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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 8 - Témoignages du 29 octobre 2009


OTTAWA, le jeudi 29 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, à qui l'on a renvoyé le projet de loi C-6, Loi concernant la sécurité des produits de consommation, se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier cette mesure législative.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen du projet de loi C-6, Loi concernant la sécurité des produits de consommation.

Nous accueillons trois personnes de trois organisations : Pamela Fuselli, directrice générale de SécuriJeunes Canada, Rick Smith, directeur général d'Environmental Defence, et Doug Geralde, directeur des Relations avec les organismes de réglementation à l'Association canadienne de normalisation.

Pamela Fuselli, directrice générale, SécuriJeunes Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui afin d'exposer le point de vue de SécuriJeunes Canada sur l'importance d'adopter le projet de loi C- 6, Loi concernant la sécurité des produits de consommation.

Au Canada, les blessures non intentionnelles sont la première cause de décès chez les enfants et les jeunes de 1 à 19 ans. En fait, c'est la première cause de décès jusqu'à 34 ans, mais nous nous penchons principalement sur la sécurité des enfants et des jeunes, le groupe d'âge qui nous intéresse au premier chef.

Afin de vous donner une idée générale, selon les données de l'Agence de la santé publique du Canada pour 2005, les plus récentes disponibles, les blessures ont entraîné la mort de 720 Canadiens de moins de 20 ans et environ 30 000 hospitalisations. Près de 46 p. 100 de ces blessures sont dues à des produits de consommation, y compris des meubles et des jouets.

Les accidents causés par l'utilisation de produits de consommation sont fréquents, souvent graves, voire fatals. Les salles d'urgence dénombrent plus de 18 000 visites par année en raison de blessures liées à l'utilisation de produits.

Étant donné la complexité et l'interdépendance des marchés mondiaux aujourd'hui, il semble y avoir un écart entre les affirmations sur la sécurité des produits et les attentes des consommateurs. Selon certains sondages, une majorité de Canadiens croient qu'un produit est sécuritaire et qu'il a été soumis à des contrôles de sécurité s'ils peuvent l'acheter sur le marché.

Au Canada, aucune approbation n'est requise avant la commercialisation. Les produits ne font pas systématiquement l'objet d'essais, et la Loi sur les produits dangereux ne prévoit pas nécessairement d'exigences particulières.

En 2007, le premier ministre Harper a affirmé que les lois en matière de sécurité des produits n'étaient pas aussi rigoureuses qu'elles devaient l'être. Il a ajouté que les Canadiens ne devaient pas avoir à s'inquiéter des jouets qu'ils offrent à Noël. On peut en dire autant pour la période des fêtes qui approche.

Grâce à la loi proposée sur la sécurité des produits de consommation, Santé Canada aurait le pouvoir d'ordonner à une entreprise ou à un particulier de cesser la fabrication, la vente ou la publicité d'un produit dangereux pour les Canadiens, particulièrement les enfants. Cette loi sur la sécurité des produits a pour but de séparer les fabricants légitimes des autres entreprises sur les marchés mondiaux.

Pour l'instant, le Canada est en retard sur ses principaux partenaires commerciaux aux États-Unis et dans l'Union européenne en ce qui a trait à la protection des citoyens contre les produits de consommation dangereux. Parmi les exemples bien réels de conséquences sur la santé de ces produits, on compte les chutes, l'étranglement, l'empoisonnement et la suffocation.

Actuellement, la Loi sur les produits dangereux ne permet pas à Santé Canada d'ordonner un rappel obligatoire de produits de consommation qui comportent de véritables risques pour la santé ou la sécurité. Le gouvernement doit plutôt négocier la mise en place de rappels volontaires, et les fabricants n'y consentent pas toujours.

Santé Canada doit détenir les pouvoirs nécessaires pour régler les situations où la méthode volontaire a échoué, comme c'est le cas aux États-Unis et dans l'Union européenne. À l'heure actuelle, dans ces pays, les administrations ont le pouvoir d'ordonner des rappels obligatoires.

La nouvelle loi sur la sécurité des produits de consommation au Canada est un pas dans la bonne direction. Ses trois principaux piliers, soit la prévention active, la surveillance ciblée et la réaction rapide, amélioreraient et moderniseraient la sécurité des produits de consommation au Canada. Il est urgent que le Canada renouvelle et modernise sa loi fédérale sur la sécurité de ces produits afin de mieux refléter la mondialisation du marché ainsi que d'être cohérent avec les attentes de la société et des consommateurs en matière de santé et de sécurité. Nous devons nous assurer que les produits vendus au Canada sont sécuritaires.

SécuriJeunes Canada reconnaît l'importance de l'industrie et de l'économie canadienne. Nous sommes conscients que les pouvoirs d'inspection et de rappel suscitent des inquiétudes, et que d'autres consultations auront lieu durant l'examen du projet de loi. Notre objectif principal est d'assurer la sécurité des enfants canadiens et de soutenir les mesures qui contribuent à la diminution du nombre de blessures graves et de décès. Nous sommes d'avis que le projet de loi C-6 est une étape clé dans l'atteinte de cet objectif.

Rick Smith, directeur général, Défense environnementale : Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui concernant un sujet de grande importance aux yeux des Canadiens. Je suis directeur général de Défense environnementale, une organisation caritative nationale qui s'intéresse aux enjeux liés à la santé humaine et à l'environnement. Je suis titulaire d'un doctorat en biologie et coauteur d'un livre qui figure au palmarès des livres à succès du Globe and Mail depuis cinq mois, intitulé Slow Death by Rubber Duck: How the Toxic Chemistry of Everyday Life Affects Our Health. Le livre traite précisément de la sécurité des produits au Canada.

Bien que mon organisation et moi critiquions fréquemment les actions du gouvernement et de Santé Canada, je suis ravi d'être présent aujourd'hui pour exprimer l'appui de mon organisation au projet de loi C-6. En cette époque marquée par le cynisme des Canadiens à l'égard de la politique, l'adoption à l'unanimité du projet de loi C-6 à la Chambre des communes prouve que certains enjeux qui préoccupent les familles canadiennes sont suffisamment importants pour unir tous les partis, malgré le climat de partisanerie survoltée qui règne au Parlement. Nous souhaitons très certainement que le Sénat, chambre de second examen objectif, en fasse autant, pour accélérer l'adoption du projet de loi C-6.

Témoins du débat qui s'est déroulé au Sénat, mes collègues et moi avons été surpris par la virulence de l'opposition au projet de loi C-6 que semblent constater de nombreux sénateurs, et cette opposition nous laisse perplexes. Ainsi, lorsque le comité s'est réuni le 21 octobre, les sénateurs ont mentionné l'abondante correspondance sur cette mesure législative qu'ils ont reçue à leur bureau et se sont interrogés sur sa provenance.

Je vais me focaliser aujourd'hui sur les questions suivantes : pourquoi ce projet de loi, adopté à l'unanimité à la Chambre des communes, a-t-il suscité l'envoi d'autant de courriels à vos bureaux? ces critiques sont-elles justifiées?

Pour répondre à ces questions, mes collègues et moi avons passé les derniers jours à faire des recherches approfondies en ligne pour déterminer la provenance de ces courriels et trouver des sites dotés d'outils d'envoi de courriels de masse ciblant vos bureaux. Essentiellement, il semble que la majorité, voire la quasi-totalité des courriels d'opposition reçus, dans lesquels on réclame notamment d'importants amendements au projet de loi C-6, provienne d'un petit groupe de personnes ayant des liens entre elles qui ont soit une passion pour les théories de conspiration, soit des comptes personnels à régler avec Santé Canada, ou encore les deux.

Sans vouloir cibler un sénateur en particulier, prenons comme exemple un courriel lu au Sénat par le sénateur Munson le 21 octobre, dont nous avons reproduit le contenu dans Google. Le courriel provenait d'un site web nommé falseflagflu.com. Il s'agit d'un site web militant contre les vaccins qui clame notamment haut et fort que les vaccins font partie d'un vaste plan élaboré par les gouvernements pour dépeupler la Terre. Une des organisations au cœur du lobbying contre le projet de loi C-6 s'appelle la Natural Health Products Protection Association. Son président, Shawn Buckley, est également l'actuel conseiller juridique de Truehope Nutritional Support Ltd., une entreprise qui a souvent croisé le fer avec Santé Canada pour non-respect des lois et règlements. Shawn Buckley a également représenté Trueman Tuck, un homme qui exploite plus d'une douzaine de sites web reliés, dont la plupart sont dotés d'outils d'envoi de courriels de masse destinés à vos bureaux. Sur certains de ces sites, M. Tuck met bien en évidence des textes affirmant — et je n'invente rien, ça se trouve juste à côté de l'outil qui permet d'envoyer des courriels à vos bureaux — que les événements du 11 septembre ne sont pas le fait de terroristes, mais bien de conspirateurs du monde entier menés par David Rockefeller. Apparemment, cette même conspiration est aussi derrière la création et la propagation de la grippe H1N1, toujours dans le but de dépeupler la Terre. Voilà à quoi ressemblent les sites qui sont à l'origine des courriels que vous avez reçus.

En quoi cela est-il pertinent, et pourquoi ai-je passé les deux derniers jours à explorer les sombres recoins d'Internet? Parce qu'il est évident qu'il s'agit d'un effort de lobbying qui, malgré une solide organisation, reflète le point de vue d'une faible minorité. Ils ont intégré le projet de loi C-6 à leur étrange perception du monde, et je vous demande d'accorder une attention particulière à ce fait pendant vos délibérations.

Cette mesure législative est aussi critiquée par l'industrie. Évidemment, par comparaison au groupe que je viens de mentionner, les associations industrielles sont des organisations dignes de confiance. J'estime néanmoins que les amendements au projet de loi C-6 qu'elles demandent sont simplement déraisonnables. Examinons trois des critiques qui ont été formulées. D'abord, l'industrie souhaite recevoir un avis préalablement à une inspection et pouvoir répondre à Santé Canada avant que le rappel d'un produit soit ordonné. En quoi est-il raisonnable qu'une organisation réglementée soit prévenue avant une inspection? Ça ne se fait pas. La police n'annonce pas où elle effectuera des contrôles de vitesse. Les inspecteurs de ma ville, Toronto, n'avisent pas les restaurants avant de se présenter. Honnêtement, si une industrie ne prend pas ses obligations en matière de santé et de sécurité au sérieux et refuse d'appliquer volontairement des mesures correctives, pourquoi les fournisseurs auraient-ils le droit de répondre à des mesures ordonnées par le gouvernement?

Ensuite, les fournisseurs veulent que le ministère ne diffuse les renseignements commerciaux confidentiels qu'après que l'entreprise a été avisée. Ils veulent avoir la chance de se prononcer sur l'exactitude, la portée et l'impartialité des renseignements qu'on compte diffuser. La loi proposée comporte des mesures plus qu'adéquates pour protéger les renseignements commerciaux confidentiels. Il faut noter que ces renseignements ne seraient diffusés qu'au besoin, afin de protéger l'environnement ou la santé et la sécurité des Canadiens. L'obligation d'aviser préalablement une entreprise pourrait retarder inutilement la diffusion, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives sur la santé et la sécurité.

