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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 5 - Témoignages du 6 mai 2010


OTTAWA, le jeudi 6 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 30 heures pour étudier la question de l'accessibilité à l'éducation postsecondaire au Canada

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Aujourd'hui, le comité poursuit son étude en vertu d'un ordre de renvoi du Sénat du Canada sur l'éducation postsecondaire et les enjeux principaux connexes, y compris le financement direct et indirect de l'éducation postsecondaire.

Je rappelle au comité que nous avons une heure de fin officielle aujourd'hui. Nous devons finir à temps. Notre rencontre d'aujourd'hui est unique en ce qui concerne un de nos distingués sénateurs, et je vais prendre quelques minutes avant la fin pour souligner la contribution de ce sénateur. Il arrivera bientôt.

Le premier témoin sera M. Peers. Veuillez débuter.

Douglas Peers, président, Association canadienne pour les études supérieures : Merci. Je veux remercier le comité de m'avoir invité à comparaître.

Je suis ici au nom de l'Association canadienne pour les études supérieures. Nous représentons 60 institutions au Canada, 165 000 étudiants et environ 6 000 étudiants postdoctoraux.

Dans mes remarques liminaires, je veux souligner l'ampleur de la période de transition actuellement pour l'éducation supérieure au Canada et ailleurs dans le monde. La situation est complètement différente de ce qu'elle était il y a trois ans et très différente de quand je faisais des études supérieures. Au cours des trois dernières années, il y a eu une augmentation considérable du nombre d'étudiants de deuxième et troisième cycles inscrits aux universités canadiennes, et en même temps, nous avons été frappés par une récession qui a des conséquences énormes sur ce que nous pouvons offrir à nos étudiants et le type d'avenir dont pourront profiter nos étudiants une fois diplômés.

Je crois qu'il nous incombe tous dans le domaine des études supérieures de constater de quelle façon ces études sont différentes aujourd'hui comparativement à il y a 10 ou 15 ans. L'étudiant typique d'aujourd'hui est différent de l'étudiant typique d'il y a 20 ans. Lorsque je faisais des études supérieures, la plupart des étudiants étaient jeunes, blancs, issus de la classe moyenne et généralement des hommes. Il s'agissait presque d'une situation d'autoreproduction puisque nous allions devenir la prochaine cohorte d'universitaires.

Les étudiants de deuxième et de troisième cycles d'aujourd'hui ne correspondent probablement pas à ce profil. Les étudiants ont peut-être une carrière, une famille, ou ils ont une espérance de vie et des attentes différentes.

Un nombre croissant de ces étudiants ne poursuivront pas nécessairement une carrière universitaire. Les compétences, aspirations et expériences en matière de recherche qu'ils acquerront pendant les études supérieures seront utilisées dans divers environnements : le secteur public, le secteur privé, l'industrie, et cetera. Nous sommes stupéfaits de voir les statistiques qui révèlent où les étudiants de deuxième et troisième cycles travaillent aujourd'hui. Une grande partie de cette diversité est due aux attentes des étudiants eux-mêmes.

Je vais souligner brièvement deux autres changements. Premièrement, il y a l'importance croissante des bourses de recherche postdoctorales et des étudiants titulaires de ces bourses au Canada. Ces bourses étaient réservées en grande partie à la médecine et aux sciences dans le passé. Il y a désormais de plus en plus de bourses de recherche dans les sciences sociales, les lettres et les sciences humaines qui font partie de la formation professionnelle. Le nombre de diplômés des cycles supérieurs augmente au Canada, mais nous sommes en retard par rapport aux États-Unis. On exerce d'énormes pressions partout au Canada pour augmenter le nombre d'étudiants des cycles supérieurs.

Deuxièmement, je veux souligner le contexte international. L'environnement international est dynamique. Il faut clairement augmenter la coopération. L'économie du savoir ne connaît pas de frontières. Nous publions des ouvrages et faisons des recherches avec d'autres. Nous devons faciliter cette coopération pour que le Canada puisse plus y participer. Cette tendance a mené à l'intensification de la concurrence sur d'autres fronts. Le Canada est devenu assez confiant il y a environ 20 ans et nous le sommes toujours. Nous avons beaucoup à offrir au reste du monde, mais la complaisance peut être un piège.

Je suis allé en Inde en décembre. Nous avons visité diverses institutions représentant des écoles d'études supérieures canadiennes. On nous a souvent dit que nous étions 10 ou 15 ans trop tard. Les Allemands, les Français et d'autres sont déjà présents sur le terrain. Ces pays ne font pas que recruter des étudiants étrangers; ils cherchent activement à établir des partenariats qui profiteront aux étudiants.

En ce qui concerne l'Europe et le processus de Bologne, je suis allé à Berlin la semaine dernière. Le développement d'une zone européenne de l'éducation, qui va du Caucase à l'Atlantique, permet la mobilité des étudiants. Elle offre des possibilités dynamiques aux étudiants en Europe. Je crois que cette zone deviendra très attirante pour de nombreux étudiants à l'avenir.

Le Canada doit songer à comment il peut participer à ce processus et offrir une solution de rechange viable afin d'encourager la mobilité.

C'est en gardant cette participation à l'esprit que je propose la stratégie nationale selon laquelle le Canada doit d'abord trouver le bon équilibre. Nous devons appuyer la recherche fondamentale. Nous devons nous assurer d'avoir les professeurs en place pour aider les étudiants. Il faut que nos étudiants reçoivent l'appui nécessaire pour poursuivre leurs études, surtout pour entreprendre des études sans être distraits par un emploi qui accapare leur temps. Les bourses de recherche postdoctorales sont un enjeu essentiel. Elles sont vitales pour le Canada dans le cadre d'une économie du savoir et d'une stratégie d'innovation.

Enfin, nous devons nous attarder davantage à accroître la mobilité : permettre aux étudiants de se déplacer au Canada; de travailler dans des bibliothèques et des laboratoires différents et avec des superviseurs et des collègues différents; et d'obtenir une expérience internationale. Le type d'échanges dans la vie universitaire d'aujourd'hui connaît de moins en moins de frontières.

James Turk, directeur exécutif, Association canadienne des professeures et professeurs d'université : Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis ravi d'être ici aujourd'hui. Je vous ai distribué une trousse d'information contenant des documents auxquels je ferai référence.

Je fais quelque chose qui n'est pas conventionnel. Je ne vous ai pas fourni de notes pour mon exposé. Étant donné le nombre de questions dont nous allons discuter, je ferai parvenir au comité une série de commentaires plus détaillés sur ces questions à la suite de notre discussion. J'ai hâte de m'entretenir avec vous de ces sujets.

L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université est une fédération d'associations de personnel de 122 universités et collèges au Canada. Nous représentons 65 000 membres du personnel d'université.

Il n'y a pas un politicien au pays qui ne parle pas de l'importance de l'éducation postsecondaire, et comment l'avenir du Canada est lié, de nombreuses façons, au développement d'une population instruite pour l'économie du savoir. Malheureusement, il y a des lacunes à notre appui à l'éducation postsecondaire. Voilà ce dont je veux vous parler.

Il y a cinq points sur la liste des sujets que nous examinons. Je me concentrerai sur les points C et D dans mes commentaires portant sur l'évaluation des mécanismes de financement de la recherche et des mécanismes de transfert.

Au sujet du financement de la recherche, je veux soulever deux points : premièrement, le financement offert, et deuxièmement, la cible de ce financement. Permettez-moi d'aller plus en détail.

En ce qui concerne le financement du gouvernement fédéral pour la recherche universitaire, je débuterai en disant que la recherche universitaire au Canada est probablement plus importante que dans tout autre grand pays industrialisé. Le secteur privé mène relativement moins de recherche au Canada que dans tout autre pays industrialisé. Nous vivons cette situation depuis 30 ans. Le Canada dépend plus de la recherche universitaire que partout ailleurs. Le financement disponible pour cette recherche est donc vital.

De 1993-1994 à 1997-1998, il y a eu une diminution nette du financement annuel pour la recherche universitaire au Canada en dollars réels. De 1998-1999 à 2006-2007, il y a eu une augmentation importante du financement, et depuis, il est demeuré stable.

En 2009, le gouvernement a réduit de 147,9 millions de dollars sur trois ans le financement des trois conseils subventionnaires qui offrent la majorité du financement pour la recherche universitaire — le Conseil de recherches en sciences humaines, le CRSH, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, et les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC. En 2009, le gouvernement américain a augmenté le financement pour ces deux conseils subventionnaires de plus de 13 milliards de dollars. En 2010, l'augmentation pour les trois conseils subventionnaires du Canada était plus basse que le taux d'inflation. Pour la même période, l'administration du président Obama a proposé une augmentation de plus de 6 p. 100 pour les conseils subventionnaires américains.

Un résultat de ce financement, c'est que nous perdons des scientifiques. Le résultat le plus grave, je crains, c'est que nous perdons certains de nos jeunes qui viennent d'obtenir un doctorat et qui décident d'aller travailler aux États-Unis où ils ont de meilleures chances d'obtenir des fonds pour leur recherche, particulièrement dans le domaine des sciences naturelles et des activités à haut coefficient de capitaux.

Il y a la question du montant du financement et aussi la question du ciblage du financement, c'est-à-dire que le gouvernement du Canada détermine où et comment les conseils subventionnaires peuvent allouer les fonds de recherche qu'ils ont reçus. Par exemple, en 2007, le gouvernement a accordé 85 millions aux conseils subventionnaires. Des 35 millions de dollars qui sont allés au CRSNG, ce dernier n'a pu utiliser ces fonds que pour financer la recherche dans le domaine de l'énergie, de l'environnement et des technologies de l'information et des communications. Aucun autre scientifique n'a pu avoir accès à des fonds pour quoi que ce soit d'autre à partir de cet argent. Dans le domaine des sciences sociales et des sciences humaines, les fonds qui ont été accordés au CRSH n'ont pu être utilisés que pour la gestion, les affaires et les finances. Il faut tenir compte du fait qu'il s'agit d'un conseil subventionnaire qui finance tous les philosophes, les historiens, les anthropologues, et cetera.

C'était la même chose en 2008. Tous les fonds que le CRSNG a reçus en 2008 n'ont pu être utilisés que pour la recherche sur les besoins des industries de la pêche, des forêts et de l'automobile au Canada. Le Conseil de recherches en sciences humaines n'a pu utiliser les fonds qu'il a reçus que pour la recherche portant sur les effets environnementaux sur la vie des Canadiens et les besoins des collectivités du Nord en matière de développement social et économique.

Le problème en ce qui concerne le ciblage a été résolu en 2009 car il n'y avait pas de nouvel argent; ils ont en fait réduit les subventions. Cependant, ils avaient des fonds pour le Programme de bourses d'études supérieures du Canada, et le gouvernement a précisé que pour ce qui est des sciences sociales et humaines, seuls les étudiants dans le domaine des affaires pouvaient se prévaloir de ces bourses.

Par ailleurs, au cours des quatre derniers budgets, en plus de cibler où l'argent des conseils subventionnaires devait aller, le gouvernement dirigeait également des fonds vers les instituts de recherche — non pas selon le processus d'examen par les pairs, non pas par l'intermédiaire des conseils subventionnaires, mais en précisant dans le budget qui devait recevoir les fonds. Par exemple, dans le dernier budget, la Fondation Rick Hansen a reçu directement du gouvernement 50 p. 100 plus d'argent que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. TRIUMF, qui est un important laboratoire de physique des particules subatomiques en Colombie-Britannique, a reçu presque le double du montant total qu'a reçu le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

Le gouvernement a ciblé non seulement ses organismes préférés, mais aussi ceux qu'il n'aime pas. La Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère, le principal organisme de financement pour la recherche universitaire sur le climat, l'atmosphère et l'océan au Canada, n'a reçu aucun nouvel argent en 2010, ce qui menace la capacité du Canada à poursuivre ses recherches dans ces domaines vitaux.

