Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 5 - Le neuvième rapport du comité
Le lundi 22 juin 2009
Le Comité sénatorial permanent des Affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son
NEUVIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-11, Loi visant à promouvoir la sûreté des agents pathogènes humains et des toxines a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 2 juin 2009, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
ART EGGLETON
OBSERVATIONS DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES
SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE RELATIVEMENT AU PROJET DE LOI C-11,
LOI VISANT À PROMOUVOIR LA SÛRETÉ DES AGENTS PATHOGÈNES HUMAINS ET DES TOXINES
INTRODUCTION
Les 4, 10 et 17 juin 2009, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a entendu des témoignages au sujet du projet de loi C-11. Parmi les témoins, qui représentaient les milieux scientifique et juridique, quelques-uns ont exprimé leur appui envers le projet de loi, d'autres ont fait valoir leurs préoccupations au sujet de son libellé actuel. Tout en étant sensible à certaines préoccupations soulevées et en les appuyant, le Comité est conscient que modifier le projet de loi à ce stade-ci pourrait en retarder inutilement l'adoption. Il convient avec l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) de l'urgence de se doter d'une loi sur les pathogènes humains et les toxines, et il estime que tout délai de mise en œuvre serait contraire à l'intérêt public.
Cela étant dit, le Comité désire mettre l'accent sur quelques-unes des questions soulevées par les témoins, et insiste sur la nécessité pour l'ASPC d'en tenir compte dans l'élaboration de la réglementation qui sous-tendra la mise en œuvre du projet de loi.
QUESTION 1 : LES CONSULTATIONS
Des témoins ont indiqué que les consultations au sujet du projet de loi C-11 n'avaient pas été assez exhaustives. Certains les ont qualifiées de « séances d'information » et n'ont pas eu l'impression d'avoir été traités comme des participants à part entière. L'ASPC pour sa part estime que des efforts ont été faits en vue de connaître l'avis des chercheurs scientifiques.
L'insatisfaction exprimée au sujet des consultations est directement liée au fait que l'on estime qu'il y a risque que l'examen public ne soit pas aussi exhaustif qu'il devrait l'être étant donné que les détails relatifs à la délivrance des permis et à d'autres aspects du projet de loi seront réglés par voie de réglementation. On craint en outre que les parties prenantes aient encore moins l'occasion d'exprimer les appréhensions qu'elles pourraient nourrir à l'égard de la réglementation.
La ministre de la Santé a rassuré le Comité que l'ASPC est « déterminée à faire participer activement les provinces et les territoires ainsi qu'un vaste éventail d'intervenants à l'élaboration de la réglementation » [traduction]. Le Comité tient à souligner que, même si la consultation des provinces, territoires et parties intéressées doit se faire dans les meilleurs délais, il ne faudrait pas sacrifier au manque de temps la possibilité de tenir des discussions franches et exhaustives.
Un témoin a suggéré d'élargir le rôle du comité consultatif (mentionné aux paragraphes 9(4) et 10(3) du projet de loi) en vue d'y inclure celui de conseiller la ministre au sujet de questions touchant la mise en œuvre du projet de loi. Les membres du comité consultatif, qui seraient vraisemblablement en contact permanent avec l'université et d'autres chercheurs scientifiques, pourraient être une autre source de rétroaction communautaire pour la ministre.
RECOMMANDATION 1
Que l'Agence de la santé publique du Canada veille à ce que les provinces, les territoires et les parties prenantes aient la possibilité de participer de manière significative à l'élaboration de la réglementation découlant du projet de loi C- 11.
RECOMMANDATION 2
Que le rôle du comité consultatif invoqué aux paragraphes 9(4) et 10(3) soit élargi en vue d'inclure celui de conseiller le ministre relativement à la mise en œuvre générale du projet de loi.
QUESTION 2 : LES AGENTS PATHOGÈNES DU
GROUPE DE RISQUE 2
Un certain nombre de témoins, particulièrement du milieu de la recherche scientifique, ont demandé le retrait du projet de loi C-11 des agents pathogènes du groupe de risque 2. L'ASPC a insisté sur la nécessité de soumettre à une certaine surveillance les laboratoires qui manipulent ces agents pathogènes, car ceux-ci posent des risques. Elle a également souligné que l'intention a toujours été de traiter les agents pathogènes du groupe de risque 2 moins rigoureusement que ceux des groupes de risque 3 ou 4.