Finalement, l'industrie affirme que les dispositions sur la déclaration obligatoire du projet de loi C-6 ne sont pas réalistes, et qu'il serait trop difficile pour les fournisseurs de produire un premier rapport dans les 2 jours, suivi d'un rapport détaillé dans les 10 jours. De telles dispositions sont en place aux États-Unis depuis près de 30 ans. Les rapports d'incident y sont même plus contraignants puisqu'ils sont exigés presque immédiatement, soit dans un délai de 24 heures. Pourquoi serait-ce possible aux États-Unis, mais impossible pour l'industrie canadienne? La production d'un rapport détaillé dans un délai de 10 jours, comme l'exige le projet de loi C-6, correspond aux exigences de la loi américaine équivalente ainsi qu'aux exigences actuelles dans ma province, l'Ontario.

Pour terminer, j'avance que le projet de loi C-6 est une mesure législative à la fois sage et équilibrée. Il est le résultat d'une réflexion profonde et d'un apport important des parties concernées. Il faut absolument le promulguer le plus tôt possible afin que les normes en vigueur au Canada rattrapent celles de ses principaux partenaires commerciaux. Si nous ne le faisons pas rapidement — le passé regorge d'exemples de ce genre — et que nous conservons des normes inférieures à celles de l'Union européenne et des États-Unis, nous deviendrons sans aucun doute un dépotoir toxique de produits de piètre qualité qui ont perdu leur part de marché ailleurs. Je suis persuadé de pouvoir compter sur vous pour offrir un meilleur sort aux Canadiens.

Doug Geralde, directeur des Relations avec les organismes de réglementation, Association canadienne de normalisation : C'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui. Je travaille à la CSA depuis 33 ans. J'ai passé 3 ans au service d'accréditation de l'équipement et les 30 dernières années dans le domaine des enquêtes et des analyses sur les produits défectueux. Je suis appelé à collaborer avec des coroners, des commissaires aux incendies et des organismes de réglementation partout au Canada. J'ai consacré pratiquement toute ma carrière professionnelle aux produits dangereux.

Le Groupe CSA est une société multinationale qui compte des bureaux, des laboratoires d'essais et des membres dans plus de 60 pays. Ce groupe est une association indépendante sans but lucratif qui fournit des services au milieu des affaires, à l'industrie, au gouvernement et aux consommateurs. Il comprend les trois divisions suivantes : CSA Normes, une division chargée des normes; CSA International, une division qui propose des services d'évaluation et d'accréditation des produits; OnSpeX, une division qui fournit des services d'évaluation de la performance des produits. La sécurité des produits de consommation passe avant tout à la CAS. C'est ce qui nous incite à nous lever chaque matin pour aller travailler.

Nous souhaitons féliciter le gouvernement du Canada du rôle de chef de file qu'il joue en matière de sécurité des produits de consommation grâce au projet de loi C-6. La sécurité des consommateurs est, à notre avis, primordiale, et c'est pourquoi nous appuyons l'intention qui sous-tend ce projet de loi.

Le Groupe CSA souhaite que le gouvernement du Canada voie à ce que soient adoptés un seul système national uniforme et harmonisé pour régir la sécurité des produits électriques ainsi que des systèmes nationaux harmonisés destinés à assurer la sécurité d'autres produits comme ceux dérivés du gaz, ceux utilisés en plomberie et en construction ainsi que ceux destinés à protéger la santé et la sécurité.

Je crois qu'il s'agit d'un bon point de départ. Toutefois, il faut se doter d'un système national accessible, qui nous permette de déceler les tendances plus rapidement. Le projet de loi C-6 est un excellent modèle pour les gouvernements provinciaux, et plusieurs d'entre eux ont travaillé avec Santé Canada à ce chapitre.

Il faut aussi se pencher attentivement sur les contrefaçons dont traite cette mesure législative. Les produits contrefaits sont un problème grandissant. On les trouve dans à peu près toutes les catégories de produits partout dans le monde, y compris au Canada. Il faut adopter des règlements et des lois plus stricts concernant ces produits, puisqu'ils ont beaucoup à voir avec la sécurité.

Nous sommes également en faveur de la création d'un système national de signalement des incidents relatifs aux produits prévoyant des protocoles d'entente avec les gouvernements des provinces et des territoires en vue de mettre en commun l'information pertinente, ainsi que de la création d'une base de données nationale sur les rappels de produits et les avis publics. Grâce à une telle base de données, le public n'aurait qu'un endroit à consulter pour obtenir ces renseignements, et nous pourrions coordonner cette activité rapidement. Dans le cadre de mes interactions avec les coroners, les commissaires aux incendies et les organismes de réglementation, j'ai constaté qu'eux aussi adhèrent à cette idée. Ils veulent éviter de doubler ou de tripler le travail administratif et de semer la confusion parmi la population.

Le Groupe CSA souhaite attirer l'attention du gouvernement sur la façon dont le Système de normes nationales peut contribuer à l'atteinte de certains objectifs prévus dans le projet de loi. Celui-ci crée des pouvoirs de réglementation pour régir des questions comme les essais, l'étiquetage et les instructions. Nous croyons que ces pouvoirs sont également essentiels à la sécurité du public.

Le Système de normes nationales, qui est administré par le Conseil canadien des normes, prescrit des règles reconnues à l'échelle nationale et internationale en fonction desquelles les organismes accrédités peuvent établir des normes ou tester des produits pour s'assurer qu'ils répondent aux exigences établies. Les organismes accrédités chargés de l'établissement des normes définissent les règles sur l'étiquetage, le contrôle des produits, les mises en garde et les instructions conformément aux règles d'uniformité, de transparence et de neutralité, qui sont toutes importantes.

Pour le Groupe CSA, lorsqu'une solution relative aux normes et à la certification existe, nous pouvons participer à la création d'une solution dans le cadre des processus du Système de normes nationales en place. Nous vous encourageons fortement à profiter de cette occasion en tant que partenaire de cette activité.

La sécurité de bon nombre des produits de consommation visés par le projet de loi C-6 est également réglementée par des lois provinciales et territoriales. Cette situation suscite beaucoup d'incertitude en ce qui a trait aux pouvoirs et à l'application. Afin de clarifier les règles, le Groupe CSA invite le gouvernement du Canada à conclure des ententes avec l'ensemble des provinces et des territoires en vue de créer une réglementation claire et uniforme partout au Canada. Nous constatons que Santé Canada, tout comme d'autres administrations provinciales et territoriales, a fait des pas dans cette direction.

La CSA présente les recommandations suivantes au Sénat, pour étude. Premièrement, le gouvernement du Canada devrait former un groupe de travail en collaboration avec les instances provinciales et territoriales concernées afin de créer un système national cohérent permettant de retirer du marché canadien les produits dangereux. Nous croyons savoir qu'on étudie la possibilité d'établir un groupe de travail au ministère, mais si nous pouvions coordonner cette activité à l'échelle canadienne, nous pourrions veiller à ce qu'aucun citoyen du Canada ne soit exposé à des produits dangereux.

De plus, nous souhaitons que le gouvernement du Canada envisage de renforcer les pouvoirs prévus aux articles 26 et 27 du projet de loi afin que les produits dangereux soient détruits et ne puissent revenir sur le marché par des voies telles les enchères ou la revente. Lors de mes entretiens avec l'ONU, des inquiétudes ont été soulevées au sujet de l'envoi des produits dangereux dans les pays en développement. Nous consacrons du temps à les saisir, et, après un certain temps, des entreprises les offrent à une fraction du prix, puis ils refont surface. Dans certains cas, j'ai vu des produits dangereux être saisis dans une province et se retrouver sur le marché dans une autre après un ou deux ans. Généralement, les produits sont entreposés temporairement pour ensuite être remis en vente ailleurs. Les produits saisis présentent pourtant des risques pour la santé et la sécurité.

Lorsque c'est possible, je recommande également au gouvernement du Canada de se référer aux solutions de normalisation et de certification proposées par le Système national des normes au moment de concevoir des règlements, parce que ces normes et ces règlements sont axés sur la sécurité.

En terminant, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de m'écouter et d'avoir permis au Groupe CSA de témoigner devant le comité. Nous accordons tous une grande importance à la sécurité des consommateurs. Nous apprécions beaucoup vos efforts.

Le président : Une de vos recommandations portait sur la création d'un groupe de travail. Cette idée a fait l'objet d'un amendement à la réunion d'un comité de la Chambre des communes. Est-ce que cela répond à votre suggestion à cet effet?

M. Geralde : Je crois qu'il s'agit de la direction à prendre. J'ignorais seulement si l'amendement visait aussi les groupes provinciaux et territoriaux. Si c'est le cas, alors ça me semble convenable.

Le président : C'est ce que j'ai compris. Nous nous assurerons que c'est bien le cas.

Lorsqu'ils ont témoigné devant nous, les représentants de Santé Canada ont mentionné que des règlements étaient en cours d'élaboration. Nous ne savons pas où ils en sont, mais nous allons nous informer. Ils ont aussi parlé d'une politique et de lignes directrices, car on ne sait pas quand ces règlements entreront en vigueur.

Quelqu'un parmi vous a-t-il été consulté par Santé Canada en vue de l'élaboration de lignes directrices ou de règlements?

M. Smith : Nous avons témoigné devant le comité de la Chambre au sujet du projet de loi. Nous avons, tout comme d'autres parties concernées, rencontré Santé Canada à plusieurs reprises concernant la loi. À notre avis, la majeure partie de la consultation d'aujourd'hui a porté sur la loi. Je suis certain que nous serions appelés à participer à la consultation sur les règlements.

Le président : Vous êtes disponibles, mais vous n'avez pas été consultés.

M. Geralde : En fait, je travaille de pair avec Santé Canada et je m'intéresse à la sécurité des casques de hockey depuis 20 à 25 ans. Nous travaillons avec eux durant ce processus. J'ai collaboré avec l'Office de la sécurité des installations électriques, ou OSIE, sur ces produits en Ontario, ainsi qu'avec la Consumer Products Safety Commission, ou CPSC. Nous avons offert des conseils sur le rappel de produits dangereux et la manière de le gérer à la lumière de notre vaste expérience en la matière.

Mme Fuselli : C'est la même chose pour nous. Nous avons été consultés de façon régulière.

Le président : M. Smith a éclairci la nature de certains courriels que nous recevons. Même si l'on ignore, pour l'instant, les points de vue radicaux, il reste que des inquiétudes ont été manifestées par des gens autour de la table au sujet de certaines dispositions du projet de loi, à savoir qu'elles seraient abusives ou qu'elles pourraient avoir des conséquences involontaires. Bien que personne ne doute des bonnes intentions des employés de Santé Canada, il est tout de même question d'une loi, d'une mesure législative.

Une de ces inquiétudes a trait à l'étendue des pouvoirs accordés aux inspecteurs pour entrer dans un lieu et, notamment, saisir et retenir des articles. On parle ici de mesures prises sans mandat, sauf pour les résidences, où un mandat serait obligatoire. S'interroge-t-on à ce sujet, par rapport au risque d'abus en raison du libellé de la loi?

M. Geralde : Je suis certain que, au début, les gens manifesteront des inquiétudes. Selon moi, pour ce qui est des enquêtes dans des entreprises privées, il s'agit de visiter des lieux dans le but de recueillir de l'information sur les produits. D'après mon expérience, ça ne posera pas particulièrement problème. Évidemment, dans le cas de résidences, je crois comprendre qu'un mandat serait nécessaire.

