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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages du 17 septembre 2009


OTTAWA, le jeudi 17 septembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le tabac, se réunit aujourd'hui, à 10 h 46, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le tabac. Nous recevons ce matin deux groupes de témoins. Le premier sera composé de représentants de trois organismes que je présenterai sous peu. Le second sera formé de représentants de Santé Canada.

J'ai aussi planifié notre prochaine séance, qui aura lieu le mercredi 30 septembre. Elle portera elle aussi sur le projet de loi C-32. Nous accueillerons alors d'autres organismes.

Je souhaite la bienvenue à Sonya Norris et Trina Wall, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement pour le sujet à l'étude.

Avant de passer aux témoins, nous avons deux pétitions à mentionner. J'invite le sénateur Keon à présenter la première.

Le sénateur Keon : Cette pétition vient de l'Alliance action jeunesse, qui a envoyé 10 000 cartes postales comme celles-ci au gouvernement pour appuyer le projet de loi. J'ai apporté un échantillon des cartes postales. La boîte en contient quelques centaines, pour tous les membres du comité qui aimeraient les voir. Cela démontre un effort incroyable de la part des jeunes — je tiens à mettre l'accent sur le terme « jeunes » —, qui veulent que le projet de loi soit adopté rapidement et sans amendement.

Le président : Merci, sénateur Keon. Nous avons aussi une autre pétition, signée par quelque 488 personnes. Elle provient de la région de Winnipeg. Je crois que vous en avez la teneur devant vous. Elle s'oppose au projet de loi C-32. J'ai les noms des personnes qui l'ont signée, si vous voulez les voir. Nous avons donc deux pétitions, une pour et une contre.

Nous allons maintenant passer aux témoins. Je leur souhaite la bienvenue; ils sont venus très rapidement. Dans le premier groupe, nous avons Laurie Karson, directrice générale de l'Association frontière hors taxes. L'Association frontière hors taxes représente les exploitants de boutiques hors taxes du Canada. La liste de membres actifs compte 28 boutiques hors taxes de la frontière terrestre du Canada. Les membres associés sont des boutiques hors taxes de la frontière terrestre des États-Unis et des aéroports canadiens. Elle compte aussi parmi ses membres des fournisseurs, ainsi que d'autres parties qui s'intéressent au secteur des ventes hors taxes.

Le deuxième organisme est l'Association of Canadian Airport Duty Free Operators. Comme son nom l'indique, ses membres sont des exploitants de boutiques hors taxes dans les aéroports du Canada. Nous accueillons André J. Bergeron, directeur par intérim actuel de l'association. Entre autres, M. Bergeron interagit au nom de gouvernements, de ministères et d'organismes. De plus, il coordonne des activités et de la recherche chez les membres afin d'augmenter la valeur ajoutée du secteur des ventes hors taxes.

Nous accueillons aussi Kenneth Kim, chef de l'exploitation et directeur général de l'Ontario Korean Businessmen's Association. À son arrivée au Canada en 1973, M. Kim travaillait comme aide dans un dépanneur. Il a été propriétaire d'un dépanneur pendant six ans et il a aussi travaillé comme gestionnaire dans le secteur de la vente en gros. Il représente les membres de l'Ontario Korean Businessmen's Association depuis plus de cinq ans.

Je souhaite à chacun la bienvenue. Je crois que l'ordre des interventions a été établi; monsieur Bergeron, la parole est à vous.

André J. Bergeron, directeur général, Association of Canadian Airport Duty Free Operators : Nous vous remercions de nous consulter et de nous permettre de nous exprimer.

L'Association of Canadian Airport Duty Free Operators, l'ACADFO, est une association nationale qui représente le secteur des exploitants de boutiques hors taxes dans les aéroports du Canada. Notre secteur est lourdement réglementé, à la différence de tous les autres secteurs du commerce de détail. Nous sommes régis par une loi fédérale et nous sommes assujettis au Programme des boutiques hors taxes de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC. Le but de ce programme est de rapporter des retombées économiques au Canada en haussant le niveau d'activité économique. Ses objectifs précis sont de faire en sorte que les ventes au détail ne quittent pas le Canada; de fournir des revenus à l'État et aux administrateurs aéroportuaires; de stimuler l'économie locale, en particulier par la création d'emplois; et d'améliorer l'expérience touristique offerte aux voyageurs internationaux qui visitent le Canada. Ce programme est une réussite et il demeure avantageux pour le gouvernement du Canada, les administrations aéroportuaires et les voyageurs.

Nous nous inquiétons de la version actuelle du projet de loi C-32 et de ses conséquences néfastes sur notre secteur d'activité.

D'emblée, j'affirmerai que nous appuyons sans réserves le projet de loi proposé par le gouvernement du Canada, qui vise à protéger les jeunes contre les dangers du tabagisme, notamment par l'élimination des tabacs aromatisés qui exercent un attrait particulier sur eux.

Si nous comprenons bien, le projet de loi C-32 ne vise pas à interdire la vente de tous les produits du tabac, mais plutôt celle d'une nouvelle catégorie de produits aromatisés qui, à l'évidence, s'adressent aux jeunes et leur plaisent particulièrement. Selon nous, le projet de loi ne s'en prend pas non plus aux détaillants canadiens qui vendent en toute légalité d'autres produits du tabac en respectant les lois et les règlements du Canada.

D'après nos lectures et nos consultations, il semblerait que le libellé général du projet de loi C-32, dans sa version actuelle, ne vise pas seulement les produits aromatisés dont le goût et la commercialisation sont conçus de façon à cibler les jeunes. La mesure interdirait également la vente des produits classiques de mélange de tabac américain, produit important offert depuis longtemps aux voyageurs adultes, étrangers pour la plupart. Les ingrédients que ces produits ont toujours contenus figurent sur la liste des ingrédients interdits par le projet de loi C-32. À notre connaissance, certains de ces ingrédients contribuent au goût classique distinct des produits américains du tabac, qui n'ont pas le goût fruité ou sucré que les jeunes préfèrent. Les marques américaines en cause ne sont pas commercialisées de façon à attirer surtout les jeunes, mais plutôt une clientèle adulte.

Parlons de la vente hors taxes. Les boutiques hors taxes sont un cadre de vente au détail unique en son genre. Plus de la moitié de nos clients sont des visiteurs de passage au Canada. La vaste majorité des voyageurs qui se rendent à l'étranger par avion sont des adultes — plus de 95 p. 100, selon divers sondages menés dans des aéroports canadiens. C'est là une différence notable par rapport aux vols intérieurs. Les mineurs sont habituellement accompagnés par un parent ou un tuteur. Lorsqu'ils voyagent seuls, ils sont sous la surveillance du personnel des lignes aériennes.

L'accès aux boutiques hors taxes est limité, et toutes les ventes sont contrôlées. Les procédures et les contrôles sont étroitement réglementés, établis et mis en application par le Programme fédéral des boutiques hors taxes de l'ASFC. L'accès est limité aux personnes qui quittent le Canada; il faut produire une carte d'embarquement valide pour un vol international. Tous les voyageurs qui passent par l'aéroport doivent être munis d'un passeport valide, ce qui facilite la vérification de l'âge. Enfin, les boutiques doivent être situées dans la zone sécurisée des voyages internationaux pour que le client puisse emporter les produits qu'il a achetés; les produits achetés ailleurs doivent être remis au client une fois qu'il a passé la porte d'embarquement, point qu'il ne peut pas franchir à nouveau.

Sur le plan des caractéristiques des achats, nous répondons aux besoins d'une population adulte qui fume déjà et qui profite d'un voyage à l'étranger pour acheter un produit légal dans une boutique hors taxes au moment de quitter le Canada.

Les cigarettes de mélange américain sont achetées presque exclusivement par des voyageurs étrangers. La taille des emballages vendus dans les boutiques hors taxes décourage le client qui en serait à un premier achat. Nous ne vendons que des cartouches de 200 cigarettes. Une personne qui commence à fumer n'achète pas ses cigarettes dans des boutiques hors taxes. Des études ont montré qu'une personne qui veut commencer à fumer achète un seul paquet, qu'elle peut essayer différentes marques pendant un certain temps, et qu'elle doit pouvoir se rendre facilement et fréquemment dans un magasin. Nous ne vendons pas de paquets à l'unité et nos boutiques ne sont pas faciles d'accès.

En ce qui concerne l'envergure, l'ensemble des ventes de produits du tabac réalisées dans les boutiques hors taxes aux passages frontaliers terrestres et dans les aéroports représente environ 1 p. 100 des ventes effectuées sur le marché canadien. Ces ventes sont essentielles à la préservation des emplois de notre secteur; elles sont aussi nécessaires pour que nos membres fournissent le loyer annuel garanti minimal des administrations aéroportuaires, prévu dans nos contrats avec les aéroports.

Le secteur des ventes hors taxes est très concurrentiel. Nos concurrents sont les boutiques hors taxes des aéroports étrangers, qui ne sont pas soumises à la réglementation intérieure du marché canadien. Il est essentiel que nous répondions aux besoins de nos clients étrangers et canadiens si nous voulons que notre secteur continue à prospérer.

Nous avons un bilan solide dans la vente de produits réglementés. Nous soutenons fièrement que nous respectons les contrôles imposés, comme l'atteste le fait que les permis de nos boutiques ont été renouvelés bien des fois, que le gouvernement fédéral n'a jamais révoqué le permis de commerce hors taxe d'une seule d'entre elles, et qu'aucune régie des alcools provinciale n'a eu à annuler un permis d'alcool.

En outre, le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère de la Santé, a reconnu par le passé que nous constituons un cadre de vente au détail particulier. Il nous a accordé des conditions spéciales et il nous a soustraits aux limites imposées sur le plan des étalages où le client se sert lui-même.

Bien que le projet de loi C-32 réponde à des préoccupations légitimes et urgentes en matière de politique publique, nous craignons que le libellé actuel ait forcément des conséquences non voulues en incluant à tort les produits américains classiques dans les produits aromatisés ciblés par le projet de loi. Nous vous prions donc d'amender le libellé du projet de loi C-32 pour éviter que notre secteur de vente déjà réglementé soit touché par inadvertance.

Nous croyons aussi que le présent mémoire souligne plusieurs éléments qui montrent que notre secteur de vente au détail hors taxes est unique en son genre et, à ce titre, qu'il mérite d'être considéré de façon spéciale dans les modifications que vous comptez apporter à la lutte contre le tabac.

Par conséquent, nous avons bon espoir que vous envisagerez de soustraire nos boutiques à l'application du projet de loi, soit en exemptant la vente des cigarettes classiques de mélange américain dans la mesure législative ou, du moins, en soustrayant les boutiques hors taxes canadiennes à l'application du projet de loi C-32, comme le gouvernement du Canada l'a déjà fait dans des circonstances semblables.

Merci de prendre nos opinions en considération. Nous sommes prêts à répondre à toute question que vous auriez à nous poser.

Le président : Merci, monsieur Bergeron. Nous passons maintenant à Kenneth Kim, qui représente l'Ontario Korean Businessmen's Association.

Kenneth Kim, directeur de l'exploitation et directeur général, Ontario Korean Businessmen's Association : Bonjour. Je suis très nerveux, car c'est la première fois que je m'adresse à un si grand nombre de personnes à la fois. De plus, c'est un honneur pour moi d'être en la présence des distingués sénateurs que j'admire beaucoup.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de me permettre de me présenter aujourd'hui devant le comité pour parler du projet de loi C-32. Je suis directeur de l'exploitation et directeur général de l'Ontario Korean Businessmen's Association, l'OKBA, une association membre de la Korean Businessmen's Association, qui représente plus de 5 000 dépanneurs au Canada.

Tout d'abord, je tiens à préciser que nous avons appuyé la promesse électorale du premier ministre, qui visait l'interdiction de la vente des petits cigares aromatisés. En fait, nous souscrivons de tout cœur à l'objectif du gouvernement de prévenir le tabagisme chez les jeunes.