Nous sommes préoccupés par la façon dont le gouvernement cible ses fonds, et nous trouvons ironique qu'un gouvernement qui reconnaît qu'il ne peut pas choisir des gagnants et des perdants dans le domaine des affaires pense qu'il puisse décider où vont les fonds pour la recherche. Nous sommes d'avis que ce ciblage constitue une erreur grave. Je suis certain que le gouvernement veut ainsi s'assurer que les fonds publics sont dépensés de façon à pouvoir en retirer des avantages pratiques, mais en réalité, nous savons que les avantages réels, autant sur le plan commercial que pratique, proviennent en grande partie de la recherche fondamentale.

Songez à tout ce que nous utilisons qui provient de la recherche fondamentale : les ordinateurs, les lasers, les appareils d'imagerie médicale comme pour les IRM et les tomodensitomètres, les systèmes de positionnement global, les systèmes de chiffrement qui nous permettent d'effectuer des transactions bancaires, le téflon et l'Internet. La liste est longue. Nous savons que ce qui est le plus avantageux pour un pays, c'est d'accroître le financement pour la recherche fondamentale, et ce n'est pas ce que l'on a fait.

Mike Lazaridis, homme d'affaires, fondateur et co-chef de direction de Research in Motion, a fait des commentaires à ce sujet. Il a dit :

J'entends constamment dire qu'il y a quelque chose de fondamental qui ne va pas avec le système de recherche universitaire au Canada. Il y a des gens qui ont beaucoup d'influence et qui estiment que nous n'avons pas un bon rendement sur notre investissement dans la R-D universitaire. En fait, en matière de R-D, certains disent que nous devrions prendre jusqu'à 100 millions des fonds annuels que nous affectons aux conseils subventionnaires pour nous concentrer plutôt sur la commercialisation du savoir dont nous disposons déjà. Quelle erreur terrible ce serait... La raison principale pour laquelle nous devons bien financer la recherche fondamentale, et le faire avec vision, c'est pour attirer les meilleurs chercheurs de partout dans le monde. Une fois ici, ils peuvent préparer les prochaines générations de diplômés canadiens, au niveau de la maîtrise, du doctorat et du post-doctorat, y compris les meilleurs étudiants étrangers. Tout le reste découle de cela.

Il faut donc réorienter à la fois le financement et les montants.

La deuxième question que je voulais aborder est celle du transfert de fonds pour les études postsecondaires. Le Canada transfère maintenant moins d'argent, par étudiant et en dollars constants, qu'il ne le faisait en 1993-1994. Le Conseil de la Fédération soutient qu'il doit y avoir une augmentation d'au moins 4,5 p. 100 par an pour répondre aux besoins de façon adéquate. L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université est d'avis que nous devrions revenir au niveau de financement que nous avions vers la fin des années 1970 et au début des années 1980, alors que le gouvernement fédéral investissait un demi pour cent du PIB dans l'éducation postsecondaire, c'est-à-dire un demi cent pour chaque dollar gagné dans l'économie.

Cela ne se fera pas. En fait, il n'y aura aucune augmentation importante tant que nous n'aurons pas changé le mécanisme de financement des études postsecondaires. Tous les fonds fédéraux sont transférés en bloc aux provinces qui peuvent dépenser ou non ces fonds comme bon leur semble, et elles ne sont pas obligées de les dépenser pour les études postsecondaires.

À mon avis, aucun cabinet du gouvernement n'augmentera ces fonds au niveau requis tant que nous ne serons pas certains que cet argent sera en fait dépensé, et c'est pour cette raison que nous proposons l'adoption d'une loi canadienne sur l'enseignement postsecondaire, dont vous trouverez un exemplaire dans la trousse d'information que je vous ai remise. Cette loi créera un système qui s'inspire de la Loi canadienne sur la santé et qui sera doté de lignes directrices prévisibles et de garanties pour le gouvernement fédéral selon lesquelles cet argent sera dépensé pour l'enseignement postsecondaire, ainsi que de garanties pour les provinces selon lesquelles il y aura des fonds prévisibles et durables pour l'enseignement postsecondaire.

De telles garanties sont absolument nécessaires. Si on n'adopte pas un mécanisme différent, on ne pourra pas obtenir un niveau de financement adéquat.

[Français]

Olivier Beaulieu-Mathurin, président, Conseil national des cycles supérieurs de la Fédération étudiante universitaire du Québec : Merci, monsieur le président de votre invitation, j'aimerais réitérer que le Conseil national des cycles supérieurs de la Fédération étudiante universitaire du Québec est la seule instance représentant les étudiants des cycles supérieurs au Québec, qui s'est intégrée au sein de l'association mais qui a un statut particulier à l'intérieur de l'association.

Je me permets de dire que notre organisation appuie ce que la FEUQ, le 22 avril, à une réunion de ce même comité, a mis de l'avant comme recommandation, à savoir la question du droit de retrait, des transferts fédéraux de C-288 et du financement subventionnaire.

Pour nous, l'éducation est de compétence provinciale mais nous sommes conscients de l'importance du gouvernement fédéral en matière de financement, particulièrement dans la recherche. Notre position dans le financement de la recherche est qu'il doit se faire au travers des organismes subventionnaires qui existent déjà avec le processus d'évaluation par les pairs. Le financement doit être fait en évaluant les plans stratégiques des organismes subventionnaires. L'objectif est que toutes les demandes recommandées par les différents comités — qui faute de fonds ne sont pas financées — trouvent à être financées. D'excellentes recherches sont reconnues, malheureusement, on ne peut pas avoir des fonds pour les financer.

L'autre question sur laquelle je m'attarderai est celle des étudiants internationaux. D'après nous, on doit avoir une stratégie globale des étudiants internationaux au Canada. Il faut faciliter l'accessibilité aux études universitaires pour les étudiants internationaux en facilitant l'accès à l'information et la qualité de celle-ci. Par exemple, pour mettre sur pied un service de clavardage en ligne, offert par Citoyenneté et Immigration Canada, il faut développer davantage leur site afin que l'étudiant étranger trouve facilement et rapidement ce qu'il recherche, et standardiser les données et les conseils offerts en offrant davantage de formations aux agents de Citoyennetés et Immigration Canada.

L'autre question est le nombre de présence de médecins accrédités dans les pays où il y a une provenance importante d'étudiants internationaux. On croit qu'il faudrait augmenter le nombre d'accréditations de ces médecins à l'étranger. Cela faciliterait le processus pour qu'ils viennent ici et cela faciliterait les démarches auprès des ambassades et à partir du Canada. La vision que l'on retrouve dans tout cela, c'est qu'on se retrouve dans un marché. Quand ils font une demande, ce n'est pas juste au Canada qu'ils le font, mais aussi dans d'autres pays. Avec ce qui se fait au niveau du processus de Bologne, la compétitivité du Canada, en termes d'attraction des étudiants internationaux, pourrait être augmentée. C'est un endroit qu'il ne faudrait pas laisser, et il faut aller de l'avant car il y a une valeur ajoutée à recevoir plus d'étudiants internationaux ici.

Le tout, bien sûr, doit se faire dans une optique de complémentarité, dans le respect des champs de compétences respectifs des gouvernements fédéral et provinciaux. On doit favoriser les démarches des étudiants internationaux et l'internationalisation des universités et faciliter les liens entre les organismes.

Comme autre point, on mentionne les stagiaires postdoctoraux. Le CNCS, depuis 2009, représente les stagiaires postdoctoraux au Québec. Deux de nos principales associations ont été créées dans leur structure. L'Université de Montréal et l'Université Mc Gill ont, à l'intérieur de leurs instances, une place pour les postdoctoraux. On suit la situation de très près.

Lors du dernier budget fédéral, on peut trancher la question du statut de ces étudiants, car il y avait une ambiguïté à savoir s'ils étaient des étudiants ou des employés. En même temps, le réel débat de dire qu'ils n'étaient pas éligibles à la non imposition de leur bourse se trouve aussi ailleurs.

L'importance que cela représente pour les stagiaires, c'est plusieurs milliers de dollars de plus ou de moins dans leurs poches. La question à se poser sur la nature académique est la suivante : s'agit-il ou non d'une formation? À ce chapitre, malgré la récente décision du gouvernement fédéral, on est forcé d'admettre que le caractère formatif du stage postdoctoral jouit d'un appui tangible et incontournable. Le ministère de l'Éducation du Québec le reconnaît dans ses formules de financement des stagiaires postdoctoraux.

L'appui officiel de l'Association des universités au Québec et l'Association des doyens des établissements d'enseignement supérieur sont en faveur de la reconnaissance à titre d'étudiants. Mise à part la syndicalisation de quelques stagiaires postdoctoraux dans deux universités ontariennes, peu d'appui concret milite en faveur du stage postdoctoral en tant qu'employé. Il faut savoir qu'il y a parfois de l'ambiguïté en raison de la définition commune. Cela serait un aspect important. Un travail doit se faire. D'un autre côté, il faut reconnaître que trancher cette décision revient à chacune des universités et il doit y avoir une certaine concertation entre elles.

J'ajouterais l'appui en faveur d'une mesure, qui viserait à faciliter ou régler l'exode des jeunes des régions ressources, d'offrir une sorte de crédits d'impôt pour les nouveaux diplômés qui décident de retourner vivre en région.

La question des crédits d'impôt est parfois complexe. La FEUQ est quand même en faveur des crédits d'impôt. Par exemple, on recommande au gouvernement québécois la mise en place de crédits d'impôt pour les étudiants internationaux. Les étudiants internationaux, qui décident de rester et de s'établir au pays — au Québec dans ce cas — se verraient rembourser une partie des frais forfaitaires payés pour leurs études. Cela permet d'attirer des gens qui ont déjà un réseau de stabilisation à l'intérieur des universités, et qui ont une formation faite à l'intérieur du pays et qui se trouvent à ne pas avoir autant de problèmes de reconnaissance des compétences que d'autres immigrants venant de pays étrangers.

[Traduction]

Andrea Balon, représentante à l'exécutif national, Caucus national des étudiantes et des étudiantes de deuxième et troisième cycles : Je vous remercie de cette occasion de venir vous parler aujourd'hui des étudiants des cycles supérieurs. Le Caucus national des étudiants de deuxième et troisième cycles est le plus grand organisme d'étudiants des cycles supérieurs au Canada. Nous représentons plus de 70 000 étudiants dans plus de 30 campus universitaires au pays.

Notre organisme considère qu'il est essentiel d'investir dans les étudiants des cycles supérieurs et leurs recherches pour les besoins futurs de l'économie canadienne. Les étudiants des cycles supérieurs sont les moteurs de l'innovation à long terme grâce à leurs recherches et deviennent par la suite une main-d'œuvre hautement qualifiée et spécialisée dont on a besoin dans une économie fondée sur le savoir.

Au cours des derniers budgets fédéraux, il y a eu des améliorations modestes dans le financement des étudiants de deuxième et troisième cycles. Cependant, ces améliorations n'ont pas compensé les compressions qu'ont subies les conseils subventionnaires depuis le début des années 1990. Les dernières augmentations de financement et les bourses d'études supérieures du Canada visaient précisément certains domaines du secteur privé, une politique qui limite l'innovation à long terme. L'augmentation à court terme dans le budget fédéral de 2009 du nombre de bourses distribuées par le Conseil de recherches en sciences humaines ne visait que les diplômes dans le domaine des affaires.

La réaction des chercheurs canadiens était négative car cette décision mine en fin de compte l'indépendance du conseil et les normes d'examen par les pairs reconnues à l'échelle internationale dans le milieu universitaire. Cette politique à courte vue en matière de recherche mine la réputation mondiale du Canada et nuit à nos chercheurs de renommée internationale.

