Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 8 - Témoignages du 8 juin 2010
OTTAWA, le mardi 8 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, ainsi que d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public et à tous nos auditeurs de partout au pays, qui écoutent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et je préside le comité.
Le comité entreprend une étude pour examiner les stratégies éventuelles permettant de réformer l'éducation primaire et secondaire chez les Premières nations afin d'en améliorer les résultats. Notre étude portera notamment sur les ententes tripartites en matière d'éducation, la gouvernance, les structures de prestation des services et les cadres législatifs éventuels.
Ce matin, le comité a invité des témoins des autorités scolaires des Premières nations du Québec.
[Français]
Nos témoins sont membres du Conseil en Éducation des Premières nations et de l'Institut Tshakapesh. Avant de les entendre, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.
[Traduction]
Nous avons le sénateur Joyce Fairbairn, de l'Alberta; le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan; le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse, que nous accueillons aujourd'hui au comité; le sénateur Jacques Demers, du Québec; le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut; le sénateur Patrick Brazeau, du Québec; le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick; et le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Les membres du comité se joignent à moi pour souhaiter la bienvenue à nos témoins. De l'Institut Tshakapesh, nous accueillons Denis Vollant, directeur général, et du Conseil en Éducation des Premières Nations, nous recevons Lise Bastien, directrice.
Après vos exposés, nous passerons aux questions des membres du comité. Je demanderais aux sénateurs de poser des questions courtes et ciblées, afin de permettre à tous les membres du comité de participer au dialogue.
Nous demandons aux témoins de limiter leurs propos entre cinq et sept minutes. Nous connaissons bien les problèmes dans le domaine de l'éducation des Premières nations. Nous nous intéressons particulièrement à vos suggestions pour résoudre les problèmes.
[Français]
Nous allons débuter avec M. Vollant. Vous avez la parole.
[Note de la rédaction : M. Vollant s'exprime en innu.]
Denis Vollant, directeur général, Institut Tshakapesh : Merci beaucoup. J'ai fait une introduction dans ma langue, la langue innue, qui a été transmise par ma mère de génération en génération depuis 10 000 ans.
Il y a 40 ans, j'ai été refoulé par la police montée, ici, à l'entrée du Parlement. Quarante ans! J'ai été refoulé parce que je voulais affirmer mes droits à l'autonomie, à l'éducation et à la santé, et ce, au lendemain de la parution du livre blanc, en 1970. Aujourd'hui, je suis invité pour dire un peu la même chose que je voulais dire à l'époque où personne n'a voulu écouter. Il y avait d'autres moyens aussi. On avait un peu forcé l'entrée pour que le gouvernement puisse nous entendre. Aujourd'hui, je me présente devant vous en toute dignité. Merci de m'accueillir.
On a préparé un document, mais il n'a pas été traduit. C'est un document en français. Notre langue maternelle est l'innu et notre langue seconde est le français. On dit principalement que l'éducation ne peut pas trouver de solutions sans combattre la pauvreté. C'est extrêmement important. Peu importe les communautés, qu'elles soient autochtones ou d'autres cultures, la pauvreté nuit à l'éducation.
Pour répondre au sous-financement des programmes en éducation, on a développé un projet de structure régional. Pour la nation innue, il y a dix écoles actuellement au primaire et au secondaire. On n'a pas besoin de faire de grandes études pour savoir qu'une école, peu importe sa grosseur ou le nombre d'étudiants qui la fréquentent, ne peut pas offrir les mêmes services qu'une école ailleurs au Canada. Le sous-financement nous oblige à faire un regroupement. Cette structure est déjà amorcée, on est en train d'y travailler. Cela va bien.
Dernièrement, on a aussi implanté un système informatisé pour suivre chaque élève de l'entrée du primaire jusqu'à la sortie du secondaire. Avec ces suivis informatiques, on pourra faire des regroupements pour trouver des solutions adaptées aux filles, aux garçons, aux groupes d'âge, à l'école, à la communauté. C'est une initiative très importante qu'il faudrait encourager.
Un autre problème est la rétention et le recrutement du personnel. Le personnel est majoritairement composé de francophones — des gens du Québec évidemment — qui connaissent peu ou pas les cultures autochtones. Ils arrivent avec leurs valeurs et souvent, ils voient bien qu'après quelques années, ce n'est pas ce qu'ils pensaient. L'intégration se fait difficilement. Autant il est difficile pour les Premières nations de s'intégrer à la culture de la majorité, autant il est difficile pour eux de s'intégrer à la culture autochtone. Et là, on parle juste d'éducation. On retrouve ces difficultés dans tous les domaines, chez les infirmiers, les policiers, ainsi de suite.
On parlait tantôt du financement désuet. En fait, la formule est aussi vieille que ma première présence ici, il y a 40 ans.
Comme on vit au Québec, on est sanctionné par le ministère de l'Éducation du Québec. Les enfants, lorsqu'ils rentrent à l'école, maîtrisent un peu plus leur langue maternelle que le français. On leur fait suivre des programmes de français langue première. C'est comme si ces enfants-là parlaient déjà le français. Alors, on sait qu'au Québec, il y a quand même d'autres programmes qui sont de langue seconde pour les anglophones ou pour les autres cultures.
Nos enfants sont donc sanctionnés par l'attribution de cette langue première. Par conséquent, ils accusent des retards dès les premières années. Ces retards s'accumulent et souvent les enfants pensent qu'ils sont responsables de leur échec, alors qu'il n'en est rien; c'est le système qui impose cette condition comme point de départ.
On parle aussi de faire de la recherche en éducation, alors qu'il n'en existe aucune. La recherche est réservée strictement aux Affaires indiennes et aux universités. Or, nous disposons de ressources adéquates pour développer des recherches sur les sujets qui nous concernent, soit, entre autres, sur les méthodes d'apprentissage.
On parlait ce matin de programmes adaptés. J'ai rencontré un Autochtone qui a en quelque sorte perdu son statut d'Indien, car l'église où ses parents étaient enregistrés a brûlée et les registres furent détruits. Cette personne, qui est Népissing, me disait qu'elle devait faire des recherches pour retrouver son identité. Sa quête était de retrouver son identité.
Les élèves à l'école apprennent l'histoire du Canada et non la leur. Ils apprennent une autre identité que la leur. Il leur est donc difficile d'être fiers dans leur culture. On devra donc développer ces programmes. Il n'existe aucun financement pour le développement du matériel didactique en histoire, en culture et en langue. On finance l'enseignement du français, de l'anglais et des mathématiques, mais pas l'enseignement de la culture. Ces enfants ne s'imprègnent pas de ces connaissances à l'école et ce sujet ne leur dit rien, car ils ne le connaissent pas. Qui plus est, on leur enseigne une autre culture dans une autre langue. Il est donc difficile pour ces enfants d'accéder à des études supérieures.
La prise en charge assumée par les communautés au début des années 1980 fut plutôt administrative. Il ne s'agissait pas d'une prise en charge réelle. On a accordé le financement, il suffisait ensuite de s'entendre avec la province, et les ententes se sont faites avec le ministère de l'Éducation du Québec sans qu'il y ait de prise en charge réelle. C'est ce qui explique les résultats plutôt dramatiques.
Le tableau que j'ai devant moi indique qu'un élève sur deux est inscrit dans un programme d'adaptation scolaire pour traiter différentes problématiques. Ce chiffre est faramineux et la situation est inquiétante. Environ 24 p. 100 des élèves terminent leurs études secondaires, on parle d'un élève sur quatre. Les autres décrochent.
