Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 19 - Témoignages du 2 mars 2011
OTTAWA, le mercredi 2 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations, se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Soyez les bienvenus, honorables sénateurs et membres du public qui suivez cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.
Je suis Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider ce merveilleux comité. Notre comité a pour mandat d'examiner les projets de loi ainsi que toute autre affaire au sujet des peuples autochtones du Canada en général. Divers rapports font état de difficultés importantes liées à la distribution d'une eau potable salubre dans les Premières nations, notamment le vieillissement des systèmes d'alimentation en eau, la formation et l'accréditation des exploitants, le manque de ressources indépendantes pour financer convenablement l'exploitation et l'entretien des réseaux et le manque de précision au sujet des rôles et des responsabilités.
Ce soir, nous poursuivons notre étude d'un projet de loi destiné à corriger ces problèmes : le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières nations.
Nous avons un programme chargé, car nous accueillons sept organisations. Avant de passer à nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont ici ce soir.
Il y a d'abord le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, qui est vice-présidente du comité, le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, le sénateur Dallaire, du Québec, le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Poirier, du Nouveau- Brunswick, le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Brazeau, du Québec, et le sénateur Demers, du Québec.
Mesdames et messieurs les membres du comité, veuillez accueillir avec moi notre premier groupe, formé de représentants de trois organisations. Du Centre autochtone de ressources environnementales, nous entendrons Mme Merrell-Anne Phare, directrice exécutive et conseillère juridique; de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, M. Jim Bruce, membre, et Mme Nancy Goucher, coordonnatrice des programmes; du Groupe consultatif sur les services techniques des Premières nations de l'Alberta, M. Vaughn Paul, président-directeur général, et M. Clayton Leonard, conseiller juridique.
Merrell-Ann Phare, directrice exécutive et conseillère juridique, Centre autochtone de ressources environnementales : Le Centre autochtone de ressources environnementales est un organisme caritatif national apolitique des Premières nations qui a été créé par les chefs en 1994. Chaque année, nous collaborons avec les Premières nations de tout le pays dans 20 ou 30 dossiers environnementaux qui portent sur le changement climatique, les terres, les eaux, la biodiversité et la durabilité.
J'ai travaillé pendant environ cinq ans avec l'Assemblée des Premières Nations, à titre de conseillère juridique sur les dossiers de l'eau et en particulier le dossier de l'eau potable. Le Groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations m'a invitée à lui présenter un exposé et il me cite dans son rapport final.
Pour protéger l'eau potable, il vous faut une loi qui ne soit pas un cadre habilitant. Essentiellement, vous devez définir le régime qui sera appliqué. Une loi habilitante convient parfaitement pour faire de bonnes choses, des choses peut-être bénéfiques, mais non pas des choses essentielles, à caractère immédiat ou obligatoire. Prenez la Loi sur les espèces en péril, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les pêches, le Code criminel ou la Loi de l'impôt sur le revenu. Il est clair que pour les questions importantes nous formulons des lois qui précisent bien ce qui doit, peut et ne peut pas être fait. Ce sont des lois contraignantes, efficaces pour atteindre les buts visés. Les aspects essentiels de notre société et de notre environnement doivent être protégés, les règles doivent être suivies et ne sont pas facultatives. J'espère que nous convenons tous que dans notre pays la salubrité de l'eau potable s'inscrit dans la catégorie « non facultatif ».
Pour le financement, si vous créez une loi contraignante, vous créez les conditions nécessaires au financement parce qu'au minimum, vous imposez une responsabilité en cas de non-financement. Il y a une contrainte; il y a des obligations que la loi a créées et dont le fédéral doit s'acquitter. Par exemple, il y a les rapports au Cabinet.
À l'heure actuelle, le non-financement n'entraîne pas vraiment de responsabilité, car la décision de financer la salubrité de l'eau est régie par le cadre interne d'évaluation du risque décisionnel à AINC ou par l'évaluation technique nationale dont on vous a parlé. Faute de lois qui interdisent de laisser ces situations déplorables perdurer et qui créent l'obligation de respecter des normes en matière de qualité de l'eau, le Canada gère chaque situation en fonction de son évaluation du risque. « Nous évaluerons les ressources disponibles, puis nous apporterons d'abord des correctifs dans les régions qui courent le plus de risques », a déclaré Christine Cram lors de sa comparution, et c'est pourquoi vous avez aussi entendu des Premières nations, dont certaines attendent depuis huit ans et même plus. Je sais qu'il y a des Premières nations qui attendent depuis plus de 10 ans une usine de traitement de l'eau. Une loi contraignante changerait cette situation, mais pas la loi habilitante que vous examinez actuellement.
Une loi habilitante vous permet de dire que vous avez adopté une loi, mais vous n'avez toujours pas de normes ni rien pour fournir de l'eau potable à la population. Une loi habilitante comme celle-ci vous permet d'attendre aussi longtemps que vous le voulez. Concrètement, cette loi ne vous oblige à rien du tout. Vous pourrez répondre aux critiques qui vous signalent une carence de réglementation en leur montrant le document, la loi, mais vous ne pourrez rien leur répondre s'ils vous disent : « Montrez-moi l'eau potable produite grâce à cette loi. »
Si vous voulez assurer la salubrité de l'eau potable, il vous faut un régime ancré dans une loi qui a au moins les caractéristiques suivantes. La loi doit fixer les normes de qualité de l'eau et créer un régime d'application. La loi doit comporter une clause de non-dérogation, et non pas une clause de dérogation comme ici, et prévoir un calendrier de mise en oeuvre. Elle doit comprendre des dispositions sur un examen périodique, comme le font la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, par exemple, et des pouvoirs décisionnels exclusivement axés sur l'exécution de la loi.
C'est ce que les témoins vous ont dit quand ils ont parlé de la nécessité pour le gouvernement de faire preuve de leadership et de vision dans la rédaction de cette loi. C'est ce qu'il faut pour assurer la salubrité de l'eau potable. Je n'irai pas par quatre chemins : il est impossible de modifier suffisamment le projet de loi pour corriger ses faiblesses; elles sont fatales. Il faut une nouvelle loi.
C'est ici qu'interviennent les droits et les consultations. Avec une loi efficace, il se pourrait que les droits des Premières nations soient touchés parce que c'est nécessaire et que la loi établit des pouvoirs et des obligations dans le domaine de l'eau. L'avocat du ministère de la Justice qui a comparu devant vous a déclaré qu'il anticipait déjà que la partie du projet de loi portant sur la protection des sources puisse se répercuter sur les droits des Premières nations. Dans son témoignage, le 2 février, il a affirmé :
Dans la mesure où on limite l'utilisation des terres, oui, on pourrait considérer que cela a une incidence sur les droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones liés à l'utilisation de leurs propres terres.
En passant, le fait que le ministère de la Justice sache déjà que les droits pourraient être touchés illustre pourquoi il aurait déjà fallu prendre des mesures pour consulter les Premières nations et tenir compte des préoccupations des titulaires de droits, comme le prévoit la Cour suprême du Canada.
Voici d'autres exemples de droits des Premières nations qui pourraient être touchés : les droits sur l'eau utilisée à des fins domestiques, commerciales, de navigation et autres; les droits de régir l'eau et de prendre des décisions en la matière; les droits culturels et spirituels relatifs à l'eau; les droits de protection environnementale; les droits fonciers. Pour éviter ces effets le plus possible, la Cour suprême a déclaré que vous deviez adopter une approche de collaboration. C'est ce qu'a dit la Cour suprême dans les affaires touchant les droits autochtones — il faut négocier, c'est ce qu'elle a décrété.
En l'occurrence, cela signifie rédiger la loi en collaboration avec les Premières nations et AINC et tous leurs avocats. C'est ce qu'ont fait les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, pour leur Loi sur les espèces en péril. Il leur a fallu deux ans, et AINC a payé. Un comité formé de membres des Premières nations, de Métis et d'Inuvialuits a fait le travail, et le ministère de la Justice ne tenait pas le stylo; ceux qui étaient à la table tenaient le stylo. Cette compétence a fait la même chose pour sa stratégie sur l'eau, qu'elle vient de terminer il y a quelques mois.
Le processus de négociation en collaboration permet d'éviter d'empiéter sur les droits. C'est l'avantage de cette façon de procéder. Lorsque vous adoptez cette approche, vous allez au-delà de la consultation; vous exercez concrètement les droits, vous négociez, vous renforcez les capacités, vous définissez ce que cela signifie, vous allouez des ressources et vous faites tout ce qui peut être fait quand des gouvernements décident de collaborer pour atteindre un but commun. Cela est faisable, AINC a reconnu devant vous qu'il était disposé à adopter cette approche. La question, c'est de savoir quand et dans quel dossier. La collaboration, c'est maintenant qu'il nous la faut, pour créer une loi efficace, et non pas par la suite, pour adopter des règlements.
J'ai présenté devant le Groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations un exposé sur un processus graduel étalé sur cinq à huit ans pour reconnaître les droits et la compétence des Premières nations dans le domaine de l'eau et de la gestion de l'eau. J'ai parlé de combler les besoins à court terme en matière de protection immédiate de la santé, de la sécurité et de l'environnement tout en progressant sur le plan politique, à long terme, pour trouver une solution juridique acceptable. Cet échéancier, d'ailleurs, respecte la limite de 10 ans fixée pour l'évaluation technique nationale, qui se fera de toute façon.
Voici, brièvement, l'essentiel de mon exposé. J'ai parlé de la phase 1 qui durerait un ou deux ans et viserait à examiner la participation immédiate des Premières nations à tous les éléments essentiels pour assurer la salubrité de l'eau potable, ce qu'elles font déjà dans certains cas, mais de façon globale, pour répondre aux besoins immédiats. Parallèlement, la phase 2 mettrait en œuvre un processus à moyen terme, d'une durée de un à quatre ans, pour instaurer un processus politique intergouvernemental entre les Premières nations, le gouvernement fédéral et les provinces en vue de conclure une entente ou d'adopter un cadre national sur la salubrité de l'eau des Premières nations. J'ai parlé de solutions qui mèneraient à l'autonomie gouvernementale. L'accent porterait sur la compétence, la mise sur pied et l'exécution de programmes, le développement institutionnel et la prise de décisions stratégiques et politiques.
La phase 3 est la réponse à long terme, avec un horizon de cinq à huit ans. Elle vise une mise en œuvre complète de la responsabilité des Premières nations en matière d'alimentation en eau potable pour leurs membres, d'après des principes que les Premières nations dériveraient de la crise de Walkerton, mais ces principes seraient définis dans le cadre du processus. À cette étape, AINC s'acquitte de son obligation fiduciaire en fournissant des ressources.
Ce modèle a fait ses preuves. C'est l'approche qui a été récemment utilisée aux États-Unis pour transférer à la nation Navajo l'ensemble des responsabilités et des pouvoirs relatifs à tous les aspects de la gestion de l'eau. Nous aurions beaucoup à apprendre de cet exemple.
Depuis, moi-même et d'autres avons travaillé avec l'APN pour définir une triade qui assumerait des responsabilités de réglementation financière et opérationnelle. Nous avons défini le mandat d'une commission sur l'eau des Premières nations qui aurait des responsabilités d'exécution et de reddition de comptes, une fiducie de l'eau des Premières nations qui traiterait des aspects financiers liés à l'eau potable. Il y aurait des organismes d'exploitation imbriqués au niveau national et au niveau régional. L'APN, en partenariat avec d'autres, collabore à ce projet, et ses travaux sur les organismes d'exploitation sont fort avancés. Ce projet reposait sur l'hypothèse que les Premières nations et le fédéral avaient des pouvoirs législatifs, et l'on envisageait des partenariats avec les provinces et des municipalités choisies par les Premières nations. Ce genre de choses peut se faire au moyen d'une loi. Cela peut être codifié dans la loi fédérale et dans le droit coutumier, en partenariat. AINC est au courant de cette approche parce qu'il a financé la première étape de l'analyse, en 2007.
Le groupe d'experts reconnaît les avantages de cette approche qui fournirait l'occasion de rédiger une loi de meilleure tenue pour l'ensemble de la nation.
[...] Le gouvernement fédéral pourrait établir un cadre de réglementation meilleur que tous ceux en place actuellement, ce qui susciterait la fierté des Premières nations et mettrait en valeur le Canada sur la scène internationale.
L'avantage de ce processus est notamment d'instaurer une collaboration directe et cohérente avec les Premières nations pour établir un régime efficace qui ne porte pas sur la consultation dans ce contexte. Ce processus produirait une conciliation des droits plutôt qu'un empiètement, ce qui pour la Cour suprême constitue l'objectif visé dans notre pays. Il renforcerait conjointement la capacité. Il explorerait des options non législatives supplémentaires, par exemple le recours à des pratiques exemplaires. Il créerait une structure rationnelle pour assurer la salubrité de l'eau potable des Premières nations, ce qui constitue le but réel de l'exercice, du moins en principe.
Jim Bruce, membre, Forum for Leadership on Water : Honorables sénateurs, FLOW est l'acronyme de Forum for Leadership on Water. Nous sommes un regroupement de spécialistes de l'eau indépendants qui viennent de partout au Canada. Nous encourageons le gouvernement à protéger nos ressources essentielles en eau douce. Nombre d'entre nous, comme moi, ont fait carrière dans le domaine de l'eau au Canada et à l'étranger. Nous pensons que tous les ordres de gouvernement au Canada doivent travailler de concert pour lutter efficacement contre les menaces actuelles et émergentes à la sécurité de notre approvisionnement en eau douce. Il nous faut une loi pour protéger la qualité de l'eau potable des Premières nations et des Canadiens, mais nous pensons que le projet de loi S-11, dans sa forme actuelle, représente un recul. Pourquoi?