En ce qui a trait aux entreprises privées pendant les heures de bureau habituelles, pour voir et rassembler les produits offerts, particulièrement à la suite d'une enquête sur un danger potentiel, il est souhaitable de se rendre sur les lieux pour faire un constat de la situation et recueillir l'information le plus tôt possible. Dans de nombreux cas, on peut disculper l'entreprise immédiatement et maîtriser la situation ou tirer les choses au clair. Je comprends les inquiétudes de certains, mais, selon moi, les inspecteurs sauront gérer la situation.

Pour la plupart de ces enquêtes, les efforts sont conjoints. Nous avons remarqué que la majorité des bonnes entreprises souhaite également procéder rapidement. Dans certains cas, elles ignorent qu'il y a un problème, et c'est l'inspecteur qui le leur révèle.

M. Smith : Concernant les courriels que vous recevez, je serai ravi de vous fournir les adresses URL pour que vous y jetiez un coup d'œil. Cela fait plusieurs années que je me présente devant des comités de la Chambre et des comités législatifs provinciaux, et je n'ai jamais vu une telle mobilisation contre une loi auparavant. Je suis convaincu que si vous examinez ce groupe de sites web étroitement liés, vous constaterez que pratiquement tous les courriels que vous recevez proviennent de ce petit groupe de personnes qui sont, avouons-le, farfelues. Il est facile de voir ce qu'elles essaient de faire. Je vous fournirai volontiers ces renseignements.

En ce qui a trait à votre question sur les pouvoirs, je ne suis nullement inquiet. En fait, c'est l'absence de ces pouvoirs dans la loi qui m'inquiéterait. La loi correspond à celle en vigueur aux États-Unis, promulguée par Georges W. Bush, qui n'était pas reconnu pour défendre l'environnement ou les consommateurs. La décision a été unanime. Les réformes de la Consumer Product Safety Commission ont été approuvées à l'unanimité lors d'un vote oral au Sénat américain l'an dernier. Les pouvoirs prévus dans le projet de loi C-6 correspondent à ces réformes et aux mesures de l'Union européenne, ainsi qu'à des lois fédérales en vigueur, comme la Loi sur la santé des animaux et la Loi sur l'aéronautique.

Il ne s'agit pas d'une situation inhabituelle. Je suis le père de deux jeunes enfants et, comme tous les parents de jeunes enfants, le cas des jouets contaminés au plomb révélé à l'été 2008 m'a inquiété. Un nombre impressionnant de jouets ont été rappelés. Il y a aussi eu la listériose et divers autres incidents. Les consommateurs sont inquiets, et je n'appuierais pas cette mesure législative si elle ne prévoyait pas ces pouvoirs, qui sont tout à fait habituels.

Mme Fuselli : Du point de vue de la sécurité des enfants, nous voyons la capacité des inspecteurs à se rendre dans un magasin pour y retirer des produits d'un bon œil. Il y a de nombreuses années, nous avons appris que des balles de type yo-yo bannies au Canada étaient toujours en vente dans certains magasins. Le fait de pouvoir retirer ces produits des tablettes est un des gestes les plus proactifs qu'on puisse poser. Il faut absolument retirer ces produits des magasins.

Le sénateur Munson : Après vos recherches sur mon nom dans Google et la mention de mon nom dans le cadre de votre enquête, j'ai parlé à des journalistes des réseaux nationaux. Toutefois, je dois préciser qu'après avoir mentionné ce fait — parce que le tout se déroulait au moment où vous teniez la réunion en question —, j'ai affirmé que je ne partageais pas nécessairement ces points de vue. Je pense qu'il faut le mentionner dans le compte rendu. Au Canada, il est parfois difficile de distinguer les opinions populaires des théories de conspiration, comme vous les avez décrites. J'ai effectivement consulté ces sites web et je les trouve troublants. Je veux qu'un point de vue équilibré se dégage de mes propos.

Nous vivons toujours dans une démocratie, et nous pouvons donc exprimer nos opinions. On peut être en désaccord, mais ces opinions existent. Nous sommes littéralement inondés de centaines et de milliers de courriels de ce type. Lorsqu'on représente les Canadiens, on doit s'assurer de faire valoir toutes les positions.

Qu'en est-il des conséquences involontaires? Par exemple, les gens qui font de l'artisanat à petite échelle, les mères au foyer ou les organisations caritatives qui fabriquent de merveilleux objets pour les enfants auront désormais beaucoup de paperasse à remplir. Nous sommes en récession, et il faut se demander si le fait d'investir tout le temps que ça exige n'entraînera pas la fermeture de petites entreprises ou d'entreprises familiales.

M. Geralde : Je comprends cette inquiétude. En tant que président fondateur du Canadian AntiCounterfeiting Network, ou CACN, j'éprouve d'autres inquiétudes. Par exemple, dans un contexte économique difficile, des pièces contrefaites et des produits dangereux vont envahir le marché si le projet de loi C-6 n'est pas adopté. Ceux-ci se retrouveront sur nos marchés et finiront parmi les pièces des produits artisanaux fabriqués à petite échelle. Ces personnes n'ont pas l'expérience d'une longue chaîne d'approvisionnement ni les réseaux de soutien des grandes entreprises. Nous devons nous fier au fait que les pièces qu'elles utilisent sont sécuritaires.

Bien que je comprenne l'inquiétude concernant le travail supplémentaire, ces entreprises ne peuvent survivre à des rappels et à des produits dangereux. Elles ferment immédiatement. Nous envenimons les choses en compromettant leur réputation auprès du public. Nous avons besoin de la loi et de son influence pour veiller à éloigner ces produits et ces pièces de notre territoire.

Mme Fuselli : Nous avons jeté un coup d'œil à ce que les gens offrent dans des ventes-débarras, dans les petites entreprises, et cetera, et nous avons constaté que la sécurité ne figure pas vraiment au premier rang de leurs préoccupations. Nous serions plus que ravis que de l'information soit diffusée à l'intention des petites entreprises et des personnes qui fabriquent leurs propres produits pour veiller à ce qu'elles adoptent une approche proactive en matière de sécurité. Nous sommes prêts à leur fournir les outils nécessaires pour évaluer les produits qu'elles fabriquent et à discuter avec elles de la mise en place d'un processus pour ce faire.

Assurément, lorsqu'on s'attarde aux produits du marché destinés aux enfants et conçus pour être utilisés par des enfants, quels qu'ils soient, il faut envisager la sécurité comme un principe de précaution, et non comme un aspect secondaire.

M. Smith : Je tiens à préciser, sénateur, que je ne cherchais pas à vous cibler personnellement. Vous êtes le seul sénateur, selon le hansard, à avoir abordé cette question l'autre jour. Je n'avais nullement l'intention de vous prendre pour cible.

Ce que la Chambre a fait, et ce que je souhaite que le Sénat fasse, c'est soupeser les priorités. En tant que père et consommateur canadien, je veux pouvoir constater que mon gouvernement a mis en place un régime qui offre la même protection aux Canadiens que celle dont jouissent les Américains et les Européens. Selon moi, il est tout à fait juste, même pour les petites entreprises, d'établir des règles claires et de laisser savoir aux gens quelles sont les attentes s'ils veulent fabriquer des produits pour enfants. S'ils ne respectent pas ces dispositions, et qu'ils récidivent, alors des conséquences s'imposent. Qu'il s'agisse de grandes ou de petites entreprises, il est question d'enfants et, tout particulièrement, de produits pour enfants. C'est pourquoi nous devons faire preuve de prudence.

Ce n'est pas comme si la loi ne répondait pas à un problème réel. Il y a eu d'importants rappels de jouets au pays, et ça se poursuit. À l'été 2008, la petite locomotive de mon fils a fait l'objet d'un rappel; la teneur en plomb de la peinture était beaucoup trop élevée. Nous avons retourné la locomotive au fabricant et nous avons reçu une locomotive jaune en échange. Par la suite, l'entreprise a rappelé le cadeau qu'elle avait envoyé aux gens parce que la peinture jaune contenait aussi trop de plomb, alors nous avons été contraints de retourner la locomotive. Ça s'est passé il y a deux ans. Il y a aussi eu, entre autres, une enquête importante du Toronto Star sur les jouets.

Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas un problème réel. Honnêtement, les fabricants de jouets, grands ou petits, n'ont pas été à la hauteur. C'est le meilleur exemple de la nécessité de moderniser une loi canadienne.

M. Geralde : Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Dans l'intérêt des petites entreprises, il faut sensibiliser les concepteurs tout comme les fabricants de ces produits. Les pays développés se sont dotés d'un excellent système de sécurité, mais les gens le tiennent pour acquis. Nous devons faire en sorte que la sécurité soit prise en considération dès la conception, jusqu'à la fabrication, plutôt que de la voir comme un aspect secondaire. La sensibilisation, la compréhension et l'uniformisation à l'échelle du pays seront profitables à la fois aux petits et aux grands fabricants.

Le sénateur Munson : Merci pour ces commentaires. Ce matin, le président et les témoins ont fait allusion à un point de vue selon lequel le projet de loi C-6 permettrait à Santé Canada de saisir des biens sans mandat ni supervision des tribunaux, de détruire des biens et de prendre le contrôle d'entreprises sans la supervision des tribunaux, ou encore d'imposer des pénalités susceptibles de provoquer la fermeture de nombreux distributeurs, détaillants et fabricants. Êtes-vous d'accord sur ce point?

M. Smith : Je n'y crois tout simplement pas. À vrai dire, nous avons affaire à Santé Canada tous les jours. Autant dans mon livre qu'au sein de notre organisation, les critiques à l'endroit de Santé Canada sont très dures, car nous estimons que le ministère manque de fermeté envers les fabricants et les détaillants. Certains craignent que Santé Canada devienne soudain une organisation intransigeante? Je n'y crois tout simplement pas. Rien ne vient appuyer cette théorie. Ce n'est pas ce que le projet de loi propose. Il ne contient rien qui ne soit pas conforme aux lois canadiennes actuelles, qu'il soit question d'inspection des viandes ou d'autres lois. Il nous faut des inspecteurs du gouvernement pour ces rares cas où une entreprise cause du tort aux Canadiens. Nous voulons des inspections faites par le gouvernement. Même les personnes les plus conservatrices conviendront que certains rôles clés doivent être joués par le gouvernement dans la société. L'évaluation de la sécurité des produits en vente dans les magasins doit figurer au sommet de cette liste, parce que les consommateurs ne peuvent le faire eux-mêmes.

Le sénateur Callbeck : Madame Fuselli, vous avez mentionné les trois piliers de ce projet de loi, notamment la réaction rapide. Le projet de loi propose que les fabricants soient avertis dans un délai de 48 heures, et qu'ensuite, un rapport soit remis au ministre dans les 10 jours suivants. Cependant, le projet de loi ne prévoit pas de délai pour la réponse du ministre au rapport. Autrement dit, le ministre pourrait avoir le rapport en main pendant trois mois, et le produit resterait en vente au pays pendant tout ce temps. Cela vous inquiète-t-il?