La structure actuelle des écoles se décrit comme suit. Il s'agit d'écoles indépendantes gérées par les conseils de bande et les résultats ne sont pas ceux que l'on souhaitait. Le projet de regroupement peut aider les enfants à obtenir de meilleurs résultats.
Prenons le cas de l'école Pakuashipi, la dernière sur la côte Est. L'école compte 70 élèves. Ces élèves ont besoin de spécialistes en orthopédagogie pour les aider à intégrer un cheminement régulier. Or, cette école ne dispose d'aucunes ressources pour se payer les services d'un tel spécialiste. Le projet de regroupement engagera un orthopédagogue ou un autre spécialiste qui fera le tour des écoles pour venir en aide à l'ensemble de ces élèves. Actuellement, ces écoles sont isolées les unes des autres. Il ne s'agit donc pas d'une solution à long terme.
La démarche consiste à regrouper toutes les écoles, mettre en commun les ressources financières, matérielles, humaines et pédagogiques. On remarque aussi une grande mobilité. Les parents déménagent pour toutes sortes de raisons et les enfants doivent suivre. Le matériel pédagogique n'est pas identique d'une école à l'autre et par conséquent les niveaux atteints par les élèves diffèrent également d'une école à l'autre. Les enfants se trouvent donc déstabilisés.
Nous avons obtenu le mandat d'uniformiser le matériel pédagogique à tous les niveaux et nous travaillons sur ce projet. Évidemment, nous ne disposons d'aucun financement pour réaliser cet objectif, il faudra donc être patient. Le projet nécessitera sans doute plusieurs années, mais nous devrons poursuivre ce travail important. Également, la collecte de données informatiques nous permettra de suivre tout le monde.
Voilà les principaux éléments qui nous tiennent à cœur et dont la réussite dépend d'un financement adéquat.
Lise Bastien, directrice, Conseil en Éducation des Premières Nations : Je m'appelle Lise Bastien, directrice générale du Conseil en Éducation des Premières Nations. Cette association regroupe 22 communautés autochtones au Québec, dont huit nations sont représentées. Vous comprendrez que les communautés associées aux membres de notre organisation diffèrent les unes des autres. On en retrouve des petites et des plus grandes, avec des réalités différentes et particulières à chacune.
Je remercie le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones d'avoir accepté de nous entendre dans le cadre de ses audiences sur les directions que pourrait prendre la réforme des systèmes d'éducation primaire et secondaire offerts aux élèves des Premières nations.
J'aimerais tout d'abord souligner notre surprise face à l'utilisation du terme « réforme ». Une réforme scolaire constitue en fait une évaluation en vue de changements très importants. Il s'agit de l'évaluation sérieuse d'un système actuel avec un objectif commun qui doit nous guider. Toutes les réformes en éducation dans les provinces de ce pays se sont faites par l'intermédiaire de chantiers très importants, qui interpellaient les experts en éducation du milieu. Or, nous n'avons pas le sentiment que cette réforme interpelle les experts. Peut-être sommes-nous toujours à l'étape préliminaire. Toutefois, nous espérons que, dans les prochaines semaines et les prochains mois, on prendra en compte sérieusement l'expertise du milieu en éducation.
Je parlerai un peu plus tard des structures de gouvernance et de prestation de services. Nous ne disposons que de peu de temps pour aborder les points qui vous intéressent et qui font l'objet de vos audiences. J'aimerais sans plus tarder aborder les pistes de solutions.
Le CEPN existe depuis 25 ans. Vous ne serez pas surpris si je vous dis que nous avons eu l'occasion, à de multiples reprises, de réfléchir et prendre position avec nos communautés sur l'ensemble des questions qui concernent l'éducation des Premières nations, avec comme objectif de favoriser la réussite scolaire. Nous avons fait l'exercice au niveau régional, mais également dans le cadre de nombreuses études et consultations nationales. Je suis avec le Conseil en Éducation des Premières Nations depuis 25 ans. J'ai participé à de nombreux comités de travail, des comités conjoints avec les Affaires indiennes. J'ai participé à de nombreuses recherches, de nombreuses études, évaluations et ateliers de consultation. Par conséquent, j'ose espérer que mes propos vous sembleront fondés sur une expérience qui reflète la réalité sur le terrain.
En plus de produire de nombreux rapports, nous avons pris connaissance, bien entendu, des multiples études qui ont été réalisées au cours des dernières années.
Pour nous, le gouvernement du Canada n'a jamais tenu son engagement à soutenir pleinement la maîtrise de l'éducation indienne adoptée en 1972. Son soutien s'est limité à un transfert de pouvoir administratif, tout cela accompagné d'un financement trop souvent inadéquat et de règles administratives qui font la promotion d'une gestion difficilement de qualité. Les questions de conformité, souvent, nous amènent à devoir gérer, par exemple, nos écoles sur la base de projets annuels, ce qui est totalement inacceptable, pas pour les Premières nations, mais pour l'ensemble des Canadiens. Aucune école canadienne de ce pays ne se gère par des projets annuels. D'abord et avant tout, je pense qu'il est bien important de le dire.
À l'instar de ce que disait le rapport du vérificateur général de 2000, les coûts assumés pour la production des études et des nombreux rapports sans suite nous préoccupent. Nous croyons que les coûts d'une non-intervention sont plus importants.
Le CEPN est d'avis que le gouvernement fédéral n'a jamais donné suite à une multitude — et là je parle de centaines — d'études, de rapports et de recommandations qui pourtant, souvent, étaient même commandés par ce même gouvernement.
Aujourd'hui, évidemment, je ne veux pas vous faire la liste de tous ces rapports parce qu'on en aurait pour la journée et je n'aurais sans doute pas terminé; mais je trouve important de mentionner quelques-uns de ces rapports qui doivent être pris en compte. Je formule le souhait que le comité insiste sur le fait qu'il est plus que temps que soient prises en compte les recommandations tirées des nombreux rapports produits au cours des dernières années.
On parle souvent de bonne gouvernance, de bonne gestion et de bonne utilisation de fonds. Si les rapports qui ont coûté quand même des milliers et des milliers de dollars aux Canadiens et aux Premières nations de ce pays sont laissés lettre morte, ce n'est certainement pas une leçon de gestion et d'administration que le gouvernement peut nous donner. Je crois qu'il est très important de voir à ce que ces rapports, qui sont quand même assez récents et qui ont toute leur valeur, soient pris en compte.
Évidemment, je peux vous parler de la maîtrise, mais c'était en 1972. Je peux vous parler aussi du rapport MacPherson, du rapport de la commission royale qui n'est certainement pas rien. Je peux mentionner aussi des études, par exemple le rapport final du groupe de travail du comité d'experts formé par le ministre Nault, le ministre des Affaires indiennes de l'époque, Nos enfants, gardiens du savoir sacré. Je peux aussi vous parler du rapport du Comité permanent des affaires autochtones et de bien d'autres rapports.
J'aimerais porter à votre attention quelques documents que nous avons réalisés, au Conseil en Éducation des Premières Nations, au cours des dernières années. Je vais vous en laisser des copies en anglais et en français. Vous comprendrez que je ne les ai pas tous amenés et pas en nombre suffisant — j'aurais eu besoin d'un plus gros véhicule — mais j'en ai quand même des versions ici.
S'il me reste quelques minutes, j'aimerais parler de votre question sur les structures de gouvernance et de prestation de services.