Par ailleurs, dans le dernier budget fédéral, le CRSH a reçu une augmentation de moins de 1 p. 100, ce qui maintient la tendance de sous-financement des sciences sociales, même si la grande majorité des étudiants de deuxième et troisième cycles proviennent de ce secteur universitaire.

Selon des études récentes effectuées par l'Organisation de coopération et de développement économiques, le Canada accuse un retard important par rapport à d'autres pays industrialisés dans le domaine de la recherche, du développement et de l'innovation dans le secteur privé. Cependant, l'utilisation des ressources fiscales publiques pour subventionner les projets de commercialisation du secteur privé dans les universités n'encourage pas le secteur privé à investir dans la recherche et le développement à l'interne. Cette politique réduit par ailleurs les possibilités d'emploi des étudiants des cycles supérieurs une fois qu'ils ont obtenu leur diplôme.

Nous sommes d'avis que le financement du secteur privé pour la recherche universitaire est essentiel si nous voulons renverser cette tendance.

Les étudiants des cycles supérieurs de nos jours doivent faire face à de plus en plus de défis. Leur nombre a augmenté de 37 p. 100 au cours de la dernière décennie alors que la demande pour des travailleurs ayant des diplômes d'études supérieures a augmenté et que nous sommes passés à une économie du savoir. Malgré cette croissance, le financement des étudiants des cycles supérieurs n'a pas augmenté suffisamment. Ce manque de financement réduit non seulement l'abordabilité des études supérieures, mais aussi la qualité de la recherche.

Par rapport aux étudiants de premier cycle, les étudiants des cycles supérieurs sont confrontés à un niveau d'endettement accru et à des frais de scolarité qui augmentent plus rapidement. Par ailleurs, un rapport publié par Statistique Canada au début de l'année révèle que les titulaires d'un doctorat ne peuvent espérer recevoir en moyenne que 4 000 $ de plus par an qu'un titulaire d'une maîtrise, même s'ils ont étudié et payé des frais des scolarité pendant cinq ans de plus.

La recherche fondamentale motivée par la curiosité que les étudiants des cycles supérieurs effectuent est le fondement de l'économie future et crée des possibilités d'innovation à long terme pour les entreprises.

Les pays européens, les États-Unis et les économies en croissance comme la Chine et l'Inde ont considérablement investi dans la recherche universitaire pour combattre la récession mondiale.

Selon un groupe international, le Canada a l'un des programmes subventionnaires de découverte les plus efficaces et efficients au monde pour ce qui est de produire la meilleure recherche novatrice. Cependant, l'investissement du gouvernement fédéral dans les conseils qui financent la recherche universitaire a été réduit de 148 millions de dollars dans le budget de 2009 et l'investissement n'a pas été rétabli dans le dernier budget.

Depuis 2006, le gouvernement fédéral a accordé très peu de subventions directes aux étudiants des cycles supérieurs. Par exemple, l'augmentation dans le nombre des bourses d'études supérieures du Canada dans le budget de 2008 ne reflétait pas les tendances d'inscription dans des programmes d'études supérieures. Seulement 15 p. 100 des nouvelles bourses ont été décernées en 2008 à des étudiants de deuxième et troisième cycles dans les domaines des sciences sociales, des sciences humaines et des arts, tandis que 50 p. 100 des étudiants de deuxième et de troisième cycles sont inscrits dans ces programmes.

Le budget de 2009 a maintenu cette tendance, alors que seulement 17 millions de dollars sur les 80 millions ont été accordés au CRSH et que la totalité de ce montant est allée aux étudiants dans le domaine des affaires, excluant ainsi plus de 90 p. 100 des étudiants de deuxième et de troisième cycles dans le domaine des sciences sociales, des sciences humaines et des arts.

Par ailleurs, on a à peine mentionné la recherche effectuée par les étudiants des cycles supérieurs dans le budget fédéral de 2010, des augmentations asymétriques et négligeables ayant été accordées aux conseils subventionnaires qui favorisaient la recherche axée sur le marché.

Lors des consultations prébudgétaires, notre recommandation était de remettre en place les 148 millions de dollars pour les conseils subventionnaires et d'augmenter le financement accordé à la recherche fondamentale faite par des étudiants des cycles supérieurs tant en montant réel que proportionnellement. Nous avons recommandé que ces fonds soient alloués de façon asymétrique par le CRSH afin de compenser le sous-financement de ces programmes par le passé.

La deuxième recommandation que nous avons faite au gouvernement était de doubler le montant de l'aide directe que reçoivent les étudiants de deuxième et troisième cycles pour leurs études, et ce, par l'entremise du Programme de bourses d'études supérieures du Canada.

J'espère que, lorsque votre comité étudiera les questions liées à l'accès aux études postsecondaires et aux études supérieures, vous vous pencherez sur la façon dont on aide les étudiants de deuxième et troisième cycles.

Je m'arrête là, et je suis impatiente de répondre aux questions, pour pouvoir vous fournir plus de détails.

Le vice-président : Merci à tous nos témoins.

Je vais maintenant donner la parole à nos collègues.

[Français]

Le sénateur Champagne : Monsieur Beaulieu-Mathurin, permettez-moi d'être un peu curieuse; vous disiez tout à l'heure dans votre présentation que votre organisme a un statut particulier au sein de la Fédération étudiante universitaire du Québec. Pourquoi et cela consiste en quoi?

M. Beaulieu-Mathurin : Le CNCF est une organisation qui représente les cycles supérieurs et qui, comparativement à d'autres commissions de la Fédération étudiante universitaire du Québec, a son propre président, son budget et la possibilité de faire de la représentation politique. Tandis qu'à l'intérieur de la structure, ce n'est que le président de la Fédération étudiante universitaire du Québec qui peut le faire.

Le sénateur Champagne : Nous recevions M. Savoie il y a quelques semaines et je l'entendais à la radio ce matin; alors, permettez-moi de vous transporter au centre de l'actualité québécoise concernant l'éducation postsecondaire.

En ce moment, l'Université McGill pour son programme MBA veut augmenter de façon importante les frais de scolarité. Au Québec, nous savons que le gel des frais de scolarité a cessé en 2007, et qu'ils augmentent depuis de 100 $ par année. Ce n'est quand même pas énorme. Mais là, on parle vraiment d'une augmentation importante.

J'entendais ce matin que la ministre de l'Éducation du Québec, Mme Courchesne, met l'Université McGill au défi en déclarant que si l'université demande des sommes aussi importantes à ses élèves, ils devront prélever, pour chaque étudiant, les sommes qu'ils octroient normalement.

Où est-ce qu'on se situe? Le programme MBA de l'Université McGill est, bien sûr, l'un des plus reconnus en Amérique, mais on a quand même le programme offert aux Hautes Études Commerciales; pourquoi l'Université McGill, qui attire beaucoup d'étudiants étrangers, veut exiger des frais de scolarité aussi élevés? Ont-ils raison ou tort? Comment va-t-on pouvoir gérer cela, autant au niveau provincial qu'en relation avec le gouvernement fédéral, qui effectue des transferts de fonds importants au Québec pour l'éducation universitaire?

M. Beaulieu-Mathurin : Je comprends qu'en ce qui concerne l'Université McGill, on parle de déréglementer et d'aller au-delà du plafond du ministère. Il faut savoir que, jusqu'en 2012, nous sommes dans une situation où les frais sont dégelés et qu'il y aura une augmentation.

Par la suite, il y aura consultation à nouveau et ce que l'Université McGill fait, c'est tenter de forcer la main et d'essayer d'aller au-delà.

L'Université McGill offre également un programme en partenariat avec le HEC. Il s'agit du EMBA; un MBA exécutif qui coûte près de 60 000 $. Elle peut offrir ce programme, mais lorsqu'elle tente de changer l'entièreté de son programme MBA pour tous les étudiants et en augmenter les frais, les déréglementer, c'est là où le ministère de l'Éducation refuse.

L'Université McGill voulait également effectuer ce transfert de programme afin d'aller vers un programme autofinancé, pour ne plus être soumis à la règle du ministère. Pour ce faire, il faut obtenir une autorisation et fournir des justifications par rapport au marché.

Il y a deux ou trois programmes autofinancés au Québec. C'est, au fond, un affrontement entre le ministère de l'Éducation et l'Université McGill. À notre avis, ce n'est pas la voie pour l'instant. L'Association des étudiants de McGill et de GSS est aussi inconfortable avec cette décision.

Le sénateur Champagne : Ce serait en fait une forme de privatisation d'une université au Québec; dans un des programmes en tout cas.

M. Beaulieu-Mathurin : Il y a un peu la crainte d'un effet domino. Le recteur de l'Université Laval dit aussi que, concernant leur programme de médecine pour lequel il y a une grande demande et pour lequel ils doivent refuser beaucoup d'étudiants, qu'ils pourraient aussi vouloir augmenter les frais. C'est la crainte que plusieurs groupes vivent en ce moment.

Le sénateur Champagne : J'aimerais que vous me confirmiez une chose : est-ce que les étudiants étrangers ne paient pas des frais de scolarité beaucoup plus élevés que les étudiants canadiens ou québécois?

M. Beaulieu-Mathurin : Il y a effectivement une différence en trois volets; entre les étudiants québécois, canadiens et étrangers au Québec, dans le système de financement.

Le sénateur Champagne : Je vais céder la parole à mes collègues.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Merci d'être venus nous rencontrer ce matin. J'arrive du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, où nous entendons des témoins qui souhaitent que nous ayons une vision pour l'avenir du secteur énergétique canadien.

J'ai été frappée par quelque chose que j'ai entendu ce matin. Nous avons entendu des témoins nous dire que les programmes de génie électrique dans les universités canadiennes sont en proie à une crise qui prend de l'ampleur. On nous a dit que ces programmes attirent de moins en moins d'étudiants et que la situation a une incidence profonde sur la recherche et le développement ainsi que sur la mise au point de nouvelles technologies au Canada.

On nous parlait plus précisément des répercussions sur le secteur énergétique étant donné les défis que nous avons à relever dans ce domaine. Parmi les raisons évoquées pour expliquer cette pénurie d'étudiants, il y avait notamment le phénomène dont nous avons souvent entendu parler autour de cette table de la part de notre éminent collègue, le sénateur Keon, de ces jeunes hommes qui sont de moins en moins nombreux à poursuivre des études postsecondaires, sans qu'on sache trop pourquoi. Les programmes de génie électrique et tout le domaine de la recherche et du développement et de la mise au point de nouvelles technologies attirent davantage les jeunes hommes que les jeunes femmes. J'ai été frappée par les rapprochements que l'on peut faire entre ce que j'ai entendu à un autre comité ce matin et le sujet qui nous occupe aujourd'hui. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Peers : Je peux essayer de répondre. J'en suis à ma troisième année dans l'établissement que je fréquente. Auparavant, j'étais à l'Université de Calgary, où nous avions remarqué une tendance qui se dessinait notamment par rapport aux sables bitumineux. Les jeunes hommes, comme mon neveu, peuvent gagner 140 000 $ par an en tant que couvreur. Alors, pourquoi aller à l'université? Cet état de fait nous ramène à un problème plus profond qui ne se limite pas au Canada, à en croire les données provenant des États-Unis et du Royaume-Uni. De manière générale, la population étudiante dans les sciences exactes est constituée de plus en plus d'étudiants étrangers. Aux États-Unis, par exemple, 35 p. 100 de ceux qui sont inscrits en physique et en mathématiques au deuxième et au troisième cycles sont des étudiants étrangers. Le problème est à toutes fins utiles le même ici. Il y a aussi une dimension liée aux différences entre les sexes, mais de manière générale, les sciences n'attirent pas autant d'étudiants qu'autrefois. Il faut tenter de résoudre ce problème, non pas seulement au niveau universitaire, mais dans les écoles primaires et secondaires.