Toutefois, nous nous opposons à certaines dispositions du projet de loi C-32 qui n'ont rien à voir avec le tabagisme chez les jeunes au Canada. Je parle bien sûr de l'interdiction visant les cigarettes fabriquées à partir d'un mélange de tabac américain. Je me fais aujourd'hui le porte-parole des membres de l'association pour demander au Sénat d'apporter un changement mineur au projet de loi C-32 afin que nous puissions continuer à vendre les cigarettes fabriquées à partir d'un mélange de tabac américain sous leur forme actuelle.

Quand je parle de cigarettes fabriquées à partir d'un mélange de tabac américain, je veux dire les Winston, les Camel et les Gauloises. La vente de ces marques, qui sont reconnues partout dans le monde, sera interdite si le projet de loi C- 32 est adopté tel quel.

Comme vous le constaterez grâce à mon exposé et comme en témoigne le fait que je suis parti si vite de Toronto pour être ici aujourd'hui, il s'agit d'une question extrêmement importante pour les membres de l'association. Elle est importante parce que, si vous ne modifiez pas le projet de loi et si nous devons cesser de vendre ce produit, je suis convaincu que nous perdrons encore plus d'argent au profit des vendeurs de cigarettes de contrebande et qu'un grand nombre des membres de l'association devront fermer leurs commerces pour de bon.

La plupart des membres de l'OKBA incarnent le rêve canadien. Ce sont des immigrants de première et de deuxième génération, comme moi, qui sont venus s'établir ici dans l'espoir d'une vie meilleure pour eux et pour leur famille, ainsi que dans l'espoir de contribuer activement à la société canadienne. En tant que Torontois, le président du comité, le sénateur Eggleton, comprend sûrement que nos membres — les propriétaires des dépanneurs typiques — forment une partie intégrante du tissu social de cette ville. Il en est de même dans des collectivités partout au Canada. La grande majorité de nos commerces sont indépendants; ce sont des entreprises familiales qui essaient de survivre dans un marché extrêmement concurrentiel. Nos commerces comptent parmi les petites entreprises qui font tourner l'économie.

Comme vous le savez peut-être, le tabac représente de 40 à 50 p. 100 du chiffre d'affaires des dépanneurs. Pourtant, malgré l'importance qu'ont pour nous la vente des produits du tabac et le problème croissant de la contrebande, nous avons appuyé la campagne du premier ministre visant à interdire la vente de petits cigares aromatisés. Nous souscrivons également à l'objectif du gouvernement de lutter contre le tabagisme chez les jeunes.

Cependant, après avoir pris connaissance de cette mesure législative, des règlements et des reportages des médias sur le projet de loi C-32, nous sommes très inquiets. Comme les représentants de Santé Canada l'ont fait remarquer lors des audiences du Comité de la santé de la Chambre des communes, le projet de loi C-32 interdira les cigarettes faites d'un mélange de tabac américain. Cela va bien au-delà de ce que le premier ministre avait promis au cours de la dernière campagne électorale.

Nous trouvons qu'interdire les cigarettes faites d'un mélange de tabac américain n'a aucun sens. Les cigarettes élaborées à partir d'un mélange de tabac américain comme les Winston, les Camel et les Gauloises ne goûtent pas les bonbons. Elles n'ont rien à voir avec les petits cigares aromatisés. Interdire les cigarettes faites d'un mélange de tabac américain ne réglera pas le problème du tabagisme chez les jeunes. Par contre, cela fera augmenter la demande de cigarettes de contrebande.

La GRC parle régulièrement du problème de la contrebande. Elle sait même où se fait la contrebande. Même si une partie des cigarettes de contrebande sont fabriquées au Canada, la GRC sait que le problème découle surtout des produits du tabac fabriqués sur le territoire américain de la réserve d'Akwesasne, dans l'État de New York. Il est logique que les fabricants établis aux États-Unis se servent d'un mélange de tabac américain semblable à celui qui est utilisé pour tous les produits du tabac légaux vendus par les membres de l'association que je représente. Donc, en interdisant les cigarettes légales élaborées à partir d'un mélange de tabac américain, vous favorisez l'élargissement du marché des cigarettes de contrebande fabriquées aux États-Unis et vendues au Canada. Autrement dit, si vous interdisez les cigarettes Camel ou Winston, les gens iront tout simplement chercher une version de ce produit fabriquée en contrebande. Et les criminels se feront un plaisir de répondre à la demande. Le Comité n'est pas sans savoir que le tabac de contrebande atteint des niveaux records, surtout en Ontario et au Québec.

Le vérificateur général de l'Ontario a déclaré qu'en 2007 seulement, la contrebande a coûté à cette province un demi- milliard de dollars en recettes fiscales perdues. Nous parlons ici de taxes provinciales, pour l'Ontario seulement et pour une année seulement. Le problème s'est intensifié.

Plus récemment, une étude menée par GfK Reasearch Dynamics a révélé qu'en 2008, plus de 30 p. 100 de tous les produits du tabac vendus au Canada étaient des produits illégaux et que les cigarettes de contrebande représentaient plus de 50 p. 100 du marché en Ontario et plus de 42 p. 100 du marché au Québec.

Le problème de la contrebande nous inquiète aussi. Chaque fois qu'il y a une vente de produits illégaux du tabac à partir de véhicules particuliers à Toronto, à Kingston ou à Ottawa, cela signifie la perte d'une vente légale qui aurait profité aux dépanneurs et au gouvernement. Chaque fois que des produits illégaux sont achetés dans une cabane à tabac, située dans une réserve près de Cornwall, de Hamilton ou de Montréal, cela signifie la perte d'une vente légale pour les propriétaires de dépanneurs qui aurait généré des impôts pour le gouvernement. Chaque fois que le crime organisé transporte du tabac de contrebande par camion jusqu'à St. John's, Halifax, Edmonton ou Vancouver, cela signifie des pertes à la fois pour les propriétaires de dépanneurs et pour le gouvernement.

Et le fait de perdre des ventes de produits du tabac a de graves conséquences pour nous. En effet, quand les gens achètent leurs cigarettes dans la rue ou ailleurs que dans un dépanneur, nous perdons aussi la possibilité de leur vendre des journaux, quelque chose à boire, un paquet de gomme ou des friandises. Cela s'accumule et, pour un dépanneur, chacun de ces achats compte. Je le répète : chacun de ces achats compte.

Il va sans dire que la vente des produits du tabac est indispensable à notre survie financière, et nous l'avons dit au gouvernement à plusieurs reprises. Nous sommes venus témoigner plus tôt cette année et avons rencontré plusieurs membres du Parlement pour leur expliquer à quel point le problème de la contrebande nous touche. Santé Canada comprend la situation. Lors des audiences sur le projet de loi C-32 que le Comité de la santé de la Chambre des communes a tenues cette année, des représentants de Santé Canada ont reconnu que ce projet de loi ne réglait en rien le problème de la contrebande. Cela nous inquiète.

Cela devrait inquiéter aussi le gouvernement du Canada. Oui, je redoute les conséquences que l'interdiction des produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain aura pour les membres de l'association. Mais en tant que Canadien, je trouve aussi inquiétant que, dans le contexte économique actuel, le gouvernement ne semble pas se soucier outre mesure du fait qu'une telle mesure aggravera le problème de la contrebande et augmentera le manque à gagner en recettes fiscales. Cela semble irresponsable.

Pour terminer, je tiens à répéter que l'OKBA appuie le but initial de la promesse que le premier ministre a faite pendant la campagne. Nous soutenons tous les éléments de ce projet de loi qui préviendront le tabagisme chez les jeunes. Nous estimons toutefois que le projet de loi C-32 va trop loin lorsqu'il interdit les produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain. Nous demandons au Sénat d'apporter un changement mineur au projet de loi afin qu'il ne vise pas les produits actuellement élaborés à partir d'un mélange de tabac américain. Nos membres et tous ceux qui dénoncent la contrebande du tabac vous le diront : c'est vraiment la chose à faire.

Le président : Merci, Monsieur Kim.

Laurie Karson, directrice générale, Association frontière hors taxes : Bonjour. L'Association frontière hors taxes, l'AFHT, est une association nationale qui représente les exploitants de boutiques hors taxes de la frontière terrestre du Canada, qui, pour la plupart, sont des entreprises familiales en affaires depuis 25 ans. Notre industrie comprend 28 boutiques qui emploient directement 1 200 Canadiens, en particulier dans les collectivités frontalières où le chômage est un problème permanent.

J'aimerais remercier le président, Art Eggleton, et tous les membres de votre éminent comité de m'avoir accordé le privilège d'exposer les préoccupations de notre industrie concernant le projet de loi C-32.

L'AFHT croit que votre comité devrait prendre l'initiative extraordinaire de modifier la formulation actuelle du projet de loi C-32 pour deux raisons. Premièrement, en tant que Canadiens et propriétaires d'entreprises canadiennes, nous nous attendons à ce que le gouvernement du Canada suive un processus démocratique et transparent lorsqu'il élabore une mesure législative. En ce qui a trait au projet de loi C-32, non seulement Santé Canada n'a pas consulté notre industrie au moment d'établir le libellé actuel, mais, en dépit de nos demandes, le ministère a refusé de nous rencontrer ensuite afin que nous puissions exposer nos préoccupations et en discuter. N'hésitez pas à me poser des questions détaillées à cet égard lorsque j'aurai terminé ma déclaration.

Deuxièmement, ce qui est plus important encore, c'est que la formulation actuelle du projet de loi C-32 aura des conséquences involontaires, car l'énumération des 500 ingrédients dans la mesure législative aura une incidence sur les produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain que le projet de loi ne visait pas initialement. Dans les articles de la mesure législative proposée qui visent les titres et les définitions, le but de la mesure est clairement présenté comme étant « de restreindre la commercialisation du tabac auprès des jeunes. »

J'aimerais insister sur le fait que l'AFHT et ses membres appuient complètement l'intention du projet de loi qui est, d'après ce que nous avons compris, d'interdire les produits du tabac aromatisés qui sont attrayants pour les jeunes en raison de leur saveur, de la petite taille des paquets, de leur prix peu élevé et de la stratégie de commercialisation employée.

En fait, lorsque la FDFA a appris les inquiétudes liées au tabac aromatisé, elle a demandé à ses membres de ne plus acheter de produits correspondant à cette description.

Toutefois, malgré les 5 000 ingrédients énumérés dans la mesure législative actuelle, les produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain ne correspondent pas à la description des produits du tabac aromatisés dont la commercialisation cible les jeunes. D'autres pays, notamment les États-Unis et l'Australie, ont été en mesure de résoudre exactement le même problème sans cette conséquence involontaire.

J'aimerais signaler brièvement que les boutiques hors taxes canadiennes ont été créées par le gouvernement du Canada en vue d'exercer des activités dans le secteur des exportations et de générer des ventes et des avantages économiques connexes, au profit des Canadiens; en outre, les boutiques hors taxes frontalières ont été établies pour soutenir le secteur du tourisme canadien.

Ces objectifs ne contredisent nullement la stratégie de Santé Canada. Les boutiques n'ont pas d'incidence sur la taille globale du marché du tabac; elles ne font que rapatrier des ventes qui, autrement, échapperaient au Canada lorsque les gens quittent le pays.

Essentiellement, nous perdrons toutes nos ventes américaines de produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain au profit des boutiques hors taxes des États-Unis. La très vaste majorité des personnes qui effectuent des achats hors taxes sont âgées de plus de 30 ans. En raison de l'emplacement peu pratique et sécurisé de nos boutiques hors taxes frontalières, les mineurs non accompagnés n'y ont pas accès. De plus, les marques traditionnelles de tabac américain ne visent pas les jeunes et sont achetées principalement par des Américains. Dans les boutiques hors taxes frontalières, les produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain sont vendus seulement en cartouche pleine et non en paquets individuels qui plaisent aux jeunes.

Si le libellé actuel du projet de loi C-32 est accepté, nos membres seront considérablement désavantagés par rapport à la concurrence, car les produits en question seront toujours vendus légalement aux États-Unis. Les magasins hors taxes américains et les détaillants américains concurrents continueront d'offrir ces produits qui plaisent aux voyageurs américains.