Mme Fuselli : Il faudrait que la loi tienne compte de ça, parce que la réaction rapide est un aspect primordial. Laissez-moi vous donner des exemples. Il y a le cas d'un berceau distribué au Québec. Il a fait l'objet de rappels aux États-Unis, tandis qu'au Canada, on ne peut que diffuser des avis sur les produits. Nous devons pouvoir réagir rapidement pour rappeler des produits dangereux ou les retirer. La réponse doit être tout aussi rapide à l'autre bout.

M. Geralde : À ce sujet, la réaction rapide doit s'appliquer à l'ensemble du système. S'il est question de réaction rapide, alors il s'agit d'une priorité élevée qui doit être traitée ainsi. Évidemment, je ne sais pas si nous devons le préciser dans le projet de loi. Dès qu'on accélère le processus ou qu'on se trouve en situation de réaction rapide, tout le monde au sein de la chaîne doit agir rapidement, sans quoi les efforts seront vains.

Le sénateur Callbeck : Pourquoi ne l'inscrirait-on pas dans la loi, puisqu'on mentionne déjà un délai de 48 heures pour aviser le fabricant et de 10 jours pour remettre un rapport au ministre? Pourquoi n'imposerait-on pas également un délai au ministre?

M. Geralde : Je ne saurais justifier l'une ou l'autre approche. Par expérience, je sais que pendant une enquête, il faut parfois plus de deux ou de sept jours pour simuler et trouver une cause ou un défaut, le cas échéant. Je n'ai aucune préférence.

Le sénateur Callbeck : Croyez-vous tous qu'il faut aborder ce point?

Mme Fuselli : Oui.

Le sénateur Callbeck : Ma prochaine question a trait aux normes internationales. Madame Fuselli, vous avez dit que le projet de loi était conforme aux normes internationales. Hier, un représentant de l'Association canadienne du jouet nous a dit que l'organisme était d'accord avec le principe de la loi proposée, mais qu'il aimerait que celle-ci soit harmonisée avec les normes internationales. En fait, il a dit qu'ils avaient noté un manque de volonté concernant l'uniformisation avec les normes internationales.

Mme Fuselli : Ça ne correspond pas à mon expérience dans le cadre de mes engagements et de mes consultations avec Santé Canada. Je ne suis pas avocate, mais j'ai entendu et examiné des évaluations faites par des personnes qui ont de l'expérience dans le domaine des rappels obligatoires et des pénalités, et les normes semblent correspondre à ce qui se fait aux États-Unis et dans l'Union européenne.

Le sénateur Callbeck : Souhaitez-vous tous la conformité aux normes internationales?

M. Smith : Je le redis, ce projet de loi correspond à ce qui se fait ailleurs. Regardez ce qui s'est produit dans l'industrie du jouet dernièrement. D'importants problèmes ont surgi dans la chaîne d'approvisionnement. Dans les dernières années, Mattel a montré la Chine du doigt dans le cas de produits défectueux, dont la teneur en plomb était trop élevée. Ensuite, lorsqu'il est devenu évident que le problème ne venait pas de la Chine, des cadres supérieurs de Mattel ont dû donner une conférence de presse en Chine et présenter leurs plus plates excuses au gouvernement chinois pour avoir terni sa réputation. Au cours des dernières années, cette industrie a dérapé. De nos jours, tout parent qui achète des jouets pour de jeunes enfants se montre très méfiant envers l'industrie du jouet, et avec raison. Je ne crois pas aux arguments de l'industrie du jouet voulant que ce qui se passe ici soit déconnecté de ce qui doit être fait ou de ce qui se fait ailleurs.

M. Geralde : Je connais bien, de par mon travail, la situation à l'étranger. Selon moi, les normes sont sensiblement uniformes. Santé Canada, la CPSC, l'Office de la sécurité des installations électriques en Ontario ainsi que les organismes de réglementation en Australie et dans l'Union européenne travaillent tous de pair. Nous voulons vraiment une solution mondiale à la sécurité de ces produits. Nous voulons de l'uniformité. Nous savons que si chacun fait à sa tête, nous ne faisons que créer de la confusion et des problèmes. Les efforts qui ont mené au projet de loi C-6 et à la Consumer Product Safety Improvement Act, ainsi que l'échange d'information, avaient tous pour but l'uniformisation et l'application de mesures énergiques dans les cas problématiques. Les bonnes entreprises n'auront pas de problème à se conformer aux dispositions du projet de loi, mais je comprends leurs inquiétudes. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il y a beaucoup d'entreprises et de personnes mauvaises qui, elles, sont coupables de contrefaçon. Elles achètent des produits dangereux, les déplacent puis les remettent sur le marché en toute connaissance de cause. Nous devons aussi nous attaquer à ce problème.

Le sénateur Martin : Selon moi, nous avons porté une attention particulière au libellé du projet de loi pendant nos discussions et nos délibérations.

Nous avons entendu parler des inquiétudes du milieu des affaires. En tant que consommatrice et mère, j'ai l'impression que, d'une certaine façon, nous n'avons pas suffisamment tenu compte de l'opinion des consommateurs. Nous n'avons pas oublié l'enjeu primordial, la sécurité, mais il a été laissé de côté au profit de l'étude de certaines conséquences involontaires de la loi proposée.

C'est notre devoir de faire preuve de diligence raisonnable, et je veux remercier les sénateurs pour le travail qu'ils accomplissent. Toutefois, je suis heureuse que vous fassiez valoir le point de vue des consommateurs, des parents et des enfants. C'est notre devoir de protéger les consommateurs.

Le témoignage du représentant de l'Association canadienne du jouet, qui était ici hier, m'a laissée perplexe. Dans le troisième paragraphe de son exposé en partant de la fin, on peut lire ce qui suit :

Pour ce qui est maintenant de l'harmonisation des normes internationales en matière de sécurité, je me permets de vous rappeler que l'industrie du jouet opère dans un contexte international.

C'est vrai. Le but de ce projet de loi est d'actualiser notre système pour l'harmoniser avec les autres systèmes.

L'harmonisation des normes de sécurité faciliterait la collaboration entre Santé Canada et ses homologues du monde entier dans l'application des règlements, tout en stimulant les échanges commerciaux et en réduisant les coûts aux consommateurs.

À la fin de ce paragraphe, il affirme ceci :

Étant donné que le Canada a décidé d'actualiser sa loi sur la sécurité des produits de consommation, nous pensons que c'est le moment idéal pour promouvoir l'harmonisation des normes internationales en matière de sécurité et, d'une manière ou d'une autre, pour intégrer cet objectif dans le projet de loi C-6.

Ça m'a laissée perplexe, donc, car n'est-ce pas ce que fait le projet de loi C-6? Ne nous permet-il pas de nous mettre au diapason des régimes internationaux? C'est ce qu'il a dit. Je n'ai pas insisté là-dessus hier, mais en vous écoutant à l'instant, et comme le sénateur Callbeck y fait de nouveau référence, je voulais souligner qu'ils disent effectivement que nous devons nous conformer au système international.

Nous avons discuté des conséquences involontaires, mais qu'en est-il des conséquences de ne pas procéder à une harmonisation, de conserver le système actuel de ne pas le moderniser, comme vous dites — et de suivre les marchés mondiaux? Quelles en sont les conséquences? Qu'en disent les gens? Quelles sont leurs inquiétudes?

M. Geralde : Les incidents doivent obligatoirement être signalés à la Consumer Product Safety Commission, et il y en a eu. Lorsque les gens appellent la CSA — ils pensent souvent que nous sommes un organisme gouvernemental —, ils nous demandent de leur indiquer en vertu de quelle loi ils sont tenus de signaler un incident. En ce moment, il n'y a pas de loi à cet effet, alors ils ne signalent pas l'incident. C'est un problème.

La destruction de biens, la saisie de marchandises et la visibilité qu'offrirait un programme national permettraient d'exposer ces aspects et d'aviser les autres pays, ce qui réglerait le problème du transbordement. Sans cette loi, sans ces processus, nous ne sommes pas dans le coup.

Les autres pays savent que nous ne sommes pas dans le coup. Ils savent que c'est un problème. Les mauvaises entreprises savent que nous éprouvons des difficultés dans ce domaine. Elles savent qu'elles peuvent expédier directement les contrefaçons ici.

Ces deux derniers jours, nous avons tenu un symposium avec la International Consumer Product Health and Safety Organization. Nous nous sommes attardés principalement aux consommateurs dans le monde. Ils nous ont dit la même chose : réglons ça ensemble. Le Canada accuse un sérieux retard. Nous devons le rattraper et peaufiner le tout. S'il subsiste d'autres inquiétudes ou d'autres problèmes, nous y verrons. Ce que nous faisons actuellement, d'autres pays l'ont déjà fait.

Mme Fuselli : À notre avis, deux points principaux sont à souligner. Les parents continueront de penser que les produits qu'ils achètent au Canada sont sécuritaires alors qu'ils n'ont pas été soumis à des essais avant leur mise en marché. Par conséquent, la situation ne changera pas, et les mêmes démarches devront être entreprises en ce qui a trait aux rappels. Pour nous, une partie du problème réside dans le temps passé à négocier la publication d'avis et de rappels visant les produits, ou les retraits volontaires par les distributeurs ou les fabricants, plutôt qu'à retirer des produits dangereux des tablettes.

Par exemple, les marchettes à roulettes pour bébés sont interdites. Il a fallu environ 10 ans pour interdire ce produit. Au cours de cette période, les détaillants et les fabricants, qui sont, comme le dit M. Geralde, des gens responsables, avaient volontairement retiré ces produits du marché. Cependant, nous savons que ce produit est encore en vente. Je suis certaine que la plupart d'entre vous ont déjà aperçu des marchettes pour bébés ou d'autres jouets pour enfants dans une vitrine. On les trouve chez certains petits fabricants et dans des magasins d'occasions.

Au cours de ces 10 années, ce produit aurait pu être immédiatement rappelé ou interdit. Il ne s'agit pas d'un produit qui aide les enfants à mieux marcher. Nous savons que ça leur permet de faire des choses qu'ils ne devraient pas pouvoir faire à ce stade de leur développement — dans la plupart des cas, tomber dans un escalier et se blesser gravement. Nous voulons éviter de telles situations.

M. Smith : Dans les années 1970, un cas a fait les manchettes, celui des pyjamas pour enfants traités avec un produit chimique appelé tris, un ignifugeant bromé. Pendant des années, pratiquement tous les pyjamas pour enfants ont été enduits de ce produit chimique. Ce produit s'est avéré hautement cancérogène, et le gouvernement américain a interdit son utilisation.

Les fabricants et les détaillants sont restés pris avec des centaines de milliers de ces pyjamas. Tout à coup, et des preuves ont été recueillies à l'époque, on a vu apparaître partout aux États-Unis, dans les publications commerciales destinées au milieu du vêtement, des annonces mentionnant « nous achetons les pyjamas traités au tris ».

Nous avons fait des recherches à ce sujet pour notre livre. Des détaillants étrangers peu scrupuleux ont acheté tous les stocks et ont expédié les pyjamas hors des États-Unis, où ils étaient désormais interdits, vers l'Europe, l'Asie du Sud-Est et d'autres endroits où les normes étaient moins strictes. Il existe d'autres exemples de produits ayant été expédiés ailleurs parce qu'ils avaient perdu leur part de marché en raison du resserrement des normes.