Je pense que vous aviez mentionné d'apporter des solutions, évidemment, outre les recommandations qui confirment ce que je vais dire ici. J'aimerais aborder avec vous des pistes de solution concernant la gouvernance. D'abord et avant tout, pour qu'une éducation soit de qualité et qu'elle amène des résultats, on doit avoir un vrai système d'éducation. Et un vrai système d'éducation comporte des étages. Actuellement on a les écoles de bandes, on a le conseil de bande et les Affaires indiennes. Dans un système scolaire provincial, j'ai l'image quelque part ici, vous verrez qu'il y a le gouvernement, bien entendu, son ministère, il y a aussi des groupes comme le Conseil supérieur de l'éducation — je vais vous parler du Québec — et il y a aussi des commissions scolaires, des associations de parents et les écoles. Avant cela, il y a évidemment le soutien à l'éducation aux adultes, la formation professionnelle. Ce système ne doit pas être improvisé. Il doit être réfléchi, mis en place pour s'assurer que les chaînes de commandement soient en place et des services de qualité soient rendus.
Donc, dans un véritable système on a des écoles, c'est le premier niveau; des écoles bien financées pour offrir les services de première ligne. Ensuite, on a des associations, des conseils scolaires, des commissions scolaires, des autorités qui, elles, vont développer des programmes, des standards, s'assurer de la qualité, offrir du soutien pédagogique aux écoles. Elles vont faire de la recherche aussi, des évaluations. Par exemple, Denis en a parlé un peu plus tôt, nos écoles ne peuvent pas toutes avoir un ou des techniciens en réseau pour s'occuper de la connectivité. Donc, une des façons de procéder c'est d'avoir quelques techniciens au niveau régional pour assurer la livraison des services en matière de technologie. Notre organisation le fait déjà actuellement.
Prenons l'exemple des conseillers pédagogiques en mathématiques; pensez-vous que chaque école, des petites écoles de 100 à 300 élèves, peut avoir leur conseiller en mathématiques? Non. Le système que je vous présente est un système qui existe dans toutes les provinces. Cela prend des associations de services de deuxième niveau, on les dit de deuxième niveau ou de troisième niveau, pour s'assurer de la qualité et la soutenir dans nos écoles.
Par la suite, il y a le gouvernement, qui s'apparente soit à un conseil de bande ou une à autre autorité politique, et le ministère. Le ministère des Affaires indiennes actuellement n'est pas un ministère d'éducation; c'est un ministère des Affaires indiennes qui a une branche d'éducation. J'en appelle à la logique, ceux qui œuvrent dans le secteur de l'éducation des Affaires indiennes devraient être des experts de l'éducation. Notre frustration est grande quand on rencontre des gens qui travaillent aux Affaires indiennes en éducation des Premières Nations et qui n'ont aucune expertise en éducation. On parle alors deux langages très différents.
Ensuite, évidemment, il y a les institutions, les institutions postsecondaires, autres que l'école primaire et secondaire : formation professionnelle et éducation des adultes; et postsecondaire, collégial et université. Je pense que nos jeunes des Premières nations méritent d'avoir des institutions postsecondaires de qualité. Ils méritent d'avoir leurs propres institutions qui sont signifiantes et qui leur parlent. Mais aussi, pour tout peuple, un peuple se reflète, se valorise par ses institutions. La fierté d'un peuple passe par la grandeur de ses institutions. Empêcher un peuple d'avoir ses institutions éducatives, par exemple, bien évidemment c'est sans aucun doute un mépris face à la capacité de celles-ci.
Je vais terminer là-dessus. J'en aurais encore pour quelque temps, mais je vais attendre vos questions.
Le président : Merci, vous avez bien fait cela. Il y a des questions, nous allons commencer avec le sénateur Brazeau.
Le sénateur Brazeau : Merci à vous deux d'être ici parmi nous ce matin. C'étaient des présentations très intéressantes.
Vous avez mentionné le fait que les Autochtones ont besoin de leurs propres institutions, étant donné que le système d'éducation provincial ne reflète pas les traditions ou les besoins des étudiants autochtones. Mais les immigrants au Québec, eux, doivent aller à l'école française; s'ils veulent réussir, ils doivent s'intégrer dans le système, retrousser leurs manches et travailler deux fois plus pour atteindre leurs objectifs d'éducation. La même chose ne devrait-elle pas s'appliquer aux Autochtones?
Ceci étant dit, nous sommes tous conscients que le Canada vit une problématique de champ de compétence : les Autochtones qui vivent sur les réserves sont sous compétence fédérale, ceux qui vivent hors réserve sont sous compétence provinciale, et l'éducation, c'est le champ de compétence des provinces. Notre étude ne vise pas les ressources ou le financement, mais vous avez parlé d'un manque de financement, alors j'aimerais savoir, vu la complexité du champ de compétence, qui devrait payer la facture en éducation?
Et, peu importe la réponse, je vous pose ma deuxième question : de quel œil verriez-vous un système d'ententes tripartites entre le gouvernement fédéral, les communautés autochtones et le gouvernement provincial pour une meilleure réforme ou délivrance d'éducation au Canada?
M. Vollant : Premièrement, nous n'avons pas accès à nos ressources; l'accès aux ressources devrait financer ce système. Les ressources sont contrôlées par les gouvernements, évidemment, et il nous revient une partie insignifiante, je dirais, de ces ressources. Nous devons les négocier soit par les tribunaux ou par les ententes avec le gouvernement.
Je parle de ressources naturelles, évidemment, et territoriales.
C'est un élément important pour assurer le développement de l'éducation. Le meilleur exemple que je pourrais donner, c'est ma mère. Ma mère est née dans le bois. Elle a acquis toutes les connaissances pour faire vivre une famille selon le mode de vie traditionnel. Lorsqu'est venu le temps de se marier et d'avoir des enfants, dans ma région, la compagnie minière, l'industrie forestière et le pensionnat sont arrivés. Ces trois éléments ont détruit tout le système ayant été bâti de tradition en tradition. Bref, elle n'a pas eu accès aux ressources dont je parlais tout à l'heure pour perpétuer cette éducation.
Aujourd'hui, on enseigne aux étudiants ce qu'ils doivent savoir; l'école enseigne le savoir-faire, alors que la tradition enseigne le savoir-être. Les jeunes Autochtones pourraient très bien s'intégrer dans le système québécois, mais il faudrait inclure des éléments culturels qui donnent le sens des responsabilités et de l'intégrité, le courage et l'honnêteté des peuples, la fierté d'un individu. Actuellement, le financement est inexistant et on n'a pas accès à des ressources où on pourrait financer ce système.
Mme Bastien : J'aimerais revenir sur l'intégration, l'assimilation et l'immigration. Une intégration modulée est possible, mais il est impératif que nos enfants soient fiers de ce qu'ils sont. Ils doivent aussi vivre leur culture et leur identité non comme un rejet, mais plutôt comme une richesse et ils doivent pouvoir les perpétuer.
Les immigrants au Québec sont dans un autre mode complètement.
Avoir nos propres écoles, que ce soit nos collèges, nos universités ou nos écoles secondaires, c'est très important selon moi. Je ne considère pas ce concept comme un ghetto, il s'agit plutôt de renforcer l'identité culturelle du jeune, de l'apprenant, en fait. Par la suite, leur sens de l'identité étant bien établi, l'intégration avec d'autres milieux est beaucoup plus aisée. Il ne faut pas oublier que des non-Indiens viennent dans notre milieu, viennent aussi dans nos écoles.
Concernant le financement, actuellement, les écoles sont financées par le gouvernement fédéral. Votre question nous amène à évaluer la piste selon laquelle la province pourrait financer nos écoles. Nous savons tous que les provinces qui vont financer les écoles des Premières nations vont demander au gouvernement fédéral un transfert de fonds, donc la question se pose-t-elle? En tout cas, personnellement, je ne peux y répondre. Une chose est certaine, cependant, c'est que le financement doit être juste, équitable et comparable à ce qui se fait dans les écoles canadiennes.