La loi touche deux des priorités définies dans notre document de base, Changing the Flow : A Blueprint for Federal Action on Freshwater. Premièrement, nous craignons pour l'alimentation des Canadiens en eau potable; deuxièmement, nous nous inquiétons de la protection des droits à l'eau des Autochtones. Nous avons évalué le projet de loi S-11 de deux points de vue : premièrement, comme politique de l'eau, deuxièmement, comme outil pour améliorer l'accès des Premières nations à l'eau potable. De ces deux points de vue, le projet de loi S-11 suscite de graves préoccupations.
En termes généraux, la loi proposée entraînerait l'échec du gouvernement du Canada à reconnaître ses responsabilités relativement à des questions d'eau qui relèvent clairement de sa compétence et qui sont d'envergure nationale. Un examen plus minutieux soulève de sérieuses préoccupations liées aux détails du projet de loi, dont l'empiètement possible sur les droits des Premières nations, l'absence de collaboration et l'absence de plan ou de vision afin de fournir les ressources et l'appui nécessaires dans les dossiers d'exploitation et d'entretien des infrastructures d'alimentation en eau.
Vous avez beaucoup entendu parler des détails du projet de loi dans le cadre de vos audiences, et je vais donc m'en tenir principalement à ce que le projet de loi S-11 propose relativement à la gestion de l'eau à l'échelle nationale.
Premièrement, contrairement à d'autres compétences fédérales, dont les États-Unis et l'Union européenne, le Canada n'a pas de norme nationale contraignante en matière d'eau potable. Le Canada n'a que des lignes directrices. L'absence de normes a créé une mosaïque de politiques fragmentées au Canada, et le degré de protection de notre eau potable est donc fonction du lieu où nous vivons. Le projet de loi propose d'enchâsser cette fragmentation, ce qui maintient des niveaux de sécurité différents pour les Premières nations au pays. Pour illustrer la fragmentation des politiques sur l'eau potable au Canada, je vous rappelle que seulement quatre provinces ont adopté intégralement les lignes directrices nationales sur l'eau potable. Les exigences de surveillance varient largement selon la province. Seulement quelques provinces ont des règlements pour protéger les sources d'eau, et la majorité n'exige toujours pas de rapports sur le rendement des systèmes d'alimentation en eau.
De nombreuses études ont montré que la situation au Canada limite sérieusement notre capacité de gérer et d'élaborer des dispositions législatives solides en matière d'environnement, alors que de nombreux autres pays fédérés renforcent leur réglementation grâce à une action centralisée. Aux États-Unis, par exemple, l'adoption de normes nationales a contribué à relever la qualité de l'eau qui était nettement en déclin partout au pays dans les années 1970 et au début des années 1980. Je connais très bien ce cas parce que j'ai travaillé sur l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs. En Suisse, la qualité de l'environnement s'est radicalement améliorée après que les citoyens ont décrété par référendum, en 1953 et en 1971, qu'il fallait centraliser la prise de décisions. Dans l'Union européenne, les pays ne cessent d'améliorer la qualité de l'eau, car les décisions environnementales sont prises au niveau de l'union. Dans l'Union européenne, la coordination et l'établissement de normes centralisées ont permis de sauver des ressources, d'améliorer les relations transfrontalières, de mieux comprendre les ressources en eau et d'aider les compétences qui ont moins de capacité que les autres. Tout cela a entraîné une amélioration de la qualité de l'eau potable. Si l'Union européenne, qui est un rassemblement de pays distincts, peut le faire, pourquoi le Canada n'y arrive-t-il pas avec ses provinces? Ces compétences, qui sont souvent au moins aussi complexes que le Canada, ont montré qu'une loi solide peut améliorer la qualité de l'eau. Le Canada n'a aucune raison de ne pas mettre en œuvre une approche nationale en matière d'eau potable, avec des normes pour protéger tous les citoyens.
Revenons à la question des Premières nations. Le Canada pourrait mettre en œuvre quelque chose comme une commission sur l'eau des Premières nations, comme le disait Mme Phare. Une telle commission collaborerait à l'imposition de normes nationales de façon appropriée sur le plan local. Elle pourrait servir d'outil pour appuyer la gestion des bassins versants et la planification communautaire grâce à des lois sur l'eau et à la gestion de l'eau. En outre, elle favoriserait le renforcement des capacités communautaires pour appuyer les approches traditionnelles en matière de gestion de l'eau.
Bref, ceux qui souffrent le plus de la fragmentation et de l'absence de normes nationales exécutoires au Canada sont ceux qui vivent dans les régions rurales et éloignées, notamment de nombreuses collectivités autochtones. L'incorporation par renvoi que propose le projet de loi S-11 consacrerait le système fragmenté et inadéquat qui existe actuellement.
Pourquoi le gouvernement fédéral adopterait-il une meilleure loi? Premièrement, la santé et la sécurité des Premières nations sont clairement du ressort fédéral. Deuxièmement, nombre des menaces qui planent sur l'eau potable ne sont pas limitées à une province; elles sont interprovinciales et internationales par nature et elles doivent être éliminées au niveau national. Par exemple, les substances toxiques aéroportées — entre autres le mercure et de nombreux agents cancérigènes — qui se déposent dans les plans d'eau peuvent venir des États-Unis, de la Chine, du Japon et des provinces en amont. Les produits chimiques utilisés dans les biens importés ou fabriqués au Canada comprennent souvent des substances nocives qui s'infiltrent dans l'eau. Je pense par exemple aux modulateurs endocriniens qui imitent les hormones humaines et peuvent provoquer une foule de maladies et de déséquilibres sexuels dans les populations, comme nous l'avons vu. Des contaminants libérés dans les eaux transfrontalières et frontalières des compétences en amont — et ce peut être une province ou les États-Unis — peuvent annuler tous les efforts locaux pour améliorer la qualité de l'eau.
Il faut adopter une approche nationale pour gérer les menaces réelles et imminentes qui intéressent l'eau potable. Il faut assurer la coordination entre un système amélioré de gestion national des produits chimiques, qui est en cours d'établissement, et des normes exécutoires en matière d'eau potable. La mise en œuvre du système proposé dans le projet de loi S-11 dans les réserves des Premières nations complique la solution du problème plus vaste, c'est-à-dire l'inaction du gouvernement fédéral pour protéger la santé et la sécurité de tous les Canadiens contre ces formes de pollution. De même, la réglementation du traitement des eaux usées par renvoi aux règlements provinciaux ne peut combler adéquatement le besoin d'eau potable en raison des menaces omniprésentes dont je viens de parler. Il est évident qu'il nous faut une approche nationale pour lutter contre ces risques complexes.
Je veux traiter de deux ou trois aspects précis du projet de loi qui inquiètent profondément les membres de FLOW. Premièrement, il est totalement inacceptable d'abroger des droits protégés par la Constitution ou d'y déroger. Deuxièmement, pour ce qui est des ressources, le projet de loi S-11 est prématuré, car il tente de régler un problème que le gouvernement du Canada ne comprend pas encore pleinement. Tant que l'évaluation nationale ne sera pas terminée, nous ignorerons la gravité réelle du problème et, surtout, ce qu'il en coûtera de relever ces défis.
Finalement, en ce qui concerne la collaboration et la consultation, FLOW appuie l'approche définie par le Centre autochtone de ressources environnementales et Mme Phare, qui exige du gouvernement qu'il fasse participer positivement les Premières nations à un processus coopératif. Le gouvernement du Canada doit travailler avec les Premières nations pour définir une consultation valable et adéquate avant de lancer un processus destiné à élaborer un régime juridique qui touchera la gestion des eaux sur leurs terres.
En dernier lieu, FLOW croit qu'il faut aller de l'avant et adopter un cadre de réglementation détaillé pour les Premières nations et y prévoir le même degré de protection pour les Premières nations de tout le Canada. Le cadre proposé dans le projet de loi S-11 n'est pas adéquat. Il imposerait un système qui n'aurait pas été entériné par les Premières nations. Ce projet de loi constitue un recul dans le dossier de l'eau potable, pour tous les Canadiens.
Nous avons consacré beaucoup de temps, d'énergie et d'argent à la sécurité. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus important pour la sécurité des Canadiens que la fiabilité et la qualité de l'eau que nous et nos familles buvons tous les jours? Merci.
Vaughn Paul, président-directeur général, Groupe consultatif sur les services techniques des Premières nations de l'Alberta : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci de nous donner l'occasion de vous parler de cette question si importante. Avant de commercer, j'aimerais vous présenter brièvement notre organisation.
Le Groupe consultatif sur les services techniques des Premières nations de l'Alberta, TSAG, est un organisme sans but lucratif créé par les chefs de l'Alberta en 1998 pour renforcer la capacité des fournisseurs de services techniques des Premières nations. Nous offrons directement à toutes les Premières nations de l'Alberta des services techniques, par exemple des rapports sur l'état des actifs, la protection incendie, la technologie de l'information ainsi qu'une gestion de l'environnement et une formation adaptées aux régions.
Nous nous intéressons en particulier à la gestion de l'eau au niveau communautaire dans les collectivités des Premières nations. Nous administrons le Programme de formation itinérante qui forme les exploitants des systèmes d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées des Premières nations. TSAG collabore avec les exploitants des Premières nations pour produire, d'abord et avant tout, de l'eau potable et pour élaborer des plans de formation, des plans de gestion et de maintenance et des plans d'intervention d'urgence destinés à des usines précises. Pour ce faire, nous comptons sur un personnel dévoué composé de sept formateurs, d'un dépanneur et d'un spécialiste de l'éducation des adultes qui aident les exploitants à obtenir leur accréditation et leurs diplômes d'équivalence générale, au besoin.
TSAG s'efforce actuellement de raccorder les usines de traitement de l'eau à l'Internet, ce qui nous permettra de surveiller à distance la qualité de l'eau. Nous assurons aussi aux nations de l'Alberta d'autres services d'eau importants et nous administrons des programmes, notamment le Programme autochtone de gestion de l'habitat dans les régions intérieures, de concert avec Pêches et Océans Canada.
Vous le savez peut-être, Affaires indiennes et du Nord Canada a octroyé en 2009 à diverses régions du pays des fonds pour analyser d'éventuels problèmes auxquels les Premières nations et leurs exploitants de systèmes d'alimentation en eau pourraient être confrontés si le Canada adoptait une nouvelle loi sur l'eau potable avec incorporation par renvoi des lois provinciales sur l'eau.
Le mandat d'AINC précisait que l'analyse d'impact visait à présenter au ministère le point de vue des Premières nations. Cela devait être fait avec un budget de 468 $ par Première nation de l'Alberta, soit 22 000 $ en tout. Toutefois, parce que TSAG travaille avec les Premières nations, les chefs de l'Alberta nous ont demandé de diriger l'analyse d'impact, et nous avons accédé à leur demande malgré nos préoccupations au sujet du manque de financement et de l'échéancier de deux mois imposé par AINC. Le processus comprenait l'examen de cinq lois et de 19 règlements, lignes directrices et codes provinciaux, c'est-à-dire quelque 149 pages d'exigences réglementaires qui forment le régime provincial applicable à l'eau potable et au traitement des eaux usées en Alberta. Nous avons consulté 47 collectivités des Premières nations en Alberta ainsi que les exploitants de leurs systèmes d'alimentation en eau. Finalement, nous avons compilé toute cette information dans le rapport d'analyse d'impact qui a été présenté à AINC le 6 avril 2009.
Hélas, AINC n'a pas répondu aux préoccupations et problèmes mis en lumière dans notre analyse d'impact. Les Premières nations de l'Alberta se demandent donc pourquoi AINC a demandé et financé une analyse d'impact s'il n'avait pas l'intention de l'examiner, d'y répondre ni de rencontrer les Premières nations pour discuter des préoccupations exposées dans le document. Nous savons que la consultation est une obligation légale, mais nous nous inquiétons surtout des conséquences pratiques du fait qu'AINC ne tienne pas compte de l'analyse d'impact.
L'absence d'intérêt relativement au rapport d'analyse d'impact montre que le projet de loi S-11 a été élaboré sans contribution véritable des dirigeants, des collectivités ni des exploitants des systèmes d'alimentation en eau des Premières nations de l'Alberta.
Pour que le comité comprenne bien l'importance des résultats de l'analyse d'impact, nous voulons résumer les principales préoccupations exposées par les Premières nations de l'Alberta. À titre d'information, le document est publié en entier sur notre site web, à l'adresse www.TSAG.net.
La grande préoccupation dégagée par les Premières nations de l'Alberta et les exploitants de leurs systèmes d'alimentation en eau est le financement inadéquat des systèmes d'alimentation en eau potable. C'est vrai, AINC a investi plus de deux milliards de dollars ces dernières années, mais cet argent était destiné uniquement aux collectivités des Premières nations qui éprouvaient de graves problèmes au pays. Il faudra plus d'argent, peut-être beaucoup plus, pour que tous les systèmes d'alimentation en eau des Premières nations répondent à des normes acceptables. Ces coûts sont examinés dans le cadre de l'évaluation technique nationale, qui ne sera pas terminée avant que le projet de loi S-11 ne soit pratiquement adopté.
AINC finance actuellement 80 p. 100 des coûts estimatifs plutôt que des coûts réels de l'exploitation et de l'entretien des systèmes d'alimentation en eau potable des Premières nations. En 2005, le commissaire à l'environnement et au développement durable a constaté que les coûts estimatifs utilisés pour calculer ce pourcentage n'avaient pas été révisés ni modernisés depuis plusieurs années. De nombreux techniciens des eaux des Premières nations ont dit à TSAG que cela avait pour conséquence qu'il fallait souvent exploiter et entretenir les systèmes d'alimentation en eau potable avec des budgets bien inférieurs aux coûts réels. Dès le troisième trimestre de l'exercice financier, de nombreuses Premières nations ont de la difficulté à payer les exploitants, à acheter des produits chimiques et à assurer une maintenance de base des systèmes d'alimentation en eau.
