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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 4 - Témoignages du 7 octobre 2009


OTTAWA, le mercredi 7 octobre 2009

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit ce jour à 12 h 9 pour étudier les services et avantages sociaux offerts aux anciens combattants et à leurs familles (sujet : exécution de la nouvelle charte des anciens combattants).

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bon après-midi. Nous poursuivons notre étude des services et avantages sociaux offerts aux anciens combattants et à leurs familles, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre de la nouvelle charte des anciens combattants. Vous vous souviendrez que la nouvelle charte des anciens combattants est entrée en vigueur il y a plus de trois ans. Par conséquent, le Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense a pensé que l'heure était venue d'examiner sa mise en œuvre, d'en étudier les éléments positifs et négatifs, et de voir si des modifications ou des améliorations devraient y être apportées.

Comme il s'agit de notre première audience publique, nous avons invité deux témoins éminents qui pourront nous mettre sur la bonne voie, j'en suis sûr. Ils représentent respectivement la Légion royale canadienne et l'ombudsman des anciens combattants. Je suis sûr qu'ils ont beaucoup d'informations utiles à nous donner sur la mise en œuvre de la charte.

Comme le savent les sénateurs, la Légion royale canadienne est un organisme fraternel à but non lucratif financé par les cotisations de ses membres et regroupant 1 600 filiales au Canada, aux États-Unis, en Allemagne et aux Pays-Bas. Depuis sa création en 1926, la Légion se consacre à l'obtention de pensions adéquates et d'autres avantages sociaux largement mérités pour les anciens combattants et les personnes à leur charge.

Le représentant de la Légion sera Pierre Allard que j'ai le plaisir d'accueillir en votre nom et de remercier de sa présence. Il devait être l'un de nos témoins à la fin du printemps dernier mais, à cause d'événements particuliers à ce moment-là, il avait dû suivre toute la séance à laquelle il avait été convoqué sans avoir la possibilité de s'exprimer. Nous sommes heureux de pouvoir corriger cette erreur aujourd'hui, monsieur Allard.

Nous accueillons également l'ombudsman des anciens combattants, le colonel à la retraite Patrick Stogran. L'ombudsman des anciens combattants est un agent indépendant et impartial dont le rôle consiste à intervenir au nom des anciens combattants pour les aider à résoudre leurs problèmes. Ce poste a également été créé pour mieux sensibiliser la population aux besoins et préoccupations des anciens combattants et donner à ces derniers l'assurance que leur point de vue est important. L'ombudsman a pour mandat d'assurer le respect de la Déclaration des droits des anciens combattants et de se pencher sur les problèmes individuels ou systémiques qui en émanent.

À cause de la difficulté du printemps dernier, la Légion royale canadienne a comparu la dernière fois devant le comité le 13 février 2008. Après ce long intermède, permettez-moi de vous dire que nous sommes très heureux de vous revoir, monsieur Allard. En ce qui concerne l'ombudsman, sa dernière comparution remonte à mai 2009.

Monsieur Allard, je crois comprendre que vous avez une brève déclaration à faire, après quoi nous donnerons immédiatement la parole au colonel Stogran.

Pierre Allard, directeur, Bureau d'entraide, Légion royale canadienne : Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi de comparaître devant votre comité. Je tiens à vous féliciter de votre appui aux anciens combattants et à leurs familles. Il est évident que leur situation vous tient à cœur, tout comme pour la Légion.

Je suis fier de m'adresser à vous aujourd'hui au nom de notre président national, le camarade Wilf Edmond, qui n'a malheureusement pas pu se joindre à moi.

Le rôle de la Légion est multiple et comprend notamment la représentation et la défense des anciens combattants, par le truchement de notre bureau d'entraide, sans qu'il en coûte quoi ce soit aux demandeurs, et que ceux-ci soient membres de la Légion ou non. Nous les aidons par le truchement d'une aide bénévole, d'initiatives en matière de logement, de programmes pour la jeunesse et de divers programmes de soutien des soldats.

L'un des programmes de la Légion qui méritent d'être mentionnés à l'occasion de cette Semaine de la santé mentale est le programme de transition des anciens combattants. J'ai apporté avec moi une brochure sur ce programme que je demande au greffier de distribuer. Elle n'a pas été traduite mais je vais y faire référence.

Le président : L'avez-vous remise à la greffière?

M. Allard : Oui.

Le président : Les membres du sous-comité sont-ils tous d'accord pour accepter que ce document soit distribué dans sa version anglaise seulement?

Le sénateur Banks : D'accord.

Le président : Très bien. Merci.

M. Allard : Merci. Cette brochure décrit un programme de transition exploité à l'intention des anciens combattants par notre commandement de Colombie-Britannique/Yukon. Ce programme est destiné à aider les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, de la guerre de Corée, de la guerre froide et des opérations de maintien de la paix ainsi que, plus récemment, le personnel militaire ayant servi en Afghanistan. Ce programme, que l'on dit en termes familiers destiné à aider les anciens combattants à « laisser tomber leur bagage » et à guérir les « plaies invisibles » a déjà eu pour effet de changer profondément la vie des participants et de leurs familles.

Il s'agit d'aider les anciens combattants à faire une transition efficace, à comprendre les effets du stress post- traumatique, à comprendre l'incidence d'un traumatisme non traité sur la carrière, les relations familiales et le milieu familial et, finalement, à orienter les participants vers les services communautaires de santé et d'aide sociale. Le programme est totalement...

Le président : Veuillez m'excuser de vous interrompre mais je suis perdu. Êtes-vous en train de lire votre exposé?

M. Allard : J'y arrive dans deux secondes.

Le président : Je vois. Vous lisez le document qui a été distribué. Je comprends.

Le sénateur Day : Je n'ai pas le document sous les yeux. Y a-t-il assez d'exemplaires pour tout le monde?

Le président : Je n'arrive pas à suivre parce que je ne l'ai pas.

Le sénateur Banks : Attendons-nous de recevoir des copies?

Gaëtane Lemay, greffière du comité : Oui.

Le sénateur Wallin : Pourquoi ne reprenez-vous pas le texte d'origine pour le moment?

M. Allard : C'est ce que je vais faire.

M. Allard : Je voulais signaler que ce programme existe depuis 1998, c'est-à-dire avant SSBSO, les cliniques BSO et les CSTSO.

Le ministre des Anciens combattants est déjà venu vous parler de plusieurs questions telles que la révision des prestations de santé, le sans-abrisme chez les anciens combattants et la nouvelle charte des anciens combattants. Nous avons été un peu surpris qu'il n'ait pas donné de réponse plus substantielle à la recommandation très importante du Conseil consultatif de gérontologie concernant des services intégrés fondés sur le besoin, afin d'éliminer la grille complexe des critères d'admissibilité. Je l'ai incluse dans mon rapport, près des pages bleues.

On vous a dit que les améliorations apportées au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, le PAAC, ont permis d'atteindre cet objectif. On vous a dit aussi que le ministère des Anciens combattants continue d'exercer ses pouvoirs parce que le problème du sans-abrisme des anciens combattants exige une étude plus poussée. Nous savons que le ministère a adopté un système harmonisé avec des services intégrés et homogènes durant le cours d'une vie. Cela ne veut pas dire qu'il a réaménagé les éléments des programmes de soins de santé — soins de longue durée, PAAC et prestations de traitement — les anciens combattants contemporains ne sont dans l'ensemble pas admissibles.

Même si la terminologie actuellement employée par le ministère pourrait amener à penser qu'une démarche fondée sur le besoin a été adoptée pour les trois éléments des services de santé, la réalité est que les grilles très complexes de critères d'admissibilité sont toujours en vigueur. Bien que le ministre ait déclaré en mars 2008, lorsqu'il a comparu devant le comité, que « nous aimerions passer à un système fondé sur les besoins plutôt que sur des droits », les anciens combattants sont toujours confrontés à au moins 18 groupes d'admissibilité, avec des critères subsidiaires.

ACC parle peut-être désormais la même langue que le CCG dans son rapport Parole d'honneur mais il n'a toujours pas éliminé les obstacles à l'accès aux services et prestations et n'a pas jugé bon d'octroyer certaines de ces prestations aux anciens combattants contemporains.

On vous a parlé d'équipes de soutien intégrées ACC/FC, Forces canadiennes, s'occupant des soldats gravement blessés revenant d'Afghanistan. Nous approuvons ce processus de qualité exceptionnelle. Toutefois, on ne vous a pas dit que ces centres de soutien intégrés n'ont pas encore tout le personnel nécessaire, bien que cela fait dix ans que nous sommes en Afghanistan et que la plupart des anciens combattants contemporains blessés n'ont pas encore fait la transition au statut d'anciens combattants et relèvent toujours des Forces canadiennes.