J'aimerais également vous faire remarquer que, d'après les partisans du libellé du projet de loi actuel, les fabricants de produits faits d'un mélange de tabac américain auraient déclaré qu'ils reformuleraient leurs marques afin de respecter la longue liste d'ingrédients interdits en vertu du projet de loi C-32 et d'être ainsi en mesure de continuer à vendre leurs produits au Canada. Les fournisseurs de produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain nous ont indiqué catégoriquement qu'ils ne reformuleraient pas leurs marques. S'ils le faisaient, cela créerait de la confusion dans l'esprit de leurs clients américains et affaiblirait leurs marques.

De plus, les produits faits d'un mélange de tabac américain continueront d'être vendus légalement aux États-Unis, même s'ils ont mis en œuvre une mesure législative visant à bannir le tabac à saveur fruitée ou sucrée qui vise les jeunes.

En résumé, notre industrie demande au Sénat de modifier le projet de loi C-32 parce que son libellé actuel n'aboutira pas à un processus transparent et démocratique, et plus encore, parce que son élaboration s'est soldée par une formulation bancale qui aura évidemment des conséquences involontaires.

L'industrie hors taxes est déjà durement touchée par les conditions économiques actuelles, les exigences en matière de pièces d'identité de l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental, les taux de change, la congestion et d'autres facteurs. Comme vous le savez tous, j'en suis certaine, nous vivons présentement une crise du tourisme, étant donné la chute de 26 p. 100 du nombre de touristes américains. Tel qu'il est formulé actuellement, le projet de loi C32 compromettra davantage la position concurrentielle de notre industrie sans faire progresser du tout la stratégie en matière de santé du Canada, comme le prévoit le projet de loi C-32. Son seul effet sera de faire disparaître de nos magasins une catégorie de produits que le projet de loi ne visait même pas et de transférer aux États-Unis les ventes et les avantages économiques associés à cette catégorie de produits. Si ce projet de loi est adopté sans amendement, nous prévoyons que des magasins fermeront leurs portes et que d'autres mises à pied auront lieu.

Nous demandons donc à votre comité de modifier le projet de loi C-32 afin d'exclure du texte les produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain. Nous avons présenté au président du comité le libellé que nous suggérons pour cet amendement. Notre industrie ne croit pas que l'amendement nuira, d'une manière ou d'une autre, à l'atteinte des objectifs déclarés du projet de loi C-32; sinon nous ne présenterions pas cette demande.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir permis de témoigner.

Le président : Je vous remercie tous les trois. Vous représentez des organisations et des membres distincts, mais les thèmes que vous avez abordés avaient beaucoup en commun. Vous dites que vous n'êtes pas en désaccord avec l'intention du premier ministre à cet égard, mais vous pensez que le projet de loi va trop loin dans certaines situations et qu'il a certaines conséquences involontaires, en particulier en ce qui a trait aux produits faits d'un mélange de tabac américain, comme les cigarettes Camel et Winston.

Je vais vous poser une question et, ensuite, chacun de mes collègues vous en posera une également. Nous sommes un peu à court de temps.

Santé Canada vous a-t-il consulté de près ou de loin? Mme Karson a déjà répondu un peu à cette question, mais avez-vous soulevé la question des produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain auprès de Santé Canada ou, sur le plan politique, auprès du ministre ou des personnes associées à cette mesure législative?

M. Bergeron : Nous n'avons pas été consultés. Vous devez reconnaître que cette mesure législative — je ne veux pas utiliser le mot « expédiée » — a franchi très rapidement les étapes du processus parlementaire de la Chambre. Lorsque nous en avons appris l'existence, elle allait être présentée à la Chambre. Nous avons envoyé un document qui exposait nos points de vue, mais nous n'avons reçu aucune réponse. À ce moment-là, le projet de loi avait déjà été adopté à l'étape de la troisième lecture et se trouvait à vos portes. Nous avons eu beaucoup plus de succès auprès des membres du Sénat qui ont, au moins, reconnu avoir reçu de la documentation.

Mme Karson : Nous avons découvert ce projet de loi lors de sa deuxième lecture et des audiences menées par le Comité permanent de la santé. J'ai immédiatement communiqué avec Cathy Sabiston, la directrice générale de la lutte au tabagisme. Je lui ai demandé de me préciser la chose suivante : Les produits élaborés à partir d'un mélange de tabac américain seront-ils interdits, si cette mesure législative est adoptée? Elle a répondu : « Oui, et bonne journée. » C'est toute la conversation que nous avons eue.

Quand on a demandé aux représentants de Santé Canada, lors de ces audiences, s'ils avaient consulté l'Association frontière hors taxes plus particulièrement, une question qui a été posée par Joyce Murray, ils ont répondu qu'ils l'avaient fait. Je ne suis pas d'accord. J'ai communiqué par la suite avec la ministre de la Santé pour la rencontrer directement, ce qui m'a été refusé. J'ai contacté Leah Canning à deux reprises et je me suis vu refuser un entretien. Vous conviendrez assurément qu'en tant qu'industrie, nous estimons qu'il y a un manque de consultation, et c'est très désolant.

Le président : Monsieur Kim, avez-vous participé à des consultations? Avez-vous reçu des réponses de la part de Santé Canada au sujet des cigarettes faites à partir d'un mélange américain?

M. Kim : Non, mais en juillet, l'un des principaux gestionnaires de comptes de la compagnie de tabac est venu à notre point de vente de gros, et il a annoncé que la vente de cigarettes faites à partir d'un mélange américain pourrait être interdite dans notre magasin. J'ai alors consulté mes cadres, et nous avons envoyé des lettres à quelques sénateurs. La greffière m'a téléphoné hier pour me demander si je pouvais assister à la présente réunion.

Le président : Merci beaucoup. Je vous rappelle, chers collègues, que vous pouvez poser une question chacun. Nous manquons de temps.

[Français]

Le sénateur Rivard : Si je comprends bien votre intervention, on peut dire que vous êtes d'accord avec 90 p. 100 du projet de loi, et plus particulièrement le point de bannir tout ce qui est aromatisé dans le but d'empêcher les jeunes de prendre l'habitude de fumer. C'est bien ce que j'ai compris? On est tous d'accord, donc.

Vous dites que vous n'avez pas été consulté. Alors, ce matin, on a votre point de vue.

Mme Karlson a parlé d'une proposition d'amendement et elle aurait été donnée, je crois, au président. Serait-il possible de recevoir le texte de la proposition d'amendement de la loi?

[Traduction]

Le président : A-t-il été distribué? Les membres l'ont-ils? Vous l'avez.

[Français]

Le sénateur Rivard : Lorsqu'une loi est modifiée, la procédure doit être détaillée, nous devons référer à des paragraphes précis de la loi. Comme vous avez dit que vous aviez fait une proposition, je croyais que vous aviez rédigé l'amendement, mais enfin, on pourra y travailler.

Je crois comprendre que seulement deux rencontres ont été prévues pour l'étude de ce projet de loi. Est-ce volontaire ou un manque de temps nous empêche-t-il d'entendre les manufacturiers canadiens de cigarette touchés par le projet de loi? Je pense, entre autres, à l'usine RBH de Québec.

[Traduction]

Le président : J'avais prévu qu'il faudrait deux réunions pour entendre tous les différents points de vue. Si jamais nous avons besoin de plus de temps pour avoir une bonne compréhension des perspectives différentes, nous pourrons alors organiser plus de réunions. De plus, si le comité veut tenir plus de réunions, il peut absolument en faire la requête. Pour l'instant, nous avons planifié deux réunions, mais ce pourrait être plus. Au terme des deux réunions, si vous estimez que nous n'avons pas entendu tout le monde ou que nous devons inviter plus de gens à comparaître, nous pourrons alors le faire.

Nous avons l'amendement précis proposé par l'Association frontière hors taxes dont vous avez parlé, et il a été distribué. Il est très détaillé. On dirait en fait du jargon juridique.

Nous l'examinerons seulement à la fin, mais nous l'avons à titre d'information. Quand nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi, nous pourrons en tenir compte.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur le président, je suggère fortement que ce comité convoque les manufacturiers canadiens, entre autres RBH de Québec, où 330 emplois sont en jeu si le projet de loi est adopté tel quel.

[Traduction]

Le président : Ils sont peut-être déjà sur la liste; je n'en suis pas sûr. Nous vérifierons.

Le sénateur Martin : Merci aux trois témoins d'aujourd'hui. Vous vous êtes certainement fait les porte-parole de vos membres et vous avez parlé avec beaucoup de conviction. Je sympathise avec tous vos membres pour ce qui est de leurs commerces, et je sais à quel point ils sont importants pour l'économie canadienne.

Monsieur Kim, sur une note plus personnelle, je sais également que les associations commerciales coréennes partout au Canada, même si les profits se volatilisent pour les diverses raisons que vous avez invoquées aujourd'hui, font aussi un excellent travail en donnant une partie de vos profits à des organismes de bienfaisance, à l'octroi de bourses d'études et à d'autres bonnes œuvres pour la collectivité. Je vous remercie officiellement devant les sénateurs.

Ma question porte sur les cigarettes faites à partir d'un mélange de tabac américain. Quel pourcentage des produits du tabac, en moyenne, sont vendus dans un dépanneur? Quel pourcentage des produits du tabac seraient faits à base d'un mélange américain?

M. Kim : Cela varie d'un magasin à l'autre, mais même le petit pourcentage de cigarettes américaines vendues dans les petits dépanneurs importe — comme je l'ai dit, chaque sous compte. Quand nous perdons une petite proportion des ventes, nous perdons l'achalandage. Les gens viennent au magasin pour se procurer du tabac, mais ils achètent de la gomme, des friandises, des boissons et du lait. De plus, cela ajoutera des parts du marché dans le tabac de contrebande. Si nous interdisons le tabac américain, les gens trouveront du tabac de contrebande quelque part, juste de l'autre côté de la frontière. C'est facile à faire rentrer au pays. C'est beaucoup plus facile que de se procurer des cigarettes des réserves indiennes.

Le président : Quelqu'un d'autre veut-il faire un commentaire? Il y a aussi la question générale suivante : quel est le pourcentage des ventes de cigarettes faites à base d'un mélange de tabac américain?

M. Bergeron : Nos cigarettes, comparativement aux produits du tabac vendus en franchise de droits dans les aéroports, représentent 20 p. 100 de toutes les ventes. De ce pourcentage, les cigarettes américaines comptent pour 7 ou 8 p. 100, 7 ou 7,5 p. 100.

Ces données tiennent aussi compte du fait que la marque de cigarettes américaines la plus vendue — Marlboro — n'est pas en vente au Canada. Les 7 ou 7,5 p. 100 correspondent probablement à des ventes de quelques millions de dollars, mais il y aussi le fait que les clients veulent acheter des cigarettes qui ne sont pas offertes. Dans nos commerces, nous avons les voyageurs occasionnels et les clients habituels, et les acheteurs à répétition découvrent assez rapidement ce qui est vendu et ce qui ne l'est pas. S'ils sont pressés, ils ne s'arrêtent pas à la boutique, mais autrement, ils auraient acheté leur cartouche de cigarettes, leur bouteille d'alcool, un parfum pour eux ou leurs conjoints, de même que de la nourriture, des collations, des cadeaux. Ces achats ont un effet cumulatif sur les affaires.

Mme Karson : Je peux vous dire qu'en 2008, nos ventes de cigarettes faites à base d'un mélange de tabac américain se sont chiffrées à deux millions de dollars environ, mais cette année est une mauvaise année pour nous, puisque le nombre de voyageurs en provenance des États-Unis a baissé de 26 p. 100. Quand les Américains recommenceront à venir au Canada et que le tourisme augmentera, ce pourcentage pourrait doubler.