Le groupe d'experts a souligné que les règlements :
[...] demandent un investissement adéquat en ressources humaines et en biens matériels. L'instauration d'une réglementation qui ne serait pas accompagnée d'un investissement nécessaire pour renforcer les capacités pourrait même mettre en péril la salubrité de l'eau, car les ressources si rares serviraient pour financer le cadre de réglementation et les coûts de sa mise en application.
Personne ne veut qu'une loi sur l'eau potable ne fasse qu'empirer la situation. Il n'y a rien dans le projet de loi S-11, dans le document de travail d'AINC ni dans ses plans en vue de mettre le projet de loi en œuvre qui traite de cette question essentielle.
M. Harry Swain, président du groupe d'experts, l'a bien dit quand il a affirmé que si nous voulons de l'eau propre dans les réserves indiennes nous devons nous soucier d'abord des ressources fondamentales, puis du régime de réglementation. Les Premières nations de l'Alberta ont toutes exprimé la même préoccupation devant TSAG quand nous avons mené notre analyse d'impact.
Les Premières nations s'inquiètent également des coûts faramineux que leur imposerait le projet de loi S-11, compte tenu du nouveau système albertain de commercialisation de l'eau, où même une petite allocation d'eau coûte des millions de dollars. Ces coûts supplémentaires rendront intenable une situation déjà précaire. Il convient de signaler qu'AINC ne s'est pas engagé à acheter d'eau pour les Premières nations.
Parallèlement, les Premières nations et leurs techniciens de l'eau ont déclaré qu'ils s'inquiétaient du fait qu'AINC n'ait pas indiqué quel organisme gouvernemental serait chargé de la surveillance et de l'exécution des règlements ainsi que de la vérification de la conformité. Il faudrait être fou pour accepter le projet de loi S-11 sans savoir qui sera l'organisme de réglementation. Nombre de dirigeants et de techniciens de l'eau des Premières nations constatent la réussite de TSAG en matière de gestion de l'eau et ils ont indiqué qu'ils préfèrent créer un organisme des Premières nations qui sera chargé de réglementer l'eau sur les terres de réserve.
Tout le monde veut des solutions, mais les Premières nations s'inquiètent vraiment qu'AINC n'ait pas évalué si le régime de réglementation de l'Alberta constituait une option efficace et logique pour les Premières nations. Le groupe d'experts a conclu que les lois provinciales étaient l'option la moins intéressante. Dans son rapport annuel 2007-2008, Environnement Alberta soulevait des doutes sérieux quant à l'efficacité du régime provincial d'alimentation en eau potable et concluait que ce régime accusait du retard relativement à ses objectifs de rendement en matière de salubrité de l'eau et que le système avait constaté une augmentation de 30 p. 100 du nombre des infractions aux normes de salubrité de l'eau.
La protection des sources d'eau dans le régime réglementaire albertain suscite de graves préoccupations. Le gouvernement de l'Alberta affirme qu'il n'est pas tenu d'inclure les Premières nations dans la gestion des bassins versants, une activité qui vise à protéger les sources d'eau.
La loi de l'Alberta ne contient pas non plus de dispositions pour protéger les sources, contrairement à la Loi sur l'eau saine de l'Ontario. Les plans de gestion des bassins versants albertains ne sont pas exécutoires et fixent uniquement des objectifs inapplicables en matière de qualité de l'eau. Par conséquent, le projet de loi S-11 assurera une bien meilleure protection des sources pour les Premières nations ontariennes que pour celles de l'Alberta. Est-ce que cela est efficace et juste?
Pour ces raisons, les Premières nations et les techniciens de l'eau de l'Alberta sont très inquiets qu'AINC n'ait pas soigneusement étudié le régime de réglementation provincial ni déterminé s'il constituait une véritable solution pour alimenter les Premières nations en eau potable.
TSAG reconnaît avec l'Assemblée des chefs des Premières nations signataires d'un traité en Alberta qu'il existe une carence de réglementation dans le domaine de l'eau potable et du traitement des eaux usées pour les Premières nations et qu'il faut la combler, mais les Premières nations doivent jouer un rôle de premier plan dans un effort mené en collaboration avec le Canada pour élaborer une loi qui corrigera cet écart. Toutefois, compte tenu des sérieuses préoccupations soulevées par les Premières nations de l'Alberta et leurs techniciens de l'eau dans l'analyse d'impact, nous croyons que le projet de loi S-11, dans sa version actuelle, créera autant sinon plus de problèmes qu'il n'en réglera.
Nous vous recommandons de renvoyer le projet de loi au gouvernement du Canada, notamment pour qu'il sollicite l'avis des Premières nations, sinon il faudra le modifier pour corriger de sérieuses lacunes, ce qui sera difficile.
Le sénateur Banks : Je ne veux pas ennuyer les honorables sénateurs en leur rappelant que je suis un indéfectible opposant de ce projet de loi pour certaines des raisons mentionnées. Je veux demander l'avis juridique de Mme Phare, car elle a étudié le projet de loi.
Je me trompe peut-être dans mon interprétation de ce projet de loi, qui dit que les Premières nations qui n'ont pas signé d'entente sur l'autonomie gouvernementale peuvent être inscrites, par décision administrative, dans la colonne un du projet de loi. Autrement dit, ce n'est pas quelque chose que les Premières nations peuvent choisir, un régime auquel elles peuvent décider de participer, c'est une obligation créée par les dispositions de la loi, si le projet devient loi, sans possibilité de refus.
Pensez-vous que ce soit bien cela, est-ce que j'ai tort?
Mme Phare : Sénateur Banks, je ne peux pas formuler d'avis juridique au pied levé.
Le sénateur Banks : Vous êtes avocate.
Mme Phare : Oui, je sais.
Le sénateur Banks : Vous avez dit oui. Vous pourriez peut-être y réfléchir? Je vais poser une autre question et vous revenir.
Monsieur Bruce, le Sénat et plusieurs de ses comités s'intéressent à la question de l'eau potable depuis des années et ils ont préconisé diverses mesures pour tenir compte non seulement des Autochtones, mais aussi de tous ceux qui connaissent les problèmes dont vous avez parlé, quelle que soit la couleur de leur peau. Malheureusement, ces problèmes sont beaucoup plus marqués pour certaines Premières nations que pour le reste de la population.
Pouvez-vous vous imaginer une situation où la vente de viande ou de pain destinés à la consommation publique, la vente de céréales pour le petit déjeuner, de gomme à mâcher ou d'eau embouteillée ne serait pas réglementée par le fédéral et où les fournisseurs de ces produits ne s'exposeraient pas à des sanctions universellement appliquées s'ils vendaient un produit qui rendrait les citoyens malades? Pouvez-vous imaginer cela?
M. Bruce : Non, c'est impossible; je crois que nous sommes tous en droit d'attendre que des mesures gouvernementales nous protègent contre la mauvaise qualité des aliments et de l'eau.
J'ai cité l'Union européenne, qui exige que chaque pays produise des rapports non seulement sur la qualité de l'eau potable, mais aussi sur la qualité de l'eau utilisée dans la production alimentaire. C'est un instrument très puissant pour protéger la santé des Européens.
Le sénateur Banks : Comme je l'ai dit bien souvent, nous pouvons vivre sans viande — nous sommes nombreux à le faire. Nous pouvons vivre sans blé. Nous pouvons certainement vivre sans gomme à mâcher, mais nous ne pouvons pas vivre sans eau.
Que pensez-vous du fait que la seule chose que les Canadiens consomment et qui est essentielle à la vie soit le seul produit de consommation qui ne soit pas assujetti à un règlement fédéral?
M. Bruce : Je crois que c'est une grave lacune de la réglementation fédérale.
Le sénateur Banks : Vous conviendrez avec moi qu'une loi fédérale assortie de normes fédérales applicables constitue un but louable.
M. Bruce : Je crois que c'est un but nécessaire si nous voulons que tous les Canadiens aient accès à une eau potable.
Le sénateur Banks : Le projet de loi prétend le faire, et vous nous dites que c'est un but louable, mais que ce n'est pas ainsi qu'on peut l'atteindre; c'est bien cela?
M. Bruce : D'après ce que j'ai vu, je ne crois pas que cela permette d'y arriver du tout. Le projet de loi consacre plutôt l'approche actuelle, fragmentée, en matière d'eau potable, et il l'impose aux Premières nations.
Le sénateur Banks : Madame Phare, avez-vous pu examiner cette disposition?
Mme Phare : J'hésite, car je sais que vous avez entendu des témoignages contradictoires sur cette clause, et je n'en ai pas parlé dans mon exposé. Je préférerais m'engager à vous fournir une réponse, un avis.
Le sénateur Banks : Votre avis?
Mme Phare : Certainement, je le ferai.
Le sénateur Banks : Le plus tôt possible.
Mme Phare : Très rapidement.
Le sénateur Banks : Monsieur Paul, je crois que cela constitue, pour tout dire, le délestage d'une responsabilité fédérale longtemps négligée aux dépens de gens mal équipés pour l'assumer.
Est-ce que j'ai raison? Je vous le demande, parce que c'est vous qui veillez à ce que les gens soient équipés pour cela, et quand je dis « équipé », je parle de ressources.
M. Paul : Notre problème, en ce qui a trait à la formation de nos exploitants dans le cadre du programme de formation itinérante, c'est qu'ils hésitent à assumer la responsabilité de s'occuper d'installations inadéquates. S'ils ont le choix, ils aimeraient mieux faire quelque chose d'autre que d'entretenir ces installations désuètes, de travailler, comme vous dites, avec de la gomme à mâcher. Malheureusement, il n'y a pas suffisamment de ressources dans notre région ni au pays pour effectuer le genre de modernisation qui s'impose.
Ils sont très bien équipés. Notre personnel fait un travail remarquable avec les outils dont il dispose. Notre problème, c'est d'entretenir ces installations malgré les pressions que nous supportons relativement à la source d'eau et à l'évolution démographique prévue dans nos collectivités. Les usines tournent à plein régime. Ce sont des machines, elles brisent de temps à autre. Cela crée divers autres problèmes et préoccupations qu'il faut régler.
Pratiquement toutes nos installations et tous nos exploitants, nos formateurs et nos stagiaires des Premières nations en Alberta sont équipés pour exploiter les installations qu'ils ont, mais il leur faudrait certainement plus de ressources, financières ou humaines.
Le sénateur Dallaire : Ma question s'adresse à tous les témoins. On nous a dit ouvertement que le projet de loi était irrécupérable et ne pourrait jamais atteindre son but officiel. Quelles que soient les modifications apportées, nous n'arriverons jamais à améliorer ce que nous avons là.
Il y a eu la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations, en 2003, puis le Plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, en 2006. Nous avons des groupes d'experts qui travaillent. Il est même inhabituel que ce projet de loi, un projet de loi du gouvernement, ait été déposé ici, au Sénat. Notre comité a déclaré, le 31 mai 2007, que l'alimentation en eau potable devrait être confiée à AINC et qu'elle devrait constituer une condition préalable à l'adoption d'une loi, c'est-à-dire que les besoins en ressources des collectivités des Premières nations devaient être définis. Nous avons même dit qu'il ne fallait envisager aucune disposition législative tant que l'évaluation ne serait pas terminée. Ce projet de loi nous a été soumis, et nous avons dit que nous ne devrions même pas l'examiner.
Le 8 juin 2009, le quatrième rapport d'étape annuel publié par AINC contenait des déclarations comme les suivantes : depuis 2006, le nombre de réseaux d'eau présentant un risque élevé est passé de 193 à 49; seules trois collectivités demeurent sur la liste des collectivités dites prioritaires, et des plans ambitieux sont en place pour régler les problèmes qui subsistent. Plus de 60 p. 100 des opérateurs de station de traitement de l'eau ont reçu leur premier niveau de certification, au minimum.
Ce rapport est plutôt positif. Des sommes importantes ont été investies. Et tout à coup, en septembre 2009, voilà que nous recevons ce projet de loi, dont il a été question lors des séances d'engagement ainsi que dans l'analyse d'impact et la correspondance.
Quand vous investissez beaucoup d'argent, la situation s'améliore. Personne ne dit que les choses ne s'améliorent pas. Nous avons réalisé ceci et cela. Il y a certainement des problèmes relatifs à l'exploitation et à l'entretien, et aussi évidemment en matière de formation et de maintien des connaissances, mais les choses s'améliorent. Le gouvernement est disposé à investir encore plus d'argent. De fait, le budget actuel, je crois, est de 330 millions de dollars. Et tout à coup, on veut adopter cette loi. Pourquoi veut-on cette loi? Quel est le but visé par cette loi, selon vous — et je n'insinue pas qu'il y a quelque chose de machiavélique là-dessous?
Mme Phare : Je m'avance peut-être, mais je dirais que le Canada a fait l'objet de nombreuses critiques pour n'avoir pas adopté de régime contraignant afin de protéger l'eau potable des Premières nations. Le rapport du vérificateur général et de nombreux autres rapports ont durement reproché au gouvernement le régime ou l'absence de régime dans les collectivités des Premières nations. Selon moi, le fait de pouvoir dire que nous avons maintenant une loi ferait bon effet. La loi n'exige pas nécessairement que des gestes soient posés dans l'immédiat; il s'agit simplement d'un document législatif permissif qui ne précise aucune action ni aucun échéancier. Il ne fixe pas de norme. Il n'établit rien de contraignant. Il vous permet toutefois de dire que la carence législative a été comblée.