Même si ces guerriers blessés ont peut-être bénéficié de certains éléments de la nouvelle charte des anciens combattants, ils n'ont pas encore exploité toutes les ressources d'ACC dans le contexte des programmes de la nouvelle charte. En outre, certains d'entre eux seraient peut-être admissibles à l'allocation pour déficience permanente mais ils ne peuvent pas en bénéficier avant leur retraite, ce qui semble foncièrement injuste.

Pour ce qui est des anciens combattants à besoin élevé, on ne vous a pas dit qu'ACC fait face à des problèmes de gestion des cas. Une évaluation interne par le ministère d'un projet pilote de gestion d'un cas de réadaptation de Halifax a révélé des problèmes importants de « plans de cas qui ne sont pas conformes aux principes de gestion des cas ». Des problèmes ont été identifiés en ce qui concerne des « consignes directionnelles éclatées, limites obscures pour gestion de cas, confusion au sujet des rôles et responsabilités, approche inopportune à la gestion des cas et concentration sur la livraison des prestations plutôt que sur la gestion de cas ». Cette description des problèmes constatés dans la région de Halifax n'est pas limitée à cette dernière et semble être constante dans l'ensemble du pays.

Vous savez sans doute que le gouvernement s'était engagé à investir 1 milliard de dollars dans des programmes de la NCAC au cours des cinq premières années. Or, selon les propres rapports d'ACC, le ministère avait exagéré les ressources financières requises, ce qui semble être une tendance générale de toutes les prévisions de programmes du ministère. Nous avons constaté la même exagération des ressources requises pour la mise en œuvre de nouveaux programmes de compensation à titre gracieux concernant l'Agent Orange et pour l'extension du PAAC avant 1981 aux conjointes et aux fournisseurs de soins.

Le ministre des Affaires des anciens combattants vous a dit en mars 2008 que la NCAC permettait d'atteindre les objectifs consistant à traiter avec les « réalités auxquelles font face nos vétérans modernes » mais qu'elle a encore « besoin de mise au point[...], que la charte était censée être une charte pleine d'avenir, un livre ouvert qui évolue avec les besoins de nos vétérans et de leurs familles ». Nous sommes presque à la fin de 2009 et attendons toujours cette mise au point.

La réalité est que, depuis que la NCAC a reçu la Sanction royale en mai 2005 et est entrée en vigueur, en avril 2006, le ministère estime que les « anticipations créées par le ministère auprès des agences centrales dès l'approbation du programme étaient hautement irréalistes ». Au fait, toutes ces citations sont extraites de documents officiels du ministère.

Selon nous, il ne s'agissait pas là d'attentes mais plutôt d'un engagement voulant que, selon le concept d'une charte vivante, la question d'un paiement unique d'indemnité au lieu d'une pension d'invalidité serait réexaminée dans un délai de deux ans suivant l'entrée en vigueur du programme.

Il est aujourd'hui plus qu'évident qu'il est injuste de « demander à une famille de quatre de survivre avec 75 p. 100 du salaire d'un soldat pendant deux ans alors que celui-ci entreprend le processus de réadaptation » — ces 75 p. 100 sont imposables, je le précise — et que cela est mieux que ce qui existait avant la charte. La réalité est que le soldat, avant ou après la charte, qui est libéré pour raisons de santé recevrait dans la plupart des cas les mêmes prestations pour deux ans non pas d'Anciens combattants Canada mais du Régime d'assurance-revenu militaire, le RARM, et que tous les paiements de pension d'invalidité seraient déduits des prestations du RARM, politique injuste qui dure encore aujourd'hui malgré les rapports de l'ombudsman des Anciens combattants et de l'ombudsman des Forces canadiennes.

Le président : Et de ce sous-comité.

M. Allard : Vous avez parfaitement raison, monsieur.

Après la réadaptation dans le cadre du RARM, le soldat pourrait, en vertu de la Loi sur les pensions, être admissible à une pension d'invalidité non imposable à vie qui pourrait valoir plus que les 75 p. 100 garantis de son salaire imposable en vertu de la NCAC, prestations qui se terminent à l'âge de 65 ans, et sa pension d'invalidité forfaitaire.

Nous savons qu'Anciens combattants Canada a obtenu « une évaluation officielle étendue effectuée par notre directorat d'évaluation, laquelle procède en dehors du cadre courant et vérifie les résultats et l'efficacité du programme, en général ». La première étape d'établissement du cadre d'évaluation est terminée et les résultats montrent que la capacité d'évaluer les programmes de la NCAC en 2009-2010 « seraient assujettis à des restrictions en rapport au mesurage des résultats par le manque de clients qui avaient complété le sondage de la performance longitudinale en cours ».

À cause de « l'acceptation plus lente du programme », ACC estime qu'il serait « souhaitable de retarder l'évaluation des résultats de la NCAC jusqu'au moins 2011- 2012 » —ce sont les termes du ministère — une indication des résultats de la performance serait possible en 2009-2010 en utilisant les données limitées disponibles en plus d'un sondage unique auprès des clients. Étant donné les limitations connues, il est probable que cette analyse manquera de profondeur et que ses conclusions ne seront pas définitives. Cela peut être invoqué comme excuse pour repousser les améliorations requises.

Malheureusement, la réalité est qu'il existe des lacunes dans les services et avantages dispensés au titre de la nouvelle charte des anciens combattants. Ces lacunes sont évidentes en ce qui concerne les prestations financières, la réadaptation, la gestion des cas et les services aux familles.

Nous avons désormais deux catégories de soldats modernes invalides, la plupart servant encore dans les Forces canadiennes, alors que celles-ci semblent réticentes à les libérer tant que nous n'aurons pas quitté l'Afghanistan ou au moins tant que les FC n'auront pas réglé les questions de retour au travail, d'hébergement et d'universalité du service. Sur le plan pratique, cela signifie que les soldats blessés qui sont en activité de service reçoivent soit des indemnités d'invalidité après 2006, soit des pensions d'invalidité avant 2006, et que le niveau de frustration devient insupportable lorsqu'ils comparent les avantages financiers des deux programmes. Il devient évident que certains sont loin d'être ravis des prestations qu'ils reçoivent au titre de la NCAC.

La Légion se préoccupe des soldats en activité de service et de ceux qui ont terminé leur service. Ils ont besoin de notre appui, tout comme leurs familles. Une « charte pleine d'avenir » doit être plus que de belles paroles. Si l'on n'y apporte pas d'urgence les modifications et améliorations qui s'imposent, nous tirerons la conclusion logique que la nouvelle charte des anciens combattants ne vaut pas grand-chose. C'est maintenant qu'il faut l'améliorer, pas plus tard.

J'aimerais conclure en disant quelques mots du Fonds du souvenir et de la question des anciens combattants sans abri.

Notre président national, Wilf Edmond, a récemment émis un communiqué de presse préconisant l'extension de ce programme aux anciens combattants contemporains et a regretté en même temps le manque de volonté politique. L'ombudsman des anciens combattants a également publié récemment un rapport sur cette question et sur d'autres qui lui sont reliées.

Tous les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée sont admissibles au programme fédéral de funérailles et d'inhumation du gouvernement, ce qui n'est pas le cas de tous les anciens combattants de l'ère moderne. Par exemple, nous savons que des dons ont dû être recueillis pour offrir des funérailles dignes à trois anciens combattants de l'ère contemporaine. Les anciens combattants ne devraient pas dépendre de la charité du Fonds du souvenir pour des choses qui relèvent de la responsabilité du gouvernement.

Bien que la Légion soit une organisation très visible dans l'ensemble du pays, de par les programmes de logement qu'elle offre aux anciens combattants et aux personnes âgées, en donnant la priorité aux anciens combattants, la direction provinciale de la Légion en Colombie-Britannique/Yukon prend également des mesures tangibles pour venir en aide aux anciens combattants sans abri. Profitant de l'expérience acquise dans la prestation de logements à des anciens combattants sans abri du centre-ville de Vancouver, au Veterans Manor, dans les années 1980 — qui fonctionne encore aujourd'hui et qui constitue une initiative couronnée de succès —, la direction provinciale s'est maintenant associée à Anciens combattants Canada, au Centre d'excellence de logement de la direction nationale, à la South Vancouver Island Zone Veterans' Housing Society, à la succursale de Victoria de la Canadian Peacekeepers Veterans' Association et à la municipalité de Colwood pour assurer un logement sûr et de qualité, de la nourriture et des services de soutien aux anciens combattants sans abri.

Servir dans les Forces canadiennes est une profession dangereuse. Presque toutes les opérations de défense placent les militaires, hommes ou femmes, dans des situations de risque élevé, que ce soit sur le plan physique, environnemental, psychologique ou émotif. La Légion s'est toujours battue pour assurer des services et prestations adéquats à ceux et celles qui portent les stigmates du service offert à leur pays, et elle continuera de le faire.