Il est important de signaler que le tabac américain est un produit d'appel, si bien que lorsque les touristes américains sont dans nos boutiques, ils finissent par acheter les vins de la Colombie-Britannique et les souvenirs du Canada, les parfums, les bouteilles d'alcool, et cetera. Cela a un effet de réaction en chaîne pour nos autres gammes de produits.

Les acheteurs qui viennent dans nos boutiques sont surtout des Américains, et nous essayons désespérément de les garder comme clients, et ce sera certainement plus difficile à faire sans amendement.

Le sénateur Keon : Tout ce qui interfère avec l'industrie du tabac a nécessairement un effet dévastateur sur les économies. Cela ne fait aucun doute. J'étais en Italie la semaine dernière, et la société Philip Morris était là pour commanditer le Grand Prix. Nous ne devons pas précipiter les choses. C'est certain. Il est difficile pour les gens de s'y habituer, mais ils doivent s'y faire, car plus la population sera sensibilisée, moins elle fumera. Un jour, les ventes de produits du tabac chuteront jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. Il est vrai que les compagnies de tabac vendent maintenant leurs produits dans les pays du tiers monde, mais elles en vendent de moins en moins aux gens éduqués.

Ne pourriez-vous pas trouver un moyen d'ajuster vos opérations pour ne plus vendre de produits du tabac?

M. Bergeron : Je donne aussi quelques cours et séminaires sur la gestion commerciale dans les aéroports, et je me tiens au courant de la ventilation des ventes ailleurs dans le monde. Les données que je vais vous présenter ne sont pas tirées de mes propres recherches. Elles sont appuyées par le Programme de boutiques hors taxes géré par l'ASFC. Il communique les ventes des diverses catégories de produits vendus dans les boutiques hors taxes, séparément de l'aéroport à la frontière terrestre. Fait intéressant, la proportion des ventes de produits du tabac dans les boutiques est demeurée assez stable. L'une des principales raisons a trait au comportement des clients.

Les clients dans les boutiques hors taxes achètent pour une consommation future, si bien qu'ils achètent toute la cartouche. Par le passé, huit paquets duraient huit jours et, de nos jours, ils dureront probablement 14 jours pour un fumeur régulier, tandis que les gens du marché intérieur achètent essentiellement un seul paquet. Vous avez dit à juste titre que nous devrions réduire la consommation. L'éducation — nous disions autrefois que l'éducation, l'âge et la classe sociale sont les meilleurs facteurs à prendre en considération pour réduire le nombre de fumeurs, mais ce qui a contribué aussi à diminuer le tabagisme, ce sont les initiatives des gouvernements pour réduire le taux de tabagisme.

Cette réduction a eu davantage une incidence sur les ventes de détail au pays que sur celles dans les boutiques hors taxes. Je viens du secteur des ventes de détail sur le marché intérieur. Ces ventes sont pour la consommation immédiate. Les ventes hors taxes visent une consommation future. Nous vendons seulement une cartouche de 200 cigarettes. Nos clients achètent seulement lorsqu'ils voyagent à l'étranger. Ces ventes ont essentiellement maintenu les affaires à flot.

Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas à la recherche de nouveaux produits. Au fil des ans, nous avons introduit le vin de glace. Le vin de glace et les boissons alcoolisées de qualité supérieure ont sérieusement pris de l'expansion. Il en va de même pour les vins canadiens et les produits canadiens tels que le saumon et le sirop d'érable. Nos ventes de souvenirs ont aussi augmenté, et pas seulement dans ce que nous appelons l'industrie du « souvenir des chutes Niagara », sans vouloir être irrespectueux; nous avons essentiellement essayé de vendre des produits plus haut de gamme et fabriqués au Canada. Nous prenons continuellement de l'expansion, en passant en revue notre liste de produits pour répondre aux besoins des clients.

Comme vous le savez, pour réussir dans la vente de détail, on doit atteindre et dépasser les attentes des clients. Le tabac est l'un des produits que les clients cherchent à se procurer dans les boutiques hors taxes.

Mme Karson : Je ferai écho aux commentaires de M. Bergeron. J'ai dû mal à comprendre, car l'objectif du projet de loi est très clair. Il vise les produits du tabac aromatisés, la cigarette à saveur de fraise, le cigarillo au goût de menthe chocolatée. Les produits faits à partir d'un mélange américain, les Camel et les Winston, sont à saveur de pomme et d'orange. Le projet de loi n'est pas nébuleux. Il est très clair.

D'après mes membres et moi, l'objectif du projet de loi est valable. Nous allons l'appuyer et nous retirerons ces produits de nos tablettes sans regimber, mais il n'est pas transparent. Les produits du tabac de mélange américain sont différents des produits du tabac aromatisés, ce sur quoi porte le projet de loi. Un amendement devrait être proposé pour permettre aux entreprises qui représentent les produits du tabac de mélange américain de continuer de les vendre dans notre pays aux Américains ou aux Canadiens qui préfèrent fumer ce type de cigarettes; mais dans nos commerces, ce sont les Américains qui les achètent. Bien que nous offrons bien d'autres produits que des cigarettes faites à partir d'un mélange américain, certains Américains fument ce qu'ils considèrent comme étant des « cigarettes régulières », tels que les marques Camel et Winston. J'exhorte le comité à examiner l'objectif du projet de loi. Si vous estimez que les cigarettes de mélange américain font partie de l'objectif du projet de loi, il n'y a pas grand-chose d'autre à dire, mais je ne crois pas que ce soit le cas.

Le président : Puisqu'il ne nous reste presque plus de temps, je vais demander aux sénateurs Callbeck, Pépin et Segal de poser leurs questions tout de suite plutôt qu'individuellement.

Le sénateur Callbeck : Merci, monsieur le président. Je serai brève. Merci de votre présence ce matin.

Je vois où les cigarettes mentholées pourront être vendues. Cela veut-il dire qu'elles ne plaisent pas aux jeunes?

Je lis ici qu'en décembre 2008, une Loi modifiant la Loi favorisant un Ontario sans fumée en ce qui a trait aux cigarillos a reçu la sanction royale. La loi interdit la vente de petits cigares à moins que le cigarillo aromatisé ait été prescrit. Prescrit par qui? Les médecins les prescrivent?

Le président : Veuillez prendre des notes et vous pourrez répondre lorsque toutes les questions auront été posées.

[Français]

Le sénateur Pépin : Si j'ai bien compris, vous dites que le phénomène de la contrebande va s'accentuer. Puisque les jeunes sont de petits rusés, surtout à l'âge de 17 ans, ils trouveront certainement une façon de se procurer ces cigarillos. Avez-vous prévu une façon de les reconnaître et de ne pas leur vendre ces cigarettes?

[Traduction]

Le sénateur Segal : Les témoins pourraient-ils se pencher sur ce que Santé Canada s'apprête à faire, d'après eux? On s'entend sur la proposition de retirer les produits du tabac aromatisés qui attireraient les enfants de manière inappropriée. Le fait que les cigarettes de mélange américain seraient visées me fait penser à toutes les rénovations que j'ai faites à la maison. La partie la plus dispendieuse, c'est quand quelqu'un dit à l'entrepreneur, « Pendant que vous y êtes... ». C'est avec les meilleures intentions du monde que les fonctionnaires se réunissent pour protéger la santé et réduire toutes les maladies causées par le tabagisme, et quelqu'un dit, « Pendant que vous y êtes, pourquoi ne pas ajouter les produits du tabac de mélange américain »? Quand vous téléphoné pour poser des questions, d'après ce que vous nous avez dit, il semblerait qu'on vous réponde : « Passez une excellente journée ». Vous avez été réglementés par ces gens depuis longtemps. Il nous serait utile de connaître votre point de vue sur ce qui se passe vraiment.

Le président : C'est votre dernière chance d'intervenir, chers témoins. Vous avez trois questions de trois sénateurs. Je vais commencer par Mme Karson, et nous irons dans l'ordre inverse.

Mme Karson : Vous soulevez un bon point. Je ne sais pas ce qui se passe avec les fonctionnaires de Santé Canada. Je pense que leur intention est honorable. Nous sommes tous d'accord pour dire que les produits du tabac aromatisés ciblent clairement les enfants. Ils sont à saveur de chocolat et de fraise; c'est donc évident à mes yeux. En dressant une si longue liste, j'ai l'impression qu'ils seront en mesure d'établir des stratégies futures, entre autres, et de créer une fondation, et je comprends cela, mais les cigarettes faites à partir d'un mélange de tabac américain sont différentes des produits du tabac aromatisés. Comment puis-je expliquer leur stratégie? Je ne peux pas le faire. Ce n'est pas pareil. Là encore, c'est comme comparer des pommes et des oranges.

À mon avis, en tant que citoyenne canadienne et représentante, le processus devrait très transparent, mais ce n'est pas le cas; il est bancal. Un amendement permettrait d'adopter le projet de loi dans les délais que ces comités aimeraient respecter, mais apaiserait également l'industrie canadienne, qui est durement touchée par la récession économique actuelle et par d'autres facteurs qui nuisent à nos affaires. Je pense que nous pouvons tous les deux y gagner.

Le président : Avez-vous des commentaires sur la question du sénateur Callbeck au sujet des cigarettes mentholées et sur l'argument du sénateur Pépin entourant la contrebande?

Mme Karson : J'ai assisté à des audiences du Comité permanent de la santé, et les fonctionnaires de Santé Canada sont assurément mieux placés pour vous répondre que moi, mais d'après ce que j'ai compris lors de ces audiences, la vente des cigarettes mentholées est en baisse. Ils cherchaient à inclure les produits du tabac qui ciblent clairement les jeunes et dont les ventes sont en forte hausse. Ils sont très populaires auprès des enfants dans les régions du Nord du Canada. Ils peuvent acheter ces paquets individuels, qu'ils ont les moyens de se procurer. Ils ont même montré des exemples. C'est tellement flagrant que c'en est incroyable. C'est ce que je vous répondrais, à partir du peu que je sais.

Le président : Monsieur Kim, avez-vous des commentaires à faire sur les questions qui ont été posées?

M. Kim : Je n'ai pas la réponse. Si vous pouvez m'envoyer un courriel, nous trouverons la réponse et nous vous la ferons parvenir plus tard.

Le président : Merci. Monsieur Bergeron?

M. Bergeron : Je vais commencer par répondre à la question du sénateur Callbeck. Après avoir tenu des discussions avec nos membres, nous vendons des cigarillos et des cigarettes mentholées aux adultes parce qu'ils composent notre clientèle. Nos membres n'offrent pas des cigarettes qui ciblent les enfants. Cela dit, nous comprenons les conséquences non voulues, surtout pour ce qui est des cigarillos aromatisés au vin de marque Old Port. Nos membres disent : « En ce qui concerne le projet de loi sur les produits du tabac aromatisés, s'il faut qu'il soit adopter, alors il le faut. Cela ne tuera pas l'industrie. » Toutefois, nous n'aimons pas perdre des produits, et je pense que vous comprenez cela, mais nous sommes conscients que ce produit devra peut-être être retiré.

En réponse à votre question quant à savoir où les responsables de Santé Canada veulent en venir, je pense qu'ils essaient de colmater les brèches dans l'initiative de réduction de la consommation chez les jeunes. Nous avons fait des exposés avec d'autres dans le passé. Nous l'avons fait il y a plusieurs années, notamment, lorsque nous avions reçu une exemption en tant qu'industrie hors taxes pour que les clients aient un accès direct aux marchandises au lieu que les produits soient derrière le comptoir, en raison de la nature de notre commerce.

Nous créons deux mesures pour le même produit : une pour les cigarettes faites à partir d'un mélange de tabac américain et une pour les cigarettes faites à base d'un mélange canadien. C'est probablement ce qui est loin d'être attrayant. Pour ces deux produits, les adultes sont notre clientèle cible.

[Français]

Sur le plan de l'industrie des produits du hors taxes, nous ne sommes pas exposés à la contrebande comme telle. Ce n'est pas seulement parce que nous faisons un bon travail, c'est aussi parce que nous sommes soumis à des restrictions strictes qui ont été mises en place par le Programme des boutiques hors taxes.