J'ai entendu des fonctionnaires dire qu'ils ne l'imposeraient pas; ils vont travailler individuellement avec chaque Première nation pour faire avancer les choses, et cela ne sera fait que quand tous seront prêts. Je crois que le gouvernement pourrait alors dire qu'il n'a rien fait parce que personne n'était prêt. De cette façon, on se trouve à déplacer la responsabilité, l'accent, on l'éloigne du gouvernement pour l'imposer à la Première nation. Je crois que ce sont probablement les raisons à l'origine du projet de loi, mais ce ne sont que des hypothèses, évidemment.
M. Bruce : Quelque chose d'autre m'étonne. Plutôt que de dire que toutes les collectivités des Premières nations doivent respecter les normes définies dans les lignes directrices nationales sur l'eau potable, on utilise ce renvoi aux lois provinciales qui maintient la fragmentation des normes sur la qualité de l'eau dans notre pays. À cause de cette fragmentation, un groupe aura droit à une excellente protection et un autre, à très peu de protection.
Le sénateur Dallaire : L'évaluation technique nationale n'est pas terminée. Elle se poursuit. Nous ignorons jusqu'à l'échelle de la demande. Le gouvernement a dépensé 2,3 milliards de dollars, ou il le fera. Cela semble être beaucoup d'argent, mais s'il faut 8 milliards, ce n'est pas beaucoup. Nous ignorons de quel ordre est l'écart. Il y a quand même le cadre interne d'évaluation du risque d'AINC.
Est-ce que les Premières nations ou les Autochtones participent à l'établissement des critères et aux processus décisionnels concernant le cadre d'évaluation du risque et plus précisément à l'évaluation technique nationale? Est-ce que les Autochtones font partie de l'équipe et est-ce qu'ils participent à la prise de décisions et à l'établissement des priorités et des listes pour cela?
M. Paul : Au départ, pour ce qui est de l'élaboration du mandat, les Premières nations ont participé et ont défini le mandat, alors on examine ce que nous essayons d'accomplir, exactement, grâce à l'évaluation technique nationale.
Sinon, il y a les ingénieurs qui viennent visiter nos collectivités. Nous n'avons vu aucun rapport. Aucune des collectivités de l'Alberta n'a vu de rapport qui traite de ce qui se passe. Pour ce qui est du Programme de formation itinérante, selon nous, nous avons participé aux travaux du groupe technique qui est venu en Alberta et nous avons présenté nos idées et suggestions, et c'est ce qui a été utilisé dans le rapport final.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, je veux vous poser une question honnête. Nous avons entendu une vingtaine de témoins, et sauf les fonctionnaires fédéraux, je n'en ai vu aucun qui était en faveur du projet de loi. Tous les témoins ont dit que ce n'était pas un bon projet de loi et qu'il était impossible de le modifier pour en faire quelque chose d'acceptable.
Compte tenu de tous ces témoignages, à quoi servent nos audiences? Notre comité des affaires autochtones a très bien travaillé, de façon non partisane, mais au moment du vote, parce qu'il y a plus de gens de ce côté-là de la table que de ce côté-ci, il est fort possible que malgré ce que nous ont dit les nombreux témoins le projet de loi soit adopté par le comité et par le Sénat.
Je le dis franchement. À quoi sert d'écouter d'autres témoins puisque nous savons ce qu'ils vont nous dire? Quel est le but visé par cet exercice?
Le président : Je ne peux pas me prononcer sur ce que diront les témoins. Je suis d'accord avec vous, le comité a réussi autant que faire se peut dans un système parlementaire — un système généralement fort antagoniste — à travailler de façon non partisane.
Nous entendons nos derniers témoins ce soir, et en principe le ministre comparaîtra à notre prochaine séance. Il se peut que le ministre soit incapable de venir, pour des raisons d'horaire.
Certains témoins ont dit que le projet de loi ne pouvait pas être modifié, mais d'autres ont affirmé que c'était possible, quoiqu'avec une certaine hésitation. Je crois que M. Bruce l'a dit.
Honnêtement, je crois que nous devrions poursuivre nos audiences. Outre le ministre, un autre témoin d'une importante organisation autochtone pourrait comparaître, puis nous ferons ce que décidera le comité. Je préside le comité suivant les instructions de ses membres.
J'espère que j'ai répondu à votre question.
Le sénateur Dallaire : Aurons-nous le temps, à la fin de la séance, de nous réunir à huis clos pendant quelques minutes?
Le président : Si le comité souhaite se réunir à huis clos pendant quelques minutes à la fin de la séance, le président tentera de satisfaire à cette requête.
Le sénateur Raine : Monsieur Bruce, vous dites qu'il n'y a pas, au Canada, de normes nationales applicables. Est-ce qu'il y a des normes nationales, mais elles ne sont pas consacrées par la loi?
M. Bruce : Il existe une ligne directrice nationale, qui est parfaitement inapplicable et que les provinces et territoires sont libres d'adopter.
Le sénateur Raine : Est-ce que cette ligne directrice nationale pourrait facilement être transformée en norme nationale?
M. Bruce : Oui.
Le sénateur Raine : Est-ce qu'il serait logique que cette ligne directrice nationale soit incorporée à la loi par renvoi, pour en faire une norme cible? Je crois que nous reconnaissons tous que tant que nous n'aurons pas la capacité de respecter la norme, il faut éviter d'instituer des pénalités dans la loi. C'est un de ces problèmes d'œuf et de poule.
Est-ce que les lignes directrices nationales sont acceptables, est-ce que nous pourrions les utiliser dans la réglementation de l'eau des Premières nations?
M. Bruce : Le commissaire à l'environnement et au développement durable a déploré assez amèrement, il y a quelque temps, que ces lignes directrices n'aient pas été modernisées et tenues à jour. Elles ne précisent pas de niveau à ne pas dépasser pour certains produits chimiques rares que nous décelons maintenant dans nos sources d'eau.
En théorie, je crois que ce serait bien si les lignes directrices étaient modernisées. Je crois que ce serait bien si toutes les personnes chargées de l'eau dans les collectivités des Premières nations adoptaient ces normes.
M. Paul : Sénateur Raine, toutes nos collectivités utilisent ces lignes directrices. Ce sont les paramètres qui s'appliquent aux niveaux de turbidité, aux résidus de chlore et aux choses de cette nature et que les collectivités s'efforcent de respecter. C'est le minimum que nous essayons d'atteindre. Nous avons un peu de difficulté à y parvenir actuellement, en raison de l'état des sources d'eau en Alberta. C'est un peu exigeant, mais c'est certainement une bonne idée, pour commencer. Comme vous l'avez dit, si nous mettons la charrue devant les bœufs, nos collectivités auront beaucoup de difficulté à atteindre l'objectif.
Le sénateur Raine : J'ai été étonnée d'apprendre que vous devez acheter la source d'eau du gouvernement de l'Alberta. Je l'ignorais totalement.
Clayton D. Leonard, conseiller juridique, Groupe consultatif sur les services techniques des Premières nations de l'Alberta : Cela n'est pas encore clairement établi dans la loi. Le gouvernement de l'Alberta a déclaré de façon très péremptoire et officiellement qu'il avait compétence sur les ressources en eau des terres des Premières nations et qu'il en était propriétaire. Les Premières nations soutiennent le contraire, ces ressources sont de notre compétence ou de compétence partagée avec le gouvernement fédéral et elles font partie de nos terres de réserve et sont visées par le traité. Ce sont des positions absolument opposées, ce que l'Alberta a fait remarquer. Si vous avez des relations de ce genre avec le gouvernement provincial, à quoi ressemblera la réglementation qu'il pourrait vous imposer?
M. Paul : Il y a aussi la question de la rareté, surtout dans le Sud de l'Alberta. Dans un certain nombre de collectivités, les bassins versants sont surexploités. Il n'y a pas assez d'eau pour octroyer de nouveaux permis. Un lotissement dans le sud albertain a dû payer 15 millions de dollars un permis d'eau pour 1 000 pieds cubes.
Si nous tenons compte des prévisions de croissance démographique, qu'est-ce qu'AINC pourra faire pour nous aider quand nos collectivités auront grandi et que nos ressources en eau seront épuisées? Que ferons-nous pour recouvrer ces coûts? Est-ce qu'on va nous abandonner?
Le sénateur Brazeau : La beauté du processus est que nous avons un projet de loi qui donne aux gens qui témoignent devant le comité l'occasion de proposer des solutions pour améliorer le projet de loi.
Depuis le début du processus, nous avons entendu les préoccupations de nombreux témoins, mais selon moi on nous a proposé très peu de solutions.
J'ai entendu de nombreux commentaires. Je n'ai jamais abordé la question auparavant avec d'autres témoins, mais certaines personnes ont dit qu'on manquait de leadership dans le domaine de l'eau, qu'il n'y avait pas de consultation, pas de ressource, qu'on risquait d'empiéter sur les droits ancestraux et issus de traités et, peut-être, qu'il faudrait envisager des options non législatives.
Une grande partie de ce qu'on nous dit se rapporte au processus — le processus par-ci, le processus par-là —, mais nous ne parlons pas de la santé et de la sécurité des citoyens des Premières nations qui vivent dans les réserves en ce qui concerne la salubrité de l'eau potable.
Je suis né à Maniwaki, au Québec. À 1 000 mètres de chez moi — je buvais l'eau municipale, qui est réglementée —, les citoyens des Premières nations qui vivaient dans la réserve n'avaient pas l'eau courante. De fait, le ministère des Affaires indiennes finance aujourd'hui encore ma collectivité — j'en suis membre — pour acheter de l'eau embouteillée.
Il y a en a qui parlent d'un manque de leadership, mais pour tout dire notre gouvernement est le seul gouvernement qui ait posé des gestes pour essayer de régler le problème de la salubrité de l'eau potable dans les réserves. De fait, pour certaines des ressources allouées dans les derniers budgets, Kitigan Zibi, ma collectivité, a conclu un partenariat avec la municipalité de Maniwaki pour qu'une partie de ses membres puissent avoir de l'eau potable.
En tant que membre des Premières nations, je comprends les décisions de la Cour suprême relativement à la consultation. Je reconnais aussi l'importance de la consultation, mais quand il est question de la santé et de la sécurité des citoyens des Premières nations, faut-il vraiment mener d'autres consultations?
Ma collectivité ne m'a pas consulté lorsqu'elle a décidé de demander à la municipalité de Maniwaki de construire l'infrastructure pour pouvoir avoir de l'eau potable salubre. Si le projet de loi est adopté, je peux vous assurer que la majorité des résidents de Kitigan Zibi auront de l'eau potable salubre.
S'il y a des collectivités qui avancent et qui veulent progresser grâce à cette loi, comment pouvez-vous justifier votre opposition à ce projet?
Mme Phare : Votre commentaire contient plusieurs éléments. Je vais essayer d'en traiter quelques-uns.
Premièrement, je ne crois pas que le projet de loi, dans sa forme actuelle, vous permette de faire ce que vous essayez de faire pour l'eau potable, parce que c'est une loi habilitante qui ne contient aucun détail. Même si elle avait une structure habilitante et affirmait qu'il faut négocier cela avec les Premières nations d'ici cinq ans — si elle fixait une échéance —, mais elle ne le fait même pas... Vous pourriez littéralement adopter ce projet de loi et ne plus rien faire. Il vous resterait alors ce que vous avez actuellement : le ministère des Affaires indiennes prend les décisions sur qui reçoit quoi, en fonction de son cadre d'évaluation du risque et de son plan des ressources, et c'est exactement ce qu'on a dit. AINC a dit qu'il allait continuer à prendre les décisions de cette façon, suivant sa structure interne et les fonds dont il dispose, et qu'il allait mettre cela en œuvre dans chaque Première nation à tour de rôle, quand tous seraient prêts et que les fonds seraient débloqués.
Je suis désolée, je sais qu'il faut que cela se fasse, que les Premières nations ont besoin d'eau potable salubre. Je ne crois tout simplement pas que ce mécanisme nous donnera ce résultat.
Le sénateur Brazeau : Diriez-vous comme moi qu'essentiellement, c'est une question de réalité? Si certaines collectivités des Premières nations sont prêtes — et c'est pour cela que le projet de loi est habilitant —, alors il ne faudrait pas empêcher ces collectivités des Premières nations de progresser, de commencer à élaborer une réglementation et d'avancer.
Mme Phare : Je crois que ce n'est pas l'approche indiquée à notre époque, en termes de compétences des Premières nations — des Premières nations qui auraient des pouvoirs variables en vertu de la loi, relativement aux droits à l'eau qui sont des droits issus de traités. Je crois qu'il n'est tout simplement plus acceptable, sur les plans politique et juridique, de demander aux Premières nations de gérer l'eau potable par règlement en vertu d'une loi fédérale.
C'est ce qu'a dit la Cour suprême, que pour vivre ensemble il faut négocier des solutions fondées sur les pouvoirs qu'exercent les Premières nations en vertu des traités, des ententes d'autonomie gouvernementale et du reste.
Le sénateur Brazeau : Cela dit, tous les autres Canadiens sont assujettis à une réglementation dans leurs provinces respectives, pourquoi les Premières nations ne devraient-elles pas être assujetties à une réglementation elles aussi?
Mme Phare : Elles le devraient; elles devraient simplement participer à l'élaboration des lois, parce qu'elles ont des droits spéciaux protégés par la Constitution. Elles ont le droit de participer à l'élaboration de la loi; c'est la différence. Toutefois, je reconnais qu'en matière d'eau potable, tous les Canadiens devraient être assujettis à des normes réalistes qui les protègent.