QUESTION 3 : LE RECOURS AU DROIT CRIMINEL
De nombreux témoins se sont dits inquiets relativement à l'éventualité que l'on ait recours au droit criminel pour faire respecter le projet de loi C-11. Ils craignent particulièrement que cela dissuade la recherche et l'innovation. Ils ont aussi suggéré que recourir au droit criminel pour, effectivement, réglementer l'utilisation d'agents pathogènes humains et de toxines n'était pas une utilisation convenable du droit criminel, car cela constituait un empiètement sur le pouvoir provincial.
L'ASPC a souligné le fait que le projet de loi C-11 répond aux exigences imposées par la Cour suprême du Canada relativement à l'utilisation du droit criminel fédéral, à savoir qu'il renferme une interdiction accompagnée d'une sanction et que l'interdiction est fondée sur un objectif public légitime. Elle a également fait valoir que les dispositions traitant des infractions et des peines ne seraient invoquées qu'en dernier recours.
QUESTION 4 : LE RISQUE DE FARDEAU ADMINISTRATIF
Des témoins ont dit craindre que la réglementation découlant du projet de loi C-11 impose un fardeau administratif aux laboratoires. L'ASPC a attiré l'attention du Comité sur le fait que le but du projet de loi C-11 n'était pas d'accroître le fardeau administratif, et elle a précisé que les laboratoires qui se conformaient déjà aux Lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire seraient que peu touchés par le projet de loi. Elle a également souligné qu'une partie des consultations sur le processus réglementaire mettrait l'accent sur les mesures à prendre pour que le processus de délivrance des permis soit le plus simple possible.
QUESTION 5 : LES POUVOIRS DES INSPECTEURS
Certains témoins ont dit craindre que le projet de loi accorde trop de pouvoirs aux inspecteurs. L'ASPC a confirmé que le ministère de la Justice avait soumis les dispositions relatives aux inspections à un examen rigoureux en regard de la Charte et qu'il les avait jugées conformes à la Charte.
Les qualités et la formation des inspecteurs ont été mentionnées comme une autre source de préoccupation. L'ASPC a signalé que les inspecteurs qui vérifient la conformité avec le Règlement sur l'importation des agents anthropopathogènes sont hautement compétents et que ceux qui vérifieront la conformité avec le projet de loi C-11 devront l'être tout autant.
RECOMMANDATION 3
Que l'ASPC élargisse le rôle du comité consultatif invoqué aux paragraphes 9(4) et 10(3) du projet de loi C-11 en incluant celui de conseiller le ministre au sujet des qualités et de la formation des inspecteurs.
QUESTION 6 : LA COMMUNICATION DE
RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET DE
RENSEIGNEMENTS COMMERCIAUX CONFIDENTIELS
Un certain nombre de témoins se sont dits préoccupés par le fait que les dispositions relatives à l'autorité du ministre de communiquer des renseignements personnels et des renseignements commerciaux confidentiels ne protégeaient pas suffisamment les intérêts privés.
Le commissaire à la vie privée, toutefois, a souligné que le projet de loi, dans l'ensemble, garantit que tous les cas de communication possibles, sauf une exception, respectent le droit à la vie privée. L'exception concerne l'absence d'une entente de confidentialité écrite qui protégerait les renseignements communiqués en vertu de l'alinéa 39(1)b). Alors que le paragraphe 39(2) précise qu'il faut qu'il y ait eu engagement par écrit d'assurer la confidentialité des renseignements avant de communiquer des renseignements personnels et des renseignements commerciaux confidentiels, il existe une exception pour les renseignements qui sont communiqués pour parer à un danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité publiques. Le commissaire à la vie privée a proposé que le projet de loi soit modifié en vue de prévoir, dans le cas de la communication de renseignements aux termes de l'alinéa 39(1)b), qu'une entente de confidentialité soit signée après que les renseignements ont été communiqués. Il a convenu qu'il s'agit là d'une question que la réglementation pourrait traiter.
RECOMMANDATION 4
Que l'ASPC veille à ce que la réglementation prévoie la nécessité de conclure une entente de confidentialité par écrit après que les renseignements ont été communiqués en vertu de l'alinéa 39(1)b).