Anciens combattants Canada se doit de répondre à leurs besoins de manière opportune. Beaucoup de progrès ont déjà été réalisés mais la « mise au point » de la charte est urgente. Nous le devons à ceux et celles qui ont servi en notre nom.

Colonel (à la retraite) Patrick Stogran, ombudsman des anciens combattants, Anciens Combattants Canada : Je vous remercie de me donner à nouveau l'occasion de témoigner devant le comité au nom de nos anciens combattants.

Des anciens combattants mécontents adressent des plaintes au bureau de l'ombudsman des anciens combattants depuis avril 2007, c'est-à-dire depuis que le gouvernement a annoncé son intention de créer ce service et ce, sept mois avant ma nomination.

[Français]

Bien que la nouvelle Charte des Anciens combattants ne soit pas la question la plus litigieuse à laquelle nous ayons été confrontés, les vétérans ont soulevé certaines préoccupations à son sujet.

[Traduction]

Jusqu'à présent, nous avons reçu des plaintes au sujet de l'indemnité d'invalidité forfaitaire, de l'allocation pour perte de revenu, notamment en ce qui concerne les déductions des pensions d'invalidité et du salaire de base servant de fondement au calcul de l'allocation, des inégalités entre la Loi sur les pensions et la nouvelle charte des anciens combattants en ce qui concerne le remboursement des traitements, des critères d'admissibilité à l'allocation pour déficience permanente — l'ADP — et à l'AIE qui semblent trop restrictifs, et du processus de consultation relatif à l'élaboration de la charte, qui aurait manqué à la fois de transparence et d'inclusion.

Le président : Pouvez-vous nous dire ce que signifie l'AIE?

Col Stogran : L'AIE vient de la Loi sur les pensions. Il y a certaines différences entre l'allocation pour incapacité extrême, l'AIE, et l'allocation pour déficience permanente, l'ADP, et c'est ce qui porte à conclure que les critères d'admissibilité à l'allocation pour déficience permanente sont trop restrictifs.

Le président : Merci.

Col Stogran : Bien que nous ayons été saisis de questions relatives à la nouvelle charte des anciens combattants, je ne veux pas exprimer la position de l'ombudsman à ce sujet car il y a trop de facteurs variables et de pouvoirs qui entrent en jeu à l'heure actuelle dans le cadre de la révision de la charte.

[Français]

Je suis, par contre, prêt à formuler les principes qui, selon moi, devraient être suivis dans ce processus d'examen. Les problèmes de ce texte de loi doivent être réglés de façon urgente. Le processus de résolution des problèmes doit être exhaustif, et des changements significatifs doivent être apportés en temps voulu.

[Traduction]

La révision doit être transparente. Les Canadiens qui acceptent le principe d'une responsabilité illimitée et qui consentent des sacrifices irréparables au service de la nation, ainsi que les familles et amis qui les appuient et les citoyens qui leur en sont reconnaissants, méritent de savoir ce qui se passe vraiment et de participer à la détermination de ce qui est juste.

La charte ne doit pas être envisagée séparément des autres problèmes d'Anciens combattants Canada. L'obligation de s'auto-identifier pour confirmer son admissibilité, la bureaucratie excessive qui caractérise l'administration des programmes et services du ministère, et la lourdeur des processus d'approbation, de révision et d'appel ne peuvent que compliquer l'application d'une charte qui est déjà alambiquée et suscite de la confusion.

Lorsque la charte a été adoptée, on savait déjà qu'elle aurait besoin d'être améliorée. On devrait donc assurer la rétroactivité à tous les anciens combattants qui ont été touchés par la charte depuis son entrée en vigueur.

[Français]

En bout de ligne, c'est une question de tranquillité d'esprit. Les gens qui se joignent aux Forces canadiennes ou à la GRC ne s'attendent pas à devenir riche.

[Traduction]

Cependant, ils devraient avoir l'assurance, s'ils sont blessés psychologiquement ou physiquement en service, que tout ce qui est possible sera fait pour leur permettre d'avoir la vie pleinement satisfaisante qui aurait été la leur dans leurs professions respectives.

En conclusion, je dirais qu'une des révélations que j'ai obtenues dans ce poste est que les gouvernements successifs se sont montrés prêts à accumuler une dette aux dépens des anciens combattants. Les exemples que j'ai en tête à ce sujet sont tellement convaincants qu'ils amènent à douter de la sincérité de ceux qui sont si prêts à proclamer leur loyauté envers nos anciens combattants. Les membres des Forces canadiennes et de la GRC n'hésitent jamais à prendre leur poste et à faire les sacrifices nécessaires pour assurer notre sécurité. La moindre des choses serait que nous fassions preuve de la même détermination à résoudre les problèmes de la nouvelle charte des anciens combattants.

Le président : Merci, colonel Stogran.

Je ne sais pas si mes collègues sont dans la même situation que moi mais je ne comprends pas la première phrase de votre dernier paragraphe : « En conclusion, je dirais qu'une des révélations que j'ai obtenues dans ce poste est que les gouvernements successifs se sont montrés prêts à accumuler une dette aux dépens des anciens combattants ». Pourriez- vous préciser votre pensée?

Col Stogran : Cette phrase concerne les anciens combattants de Hong Kong qui ont dû attendre longtemps pour faire reconnaître leur statut d'anciens combattants. Cela vaut également pour la marine marchande. Nous semblons toujours reporter ce genre de question à plus tard pour les régler finalement de manière rétroactive. À mon avis, si elles étaient réglées en temps voulu, chacun aurait le sentiment d'avoir été traité avec justice, même si les règlements monétaires ne reflètent pas les sacrifices consentis par ces personnes pour notre pays.

Le président : Il s'agit donc de régler ces questions sans tarder?

Col Stogran : Oui.

Le président : Merci.

Honorables sénateurs, les déclarations liminaires sont maintenant terminées et je suis sûr que vous avez beaucoup de questions à poser.

Le sénateur Wallin : Colonel Stogran, merci d'être revenu. Vous vous souvenez de la dernière comparution du ministre, lorsque vous étiez présent et aviez dit que votre rôle ne consiste pas à régler les problèmes des anciens combattants. Il s'agit plutôt de veiller à ce que le système agisse de manière responsable au nom des anciens combattants.

Le ministre avait répondu que, si notre mandat ne consiste pas à améliorer la vie des anciens combattants, qui va s'en charger? Ce monsieur — je parle de l'ombudsman — a un rôle important à jouer.

Avez-vous tous les deux déterminé quel est votre rôle?

Col Stogran : Je sais parfaitement ce qu'est mon rôle. J'ai rencontré le ministre et je pense que nous comprenons assez bien ce qu'il est possible de faire dans un poste qui n'existe que depuis deux ans et qui concerne une situation extrêmement changeante, avec beaucoup d'éléments variables et une guerre en Afghanistan. J'ai la conviction que nous avons progressé depuis cette dernière réunion.

Le sénateur Wallin : Pouvez-vous préciser comment fonctionne cette relation? La dernière fois, vous ne pouviez pas obtenir de réunion et vous n'aviez pas accès au ministère. Quelle est la situation aujourd'hui?

Col Stogran : Nous n'avons pas encore établi la relation définitive qui pourrait me donner totalement satisfaction. L'information circule plus librement entre mon bureau et le ministère, même si j'estime que la situation n'est pas encore aussi bonne qu'elle devrait l'être. Les hautes instances du ministère semblent avoir compris qu'il est dans leur intérêt de divulguer pleinement les informations sur les questions dont je suis saisi car, dans ce cas, je chanterai leurs louanges aussi rapidement que je suis prêt à les critiquer quand ça ne va pas.

L'expérience passée nous a également appris qu'il est utile d'adresser un rapport mensuel au ministre pour l'informer de ce que nous faisons. Si des problèmes quelconques sont soulevés, je suis bien sûr à l'entière disposition du ministre pour répondre à ses questions sur les problèmes dont je m'occupe quotidiennement.

Les voies de communication sont ouvertes. J'hésite à en dire plus à ce sujet. Nous avons franchi le seuil avec notre dernier rapport sur le Fonds du souvenir. Dans le contexte actuel, je ne suis pas encouragé par le dialogue qui s'est engagé en coulisses ou en public à la suite de notre rapport.

Cela dit, il semble que les choses commencent à bouger. Je crois cependant qu'il conviendra d'analyser la situation au bout de la période de trois ans durant laquelle j'aurai occupé ce poste.

Le sénateur Wallin : Les critiques de M. Allard sont très précises. Avez-vous le sentiment que la Légion a accès à AAC pour soulever ces questions? Êtes-vous écouté? Comment avez-vous accès au système?