Dans le domaine du génie, on a encore plus de mal à inciter les étudiants à vouloir devenir un chercheur quand ils ont tellement de possibilités qui leur sont offertes dans le secteur privé. Bien souvent, dès qu'ils obtiennent leur baccalauréat en génie, ils peuvent se trouver un emploi, si bien qu'ils ne poursuivent pas leurs études au niveau de la maîtrise. C'est ce qui explique, d'après ce que m'ont dit les doyens des facultés d'études supérieures dans les universités canadiennes, que les universités doivent chercher à attirer des étudiants étrangers pour travailler dans les laboratoires de leurs professeurs.

Si je peux revenir à ce que d'autres ont fait remarquer autour de la table, pour appuyer les étudiants de deuxième et troisième cycles dans ces domaines, il nous faut des laboratoires bien financés et des chercheurs actifs, et il nous faut garder ces chercheurs au Canada. De nombreux éléments entrent en ligne de compte, mais il faut vraiment déployer des efforts pour encourager un plus grand nombre d'hommes et de femmes à envisager une carrière dans les sciences comme étant une perspective attrayante. Il faut commencer dans les écoles secondaires et les écoles intermédiaires.

M. Turk : Il y a plusieurs aspects à la question que vous avez posée. M. Peers en a évoqué quelques-uns. Il n'est pas juste de dire que les hommes sont plus susceptibles de vouloir étudier le génie que les femmes. Tout d'abord, il y a beaucoup plus d'hommes que de femmes, mais une bonne part des recherches montrent qu'il y a de nombreux facteurs qui dissuadent les femmes de vouloir étudier le génie. Traditionnellement, c'est la culture masculine qui domine dans le domaine du génie, et les femmes qui se lancent en génie, même quand il existe des programmes novateurs pour les y inciter, ne terminent bien souvent pas leur programme. Plusieurs universités cherchent depuis un certain temps à attirer plus de femmes et à les garder, si bien que le pourcentage de femmes a augmenté. Pour résoudre le problème, il faudrait notamment éliminer certains facteurs qui ont un effet dissuasif sur les femmes, afin qu'elles soient plus nombreuses à s'inscrire à des programmes de génie, à terminer leurs études et à réussir dans le domaine.

Deuxièmement, il y a généralement moins d'étudiants qui s'inscrivent en sciences, et nous en avons déjà beaucoup parlé. M. Peers a raison : Nous devons notamment chercher une solution du côté des écoles primaires et secondaires. Troisièmement, et c'est particulièrement le cas dans des domaines comme le génie, ceux qui veulent devenir ensuite professeurs, qui veulent enseigner et faire de la recherche, doivent investir beaucoup d'argent. Étant donné le sous-financement du CRSNG, le fait est qu'il est difficile pour eux d'obtenir une aide financière suffisante au Canada. C'est bien plus difficile ici qu'aux États-Unis. Bien entendu, beaucoup de nos meilleurs étudiants s'en vont aux États-Unis pour faire leur doctorat parce que les études supérieures y sont mieux financées. Puis, il arrive souvent qu'ils y restent parce qu'ils y trouvent plus facilement un emploi et une aide financière pour leurs travaux. Le problème s'explique par un ensemble complexe de facteurs.

Le sénateur Seidman : Poursuivons un peu dans cette veine. Vous avez parlé de mieux informer les jeunes du secondaire. Les universités pourraient-elles faire quelque chose du côté du marketing et des relations publiques?

M. Turk : La question n'est pas principalement une question de relations publiques ou de marketing. Si les jeunes arrivent à l'université et qu'ils n'ont pas une bonne base en mathématiques et en sciences, ils ne pourront pas faire des études de génie. Dans les différentes provinces, on cherche à renforcer les programmes d'études en mathématiques et en sciences aux niveaux primaire et secondaire afin d'attirer plus d'étudiants. Il y a eu des erreurs de parcours par le passé. En Ontario, par exemple, on a instauré un nouveau programme qui a rendu l'algèbre en onzième année tellement difficile que beaucoup d'étudiants n'ont pas voulu poursuivre. À mon avis, il faut mettre l'accent sur les programmes d'études au niveau secondaire pour qu'ils préparent plus de jeunes à poursuivre leurs études dans ce domaine au niveau universitaire. Voilà ce que je recommande.

M. Peers : Je suis d'accord. Il y a bien des gens au Canada qui cherchent activement à faire la promotion des sciences au niveau secondaire. Il n'y a qu'à voir ce que fait la nouvelle rectrice de l'Université de Calgary, Elizabeth Cannon, qui est elle-même ingénieure. Elle s'efforce d'attirer plus de femmes dans les programmes de sciences et de génie. Je peux aussi donner l'exemple d'une de mes collègues doyenne associée, qui est elle-même mathématicienne. Nous sommes de plus en plus conscients du fait qu'il faut que nous ayons davantage de modèles et de mentors qui puissent se rendre dans les écoles. Les universités font leur part, mais tout revient aux programmes d'études, aux attentes des parents, et cetera.

Le sénateur Seidman : Mme Balon ou M. Beaulieu-Mathurin auraient-ils quelque chose à ajouter?

[Français]

M. Beaulieu-Mathurin : Plusieurs universités offrent des stages d'initiation à la recherche pour les étudiants du premier cycle. Ces étudiants sont jumelés à des étudiants à la maîtrise ou au doctorat dans divers groupes de recherche et ils travaillent pendant l'été. Cela peut les initier et peut-être les inciter à faires des études supérieures, ce qui peut avoir une grande valeur ajoutée dans une formation. C'est pourquoi l'étudiant pourrait favoriser ce choix.

Une des principales raisons pour laquelle il y a moins d'étudiants aux cycles supérieurs en sciences naturelles et en génie, c'est qu'il est plus facile de se trouver un emploi à la sortie du baccalauréat dans ces domaines. Les étudiants trouvent alors qu'il ne vaut pas la peine de poursuivre des études supérieures. Ils vont décider d'y aller s'ils ont la passion ou s'ils ont été accrochés par un professeur. Beaucoup de mes collègues de l'Association des étudiants de l'École Polytechnique (AEP) vont dire qu'ils ne souhaitent pas étudier aux cycles supérieurs pour le moment.

[Traduction]

Mme Balon : Le financement est un problème de taille. Dans le dernier budget fédéral, on a prévu des fonds pour l'infrastructure et la construction de laboratoires, mais comme l'a fait remarquer M. Turk, on en a prévu très peu pour les étudiants des cycles supérieurs qui font de la recherche. C'est ce qui explique en grande partie que les étudiants ne poursuivent pas leurs études en sciences.

Il ne faut pas oublier non plus que les jeunes sont lourdement endettés quand ils terminent leurs études de premier cycle. Comme l'a expliqué M. Beaulieu-Mathurin, ils doivent ensuite choisir entre se trouver un emploi pour rembourser leurs dettes ou poursuivre leurs études et s'endetter encore davantage.

En ce qui concerne les étudiants étrangers dans les programmes de sciences, ils paient deux fois plus en frais de scolarité. S'ils reçoivent des bourses d'études ou de l'aide financière, le plus souvent, ils n'ont pas le droit d'obtenir un permis de travail. Ils éprouvent aussi d'autres difficultés du fait qu'ils se sentent isolés quand ils viennent étudier ici. Le financement est un problème énorme.

Le sénateur Cordy : Ma première question concerne le fait que la concurrence est très vive à l'échelle internationale pour ce qui est d'attirer des étudiants des cycles supérieurs. Monsieur Peers, vous nous avez dit que vous étiez allé en Inde et qu'on vous avait dit que vous arriviez trop tard parce que les pays européens offrent des partenariats pour qu'on vienne étudier dans leurs pays. Nous n'avons pas pu offrir ces partenariats.

Hier, on nous a expliqué que la situation est semblable pour ce qui est de recruter des étudiants de premier cycle. On nous a dit que l'Australie dépense 20 millions de dollars par an pour promouvoir ses universités auprès des étudiants étrangers. Le Canada dépense un million de dollars, ce qui est inférieur à ce que dépensent certaines universités. Il y a quelques années de cela, j'ai eu l'occasion de discuter de cette question avec des représentants de notre ambassade en Malaisie. Ils m'ont expliqué que l'Australie tient des journées d'information sur les universités auxquelles sont invités les étudiants d'Asie, c'est-à-dire de la Chine ou de l'Inde. Dès qu'ils sont acceptés à l'université, ces étudiants reçoivent leur visa d'étudiant.

Nous avons un problème à cet égard puisque, d'après ce qu'on m'a dit à l'époque — et la situation n'a pas changé au Canada, d'après les représentants universitaires que j'ai rencontrés à Halifax —, les étudiants qui sont acceptés dans des universités au Canada doivent souvent attendre des mois avant de savoir s'ils ont obtenu leur visa d'étudiant. Au lieu de devoir attendre jusqu'à la fin ou au début septembre pour prendre leur décision, ils préfèrent étudier dans leur pays ou encore en Australie ou dans des pays européens où ils peuvent obtenir plus rapidement leur visa d'étudiant.

Que pouvons-nous faire pour régler ce problème? Il y a la dimension relative aux relations publiques, mais il y a aussi celle du visa d'étudiant. Quelles mesures devrions-nous recommander en tant que comité?

M. Peers : C'est une question intéressante. J'étais ici mardi pour rencontrer des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et nous avons justement discuté de cette question. Le traitement des demandes de visa est plus lent au Canada, et beaucoup d'entre nous s'en plaignent depuis longtemps. J'aimerais bien que ce ne soit pas aussi lent, mais l'Australie a pour sa part hérité d'un certain nombre de problèmes. Il y a eu de nombreux cas de fraude. Le Royaume-Uni a annoncé il y a plusieurs mois de cela qu'il n'accepterait plus de visa d'étudiant du Nord de l'Inde à cause de sérieux problèmes de fraude.

L'Australie déployait beaucoup d'efforts à l'étranger pour recruter des étudiants et installer des campus satellites. Cette approche a entraîné certaines préoccupations en ce qui concerne la qualité. Ce que nous faisons de bien au Canada, c'est que nous avons su conserver la qualité de nos programmes.

Le véritable problème qui se pose pour les étudiants étrangers des cycles supérieurs, ce n'est pas tellement le visa d'étudiant, même s'il peut être difficile d'en obtenir un, mais c'est plutôt l'aide qui est offerte à ces étudiants. Elle est révolue depuis longtemps l'époque où les étudiants arrivaient chez nous avec l'argent nécessaire et étaient prêts à payer pour le privilège d'être étudiant de deuxième ou de troisième cycles, comme je l'ai fait moi-même. Les étudiants qui ont du talent, qu'ils fassent de la recherche au niveau du doctorat ou qu'ils étudient en histoire, en science politique, en chimie ou dans quelque autre matière, ont besoin que nous les aidions financièrement.

Il existe des programmes de bourses d'études, comme celui pour les étudiants chinois. Nous avons maintenant les bourses Vanier dont nous nous servons pour faire venir les meilleurs étudiants étrangers, mais nous devons pouvoir les financer. Dans certaines provinces, ce financement peut être problématique pour les universités. Nous sommes en concurrence avec les établissements d'enseignement les plus réputés. Plusieurs de mes étudiants à la maîtrise sont allés faire leur doctorat aux État-Unis où on leur offre des conditions financières très intéressantes. Nous devons pouvoir faire de même.

M. Turk : Toutes les universités veulent attirer des étudiants étrangers car il peut être intéressant pour toutes sortes de raisons de diversifier la population étudiante.