Je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir abordé certains aspects de ce problème. Au cours de la dernière année seulement, on a finalement modifié les normes canadiennes concernant les produits chimiques toxiques dans les jouets pour enfants — le phtalate, la teneur en plomb —, pour les harmoniser avec celles qui sont en vigueur depuis longtemps dans l'Union européenne et depuis l'an dernier aux États-Unis.

Ce fait n'a pas attiré énormément d'attention dans les médias, mais plus tôt cette année, Santé Canada a décidé d'harmoniser ses normes sur les ignifugeants bromés dans les produits électroniques grand public avec celles de l'Union européenne. Dans ce cas-ci, nous avons dépassé les États-Unis et rattrapé l'Union européenne.

Selon moi, ces mesures correspondent aux attentes des Canadiens. Même si ce n'est pas l'idéal, les Canadiens veulent des normes canadiennes très strictes, pour que les produits toxiques qui ne peuvent être vendus ici soient expédiés ailleurs. Les Canadiens préfèrent cette situation au scénario inverse.

Le sénateur Segal : J'aimerais demander à M. Geralde si la CSA procède à des essais.

M. Geralde : C'est le cas.

Le sénateur Segal : Une loi qui exigerait des essais préalables serait donc bonne pour les affaires, n'est-ce pas?

M. Geralde : Oui, ce serait bon pour les affaires.

Le sénateur Segal : Monsieur Smith, je crois savoir que nombre de dispositions de la Consumer Product Safety Improvement Act, dont vous avez dit qu'elle avait été promulguée sous l'administration Bush, n'entreront pas en vigueur avant 2010 parce qu'on craint sérieusement les abus.

Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Smith : C'est une loi complexe, aux nombreuses facettes. Pour ce qui est de l'utilisation de certains produits chimiques dans les jouets pour enfants, par exemple, il y a une sorte d'adoption par défaut, si je puis dire. Certains produits chimiques, frappés d'une interdiction temporaire, ne peuvent se trouver dans les jouets pour enfants, mais si les fabricants retournent à la table à dessin et démontrent qu'ils sont inoffensifs, ils ont deux ou trois ans pour s'adresser au gouvernement et les faire approuver. Cette loi a diverses facettes, qui progressent à un rythme différent. À ce que je sache, la réglementation n'a pas été excessive dans ce cas.

Le sénateur Segal : J'aimerais parler du principe, bien souvent enseigné dans les facultés de droit, de la multiplication des règlements et des politiques, ainsi que des effets néfastes de la surabondance de règlements, de modifications et de processus qui font que même avec les meilleures intentions, il est difficile de se conformer aux règles. Je ne crois pas un instant que vous ayez voulu insinuer que Mattel ou d'autres sociétés ont une sorte de vice-président des jouets dangereux. Ce sont des choses qui arrivent, mais nous sommes en droit de nous demander si c'est par manque de prudence ou par manque de diligence raisonnable.

Le problème, c'est que, souvent, le gouvernement réglemente les activités d'exploitants honnêtes qui veulent respecter la loi. Ils ont des obligations fiduciaires et juridiques. De manière générale, nous n'exerçons pas autant de contrôle sur les mauvais exploitants. En ce moment même, à Peterborough, par exemple, des panneaux-réclames annoncent des cigarettes à rabais à l'intention des communautés autochtones locales. Ces panneaux-réclames sont là malgré les décisions difficiles prises par notre comité pour contrer la vente de certains produits du tabac, parce que ceux-ci sont contre-indiqués et, tout particulièrement, parce qu'ils sont conçus pour les jeunes, et cela conformément à la promesse du premier ministre de mettre un terme à ces pratiques. Lorsque nous soumettrons la question à Santé Canada, je crains que les gens répondent, malgré toute leur bonne volonté : nous ne touchons pas à la contrebande, nous ne faisons que réglementer l'industrie du tabac, ce qui est juste.

J'ai peur que nous ne soyons en train d'élaborer des normes réglementaires relativement strictes, pas nécessairement inappropriées, auxquelles nos amis de l'industrie du jouet et d'autres produits devront se soumettre, mais en fait, il sera plus facile de s'attaquer aux exploitants qui participent au marché gris ou au marché noir. Il est possible que nous soyons en train de restreindre un approvisionnement légitime au profit d'un autre, entièrement illégitime, sans aucun gain en matière de sécurité pour les enfants ou les jeunes. Est-ce que ça vous inquiète également, ou croyez-vous que ce n'est pas vraiment important?

M. Smith : C'est une question intéressante. J'y ai effectivement réfléchi. J'ai moi aussi un petit côté libertaire. La ville de Toronto, par exemple, a adopté récemment de nombreux règlements, et parfois, ma réaction instinctive est de dire : « Mon Dieu, ne pourrait-on pas présumer que nous savons prendre soin de nos enfants? Avons-nous vraiment besoin d'un autre règlement? »

Fait intéressant à souligner, les réformes introduites aux États-Unis par la CPSC ont été ardemment soutenues par les républicains, dont certains ne sont pas de fervents partisans des initiatives ayant pour but de contrer les changements climatiques, ni de toute initiative visant l'environnement ou les produits de consommation, d'ailleurs.

C'est ce que j'ai dit dès le départ. Même au moment où le Parlement connaît, si je puis dire, une période de forte partisanerie, et que nous nous trouvons dans une situation étrange en raison d'un gouvernement minoritaire, il est intéressant de voir que ce projet de loi a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes. Tout comme il est intéressant de constater qu'aux États-Unis, les réformes instaurées par la CPSC ont été adoptées à l'unanimité par le Sénat, par simple vote oral.

Il y a quelque chose dans cette question, un éloignement du principe de caveat emptor, qui s'accorde avec toutes les idéologies politiques. On ne peut pas attendre des consommateurs qu'ils exercent le jugement d'un ingénieur ou d'un chimiste quand vient le temps de faire leurs achats. Comment aurais-je pu savoir que la petite locomotive que j'avais achetée à mon fils était recouverte de peinture à haute teneur en plomb? Pourquoi est-il nécessaire que le Toronto Star signale à Santé Canada que des jouets pour enfants comportent des vices dangereux, que la teneur en plomb de certains d'entre eux est si élevée que si un enfant en avale un, il ou elle en mourrait? Pourquoi revient-il au Toronto Star, sous notre régime, de signaler ça?

Comme il est question de rendre les normes plus strictes, il est facile pour tous les partis de soutenir cette cause. Il ne s'agit pas de nouvelles normes bizarres et uniques au monde. Il s'agit de normes déjà établies par des lois canadiennes, de normes en vigueur aux États-Unis et de normes depuis longtemps en vigueur dans les pays de l'Union européenne. Nous méritons cette protection.

Le sénateur Segal : J'ai une petite question concernant les documents d'orientation et les lignes directrices. Les témoins n'ont pas caché qu'ils avaient souvent travaillé, de manière constructive, avec Santé Canada à l'élaboration de documents de ce genre, qui permettent de faire le pont entre l'adoption d'une loi et l'entrée en vigueur des règlements, processus qui peut prendre un certain temps.

Je présume, donc, que vous êtes sûrs que ces lignes directrices seraient aussi strictes que vous le souhaitez. Que voudriez-vous que nous fassions, nous, les membres de ce comité, par rapport à l'adoption d'une loi alors même que nous n'avons aucune idée, aucune, du contenu de ces lignes directrices ou de ces directives?

Autrement dit, nous préparons l'adoption de ce que nous avons appelé hier une loi-cadre, une loi qui énonce des principes clairs et établit certains droits permettant aux fonctionnaires de prendre par la suite des décisions. Par contre, nous ne savons rien du processus auquel vous participez activement en tant que parties prenantes de l'industrie, même si nous sommes très heureux d'apprendre que vous y prenez part. De notre point de vue, c'est un peu comme si nous nous apprêtions à signer un chèque en blanc. D'un côté, nous ne voulons pas que les directives soient trop strictes, mais je crois qu'il est juste de croire, monsieur Smith, que vous seriez contrarié si elles étaient trop tolérantes et qu'elles n'offraient pas, dans les faits, la protection que vous souhaitez. En tant que membres du comité, nous ne pouvons vous conseiller sur le contenu parce que nous n'avons aucune idée de ce qu'elles prévoient. Je me demande ce que vous nous conseilleriez de faire dans ce cas pour que nous puissions accomplir notre devoir de législateurs.

M. Smith : Vous avez raison. Le dispositif réglementaire qui se dégagera sera complexe, et entre-temps, le comité sera passé à autre chose. Nous faisons tout le temps face à cette situation. C'est comme ça que les choses fonctionnent ici. Parfois, les discussions sur la réglementation déraillent, mais la plupart du temps, elles se déroulent bien.

Certains arguments soumis par d'autres témoins ces derniers jours, repris de courriels que vous avez reçus, m'ont laissé perplexe. J'ai été étonné qu'on laisse entendre que Santé Canada pourrait devenir une sorte d'organisme despotique complètement incontrôlable. Je suis ici pour vous dire que cette image ne correspond pas du tout au ministère que je connais.

L'an passé, nous sommes intervenus dans le débat entourant la présence de bisphénol A dans les biberons, un excellent exemple de travail efficace de la part de ce gouvernement. Le gouvernement a fait du Canada un chef de file. Il a été le premier à interdire le bisphénol A dans les biberons. Nous ne pouvions pas être tout à fait sûrs, mais il y avait des preuves convaincantes, et, ce qui est intéressant, c'est que les preuves s'accumulent de jour en jour, ce qui me fait croire qu'un jour, avec le recul, on verra que ce gouvernement a eu raison d'agir ainsi. Chaque jour apporte de nouvelles preuves qu'il s'agit d'un puissant modulateur endocrinien ayant d'importants effets nocifs sur les enfants, et le gouvernement a agi rapidement pour le bannir des biberons.

Nous avons collaboré avec Santé Canada pour éclairer la rédaction du règlement. J'irais même jusqu'à dire que Santé Canada n'est pas allé assez loin. Ce n'est pas comme si Santé Canada était formé d'exaltés qui vont se mettre à défoncer les portes et à courir après les marchands de biberons. Nous pouvons dire d'expérience que Santé Canada est un gros organisme bureaucratique employant beaucoup de gens qui essaient de faire leur travail, mais comme c'est le cas pour bien des organismes de ce genre, il n'est pas très expéditif, et, la plupart du temps, il ne va pas assez loin. J'estime que le risque de voir Santé Canada dépasser les bornes, agir de manière irrationnelle et persécuter les entreprises est pratiquement nul.

M. Geralde : Je ne suis pas du tout certain de pouvoir le garantir, mais je crois que je pourrais intégrer ceci à mes discussions avec les organismes de réglementation. Ils savent qu'il y a un vide dans le système qui nous régissait jusqu'ici. En raison de la structure actuelle, ils ont de la difficulté à retirer des produits du marché. De plus, ils veulent que cet effort soit coordonné. Des freins et des contrepoids permettent de contrôler les actions ou les dérobades de chacun de ces organismes de réglementation. En définitive, c'est sur les produits dangereux que se porte leur attention. C'est la clé de tout.