M. Allard : De deux manières.

En qualité d'organisme de prestation de services représentant des clients, nous avons une bonne relation avec le ministère. Nous utilisons certains de ses outils et processus.

En qualité d'organisme de défense des anciens combattants, je fais partie du groupe consultatif sur la nouvelle charte des anciens combattants. Je sais ce qu'il faut faire pour améliorer la charte. Dans mes remarques liminaires, j'ai employé beaucoup de citations de documents internes du ministère qui m'indiquent qu'il pourrait y avoir des retards dans la mise en œuvre des recommandations formulées par le groupe consultatif.

Par exemple, nous avons envoyé officiellement notre rapport au ministère au mois de juin, je crois. Nous n'avons toujours pas reçu de réponse officielle et on ne nous a pas dit que le rapport pouvait être rendu public. Cela me montre qu'on ne répond pas de manière opportune à nos recommandations, qui sont bonnes, alors que cela permettrait de régler certaines questions que nous avons soulevées. Autrement dit, ce que je lis dans les documents du ministère et ce que je constate dans la réalité me fait craindre que les choses n'avancent pas très rapidement.

Le sénateur Wallin : Vous avez parlé d'un faible taux d'utilisation des programmes et, par conséquent, de la possibilité de recueillir des données à long terme. Nous en sommes à la huitième année et je suis sûre qu'il existe des données utiles. S'agit-il d'un problème de réticence des soldats ou d'un problème systémique?

M. Allard : Le problème vient du fait que les soldats blessés demeurent sous la responsabilité des Forces canadiennes. Ils ne sont pas libérés. Il n'y a pas de processus pour faciliter la transition. Cela fait près de dix ans que nous sommes en Afghanistan et l'on commence seulement à mettre en place les processus. Cet excellent projet a été défendu par le chef du personnel militaire, le major général Semianiw, et il est temps maintenant de l'adopter et d'avancer pour savoir comment se fera la transition.

Le président : Puis-je vous demander une précision? À une certaine époque, nous étions tous préoccupés par le sens donné à « l'universalité du service » — quelqu'un qui ne pouvait pas fonctionner à 100 p. 100 était libéré. Aujourd'hui, il semble que les FC s'efforcent de conserver ceux qui veulent rester. Est-ce bien cela? Votre critique est-elle que les programmes de soutien destinés aux soldats blessés qui souhaitent rester dans les forces armées ne sont pas suffisamment étoffés?

M. Allard : Nous ne le savons pas encore parce que les services de soutien de ces soldats sont dispensés par les Forces canadiennes qui ont mis sur pied leur propre programme de réadaptation des soldats blessés. Certes, le problème de l'universalité du service est en cours de résolution, ce qui est excellent car cela permettra à ceux qui désirent rester dans les forces armées d'y rester. Je suis optimiste à ce sujet. Cependant, je sais que les soldats continuant à servir la nation reçoivent soit une allocation d'invalidité, soit une pension d'invalidité, et que la différence entre les deux suscite beaucoup de ressentiment. Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce système. Certains de ceux qui ont fait la transition, comme des caporaux, survivent avec 75 p. 100 de leur salaire antérieur, calculé au moment où ils ont pris leur retraite, ce qui est foncièrement insuffisant. Le groupe consultatif sur la nouvelle charte des anciens combattants l'a reconnu.

Il faut que des mesures soient prises immédiatement, de manière définitive. Je crains que le rapport du Conseil consultatif de gérontologie, Tenir parole, n'ait été enterré en 2006. Le ministère n'a pris aucune mesure, ce qui m'amène à craindre que le rapport du groupe consultatif sur la nouvelle charte des anciens combattants sera lui aussi enterré.

Le sénateur Wallin : Je suis allée à Petawawa pour voir ce qui s'y passe et essayer de comprendre ce qu'on essaie de faire. On semble essayer de garder certains soldats employés, même s'ils ne répondent pas nécessairement aux normes de l'universalité du service, afin qu'ils puissent faire leur transition vers une pension. Bon nombre de ces soldats sont jeunes et n'ont pas encore dix années de service. Qu'en pensez-vous?

M. Allard : Cela ne me dérange pas. C'est un excellent programme. Il est simplement regrettable qu'il n'ait pas été mis en place plus tôt.

Le sénateur Kenny : Bienvenue, monsieur Allard et colonel Stogran. Je vais d'abord faire une brève déclaration, après quoi je poserai quelques questions, monsieur le président.

J'ai le sentiment que nous visons très bas lorsqu'il s'agit des anciens combattants. Nous parlons ici de gens qui ont pris volontairement un risque illimité et qui sont revenus chez nous blessés. Il me semble que la norme que nous acceptons pour les indemniser est loin d'être égale à celle qui prévaudrait dans le cas d'une poursuite civile concernant un accident comparable au Canada.

Ces gens-là mettent volontairement leur vie en danger. Je ne comprends pas comment on peut croire que l'allocation forfaitaire ou la norme de 75 p. 100 du revenu imposable établie dans le passé puisse donner un montant suffisant. Je n'accepte pas qu'on essaye de faire preuve de radinerie à l'égard de personnes qui ont vécu une telle expérience pour nous protéger. S'il s'agissait de nous, nous voudrions naturellement obtenir toute sorte d'aide supplémentaire, bien au- delà de ce que nous recevions en salaire. Recevoir 250 000 $ peut paraître suffisant jusqu'à ce qu'on réalise qu'on devra vivre toute une vie avec cette somme.

Si nous voulons vraiment aider ces gens, la seule solution est de leur fournir des processus de réadaptation et beaucoup d'argent. C'est l'argent qui semble manquer dans cette équation et je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Personne ne conteste qu'ils le méritent. Si nous étions placés dans la même situation, nous nous dirions qu'il nous faudrait beaucoup plus d'argent pour pouvoir en sortir.

Cela étant, pouvez-vous me parler des problèmes de l'allocation forfaitaire et de la réalité d'une vie financée avec 75 p. 100 du revenu imposable? Il me semble que la plupart des familles établissent leur budget avec 100 p. 100 de leur revenu et que, si quelqu'un part ou n'est pas là, les dépenses fixes restent à 100 p. 100 de ce qu'elles étaient auparavant.

J'aimerais avoir plus de réponses des deux témoins à ce sujet afin de mieux comprendre pourquoi ces paiements sont censés être raisonnables pour des gens dont la vie a été complètement chamboulée.

M. Allard : Ma position est assez ambivalente à ce sujet et je n'irai donc pas par quatre chemins. J'étais un champion de la nouvelle charte des anciens combattants lorsqu'elle a été annoncée parce que c'est un bon programme. Toutefois, elle a maintenant besoin d'une mise au point. Je vais vous donner un exemple. En guise de préface à cette histoire, je vous rappelle qu'on ne peut pas légiférer les choix personnels. Un soldat a été tué en Afghanistan et sa veuve a reçu des prestations de décès. Cette veuve, qui avait peut-être perdu l'argent au jeu, je n'en sais rien, s'est ensuite suicidée. Aujourd'hui, la grand-mère doit s'occuper des trois enfants et essaye d'obtenir notre aide en guise de bienfaisance pour les aider à survivre. Ce n'est pas acceptable. Sous le régime de l'ancienne Loi sur les pensions, cela ne se serait pas produit car les enfants auraient reçu des prestations de personnes à charge jusqu'à ce qu'ils atteignent leur majorité. Et ces prestations n'auraient pas été imposables. Ce n'est plus le cas aujourd'hui avec la nouvelle charte des anciens combattants et c'est là un problème qu'il faut absolument régler.

Sénateur, vous avez parlé des 75 p. 100 du salaire imposable que toucherait le caporal. En vertu de la Loi sur les pensions, les prestations ne dépendaient pas du grade. Elles étaient simplement payées en fonction de l'admissibilité. Qu'il s'agisse d'un simple soldat, d'un colonel ou d'un général, il recevait sa pension mensuelle qui n'était pas imposable et ne dépendait pas du salaire. En outre, s'il y avait des enfants à charge, elle était bonifiée et elle ne s'arrêtait pas à l'âge de 65 ans. Aujourd'hui, si un simple soldat demande ces prestations cinq ans après avoir quitté l'armée, les 75 p. 100 de la prestation de perte économique ne seront pas calculés en fonction du salaire actuel d'un soldat mais en fonction du salaire versé cinq années auparavant, ce qui est encore pire.

Le groupe consultatif sur la nouvelle charte des anciens combattants a formulé des recommandations pour régler cette question de perte économique et l'heure est maintenant venue de les appliquer, immédiatement, pas demain.