Parlons franchement. La plupart des pays souhaitent attirer un grand nombre d'étudiants de deuxième et troisième cycles — l'Australie est l'exemple le plus extrême, surtout pour les étudiants du premier cycle — pour pouvoir ainsi financer leur système postsecondaire. En raison de la conjoncture économique difficile et des problèmes qu'il a à financer les soins de santé et l'aide sociale, presque tous les pays industrialisés sous-financent à des degrés divers leur système d'éducation postsecondaire et considèrent les étudiants étrangers comme un moyen de combler le manque à gagner, d'où la concurrence très vive qu'ils se livrent.

Au Royaume-Uni, en Irlande, en Australie et en Nouvelle-Zélande, on tient le même discours qu'ici : Nous voulons être la destination de choix pour les étudiants étrangers. Ils cherchent tous à recruter ces étudiants.

Au bout du compte, on se leurre en misant ainsi sur le recrutement. Il est important d'avoir des programmes d'information et de traiter les demandes de visa en temps opportun, mais il ne faut pas nous imaginer que nous allons attirer chez nous des étudiants qui seraient allés au Royaume-Uni ou en Australie. Ce n'est pas ainsi que nous allons renforcer notre système postsecondaire. Nous allons tous avoir notre part d'étudiants. À mon avis, nous misons à tort sur le recrutement. Si nous étions le seul pays à recruter, peut-être que ce serait une possibilité, mais nous ne le sommes pas. Tout le monde se pose les mêmes questions. Je soupçonne que dans des comités comme le vôtre dans les capitales de tous les grands pays industrialisés, les discussions sont les mêmes.

Nous devons poser des questions plus fondamentales. Nous voulons attirer les étudiants étrangers, alors comment pouvons-nous leur faciliter la tâche? Comment pouvons-nous leur venir en aide une fois qu'ils sont ici? Comment pouvons-nous financer convenablement l'aide à ces étudiants?

Je vais revenir à quelque chose dont parlait M. Peers car je suis, moi aussi, arrivé à la même conclusion. Je connais beaucoup d'étudiants canadiens qui ont quitté le Canada après avoir obtenu leur baccalauréat parce qu'ils ne pouvaient pas compter sur un financement suffisant pour leurs études de doctorat. Ils choisissent de poursuivre leurs études aux États-Unis parce qu'il y a plus d'argent pour les bourses d'études et les travaux de recherche. Nous devons explorer plus avant la question de base qui est celle du financement avant que nous ne décidions de miser sur les étudiants étrangers et de nous concentrer sur un aspect seulement de la question.

Le sénateur Cordy : Vous semblez préconiser une approche équilibrée et pragmatique.

J'aimerais qu'on parle du financement de la recherche. C'est là quelque chose d'essentiel, mais plusieurs d'entre vous ont parlé du fait que les budgets des conseils subventionnaires avaient été réduits dans le budget de 2009, alors qu'aux États-Unis, ils ont été augmentés de 13 milliards de dollars. En 2010, l'augmentation chez nous a été inférieure au taux d'inflation alors qu'aux États-Unis, elle a été de 6 p. 100. Outre les réductions, le financement a été ciblé. Vous avez bien indiqué toutes les composantes qui avaient été touchées, alors je ne vais pas les répéter.

Mme Balon a donné à entendre que certains organismes ont reçu 50 p. 100 de plus, alors que d'autres ont reçu moins d'argent ou n'ont eu droit à aucune augmentation.

En règle générale, il y a des gagnants et des perdants. Le financement devrait-il être assorti de conditions? En quoi ces conditions seraient-elles attrayantes pour les étudiants des cycles supérieurs étrangers? Il me semble qu'elles ne nous aideraient guère.

M. Turk : Le gouvernement fédéral investit des sommes considérables dans la recherche. Nous croyons que le financement n'est pas suffisant et qu'il nous place dans une position désavantageuse par rapport aux États-Unis, où nous risquons de voir la plupart de nos professeurs et de nos étudiants se retrouver.

Nous comprenons que le gouvernement soit préoccupé par la bonne utilisation de ces sommes importantes de fonds publics pour la recherche. Mais le gouvernement se trompe lorsqu'il croit que c'est lui qui devrait décider qui reçoit l'argent et quelle devrait être l'utilisation des fonds qu'il donne aux divers conseils subventionnaires; ou qu'il devrait se passer des conseils subventionnaires et donner l'argent à certains centres de recherche.

Nous disons simplement qu'une abondance de preuves recueillies au cours de nombreuses années ont démontré que les meilleures décisions sur l'affectation du financement en recherche sont prises par la communauté scientifique dans le cadre d'un processus d'examen par les pairs assorti d'un mécanisme de reddition de comptes approprié. J'ai dit que le gouvernement fédéral actuel reconnaît qu'il est difficile pour les gouvernements de choisir des gagnants et des perdants dans le monde des affaires. Il est encore plus difficile de le faire dans le domaine de la recherche.

Les échecs tout comme les succès font avancer la recherche. Nombre de choses que nous essayons ne fonctionnent pas, mais nous apprenons de cette expérience. Les experts du domaine et les scientifiques en général sont les mieux placés pour recommander les priorités et quelles demandes méritent le plus d'être financées.

Moins de 20 p. 100 de toutes les demandes de financement provenant d'universitaires et présentées aux trois conseils subventionnaires sont acceptées. Des décisions difficiles doivent être prises. Lorsque le gouvernement dit que tout l'argent des sciences humaines et sociales doit être utilisé dans le domaine des finances et de l'administration des affaires, cela signifie que les conseils subventionnaires ne peuvent pas examiner les demandes qui pourraient être importantes dans d'autres secteurs. Nous croyons que la décision devrait être prise par les chercheurs d'une façon responsable.

M. Peers : À titre de personne qui a profité de différentes perspectives dans ce processus d'examen par les pairs, je suis l'un de ses plus ardents défenseurs. Cependant, il est important de comprendre qu'un aspect unique de la recherche au Canada est le fait que nous dépendons de ces trois conseils. D'autres pays ont de nombreux conseils, agences et fondations du secteur privé. Un chercheur dans un autre pays, comme les États-Unis, se trouve devant plus de possibilités de financement. Nous avons tendance à dépendre beaucoup plus de ces trois conseils.

Mme Balon : Utiliser ces fonds pour obtenir de la recherche commercialisable est inquiétant, surtout pour les conseils subventionnaires. Les universités ont un mauvais dossier en ce qui concerne la production de résultats commercialisables. En fait, le taux de rendement sur l'investissement dans la commercialisation de la recherche universitaire diminue constamment. Nous dépensons plus d'argent dans la plupart des universités pour conserver ces programmes de commercialisation que nous recevons en redevances de la vente de la propriété intellectuelle. Nous devrions examiner cette situation.

Je répéterai ce qui a été dit plus tôt, nous devons respecter le processus d'examen par les pairs et la recherche motivée par la curiosité.

Le sénateur Hubley : Bienvenue, et merci de vos exposés ce matin. Ma question fait suite à la question du sénateur Cordy. Je m'intéresse à votre analyse du budget de 2010, alors que le gouvernement a retiré de l'argent aux conseils subventionnaires pour pouvoir offrir du financement à des organisations ou à des fondations précises. C'est peut-être pourquoi il l'a fait.

Croyez-vous que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour faire en sorte que la recherche menée dans les universités réponde aux besoins de la société et de l'économie canadienne? Le gouvernement cherche peut-être une façon différente de financer la recherche. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?

M. Turk : Le gouvernement fédéral a le droit, peut-être même l'obligation, de s'assurer que l'argent qu'il fournit pour la recherche réponde aux besoins des Canadiens. Il faut se demander comment mieux répondre à ces besoins. Je pense que la meilleure façon d'y arriver va peut-être à l'encontre de notre intuition. Il ne s'agit pas que le gouvernement dise : Dépensez dans ce domaine; financez ce projet; ou donnez l'argent à ce centre. Il ne s'agit pas de dire que nous allons nous concentrer sur des choses pour lesquelles les chercheurs peuvent nous dire que le financement produira des résultats dans six mois ou un an. Cela peut sembler une façon évidente de distribuer les fonds, mais ce n'est pas de cette façon que la recherche scientifique réussit à avancer.

Un de mes amis est chercheur principal à l'Institut neurologique de Montréal. II dit qu'à chaque fois qu'il remplit une demande de subvention, il doit mentir parce que le formulaire lui demande de parler des bienfaits qui résulteront de sa recherche. Il dit qu'il est un scientifique étudiant diverses questions en neurologie qui, d'après lui, sont importantes au plan scientifique, qu'il ne sait pas où mèneront ses recherches, mais qu'il doit inventer une explication à ce sujet.

Je vais vous donner un exemple. Certains d'entre vous l'ont peut-être déjà entendu. Paul Berg, qui a reçu le prix Nobel pour le travail qu'il a fait à Stanford au milieu des années 1970 et qui a jeté les bases pour l'épissage de l'ADN pour former des molécules hybrides, qui sous-tend aujourd'hui l'industrie de la biotechnologie qui vaut des milliards de dollars, a dit que lorsqu'il faisait ce travail, il ne savait pas du tout quels seraient les résultats ou quelle en était la valeur. Il a dit que s'il avait eu à se soumettre à une évaluation en fonction de critères de commercialisation, il n'aurait pas reçu un sou.

Je pourrais vous donner des dizaines d'exemples, mais nous n'avons pas le temps. Dans mon exposé, j'ai parlé de toutes sortes de choses provenant de la recherche fondamentale et qui nous sont importantes : les ordinateurs, les lasers, les appareils d'imagerie médicale, le système de positionnement mondial, le cryptage, le Téflon, Internet, et cetera.

Ce qu'il faut retenir, c'est que la meilleure façon pour le gouvernement de s'assurer que son financement profite aux Canadiens, c'est de donner l'argent aux conseils subventionnaires qui, par l'entremise d'un processus d'examen par les pairs rigoureux, choisiront les meilleurs projets scientifiques, et des bienfaits découleront de ce processus. Il n'y a pas de meilleure façon d'en arriver à ce résultat. Essayer de dire à des scientifiques comment faire la recherche ou aux conseils comment dépenser l'argent ne profitera pas autant aux Canadiens. Ils ont de bonnes intentions, mais pas la bonne méthode.

Le sénateur Hubley : Ma prochaine question concerne la participation du secteur privé. Quelle est la participation du secteur privé au Canada comparativement aux autres pays? Quel est votre rôle pour peut-être inviter le secteur privé à participer de façon plus importante à nos systèmes d'éducation?

M. Peers : Dans le domaine des études supérieures, le secteur privé participe surtout au chapitre des dons, des bourses de recherche et des bourses d'études. Nous faisons une recherche active de ces sources, et elles sont devenues une partie importante du financement dans nombre de nos institutions. Avec le rendement de nos fondations qui a diminué lors de la crise économique récente, nous avons découvert que ce financement présentait un risque. Cela s'est reflété sur notre situation financière. C'est un aspect important.

Un autre aspect concerne les divers partenariats. De nombreuses écoles d'études supérieures au Canada examinent la possibilité de stages. Nous, les doyens des études supérieures, devons garder à l'esprit l'une des statistiques les plus révélatrices, c'est-à-dire que la majorité de nos étudiants, même au doctorat, ne deviendront pas des professeurs universitaires pour diverses raisons.

En chimie, par exemple, des collègues de mon université m'ont dit qu'environ 90 p. 100 des doctorants en chimie chercheront à travailler dans l'industrie. D'après moi, une partie de leur formation devrait consister à mieux les outiller à acquérir les compétences et les réseaux nécessaires. Nous répondons à ce besoin, en collaboration avec l'industrie, par l'entremise de stages et de divers partenariats.

Il y aura toujours des problèmes. Un des problèmes les plus pressants concerne la propriété intellectuelle. Si un étudiant travaille sur un projet, à qui appartient la propriété intellectuelle? La situation peut devenir complexe. Je passe trop de temps dernièrement à en parler à des avocats pour clarifier la situation.