Cela dit, j'aimerais prendre une minute pour vous parler de notre formule de financement. Le gouvernement du Canada s'était engagé à la réviser, mais ne l'a pas fait. Nous avons mis sur pied un comité d'experts et nous avons développé notre formule. Développer une formule, c'est un processus assez complexe, vous en conviendrez. Maintenant qu'elle est terminée, nous avons demandé au ministère des Affaires indiennes de mettre sur pied, avec nous, un comité d'experts pour évaluer cette formule et voir comment elle pourrait être reprise afin de jeter les bases pour le nouveau financement des écoles. Suite à cette demande, nous avons reçu une fin de non-recevoir. Cela est aberrant. Je crois que notre travail est sérieux. Après deux ans de labeur sur une formule, alors que 75 p. 100 du travail a été fait, le ministère aurait tout avantage à considérer sérieusement notre démarche. Nous avons recommandé un groupe d'experts mixte, malheureusement cela a été rejeté.
Pour ce qui est des ententes tripartites, je pense que la prémisse de ces ententes, c'est la reconnaissance des compétences de chacun. Les Premières nations doivent avoir leurs compétences en éducation comme les provinces prétendent à leurs compétences pour leurs citoyens. Nous avons nos citoyens des Premières nations et on devrait assumer la responsabilité de leur éducation.
Le sénateur Brazeau : La raison pour laquelle j'ai posé la question sur l'intégration, c'est que chez les Premières nations du Canada, beaucoup d'écoles commencent à enseigner les langues autochtones. Dans ma propre communauté, il y a des programmes d'immersion. Les étudiants ont même des cours parascolaires comme la chasse, la pêche ou la trappe afin de se rééduquer sur les coutumes autochtones. Il reste quand même que les taux de décrochage sont encore trop élevés et je suis à la recherche de solutions pour améliorer le système d'éducation. Certaines écoles dans les régions plus éloignées n'ont pas autant de chance, c'est une réalité.
Cela dit, existe-t-il un partenariat ou des discussions sont-elles amorcées avec les commissions scolaires provinciales pour non seulement éduquer les non-Autochtones sur les coutumes autochtones, mais aussi pour s'inspirer de celles-ci afin d'améliorer le système global?
M. Vollant : Je réfléchis. J'ai été en Europe ce printemps et comme ça, à tout hasard, j'ai pris un journal qui disait que la plupart des gouvernements européens sont aux prises avec des taux de décrochage très élevés. Ce n'est pas un problème des peuples autochtones, c'est partout dans le monde, surtout dans les pays industrialisés. Le gouvernement français a injecté un milliard d'euros pour contrer le décrochage scolaire et cela n'a pas donné de résultats. C'est dans leur système, ce sont leurs ressources et encore là, ils n'y arrivent pas.
De notre côté, on vient de s'approprier l'école, depuis environ 50 ans seulement, alors que le système québécois existe depuis 400 ans. Il y a encore beaucoup de chemin à faire.
Si on avait la maîtrise de la gouvernance de ce système, on pourrait faire un peu mieux grâce à des programmes qui répondraient aux besoins de ces enfants, pas aux professeurs. Je ne pense pas aux professeurs, je pense aux enfants, je pense à les retenir à l'école. L'exemple que vous donnez, lorsqu'ils vont en territoire, cela donne des résultats. Peut-être que le taux de décrochage a diminué. Je ne sais pas, je n'ai pas vos chiffres. Cela a certainement aidé.
L'autre élément dont on doit tenir compte est la mesure. Il faut mesurer ces données. On est en train d'instaurer un système informatisé où chaque élève est suivi. On va donc pouvoir mettre en place des mesures correctives pour cibler les enfants. À quel âge ont-ils de la difficulté? Quel groupe a de la difficulté? Dans quelle matière ont-ils de la difficulté? On va pouvoir cibler les faiblesses et apporter des correctifs. On mise beaucoup là-dessus. C'est un des éléments de réponse.
Si on trouve la faiblesse, il va aussi falloir trouver la solution. On continue à y réfléchir. On essaie de trouver les éléments qui font défaut. Maintenant, il faut développer des alternatives pour ces éléments, et ce, pour tous les groupes, toutes les écoles, tous les élèves, tous les niveaux et toutes les formations. C'est un gros mandat. Cela prendra encore plusieurs années avant d'obtenir des résultats comparables.
Il ne faut pas oublier qu'on est toujours comparé aux jeunes Canadiens. Lorsque les rapports sortent publiquement, on dit que le jeune Canadien, c'est tel pourcentage de réussite par rapport au jeune Autochtone. Mais on sait qu'au départ, il y a un écart sur le plan du financement. Je ne peux pas attendre d'un jeune Autochtone les mêmes résultats si je n'ai pas les mêmes ressources pour lui offrir les mêmes services. Le Canada continue à publier ces chiffres et à utiliser ces rapports.
C'est aberrant. On demande à quelqu'un d'avoir les mêmes résultats, mais on lui donne 30 p. 100 de moins de financement. C'est difficile. J'ai beaucoup d'espoir avec la mise en place du système informatique. Dans cinq ou 10 ans, on pourra peut-être dire : « Oui, le taux de décrochage diminue tranquillement. »
Mme Bastien : Une des solutions consiste à se pencher sur un véritable système d'éducation qui va offrir des services comparables. Et, bien entendu, il y a le financement. Je dois absolument vous présenter les faits. La formule de financement utilisée actuellement pour nos écoles de bande remonte à 22 ans. Elle n'a jamais été revue. Je ne pense pas qu'en tant que parents canadiens, vous accepteriez d'envoyer vos enfants dans une école où le fondement est basé sur une formule qui date de 25 ans. Une vraie formule évalue les services et les coûts. Il y a 22 ans, on a dit : « On a un budget X, divisez-le par service. » C'est complètement le contraire. C'est encore cette formule qui prévaut aujourd'hui.
Les faits sont qu'il y a zéro pour les bibliothèques, zéro pour la formation professionnelle. Au Québec, on a une situation très particulière. C'est à l'école secondaire qu'on donne une partie de la formation professionnelle. Dans les écoles des Premières nations, il n'y en a pas. En fait, il n'y a pas de financement pour cela.
Il y a zéro pour les technologies. Aujourd'hui, quelle école va se passer des technologies? Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'ordinateurs dans nos écoles. On prend l'argent ailleurs. Il vient des ententes de transfert souple. La formule ne génère pas de fonds pour les technologies ni pour les sports et les loisirs.
On convient tous que les enfants ne vont pas à l'école pour les mathématiques, mais bien pour faire des activités avec leurs pairs, avec leurs amis; sport, loisirs, culture, et cetera. C'est comme ça qu'on les raccroche. Le financement est une solution de raccrochage. Pour une situation extraordinaire, on prend des moyens extraordinaires.
Le président : Madame Bastien, vous avez parlé d'établir une structure semblable à celle des provinces. Comment pourrait-on le faire avec la culture? M. Vollant a parlé de la culture, de la langue des Autochtones. Comment pouvons- nous établir un système comme celui-là?
Le financement est vraiment important. Cela prend une structure établie par législation. Avez-vous un commentaire à ce sujet?
Mme Bastien : La structure a déjà été pensée et réfléchie. Elle se trouve ici, dans un plan quinquennal financé par le ministre Prentice, il y a quatre ans, au montant de 150 000 $. Lorsque nous avons terminé nos consultations et notre étude sur les services de deuxième niveau — qui est une partie de cette grande structure —, on nous a dit que notre travail était excellent, mais qu'il n'y avait pas d'argent.
Le président : Croyez-vous que la province de Québec va accepter une telle formule?