Col Stogran : Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter à cela. C'est évident. Quand j'ai commencé à me pencher sur la nouvelle charte des anciens combattants, j'ai commandé une étude actuarielle. Nous avons demandé une étude actuarielle au ministère afin de comparer les prestations financières à celles de l'ancienne Loi sur les pensions. On nous a assurés que la comparaison avait été faite. Toutefois, nous avons reçu une étude actuarielle pour déterminer combien ce nouveau programme coûterait au gouvernement. Nous avons commandé notre propre étude actuarielle, que nous n'avons pas divulguée parce que nous ne sommes pas certains de comprendre pleinement la valeur dite holistique de la nouvelle charte des anciens combattants. Il va sans dire que, sur le plan financier, un ancien combattant est extrêmement désavantagé par un paiement forfaitaire.

Il y a dans certains cas un avantage à toucher le paiement forfaitaire. J'ai bien analysé les choses en fonction des principes fondamentaux. Si vous offrez à quelqu'un le paiement forfaitaire maximum pour des blessures subies en Afghanistan, il est probable que, même s'il revient avec une blessure physique, il aura également subi une blessure psychologique profonde. Dans la nouvelle charte des anciens combattants, on trouve toutes sortes de références à la prestation de conseils financiers aux soldats de retour. Je me souviens du jour où je suis revenu de Bosnie, avec mes quatre membres et toutes mes facultés. Je n'ai pas regardé un chèque de paye depuis lors. Ça ne me préoccupe pas. Ce qui me préoccupe, et c'est une chose que j'ai constatée pour certains de mes collègues avec qui j'ai servi en Afghanistan, c'est qu'ils reviennent avec une dépendance à la drogue ou à l'alcool ou une dépendance au jeu. L'un de mes bons amis a perdu sa maison et sa famille à cause du jeu. Il y a des problèmes énormes de cette nature.

J'aimerais revenir aux principes fondamentaux. Un Canadien éminent a récemment obtenu le Prix Nobel de physique. Un physicien peut tout ramener à E = MC2. Je me pose des questions à cette étape de notre investigation. On parle d'un ancien combattant blessé atteignant son plein potentiel. Je n'ai vu cela défini nulle part. S'agit-il du plein potentiel avant la blessure ou après? Je ne vois pas de thème commun à ce sujet dans la nouvelle charte des anciens combattants.

On a aujourd'hui tendance à parler plus de mieux-être que d'invalidité et ces programmes de réadaptation de la nouvelle charte des anciens combattants étaient attendus depuis longtemps. Il y a cependant d'autres éléments à envisager. L'un de mes bons amis a perdu les deux jambes en Afghanistan. Il m'a dit : « Tu pourrais me donner 10 millions de dollars, ça ne compenserait pas la perte de mes deux jambes. » La meilleure chose qui lui soit arrivée depuis son retour a été le programme Soldats en mouvement, qui lui a permis de faire du hockey sur luge et du ski de descente avec des gens ayant le même type d'invalidité. Je vous le demande, comment allons-nous pouvoir passer de l'invalidité au mieux-être avec le paiement forfaitaire et les 75 p. 100?

Il y a aussi une tendance à parler moins de droits que de besoin. Je n'en vois pas la logique. Au bureau de l'ombudsman des anciens combattants, nous posons des questions sur ces principes fondamentaux qui ont amené aux problèmes que mon collègue a exposés aujourd'hui.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Banks, vous dites qu'il ne nous appartient pas de dire aux gens quel devrait être leur choix, s'ils ont un choix à faire. Le comité consultatif ou la Légion ont-ils une position sur la question du paiement forfaitaire par opposition à la pension, ou essayez-vous de nous dire indirectement que cela dépend de la situation dans laquelle se trouve la personne? Autrement dit, nous ne pouvons pas lui dicter son choix mais elle devrait avoir la possibilité de faire un choix?

M. Allard : Oui, il devrait y avoir un choix. Si quelqu'un préfère recevoir une allocation d'invalidité, très bien. Je ne pense pas que cela devrait être relié au grade. Ce n'était pas le cas autrefois. Je ne pense pas non plus que ça devrait s'arrêter à 65 ans. Il y a plusieurs choses en jeu ici. Et, oui, on ne peut pas légiférer les choix personnels. Certaines personnes feront le mauvais choix mais, quand on reçoit une pension d'invalidité non imposable chaque mois, on a l'assurance d'un revenu continu. Si l'on choisit le paiement forfaitaire et qu'on le gaspille, il n'y a rien d'autre.

Je ne devrais pas dire cela. Certaines personnes qui ont perdu les deux jambes choisiront peut-être le paiement forfaitaire pour adapter leur maison, par exemple. Cela leur permettra de continuer à vivre dans cette maison. Elles utiliseront le paiement forfaitaire pour faire cela mais, après, il n'y aura plus rien. Elles seront peut-être alors tributaires de ces 75 p. 100 imposables de perte économique.

Col Stogran : La fin de semaine dernière, le caporal William Kerr, de Sudbury, a participé à une marche collective afin de recueillir de l'argent pour rendre sa maison accessible en fauteuil roulant. L'ami dont je parlais, qui a perdu les deux jambes, paiera près de 1 million de dollars pour une maison normale à Edmonton — c'est-à-dire une maison dans laquelle il pourra circuler pour utiliser sa cuisine et, peut-être, faire de temps en temps la cuisine pour son épouse comme nous pourrions le faire nous-mêmes dans notre vie courante.

À mon avis, ça ne doit pas toujours être un choix exclusif. Je pense que nous devrions nous mettre à la place des gens qui sont blessés et essayer de rétablir l'espoir de la vie normale qu'ils auraient eue en choisissant cette profession.

Le sénateur Banks : Je vous souhaite la bienvenue, colonel Stogran et monsieur Allard. Ma femme ne m'autoriserait jamais à faire la cuisine pour elle.

J'espère, monsieur le président, que nous pourrons rendre pendant quelques minutes la parole à M. Allard pour lui permettre de continuer son intervention sur le sujet qu'il a soulevé — nous l'avons interrompu parce que nous n'avions pas le texte à ce moment-là — si vous le jugez opportun.

Je sais qu'il y a des raisons à cela mais je pense que c'est nouveau d'arrêter le paiement d'une pension à 65 ans. C'est une idée nouvelle.

Vous disiez il y a quelques minutes, colonel Stogran, que vous ne trouvez pas de fil conducteur dans la tendance à passer d'un système fondé sur les droits à un système fondé sur le besoin. Voulez-vous dire que vous ne voyez pas de mouvement dans cette voie, des droits aux besoins?

Col Stogran : Je dirais que c'est plus un problème de logique. M. Allard parlait des grilles de prestations qui sont utilisées. Il y a des contradictions dans le système. Nous ne sommes pas allés dans tous les détails mais quand je demande : « Qu'est-ce que ça veut dire, des besoins plutôt que des droits », mes chercheurs n'ont pas réussi à produire de documents disant : « Voici la théorie sur laquelle cela repose », ce qui nous permettrait de comparer et de voir s'il y a une cohérence dans ce qui se passe actuellement avec les divers programmes du ministère.

Le sénateur Banks : Bien que d'autres témoins nous aient dit qu'ils aimeraient beaucoup qu'on s'oriente à un certain moment vers un système fondé sur les besoins plutôt qu'un système fondé sur les droits, vous n'avez pas d'opinion à ce sujet?

Col Stogran : Je réserve mon jugement. Je pense qu'il y a de bons arguments dans les deux cas. Je ne pense pas que l'un doit nécessairement exclure l'autre. Encore une fois, je pense qu'il y a une prémisse fondamentale quand nous parlons des besoins des anciens combattants. Une personne entre dans une profession, n'importe laquelle, en ayant certaines attentes sur ce que sera sa vie future. Je ne suis pas devenu général mais je ne m'attendais pas à le devenir. Toutefois, je m'attendais à être en mesure de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille, et à être en mesure de prendre ma retraite et de faire certaines choses avec mon épouse à l'âge d'or de 65 ans.

Je pense que c'est sous cet angle que nous devrions envisager les choses. Il me serait difficile de quantifier mon potentiel aujourd'hui mais je peux vous dire catégoriquement que ce serait une fraction de ce qu'il est si je devais perdre mes deux jambes. Je pense que ce genre de situation est difficile à quantifier. Il est difficile de cerner des décisions aussi importantes que choisir la manière dont on va répondre aux besoins des gens non seulement jusqu'à l'âge de 65 ans mais aussi après. Cela signifie-t-il que ces personnes devront devenir des pupilles de la nation, comme nous le voyons avec des anciens combattants de la guerre de Corée ou de la Deuxième Guerre mondiale? Est-ce que c'est cela que nous sommes en train de préparer?

Le sénateur Banks : J'espère que non.