Ce domaine évolue dans de nouvelles directions. Comme je suis historien, j'examine le passé, mais pour l'avenir, je crois que nous verrons une augmentation des activités dans ce domaine.

Le sénateur Hubley : J'ai une brève question concernant les étudiants étrangers. Mme Balon pourra peut-être y répondre.

Avez-vous peur que le nombre de places offertes à des étudiants étrangers empêchera des étudiants canadiens de faire des études supérieures?

Mme Balon : À ma connaissance, les étudiants n'ont pas cette crainte.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup, et bienvenue à tous.

J'examinais les documents fournis par la Bibliothèque du Parlement. Je veux parler d'autres aspects. Le Canada est au vingtième rang des pays de l'OCDE en ce qui a trait au nombre de nouveaux titulaires de doctorat par tranche de million d'habitants.

Pourriez-vous nous expliquer premièrement comment améliorer cette situation? Du point de vue des étudiants, j'aimerais savoir quel est le niveau d'endettement d'un étudiant au doctorat à la fin de son programme. Peut-être pourriez-vous comparer ce niveau d'endettement à celui d'une personne qui ne fait qu'une maîtrise ou d'autres études postsecondaires.

Est-ce que cela décourage les gens de s'inscrire à un programme de doctorat? Comment les femmes sont-elles touchées par cette situation? Pourquoi y a-t-il moins de femmes doctorantes au Canada? Vous avez parlé d'un neveu qui préfère demeurer couvreur de revêtement de toiture plutôt que de faire des études supérieures.

M. Peers : Si l'étude de l'OCDE à laquelle vous faites référence est celle à laquelle je pense, les données utilisées me posent un grave problème. L'étude a utilisé une cohorte d'un âge maximum de 27 ans. La plupart de nos doctorants au Canada ne termineront pas leurs études avant l'âge de 30 ou 31 ans. Par conséquent, notre situation est en réalité meilleure que ce qu'elle paraît être.

Il y a aussi d'autres distorsions dans cette étude parce que les États-Unis ont tendance à avoir plus d'étudiants à la maîtrise et au doctorat dans des domaines d'études que nous n'avons pas nécessairement ici. J'utilise ces données avec une certaine prudence.

Les questions financières sont évidemment importantes, surtout pour les femmes. Des études au doctorat prendront typiquement de cinq à huit ans, et cette période correspond à la période pendant laquelle de nombreuses femmes cherchent à fonder une famille. Il faudrait que nos systèmes et structures internes, de même que le processus externe de financement, soit beaucoup plus souple.

Mme Balon : Lorsque l'on parle des diplômés du troisième cycle, il faut examiner l'ensemble de la situation. Les diplômés du premier cycle ont une dette moyenne de 20 000 à 28 000 $, selon l'endroit où ils étudient au Canada. Si l'on fait des études de deuxième cycle, on accumule encore plus de dettes. Malgré certains programmes qui offrent un bon financement, 95 p. 100 des étudiants de deuxième et troisième cycles ne reçoivent pas de financement direct pour leur recherche; seulement 5 p. 100 en reçoivent. Le financement constitue un énorme problème.

Je n'ai pas les statistiques avec moi en ce qui concerne le niveau d'endettement après un programme de doctorat, mais il faut entre cinq et sept ans pour obtenir un diplôme. Ils sont à différentes étapes de leur vie. Ils ont peut-être des personnes à charge. Ils ont peut-être besoin de rembourser leurs dettes et de trouver un travail. Franchement, si un étudiant au doctorat se rend compte qu'avec une maîtrise, on ne gagne que 4 000 $ de moins qu'avec un doctorat, et que les possibilités d'emploi pour enseigner au sein des institutions sont limitées et concurrentielles, cela est décourageant. Je ne sais pas ce qu'on dit dans cette étude ou dans les statistiques, mais je peux comprendre pourquoi nous n'avons pas une meilleure cote.

M. Turk : Dans ce dossier vert bilieux que je vous ai remis, il y a un almanach que nous publions chaque année et qui contient toutes les données quantitatives qui existent au Canada en ce qui a trait aux études postsecondaires. Par exemple, à la page 35, il y a le tableau 3.19 « Doctorats, selon la discipline principale, le Programme d'étude et le sexe, Canada, 2006 ». On parle des niveaux d'endettement. Les membres de votre personnel et vous trouverez peut-être ces renseignements utiles pour répondre à certaines de ces questions.

Une chose que nous savons au sujet de l'endettement des étudiants, c'est que les coûts sont particulièrement élevés dans les domaines professionnels. J'étais à un comité il y a deux ans avec l'Association médicale canadienne, l'Association dentaire canadienne et une association d'ingénieurs professionnels. De tous les domaines professionnels, c'est la médecine dentaire pour laquelle les frais de scolarité sont les plus élevés. Je me souviens que le président de l'Association dentaire canadienne disait qu'il y avait deux problèmes : les frais de scolarité élevés et le niveau d'endettement anticipé élevé. Ces facteurs ont une incidence sur ceux qui se dirigent dans ce domaine. Les étudiants issus de familles plus pauvres qui ont moins d'expérience pour ce qui est de faire face à une dette seront découragés par les frais de scolarité de 20 000 $ et l'accumulation d'une dette de 50 000 $ ou de 100 000 $ lorsqu'ils auront obtenu leur diplôme. Ce que j'ai trouvé intéressant dans son exposé, et d'autres l'ont dit également, c'est que cela a également une incidence sur les domaines dans lesquels les Canadiens choisissent d'étudier. Il a dit qu'à l'époque où il étudiait la médecine dentaire, les frais de scolarité étaient de 400 $ par an et qu'à la fin de ses études, il n'avait pas accumulé de dettes considérables. Aujourd'hui, typiquement, les étudiants accumulent plus de 100 000 $ de dettes de sorte qu'ils ne veulent pas pratiquer dans de plus petites collectivités. Il venait de l'Alberta. Il a dit que les dentistes ne veulent pas pratiquer à Red Deer; ils veulent pratiquer à Edmonton, à Calgary ou à Toronto où ils peuvent se joindre à un cabinet dentaire plus important et rembourser leurs dettes. L'Association médicale canadienne dit que dans une certaine mesure, il y a moins d'étudiants qui choisissent la médecine familiale lorsqu'ils ont un niveau d'endettement élevé; ils choisissent des spécialités et ils veulent pratiquer dans de grands centres urbains. À la faculté de droit, on nous a parlé des étudiants qui choisissaient plutôt des domaines comme le droit corporatif et autres, et l'Université de Toronto a augmenté ses frais de scolarité à 22 000 $ par an à la faculté de droit. Nous constatons que les étudiants, soit en raison de la dette qu'ils prévoient accumuler, soit en raison de la dette qu'ils ont déjà accumulée, choisissent des domaines d'étude et des endroits qui ont une incidence négative sur la capacité des gens de s'installer dans des plus petites collectivités ou de se lancer dans certains domaines. C'est là un autre aspect dont on ne parle pas souvent.

[Français]

M. Beaulieu-Mathurin : Il y a la perception de la dette qui met un poids énorme sur le fait de poursuivre ou non les études. L'autre élément vient aussi des souhaits d'accomplissement personnel, tant pour avoir une famille, les relations de couple, ainsi de suite. Une des mesures que nous proposons et que nous mettons de l'avant, c'est une sorte d'inclusion au régime québécois d'assurance parentale, qui offre un financement lors d'une maternité ou d'un congé de parentalité, tant pour l'homme que la femme. Le projet familial qu'on conçoit, entre cinq et huit ans de doctorat, a une certaine limite jusqu'où on peut le repousser, le moment où on décide d'avoir des enfants. On peut travailler pour améliorer les conditions de vie des étudiants chercheurs et le nombre de personnes qui vont y travailler.

L'autre partie, par rapport au nouveau nombre de doctorats qu'on forme au Canada, c'est celle de la question des perspectives d'emploi que ces doctorats auront. Personne n'aura de sous emploi ou n'aura à passer à deux ou trois postdoctorats pour avoir une carrière académique. Le nombre de professeurs engagés dans les universités devrait pouvoir croître. Disons que l'augmentation du nombre de doctorats produit et du nombre de places à l'université n'a pas suivi et la majorité des études le prouve : la plupart n'iront pas dans le milieu académique. Il y a aussi la réceptivité du secteur privé. On parle du développement des compétences professionnelles, la supervision d'équipe et plusieurs projets de recherche et de communication qui sont à développer.

Pour cela il peut y avoir des problèmes au niveau des organismes subventionnaires, qui financent carrément le développement des équipes. Il y a aussi du travail à faire de la part des universités. Certaines universités s'y sont attelées plus que d'autres. Mais il peut y avoir un grand choix.

[Traduction]

Le sénateur Merchant : Vous avez mentionné, monsieur Turk, qu'il y a des étudiants qui proviennent de milieux où ils n'ont pas beaucoup de soutien financier. Est-ce que les conseils subventionnaires tiennent compte du besoin lorsqu'ils décernent des bourses ou est-ce que ces dernières sont tout simplement octroyées selon le mérite? Comment fonctionne ce processus?

M. Turk : J'imagine que les deux représentants des étudiants peuvent mieux répondre à la question que moi. Au Canada, plus que dans la plupart des autres pays, les étudiants doivent compter surtout sur un programme de prêts. En fait, le gouvernement actuel a été le premier à enfin mettre en place un programme national de subventions fondées sur les besoins. Nous avons félicité le gouvernement lorsqu'il l'a fait. Un système qui se fonde sur les prêts a tendance à désinciter certains types d'étudiants, selon leurs antécédents. Nous encourageons davantage un système de subventions fondées sur les besoins. Je parle ici surtout des étudiants de premier cycle.

Pour ce qui est des étudiants au niveau du doctorat dans les grandes universités de recherche, de façon générale, on s'attend — et je sais que c'est le cas à l'Université de Toronto — à ce que la faculté offre à tous les étudiants au doctorat un financement équivalent pour les frais de scolarité. Le nombre d'étudiants que les universités peuvent accepter est limité, selon l'argent dont elles disposent. Dans toutes les grandes universités américaines, au niveau du doctorat, il n'y a aucuns frais de scolarité à payer. Les étudiants reçoivent une facture, mais le coût est payé d'autres façons. Cela s'est avéré un problème pour le Canada qui ne peut pas offrir la même chose aux étudiants. Encore une fois, nous perdons des étudiants qui s'en vont aux États-Unis car nous n'avons pas les fonds nécessaires.

M. Peers saura mieux que moi si la majorité des universités canadiennes paient les frais de scolarité au niveau des études de doctorat.

Le vice-président : Mme Balon a dit qu'elle voulait répondre à cette question, et je donnerai ensuite la parole à M. Peers.

Mme Balon : En ce qui concerne les frais de scolarité pour les études supérieures, je crois comprendre que les facultés d'études supérieures des universités partout au pays sont en train d'examiner la façon dont elles pourraient réduire ces frais de scolarité en raison des contraintes que l'on connaît dans le climat économique actuel. On entend parler de compressions générales qui pourraient varier entre 5 et 10 p. 100. Ultimement, les universités pourraient décider de payer les frais de scolarité des étudiants au niveau du doctorat.

En ce qui a trait aux subventions en fonction des besoins, en 2009, le gouvernement fédéral a mis en place le Programme canadien de subventions aux étudiants qui profitent à tous les étudiants. Malheureusement, les étudiants des cycles supérieurs n'ont pas accès à ce programme. La position du Caucus national des étudiantes et des étudiants de deuxième et troisième cycles, c'est de demander que les étudiants des cycles supérieurs aient accès à ce programme de subventions axé sur les besoins. Nous demandons que les crédits d'impôt pour les bourses servent à financer des bourses immédiates axées sur les besoins pour les étudiants des cycles supérieurs.