Le sénateur Pépin : Je me suis peut-être mal exprimée, mais je pense qu'il y aura des jeunes qui trouveront le moyen d'aller dans les boutiques hors taxes pour se procurer ces cigarettes.

M. Bergeron : L'accès aux produits du tabac représente davantage un défi dans le marché domestique. Pour avoir œuvré dans ce marché antérieurement, j'apprécie votre point. Toutefois, les jeunes doivent avoir un billet pour voyager à l'international. Et d'après les sondages menés par les autorités aéroportuaires, la proportion de ces jeunes de moins de 18 ans atteint près de 3,5 p. 100. Ils sont accompagnés d'un parent ou d'un gardien.

On doit demander la carte d'embarquement et pour vérifier l'âge, on doit demander le passeport. Si on déroge à ce règlement, la pénalité est très élevée et nos membres n'ont pas intérêt à perdre leur permis. Parce que s'ils perdent leur permis, ils perdent aussi leur commerce au complet.

[Traduction]

Le président : Les gens de Santé Canada, dont vous avez parlé, sont nos prochains témoins. Vous voudrez peut-être les écouter, car ils vous ont écoutés. Merci beaucoup de votre présence et de vos témoignages.

Nous allons maintenant passer au second groupe d'experts sur le projet de loi C-32. Nous accueillons pour l'occasion des représentants de Santé Canada, dont les membres du groupe précédent nous ont abondamment parlé. Nous accueillons notamment le sous-ministre adjoint de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, M. Paul Glover. C'est lui qui prendra la parole au nom de son ministère. Il sera accompagné de trois collaborateurs qui pourront l'aider à répondre aux questions. Il s'agit du directeur du Bureau de la réglementation et de la conformité, M. Denis Choinière; de la directrice générale de la Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, Mme Cathy Sabiston; et de l'avocate générale des Services juridiques, Mme Diane Labelle.

Bienvenue à tous et à toutes et merci d'avoir accepté notre invitation.

Paul Glover, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada : J'ai remis au comité la version complète de mon exposé dans les deux langues officielles. Je serai cependant beaucoup plus bref, car je veux consacrer le plus de temps possible aux questions.

Depuis de nombreuses années, le Canada est un chef de file mondial dans la mise en œuvre de mesures de lutte antitabac. Toutefois, même si nous réussissons mieux à protéger la santé des Canadiens, il y a encore 4,8 millions d'entre eux qui continuent de fumer. L'usage du tabac coûte en fait au système de soins de santé plus de 4,4 milliards de dollars par année. Et l'industrie du tabac continue d'élaborer de nouveaux produits et de nouvelles stratégies de marketing et de se développer sur des marchés jamais exploités auparavant.

Nous savons que 75 p 100 des gens qui essaient la cigarette deviendront un jour des fumeurs. En fait, 75 p. 100 des gens qui l'essaient une fois en prendront ensuite l'habitude. Du nombre, la moitié mourront prématurément d'une maladie liée au tabagisme. C'est devenu une question de santé publique. Pour atteindre nos objectifs à long terme, il faut réduire le nombre de jeunes qui essaient la cigarette. En toute logique, les efforts du gouvernement et de la société canadienne doivent cibler tout particulièrement les jeunes et les produits qui sont attrayants à leurs yeux.

[Français]

Le projet de loi C-32 à l'étude par votre comité aujourd'hui traite du besoin d'interrompre le marketing et la publicité des produits de tabac auprès des jeunes; en particulier concernant les produits susceptibles de les encourager à commencer à fumer.

[Traduction]

Permettez-moi de vous présenter un résumé de ce que nous savons : Nous savons qu'après la décision de 2007 de la Cour suprême du Canada d'admettre la Loi sur le tabac, une augmentation de 400 p. 100 de la publicité sur les produits du tabac a été notée dans les journaux, les magazines et les hebdomadaires récréatifs gratuits accessibles aux jeunes. De tous les produits du tabac, les petits cigares sont ceux qui ont connu la hausse la plus rapide sur le marché. Nous savons en fait que près du quart des jeunes de 15 à 17 ans, 23 p. 100 pour être exact, les ont déjà essayés. Nous savons qu'ils sont largement accessibles, que des essences de raisin et de punch tropical sont offertes et qu'ils se vendent à l'unité pour environ un dollar. En fait, les petits cigares et les papiers d'enveloppe sont souvent vendus à l'unité ou en petits paquets, ce qui fait que les jeunes peuvent souvent se les permettre.

J'aimerais prendre une minute pour vous montrer quelque chose. Ce que je vous dis peut vous sembler bien abstrait, mais je vais vous montrer une vraie publicité. On trouve le magazine Time dans presque toutes les écoles secondaires. Voici le genre de publicités — pleine page s'il vous plait — que l'on y voit. Ce sont ces magazines gratuits que l'on voit souvent dans les abribus et autres lieux publics. Ils sont gratuits, nul besoin de s'y abonner, alors impossible de savoir qui les lit, puisqu'il suffit d'ouvrir la boîte et de se servir pour s'en procurer un. On parle bien d'annonces pleine page. Tout cela est bien réel, et nous ne sommes plus du tout dans l'abstrait.

Parlant d'essences, saviez-vous qu'il y en a une qui s'appelle « Aloha »? L'endos nous apprend que le produit goûte la noix de coco et la banane. C'est un produit qui existe. On trouve sur le marché canadien un produit à l'essence de framboise. On en trouve un à la saveur de « Rêves », qui goûte en fait la vanille, un au chocolat hollandais et un autre aux petits fruits. On trouve tous ces produits aujourd'hui même sur le marché canadien.

Voici ce que l'on retrouve sur les petits paquets. En voici un premier, qui contient deux unités. Je ne vois vraiment pas comment on peut lire la mise en garde sur un emballage aussi petit. Quant à cet autre paquet, je serais bien embêté de vous dire s'il s'agit de cigarettes ou de friandises, du moins à en juger par l'apparence. Il s'agit, en passant, de quatre petits cigares à l'essence de vanille qu'on peut se procurer aujourd'hui même. En voici deux autres à l'essence de cognac. Ce paquet de petits cigares regroupe quant à lui plusieurs essences : vanille, fraise et cerise. Et tout cela est en vente sur le marché au moment où l'on se parle. Il faudrait voir, mais je crois que ces produits sont aussi en vente à l'unité. Et je suis loin d'être certain que je pourrais affirmer qu'il s'agit d'un cigare si j'en trouvais un dans le sac à dos de mon enfant. Voilà à quoi ressemble le marché d'aujourd'hui.

J'ai dû mettre celui-ci dans un sac de plastique, parce que l'emballage d'origine était malheureusement ouvert. Il s'agit d'une cigarette vitaminée, que l'on peut se procurer n'importe où. Voici maintenant des feuilles d'enveloppe vendues à l'unité. Celle-ci s'appelle « Passion tropicale », alors que celle-là porte le nom de « Cerise noire ». Elles sont vendues à l'unité, sur le marché canadien. Et j'en ai encore beaucoup d'autres comme ça. Vous voyez donc que le problème est loin d'être abstrait, qu'il est bien réel et qu'on doit y faire face aujourd'hui.

C'est pourquoi le projet de loi C-32 vise à interdire toute publicité dans les publications qui sont vues ou lues par des enfants et des jeunes et à interdire l'utilisation d'essences et d'additifs dans les petits cigares, les cigarettes et les feuilles d'enveloppe, à l'exception du menthol, comme nous l'avons déjà indiqué.

En vertu de la Loi sur le tabac, il n'y a actuellement aucune restriction en ce qui concerne l'ajout et la commercialisation d'essences et d'additifs dans les produits du tabac. Le projet de loi entraînera l'interdiction d'ajouter des essences (sauf le menthol) et d'autres additifs tels que vitamines, sucres, édulcorants et agents colorants dans les cigarettes, les petits cigares, les feuilles d'enveloppe et les produits dits « légers ».

Nous aimerions également interdire l'utilisation de commentaires ou d'images suggérant une essence à l'avant des emballages, et nous voulons nous assurer que les petits cigares et les feuilles d'enveloppe sont vendus en paquet d'au moins 20 unités, ce qui nous permettrait de faire disparaître tous ces petits emballages. Aucun emballage ne contiendrait moins de 20 unités, comme c'est actuellement le cas pour les cigarettes. Nous cherchons donc à créer une norme à laquelle l'industrie est déjà habituée.

Le projet de loi permettrait enfin de créer un calendrier afin que le gouvernement puisse prendre des mesures plus rapides pour interdire d'autres produits ou additifs s'il s'aperçoit qu'ils encouragent les jeunes à fumer.

[Français]

Le projet de loi C-32 a été approuvé par la Chambre des communes le 17 juin 2009 et est présenté ici aux fins d'examen et d'étude de votre part.

En conclusion, le projet de loi qui est devant vous aujourd'hui vise à assurer la protection permanente des jeunes contre l'incitation à faire usage des produits du tabac.

[Traduction]

Mes collaborateurs et moi répondrons maintenant avec plaisir à vos questions.

Le président : Il y a six sénateurs sur ma liste. Nous commençons donc avec le sénateur Cook.

Le sénateur Cook : C'est un sujet que je connais peu, mais selon mes notes, la mention « mélange » signifie que le tabac utilisé a été mélangé à du tabac provenant des États-Unis. Y trouve-t-on autre chose, ou la mention « mélange » signifie-t-elle qu'on a mélangé plusieurs types de tabac?

M. Glover : Au Canada, l'industrie utilise surtout une sorte de tabac. Les goûts des citoyens varient d'un pays à l'autre, et le marché s'adapte en conséquence. Au Canada, nous utilisons surtout le tabac jaune de type « Virginia », qui est assez courant. Le mélange américain dont vous avez tant entendu parler est fait à partir de tabac de type « Burley ». Il est naturellement très amer. Le seul moyen d'en rendre le goût agréable consiste à lui ajouter différentes essences. Dans le mélange américain, on retrouve des essences de réglisse, d'érable, de chocolat et autres. Ces essences ne sont pas destinées à être reconnues par le fumeur, dans le sens où personne ne pourra dire que les cigarettes faites de mélange américain goûtent le chocolat, nous en sommes tout à fait conscients. On a cependant ajouté des édulcorants au tabac afin de le rendre moins rêche et plus facile à fumer, et c'est précisément à ces additifs que le projet de loi veut s'attaquer. Le jeune qui commence à fumer sera en effet davantage tenté par un produit moins rêche et plus facile à fumer. Ce n'est pas une coïncidence. Les cigarettes utilisant un mélange américain représentent moins de 1 p. 100 des ventes totales en sol canadien. Nous savons d'ailleurs que, depuis quelques années, certains fabricants ont revu la composition de leurs produits, que les cigarettes faites de mélange américain ont été adaptées au marché canadien et qu'on n'y retrouve plus les essences visées par le projet de loi. Nous parlons ici d'environ 56 p. 100 des cigarettes utilisant un mélange américain vendues sur le territoire canadien.

Le sénateur Cook : Êtes-vous en train de me dire que, dans le mélange américain, on retrouve tout simplement différents types de tabac et rien d'autre?

M. Glover : Non, on y mélange différents types de tabac et des essences afin de rendre le tabac agréable au goût.

Le sénateur Cook : De quelles essences parle-t-on?

M. Glover : La liste est assez longue. Il s'agit de renseignements commerciaux confidentiels que les entreprises ne sont pas tenues de nous dévoiler pour le moment, mais nous savons que les essences vont de l'érable à la mélasse en passant par la vanille, le chocolat et la réglisse.