Je ne crois pas qu'il y ait un problème du point de vue des organismes de réglementation. Je ne crois pas qu'ils se préoccupent de savoir qui le fait ou comment ça se fait. L'objectif est de les retirer immédiatement des tablettes. C'est, à ma connaissance, le fondement de tous les efforts entrepris par Santé Canada et par les autorités provinciales et internationales. Il faut retirer les produits dangereux parce qu'ils mettent tout le système en danger. Même les entreprises vous diront que les produits dangereux font mal à toute l'industrie. Tous sont d'accord sur ce point. Je n'ai pas vu grand opposition, ou peut-être que les opposants ne veulent simplement pas me parler. Nous avons constaté que d'autres secteurs de l'industrie, tout comme les membres du Groupe CSA, collaborent déjà.

Si ça peut nous réconforter, l'élément essentiel, ici, est qu'il s'agit d'un mécanisme supplémentaire important qui va permettre de retirer des produits dangereux du marché, et qu'il s'applique au pays entier.

Mme Fuselli : Tout à fait. J'ajouterai qu'il est important de garder à l'esprit l'idée d'une approche globale, et les notions de collaboration et de normalisation dont nous avons discuté. Cette loi n'aborde pas uniquement les questions d'application, elle se traduit aussi par la modification du contexte dans lequel les parents effectuent leurs achats. Elle exige aussi un travail d'information, et nous collaborons depuis bon nombre d'années avec Santé Canada et d'autres ministères, notamment Transports Canada, dans des dossiers comme celui de la sécurité des enfants dans les véhicules. Il ne s'agit pas d'un outil indépendant et exclusif. Il est lié aux efforts du milieu de la prévention des blessures visant à informer les gens des politiques bénéfiques, pour établir un espace de vie sécuritaire et faire en sorte que ces politiques soient appliquées. Nous espérons que cette approche de la prévention de ce type de blessure soit assez équilibrée pour s'appliquer à la plupart des cas.

Le président : Monsieur Smith, vous avez mentionné l'adoption à l'unanimité par la Chambre des communes. Il faudrait préciser que des modifications ont été apportées. Il y avait un certain nombre de problèmes, qui n'ont pas tous été réglés à la satisfaction de certains membres du comité à la Chambre des communes. Des amendements ont été adoptés à ce moment-là également.

Le sénateur Dyck : Je reviens au problème des nombreux courriels que nous avons reçus. Je vous remercie, monsieur Smith, de l'avoir mentionné, parce que les sénateurs ont reçu un nombre presque sans précédent de courriels. Comme vous, je me suis demandé pourquoi. J'ai fait ma propre enquête, pas aussi poussée que la vôtre, et j'ai pu établir un lien avec le site web falseflagflu.com, et j'ai réfléchi aux inquiétudes qui y étaient exprimées. Je crois effectivement que certaines de ces personnes pourraient faire partie, comme vous l'avez dit, de la marge, puisqu'elles s'inquiètent de voir ceci constituer un précédent ayant un rapport quelconque avec la vaccination forcée ou autre chose du genre. Un nombre probablement important d'entre eux semblaient toutefois vraiment préoccupés par les pouvoirs de perquisition et de saisie des inspecteurs, et par la protection des renseignements personnels. Il est difficile de tous les comprendre ou de les situer. En tout cas, certains y expriment des inquiétudes qui ont peut-être déjà été soulevées relativement aux produits de santé naturels.

Vous avez mentionné que certains étaient des adeptes des théories de conspiration et que certains avaient des comptes à régler. En ce qui concerne ces comptes à régler, disiez-vous qu'ils se rapportent aux produits de santé naturels? Que pensez-vous de ces inquiétudes? Sont-elles fondées?

M. Smith : L'entreprise dont je parlais s'appelle Truehope et elle s'oppose à Santé Canada depuis de nombreuses années sur le terrain de la réglementation. Son avocat est président de la Natural Health Products Protection Association, et il est associé à divers autres sites web étranges. Nous sommes en train de nous en occuper, mais grâce à Internet, on peut prendre des blocs entiers de texte, les mettre dans Google et découvrir d'où ils viennent, et c'est ce que nous sommes en train de faire. Si vous le faites avec les courriels que vous recevez, et j'ai cru comprendre qu'il y en avait de toutes sortes, vous pourrez trouver de quel site web ils proviennent. On trouve dans ce réseau de sites web reliés quelques versions de ces lettres dont on peut remonter la piste, ce que nous avons commencé à faire.

Pour revenir à ce que disait le sénateur Munson, les courriels proviennent de ces sites web, donc ceux qui les envoient fréquentent forcément ces sites. Il faut se demander : pourquoi une personne se rend-elle sur ce site pour y trouver l'outil qui vous envoie ces courriels? C'est tout ce que je voulais dire.

Le sénateur Dyck : En ce qui concerne les pouvoirs des inspecteurs, si je vous comprends tous bien, vous êtes convaincus que ça n'arrivera que très rarement. En fait, monsieur Smith, vous avez dit que le risque était « pratiquement nul ».

Est-ce bien ce qui s'est passé aux États-Unis et en Europe, où les lois sont plus strictes? Il semble que leurs lois accordent des pouvoirs semblables, et que ça ait fonctionné chez eux. Y a-t-il eu des cas d'abus de pouvoir par les ministères de la Santé?

M. Geralde : Je ne crois pas pouvoir me prononcer sur la situation ailleurs dans le monde. Je sais que, dans le domaine de la vérification des systèmes électriques, par exemple, les provinces et territoires accordent déjà des pouvoirs relatifs à la perquisition de produits, en vertu de diverses lois comme la Loi sur la Société de l'électricité. Ça s'explique habituellement par la difficulté de retirer ces produits des tablettes. Bien souvent, des produits retirés qui inquiètent particulièrement les gens sont mis en quarantaine sans être détruits. Ils les mettent en quarantaine, et s'il s'avère qu'on peut éclaircir la situation ou que le problème ne touche qu'un lot en particulier, ou quelque chose de ce genre, l'affaire se règle généralement rapidement.

On s'inquiète toujours des pouvoirs attribués aux gens et de la possibilité qu'ils en abusent, mais les procédures et politiques de tous ces organismes de réglementation comprennent des mécanismes qui doivent être suivis. Je n'en ai pas beaucoup entendu parler. De toute évidence, ceux qui en sont victimes trouvent ça un peu dur. Toujours est-il que, dans l'industrie, je n'ai pas vu de foule se presser pour exprimer des inquiétudes à ce sujet.

En fait, bien souvent, lorsqu'on découvre un problème dans un produit et qu'il est retiré du marché, ça permet de protéger le reste de l'industrie qui fournit ces produits. Ils y voient un avantage.

M. Smith : Honorable sénateur, pour revenir à ce que vous disiez précédemment, après la comparution de notre délégation devant le comité de la Chambre, nous avons constaté que de nombreux amendements que nous espérions voir apporter n'ont pas été retenus. Quoi qu'il en soit, c'est comme ça que les choses fonctionnent. La loi ne correspond pas exactement à ce que nous souhaitions, mais je suis venu aujourd'hui vous demander de l'adopter le plus rapidement possible, car, selon moi, elle est tout de même mille fois mieux que ce que nous avons en ce moment.

Le sénateur Day : Avons-nous été informés des amendements que vous espériez voir adopter? Saviez-vous que les sénateurs sont eux aussi autorisés à proposer des amendements?

M. Smith : Je suis au courant, et je vous demande de ne pas demander d'amendement. Les normes actuelles sont plus strictes aux États-Unis et en Europe, mais même s'il y avait un quelconque avantage à ce que vous proposiez des amendements, le plus important, tout bien pesé, c'est de faire adopter cette loi le plus rapidement possible.

Le sénateur Cordy : J'aimerais d'abord dire que nous espérons tous une loi qui garantisse la sécurité des produits pouvant être obtenus par les Canadiens. Que nous posions des questions ou non, ça ne change rien au fait que nous sommes convaincus que la sécurité des produits est importante.

Le Sénat est chargé de mûrement réfléchir aux projets de loi pour s'assurer qu'ils n'auront pas de répercussions malheureuses. Tous les projets sont complexes. Une mesure législative peut tenir sur une seule page et tout de même renfermer des éléments qui nécessitent un examen rigoureux. Le Sénat ne doit jamais approuver automatiquement un projet de loi. Nous devons examiner consciencieusement le projet de loi pour nous assurer qu'il aura l'effet voulu et qu'il n'aura pas d'incidence négative sur la population canadienne. Nous voulons une mesure législative améliorée au profit de tous. C'est en fonction de ces principes que nous proposons des amendements à un projet.

Existe-t-il une liste, ou un répertoire, nationale des produits ayant fait l'objet d'un rappel?

Mme Fuselli : Santé Canada a un numéro sans frais qui donne accès à une liste des rappels. Nos contacts avec le public ont montré que ce service n'est pas très connu.

Le sénateur Cordy : Je ne le connaissais pas moi-même.

Mme Fuselli : Les gens doivent composer ce numéro pour savoir quels produits ont fait l'objet d'un rappel. L'information n'est pas rapidement rendue accessible au public.

M. Geralde : Bref, la réponse est non, nous ne disposons pas d'une telle liste. À la CSA, nous publions de l'information concernant les produits retirés et les produits de contrefaçon. L'Office de la sécurité des installations électriques établit une liste de ce genre en Ontario, et il en existe aussi une en Colombie-Britannique. Santé Canada demande pour sa part le retrait de certains produits dans le cadre de notre collaboration visant les casques de hockey et d'autres produits du même genre. Le problème est l'absence d'une ressource permettant de trouver tous les rappels, et nous en avons certainement besoin pour que tout le monde en soit informé.

Le sénateur Cordy : Si l'on veut avoir un répertoire des rappels qui soit facile d'accès, est-ce que ça devrait faire partie de ce projet de loi ou d'un autre? Je ne connaissais pas ce numéro sans frais et je suis membre du Parlement. Je suis persuadée que si je posais la question aux habitants de ma ville, Dartmouth, je découvrirais que peu d'entre eux le connaissent.

Mme Fuselli : Cette information est importante pour les familles qui prévoient faire des achats ou qui veulent évaluer les objets qu'elles ont à la maison. La liste devrait être connue et facilement accessible.

M. Geralde : C'est vrai. Il nous faut aussi un système national de signalement des incidents. À ma connaissance, la meilleure façon d'enquêter sur des incidents est d'établir rapidement des tendances. Si nous avions un tel système, un incident survenu en Ontario pourrait rapidement être associé à un autre au Nouveau-Brunswick, ce qui faciliterait l'enquête. Dans le système actuel, nous travaillons en vase clos, ce qui ne soulève pas de questions sur le plan de la réglementation. Nous avons besoin de deux choses : une base de données nationale sur les incidents et une liste nationale des rappels. Avec ça, nous serions en mesure d'informer les consommateurs et de coordonner les efforts de l'industrie, du gouvernement et de la population.

M. Smith : C'est une excellente idée. Je feuillette désespérément le projet de loi parce que je ne me souviens pas s'il prévoit une liste des rappels. Si elle n'y est pas, alors on pourrait facilement y remédier. Nous réclamerons l'ajout d'une liste nationale des rappels durant le processus d'élaboration des règlements.