M. Peers : La plupart des écoles d'études supérieures canadiennes dispensent les étudiants des frais de scolarité ou tentent d'augmenter d'autres fonds pour compenser, partant du principe que les études au niveau du doctorat ne constituent pas un mécanisme qui génèrent un revenu. En ce qui concerne les bourses d'études provenant des conseils, elles sont toutes décernées selon le mérite. Il n'y a pas de bourses d'études décernées selon les besoins. La plupart des institutions, comme la mienne et d'autres, ont un fonds distinct pour les bourses que nous tentons d'utiliser pour atténuer certains des problèmes. Naturellement, le fonds n'est pas suffisant, mais nous tentons d'utiliser des bourses d'études afin de compenser certains autres coûts

[Français]

M. Beaulieu-Mathurin : Le système d'aide financière au Québec est basé sur les prêts et les bourses. Les bourses arrivent à créer un certain niveau d'endettement et sont en fonction des besoins. Le système est bien créé de cette façon. Dans certaines universités au Québec, pour le financement intégré, un certain niveau de financement est garanti aux différents étudiants qui arrivent au niveau des études supérieures.

Les aides subventionnaires sont basées entièrement sur le mérite et cela doit rester comme cela. Il ne faut pas non plus mélanger les systèmes.

La non imposition des bourses pour les étudiants au cycle supérieur doit être maintenue. À notre avis, les sommes que le gouvernement gagnerait et ce que les étudiants ont comme valeur ajoutée, c'est déjà une bonne chose et il ne vaut pas la peine de changer le système.

La grande majorité de la question du financement, c'est un financement indirect. Ce que les chercheurs reçoivent leur permet d'embaucher des étudiants à l'intérieur de l'université, ce qui est aussi fondamental. C'est encore la question de financer davantage la recherche.

[Traduction]

Le sénateur Keon : Je voudrais parler surtout de ce qu'on appelle la crème de la crème. Je déteste faire cela, mais je veux en parler pour une raison.

L'éducation postsecondaire est un sujet extrêmement complexe lorsqu'on parle des étudiants qui entrent à l'université, des étudiants au niveau du baccalauréat, mais lorsqu'on parle des étudiants au niveau du doctorat, ce sont eux qui sont les plus prometteurs. Je ne veux pas diminuer l'importance de l'éducation pour le jeune Canadien moyen qui veut se trouver un emploi, mais là où cela compte, c'est au niveau du doctorat.

Je suis convaincu que, franchement, je n'ai jamais rencontré un politicien élu de quelque parti politique que ce soit, de quelque compétence que ce soit qui comprenne vraiment ce concept. Il faut s'être retrouvé dans la situation pour le comprendre, car ce qui fait avancer la frontière des connaissances, c'est le processus d'examen par les pairs. On donne une subvention et les chercheurs doivent se soumettre à un examen par les pairs. On n'arrive pas à trouver suffisamment de gens pour le faire au Canada ou aux États-Unis, de sorte qu'en Allemagne, il y a quelqu'un qui examine la subvention et une fois que la subvention est accordée, la personne qui a fait l'examen écrit à l'ordinateur dit que c'est quelque chose de fantastique, qu'elle peut compléter ce qu'ils font. On a ensuite la naissance d'un consortium. De cette relation, il y a une vague de nouvelles connaissances qui ne cesse de prendre de l'ampleur.

Les politiciens, et j'en ai connu quelques-uns très bien au fil des ans, dont certains étaient ministres de la Santé à l'échelle provinciale et fédérale, n'arrivent pas à comprendre ce concept. Par conséquent, je me demande comment la communauté scientifique les a laissés tomber puisque nous n'arrivons pas à les éduquer. Les politiciens investissent de l'argent dans toutes sortes de choses, mais fondamentalement, c'est une perte de temps, n'est-ce pas? Ils en tirent des dividendes politiques, mais du point de vue scientifique, c'est une perte de temps.

Il arrive parfois, particulièrement lorsqu'on a plus de temps, que la recherche thématique donne des résultats. Cependant, cette recherche a donné des résultats parce qu'on a réuni les as du milieu scientifique et on leur a dit de résoudre le problème. Le simple fait de donner de l'argent à une fondation qui ne va pas débourser cet argent selon le processus d'examen par les pairs constitue une perte de temps.

Je suis trop âgé maintenant pour faire cela, alors je vous demande comment vous allez convaincre les hommes et les femmes politiques — peu importe leur parti, peu importe qu'ils soient élus au provincial ou au fédéral, car toutes les provinces ont maintenant leurs propres organismes subventionnaires — et comment vous allez les éduquer et leur expliquer ce que représente les nouvelles connaissances? Comment allez-vous leur expliquer ce qu'il faut pour développer ces petits éléments des nouvelles connaissances que l'on a pu obtenir, en commençant par les étudiants de premier cycle qui sont passés au niveau de la maîtrise puis au niveau du doctorat?

Je crois que l'éducation des politiciens constitue un défi majeur. Ce n'est pas l'argent qui pose problème. C'est l'éducation des politiciens qui est un défi de taille.

M. Turk : Nous devons nous battre avec cette question tous les jours. Vous dites peut-être que vous êtes trop âgé, mais dans bien des sociétés, ce sont les personnes âgées qui sont les plus valorisées en raison de leurs connaissances.

Une chose que nous n'avons pas réussi à faire, à mon avis, c'est d'expliquer l'importance de la recherche fondamentale. Il y a un point de vue tout à fait sensé selon lequel l'argent est dépensé et on nous dit ce qu'on devrait faire, sans savoir que la recherche doit être fondée sur le travail que d'autres ont fait. Comme vous l'avez dit, parfois nous réunissons tous les meilleurs intervenants, mais même eux s'inspirent énormément de la recherche fondamentale qui a été faite avant eux pour résoudre des problèmes concrets.

Une chose que je sais que nous devons faire — et je continue d'espérer que nous aurons le temps de le faire —, c'est d'écrire un livre populaire au sujet de la recherche fondamentale et de ce que cela comporte; comment investir de l'argent dans un conseil subventionnaire par un processus d'examen par les pairs afin d'étudier toutes sortes de choses qui ne semblent pas être sensées pour un politicien en particulier ou pour un membre du public en particulier, mais qui sont néanmoins importantes.

Je me souviens qu'à plusieurs reprises, après que l'un des conseils subventionnaires ait annoncé ses subventions, quelqu'un se soit levé à la Chambre des communes pour se moquer de ces subventions en disant qu'elles serviraient à faire une étude sur une sorte de pigeon dans les Territoires du Nord-Ouest. Les gens demandent pourquoi est-ce que nous gaspillons notre argent pour faire une telle étude, sans comprendre que ce type de recherche est sous-jacent à une série de questions auxquelles nous devons avoir des réponses et qui ont une importance scientifique plus large.

La solution consiste en partie à expliquer plus clairement le processus scientifique, comme vous l'avez dit, et jusqu'à quel point, très souvent, nous apprenons de nos échecs. Il ne s'agit pas tout simplement de dire, « Je veux me rendre du point A au point B et voici de l'argent pour que vous me disiez comment m'y prendre ». La science ne fonctionne pas de cette façon.

M. Peers : Nous devons également prendre beaucoup de responsabilités nous-mêmes. En tant que collectivité, nous sommes coupables d'un certain nombre de choses, notamment d'obscurcissement. Nous avons aussi tendance à parler avec condescendance. Nous pouvons aussi être sur la défensive et avoir tendance à nous plaindre; tout cela est parfaitement compréhensible dans les relations humaines. Cependant, nous devons rappeler aux gens la valeur de la recherche fondamentale et aussi le fait qu'à court terme, nous faisons trop de planification — et je ne parle pas ici d'un gouvernement particulier car les universités sont parfois coupables d'une telle chose également. Nous tentons de résoudre le problème de cette semaine alors que ce sont les problèmes à plus long terme qui reviendront nous hanter.

L'exemple que j'utilise souvent est mon propre domaine de recherche qui est spécialisé et qui n'est pas terriblement stratégique. Ce n'était pas stratégique le 10 septembre 2001. Je travaille comme historien à la frontière britannique avec l'Afghanistan, ce qui est rare. Après le 11 septembre, tout à coup ma recherche est devenue importante. Sur le plan stratégique, deux semaines auparavant, il n'était pas logique d'appuyer ma recherche car à quoi est-ce que cela aurait bien pu servir? Or, tout à coup, ils ne pouvaient pas trouver des gens au Canada qui travaillaient dans le domaine, et je ne suis pas aussi expert que d'autres; je suis en quelque sorte périphérique dans ce domaine. La même chose s'est produite aux États-Unis. Ils couraient partout pour essayer de trouver des gens qui parlaient le farsi ou le pashto. Ils n'avaient pas étudié dans ce domaine. Il est important de permettre aux gens de faire cette recherche fondamentale car c'est la meilleure façon de faire face aux problèmes qui nous frapperont dans cinq ou dix ans, plutôt que d'essayer de le faire avec un plan stratégique qui ne nous permet pas de planifier pour l'avenir.

Le vice-président : Sénateur Keon, avez-vous une autre question?

Le sénateur Keon : Non; je veux seulement que vous retourniez chez vous pour résoudre ce problème.

M. Turk : M. Peers a mentionné une chose dont nous sommes coupables. Je pense que nous sommes coupables dans un autre sens. Parce que nous souhaitons, en tant qu'éducateurs et en tant qu'universités, obtenir de l'argent, lorsque le gouvernement dit que nous avons besoin de ceci, nous disons, oui, donner de l'argent aux universités profitera à l'économie et nous permettra de faire toutes ces choses.

Nous donnons l'impression que s'ils nous donnent de l'argent, nous allons résoudre le problème. Cela laisse entendre que pour que nous puissions résoudre leurs problèmes, ils devront alors nous dire quels problèmes doivent être résolus. C'est comme lorsque j'appelle un plombier pour réparer ma toilette. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent dans le domaine scientifique. Pourtant, parce que nous voulons désespérément obtenir du financement, nous cautionnons cette notion en disant, oui, nous ferons ce que vous voulez. Donnez-nous l'argent et nous allons le faire.

C'est ce que font nos conseils subventionnaires. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada a mis en place une stratégie en matière de partenariats et d'innovations en disant essentiellement nous pouvons résoudre vos problèmes. Il y a un nouveau Programme de subventions d'engagement partenarial dans le cadre duquel ils disent qu'ils utiliseront cet argent pour demander à des scientifiques de résoudre des problèmes propres à une entreprise. Ils ont un autre programme qu'ils affichent sur leur site Web où ils disent : « Il contribue à l'organisation de rencontres éclair, afin que les chercheurs et les entreprises intéressés puissent établir un contact bref et structuré pour discuter de leurs besoins et de leurs capacités. »

C'est comme si les scientifiques étaient des gens qu'on pouvait faire venir pour tout arranger. Cette impression contribue en partie au problème.

Le sénateur Martin : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. En écoutant les questions et la conversation, cela m'a permis d'éliminer certaines choses que je voulais dire et de reformuler certaines autres.

Bien que mon verre soit à moitié vide, je peux le considérer à moitié plein. Aujourd'hui, nous avons beaucoup de choses à célébrer. Au Canada, nous avons de l'innovation et des endroits comme TRIUMF, une entreprise de renommée mondiale. Je vis à Vancouver et je suis allée à l'Université de la Colombie-Britannique. Lorsque vous avez mentionné TRIUMF, monsieur Turk, j'ai pensé : « Oui, c'est quelque chose que nous devons tous célébrer et dont nous pouvons être fiers car à l'extérieur du Canada, les gens reconnaissent nos réalisations.