M. Allard : Quand je parle de système fondé sur les besoins, je ne parle pas d'un accès universel. Je sais qu'on ne peut pas mettre en place un programme assurant des soins de longue durée à toutes les personnes qui n'ont jamais fait partie des forces armées pour le moment où elles auront besoin de soins chroniques. Dans nos discussions avec Anciens combattants Canada, lorsque nous étions encore membres du Conseil consultatif de gérontologie — et nous avons depuis quitté ce conseil parce que nous n'avons constaté aucune mesure concrète au sujet de cette seule recommandation de son rapport —, ce que nous envisagions comme système fondé sur les besoins devait reposer sur certains critères. Par exemple, un soldat ayant servi dans une zone spéciale et obtenant son congé pour des raisons d'ordre médical pourrait obtenir des soins de longue durée. Il y avait des critères pour que ce ne soit pas un programme universel que le gouvernement n'aurait pas eu le moyen de payer. Nous avions prévu des critères pour cette raison.

Le système fondé sur les besoins doit prévoir une certaine enveloppe si l'on veut que le gouvernement soit en mesure de le payer. Nous en étions conscients.

Le sénateur Banks : Une fois les limites établies, pensez-vous qu'un système fondé sur les besoins serait plus logique?

M. Allard : Oui. Il existe des statistiques prouvant que les citoyens, dans leur ensemble, utilisent les services et les prestations, par exemple de soins de longue durée, en proportion de 12 p. 100 environ. Autrement dit, 12 p. 100 de la population auront besoin d'un programme donné et nous n'avons pas besoin de le financer pour 100 p. 100. Environ 14 p. 100 des militaires et des anciens combattants admissibles utilisent les programmes. Sur la base de cette statistique, je pense qu'on peut financer un programme viable de manière abordable.

Le sénateur Banks : En ce qui concerne les salaires, je crois comprendre que vous approuvez l'idée que les Forces canadiennes conservent des soldats, des marins, des pilotes d'avion qui ont été blessés en cours de service, au lieu de les jeter dehors. Ai-je bien compris?

M. Allard : C'est exact, pour autant qu'ils le souhaitent.

Le sénateur Banks : Et on les garde à 75 p. 100 de leur salaire?

M. Allard : Non, non, ça n'a rien à voir.

Le sénateur Banks : C'est après?

M. Allard : Oui, c'est après.

Le sénateur Banks : Tant qu'ils restent dans les forces armées, ils sont payés à 100 p. 100?

M. Allard : Oui, ils reçoivent le salaire normal correspondant à leur grade. Il faut qu'il y ait un programme sérieux de retour au travail, et c'est tout à fait cohérent pour ceux qui sont capables de reprendre le travail. Nous pouvons faire des exceptions pour l'universalité du service parce qu'il y a des postes dans les unités de réserve, et cetera. C'est logique. Ce sont des gens qui ont acquis de l'expérience et qui ont reçu une bonne formation. Pourquoi ne pas les conserver? Ceux qui souhaitent partir peuvent le faire.

Le sénateur Banks : J'examine le tableau du profil d'admissibilité qui nous a été remis et qui me semble un peu obscur car je ne sais pas ce que signifient E1 et E15.

M. Allard : C'est indiqué au verso.

Le sénateur Banks : Veuillez m'excuser. Merci. Je vais voir ça de plus près.

M. Allard : Ce n'est qu'un petit exemple des choses que doivent faire les employés d'ACC quand ils s'occupent de services pour les anciens combattants. Le tableau ne concerne que les soins de longue durée et le PAAC. Il y en a un autre pour les soins de santé. C'est très lourd et très complexe. Je plains les gens qui doivent travailler avec ça.

Le sénateur Banks : Je suis sûr qu'il doit y avoir beaucoup de cas qui ne correspondent pas parfaitement à ces critères et qui tombent entre deux chaises, si je puis dire.

M. Allard : Exactement.

Le sénateur Wallin : Je reviens sur le paiement forfaitaire car nous en avons discuté à la base. Les anciens combattants, surtout les plus jeunes, sont très préoccupés par ceux, en petit nombre, qui prennent cet argent à un très jeune âge sans comprendre que cela ne leur permettra pas de couvrir leurs besoins pendant le reste de leur vie. Après avoir acheté deux ou trois nouvelles voitures et d'autres choses, il ne restera plus rien.

Leur autre argument est qu'ils tiennent à ce que ces gens puissent faire un choix, même si c'est le mauvais choix.

M. Allard : Ils devraient pouvoir choisir entre un paiement forfaitaire et une pension d'invalidité mensuelle non imposable, comme dans le passé.

Le sénateur Wallin : Exactement.

M. Allard : On devrait leur offrir ce choix.

Le sénateur Wallin : Vous pensez qu'on devrait leur offrir les deux options?

M. Allard : Oui.

Le sénateur Wallin : Merci.

Êtes-vous du même avis, colonel?

Col Stogran : J'ai été élevé à la dure. Quand nous étions en Afghanistan, en 2002, les soldats ne voulaient pas de ce programme de décompression dans un tiers pays. Les familles n'en voulaient pas. Leur préférence était de faire ça à Guam ou à Kandahar, parce que je pensais que ce serait bon pour eux, et c'est ce qui se fait maintenant.

Je pense que le système doit avoir une vision plus large.

Le sénateur Wallin : C'est une excellente remarque.

M. Allard : J'ajoute que l'allocation d'invalidité actuelle est trop faible.

Le sénateur Day : Pour que les choses soient claires, il n'y a pas de choix entre une pension d'invalidité à long terme et un paiement forfaitaire avec la nouvelle charte des anciens combattants.

M. Allard : En effet.

Le sénateur Day : Je tenais à ce que ce soit clair.

Sur le tableau que nous examinions, les chiffres sont identifiés au verso. Dans la version anglaise, est-ce que « E » veut dire « Eligible », c'est-à-dire admissible?

M. Allard : Oui.

Le sénateur Day : Camarade Allard, c'est un plaisir de vous revoir. Je vous félicite pour votre promotion à la direction du Bureau d'entraide de la Légion royale canadienne.

Notre chercheur nous a donné quelques informations sur le travail du bureau. Je crois comprendre que vous dispensez des services et aidez les anciens combattants et les militaires en activité de service des Forces canadiennes et de la GRC, ainsi que les ex-militaires et les membres de leurs familles, et que vous avez un réseau couvrant tout le Canada.

Recevez-vous un montant forfaitaire d'Anciens combattants Canada pour vous aider à faire ce travail?

M. Allard : Non, pas du tout. Tout ce que fait la Légion est autofinancé. Nous intervenons au nom des anciens combattants, des militaires en activité de service, des membres de la GRC et des familles à toutes les étapes du processus des prestations, de la demande originelle jusqu'à la révision ministérielle. Nous comparaissons également devant le Tribunal des anciens combattants à l'étape de la révision et des appels.

Il y a une lacune dans la nouvelle charte des anciens combattants. Certaines personnes peuvent être jugées inadmissibles à certains programmes et n'ont pas de véritable recours, si ce n'est administratif. Nous aidons les gens à qui l'on a refusé le bénéfice de ces programmes

Le sénateur Day : Vous faites cela gratuitement?

M. Allard : Nous ne faisons rien payer à nos clients. C'est une représentation gratuite de notre part, qu'ils soient ou non membres de la Légion. Nous faisons cela depuis 1926 et c'est un rôle qui est établi dans la législation.

Le sénateur Day : Vous intervenez donc auprès d'Anciens combattants Canada comme porte-parole des anciens combattants ou de leurs familles?

M. Allard : Oui, ou auprès du Tribunal des anciens combattants, révision et appel.

Le sénateur Day : Les frais de transport des personnes au nom desquelles vous intervenez sont-ils payés par quelqu'un?

M. Allard : Si un ancien combattant désire assister à une audience du Tribunal des anciens combattants, ses dépenses sont assumées par le ministère.

Le sénateur Day : Essayez-vous de profiter de sa voiture?

M. Allard : Non. Nous faisons notre travail relatif aux audiences d'appel et de révision à la direction générale de la Légion. Les audiences de révision se tiennent dans les locaux du BSJP dans les diverses villes du pays parce que nous collaborons à cette étape avec nos collègues du Bureau de services juridiques des pensions.

Le sénateur Day : Craindriez-vous de perdre votre crédibilité et de faire face à un conflit d'intérêts si vous deviez recevoir de l'argent d'Anciens combattants Canada?

M. Allard : Nous ne voulons pas recevoir d'argent d'Anciens combattants Canada.

Le sénateur Day : Pourriez-vous mieux faire notre travail si vous receviez de l'argent d'autres sources et pas seulement de vos membres, dont le nombre s'amenuise?