Mme Bastien : Absolument. On a une table de concertation bipartite avec le ministère de l'Éducation. Maintenant, le gouvernement du Canada demande des ententes tripartites, donc s'est joint à cette table le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Avoir un système parallèle solide ne fait pas peur du tout à la province. Je ne veux pas parler pour eux, mais jamais ils n'ont émis de craintes à ce sujet. Au contraire, pour eux, renforcer nos structures va les aider à accueillir les jeunes des Premières nations dans leur système et vice versa. Je le dis encore, il y a dans nos communautés quelques jeunes non Indiens qui fréquentent nos écoles.
[Traduction]
Le sénateur Sibbeston : Merci beaucoup. Quand je vous entends décrire votre situation, cela me rappelle beaucoup les Territoires du Nord-Ouest, d'où je viens. Dans le Nord, il n'y a pas de réserves et le gouvernement fournit l'enseignement scolaire à tous. Au fil du temps, ils ont mis sur pied des comités scolaires locaux et des conseils scolaires régionaux. Par conséquent, l'éducation est assez bonne. Dans le Nord, nous avons fait beaucoup de chemin ces 20 ou 30 dernières années.
Dans les petites collectivités semblables aux vôtres, nous avons de bonnes écoles. Il y a beaucoup de matériel scolaire. Chaque année, un enseignant vient du Sud et il reste parfois quelques années. C'est ainsi que le système scolaire fonctionne. Les installations sont adéquates, mais il est difficile de savoir si l'enseignant est bon.
Aujourd'hui, les enfants ont accès à la télévision, ce qui est une bonne et une mauvaise chose, parce qu'ils peuvent voir le monde, ils ne sont plus isolés. Tout le monde a un ordinateur et un camion. Tout le monde veut conduire un camion Ford. Dans les petites collectivités du Nord, c'est le rêve de tous.
Je remarque que certaines collectivités s'en sortent très bien. Elles comptent beaucoup d'élèves qui finissent la 12e année. Dans une petite collectivité comme Jean Marie River, qui compte seulement 60 ou 70 habitants, tout le monde s'est rendu jusqu'à la 12e année. Dans d'autres petites communautés, personne ne dépasse la huitième ou la neuvième année. Il est évident que les parents jouent un rôle considérable dans la réussite scolaire des enfants et dans le succès du système scolaire. Ils vont insister pour avoir un bon enseignant.
Je pense que, dans le Nord en tout cas, le succès des étudiants dépend des enseignants et des parents. En outre, il faut reconnaître que les enfants qui vivent dans des régions rurales se fixent des objectifs en fonction de ce qu'ils voient autour d'eux. Ils ne vont bien entendu pas devenir techniciens ou médecins s'ils n'en voient pas dans leur entourage. D'une certaine façon, les régions rurales limitent les buts des enfants et nous devons le reconnaître.
Vous avez dit qu'il fallait plus d'argent. Je ne doute pas qu'une augmentation des fonds aiderait, mais je me demande ce que l'on peut faire. Est-ce seulement l'organisation de la gouvernance qui peut être améliorée — un peu plus d'argent pourrait grandement aider? Quels sont les changements qui pourraient vraiment faire la différence, sachant que le ministère des Affaires indiennes n'a pas d'autres fonctions que de fournir de l'argent? Vous êtes loin d'Ottawa et vous devez vous débrouiller seul. Est-ce que cela décrit bien votre situation?
Si vous pouviez formuler un, deux ou trois souhaits, qu'est-ce qui pourrait apporter un changement considérable dans votre système d'éducation?
[Français]
M. Vollant : En fait, nous avons un souhait, partagé par les parents et aussi par les directeurs des écoles pour lesquels nous offrons des services et du soutien; c'est un souhait qui est partagé aussi par les conseils de bande, les autorités politiques de chacune des communautés. Ils nous ont donné le mandat de développer, j'en parlais tantôt, une structure régionale apolitique. Si on pouvait transférer toute la gouvernance à une organisation scolaire, peu importe le nom qu'elle doit porter, commission scolaire, conseil scolaire ou Institut Tshakapesh, qui pourrait supporter cette organisation, ce serait déjà vraiment un pas en avant. On pourrait confier l'éducation à un organisme régional qui pourrait mettre en place toutes les structures de l'école, mais aussi tous les pouvoirs pour négocier avec la province.
Nous avons déjà pris contact avec la province, évidemment, pour la sanction des études. On sait que le gouvernement du Québec sanctionne les études. Chaque élève doit obtenir un certain nombre de crédits pour que la province puisse apposer son sceau attestant que l'élève a réussi son programme secondaire. Nous nous sommes assis avec le ministère et nous lui avons dit que prochainement ce serait l'Institut Tshakapesh qui apposera son sceau. La province n'est pas plus surprise que cela. Je ne dis pas qu'elle était d'accord a priori, en partant. Elle nous a demandé quelles seront les modalités d'application de cette sanction, alors nous allons trouver des façons de faire avec les ententes tripartites dont le sénateur Brazeau parlait tantôt.
Je pense que la province est ouverte à cette alternative, afin de pouvoir accorder la sanction à des organisations. L'Institut Tshakapesh a 30 ans d'existence, il a toujours soutenu les écoles. Il est en train de faire un pas supplémentaire en avant pour prendre en charge la gouvernance de toutes ces écoles.
C'est un souhait qui est partagé, ce n'est pas quelque chose dont j'ai rêvé cette nuit. Cela fait trois ou quatre ans qu'on travaille pour atteindre cet objectif de mettre en commun toutes ces ressources et d'obtenir le pouvoir politique pour administrer l'éducation.
[Traduction]
Le sénateur Dyck : Merci à nos participants de ce matin de nous avoir donné un aperçu de leurs préoccupations et de nous avoir proposé quelques solutions.
L'éducation est bien entendu une question complexe. L'un des thèmes que vous avez tous les deux abordés, je pense, c'est le sous-financement de l'éducation et l'absence d'une structure ou d'un système appropriés. Les deux sont probablement liés; si vous n'avez pas en place une bonne structure pour gouverner et établir les politiques, il est peu probable que vous ayez un financement suffisant.
L'une des questions soulevées par Mme Bastien concernait la nécessité de demander tous les ans des fonds pour vos programmes. Il me semble que cela empêche de planifier à long terme s'il faut chaque année présenter une nouvelle demande de financement pour réaliser vos plans pour l'année suivante.
Que feriez-vous si vous aviez une structure qui vous semblerait appropriée? Madame Bastien, vous nous avez dit que vous avez un protocole d'entente avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord, mais cela ne semble pas fonctionner. Vous avez fait beaucoup de travail; vous avez préparé des rapports et vous avez proposé des solutions, mais le ministère ne bouge pas.
Que peut-on faire pour aller de l'avant? Qu'est-ce que vous suggérez que nous fassions? Il semble que votre organisme ait 25 ans d'expérience. Vous avez eu des experts; vous savez ce qu'il vous faut, or rien ne se fait. Que faudrait-il pour pouvoir avancer? Quelle structure permettrait d'appliquer ces solutions?
Mme Bastien : Je ne pense pas connaître la réponse à cette question. Cependant, je suggère vivement de faire de fermes recommandations pour que le travail, les études et les rapports réalisés par notre organisme et d'autres soient pris en considération.
L'entente que nous avons signée avec le ministre Prentice n'est qu'un exemple. Il était clair et évident que nous devions déterminer de quelle manière structurer le système de services du deuxième niveau afin d'améliorer nos écoles. Lorsque nous avons terminé le travail, on nous a dit que c'était bien, mais qu'il n'y avait pas d'argent pour cela. Il est utopique de penser que l'on peut améliorer la situation sans investir d'argent frais; c'est tout simplement impossible. Si vous posiez la question à tous les ministères de l'éducation du pays, vous obtiendriez la même réponse; on ne peut pas embaucher quand on n'a pas d'argent.