Le sénateur Campbell : On semble vouloir absolument présenter le projet de loi comme une question de bien-être et de sécurité humaine. J'ai pourtant l'impression que le projet de loi n'a rien à voir avec la sécurité; il n'y a rien dans ce projet de loi qui changera quoi que ce soit. Est-ce que j'ai raison?
Mme Phare : Selon moi, oui.
Le sénateur Campbell : Ce n'est pas une question de sécurité.
Deuxièmement, il n'y a pas de réglementation au Canada pour l'eau potable; c'est bien vrai?
Mme Phare : Oui, au niveau fédéral.
Le sénateur Campbell : Uniquement des lignes directrices.
Mme Phare : Oui.
Le sénateur Campbell : Il n'y a pas de réglementation, il n'y a pas de règlement. De fait, ce projet de loi devrait s'appliquer à tous les Canadiens — avec des négociations, la reconnaissance de la Charte et des droits issus de traités; nous devrions avoir une loi pour tous.
Je vis sur une île. J'ai un puits. Je n'en ai jamais testé l'eau. Je n'ai aucune idée de ce que je bois. En fait, je le sais, mais ça ne vient pas du puits. Nous n'allons pas nous étendre là-dessus.
C'est ce que je dis. Il n'y a pas de lignes directrices, un point c'est tout. Alors pourquoi devrions-nous imposer cela à des gens que nous n'avons pas consultés? Est-ce que j'ai raison?
M. Leonard : Je conseille l'Assemblée des chefs depuis quatre ans dans ce dossier, je veux répondre brièvement à certains des points soulevés par le sénateur Brazeau.
J'ignore combien de fois vous pouvez demander à quelqu'un de vous lire ce qu'il vous a présenté. Nous avons quatre années de résolutions et de lettres adressées au ministre des Affaires indiennes et au premier ministre par les chefs de l'Alberta, qui disent qu'il y a un écart, que nous savons qu'il faut le combler, que nous le voulons et que nous voulons collaborer, être partenaires, pour trouver des solutions.
Ce ne sont pas des consultations pour le plaisir de voyager, de dormir dans des hôtels payés, comme vous l'avez dit à la radio à Edmonton, le 17 février dernier. Ce sont des consultations pour que les collectivités et les habitants qui gèrent l'eau, les gens qui ont effectué l'analyse d'impact par exemple, soient entendus de telle sorte que quand vous produisez un projet de loi, vous fassiez quelque chose qui se tient.
Le président : Je n'autorise pas de réfutation, sénateur Brazeau. Vous commenterez avec le prochain groupe.
Notre deuxième groupe est composé de quatre organisations. Nous accueillons Verna Polson, directrice de la Nation algonquine, Femmes autochtones du Québec Inc.; William K. Montour, chef, Territoire des Six Nations de la rivière Grand; Dayle W. Bomberry, administrateur principal, Territoire des Six Nations de la rivière Grand; Joseph Jobin, directeur, Moyens de subsistance, Premières nations du Traité no 8 en Alberta; Bill Erasmus, chef national, Nation dénée.
Verna Polson, directrice de la Nation algonquine, Femmes autochtones du Québec Inc. : C'est la première fois que je comparais.
Le président : Ne vous en faites pas. Nous ne vous jugeons pas. Nous sommes venus vous écouter.
Mme Polson : D'accord. Bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames et messieurs membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Merci de m'avoir invitée aujourd'hui à traiter de l'importante question de la salubrité de l'eau potable des Premières nations.
Cette question de santé m'est très chère, car nous avons de graves problèmes de salubrité de l'eau dans de nombreuses collectivités algonquines. L'intensification de l'activité économique sur nos terres, c'est-à-dire l'exploitation minière et les forages, a un effet négatif sur les rivières et les lacs d'où nous tirons notre eau potable. Nous nous demandons ce qu'il y a dans notre eau.
Pour cette raison, ma sœur, Cathy Polson, qui est dans l'assistance aujourd'hui, et moi-même avons décidé d'organiser une marche pour sensibiliser les gens à la nécessité de préserver l'eau potable. Nous avons appelé cette manifestation, la Algonquin Mother Earth Water Walk, une marche de l'eau pour la Terre mère. Cette marche aura lieu au printemps, du 1er au 8 mai, dans neuf collectivités algonquines. Nous demandons le plus d'appui possible, car la manifestation est essentielle pour sensibiliser toutes les collectivités algonquines à cette importante question et pour les consulter. Les femmes autochtones sont les gardiennes de l'eau, et nous devons lutter non seulement pour préserver le droit de notre génération à l'eau propre, mais aussi pour préserver une source abondante et continue d'eau pour les générations futures.
Nous avons choisi le nom de la manifestation, la Algonquin Mother Earth Water Walk, pour évoquer la nécessité de guérir la mère nature au moyen de ses eaux. L'eau propre est l'élément fondamental de la vie. Nous devons collaborer non seulement avec les Autochtones, mais aussi avec tous les citoyens pour apporter de petits changements qui finiront par profondément modifier notre relation avec la Terre mère. L'accès à une eau salubre est un droit humain fondamental pour tous ceux qui vivent au Canada, y compris les Autochtones, et il devrait être reconnu comme tel.
Le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières nations, est un petit pas dans la bonne direction pour combler le vide législatif actuel sur nos terres. Dans le projet de loi S-11, toutefois, le gouvernement fédéral a désigné l'option législative d'incorporation par renvoi comme unique option pour les collectivités autochtones. Cela signifie que les lois provinciales existantes qui régissent l'alimentation en eau potable et l'élimination des eaux usées s'appliqueraient maintenant aux Premières nations. D'après nombre d'organisations autochtones, y compris Femmes Autochtones du Québec Inc., l'incorporation par renvoi ne ferait qu'amplifier les problèmes et risque même d'en créer d'autres, car la majorité des collectivités autochtones ne sont pas équipées ni formées, à l'heure actuelle, pour assumer la responsabilité de l'eau et du traitement des eaux usées.
Femmes Autochtones du Québec Inc. croit que la gestion et la protection de l'eau devraient relever des collectivités autochtones.
Je suis désolée, mais je ne peux pas continuer.
Le président : Arrêtez-vous un instant, je vais passer au chef Montour.
William K. Montour, chef, Territoire des Six Nations de la rivière Grand, Conseil des Six Nations :
[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Bonsoir, honorables sénateurs. En mohawk, je vous ai dit : « Bonjour, et je respecte la grande paix entre nous. »
Comme vous le savez, je suis le chef élu des Six Nations de la rivière Grand. Je remercie le comité de bien vouloir nous rencontrer aujourd'hui parce qu'il est important que nous vous disions clairement que le projet de loi proposé est inacceptable et devrait être retiré.
Premièrement, le Conseil des Six Nations possède actuellement 16 kilomètres de conduites d'eau, surtout au village d'Ohsweken, où vivent seulement 9 p. 100 des membres de notre collectivité. Donc, la majorité des habitants des Six Nations tire son eau de puits creusés ou forés et de citernes.
En 2004, AINC et le Conseil des Six Nations ont réalisé une étude géologique qui indiquait que l'eau de 97 p. 100 des puits testés était non potable. Compte tenu des limites actuelles de notre usine de traitement, nous ne pouvons plus agrandir notre collectivité et ajouter des habitations, des institutions, des commerces ni des industries.
Aujourd'hui, les Six Nations n'ont pas de protection incendie pleine et entière. En cas d'incendie au village, si notre service de pompiers bénévoles devait se raccorder à une borne-fontaine, il viderait en trois heures notre réservoir d'eau surélevé et la collectivité n'aurait plus d'eau. Par ailleurs, si cela devait se produire, il faudrait à notre usine de traitement une semaine, sinon plus, pour produire assez d'eau pour recommencer à alimenter la population en eau potable. Autrement dit, honorables sénateurs, notre usine actuelle ne produit que 66 p. 100 de sa capacité nominale d'eau potable — 460 p. 100 de moins que ce qui est nécessaire à la protection incendie — et elle tourne à 400 p. 100 au- delà des normes d'exploitation normale. Elle fonctionne en permanence, jour et nuit.
Les Six Nations demandent au bureau régional d'AINC en Ontario de commencer la construction d'une nouvelle usine de traitement pour quintupler notre production actuelle dans les pires conditions d'eau. La rivière Grand est l'une des pires rivières d'Amérique du Nord pour produire de l'eau potable. Ce projet devrait ramener la production continue à un rythme normal, soit de quatre à six heures par jour, et permettre d'assurer à notre collectivité une protection incendie adéquate.
La nouvelle usine proposée permettra aux Six Nations de dépasser les normes les plus strictes d'Amérique du Nord. Aux fins de planification, notre usine est conçue pour nous permettre d'ajouter des unités de traitement sans qu'il soit nécessaire de réaliser d'importants travaux de rénovation. Nous remercions notre député local, M. Phil McColeman, de l'aide qu'il nous a fournie pour arriver au point où nous en sommes.
Nous espérons produire une eau potable de qualité dans 18 mois, mais nous avons des difficultés avec la bureaucratie régionale, qui freine nos progrès.
Une nouvelle usine, c'est excellent pour le village d'Ohsweken, mais la majorité des habitants n'a toujours pas d'eau potable. Un avis d'ébullition est en vigueur sur le territoire des Six Nations depuis plusieurs années. D'après l'étude hydrogéologique de 2004, l'eau de 97 p. 100 des puits testés n'était pas propre à la consommation, et la question est encore en suspens au ministère. En 2004, avec l'étude hydrogéologique, AINC a commandé une étude afin de définir les options en ce qui concerne l'eau potable des Six Nations. Il y avait un éventail d'options, depuis l'affectation annuelle de 5 à 6 millions de dollars pour fournir de l'eau embouteillée jusqu'à la construction d'une nouvelle usine et à l'installation de conduites d'eau sur tout le territoire, au coût estimatif de 150 à 170 millions de dollars. Vous pouvez voir quel rôle important cette nouvelle ressource jouera. Nous aurons des installations perfectionnées qui combleront pendant des années les besoins des membres de la collectivité des Six Nations.
En 2006, AINC a créé le Groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations. Ce groupe s'est rendu partout au Canada pour recueillir des témoignages verbaux et écrits au sujet du projet de dispositions législatives et de règlements sur l'eau. Les Six Nations de la rivière Grand ont comparu à Toronto, en Ontario, avec diverses autres Premières nations. Nous ne nous sommes pas opposés à une réglementation qui garantirait une eau potable salubre aux collectivités des Premières nations et nous n'y sommes toujours pas opposés. Qu'on me comprenne bien : Nous ne sommes pas contre la réglementation ni contre les normes. Nous protestons parce que nous n'avons pas d'installations pour produire de l'eau potable dans ce contexte.
Les Six Nations s'opposent à l'approche paternaliste adoptée par AINC pour mettre en œuvre la loi proposée au gouvernement fédéral sans d'abord faire en sorte que les exploitants des systèmes d'alimentation en eau des Premières nations aient les ressources financières et la formation nécessaires pour se conformer à cette nouvelle loi, avec des usines capables de respecter les normes dont j'ai parlé.
Le groupe d'experts a bien dit qu'AINC devait d'abord doter les Premières nations de la capacité voulue — c'est-à- dire l'équipement et les ressources humaines — avant de mettre en place un quelconque régime de réglementation. L'adoption de ce projet de loi ne permettra pas comme par magie aux usines de traitement de l'eau des Premières nations de commencer à produire une eau potable salubre.
En outre, le groupe d'experts a déclaré « qu'il ne serait pas crédible de mettre un régime de réglementation en place sans avoir les capacités adéquates pour répondre aux exigences du régime. » Non seulement il faut du temps pour créer et faire respecter un régime de réglementation, mais encore le groupe a également conclu que l'attention et l'argent investis seraient plus utiles « dans les réseaux, les opérateurs, la gestion et la gouvernance. » Les membres du groupe ont par ailleurs déclaré qu'un financement supplémentaire qui ne couvrirait que les coûts du régime de réglementation maintiendrait l'écart en matière de ressources. Honorables sénateurs, vous savez bien que depuis 1996 les Premières nations vivent avec un plafond du financement de 2 p. 100. Le gouvernement doit écouter son propre groupe d'experts : pas de réglementation sans ressources adéquates.
Nous croyons que l'obligation de consulter n'a pas été respectée. Cela n'est pas facultatif. La Cour suprême a clairement établi qu'il existe une obligation quand des droits ancestraux ou issus de traités sont en jeu. L'eau est un élément fondamental et fait partie intégrante de nos droits ancestraux inhérents. Récemment, le Canada a publiquement appuyé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui reconnaît cette obligation. Je vous lis l'article 32, paragraphe 2 :
Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d'obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.
Nous demandons donc au Canada de tenir parole, de respecter la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et d'obtenir le consentement libre et éclairé des peuples autochtones avant d'adopter cette loi.
L'aspect le plus détestable du projet de loi est celui de la responsabilité. Ce projet de loi dégage Sa Majesté de toute responsabilité en cas de catastrophe, mais il ne prévoit pas même les ressources nécessaires pour que les Premières nations puissent construire en fonction des normes qui leur sont imposées. Cela est inacceptable; cela va à l'encontre de la justice naturelle. La relation fiduciaire et les obligations de la Couronne doivent être maintenues jusqu'à ce que les Premières nations acceptent un autre régime, y compris pour le transfert de responsabilités.
Le paragraphe 6(2) du projet de loi stipule :
[...] la présente loi et les règlements l'emportent [...] sur tout accord sur des revendications territoriales ou tout accord sur l'autonomie gouvernementale auquel un groupe autochtone [...] est partie [...].