D'autres exemples me viennent à l'esprit. Nous avons participé à une évaluation en vue de l'adoption du Plan de gestion des produits chimiques et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999. Le Plan de gestion des produits chimiques ne se trouve pas dans la LCPE. En réponse à cette évaluation, l'Administration a créé un guichet unique d'information sur le web. La Loi sur les espèces en péril est un autre exemple puisqu'elle ne contient aucune disposition concernant un guichet unique d'information sur les avis relatifs aux espèces en voie de disparition. Le gouvernement a établi un tel guichet durant le processus d'élaboration des règlements.

Le sénateur Cordy : Je vous remercie pour ces renseignements. Une des conséquences involontaires qui me tracassent touche le registre des incidents dont il a été fait mention. Un incident peut se produire dans le cadre de l'utilisation normale d'un produit. Ainsi, vous avez donné l'exemple du berceau. Nous savons tous que nous n'avons pas besoin d'attendre qu'un incident lié à un berceau se produise; tout ce que nous avons besoin de savoir, c'est qu'un produit dangereux est en vente.

Je suis encore sidérée par la poursuite intentée, avec succès, aux États-Unis par une personne qui avait placé une tasse sur ses cuisses et qui s'est brûlée lorsqu'elle a renversé son café chaud sur elle. Aujourd'hui, lorsqu'on achète une tasse de café, la tasse porte la mention : « Attention chaud! ». On ne peut faire autrement que se demander ce qui est arrivé au bon sens. En parlant de ce qu'est un incident, un homme a donné hier l'exemple d'une rondelle atteignant quelqu'un à la tête, alors que ça fait partie du déroulement normal d'un match de hockey. On espère que ça ne se produira pas, mais ça peut se produire. Ces deux occurrences — le café chaud renversé et la rondelle — sont-elles des incidents? Ne devrions-nous pas définir clairement ce qu'est un « incident »? Un couteau peut couper, cela veut-il dire qu'il devrait y avoir une étiquette sur le couteau pour en avertir les gens? Je ne dis pas cela pour être mesquine. Je me mets simplement à la place d'un fabricant. Qu'est-ce qui constitue un incident? La définition qui se trouve dans le projet de loi devrait-elle être plus claire?

M. Geralde : C'est difficile. Nous employons le terme « incident », mais nous devrions peut-être dire « enquête » ou autre chose. Beaucoup de choses sont insignifiantes. On ne veut pas que les gens se mettent à appeler dès qu'une chose les tracasse. La CSA accorde la priorité aux incidents, comme le ferait n'importe qui dans ce champ d'activité. La priorité est d'abord donnée aux situations ayant entraîné des blessures ou la mort, ou encore de lourdes pertes, dans le cas d'un incendie. Tout le reste se retrouve plus bas dans la liste.

À la CSA, nous nous préoccupons d'abord des incendies et des chocs parce que ceux-ci sont liés aux normes plutôt qu'à des problèmes de performance. Il ne faut pas s'embourber dans les seules questions de performance, comme de savoir dans quelle mesure un grille-pain brunit bien le pain. Après que la fente d'un certain type de grille-pain eut été élargie pour qu'il puisse griller des tranches plus épaisses, nous avons reçu une plainte concernant un incendie. Le commissaire aux incendies nous a apporté le grille-pain en cause pour que nous l'examinions et nous avons découvert que l'éjecteur, qui fait remonter la rôtie lorsqu'elle est prête, avait été fixé au fond. Le propriétaire était agacé parce qu'après avoir élargi la fente du grille-pain, on n'avait pas modifié la minuterie pour qu'il puisse y faire cuire des côtelettes de porc. La graisse de la viande s'était accumulée et avait fini par provoquer un incendie. Il nous faut trier les incidents. Ce tri doit être fait par les personnes qui s'occupent des plaintes. Je suis persuadé que lorsque des citoyens appellent, la plupart d'entre eux ont des préoccupations légitimes.

Le sénateur Cordy : Avez-vous une définition du terme « incident »? Parce qu'en réalité, les incidents insignifiants existent. Vous et moi en avons mentionné quelques-uns. La CSA a-t-elle rédigé une définition et celle-ci devrait-elle être intégrée au projet de loi?

M. Geralde : Nous n'avons pas de définition du terme « incident ». Nous avons choisi ce terme parce qu'il est générique. Nous clarifions tout ça quand les gens appellent. Être inondé de plaintes n'est pas idéal, mais nous arrivons parfois à dégager une tendance à partir d'incidents en apparence anodins.

Le sénateur Cordy : On parle donc d'une tendance, et non d'un incident.

M. Geralde : Oui, mais les rapports d'incident sont conservés et consultés lorsqu'un autre incident du genre survient.

Le sénateur Cordy : Effectivement.

M. Geralde : Je n'ai pas de réponse simple à vous fournir. Nous relevons les incidents et nous en déterminons le degré de priorité, ceux qui ont causé des blessures ou la mort étant placés sur le haut de la pile.

Le sénateur Cordy : Selon ce que dit le projet de loi, les incidents ne pourront pas être classés par ordre de priorité comme vous le faites. Si un incident a lieu, il devra être signalé, même s'il a été causé par une utilisation inadéquate du produit, comme la cuisson de côtelettes de porc dans un grille-pain.

M. Geralde : Oui. J'ai discuté de ces problèmes avec Santé Canada dès le départ. Lorsqu'on est une entreprise, il faut faire un certain tri, peu importe la situation. Si quelqu'un appelle et mentionne qu'un produit a pris feu, il faut comprendre que la définition de « prendre feu », « sentir un peu la fumée » ou « confiné » diffère d'une personne à l'autre. Des gens appellent souvent, m'a-t-on dit, au sujet d'une machine à laver de tel ou tel type, alors que ce n'est pas le cas; ils nomment simplement les choses différemment.

Une certaine enquête préliminaire doit être faite avant même de signaler les cas, puisqu'ils ne sont pas valides d'emblée. C'est ce que les entreprises finissent par faire. C'est ce qui se fait à la CPSC et en Europe. Ils établissent la légitimité de l'incident, qu'un élément est inquiétant, qu'un problème a été soulevé, que le produit en cause est le leur, puis ils signalent l'incident à qui de droit.

Certaines entreprises disent qu'elles achemineront automatiquement toutes les plaintes qu'elles recevront parce qu'elles ne veulent pas analyser les risques ni trier les informations. Ceci va à l'encontre de ce que nous essayons tous de faire et paralysera le système. Au début, les gens envoient tout, et ils s'aperçoivent graduellement que ça suit son cours.

Le sénateur Cordy : Le problème, c'est que si c'est dans la loi, c'est la loi.

M. Smith : On peut aborder la question de deux façons. D'abord, le terme « incident » est défini à l'article 14 du projet de loi, et la définition me paraît adéquate.

Deuxièmement, d'après mon expérience de Santé Canada, vu son conformisme bureaucratique et le fait que les employés sont très occupés, je suis convaincu qu'on peut leur laisser effectuer une certaine partie du triage. Étant donné les précisions données dans le projet de loi et les précisions qui seront apportées par les règlements et les politiques, je crois sincèrement qu'ils vont avoir suffisamment de personnel pour passer au moins une partie de tout ça au crible.

Le sénateur Cordy : Mais c'est la loi.

M. Smith : C'est vrai, mais il y a des précisions dans la loi.

Le président : Je donne la parole au sénateur Day, du Nouveau-Brunswick. J'ajouterai que le sénateur Day est le porte-parole officiel de l'opposition pour le projet de loi C-6, et que le sénateur Martin en est la marraine.

Le sénateur Day : J'aimerais d'abord vous souhaiter à tous la bienvenue au Sénat. J'aborderai certains points qui ont été soulevés pour m'assurer de bien comprendre votre raisonnement.

En ce qui concerne l'harmonisation avec les normes internationales et l'intervention du sénateur Martin, qui vous demandait ce qui a été dit hier, l'harmonisation touche deux aspects. Le premier concerne les éléments de procédure, comme les rappels, ou donner au ministère le droit de procéder à des rappels, et l'autre concerne les normes elles- mêmes.

D'après ce que je comprends, la discussion d'hier portait principalement sur les normes applicables aux produits. Le marché est mondial, et nous ne voulions pas d'une norme — comme une norme qui exige quatre fils dans les grille- pain, ce genre de choses — qui aurait empêché que des produits provenant d'autres pays soient vendus au Canada. Nous ne voulions pas de normes moins strictes ni de normes plus strictes. C'est ce que j'ai compris, mais vous semblez vous concentrer sur les normes relatives à la procédure.

M. Geralde : Je n'étais pas là hier, il est donc possible que j'aie mal compris la question.

Le sénateur Day : J'aimerais qu'on donne des précisions, pour que le compte rendu soit clair à ce sujet.

M. Geralde : Pour clarifier, donc, notre division chargée des normes travaille avec l'ISO dans le but d'harmoniser les normes. Nous prenons une norme internationale et, s'il en existe une autre en Amérique du Nord, nous l'harmonisons. Ce n'est qu'après que nous formulons une norme canadienne. Nous nous efforçons toujours d'harmoniser les normes avec celles des autres.

Le sénateur Day : Je crois que la majorité d'entre nous, si ce n'est nous tous, sommes d'accord pour dire que le Canada, en tant que partenaire du commerce international, doit se conformer aux normes. Il est important que la norme applicable au produit et celle visant la peinture qui le recouvre soient harmonisées.

Vous semblez dire, enfin, c'est l'impression que j'ai, que le projet de loi C-6 ne s'appliquerait pas aux provinces. Vous disiez que le projet de loi C-6 est une bonne base et que nous devons obtenir la collaboration des provinces. Ne parle-t-on pas d'une loi qui s'appliquerait à tous les produits de consommation, dans l'ensemble du pays?

M. Geralde : Oui, en effet. Des pouvoirs ont été accordés aux inspecteurs en électricité, et Santé Canada collabore avec eux. Bien des choses qui se trouvent dans le projet de loi C-6 sont aussi attendues des provinces. C'est ce qui transparaît, et ce n'est peut-être pas autant parce qu'il constitue une base que parce qu'il permet d'harmoniser les efforts.

Une des plus grandes difficultés pour les provinces est de travailler avec l'Agence des services frontaliers du Canada à contrôler les produits qui entrent au pays. Il est essentiel de travailler de concert avec l'Agence, et ça ne semble pas fonctionner, pour une raison qui m'échappe. Si l'on s'appuie sur le projet de loi C-6 tout en collaborant avec Santé Canada ou un organisme fédéral, ça se passe beaucoup mieux. Ça fait partie de ce qu'ils font.

Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question, mais c'est un exemple de ce que je disais.

Le sénateur Day : La première partie de votre réponse m'a montré que j'avais compris.

Vous avez dit que les articles 26 et 27 pourraient être améliorés. Ce sont les articles relatifs aux procédures à suivre à la suite d'une saisie. Chaque fois qu'on entend dire qu'une chose pourrait être améliorée, nous voulons en savoir plus à ce sujet. C'est pour cette raison que j'ai interrogé M. Smith sur les amendements qu'il propose. Il hésite à nous les faire connaître pour l'instant, mais peut-être serez-vous moins réticent.

M. Geralde : Je ne connais pas beaucoup le Sénat, mais je vais apprendre et j'agirai peut-être davantage comme M. Smith à l'avenir.