Le sénateur Dyck : La structure que vous proposez est-elle décrite dans l'un des rapports que vous teniez à bout de bras?
Mme Bastien : Oui.
Le sénateur Dyck : Et quel est le titre de ce rapport, pour que nous puissions tous savoir duquel il s'agit?
Mme Bastien : Il s'agit du Plan quinquennal visant à renforcer un système d'éducation des Premières nations par la mise en place de services essentiels au soutien des communautés membres. Voici le rapport.
Le sénateur Dyck : Merci. Puisque le comité se concentre essentiellement sur l'éducation primaire et secondaire, en ce qui concerne le profil démographique des Premières nations, qu'en est-il du financement? De plus en plus d'enfants sont en âge d'aller à l'école primaire ou secondaire, et je me demande quelle est l'incidence sur le financement.
Mme Bastien : Le nombre d'élèves augmente d'année en année. La simple infrastructure des écoles n'est pas à la hauteur des besoins, mais vous n'êtes pas sans le savoir. Il y a de nombreuses communautés au Québec où plus de la moitié de la population a 18 ans ou moins.
Je fais allusion à une situation particulière, mais pas moins tragique pour autant. Il est impossible de donner à ces enfants non seulement des services éducatifs, mais également des activités ludiques de façon qu'ils puissent faire autre chose que consommer de la drogue ou de l'alcool. Une communauté où plus de la moitié des membres ont moins de 18 ans va bientôt arriver au point de non-retour. Je pense qu'il y aura bientôt un scandale parce qu'il va se passer quelque chose d'horrible à moins que nous agissions maintenant. Nous n'avons pas le luxe d'attendre encore cinq ou 10 ans.
Le sénateur Cordy : Merci à vous deux de comparaître aujourd'hui. Je suis d'accord que nous devons agir sans tarder, sous peine d'affronter une tragédie. Les jeunes Autochtones de moins de 25 ans sont le groupe démographique qui connaît la plus forte croissance au Canada. Et je siège à un autre comité qui se penche sur l'éducation postsecondaire et là aussi, on nous a fait part des mêmes préoccupations. Si nous n'agissons pas tout de suite, nous desservons non seulement les Autochtones, mais également l'ensemble du Canada, car nous avons besoin que les Autochtones soient bien instruits.
Monsieur Vollant, vous avez dit que la pauvreté est nuisible à l'éducation. Le Comité des affaires sociales a fait une étude sur la population, grâce à laquelle nous avons appris que la pauvreté se solde souvent par un piètre état de santé. En fait, on est plus susceptible de mourir jeune du fait d'être en mauvaise santé que du fait d'avoir le cancer; une statistique qui m'a étonnée. En fait, une personne qui vit dans la pauvreté est moins susceptible de terminer ses études secondaires et plus susceptible de décrocher.
Un quart des jeunes Autochtones termine le secondaire. Ces chiffres exigent de nous une action immédiate, et d'autres nous ont demandé ce que nous pouvions faire.
J'ai été enseignante au primaire et donc je comprends l'importance de l'éducation. Notre pays a évolué, la technologie a pris de l'ampleur, d'où l'importance de terminer ses études secondaires au moins.
Si les trois quarts des jeunes Autochtones ne terminent pas leurs études secondaires et donc ne poursuivent pas d'études collégiales ou universitaires, alors c'est signe que nous ne faisons pas bien notre travail.
L'un des témoins que nous avons entendus au Comité des affaires sociales a dit que l'on ne doit pas attendre que les jeunes soient au secondaire pour commencer à parler du décrochage. Il faut mettre en place des programmes d'alphabétisation et d'apprentissage précoce pour les enfants.
Quand je regarde les statistiques que vous nous avez fournies, je vois 0 p. 100 pour les sports, 0 p. 100 pour l'appui technologique, 0 p. 100 pour le perfectionnement professionnel des enseignants afin de garder les élèves à l'école plus longtemps, et 0 p. 100 pour les bibliothèques. C'est très important, et je pense qu'un bon point de départ serait de financer tous ces domaines d'activité. Toutefois, je reviens à la question du sénateur Dyck : que peut faire le comité pour s'assurer que le financement se traduit par des actions concrètes? Vous semblez avoir fait beaucoup de travail. De nombreux rapports ont été publiés, mais on ne semble pas y donner suite. Que pouvons-nous faire en tant que membres du comité et sénateurs?
[Français]
M. Vollant : Qu'est-ce qu'on peut faire? Ce fut le thème d'une chanson.
Le président : J'espère que vous avez la réponse.
M. Vollant : Nous avons, avec ma collègue, formulé plusieurs réponses, à plusieurs niveaux, que nous avons fait entendre à plusieurs tables, tant aux Nations Unies qu'auprès du gouvernement et de différents ministères. Nous avons proposé beaucoup d'alternatives, qui ne sont pas prises en considération. C'est un phénomène que nous avons constaté.
Mme Bastien l'a démontré encore une fois, on dirait que tout ce que nous faisons n'est pas bon. Pourquoi alors nous inviter? On nous prend pour des gens incapables de raisonner. Pourtant, notre culture est plusieurs fois millénaire. Nous nous sommes rendus jusqu'à cette table, qui ne vient pas de ma culture, et nous sommes capables de discuter avec vous de solutions que nous pourrions trouver ensemble.
J'ai encore espoir, et je crois que cet espoir ne mourra jamais, que l'on puisse travailler ensemble et trouver des solutions. Évidemment, il faut prendre les idées mises de l'avant, les idées que nous proposons, que nous développons.
Lors d'une table nationale sur la réussite scolaire à laquelle j'ai assisté, on disait que la réussite scolaire consiste à obtenir un diplôme. J'ai alors indiqué que cette affirmation est fausse. Un de mes fils a complété sa formation en ébénisterie et comme charpentier, mon autre fils a complété sa formation en électricité. Or, il leur a fallu du temps avant de trouver un emploi dans leur domaine d'étude.
La réussite se confirme-t-elle avec le diplôme ou plutôt commence-t-elle lorsqu'on peut appliquer les connaissances acquises à l'école?
L'éducation s'échelonne tout au long de notre vie. C'est un processus sans fin.
Aujourd'hui, j'apprends des choses ici. J'apprends qu'un groupe de personnes, des sénateurs, veulent trouver des solutions à ce problème. J'apprends aussi de ce que Mme Bastien et tout le monde nous dit : nous sommes capables de trouver des solutions en commun. Toutefois, nous devons être considérés comme des êtres humains. Dans ma langue maternelle innue, être humain signifie être une personne.
Tshakapesh est le nom d'une légende, celle de la création du monde. Pour ma part, j'ai appris une autre légende de la création du monde. Je n'ai pas appris celle de Tshakapesh. Désormais, je l'enseignerai à tous les enfants afin qu'ils connaissent leurs origines.
On met en place des tables de discussions comme celle d'aujourd'hui. Toutefois, il faut mettre en pratique les solutions que nous proposons.