Le paragraphe 4(1) prévoit le rapport entre les règlements et les droits ancestraux ou issus de traités visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
C'est tout simplement incroyable. Le projet de loi propose que des règlements puissent abroger ou ignorer des droits ancestraux ou issus de traités qui sont reconnus et protégés par la Constitution du Canada. Cela rendrait la loi sans effet, et c'est une bonne raison de retirer le projet de loi. Nous recommandons que ce projet de loi soit retiré, car il contrevient à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Permettez-moi de formuler quelques recommandations. Premièrement, le projet de loi S-11 devrait être mis de côté en attendant qu'une consultation détaillée ait été réalisée auprès des titulaires de droits, les Premières nations du Canada, pour obtenir leur consentement libre et éclairé. Deuxièmement, fournissez des capitaux et des ressources pour l'infrastructure, afin que les usines de traitement de l'eau des Premières nations puissent respecter les normes conformément à l'obligation fiduciaire de la Couronne avant l'entrée en vigueur de la loi. Nous attendons le rapport final qu'AINC a commandé à Neegan Burnside sur les besoins d'immobilisations des Premières nations. Nous recommandons au gouvernement fédéral de mettre en œuvre les recommandations du groupe d'experts, y compris l'établissement d'une commission sur l'eau des Premières nations. Quatrièmement, nous recommandons au Canada d'adhérer à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones puisqu'il lui a déjà accordé publiquement son appui national. Cinquièmement, nous recommandons au Canada de ne pas adopter de loi touchant les Premières nations qui ne respecterait pas pleinement l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de retirer le projet de loi jusqu'à ce qu'il reconnaisse les droits ancestraux et issus de traités des Premières nations.
Si ce projet de loi est adopté, nous croyons que cela devient une question de droits de la personne non seulement pour le gouvernement du Canada, mais aussi pour les gouvernements des Premières nations du pays. En juin, la Loi sur les droits de la personne entrera en vigueur. Si quelqu'un nous dit : « Les citoyens de la Première nation voisine ont de l'eau et nous n'en avons pas, je vous poursuis devant le tribunal des droits de la personne », où le gouvernement des Six Nations trouvera-t-il les ressources nécessaires pour se défendre? Selon moi, c'est une arme à deux tranchants. Je vous remercie de nous avoir écoutés aujourd'hui.
Joseph Jobin, directeur, Moyens de subsistance, Premières nations du Traité no 8 en Alberta : Je suis honoré de pouvoir comparaître aujourd'hui. Au nom du grand chef Arthur Noskey, qui a malheureusement été rappelé dans sa Première nation, je vous salue au nom des Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta.
Le 21 juin 1899, les Indiens d'Amérique du Nord et la Reine d'Angleterre signaient le Traité no 8. Les signataires du Traité no 8 ont convenu de ses conditions pour des raisons de paix et d'amitié, pour créer ce qu'ils croyaient être un partenariat. Le Traité no 8 était le plus vaste des traités, il visait un territoire d'environ 840 000 kilomètres sur lequel vivaient 39 collectivités des Premières nations, dans ce qui forme maintenant le Nord de l'Alberta, le Nord-Ouest de la Saskatchewan, le Nord-Est de la Colombie-Britannique et la partie Sud des Territoires du Nord-Ouest.
Nos citoyens considèrent le Traité no 8 comme un pacte sacré conclu pour vivre en paix et partager l'utilisation des terres et ressources autochtones avec les étrangers sur nos terres. Dans la relation établie par traité, la Couronne acceptait que les Autochtones du Traité no 8 conservent leur mode de vie. Le droit inhérent à la gouvernance comprend le droit pour les Premières nations de prendre des décisions concernant la gouvernance des Premières nations. Cela englobe l'allocation et l'utilisation des ressources hydriques liées à notre mode de vie et à nos occupations usuelles dans la zone visée par le traité.
Je veux aujourd'hui vous présenter l'opinion des nations du Traité no 8 de l'Alberta et appuyer la position de l'Assemblée des chefs des Premières nations signataires d'un traité, qui a été présentée au comité sénatorial le 15 février 2011 par le chef Cameron Alexis.
Le comité doit savoir que les Premières nations de l'Alberta et les représentants du ministre des Affaires indiennes participent actuellement, sous toutes réserves, à des négociations au sujet d'éventuels amendements du projet de loi S- 11. Nous sommes relativement optimistes, mais il reste de nombreuses questions en suspens. Je suis ici pour parler de la version du projet de loi S-11 que vous avez sous les yeux.
Les Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta ont toujours été disposées à travailler avec le ministre des Affaires indiennes dans les dossiers qui intéressent leurs membres. Les dirigeants de notre Première nation veulent que nos Premières nations aient accès à une eau potable salubre, c'est un droit humain fondamental et une façon d'exercer nos droits issus de traités.
Les chefs du Traité no 8 de l'Alberta reconnaissent la nécessité de combler la carence de réglementation et ils appuieraient donc une loi qui respecterait notre droit de jouer un rôle bien défini et central dans la réglementation de l'eau dans nos collectivités, de façon pratique, pour améliorer l'eau potable des Premières nations et qui respecterait nos droits ancestraux et issus de traités. Nous serions disposés à appuyer une loi élaborée en consultation véritable et en collaboration avec les Premières nations.
Ce projet de loi crée un choix illusoire pour les Premières nations. Il nous demande d'accepter une éventuelle érosion de nos droits constitutionnels pour avoir accès à une eau potable salubre. Essentiellement, le Canada dit aux Premières nations qu'il leur donnera de l'eau propre si elles acceptent que le gouvernement fédéral puisse limiter les droits que la Constitution leur garantit.
Ce projet de loi est un chèque en blanc. Il ne précise pas comment le Canada assurera la salubrité de l'eau potable des Premières nations. Le Canada n'a pas présenté de plan défini de ce qu'il fera aux termes de la loi, comment il le fera, comment il le financera — s'il le finance — et qui sera l'organisme de réglementation. Il est si vaste et si peu détaillé qu'il permet au Canada de faire tout ce qu'il veut quand il le veut et avec qui il veut, sans égard pour les droits et les intérêts des Premières nations.
Le projet de loi S-11 ne doit pas être un mécanisme grâce auquel le Canada aiderait l'Alberta à s'approprier les ressources en eau de nos terres de réserve. Le projet de loi minerait alors l'esprit et l'intention du traité. Autoriser cela entraînerait des empiètements considérables de tous les traités, de tous les droits ancestraux et coutumiers que les Premières nations peuvent avoir relativement à l'eau.
Nous avons à maintes reprises exprimé la crainte que l'incorporation des lois provinciales par renvoi ne mène à l'assujettissement des Premières nations aux lois provinciales sur l'allocation et les permis d'eau. Les Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta veulent que le projet de loi fasse l'objet d'importants amendements pour qu'il ne puisse pas servir à appliquer les lois provinciales sur l'allocation de l'eau aux ressources en eau des réserves des Premières nations. En outre, nous doutons fort que le projet de loi S-11 puisse créer un régime de réglementation efficace pour l'eau potable des Premières nations en Alberta.
En Alberta, la loi provinciale a été définie sans aucune collaboration de la part des Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta, et le régime de réglementation ne tient pas compte de la situation concrète pour ce qui est de l'alimentation en eau potable salubre et des autres problèmes d'eau dans le Nord de l'Alberta.
La simple imposition de nouvelles normes réglementaires n'assurera pas la salubrité de l'eau potable dans les collectivités autochtones du Nord. AINC, qui a des exigences de déclaration très strictes, sait parfaitement que les Premières nations n'ont pas les ressources voulues pour exploiter et entretenir leurs systèmes d'alimentation en eau en fonction des normes réglementaires provinciales.
Qu'est-ce que le Canada projette de faire pour combler à la fois le manque de ressources et les carences de réglementation? Nous l'ignorons et, apparemment, le Canada aussi.
Les Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta veulent que le projet de loi S-11 soit plus clair au sujet de la protection qu'il offre aux sources d'eau des réserves des Premières nations. Pour vraiment protéger efficacement les sources, il faut adopter un régime de réglementation qui prévoit une protection contre les effets concrets des causes de pollution hors réserve qui influent sur la qualité de l'eau disponible dans la réserve. Le projet de loi S-11 ne traite pas des problèmes de salubrité de l'eau potable pour les Premières nations qui vivent en aval de projets de développement industriel.
Les Premières nations du Traité no 8 habitent des régions qui sont actuellement assiégées par les grands projets industriels. Ces projets utilisent d'énormes quantités d'eau. Les systèmes de réglementation provinciaux existants ne visent pas à offrir ne serait-ce qu'un minimum de protection des sources d'eau des réserves des Premières nations contre la contamination en amont.
Le Canada veut limiter aux terres des Premières nations l'application des règlements élaborés en vertu du projet de loi, mais il ne fait rien pour régler les problèmes d'eau en aval.
Les Premières nations de l'Alberta considèrent que le projet de loi S-11 érode leurs droits issus de traités et leurs droits inhérents à l'autonomie gouvernementale, particulièrement en ce qui a trait aux eaux sur nos terres de réserve.
L'article 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones stipule que :
Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d'obtenir leur consentement préalable donné librement et en connaissance de cause.
Nous avons notre propre politique en matière de consultation. Avec votre autorisation, je vous remets la déclaration de principes des Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta sur la consultation.
Ce document a été transmis au gouvernement du Canada par l'entremise du premier ministre et du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui n'y ont pas répondu. Nous demandons à votre comité d'honorer notre relation et d'exiger une réponse du gouvernement du Canada.
Nous sommes très inquiets que le projet de loi ne contienne pas de clause de non-dérogation et s'appuie sur l'hypothèse que les Premières nations n'ont pas le droit d'intervenir valablement dans la gouvernance de l'eau sur leurs terres et dans leurs collectivités, contrairement à ce qu'affirme la déclaration des Nations Unies dans son préambule :
Consciente également de la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits des peuples autochtones affirmés dans les traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec les États.
Le Traité no 8 valide le droit à l'autonomie gouvernementale des Premières nations signataires de notre traité. Les Premières nations du Traité no 8 veulent donc que le projet de loi soit amendé de façon à contenir une solide clause de non-dérogation, et nous voulons collaborer avec le Canada pour définir d'autres amendements fondamentaux du projet de loi pour donner aux Premières nations un rôle dynamique et véritable.
Comme nous l'avons dit dans notre déclaration préliminaire, les chefs du Traité no 8 de l'Alberta reconnaissent la nécessité de combler le vide réglementaire et ils appuieraient une loi élaborée en collaboration avec les Premières nations. Nous appuierions une loi qui respecte notre droit de jouer un rôle clair et central dans la réglementation de l'eau dans nos collectivités, une loi qui offrirait des possibilités concrètes d'améliorer l'eau potable pour les Premières nations et qui respecterait nos droits ancestraux et issus de traités.
Honorables sénateurs, si le projet de loi S-11 n'est pas considérablement modifié, les Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta ne peuvent pas l'appuyer. De fait, nous nous y opposerons carrément. Il est honteux qu'Affaires indiennes ait négligé cette occasion de collaborer avec nous pour vraiment progresser dans ce dossier vital.
Nous vous demandons de revoir le projet de loi qui a été déposé. Dans votre rapport antérieur, intitulé L'approvisionnement en eau potable sécuritaire pour les Premières nations, vous recommandiez qu'Affaires indiennes mène de vastes consultations auprès des collectivités et des organisations des Premières nations au sujet des options législatives. Vos recommandations comprennent celles que le Groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable a formulées dans son rapport et celles de l'Assemblée des Premières Nations au sujet de l'élaboration d'une loi en collaboration.
Une séance d'engagement d'une journée ne peut vraiment pas être considérée comme une vaste consultation. Personne n'a répondu à l'analyse d'impact préparée par les Premières nations de l'Alberta. Le Canada n'a pas consulté les Premières nations de l'Alberta au sujet des options législatives. Nous demandons au comité de tenir compte des amendements que nous proposons d'apporter au projet de loi dans notre mémoire et nous vous demandons d'examiner soigneusement l'analyse d'impact de l'Assemblée des chefs des Premières nations signataires d'un traité, dont le Canada n'a pas tenu compte pour l'élaboration du projet de loi S-11.
Bill Erasmus, chef national, Nation dénée : Honorables sénateurs, merci de nous donner l'occasion aujourd'hui d'exposer notre point de vue sur le projet de loi S-11. Nous vous présentons une version abrégée de notre mémoire, mais nous remettrons au comité la version intégrale de l'exposé, aux fins de consultation. Je vais d'abord vous expliquer l'effet qu'aurait cette loi dans notre région. Pour le compte rendu, je précise que je suis venu en compagnie de Daniel T'seleie, qui est lui aussi membre de la Nation dénée.
Sur la scène internationale, le Canada négocie avec l'Union européenne un accord de libre-échange qui englobera l'eau. Nous voyons les effets du changement climatique, les incidences régionales de l'exploitation des sables bitumineux, et nous sommes conscients des préoccupations du Canada en ce qui concerne la souveraineté dans l'Arctique.
Sur le plan régional, n'oubliez pas que nous sommes dans le bassin hydrographique du Mackenzie, avec des eaux qui viennent du Yukon, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan. Nous nous trouvons en aval, et tout passe par chez nous.
On ne peut pas simplement dire que cette loi garantit la salubrité de l'eau potable pour les Premières nations dans la région. Comment le Canada a-t-il l'intention de réglementer les utilisateurs en amont pour protéger notre eau potable?
Le processus de transfert dans lequel se sont engagés le gouvernement du Canada et celui des Territoires du Nord- Ouest est un autre facteur particulier à la région. C'est important parce que cela touche directement la réglementation de l'eau, y compris des changements sensibles du régime de réglementation dans les territoires.