M. Allard : Nous nous occuperons de ce problème quand il se posera mais nous perdrions une partie de notre crédibilité et de notre liberté si nous recevions des subventions d'Anciens combattants Canada.

Cela dit, nous avons besoin d'utiliser certains outils du ministère. Par exemple, il nous donne accès au réseau de prestation de services aux clients, c'est-à-dire à sa base de données. Nous y avons accès dans l'intérêt de nos clients.

Le sénateur Day : Merci.

Colonel Stogran, lors de votre dernière comparution, nous avions parlé d'étoffer votre bureau. Avez-vous maintenant tout l'effectif dont vous avez besoin en qualité d'ombudsman des anciens combattants?

Col Stogran : Oui. Depuis ma dernière comparution, nous avons recruté du personnel. Nous avons subi une perte tragique avec la disparition de mon directeur général des opérations, mon adjoint, qui est décédé à un jeune âge et qui nous manque beaucoup. Cela a profondément ébranlé notre personnel et tout notre système.

Nous avons maintenant retrouvé notre rythme et je crois que, d'ici la Semaine du souvenir, l'ombudsman des anciens combattants témoignera d'un niveau d'engagement public encore jamais vu en termes de consultation publique, et d'un niveau de transparence qui lui vaudra la confiance des anciens combattants ainsi que de leurs familles et amis.

Le sénateur Day : Le budget de votre bureau est-il fixé par Anciens combattants Canada?

Col Stogran : Non monsieur, il est établi par le centre.

Le sénateur Day : Il vous est attribué sur une base annuelle?

Col Stogran : Oui monsieur.

Le sénateur Day : Qui fait l'affectation?

Col Stogran : Le montant est attribué par le gouvernement et il nous est acheminé par le truchement d'Anciens combattants Canada mais nous rendons compte séparément de notre partie du budget.

Le sénateur Day : Je comprends. Si vous aviez besoin de plus d'argent pour certains services cruciaux à l'intention des anciens combattants, en vertu de la nouvelle charte, à qui vous adresseriez-vous pour l'obtenir?

Col Stogran : Je m'adresserais au sous-ministre mais c'est le ministère qui enverrait une demande, ou un amendement, au Conseil du Trésor.

Le sénateur Day : Ce groupe que vous surveillez du coin de l'œil et au sujet duquel vous exprimez de temps à autre des critiques est celui qui contrôle votre budget?

Col Stogran : Oui monsieur.

Le sénateur Day : Merci. En ce qui concerne l'Agent Orange dont vous avez parlé, je crois comprendre que le programme est maintenant arrivé à expiration. Toutefois, en tant que parlementaires, nous continuons de recevoir beaucoup de courriels à ce sujet, notamment en ce qui concerne la base de Gagetown. Vous occupez-vous de cela?

M. Allard : Les questions d'ordre environnemental sont très complexes. Il y a une chose qui nous préoccupe. D'abord, les versements au titre de ce programme n'ont peut-être pas été assez élevés. Pour une raison que j'ignore, Anciens combattants Canada et les Forces canadiennes ont établi un montant d'indemnisation pour certaines catégories d'anciens combattants il y a 20 ans. C'était 20 000 $ il y a 20 ans et c'est encore 20 000 $ aujourd'hui. Il y a là quelque chose qui ne va pas.

L'autre question est que, même si nous n'avons rien contre les paiements ex gratia, ils ne règlent qu'une partie du problème.

Les critères établis pour recevoir des paiements ex gratia étaient très libéraux. Toutefois, si vous demandiez ensuite des prestations d'invalidité à cause de l'exposition à l'Agent Orange, les critères devenaient beaucoup plus sévères. Nous avons demandé que les critères d'admissibilité aux prestations d'invalidité soient assouplis mais rien n'a encore été fait à ce sujet.

Finalement, je tiens à féliciter le ministère et le ministre car, même si la période prévue est arrivée à expiration, je pense que le ministre est prêt à examiner les demandes au cas par cas. Nous en avons envoyé certaines au ministre qui ont été approuvées.

Le sénateur Day : Après coup?

M. Allard : Oui, après.

Le sénateur Day : Savez-vous quelles étaient les modalités de cette prolongation? Y a-t-il eu une annonce publique?

M. Allard : Je pense que c'est au cas par cas.

Le sénateur Day : Merci. Nous devrons nous renseigner auprès du ministre pour savoir quels critères il utilise.

Je viens de regarder l'horloge et je vais donc vous poser ma dernière question, concernant les troubles psychologiques et le stress post-traumatique. Nous avons beaucoup appuyé le centre d'excellence de Sainte-Anne-de- Bellevue, près de Montréal. Nous avons encouragé le ministre et le personnel du centre à développer les services car c'est une question de plus en plus préoccupante pour les soldats de retour de mission. Nous avons entendu certaines rumeurs et des articles ont été publiés dans divers journaux. Si je ne me trompe, le ministère a admis qu'il essaye de vendre cet établissement.

Avez-vous eu quelque chose à voir avec ce centre d'excellence sur le stress post-traumatique? Savez-vous quels sont les plans d'avenir? Avez-vous été consulté au sujet de la vente de cet établissement?

Le président : Sénateur Day, comme tous les membres du sous-comité, vous devriez avoir reçu la lettre du ministre dans laquelle il dit envisager la possibilité de transférer l'établissement de Sainte-Anne-de-Bellevue à la province comme cela s'est fait pour d'autres établissements, ailleurs. C'est plus qu'une rumeur.

Le sénateur Day : Ce que j'essayais de dire, monsieur le président, et je laisserai le témoin répondre, c'est qu'il y a en fait deux activités en cours à Sainte-Anne-de-Bellevue, la première étant celle mentionnée dans la lettre du ministre et la deuxième concernant la prestation de soins médicaux aux anciens combattants âgés. Il y a une autre activité très importante dans le contexte des missions militaires actuelles, et c'est le centre de stress post-traumatique qui accueille des gens de tout le pays. Dans sa lettre, le ministre semblait parler des soins de santé pour les anciens combattants âgés mais, selon moi, ne traitait pas de cette deuxième activité.

Le président : Ou ne traitait pas des deux questions, comme vous dites.

Le sénateur Day : Merci.

M. Allard : Notre président national, Wilf Edmond, a écrit au ministre parce que nous n'avions pas été consultés à ce sujet, notamment en ce qui concerne l'aspect que vous soulevez. Le centre de stress post-traumatique est très important. À nos yeux, c'est un volet très important des services de santé mentale dont ont besoin nos soldats et nos anciens combattants.

Notre problème est aussi que nous avions mené une campagne de collecte de fonds pour ouvrir une filiale de la Légion qui aurait permis d'héberger les membres des familles rendant visite à des anciens combattants séjournant au centre national de stress post-traumatique.

Le ministre nous a donné l'assurance que l'avenir du centre n'est pas en danger et nous allons suivre attentivement l'évolution du dossier pour nous assurer qu'il tient parole.

Le sénateur Day : Colonel Stogran?

Col Stogran : Si vous me le permettez, je vais expliquer comment j'envisage le rôle de l'ombudsman des anciens combattants à cet égard. J'irais jusqu'à dire que le comité serait probablement mieux servi, à cette étape, par ANAVETS, les anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes du Canada, et par des gens comme Cliff Chadderton et Don Ethell, qui sont les gens intervenant traditionnellement dans ce genre de problème. L'ombudsman des anciens combattants est plus une force d'intervention spéciale dans ce contexte. Autrement dit, nous nous attaquons aux cibles à rendement élevé et concentrons nos ressources dans le but de renforcer les efforts des groupes, comme la Légion, qui s'occupent de ces choses-là.

Je suis certainement au courant de la situation à Sainte-Anne. Les plaintes que nous avons reçues à ce sujet sont très informelles et reflètent dans l'ensemble les mêmes préoccupations que celles qui ont été exprimées aujourd'hui. Je n'ai encore affecté aucune ressource à ce dossier car nous nous occupons actuellement d'autres questions.

Le président : Colonel Stogran, je vous signale que la plupart des personnes que vous avez mentionnées, si ce n'est toutes, figurent sur la liste de nos futurs témoins.

Le sénateur Day : Merci.

Le président : Merci, sénateur Day. Il nous reste quelques minutes, même si nous avons l'ordre strict d'être en Chambre pour 13 h 30. L'un des invités habituels et particulièrement éclairés de notre sous-comité est le sénateur Dallaire. Je lui laisse la parole.

Le sénateur Dallaire : Merci de me permettre généreusement de poser quelques questions.

Le 17 mars 2004, je me trouvais avec le docteur Neary lors de la présentation au ministre des Affaires des anciens combattants d'un document de réflexion intitulé Respecter l'engagement du Canada : offrir « possibilités et sécurité » aux anciens combattants des Forces canadiennes et à leurs familles au XXIe siècle, le document fondamental qui a finalement débouché sur la nouvelle charte des anciens combattants que j'ai eu le plaisir de présenter au Sénat à la suite d'un voyage fortuit outre-mer de beaucoup de personnes de haut rang.