Il y a toujours cette barrière de « souveraineté ». Qui maîtrise tout cela? Cela appartient à qui, en dernier lieu? Mais jamais on ne regarde les enfants, les enfants qui échouent, les 75 p. 100 qui ne réussissent pas. Que font-ils, ces enfants- là? Ils transmettent cela à leurs enfants. Alors, ceux-ci ne croient pas à l'école parce que leurs parents ont échoué. C'est difficile de remonter tout cela. Comme vous l'avez dit, il y a des écoles alternatives qui sont proposées à ces parents-là. Nous, nous offrons des cours de langue à des parents. On instruit leurs enfants dans leur langue; ces parents ont perdu la langue pour toutes sortes de raison, alors on les instruit, graduellement. On fait beaucoup d'efforts. Je pense qu'on vit sur la même planète. Il y a une question de financement, mais cela mis à part, il y a toute la question de croire en nos possibilités, de croire aux moyens qu'on propose, aux alternatives qu'on met en place.
Je connais ce milieu, j'en viens. J'ai abandonné l'école, puis j'y suis retourné et maintenant je suis diplômé de l'université. Et présentement, je veux arrêter de travailler pour retourner, encore, à l'université. C'est mon cheminement personnel. Il y en a beaucoup d'autres qui disent : « J'aimerais cela, moi aussi, c'est intéressant. » Cela crée une lueur d'espoir autour de moi comme de tous ceux qui ont réussi. On manque de modèles aussi. Ce sont ces modèles qui doivent inspirer les gens et rayonner. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Raine : Merci aux témoins de leur présence. Nous devons étudier très sérieusement ce que vous êtes en train de nous dire.
Monsieur Vollant, je ne sais pas où se trouvent ces communautés exactement, mais j'imagine qu'elles sont éloignées et qu'elles ont de très petites écoles, n'est-ce pas?
Je sais qu'on conserve un très mauvais souvenir du système des pensionnats indiens administré par l'Église partout au Canada. Toutefois, avez-vous songé à la possibilité d'ouvrir des pensionnats où les jeunes du secondaire pourraient se rassembler et, dans leur propre langue, développer leur culture? J'espère que le système actuel leur permet déjà d'apprendre la langue. Ensuite, ils pourraient commencer à apprendre le français, mais le plus important serait de les rassembler.
Vous avez dit dans votre déclaration liminaire qu'il faut rassembler et mobiliser les écoles. Cette affirmation m'a fait penser qu'il faudrait peut-être un système de pensionnats. Je sais que le mot « pensionnat » a de piètres connotations, mais si vous rassembliez les jeunes ensemble, ne pourraient-ils pas s'épanouir grâce à un bon leadership et à un bon enseignement? Ils ne seraient alors pas isolés pendant toute l'année scolaire et ils pourraient faire la navette plus souvent afin de rester en contact avec leurs communautés. Peut-être qu'une fois de retour dans leurs communautés, ils pourraient aider les écoles qui s'y trouvent.
[Français]
M. Vollant : Effectivement, en fait, nous avons dix écoles sur le long de la côte du fleuve Saint-Laurent, la Côte- Nord. Ce sont de petites communautés. Les grandes communautés sont Uashat, ma communauté, et celle de Pessamit. Elles ont 600 élèves. Les autres communautés c'est 100 élèves, 150 élèves, primaires et secondaires. À cause du manque de financement, les écoles doivent fermer leur quatrième et cinquième secondaire. Elles sont obligées de les envoyer à l'extérieur, soit en ville. Mais là on pense sérieusement à ce que vous dites, à créer un lieu ou à regrouper, soit à Uashat, qui est la « métropole » de la nation, soit à Pessamit. Pour ces élèves qui sont deux ou trois par communauté, on ne peut pas maintenir les mêmes services qu'une école de grande dimension. Cela fait référence au pensionnat, mais je pense que l'on n'aura pas le choix. On pense déjà sérieusement à regrouper ces élèves-là, qui sont trois ou quatre par communauté, pour qu'ils puissent terminer leur scolarité. S'ils restent dans leur communauté, la communauté ne peut pas offrir le service.
Il y a des étudiants qui veulent être médecin, grâce à M. Stanley Vollant — qui n'est pas parent avec moi — qui a ouvert des portes dans les facultés de médecine. Beaucoup d'étudiants sont inscrits à différentes facultés. Mais si on garde ces enfants dans les écoles actuelles, ils n'ont pas accès à des programmes de sciences et de mathématiques élevés pouvant leur ouvrir la porte aux études supérieures.
Nous serons probablement obligés de les ramener sur la côte, à Uashat ou à Pessamit, pour créer un groupe de plusieurs communautés et les héberger. Parallèlement aussi, il s'agit de transmettre la langue et la culture dans ce programme. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
[Traduction]
Le sénateur Raine : Cela répond effectivement à mes questions et je pense que c'est une bonne idée. Si les résultats scolaires pouvaient ouvrir les portes aux meilleures écoles, je pense que les jeunes des plus petites communautés seraient très motivés. Vous dites que 75 p. 100 des parents s'attendent à ce que leurs enfants obtiennent un diplôme d'études secondaires; il faut donc les aider à y arriver. Merci beaucoup.
Enseignez-vous la langue et la culture dès les premières années du primaire, lorsque les enfants sont les plus susceptibles d'apprendre? Est-ce que vous offrez cet enseignement dans vos communautés à l'heure actuelle?
[Français]
M. Vollant : Nous avons développé dernièrement un programme de langue d'enseignement — un programme officiel que nous devrons faire approuver par le ministère de l'Éducation — de la langue maternelle innue pour le premier cycle, de la première année jusqu'à la cinquième année. Le programme est conçu. Nous l'avons développé à l'intérieur de nos budgets; nous avons économisé un peu d'argent dans des programmes ici et là et nous avons réussi à le faire. Je vous dis cela en toute honnêteté, parce qu'il fallait le faire.
Mais nous n'avons pas les ressources financières pour développer le matériel qui va supporter ce programme. Une fois encore, nous allons être obligés de faire un peu d'économies et la mise en place du programme va prendre un peu plus de temps. C'est une équipe de trois personnes, des linguistes et des académiques qui développent ce programme. On l'enseigne. La difficulté que nous avons aussi, quand on enseigne ces programmes, c'est que les professeurs qui sont non autochtones nous disent : on va être obligé de couper dans quels cours, dans quelles formations? Pour nous, c'est important. Le directeur doit choisir quel cours, enseignement religieux, enseignement moral ou d'autres matières, comme la biologie. Alors, on coupe dans certaines formations pour inclure le programme d'enseignement en langue maternelle. Donc nous nous battons entre nous aussi.
[Traduction]
Le sénateur Raine : Je sais que ce n'est pas facile, mais une bonne compréhension de sa langue est si importante. Les experts nous disent que la langue est liée à la culture, celle-là même qui nous permet de savoir qui nous sommes; c'est à la base du succès. Bonne chance et merci.
[Français]
Le sénateur Poirier : Je vous remercie de vos présentations et je suis heureuse d'avoir la chance de vous poser des questions. Dans vos commentaires plus tôt, vous avez mentionné que la rétention du personnel dans vos écoles était un défi. La majorité des enseignants dans vos écoles sont Québécois et ils ont de la difficulté à s'adapter aux programmes. Plusieurs témoins nous ont fait part de l'importance de l'enseignement de la culture et du maintien de la culture dans vos écoles de Premières nations. Vous nous dites aussi que vos élèves apprennent l'histoire du Canada et pas nécessairement l'histoire de la culture des Premières nations.
À ma connaissance, le gouvernement fédéral donne des ressources financières aux Premières nations et les Premières nations ont la responsabilité d'établir leur propre système d'éducation. Croyez-vous avoir les ressources humaines nécessaires au sein des Premières nations pour l'enseignement de la culture autochtone au point où vous n'aurez pas à recruter d'enseignants de l'extérieur?
Votre système doit-il être approuvé avant d'être enseigné dans vos écoles? Avez-vous l'autorité d'approuver un système d'enseignement de la culture au sein des Premières nations?