Le président : Permettez-moi de revenir sur un point. Les trois invités qui vous ont précédés n'étaient pas des fabricants de cigarettes. Ils représentaient plutôt des exploitants de boutiques hors taxes, que ce soit dans les aéroports ou ailleurs, et des regroupements de détaillants, comme l'Ontario Korean Businessmen's Association. Ils sont venus nous dire que le projet de loi à l'étude compromettra de beaucoup leur capacité à faire de l'argent. Comme le représentant de l'Ontario Korean Businessmen's Association nous l'a dit à plusieurs reprises, chaque sou compte pour les propriétaires de dépanneurs. Qu'en pensez-vous? Ils prétendent que, si l'on se fie à ce que disait initialement le premier ministre, seuls seraient visés les petits cigares, les cigarillos, et cetera. bref, toutes ces choses que vous nous avez montrées tout à l'heure, mais pas les cigarettes faites de mélange américain. Pourquoi avoir aussi visé le mélange américain? Que répondez-vous aux témoins que nous avons entendus?

M. Glover : Premièrement, si nous voulons réduire l'incidence du tabagisme, il faut nécessairement réduire le nombre de cigarettes vendues. De mon point de vue de bureaucrate, je vois mal comment on pourrait rédiger une loi, quelle que soit l'allégeance du gouvernement au pouvoir, qui prétendrait réduire l'incidence du tabagisme sans chercher à réduire le nombre de cigarettes vendues. C'est impensable. S'il y a moins de gens qui fument, il se vendra moins de cigarettes. C'est l'un des objectifs de santé publique du gouvernement du Canada, et ce, depuis l'adoption de la loi en 1997. Il s'agit en fait de l'un des grands principes qui la sous-tendent. Si l'on veut que moins de gens fument et que moins de gens commencent à fumer, il faudra nécessairement vendre moins de cigarettes.

Le président : Je veux bien, mais l'objectif du projet de loi C-32 consiste à réduire l'emprise du tabac sur les jeunes, sur les mineurs. Vous en avez d'ailleurs abondamment parlé pendant votre exposé : vous nous avez dit qu'il faut empêcher les jeunes de prendre leur première touche de cigarette, afin qu'ils ne commencent jamais à fumer. Qu'est-ce que cet objectif a à voir avec l'abolition du mélange américain? Les autres invités semblaient dire qu'on allait trop loin et qu'ils feraient involontairement les frais de cette nouvelle mesure.

M. Glover : Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à être aussi clair et précis que possible : aucune disposition du projet de loi à l'étude n'interdit quelque produit ou quelque classe de produits que ce soit. Seuls les essences et les additifs seront interdits. Déjà, et avant même que le projet de loi ne soit présenté, certains fabricants ont revu la composition de leurs cigarettes utilisant un mélange américain afin de les adapter aux goûts du marché canadien. Ces cigarettes sont en vente à l'heure où on se parle.

Dès le départ, l'intention du législateur consistait à traiter toutes les classes de produits sur un pied d'égalité. La loi s'applique donc à tous les produits vendus ou importés au Canada. Nous demeurons convaincus que l'intention de la loi doit demeurer la même. Nous ne créons pas d'exceptions pour les produits importés ou exportés. Il s'agit d'une question de santé publique pour laquelle il faut prendre des mesures cohérentes, concertées et ciblées, peu importe la catégorie de produits visée. N'oubliez pas que les essences ajoutées au mélange américain ont comme objectif premier de rendre le tabac moins rêche.

[Français]

Le sénateur Rivard : Premièrement, je me dois de féliciter le ministère de la Santé d'avoir initié ce projet de loi, suite à une déclaration du premier ministre, en 2008, s'engageant à bannir les produits du tabac aromatisés. Je pense que tout le monde est d'accord avec cette initiative.

Mon seul souci, c'est qu'on inclut le tabac Burley dans ce projet de loi, ce qui engendrera des conséquences économiques. Je ne suis pas un expert en santé, mais du point de vue économique, j'aimerais que vous me confirmiez que des usines comme Rothman à Québec, qui utilisent le tabac Burley dans la fabrication de cigarettes réexportées aux États-Unis, ou des Gitanes ou des Gauloises, ne seront pas touchées. Je vous rappelle qu'il y a 330 emplois en jeu à Québec et qu'il y en a sûrement ailleurs au Canada.

C'était ma première question et voilà la deuxième : êtes-vous certains que le projet de loi C-32 est en accord avec le GATT et l'OMC et qu'il n'y aura pas de contestation?

Finalement, certains intervenants nous disent que d'autres pays comparables au nôtre comme population, l'Australie entre autres, ont interdit les cigarettes aromatisées, mais que les produits faits de mélange américain sont permis. Pourquoi avoir banni le tabac Burley?

Pour tout le reste, je suis d'accord, pas à 100 p. 100, comme disent certains, mais bien à 110 p. 100.

M. Glover : Mes deux collègues vont m'aider à répondre aux questions, mais premièrement, le projet de loi devant vous aujourd'hui ne propose pas de bannir ce tabac; il propose de bannir les ingrédients aromatisés qui sont ajoutés à ce tabac.

Denis Choinière, directeur, Bureau de la réglementation et conformité du tabac, Santé Canada : Tout d'abord, clarifions aux fins de la discussion que le type de cigarettes principalement vendu au Canada est une cigarette faite de tabac jaune — ce qu'on appelle « flue-cure » en anglais — et ces ventes comptent pour 99,2 p. 100. Le tabac des cigarettes faites de tabac mélangé, donc qu'on appelle de style américain qui sont faites d'un mélange de tabac jaune, « flue-cured » et de tabac Burley qu'on fait sécher à l'air ne représentent que 0,8 p. 100.

Selon nous, l'impact du projet de loi portera sur la moitié, donc environ 56 p. 100 des cigarettes faites d'un mélange de tabac jaune et de tabac Burley. En gros, cela concerne environ 0,5 p. 100 du marché canadien. Cet impact sera au niveau des fabricants. Et si nous présumons aux fins de la discussion que chaque fabricant fabrique 99 p. 100 de cigarettes à tabac jaune, la moitié du 1 p. 100 qui demeure concerne l'impact chez les fabricants.

Nous présumons qu'il s'agira du même impact au niveau des détaillants; parce qu'en moyenne les détaillants vont répondre à la demande des clients. Comme on le sait, pour le Canada, c'est 99 p. 100. Nous pensons donc qu'il y aura un impact pour 0,5 p. 100 des ventes des détaillants.

Le sénateur Rivard : Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais vous ne trouvez pas qu'on écrase une mouche avec un bulldozer? Si le pourcentage de tabac américain traité est tellement minime, pourquoi ne pas le laisser continuer si cela assure la survie d'une seule entreprise au Québec qui est Rothmans?

C'est pour cette raison que j'ai suggéré au président qu'ils viennent témoigner pour nous dire que si nous maintenons le projet de loi comme tel, l'usine de Québec devra fermer parce qu'ils importent du tabac américain; ils le fabriquent pour l'exporter à nouveau aux États-Unis. Ce n'est donc pas fumé ici. C'est comme les Gitanes et Gauloises; la part du marché au Canada est tellement infime et c'est exporté à nouveau en France. Alors si le projet de loi est adopté tel quel, ils ne pourront pas poursuivre la fabrication de ces Gitanes ou Marlboro.

M. Choinière : On ne peut évidemment pas parler au nom des fabricants : Rothmans et Benson & Hedges devraient venir vous dire exactement ce qu'il en est de la fabrication dans l'usine. De notre côté, nous présumons que 99 p. 100 de la fabrication en usine est faite de tabac jaune et les clients canadiens qui continuent à fumer — parce qu'il y en a toujours qui continuent — vont continuer de fumer ce tabac. Ce sera donc une décision corporative à savoir s'ils veulent servir le marché canadien à partir de cette usine ou d'une usine à l'extérieur du Canada. Le projet de loi est silencieux à ce sujet.

Pour revenir au danger de créer une ouverture qu'on ne pourrait pas gérer après, vous voyez déjà qu'il y a des cigarettes, comme on l'a montré ici, qui sont aromatisées. Et il n'y a pas de moyen pour le marché canadien, pour résoudre le problème, de créer une exception. On ne pourrait gérer l'exception par la suite; comme nous l'avons dit tout à l'heure, le projet de loi est silencieux sur le type de tabac. Les fabricants peuvent utiliser le type de tabac qu'ils désirent. On sait que certains utilisent des sucres et des arômes pour les cigarettes à mélange de tabac et d'autres ne le font pas. Nous n'allons pas commencer à dire à certains fabricants qu'ils ne peuvent pas utiliser un type de tabac ou un autre. Tout ce que nous leur disons, c'est qu'ils ne peuvent pas utiliser de préparation d'arômes ni de sucre.

Le sénateur Rivard : En d'autres mots, si la compagnie Rothmans vient témoigner en disant qu'en employant du tabac Burley, cela n'apporte pas un arôme à la fumée, ils pourront alors à ce moment-là continuer à le faire parce que — si je comprends bien — l'intention du ministère de la Santé est d'interdire tout ce qui pourrait être considéré comme additif faisant en sorte que des produits de tabac aromatisés pourraient créer une habitude chez les jeunes et même chez les adultes. Si la recette Burley ne comprend donc pas comme finalité que la fumée soit modifiée et qu'elle soit aromatisée, ils pourront continuer à en fabriquer.

M. Choinière : Je peux parler de la marque Camel parce que le fabricant de Camel a, il y a quelques années, déclaré publiquement au gouvernement de la Colombie-Britannique ses ingrédients et ses additifs. Nous avons le document ici, mais c'est seulement en anglais. Il est clair dans leur liste d'ingrédients qu'il n'y a ni sucre ni préparation aromatisée. Camel, comme vous le savez, est une marque américaine. Ce sera donc à la discrétion du fabricant de décider s'il veut ajouter ou non, ou enlever s'il y en a, ces ingrédients qui seront interdits.

Le sénateur Rivard : Si le comité, dans sa sagesse, au cours des prochaines rencontres, en venait à la conclusion qu'on voudrait clarifier ce que vous venez de dire comme finalité, j'aimerais vous suggérer quelque chose : sous réserve du fait que l'adjonction puisse uniquement concerner des cigarettes pour lesquelles un ou plusieurs additifs font que la saveur caractérisant la fumée de la cigarette soit une saveur sucrée ou fruitée, est-ce que cela semblerait acceptable pour le ministère?

M. Glover : Non, ce n'est pas acceptable parce que cela crée une faille à mon avis, à savoir quel serait un goût que l'on puisse identifier. Comme la question de « saveur intense »: comment définir « intense »?

[Traduction]

Le président : Nous entendrons le point de vue de Rothmans, sénateur. Je vous remercie.

Le sénateur Keon : Je dois dire d'emblée que vous prêchez à un converti, mais il me semble cependant que le mot « mélange » revêt une importance capitale. Il me semble en effet que les fabricants de cigarettes veulent que les gens deviennent le plus rapidement possible dépendants au tabac et à la nicotine et qu'ils sont prêts à mettre n'importe quoi dans leurs produits pour y parvenir.

Je crois qu'il faut faire bien attention au mot « mélange » et adopter une attitude ferme, sans quoi on ouvre la porte à l'ajout d'à peu près n'importe quelle substance susceptible de créer — le plus rapidement possible — une dépendance au tabac et à la nicotine chez le premier venu, adulte ou enfant.

Qu'en pensez-vous?

M. Glover : Je dois faire très attention à la manière dont je répondrai à votre question. Le projet de loi à l'étude cible tout particulièrement les essences présentant un attrait prouvé pour les jeunes. Le menthol fait exception. Par contre, ce qui rend ce projet de loi unique, c'est le calendrier qui pourra être établi. Si nous constatons que de nouveaux produits font leur entrée sur le marché et qu'ils présentent un attrait pour les jeunes, et croyez bien que nous faisons régulièrement enquête auprès d'eux, nous pourrons agir en conséquence.

Nous continuerons à recueillir des données. Si le projet de loi est adopté, dès que ces données nous permettront de tirer des conclusions claires, nous pourrons suivre l'évolution du marché et y réagir.

Le président : Que se passera-t-il si le menthol, qui est exclu de l'application du projet de loi, est soudain davantage ciblé par les efforts de marketing et finit par aller à l'encontre des objectifs du projet de loi? Pourquoi avoir exclu le menthol alors que c'est une possibilité?

