, nous envisageons ici des circonstances extrêmement rares. Pour cette raison, nous avons indiqué à la commissaire à la protection de la vie privée que nous pourrons essayer d'en tenir compte dans la pratique et, s'il y a lieu, de l'inclure dans les règlements. C'est tout à fait faisable, mais encore une fois, il s'agit de circonstances extrêmement rares.

Le président : Donc, vous pourriez inclure cela dans les règlements? Vous êtes prêts à mettre en œuvre ce que le Commissariat vous recommande?

Mme Tam : Tout à fait, et d'en tenir compte dans la pratique.

Le président : J'aimerais vous poser d'autres questions au sujet des inspecteurs. Certains témoins ont exprimé des réserves quant aux qualifications et à la formation des inspecteurs, vu l'importance de leurs pouvoirs en matière de saisie, et cetera.

Quelles qualifications et compétences exigera-t-on des inspecteurs?

Mme Tam : Encore une fois, nous avons toutes ces années d'expérience avec les règlements sur l'importation des anthropopathogènes et à l'heure actuelle, les laboratoires des niveaux 3 et 4 sont inspectés par des inspecteurs qualifiés qui sont des employés de l'Agence de la santé publique du Canada. Leurs descriptions de fonctions sont rigoureuses, de même que leurs qualifications.

Nous allons voir, au cours de nos consultations, à quels autres types d'inspecteurs nous pourrons avoir recours pour la mise en œuvre de la loi, mais ces gens-là devront avoir de solides qualifications afin d'être en mesure de vérifier que les laboratoires respectent les dispositions de la loi et les lignes directrices en matière de biosécurité. À l'agence, nous avons, je crois, l'un des rares spécialistes capables de vérifier que les laboratoires respectent les procédures de biosécurité.

Dr Butler-Jones : Ils doivent aussi avoir du tact. Je ne sais pas si vous avez fait comparaître un représentant du milieu de la biosécurité, mais je sais que devant l'autre comité, ils ont été très élogieux à l'égard de nos inspecteurs.

Le président : Merci. Nous allons clore cette partie de la réunion et passer à huis clos.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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