Ce sont les activités entourant la contrefaçon de produits qui m'inquiètent. Voilà où se trouvent les brebis galeuses. La qualité de leurs produits est généralement inégale et, dans bien des cas, ceux-ci sont dangereux. Dans le cadre de mon travail avec INTERPOL et la police et de mon travail d'enquête sur le déplacement de marchandises, j'ai découvert que des produits non sécuritaires et des matériaux dangereux sont renvoyés au lieu d'être enfouis. Ces produits sont expédiés dans des pays en développement qui n'ont bien souvent pas les lois nécessaires, comme la Chine, et ils nous reviennent sous forme de produits finis. Ce qui est préoccupant, c'est que personne n'a envie d'être celui qui aura ces produits sur les bras, et qui devra payer, quand les choses vont mal tourner. C'est pourquoi ils essaient de vendre le produit à 10 p. 100 du prix, comme le disait M. Smith au sujet des pyjamas. Ces produits sont souvent les plus dangereux.

Établir un mécanisme pour détruire les produits dangereux est un des problèmes. Des médicaments de contrefaçon sont expédiés vers l'Afrique, puis envoyés dans différentes régions. Le Canada fait partie de ces victimes, car nos lois sont déficientes.

Le sénateur Day : Êtes-vous d'avis que ces articles ne permettront pas d'obtenir les résultats que vous escomptez, et qu'ils pourraient être améliorés?

M. Geralde : Je ne suis pas avocat et je ne saurais dire s'il faut en parler dans la loi, dans un processus ou dans une procédure. Si nous mettons la main sur ces produits et les saisissons, je m'inquiète de ce que l'on en fera ensuite. Je ne veux pas les voir réapparaître dans une autre région, particulièrement s'ils sont dangereux. Je ne sais pas s'il faut aborder ce problème dans le cadre du processus actuel, ou dans un règlement.

Le sénateur Day : Je vois où vous voulez en venir. Si, après avoir réfléchi à ces articles, vous considérez que certaines améliorations particulières pourraient être apportées, envoyez vos commentaires à la greffière, qui nous les fera parvenir.

Concernant ces articles, soit les articles 23, 24, 25 et 26 — on les trouve sous « mesures consécutives à la saisie » —, je m'inquiète qu'on n'y définisse pas le terme « chose ». On parle d'une « chose » sans que cette « chose » soit définie. Elle pourrait donc être n'importe quelle chose imaginable.

Je trouve l'article 27 assez intéressant. Il stipule :

Le propriétaire de la chose saisie peut consentir à sa confiscation. Le cas échéant, la chose est confisquée au profit de Sa Majesté du chef du Canada [...]

Sa Majesté est maintenant propriétaire du produit. Il faut toutefois lire plus avant :

[...] et il peut en être disposé aux frais du propriétaire.

Tout le reste du projet de loi définit le propriétaire comme celui qui possède la chose, mais dans cet article, la « chose » a été confisquée par Sa Majesté, qui en est donc propriétaire. Pourquoi ne dit-on pas « aux frais de Sa Majesté »? On y dit « aux frais du propriétaire », et le propriétaire est Sa Majesté.

Il faudrait peut-être penser à ça aussi. J'y ai beaucoup réfléchi. Il y a beaucoup de contradictions de ce genre dans le projet de loi. Je ne les mentionnerai pas toutes. Vous avez parlé de cet article et j'ai cru bon d'attirer votre attention sur ce point.

En ce qui a trait à l'article 33, madame Fuselli, vous avez parlé de la nécessité de prévoir, pour le ministère de la Santé, des dispositions concernant les rappels. Y a-t-il eu un problème avec le processus de rappel volontaire? Plus précisément, vous avez parlé des berceaux et mentionné qu'on avait seulement diffusé un avis. Vouliez-vous dire que cette procédure ne correspond pas à ce que le ministère de la Santé voulait?

Mme Fuselli : Pour répondre brièvement, oui. Les États-Unis ont pu exiger le rappel de ce produit, et d'autres avant lui, au cours des deux dernières années. Le Canada a négocié avec l'entreprise pour qu'elle rappelle volontairement ce produit. Elle a refusé, alors le ministère n'a fait que diffuser un avis. Par après, l'entreprise a offert une trousse de réparation qui a, elle aussi, été jugée inutilisable par la suite, et un autre avis a dû être diffusé. On trouve donc encore ce produit dans les maisons, où il pourrait causer des blessures ou entraîner la mort.

L'interdiction frappant les marchettes pour bébés depuis 10 ans est un autre bon exemple de rappel volontaire. Dans ce cas, il a fonctionné pour les grands fabricants, mais le produit pouvait toujours être obtenu par d'autres moyens.

Le sénateur Day : Est-ce que Santé Canada aurait pu obtenir la permission de procéder à un rappel, même sans la collaboration de l'industrie?

Mme Fuselli : Pas en ce moment.

Le sénateur Day : Il y a une procédure à suivre pour obtenir un rappel?

Mme Fuselli : Pour obtenir un rappel volontaire, oui.

Le sénateur Day : N'existe-t-il pas un processus, même fastidieux, qui permettrait d'obtenir du tribunal une autorisation de procéder à un rappel?

Mme Fuselli : Je ne connais pas la réponse à cette question.

Le sénateur Day : Vos commentaires concordent avec ce que vous venez de me dire, cela facilite les choses. Je vous en remercie.

Monsieur le président, nous avons beaucoup discuté des objets et des jouets destinés aux enfants. Hier, nous avons entendu des fabricants de jouets, et aujourd'hui, nous recevons Mme Fuselli, qui nous parle de la sécurité des jouets. Nous vous appuyons tous à ce sujet, mais j'espère que nous comprenons tous que la portée du projet de loi dépasse les jouets pour enfants.

En intervenant, M. Smith a dit que nous avons besoin de cette loi pour encadrer la fabrication de biens destinés aux enfants. Peut-être devrions-nous adopter une mesure législative visant particulièrement les biens destinés aux enfants, parce que la portée du projet de loi actuel est beaucoup plus générale.

Nous n'avons pas l'habitude de dénigrer les témoins, confirmés ou éventuels, particulièrement lorsqu'ils ne sont pas présents pour se défendre. Nous avons discuté de certaines personnes qui ont pu envoyer des courriels et des messages, et je crois qu'étant donné qu'on les a décrites comme des personnes « farfelues », nous devons leur donner la chance de venir s'exprimer ici.

Le président : Nous manquons de temps.

Le sénateur Day : Il nous faudra demander à ces gens de revenir, ou en inviter d'autres, parce qu'il reste encore bien des choses à déterminer.

Le président : Je cède la parole aux témoins pour qu'ils puissent répondre aux questions du sénateur Day.

M. Smith : Si vous recevez un jour ces gens, je serai certainement là comme observateur, et je m'en réjouis d'avance.

Mme Fuselli : Il n'est peut-être pas possible pour ceux d'entre nous qui font partie du milieu sans but lucratif, ou qui sont parents, de s'exprimer aussi énergiquement, étant donné que nos ressources sont limitées. Je vous demande simplement de ne pas vous laisser impressionner par le volume de messages. Certains de ceux que nous représentons ont une opinion différente, mais il n'est pas toujours possible de la faire entendre.

M. Geralde : Les pour ou contre m'ont semblé constructifs. Je crois toujours qu'il nous faut une loi. Le projet de loi C-6 est un bon document, bien que tout document puisse être amélioré. Il y a actuellement un énorme vide, et c'est ce qui me préoccupe le plus.

J'aimerais remercier toutes les personnes présentes de leur appui. Je crois qu'elles désirent sincèrement s'assurer que les produits offerts aux Canadiens sont sécuritaires.

Le président : Sur ce, je vous remercie sincèrement tous les trois de nous avoir aidé à mieux comprendre ce sujet dans le cadre de notre examen du projet de loi C-6. C'est là-dessus que s'achève cette partie du programme.

Chers collègues, je dois vous demander votre avis sur une question qui concerne le budget. Nous recevrons le rapport provisoire sur la pauvreté, le logement et le sans-abrisme dans une semaine. Il nous faudra alors le faire imprimer afin de le rendre public. Il faudra que le document soit présenté au Sénat sous sa forme imprimée traditionnelle, et il ressemblera à notre rapport sur l'éducation et la garde des jeunes enfants.

En ce qui concerne sa diffusion auprès du public, des organismes qui ont comparu devant nous et des nombreux autres organismes qui s'occupent de questions liées au logement, à la pauvreté et au sans-abrisme, le sous-comité a eu une idée. Nous l'avons proposée de manière informelle au Comité de la régie interne, et le président a invité le comité à faire une demande officielle. J'ai donc besoin de votre autorisation pour obtenir une allocation budgétaire officielle.

La version anglaise du rapport complet du comité sur la pauvreté, le logement et le sans-abrisme comptera environ 300 pages. Il faut compter 300 pages supplémentaires pour la version française, peut-être même un peu plus. S'ajoutent à ça un sommaire d'environ 14 pages et un avant-propos signé par le vice-président du sous-comité, le sénateur Segal, et moi.

Ce rapport requiert vraiment beaucoup de papier. Même si nous devons vous donner la version provisoire du document et tout ce qui l'entoure et que nous devons aussi fournir une version intégrale sur papier au Sénat, nous avons pensé offrir au public quelque chose de beaucoup plus mince. Ceci n'est qu'un exemple.

Je dois dire, comme vous pouvez le voir, qu'il y a une bonne différence dans la qualité du papier. On peut voir des photographies, des diagrammes, de la couleur et toutes sortes d'autres choses. Vu le sujet — la pauvreté, le logement et le sans-abrisme il y aurait moins de tout ça. Si je vous montre ce document, c'est qu'il est beaucoup plus mince qu'un livre de 300 pages. Le document imprimé comprendrait l'avant-propos et le sommaire, qui présente les 74 recommandations proposées.

Pour le rapport principal, nous suggérons de recourir à une technologie plus récente et d'utiliser le disque compact. Quiconque demanderait le rapport, en entier ou en partie, le recevrait sur disque compact.

Nous devons demander une allocation budgétaire de 15 000 $ parce que le centre d'impression s'occupe de l'impression des très gros documents. Nous n'avons pas à payer pour ça. Si, par contre, nous voulons faire quelque chose de différent, comme ceci, qui suppose un disque compact et une structure légèrement différente, alors il faut payer, et la somme doit provenir du budget du comité. Comme nous n'avons pas l'argent, il faut demander qu'une partie du budget nous soit réservée.

Le document que vous devriez avoir entre les mains demande que 15 000 $ soient alloués à cette fin. Si l'on choisissait la présentation classique, il nous en coûterait 11 000 $. Même si la somme provient d'un budget central, et non du nôtre, ça coûterait 11 000 $. L'écart net est donc de 4 000 $. La majeure partie de ces 4 000 $ servirait à payer la conception graphique. Pour que nous puissions retenir cette nouvelle forme de présentation, il faut que la totalité des 15 000 $ provienne de notre budget et soit réservée à cet effet.

J'ai besoin de votre permission pour demander, au nom du comité, cette allocation de 15 000 $. Sachez que nous avons fait épargner plus de 100 000 $ au Sénat en voyageant moins que prévu. Si l'on fait le calcul, nous leur rendons plus d'argent que nous en demandons. Il me faut votre permission pour entamer une démarche officielle auprès d'eux. Il n'est pas certain qu'ils l'autoriseront, mais je dois en faire la demande officiellement. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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