M. Glover : Dans sa forme actuelle, le projet de loi prévoit la création d'un calendrier. Nous pourrons adapter le calendrier en fonction des données recueillies. Pour le moment, le marché canadien est très différent des marchés australien ou français, par exemple. L'usage du menthol est en déclin au Canada, et les jeunes sont loin d'y trouver le moindre attrait.

Le président : Si l'on décidait d'ajouter le menthol à la liste des essences interdites, qui prendrait la décision? Le gouverneur en conseil? Le ministre?

M. Glover : Le ministère.

Le président : Qu'en dit la loi?

Cathy Sabiston, directrice générale, Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, Santé Canada : Que la décision reviendrait au gouverneur en conseil.

Le président : Bref, aucune instance comme la nôtre ne se pencherait sur la question.

Le sénateur Cordy : Je vous remercie. Comme je suis allergique à la fumée de cigarette, j'aimerais bien qu'il n'y ait pas de cigares ni de cigarettes, point. J'ai défendu le projet de loi à l'étude hier devant le Sénat, et je crois que tout le monde ici présent en approuve les objectifs. On vise en effet à réduire le nombre de jeunes qui commencent à fumer, idéalement pour le ramener à zéro. C'est tout naturel, puisque les statistiques montrent que les personnes qui commencent à fumer continuent à fumer.

Cela étant dit, nous venons d'entendre le point de vue des exploitants de boutiques hors taxes et d'un regroupement de gens d'affaires coréens, qui nous ont dit ne pas avoir été consultés du tout. Le projet de loi vise surtout les jeunes. Les personnes qui ont comparu devant nous nous ont pourtant dit que les cigarettes de marque Marlboro, Camel et Winston allaient disparaître des tablettes. Était-ce bien là l'intention du projet de loi? Il me semble à moi, à la lecture du projet de loi, que ce sont d'abord et avant tout les jeunes qui sont visés. Or, ces gens nous ont dit qu'ils n'avaient pas été consultés. En fait, dès qu'ils ont su que le projet de loi était rendu à la Chambre des communes, les représentants de l'Association frontière hors taxes ont tenté de rencontrer le ministre et les représentants du ministère, mais sans succès. Il me semble que les choses iraient beaucoup plus rondement si on tenait de véritables consultations au lieu d'attendre que les décisions soient déjà prises avant de les annoncer à la population. Nous éviterions les situations comme aujourd'hui, où des gens viennent nous dire qu'ils n'ont pas eu voix au chapitre.

J'aimerais que vous répondiez à deux questions. Était-ce l'intention de la loi d'interdire les cigarettes de marque Marlboro, Camel et Winston? Et qu'en est-il du processus de consultation?

M. Glover : En ce qui concerne la consultation, il s'agissait en quelque sorte d'un engagement se retrouvant dans la plate-forme électorale, auquel le processus électoral a donné une grande visibilité auprès de l'ensemble des Canadiens. Chose certaine, il a reçu toute l'attention qu'il méritait, et le dialogue a été plus que soutenu. Tout au long du processus, le ministère a organisé plusieurs conférences téléphoniques et autres afin d'avoir le point de vue de l'industrie et de connaître son opinion sur la question. En fait, une bonne partie des amendements adoptés par la Chambre font justement suite aux préoccupations de l'industrie, alors on ne peut pas nous accuser de ne pas avoir écouté ceux sur qui le projet de loi allait avoir des répercussions.

En ce qui concerne l'intention du projet de loi, j'aimerais apporter une précision. Le projet de loi ne propose pas d'interdire des produits ou des catégories de produits. Il propose plutôt d'interdire des ingrédients. Les entreprises peuvent choisir de modifier leur formulation afin de se conformer aux exigences du marché canadien. Certaines d'entre elles ont choisi de le faire avant même que le projet de loi soit présenté. Encore une fois, le projet de loi n'interdit pas des produits, mais bien des arômes et des additifs.

Le président : Même si elles s'y conformaient, les entreprises américaines considéreraient le Canada comme un très petit pourcentage de leur marché. Pourquoi se donner tant de mal rien que pour le Canada? Le détaillant canadien, pour sa part, pourrait en ressentir les effets. Les États-Unis sont évidemment un marché beaucoup plus grand. Pourquoi les entreprises américaines s'adapteraient-elles à notre petit marché?

M. Glover : Mon objectif, c'est la santé publique. La Loi sur le tabac est une loi en matière de santé publique. Telle est son intention.

Pour ce qui est du mélange américain, la différence entre le Canada et les États-Unis est radicale. Nous préférons un type de tabac qui constitue 99,2 p. 100 de toutes les cigarettes vendues au pays. Les produits du tabac de mélange américain ne comptent que pour 0,8 p. 100 des ventes parce que les Canadiens n'en raffolent pas; en outre, plus de la moitié, soit 56 p. 100 des entreprises ont choisi de modifier leur formulation pour se conformer aux goûts du marché canadien.

Le président : Je crois que c'est là votre argument principal. Vous n'interdisez pas une catégorie particulière de produits, mais les changements sont tels que les Américains ne s'adapteraient pas, de toute façon, à un si petit marché. Et c'est tant mieux.

Le sénateur Callbeck : Merci d'être des nôtres. Ma question porte sur la compétence d'adopter une mesure législative sur le tabac aromatisé. Je crois que certaines des provinces l'ont déjà fait, et d'autres y songent déjà. C'est ce que j'ai lu dans les journaux. Ce projet de loi est-il conforme à ce que les provinces ont adopté? A-t-on eu des discussions avec celles-ci? Finirons-nous par avoir une loi fédérale, d'une part, et des lois provinciales, d'autre part?

Diane Labelle, avocate générale, Unité des services juridiques, Santé Canada : Je vais d'abord parler du point de vue juridique, puis mes collègues pourront parler du point de vue des politiques. Il est entendu qu'aux termes des articles 91 et 92 de la Constitution canadienne, le Parlement et les assemblées législatives partagent certaines compétences. Dans le cas de la santé, comme vous n'êtes pas sans le savoir étant donné votre expérience, la Constitution ne réserve pas ce domaine strictement à un seul pallier de gouvernement. La santé est plutôt une sorte de domaine amorphe qui est attribué soit au Parlement fédéral soit aux assemblées législatives provinciales, selon le but et l'effet particulier d'une mesure en matière de santé.

Dans le cas qui nous occupe, la mesure en matière de santé vise les jeunes et le pouvoir législatif en matière pénale. Depuis le tout début, la Cour suprême du Canada a reconnu qu'un objectif en matière de santé était une utilisation valable du pouvoir législatif en matière pénale. Cela a été confirmé de nouveau lors de la première contestation constitutionnelle de la Loi sur le tabac en 1995, et la Cour suprême du Canada a confirmé encore une fois la constitutionalité de la Loi sur le tabac en 2007.

Pour ce qui est des conflits éventuels avec les lois provinciales, en règle générale, c'est la compétence fédérale qui l'emporte. En cas de conflit, c'est la loi fédérale qui s'appliquerait. Je dois définir la nature du conflit ici. Le conflit devrait être réel, en ce sens que la conformité à un texte législatif donné impliquerait nécessairement la violation de la loi ou de la règle dans un autre texte législatif. Mais c'est rarement le cas. Dans la plupart des situations, une loi est plus restrictive qu'une autre; ainsi, une personne qui s'est conformée à la loi la plus rigoureuse n'aurait pas de problème.

Le sénateur Callbeck : Y a-t-il eu des consultations avec les provinces sur ce dossier?

Mme Labelle : Sur le plan des politiques, ma collègue pourra répondre à cette question.

Mme Sabiston : Oui, nous en avons eu, et les provinces ont largement appuyé le projet de loi.

Le sénateur Callbeck : Les lois qu'elles sont en train d'adopter sont-elles plus ou moins uniformes dans l'ensemble du pays?

M. Choinière : L'Ontario et le Nouveau-Brunswick ont tous deux adopté une loi. L'objectif est très semblable au nôtre, mais le mécanisme est légèrement différent. Les deux mesures législatives ont laissé de côté quelques détails qui seront abordés dans le cadre de règlements qui n'ont pas encore été présentés. D'après ce que j'ai cru comprendre des nombreuses discussions avec nos collègues provinciaux, leur intention et leur résultat final seraient semblables à ce qui est visé par notre projet de loi.

Le sénateur Callbeck : Vous essayez donc d'atteindre une certaine uniformité?

M. Choinière : Exactement.

Le président : Merci. Il nous reste trois autres sénateurs, et je veux leur donner l'occasion d'intervenir avant la fin de la réunion.

Le sénateur Segal : Pour remonter un peu en arrière, est-ce que l'un d'entre vous était à l'emploi de Sa Majesté, au sein du ministère de la Santé, lorsque le premier ministre Chrétien a radicalement réduit les taxes sur le tabac dans les années 1990? L'un d'entre vous travaillait-il là-bas à cette époque?

M. Glover : J'étais employé au ministère de la Santé, mais pas dans ma fonction actuelle.

Le sénateur Segal : Savez-vous si certains de vos collègues qui occupaient leurs fonctions actuelles ont donné leur démission à l'époque pour exprimer leur dégoût face à l'impact d'une telle mesure sur l'augmentation du nombre de fumeurs chez les jeunes, surtout les jeunes filles?

M. Glover : Je l'ignore.

Le sénateur Segal : La question mérite qu'on s'y intéresse. Une partie de notre problème, ce sont les résultats pervers. Personne dans cette salle ne veut que les jeunes fument. Personne dans cette salle ne veut que le nombre de jeunes fumeurs augmente. Tout le monde ici présent aimerait bien que les jeunes arrêtent de fumer. Toutefois, l'État prend des décisions quant aux instruments à utiliser.

En réponse aux questions de mes collègues, vous semblez dire, en toute bonne foi : « Nous déciderons, selon les conseils techniques issus des décrets soumis au gouvernement, quels ingrédients seront permis et lesquels ne le seront pas. Nous continuerons d'avoir cette prérogative dans l'avenir, une fois que le projet de loi sera adopté. Tout élu ou toute personne ayant des préoccupations pourra écrire à l'ombudsman, parce que nous aurons le pouvoir de procéder comme bon nous semble. » Êtes-vous à l'aise avec cette réponse? De toute évidence, le gouvernement est de cet avis, mais pensez-vous que c'est la meilleure façon pour les fonctionnaires de protéger l'intérêt public en l'occurrence?

Ce qui me préoccupe relativement aux résultats pervers, c'est que j'ignore pourquoi des hommes et des femmes travaillant dans des usines à Québec devraient perdre leur emploi aujourd'hui parce que nous n'étions pas préparés, par l'entremise de nos organismes d'application de la loi, pour faire face à la contrebande dans les réserves indiennes il y a 15 ans. Je ne comprends pas le rapport. Je ne pense pas que les gens qui perdent leur emploi le comprennent non plus. Ma question est la suivante : êtes-vous préoccupé par le niveau de pouvoir bureaucratique que ce projet de loi vous accorde?

Ma mère est morte à 56 ans à cause d'un cancer du poumon attribuable à la cigarette. Je comprends ce que vous essayez de faire et je le respecte, mais estimez-vous que c'est la meilleure façon de procéder, tout compte fait?

Par exemple, si on augmentait davantage les taxes sur le tabac, de nombreux jeunes qui pensent maintenant avoir les moyens de fumer changeraient d'avis. Ce serait peut-être la meilleure mesure en matière de santé publique que nous pourrions prendre. Voilà à quoi nous faisons face quand nous essayons de réfléchir à cette question de façon aussi constructive que possible dans le cadre du processus.

M. Glover : Monsieur le président, sans vouloir offenser qui que ce soit, ma fonction à titre de sous-ministre adjoint à Santé Canada consiste à fournir des conseils à la ministre qui prend sa décision à ce moment-là, et c'est le gouvernement, par l'entremise du cabinet, qui finit par rendre des décisions et non pas moi, le sous-ministre adjoint. Peu importe si je suis considéré comme un haut fonctionnaire, je suis quand même au service du gouvernement. Je ne prends pas de décision. C'est le gouvernement qui le fait. Je fournis des conseils fondés sur des preuves, et je le fais avec les meilleures intentions et les meilleurs avis stratégiques selon les objectifs visés par le projet de loi. Voilà ma fonction.