Le 26 janvier 2011, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et celui du Canada, représenté par AINC, ont signé une entente de principe sur le transfert de responsabilités. On s'attend à ce qu'une entente sur le transfert de responsabilités soit conclue d'ici janvier 2012. Dans le cadre de ce transfert, l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest obtiendra de nouveaux pouvoirs législatifs, semblables à ceux des provinces, y compris dans le domaine de la gestion de l'eau. À l'article 5.3, qui porte sur l'eau, l'entente de principe prévoit que le transfert sera sans effet sur les droits et intérêts existants.
Toutefois, nombre des droits à l'eau des Autochtones des Territoires du Nord-Ouest ne seront pas reconnus en janvier 2012, quand l'entente de transfert proposée entrera en vigueur. Le projet de loi S-11 risque d'aggraver la situation. En effet, les Autochtones des Territoires du Nord-Ouest ne seront pas nécessairement consultés au sujet de l'instauration de l'entente de transfert proposée, et tout règlement établi en vertu de cette entente pourrait, aux termes du projet de loi S-11, s'appliquer aux Premières nations. De fait, nous sommes si inquiets de cette entente de principe que nous avons tenu une réunion d'urgence des dirigeants dénés la semaine dernière, du 23 au 25 février, pour examiner cette entente éventuelle. Au cours de cette réunion, nous avons adopté une motion en vue d'intenter des poursuites au sujet de l'entente de principe et d'élaborer un cadre qui guiderait la négociation de l'entente sur le transfert de responsabilités et le partage des revenus des ressources. Cette motion est jointe à notre document, elle figure à l'annexe 8.
Nous voulons soulever un point important au sujet de l'entente de transfert de responsabilités qui est proposée. En acceptant ce processus, le gouvernement du Canada indique effectivement qu'il considère avoir indéniablement compétence sur l'eau. Monsieur le président, tel n'est pas le cas. Notre peuple ne croit pas que le gouvernement fédéral ait une compétence exclusive en matière d'eau dans les Territoires du Nord-Ouest, parce que les droits et compétences des Premières nations n'ont jamais été abolis. La décision du juge Morrow dans l'affaire Paulette, en 1973, a eu une incidence considérable sur notre position politique et juridique. Elle concluait que les traités nos 8 et 11 étaient des traités de paix et d'amitié, et que nous avions encore un intérêt dans la terre. Cette décision a entraîné l'adoption d'une politique nationale sur les revendications territoriales, et nous siégeons depuis en permanence à la table des négociations. Notre compétence sur les terres et les eaux doit être reconnue et respectée. Notre droit à l'autodétermination comprend l'autonomie gouvernementale. Cette loi, évidemment, ne respecte ni n'accommode ce droit.
Si les Premières nations participaient à titre de partenaires à l'élaboration de la loi sur la salubrité de l'eau pour nos collectivités, les choses seraient entièrement différentes. Le projet de loi S-11 nous inspire cinq grandes inquiétudes, qui ont trait aux ressources, à la constitutionnalité, à la consultation, aux effets sur l'autonomie gouvernementale et sur les ententes de revendications territoriales et, cinquièmement, à l'approche de droit coutumier en matière de gestion et de réglementation de l'eau.
Avant nous, des témoins ont abondamment traité des trois premières questions, soit les ressources, la constitutionnalité et la consultation. Je ne vais donc pas m'y attarder. J'ai exposé mon point de vue sur ces questions dans le mémoire. Je commenterai rapidement la question de la consultation, puis je traiterai des deux autres questions, soit l'autonomie gouvernementale et les ententes de revendications territoriales ainsi que le droit coutumier.
Pour ce qui est d'une consultation appropriée au sujet du projet de loi et des règlements éventuels, la Couronne n'a pas respecté les lois relatives à la consultation et à l'accommodement avant de rédiger et de déposer le projet de loi. Le gouvernement a parlé de séances d'engagement dans l'ensemble du Canada. La séance d'engagement de 2009 qui a été organisée dans une seule des 30 collectivités des Territoires du Nord-Ouest a réuni deux Premières nations participantes, deux représentants des territoires et six représentants fédéraux.
Monsieur le président, est-ce que cela peut être considéré comme une consultation appropriée au sujet de ce projet de loi? La consultation doit être menée avant que le gouvernement pose des gestes ou prenne des décisions qui pourraient se répercuter sur les droits issus de traités. Cela doit se faire au début, pas à la fin.
Pour le quatrième point, les effets possibles du projet de loi sur les ententes sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales, il est précisé au paragraphe 6(1) du projet de loi que les règlements l'emportent sur les textes législatifs ou administratifs des Premières nations. Cela semble contraire à la notion d'inclusion du droit coutumier dans les règlements créés aux termes de la loi. Deuxièmement, le paragraphe 6(2) indique que la loi sera d'application facultative pour les Premières nations qui ont conclu des ententes sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales. Toutefois, il n'est pas question de la façon dont ce processus d'adhésion se déroulera.
Cela pourrait créer des difficultés particulières pour les groupes de ma région. En vertu de l'entente, par exemple, le gouvernement provincial exerce dans ma région des pouvoirs particuliers en matière de gestion et de réglementation des terres et des eaux, y compris l'obligation de tenir des consultations sur la gestion du bassin hydrographique. C'est une bien meilleure solution que ce que propose le projet de loi S-11, en vertu duquel, si un règlement est incorporé par renvoi, les Premières nations devront l'adopter et en intégrer les modifications de temps à autre, peut-être sans qu'il ait été nécessaire de les consulter. Prenez le paragraphe 4(3) du projet de loi.
Que se passe-t-il pour les Premières nations qui en sont encore à l'étape des négociations? Elles sont confrontées à un barrage de lois et de décisions juridiques fondées sur la préséance d'autres accords existants. Elles font face à des lois qui pourraient être élaborées en vertu de l'entente de transfert de responsabilités proposée, avec ou sans leur participation. Les règlements proposés aux termes du projet de loi pourraient l'emporter sur toute loi existante des Premières nations dans le domaine de l'eau. Le projet de loi S-11 suggère au gouvernement fédéral et au gouvernement territorial d'adopter à la table des négociations une position qui pourrait nuire au maintien des lois coutumières concernant l'eau et la terre.
L'Office des terres et des eaux du Sahtu nous offre un autre exemple de la façon dont les Premières nations gouvernent et exercent leurs compétences dans les Territoires du Nord-Ouest. La zone visée par la revendication du Sahtu est de 280 238 kilomètres carrés, y compris le Grand lac de l'Ours. Il y a cinq collectivités dans la région : Colville Lake, Fort Good Hope, Tulita, Deline et Norman Wells. L'Office des terres et des eaux du Sahtu est l'autorité régionale qui délivre les permis d'utilisation des terres et des eaux. L'Office des terres et des eaux du Sahtu est l'un des six offices d'administration publique établis en vertu de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Ces offices forment un système intégré et coordonné pour la gestion des terres et des eaux dans la vallée du Mackenzie.
Il y a aussi l'exemple de l'Office des terres et des eaux des Gwich'in. Il s'agit d'un organisme de réglementation établi aux termes de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in et qui a pris effet en vertu de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie pour offrir un système global et coordonné de gestion des terres dans la vallée du Mackenzie. La loi autorise l'office à réglementer l'utilisation des terres et des eaux et pour ce faire à délivrer, à modifier, à renouveler et à suspendre des permis d'utilisation des terres et des eaux dans la zone visée par le règlement des Gwich'in, qui comprend toutes les terres de la Couronne et des Gwich'in ainsi que des terres privées.
La cinquième et dernière question dont je veux parler ce soir est l'habilitation des Premières nations pour élaborer leurs propres systèmes de gestion de l'eau, y compris des règlements appropriés fondés sur la loi dénée et qui reflètent les droits ancestraux et issus des Traités nos 8 et 11 et des ententes modernes de revendications territoriales.
Il nous faut reconnaître la compétence des Premières nations plutôt que d'abolir leurs droits. Nous, les Premières nations, nous pouvons mettre en œuvre les règlements coutumiers nécessaires pour assurer la salubrité de l'eau potable dans nos collectivités. Il existe des gouvernements des Premières nations. Nous pouvons collaborer avec le Canada à la rédaction de lois appropriées ou adopter une approche basée sur le droit coutumier plutôt que l'incorporation par renvoi.
Nous, les Premières nations, nous avons nos lois coutumières en matière de gestion de l'eau. Ces traditions juridiques existent depuis toujours et elles continueront d'exister. Elles comprennent non seulement des connaissances techniques et traditionnelles en matière de gestion de l'eau, mais aussi des aspects de nos lois, de nos valeurs et de nos pratiques culturelles et spirituelles qui sont indissociables de notre mode de vie. On peut bien essayer de catégoriser l'eau selon que c'est de l'eau potable ou de l'eau d'un autre type, mais cela ne change rien à la nature de l'eau; une partie de chacun d'entre nous est liée à chaque aspect de la vie sur terre. Nos lois coutumières intègrent une compréhension holistique de l'eau et de sa gestion en tenant compte des droits de la personne et des droits du monde naturel; les terres, les animaux, toutes les formes de vie.
Notre approche s'harmonise mieux avec ce que préconisent nombre d'organisations environnementales et de Canadiens engagés : adopter une approche prudente qui reconnaît une stratégie intégrale de gestion de l'eau. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît le droit à la sécurité alimentaire et le droit à la santé, entre autres, ce qui se rapporte directement à la façon dont nous choisissons de gérer l'eau, à nos modes de subsistance et à nos modes de vie autochtones.
Pour terminer, je veux rappeler que, en 2010, à l'Assemblée générale de l'ONU, le Canada s'est abstenu de voter pour faire de l'accès à l'eau propre et à l'assainissement un droit humain. Pourtant, le projet de loi S-11 prétend reconnaître le droit à l'eau propre des Premières nations du Canada. Parallèlement, le projet de loi l'emporterait sur des lois des Premières nations susceptibles de refléter les droits de la personne des Premières nations et les droits que leur garantit la Constitution au Canada.
Le Canada n'est pas en mesure d'abolir unilatéralement nos droits. Comment le Canada peut-il dire une chose et en faire une autre? Pourquoi les Canadiens et les Premières nations du pays devraient-ils accepter ce comportement? La Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones précise à l'article 7 que nous sommes des peuples distincts. Pensez-y bien. Si vous acceptez les dispositions du projet de loi S-11, qu'est-ce qui se passera? Si vous levez la main et que vous dites « Ce sont vos droits », mais que vous autorisez ce projet de loi, où retombera votre main? Comment nos droits seront-ils pondérés différemment? Nous serions un peuple différent avec des droits différents si le projet de loi S- 11 était adopté.
Le président : Madame Polson, est-ce que vous voulez terminer votre intervention?
Mme Polson : Oui, merci.
Femmes Autochtones du Québec Inc. croit que la gestion et la protection de l'eau devraient en dernière analyse incomber aux collectivités autochtones lorsqu'elles auront la capacité, la formation et l'infrastructure voulues. Il importe de souligner qu'il faudra sans doute du temps pour mener à bien ce processus.
Pour cette raison, nous prions le comité sénatorial d'exiger du gouvernement du Canada qu'il respecte ses obligations fiduciaires envers les peuples autochtones en nous donnant les moyens d'élaborer notre propre système de gestion de l'eau, fondé sur un développement durable et sur les valeurs culturelles autochtones plutôt que sur un cadre de réglementation imposé unilatéralement et qui nous est étranger.
Le sénateur Dallaire : Chef Montour, vous avez parlé de droits de la personne. La communauté internationale a récemment signé et adopté une convention sur le droit humain à l'eau. Savez-vous que le Canada n'a pas signé cette convention? De fait, il a signé récemment la convention autochtone, avec des années de retard, mais il ne l'a pas intégrée à ses lois.
Le gouvernement a expliqué qu'il ne signerait pas parce qu'il ne voulait pas devoir fournir de l'eau à un pays comme les États-Unis si ceux-ci venaient à épuiser leurs réserves. Nous ne voulons pas signer une convention parce que nous nous inquiétons de devoir donner notre eau à un autre pays, pourtant nous ne semblons pas avoir reconnu le droit à une eau salubre pour les Autochtones qui étaient ici avant nous.
Pourriez-vous me dire si vous avez l'intention d'invoquer cette convention pour étayer votre position relativement au projet de loi S-11, qui contreviendrait au droit humain d'accès à une eau salubre?
M. Montour : Personnellement, je m'inquiète moi aussi de la possibilité que les États-Unis veuillent notre eau. Nous avons toujours eu ce problème. Ce dont je parle, c'est que si des normes sont établies sans qu'on prévoie l'équipement voulu pour les respecter, je crois que cela créera un fardeau indu pour les gouvernements des Premières nations. Avec la Loi canadienne sur les droits de la personne, suite à l'élimination de l'article 67, le Canada doit venir à la table et respecter sa loi sur les droits de la personne et fournir l'équipement voulu pour respecter la norme.
Je m'inquiète aussi pour les gouvernements des Premières nations. Après le mois de juin, cette année, quand la Loi canadienne sur les droits de la personne s'appliquera à nous, nous pourrions être ciblés par des membres de notre collectivité qui sont mécontents de nous. Dans notre cas, nous avons 16 kilomètres de canalisations, mais 200 kilomètres de route, et des gens qui vivent à proximité de cette route.
Le sénateur Dallaire : On a dit qu'une fois la loi adoptée, vous n'aurez pas les ressources nécessaires pour traiter des plaintes émanant de vos propres citoyens.