M. Vollant : Je vais répondre à votre deuxième question. Lorsqu'on parle de sanction des études, c'est à un niveau supérieur et il faut faire approuver les programmes qu'on veut mettre en place. Pour obtenir une sanction, il faut un certain nombre de crédits. Si on enseigne la langue, cela donne combien de crédit? Il faut que la langue obtienne des crédits dans l'ensemble du cursus du cheminement scolaire. Il faut obtenir une certaine autorisation.
Il y a beaucoup de roulements pour les professeurs. L'année passée, 30 p. 100 des professeurs nous ont quittés et 50 p. 100 à la direction des écoles; cinq directeurs sur dix nous ont quittés. C'est une bataille chaque année pour trouver des ressources humaines qui ne sont pas nécessairement autochtones tout simplement parce qu'il n'y en a pas.
On a institué un nouveau programme de bourses. On accorde des bourses intéressantes pour les étudiants autochtones qui se dirigent vers l'enseignement. Chaque année, lorsqu'ils terminent un premier cycle, 30 crédits, on leur accorde une bourse pour qu'ils poursuivent leurs études, et ce, dans le but d'augmenter le nombre de finissants. Cette année, la première cohorte comportait quatre finissants. On va donc les récupérer et quatre ou cinq autres sont déjà inscrits pour la deuxième cohorte. C'est intéressant pour les étudiants autochtones. On a fait une recherche avec un anthropologue, Pierre Lepage, qui disait que les enseignants non autochtones devraient aussi suivre de la formation universitaire sur l'histoire des Premières nations. On est en train de développer quelque chose avec des universités afin que les étudiants en enseignement puissent, à tout le moins, comprendre un peu l'histoire générale des Premières nations au Canada, au Québec, et peut-être un peu plus spécifiquement sur la communauté vers laquelle ils se dirigent. Nous souhaitons que les universités prennent la formation en charge. Il ne s'agit peut-être que de trois ou six crédits, peu importe; il est important qu'ils sachent à quoi s'attendre lorsqu'ils arrivent dans nos communautés actuellement, il y a un décalage vraiment important pour certains. Ils sont incapables de s'habituer et de comprendre les communautés. Alors, ils ne restent qu'un an ou deux.
Les salaires constituent aussi un élément important. On n'est pas en mesure d'offrir la même échelle de salaire que les commissions scolaires qui pourtant sont proches de la région. À Sept-Îles, une commission scolaire offre une certaine échelle de salaire et ce qu'on offre est un peu inférieur dans certaines régions. L'enseignant qui a son baccalauréat et qui est heureux d'aller enseigner, regarde souvent le salaire et se dirige vers les commissions scolaires francophones ou anglophones.
Le sénateur Poirier : Lorsqu'on parle de la culture, on ne parle pas seulement de la langue. La culture, c'est plus que la langue. Quel est le pourcentage d'étudiants des Premières nations qui font leurs études au niveau postsecondaire en enseignement qui reviennent enseigner dans les Premières nations?
La formation est-elle disponible immédiatement à l'université pour les enseignants qui ne sont pas des Premières nations? Si oui, quel est le pourcentage d'enseignants qui s'en prévalent? Si non, où en êtes-vous rendu dans le processus?
M. Vollant : Cent pour cent des étudiants autochtones qui étudient en enseignement reviennent dans les communautés.
Le sénateur Poirier : D'accord.
M. Vollant : Ils sont peu nombreux, mais ils reviennent tous. Actuellement, il n'existe aucun programme d'enseignement à l'université ou au cégep qui donnerait lieu à des crédits pour l'obtention d'un diplôme pour les non- Autochtones ou même pour les Autochtones aussi. Tous suivent en fait le même programme.
Le sénateur Poirier : Est-ce que le processus est commencé?
M. Vollant : C'est commencé. On a fait une première étude. Le besoin est reconnu; les professeurs ont mentionné le besoin d'une formation universitaire de trois ou six crédits pour qu'ils puissent s'approprier une certaine histoire ou une certaine culture dans laquelle ils veulent évoluer et connaître le milieu. On va devoir s'asseoir avec certaines universités pour que le programme soit développé. Le matériel existe, mais on doit pousser un peu les universités.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, y a-t-il d'autres questions?
[Français]
Monsieur Vollant, madame Bastien, je vous remercie de votre présence. Vous avez bien fait cela.
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn : Je vous ai écouté en silence à cause de toutes les bonnes questions auxquelles vous avez répondu. Nous parlons d'apprentissage permanent et de ce qui en découle — ce qui, dans votre région du monde, est très important, tout comme ailleurs, certainement.
Est-ce que les enseignants de ces organisations d'éducation permanente ont reçu une formation particulière ou une formation permanente eux-mêmes, pour pouvoir fournir ce type d'apprentissage à tous les niveaux et à tous les âges, des plus petits aux plus âgés? Existe-t-il des institutions ou des collèges spécialisés qui enseignent l'éducation permanente afin qu'elle puisse être appliquée ailleurs?
Mme Bastien : Est-ce que vous parlez des enseignants des Premières nations au primaire et au secondaire?
Le sénateur Fairbairn : Et même à d'autres niveaux, je pense à l'enseignement aux adultes, par exemple.
Mme Bastien : Il n'existe pas de programme précis au collège ou à l'université. Il n'y a qu'un baccalauréat et une maîtrise pour les enseignants. C'est tout. Je ne connais pas de programme précis qui prépare les enseignants au genre de situation que vous décrivez.
Le sénateur Fairbairn : En ce qui concerne l'éducation permanente, il serait utile qu'il existe des programmes solides. Les organisations fédérales ou provinciales pourraient s'en charger afin que cette initiative puisse être appliquée et implantée solidement dans les écoles.
Mme Bastien : S'agissant des enseignants dans nos écoles, il est important de signaler que nous sommes tenus, en vertu d'une entente avec Affaires indiennes, de respecter les normes de la province. Cela veut dire que les Premières nations du Québec doivent appliquer les mêmes normes en matière d'embauche, et donc que les enseignants doivent être diplômés. Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne chose, mais le problème, c'est que nous avons du mal à faire venir des personnes diplômées dans nos collectivités. D'abord, nous n'avons pas la capacité financière de verser les mêmes salaires qu'ailleurs. En outre, vous comprendrez que pour ces étrangers, si vous me permettez l'expression, il n'est pas très tentant de se rendre dans ces collectivités isolées. Le logement pose un problème. Souvent, deux ou trois enseignants doivent partager le même appartement et ils ne se connaissent ni d'Ève ni d'Adam. Ce n'est pas très attrayant. Cependant, c'est une des règles que nous devons respecter.
Ce que nous disons, c'est que nous aimerions avoir nos propres normes. Cela ne veut pas dire qu'elles seraient moins élevées qu'ailleurs. Par exemple, dans nos écoles, où il y a de nombreux problèmes en éducation spécialisée, je pense que nous devrions avoir plus que simplement un enseignant avec un baccalauréat. Il faudrait que l'enseignant ait la capacité de gérer des enfants qui ont des besoins éducatifs spéciaux. Or, quatre ans d'université, cela ne les prépare pas suffisamment à ce type de situation.
Le sénateur Fairbairn : Je pense qu'il vous serait utile d'avoir un organisme d'éducation permanente en alphabétisation, qui vous permettrait d'atteindre cet objectif. J'espère que cela se produira.
Mme Bastien : Oui.
Le président : J'aimerais remercier de nouveau nos témoins, M. Vollant et Mme Bastien.
Chers collègues, merci de votre participation. S'il n'y a pas d'autres affaires à traiter, nous allons lever la séance jusqu'à demain soir.
(La séance est levée.)