En ce qui concerne les pouvoirs conférés par le projet de loi, ils doivent être déposés. Il y a tout un processus qui entre en ligne de compte, par l'intermédiaire du gouverneur en conseil, et il faut passer par plusieurs étapes, notamment une comparution devant la Chambre pour présenter des idées et engager un débat plus poussé dans le cadre du processus parlementaire. C'est un processus tout à fait transparent.

Pour ce qui est du tabac en tant que problème social, la Loi sur le tabac n'est pas conçue pour lutter contre la contrebande. Il s'agit d'une question de santé publique; tel est l'objet de cette loi, et c'est ce dont je suis disposé à parler ici. Le gouvernement est doté d'une stratégie uniforme qui englobe l'Agence des services frontaliers du Canada, la GRC et d'autres organismes pour essayer de régler le problème de la contrebande. La stratégie du gouvernement du Canada comporte de nombreuses facettes, mais aujourd'hui, dans le cadre de notre étude de la Loi sur le tabac, qui est une loi sur la santé publique, nous nous penchons sur des questions en matière de santé publique.

Je suis sûr que si le comité s'intéressait au problème de la contrebande et se renseignait auprès des ministères et organismes appropriés, ceux-ci seraient heureux de vous expliquer en détail toutes les mesures qu'ils prennent pour s'attaquer à ce problème.

Le président : D'accord. J'aimerais vous poser une autre question. Est-ce conforme aux divers accords commerciaux et aux obligations internationales du Canada en matière de commerce?

[Français]

Mme Labelle : Cela me donne une occasion de répondre à votre question, sénateur.

[Traduction]

En tant que nation commerçante, le Canada prend très au sérieux ses obligations commerciales, et le ministère de la Justice, en collaboration avec nos collègues dans la section du droit commercial international, révise et passe au peigne fin chaque mesure législative pour en assurer la conformité aux obligations commerciales.

Dans ce contexte, nous tenons compte des points de vue des divers intervenants, notamment ceux des partenaires commerciaux. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada est déterminé à élaborer un projet de loi qui protège les jeunes contre la commercialisation du tabac tout en respectant nos obligations internationales et, dans ce cas particulier, nous avons établi que le Canada se réserve le droit de fixer ses objectifs de santé conformément à ce qui est représenté dans le projet de loi.

[Français]

Quant à savoir s'il y aura des répercussions, c'est tout à fait possible, on ne peut pas le prévenir.

Le sénateur Rivard : L'OMC vous a assuré qu'on est conforme?

Mme Labelle : Oui.

Le sénateur Pépin : Concernant les produits mentholés, vous avez dit qu'une des raisons pour lesquelles la loi ne les interdit pas, est parce que les gens en consomment de moins en moins; je pense que c'est 2 p. 100 ou quelque chose comme cela. Dans quelle mesure l'arome mentholé est-il différent d'un autre? Pensez-vous qu'il devrait être interdit? Étant donné que les gens en consomment de moins en moins on laisse faire, cela va s'éteindre tout seul. J'aimerais bien savoir quelle est la différence entre les produits mentholés et les autres.

M. Glover : Mes collègues vont répondre à votre question, madame.

M. Choinière : Pour les produits mentholés, entre autres les cigarettes, il y a eu une période, plutôt dans les années 1980, où c'était beaucoup plus courant, puis on a eu une baisse. Étant donné que le projet de loi vise plus particulièrement les jeunes et les produits émergents qui sont attrayants pour les jeunes, on ne pouvait pas inclure les produits mentholés.

Le sénateur Pépin : Parce que cela ne les attire pas?

M. Choinière : Ce n'est pas dans le champ d'action de l'intervention voulue par le projet de loi.

Le sénateur Pépin : À ce moment-là, on laisse circuler les produits mentholés parce qu'on pense qu'ils vont s'éteindre par eux-mêmes? Les gens en consomment de moins de moins, seulement 2 p. 100 à l'heure actuelle.

M. Choinière : Si jamais il y avait une vague, plus tard, et que cela redevenait plus populaire, notamment auprès des jeunes, à ce moment-là on aurait sûrement la preuve nécessaire pour pouvoir justifier le retrait de ces produits.

[Traduction]

Le sénateur Dyck : Ma question porte sur les cigarettes de mélange américain. La feuille que vous nous avez distribuée donne un très bon aperçu des petits cigares et des cigarettes que les jeunes trouvent attrayants. Apparemment, l'arôme de ces produits a été modifié pour les rendre plus attrayants. Le mélange américain de marque Winston ou Camel a-t-il ce genre de goût? Vous dites que les produits de mélange américain contiennent les mêmes arômes qui entrent dans la composition de ces produits, mais est-ce qu'ils ont le même goût? Autrement dit, attirent-ils les jeunes? Ces marques ne figurent pas sur la feuille que vous avez préparée, alors c'est pourquoi je me pose la question. Sans aucun doute, la saveur y est pour quelque chose. On commence par deux tabacs très différents, l'un qui est amer et l'autre qui l'est moins. Si on ajoute les mêmes arômes, on aura différents résultats dans le produit.

M. Choinière : Revenons à la question des cigarettes faites de mélanges de tabac, que l'on appelle de style américain. Comme on l'a dit tout à l'heure, d'après les rapports que nous obtenons de l'industrie, nous estimons que le mélange américain représente 0,8 p. 100 des ventes, et cette catégorie comporte essentiellement deux types de cigarettes. Certaines des cigarettes faites de mélanges de tabac contiennent des sucres et des arômes. L'autre moitié n'en a pas. Je peux parler des deux marques que vous avez mentionnées, soit Camel et Winston, parce que ces marques ont déposé des rapports publics au gouvernement de la Colombie-Britannique à la suite des règlements adoptés là-bas. Si vous regardez la liste des ingrédients, chose que l'on pourra fournir ultérieurement au comité, ces deux marques ne déclarent aucun édulcorant ni arôme, mais ce n'est pas le cas pour les autres. Le point important, c'est que quand on interdit des arômes, on interdit des arômes pour les cigarettes ou pour les petits cigares. Selon nous, il ne serait pas convenable d'avoir un mécanisme qui établirait qu'une telle ou telle recette est meilleure qu'une autre. Ce serait une énorme échappatoire, comme l'a souligné M. Glover tout à l'heure.

Le sénateur Dyck : Je ne comprends toujours pas; quand on a deux produits du tabac qui goûtent complètement différemment, de toute évidence, c'est le produit final qui compte s'il est question d'inciter les jeunes à commencer à fumer.

M. Glover : Nous apprécions certes le temps et l'attention que le comité consacre à cette question très complexe. Ce n'est pas par hasard que nous avons donné ce conseil au gouvernement dans ce dossier particulier. Ce sont les ingrédients qui rendent ces cigarettes plus attrayantes. En tant que responsable de la réglementation, j'aurais particulièrement du mal à examiner un arôme à la fois, comme mon collègue l'a dit, afin de prescrire ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Je ne suis d'ailleurs pas sûr des paramètres que nous utiliserions pour y arriver. Les ingrédients qui sont ajoutés aux cigarettes donnent à ces dernières un goût moins fort. C'est donc dire que les produits aromatisés constituent une initiation pour les jeunes, et c'est là le nœud du problème.

Relativement à la question du sénateur, je comprends que les goûts des consommateurs sont différents. La vanille et le chocolat sont deux arômes très différents. Ils plaisent à certains et déplaisent à d'autres. Mais ça nous est égal. Ce qui importe, c'est qu'ils sont attrayants; ce sont des produits d'initiation parce qu'ils attirent les jeunes. Voilà pourquoi nous nous attaquons aux ingrédients qui entrent dans la composition de ces produits.

Nous semblons nous buter à cette question, et je reconnais qu'il s'agit d'une question complexe, mais c'est l'ingrédient et non pas le produit fini.

Le sénateur Dyck : Le tabac est un ingrédient. Le type de tabac est un des ingrédients.

M. Glover : Le tabac n'est pas interdit. C'est un ingrédient.

Le président : Vous dites que vous devez prendre des mesures à l'égard des ingrédients, sinon vous ouvrez la porte. Je crois qu'en effet, c'est là l'essentiel du message.

Vous avez affirmé avoir consulté certaines organisations. Pouvez-vous s'il vous plaît nous fournir une liste des organisations et la date à laquelle elles ont été consultées?

M. Glover : Oui.

Le président : Enfin, un point que je tiens à préciser ici, c'est la question de la contrebande. Les organisations qui ont témoigné auparavant l'ont déjà dit, et je crois bien que certains des autres témoins qui comparaîtront la prochaine fois le diront aussi : malgré tout le mérite d'une telle mesure, il y aura au bout du compte des gens qui accéderont au produit par la contrebande. Le sénateur Segal a mentionné ce qui s'est passé durant les années 1990; en fait, c'était basé sur l'avis qu'une réduction des impôts nuirait à la contrebande. C'était la grande préoccupation à l'époque parce que la situation avait vraiment pris des proportions alarmantes. Quant à savoir si cette mesure a fonctionné ou pas, c'est à vous de juger. Toutefois, c'était certainement l'intention.

Alors quoi faire si le but visé est contrecarré par une augmentation massive des activités de contrebande? Je suppose que votre réaction serait, en partie, d'élaborer une autre loi à ce sujet, mais il me semble qu'on doit faire valoir un argument clé ici; en effet, si vous ne faites que transférer cela à la contrebande, cela ira à l'encontre de l'intention du projet de loi C-32. Pourquoi n'avez-vous pas traité de la contrebande dans le projet de loi C-32?

M. Glover : Il y a une longue explication technique. Je pourrais renvoyer le comité à la version initiale de la Loi sur le tabac et à son objectif. Il s'agit d'une loi en matière de santé publique, avec des objectifs en matière de santé publique. La contrebande est traitée par d'autres mesures législatives qui sont administrées par d'autres ministères fédéraux. Nous travaillons en collaboration avec ces derniers pour nous assurer qu'il y a une approche uniforme dans les politiques sur le tabac et tous les outils légitimes mis à la disposition du gouvernement. Sauf tout le respect que je vous dois, ce sont des objectifs stratégiques légitimes. Il s'agit d'un problème qui mérite notre attention. Le fait d'avoir un problème de contrebande n'exclut pas le besoin de prendre une mesure que nous jugeons appropriée et justifiée. Il y a des preuves qui justifient cette question particulière.

Mes collègues de l'Agence des services frontaliers du Canada, de la GRC et d'autres organismes travaillent également à contrer le problème particulier de la contrebande. Nous espérons pouvoir régler ces deux problèmes, l'un par rapport à l'autre.

Le président : Vous avez dit tout au long de votre témoignage que votre sujet de préoccupation est la santé publique. Si les gens accèdent à ces mêmes cigarettes par la contrebande, alors qu'avez-vous fait pour la santé publique grâce à cette mesure législative?

Mme Labelle : En ce qui concerne le mandat du ministère de la Santé, ce n'est malheureusement pas couvert par la Loi sur le ministère de la Santé. Comme M. Glover l'a expliqué, par l'entremise des services juridiques et des divers ministères, la taxe d'accise, la Loi de l'impôt sur le revenu et le Code criminel sont les principaux outils utilisés dans les stratégies visant à lutter contre la contrebande.

Le président : Voilà qui met fin à notre discussion, laquelle a été fort instructive et intéressante. Nous tiendrons au moins une autre réunion sur ce dossier. Il se peut que nous vous invitions à comparaître de nouveau pour obtenir d'autres précisions, selon les témoignages que nous entendrons à notre prochaine séance prévue pour le 30 septembre sur le projet de loi C-32. Merci encore une fois d'avoir comparu.

M. Glover : Merci à vous et aux membres du comité.

Le président : Chers collègues, la séance est maintenant levée.

(La séance est levée.)


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