N'avez-vous jamais, et sans prétention, considéré tout cet argent que nous investissons dans nos villes et nos villages ici, dans le Sud, pour la salubrité de l'eau potable? Avez-vous regardé combien nous dépensons pour protéger notre eau potable, en comparaison de ce que nous investissons pour même essayer de vous alimenter en eau potable? Dans cette comparaison, est-ce que vous avez constaté une faiblesse — dans la mesure où il s'agit d'une faiblesse — en ce qui concerne les services que nous nous accordons et vos ressources? Est-ce que le gouvernement fédéral a la responsabilité de vous fournir cela?
M. Montour : Je vois les choses ainsi : j'ai travaillé aux Affaires indiennes pendant sept ans, de 1995 à 2002. Je me souviens qu'il y avait 600 millions de dollars pour l'alimentation en eau et le traitement des eaux usées, et je crois qu'il y avait 300 millions de plus, mais je suis convaincu que c'était une illusion. Une très petite partie de cet argent se rendait jusque dans les collectivités. Nous sommes dans cette situation aujourd'hui. Nous vivons au cœur de la région la plus développée du Canada, mais nous n'avons pas d'eau saine.
Je me souviens qu'enfant, j'étais impatient de rentrer chez moi pour boire notre eau. Quand j'étais jeune, les sources dans notre collectivité donnaient une eau pure. Les déchets industriels et agricoles, les eaux de ruissellement municipal et le ruissellement naturel ont complètement pollué notre nappe phréatique. De fait, en 1967, le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministre des Affaires indiennes, a négocié la concession de gypse avec la Compagnie du gypse du Canada, sous notre territoire. Cela a réduit nos terres de 4 000 acres environ. La nappe phréatique a disparu parce qu'elle était à seulement 90 pieds de profondeur et qu'elle traversait une zone de dolomite fracturée. Elle a été complètement drainée. Nous en souffrons depuis 1967.
M. Erasmus : C'est une excellente question, au sujet du financement. Le problème dans notre pays — et cela a été dit plus d'une fois ce soir et dans le cadre de vos audiences depuis quelque temps —, c'est que le Canada ne collabore pas sérieusement avec nous pour reconnaître notre compétence et nous permettre de l'exercer. J'irais même jusqu'à dire qu'il y a beaucoup d'argent dans notre pays. Il y en a plus qu'assez pour collaborer et établir un bon système. C'est la volonté politique qui fait défaut.
Le sénateur Dallaire : Est-ce que le projet de loi S-11 nous aidera?
M. Erasmus : Le projet de loi S-11 fait le contraire.
Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup.
Le sénateur Banks : Je remercie nos témoins d'être venus.
J'ai l'impression que les Premières nations qui ont signé des ententes sur l'autonomie gouvernementale peuvent choisir de ne pas être assujetties au projet de loi et donc à la dérogation de leurs droits et à l'assujettissement de leurs droits et aux dispositions de l'article 35, et cetera, en toute connaissance de cause. Autrement dit, les Premières nations qui ont signé des ententes sur l'autonomie gouvernementale peuvent demander d'être inscrites sur la liste prévue par le projet de loi, et elles sauraient donc, comme vous l'avez dit, que c'est un compromis. Nous sommes disposés à céder ces droits en échange de cela. Toutefois, d'autres Premières nations qui n'ont pas encore signé d'ententes sur l'autonomie gouvernementale n'ont pas cette option et elles seront ou pourraient être, selon le ministre, visées par les dispositions du projet de loi.
Est-ce que vous avez des commentaires? Corrigez-moi si je me trompe à ce sujet.
M. Erasmus : C'est une bonne question. Il n'y a pas de choix dans le libellé du projet de loi, cela n'est pas logique.
Le sénateur Banks : Dans la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, pourtant, vous aviez le choix. Je pose la question parce que la clause de dérogation, comme je l'ai appelée dans ce projet de loi — ce n'est pas une clause de non- dérogation; c'est une clause de dérogation — existe également dans la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, mais c'est un régime auquel les Premières nations ont le choix d'adhérer.
M. Erasmus : Pour ceux qui ont négocié des ententes sur des revendications territoriales dans ma région, où il y avait trois grands secteurs, il serait illogique d'adhérer à ce régime parce que leurs ententes sont fondées sur la reconnaissance de leur compétence. Ils ont conclu des ententes pour gérer et protéger leurs terres et leurs ressources, pas pour que le Canada y déroge, alors cela serait illogique.
M. Montour : Selon moi, la loi proposée incorpore par renvoi la loi provinciale, et c'est une autre incursion de la loi provinciale dans nos compétences. Nous n'avons pas d'entente sur l'autonomie gouvernementale. Nous n'en avons pas négocié. Lorsque cette loi sera adoptée, la loi ontarienne s'appliquera aux Six Nations de la rivière Grand, et cela nous déplaît.
Le sénateur Banks : Est-ce que vous avez le choix?
M. Montour : On va nous dire : « Vous êtes visés. »
Le sénateur Banks : Je veux faire un commentaire à l'intention de tous les témoins et de nous tous.
Le président : Si c'est au sujet du projet de loi, sénateur Banks.
Le sénateur Banks : Oui. Nous entendons beaucoup parler de l'eau considérée comme un droit de la personne. Cela est très dangereux. Nous voulons que tous les Canadiens aient droit à une eau potable salubre, mais si nous en faisons un droit humain, cela relève du domaine dont parlait le chef Montour. Si c'est un droit de la personne, alors les gens d'ailleurs auront aussi droit à notre eau, et nous avons tous travaillé très fort pour prévenir l'exportation de l'eau en vrac du Canada.
Tous ces efforts disparaissent si nous disons que l'eau est un droit de la personne; les gens du Missouri peuvent en toute légalité exiger notre eau. Nous devons être très prudents; pas au sujet des droits des Canadiens à une eau potable salubre, mais c'est une distinction à faire et cela comprend aussi les Premières nations. Nous devons être prudents lorsque nous soutenons que l'eau est un droit de la personne. C'est très dangereux.
Le sénateur Raine : Madame Polson, j'aimerais connaître l'opinion d'une femme autochtone qui s'intéresse au dossier de l'eau.
Dans votre collectivité, est-ce que les femmes ont l'occasion de suivre une formation de technicienne?
Mme Polson : Non.
Le sénateur Raine : Pensez-vous qu'il serait bon qu'elles le fassent, parce qu'elles vivent dans les collectivités? Je vois des cas où des jeunes suivent la formation de technicien de l'eau, puis ils acceptent des emplois dans d'autres municipalités, ils ne retournent pas chez eux avec leur accréditation.
Pensez-vous qu'il serait logique de chercher des gens qui vivent dans la collectivité et de leur donner la formation de technicien de l'eau?
Mme Polson : Ce serait une excellente idée si les femmes acceptaient cette responsabilité.
Le sénateur Raine : J'ai vu dans certaines réserves que les femmes retournaient à l'école après avoir élevé leur famille. Elles suivent une formation pour devenir enseignantes, particulièrement dans les langues autochtones. En effet, elles se tournent vers l'éducation. Je crois que c'est une excellente occasion pour les femmes de s'engager et je me demande si vous y avez déjà pensé.
Mme Polson : Pour tout dire, non, je n'y ai jamais pensé.
Le sénateur Raine : Maintenant vous pouvez le faire.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, je suis au Sénat depuis 1999 et je dois dire que j'ai eu l'honneur d'examiner bien des dispositions législatives qui visaient les Premières nations, et elles étaient toutes fort progressistes. Quand je suis arrivé, nous avons traité des Nisga'a, des institutions financières et des statistiques des Premières nations, de l'accord de Westbank, d'ententes sur des revendications particulières, puis de l'accord Tlicho. Toutes ces lois s'éloignent de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens, vous le savez, est une loi qui dit que le gouverneur en conseil, sur le conseil du ministre, doit faire les choses. Selon moi, ce projet de loi nous ramène à la Loi sur les Indiens.
Qu'en pensez-vous? Vous avez de l'expérience. Que pensez-vous d'une loi qui donne tous les pouvoirs au Cabinet fédéral et aux ministres pour prendre des règlements?
M. Montour : Si vous regardez la Loi sur les Indiens, elle a été adoptée en 1876 et elle s'appelait alors Acte de l'avancement des Sauvages. Ce n'est pas une question de droits à protéger. La Loi sur les Indiens vise à contrôler un segment de la société.
De nombreux éléments de la Loi sur les Indiens sont très archaïques. Cette loi ne convient plus à notre époque. Je considère qu'une loi comme le projet de loi S-11 constitue une modernisation de la Loi sur les Indiens. Je ne crois pas que la Loi sur les Indiens consacre nos traités. Je crois qu'elle les diminue en contrôlant qui nous sommes comme personnes, ce que nous pouvons faire, comment, quand et où. Je suis très inquiet que l'on envisage de moderniser une loi archaïque pour contrôler un segment de notre société.
M. Erasmus : La question que pose le sénateur Sibbeston est claire. Le projet de loi nous ramène loin en arrière. C'est un recul, selon nous. Je n'en dirai pas plus.
Je veux ajouter quelque chose au sujet du droit humain à l'eau. Je ne pense pas qu'il faille craindre de parler d'un droit de la personne, particulièrement dans notre pays. Lorsque nous parlons d'eau, nous parlons du titre, de la compétence, et cetera. Nos traités initiaux n'abolissaient pas notre droit à l'eau. Nous ne l'avons cédé à personne. Nous n'avons jamais été vaincus dans le dossier de l'eau, nous n'avons jamais été conquis. C'était des ententes de paix et d'amitié, et les tribunaux canadiens l'ont reconnu.
Nous avons une certaine mesure de souveraineté sur l'eau; le Canada aussi ainsi que les provinces et, peut-être, les territoires. Toutefois, nous devons régler cette question entre nous, il ne faut pas avoir peur.
Les traités existants sont solides, ils l'emportent sur l'ALENA, par exemple, qui traite des ressources, y compris l'eau, avec les Américains et le Mexique.
Si vous respectez les traités, ils protégeront notre pays. Ils sont conçus pour cela. L'eau du Traité no 11 coule vers la mer de Beaufort, et parce que le traité a été signé avec la Grande-Bretagne en 1921, c'est un instrument international, car le Canada n'avait pas l'autorité pour le signer à l'époque. Par extension, il s'applique jusqu'à une distance de 200 milles dans l'océan Arctique. Cette question de souveraineté dans l'Arctique a été réglée. Suivez les traités. Nous ne devrions pas avoir peur de parler de droit de la personne dans le dossier de l'eau, parce que cela nous protège.
M. Jobin : J'aimerais dire que la Loi sur les Indiens, même si elle est archaïque, permet au moins aux chefs et aux conseils d'adopter des règlements en matière d'eau potable. Le projet de loi S-11 enlève ce pouvoir aux chefs et aux conseils.
J'aimerais parler de deux ou trois autres points. Je suis désolé, je n'avais pas bien compris la procédure. Je n'ai pas levé la main à ce moment. Je pensais que nous allions tous avoir l'occasion de parler.
Pour la question du sénateur Banks, au sujet du choix, si nous avons bien compris nous n'avons pas le choix. Cela nous sera imposé. Personne à Affaires indiennes ne nous a jamais dit le contraire, mais c'est peut-être en raison du processus de consultation qu'ils ont mené, ou de son absence.
Qu'on nous corrige. Nous avons posé la question à Affaires indiennes, est-ce que c'est ce que cela signifie? Ils ne nous ont pas dit que nous aurions le choix.
Le sénateur Dallaire a posé une question sur l'eau et la possibilité qu'elle soit envoyée aux États-Unis. C'est une inquiétude pour nous, en Alberta, surtout avec l'Alberta qui s'intéresse actuellement à la commercialisation de l'eau. L'incorporation par renvoi rendrait cela possible parce que c'est une loi provinciale sur l'eau des réserves des Premières nations. Affaires indiennes n'a pas bien fait les recherches ou alors il ne nous a jamais présenté les recommandations de l'Alberta, à nous ou à nos dirigeants. L'Alberta a commandé trois recommandations pour examiner l'allocation de l'eau, et toutes parlent des marchés de l'eau et d'autoriser ces marchés. Aucune étude adéquate n'a été réalisée pour déterminer les conséquences. Qu'est-ce que cela signifie pour le projet de loi S-11? Est-ce que les marchés de l'eau visent toutes les terres des Premières nations? Cette étude n'a jamais été réalisée. C'est une partie de ce que nous avons demandé, d'attendre et d'inclure les Premières nations dans la discussion.
Le président : Cela termine notre période de questions. Je tiens à remercier le groupe qui nous a présenté d'excellents exposés et qui a répondu avec franchise.
Sénateur Dallaire, vous vouliez que nous tenions une très brève rencontre à huis clos?
Le sénateur Dallaire : Oui.
Le président : Est-ce que le comité accepte cette très brève réunion à huis clos?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Le président : Il y a des objections.
Le sénateur Banks : Je dis oui.
Des voix : Non.
Le président : Est-ce qu'il y a six membres qui sont contre?
Et en faveur?
Il y en a cinq qui sont pour. La demande est refusée.
Le sénateur Sibbeston : Il serait bon que le sénateur Dallaire nous indique le but de cette réunion. Cela nous profiterait à tous.
Le sénateur Stewart Olsen : Désolée, nous avons voté. Nous pourrons peut-être le faire à la prochaine séance.
Le sénateur Sibbeston : Nous n'avons pas fini la discussion.
Le sénateur Stewart Olsen : Nous avons voté. C'est terminé.
Le président : Nous avons voté. J'ai compté les voix. J'ai demandé le vote. Je me suis peut-être trompé en ne demandant pas une discussion avant le vote. J'ai été pris par surprise, mais c'est la vie.
(La séance est levée.)