En mai 2005, le ministère a déclaré qu'il avait besoin d'une année pour introduire cette nouvelle philosophie de la charte des anciens combattants dans l'ancienne charte, qui avait un caractère très législatif, ce qui permettrait au ministre de détenir beaucoup de pouvoir pour appliquer toutes sortes de procédures, pour être adaptable et réactif et, en fait, pour suivre de près l'évolution des besoins.

Nous sommes maintenant trois ans et demi plus tard et nous avons la nouvelle charte. Vous dites qu'elle a besoin d'une mise au point alors que, pour ma part, j'estime qu'elle a besoin de modifications plus profondes. Je n'ai encore rien vu du ministère à ce sujet.

Je tiens également à mentionner, avant de poser ma première question, que cette charte devrait être expliquée, et pas seulement par le ministère et par le sous-ministre adjoint. Elle devrait être expliquée par une autorité dans la mesure où il s'agit d'un regard complètement différent sur la situation. Ce n'est pas une charte pour garantir un revenu, c'est une charte pour permettre à l'individu de ne pas dépendre de l'État et plutôt de créer sa propre possibilité de réintégrer la société et d'être pleinement fonctionnel dans le cadre des limites de ses capacités. Il bénéficierait d'une formation professionnelle pour le reste de sa vie ou on l'aiderait à trouver un emploi. Si ce n'était pas possible pour lui, ce le serait pour l'épouse et la famille, et je constate qu'on n'a pas dit grand-chose sur le soutien familial et sur ce qui va directement à la famille, sauf dans le seul cas que vous avez mentionné. Nous sommes dans un exercice complètement différent.

Voici ma question : cette nouvelle philosophie que vous avez décrite, colonel Stogran, est-elle en train d'être intégrée aux règles et règlements? Sinon, s'agit-il encore d'un processus lourdement bureaucratique et restrictif pour ce qui est de permettre aux gens d'obtenir la flexibilité dont ils ont besoin pour atteindre leur but?

M. Allard : Voyons ce qu'il en est des familles. Je suis d'accord avec vous. Vous décrivez le programme exactement tel qu'il était censé être.

Le problème, comme je l'ai dit, est que nous avons des gens qui sont encore sous les drapeaux, qui n'ont pas fait la transition et qui reçoivent des services du RARM et non pas d'Anciens combattants Canada. Il est très difficile de prévoir l'efficacité de cette approche d'enveloppe à l'égard des soins et de savoir si cela encouragera les gens à retourner au travail.

La réalité est que, même aujourd'hui — nous sommes dans la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales — des familles qui souhaitent avoir accès à des services de santé mentale de leur propre droit ne le peuvent pas à moins que le conjoint ait demandé une assistance.

Je ne pense pas que ce soit ce que nous avions envisagé lorsque nous parlions d'une nouvelle charte des anciens combattants. Notre objectif était d'assurer un appui aux familles dans tous les domaines, dont la santé mentale. Nous voyons déjà que ça ne marche pas et cela m'inquiète.

Nous avons des gens qui sont encore sous les drapeaux et qui reçoivent différents types de prestations qu'ils sont inévitablement amenés à comparer, ce qui crée des problèmes. Même si nous avons certaines personnes qui reçoivent actuellement ces prestations — disons au rang de caporal ou de simple soldat, ayant pris leur retraite il y a peut-être cinq ans —, elles réalisent que ces prestations de perte économique ne sont pas suffisantes. Voilà quelle est la réalité et on ne peut pas la décrire autrement. Voilà donc les choses qu'il faut régler, et régler immédiatement.

Vous avez probablement assisté à la séance du Comité sénatorial des finances lorsque ce projet de loi fut adopté par tous les partis. Je sais qu'il y avait eu à cette occasion l'engagement que la nouvelle charte des anciens combattants serait réexaminée au bout de deux ans, ce qui n'est pas le cas.

Le sénateur Dallaire : Je trouve dommage que, trois ans et demi plus tard, vous ne soyez pas plus certain que cela que cette chose a besoin de plus qu'une simple mise au point, mais que le ministre doit se pencher sur les principes qui fondent la charte.

M. Allard : Nous sommes diplomates.

Le sénateur Dallaire : Mais on ne vous a pas invités ici pour être diplomates! Ça, c'est l'autre côté de la rivière.

Col Stogran : Je ne sais pas si le sénateur est au courant mais le comité consultatif du ministère sur la nouvelle charte des anciens combattants a récemment déposé son rapport. On y trouve toutes sortes de recommandations tout à fait axées sur la famille, ce qui est important. Ma crainte, c'est qu'il tombe dans le broyeur bureaucratique et qu'il va falloir 15 ans pour régler les problèmes parce qu'on va le faire à la pièce.

Le sénateur Dallaire : J'ai dû invoquer l'accès à l'information rien que pour obtenir le mandat de cette organisation. Elle existe et on avait promis qu'elle serait établie dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la charte. Je pense qu'elle existe depuis à peine un an et nous n'avons pas eu de rapport. Je n'insiste pas.

Vous occupez-vous toujours de 15 p. 100 des cas environ?

M. Allard : Je dirais que c'est environ 10 p. 100. Nous avons constaté une évolution des demandes ou des interventions concernant les prestations d'invalidité au titre de la Loi sur les pensions, au profit de prestations au titre de la nouvelle charte des anciens combattants. Actuellement, nous traitons environ 40 p. 100 de dossiers concernant la Loi sur les pensions et 60 p. 100 concernant les prestations d'invalidité.

Le sénateur Dallaire : Il y avait des accommodements dans le passé. Il y avait des accommodements pouvant durer jusqu'à trois ans dans les forces armées avant qu'ils en partent.

M. Allard : Oui.

Le sénateur Dallaire : Cela a été éliminé, si j'ai bien compris, et ils ont commencé à mettre les gens dehors sans raison. Ensuite, ils ont commencé à réduire cela, récemment, comme vous l'avez dit, puisqu'ils sont encore dans le système.

Êtes-vous en train de nous dire qu'il n'y a eu pendant ce temps-là aucun instrument pour aider les militaires en activité de servi ce à retourner dans la vie civile, à recevoir des prestations d'anciens combattants et à s'adapter durant cette période d'accommodement? Est-ce seulement maintenant avec cette nouvelle capacité intégrée que cela existe?

M. Allard : Le problème est double. Ces personnes sont restées, elles ne sont pas parties. Le centre intégré de soutien du personnel, l'UISP, vient juste d'être mis en place.

Le sénateur Dallaire : Il n'y avait rien pour eux auparavant?

M. Allard : Je ne crois pas qu'il y avait quelque chose d'aussi étoffé que maintenant. Comme je l'ai dit, je félicite le chef du personnel militaire d'avoir mis cela en place, même si c'est un peu tard.

Le sénateur Dallaire : Très bien. En ce qui concerne la rétroactivité, ce n'est pas une déclaration insignifiante. Notre plus grande crainte, s'ils manipulent et bidouillent les règles et règlements établis, c'est que la bureaucratie aura le sentiment qu'elle a plus de pouvoir parce que le ministre a plus de pouvoir individuel qu'en vertu de la loi précédente. Ils vont ensuite créer une bureaucratie et une méthodologie qui rendront le changement difficile, voire impossible. C'est ce que l'on craint.

Je pense que nous devons nous pencher sur le fait que, s'ils changent les règles et règlements dans cette loi, cette rétroactivité devra absolument être intégrée, pas seulement quand la règle changera. Voilà la flexibilité que nous souhaitons pour le ministre, pas celle de la charte précédente.

Le président : Merci, sénateur Dallaire. Je crains d'être en grande difficulté si je ne mets pas immédiatement fin à la discussion.

Je remercie très sincèrement nos témoins d'avoir à nouveau comparu devant le comité. J'espère que vous serez prêts à revenir si nécessaire. Nous aurons peut-être besoin de vous entendre à nouveau plus tard.

Je rappelle aux membres du sous-comité que notre prochaine réunion est prévue pour le 21 octobre, c'est-à-dire dans deux semaines, et que nous accueillerons à cette occasion le colonel Gerry Blais et David Martin, du MDN, le ministère de la Défense nationale, et Keith Hillier d'ACC. Ils viendront décrire les procédures et organismes du MDN et d'ACC destinés à venir en aide aux anciens combattants et aux soldats blessés. Certaines des questions que vient de poser le sénateur Dallaire pourront certainement leur être posées à ce moment-là.

Merci de votre participation.

(La séance est levée.)


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