En réponse au sénateur Keon, monsieur Turk, vous avez parlé d'éduquer les politiciens. Je suis également d'avis que nous devons transmettre le message au public, car nous desservons nos commettants et les Canadiens. Lors de différentes séances, on a dit qu'il fallait parler à des groupes qui représentaient les collèges, les établissements privés, les communautés autochtones, et cetera, qu'il fallait faire du marketing, présenter une image de marque. Je trouve vos propositions intéressantes. Nous n'avons pas parlé longuement, et je suis désolée d'avoir manqué certains exposés ce matin.

Beaucoup d'entre vous proposent une vision nationale — c'est-à-dire le leadership du gouvernement fédéral; cependant je n'oublie pas la question importante, soit que les provinces ont compétence dans le domaine de l'éducation. Je lirai ce texte de projet de loi sur l'éducation postsecondaire avec beaucoup d'intérêt. Dans l'introduction, à la page II, vous dites que pour répondre aux préoccupations des provinces, la loi prévoirait « une déclaration selon laquelle la loi ne modifierait pas la compétence des provinces en matière d'enseignement postsecondaire ni n'empiéterait sur cette compétence ». Vous poursuivez en proposant la création d'un conseil consultatif indépendant où seraient représentées les provinces, le gouvernement fédéral, le milieu universitaire et les autres groupes d'intervenants.

Avez-vous consulté les ministres de l'éducation des provinces lors de la rédaction de cette ébauche de loi? Est-ce que cette proposition est vraiment réaliste? C'est une conversation qu'il faut absolument avoir.

M. Turk : Vous posez une question importante. Comme je l'ai mentionné dans mes commentaires, nous avons proposé cette mesure législative parce que nous ne pensons pas qu'il y ait vraiment de solution au problème du financement de l'éducation postsecondaire au Canada sans qu'il n'y ait une entente du genre. Le gouvernement fédéral sera toujours à court d'argent pour financer les milliers de programmes qu'il appuie; ainsi, avant d'investir de l'argent dans le secteur de l'éducation postsecondaire le gouvernement devra être convaincu que cet argent sera utilisé pour l'éducation postsecondaire.

Il y a une sorte de compromis. Nous avons déjà vécu la situation au Canada. C'est toujours un défi lorsqu'on cerne un secteur où il existe clairement des besoins pancanadiens, comme c'est le cas dans le secteur de l'éducation postsecondaire. Tout compte fait, la responsabilité accordée aux provinces découle de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique qui mentionnait l'éducation. L'éducation postsecondaire n'était pas un concept qui existait à l'époque. On a décidé que l'éducation postsecondaire relevait des provinces. C'est le cas, mais il s'agit d'un système international. Ce n'est même pas un système provincial ou national. Nous ne pouvons pas fonctionner comme si chaque province était différente. Je crois que les provinces en sont conscientes, mais désirent tout de même trouver un mécanisme qui leur permet de recevoir quelque chose en retour de leur engagement à certains égards; j'entends ici un financement adéquat et prévisible et des mécanismes afférents. Nous nous sommes inspirés en partie, pour la rédaction de ce projet de loi, de la Loi canadienne sur la santé, car il existe dans ce secteur également un besoin de s'attaquer aux problèmes de façon nationale afin d'assurer, sur une base pancanadienne, certains facteurs de prévisibilité et d'accessibilité pour tous les Canadiens. Nous avons justement discuté de ce besoin.

On s'inquiète de la situation surtout en Alberta et au Québec. Lors des réunions de ministres chargés des relations fédérales-provinciales, les choses s'enveniment dès qu'il s'agit du Québec ou de l'Alberta. Cependant, je pense que toutes les provinces veulent que nous allions de l'avant avec cette mesure législative.

J'aimerais vous faire part d'une autre chose. L'ACPPU réalise deux sondages d'opinion publique chaque année par l'entremise de la société Harris-Decima. L'échantillon choisi est deux fois plus important que les échantillons habituels pour un sondage d'opinion publique, ce qui nous permet d'avoir des ventilations selon les régions. Lors du sondage effectué en notre nom le mois dernier, parmi les questions posées était la suivante : Les transferts du gouvernement fédéral en matière d'éducation postsecondaire devraient-ils être assortis de conditions?

Soixante-huit pour cent des Canadiens ont indiqué que le gouvernement fédéral devrait imposer des conditions; 29 p. 100 ont dit que les provinces devraient utiliser cet argent comme elles le désirent.

Je peux vous faire parvenir les résultats du sondage. La ventilation au Canada est assez intéressante. Dans chaque province, la majorité des Canadiens ont dit que le gouvernement fédéral devrait établir des conditions. Ce taux allait de 58 p. 100 au Québec à 72 p. 100 en Ontario. En Alberta, 69 p. 100 des personnes consultées jugeaient que le gouvernement fédéral devrait assortir son aide financière pour l'éducation postsecondaire de conditions.

La population appuie cette mesure législative. Tout compte fait, les politiciens s'intéressent à ce que désirent leurs électeurs. Les Canadiens reconnaissent qu'il nous faut trouver une solution au problème. Nous n'avons qu'un verre qui est à moitié plein. Nous avons un merveilleux système d'éducation postsecondaire, ce qui est un des grands atouts du Canada. C'est un système public, contrairement au système américain qui est confus. Nous reconnaissons qu'il faut s'attaquer à ce problème maintenant, au XXIe siècle, sur une base pancanadienne, et trouver un mécanisme qui soit juste à l'égard des provinces et qui reconnaisse leur rôle, tout en donnant au gouvernement fédéral une garantie, soit que les montants importants investis dans l'éducation postsecondaire seront utilisés à cette fin.

Le sénateur Martin : J'aimerais poser une question sur le Québec et les défis que doivent relever les étudiants étrangers qui veulent étudier au Canada — et, le Québec est une option — en matière de langue. En Colombie-Britannique, par exemple, un grand nombre de nos étudiants étrangers viennent d'Asie ou de pays où le français n'est pas la langue officielle. Comment composez-vous avec ce défi au Québec?

[Français]

M. Beaulieu-Mathurin : La question d'un axe sur l'éducation postsecondaire est très sensible pour le Québec. Je sais que pour ceux que je représente, ils sont certainement inconfortables avec cela. Cela apporterait un élément de tension dont on n'a pas besoin en ce moment.

Sur la question des étudiants étrangers, le recrutement que les universités québécoises font n'est pas dans le même marché que la plupart des autres universités canadiennes.

Il y a un autre aspect à considérer pour les étudiants d'origine indienne ou chinoise. Il faut comprendre la présence de McGill et Concordia à Montréal, qui apporte au marché un aspect très important dans leur recrutement et qui est différent de celui des autres universités du Québec.

En ce qui a trait au volet gouvernemental, c'est clair qu'il peut toujours y avoir la question de la francisation et des reconnaissances et des facilitations pour réunir les familles.

La mesure de proposer un remboursement ou un crédit d'impôt pour les frais de scolarité différenciés pour ceux qui décident de s'établir favoriserait aussi une attraction à notre avis.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Je suis président d'un institut postuniversitaire, le Pontifical Institue of Mediaeval Studies, à l'Université de Toronto. Je sais à quel point il est difficile d'obtenir le financement des travaux de recherche. Cela dit, j'ai été fort intéressé par votre commentaire lorsque vous avez dit qu'en raison d'un manque de financement il y avait moins de professeurs, plus d'étudiants dans les salles de classe, moins de choix au niveau des cours, moins de livres disponibles en bibliothèque et toutes sortes d'autres problèmes.

Cependant, je suis également contribuable. Je suis choqué lorsque j'entends parler de grève déclenchée dans les universités en raison des heures d'enseignement et de la permanence. J'aimerais bien qu'on ait des montants du gouvernement fédéral qui seraient affectés exclusivement aux études de deuxième cycle et à la recherche fondamentale dans chaque province, je crois cependant qu'il doit y avoir une certaine réforme au sein des institutions avant que le gouvernement fédéral soit disposé à offrir ce genre de financement directement. Vous avez dit que le public canadien n'avait peut-être pas la meilleure impression possible des universitaires. Avez-vous pensé à cette question? Est-ce que la question a été soulevée?

M. Turk : Je serais heureux de répondre à cette question. On soulève ce problème à l'occasion. J'aimerais répondre à votre question de diverses façons si vous voulez bien.

Hier, Statistique Canada a publié le salaire des membres du corps professoral. À l'Université de Toronto, il est le plus élevé au pays, soit 122 000 $ en moyenne. Je pense que le salaire le plus bas, 80 000 $, était payé par certaines petites institutions.

Il y a des questions qui sont posées, par exemple, les grèves. Je peux signaler que les professeurs à l'Université de Toronto, qui sont les mieux payés au pays, ne sont pas syndiqués. C'est vraiment le marché qui dicte le salaire des professeurs.

Le sénateur Eaton : Je pense par exemple à l'Université York.

M. Turk : Je dis simplement, toutefois, que les salaires versés aux professeurs sont pratiquement imposés par le marché. Ainsi, les salaires versés dans les grandes universités de recherche sont plus élevés que ce qu'on retrouve dans les plus petites universités ou pour les professeurs de premier cycle; et les salaires sont plus faibles dans les Maritimes qu'en Ontario; et cetera.

Cependant, les universitaires, tout particulièrement les bons universitaires, ont sans cesse des offres d'emploi d'autres institutions. Je ne pense pas que les salaires des professeurs d'université soient trop élevés. En fait, j'ai eu des discussions avec des journalistes sur les salaires des professeurs et j'ai dit qu'ils étaient moins élevés tout compte fait que les salaires d'autres professionnels équivalents dans d'autres domaines. Vous parliez d'argent.

Le sénateur Eaton : Je ne parle pas simplement d'argent, je pense plutôt que pour l'argent que vous recevez vous n'avez qu'à enseigner trois ou quatre heures par semaine et vous avez tous vos étés de congé.

M. Turk : Pouvons-nous répondre à ces commentaires?

Le sénateur Eaton : Ce n'est pas une question d'argent. Je ne pense pas que vous êtes trop payés. Je ne suis cependant pas convaincue que vous devez travailler autant que le reste des gens.

M. Turk : L'ACPPU termine actuellement la plus importante étude effectuée au Canada sur la charge de travail, mais il y a eu des études sur les professeurs d'université dans d'autres pays. Les professeurs travaillent en moyenne entre 50 et 65 heures par semaine, ce qui est beaucoup plus que les Canadiens. Lorsqu'on a un cours à enseigner à l'université, ce n'est pas comme si on enseignait à l'école secondaire. J'ai enseigné pendant de nombreuses années à l'Université de Toronto, et je peux vous dire que ce n'était pas trois heures semaine. J'avais trois cours; j'enseignais donc neuf heures par semaine.

Je passais habituellement de 6 à 10 heures à rédiger un cours d'une heure. De plus, l'université s'attend à ce qu'on acquière d'autres connaissances. Ce n'est pas simplement l'apprentissage par mémorisation. La raison pour laquelle les heures de travail à l'université sont différentes de celles des enseignants du secondaire est que le professeur à l'université doit en fait faire avancer son domaine d'intérêt.

De plus, environ 40 p. 100 du temps du professeur est réservé à l'enseignement; 40 p. 100 doit être consacré à la recherche et 20 p. 100 au service de l'université et de la collectivité. Quand on se penche sur la charge de travail réelle des professeurs, elle est plus lourde que pour la majorité des Canadiens.

Le sénateur Eaton : Je crois que vous avez un gros problème de relations publiques.

M. Turk : C'est intéressant. Dans le sondage, que je vous ferai parvenir, nous avons demandé si les professeurs d'université et de collège étaient rémunérés à un niveau trop élevé. Vingt-six pour cent des Canadiens ont dit oui; 48 p. 100 ont dit non; et 16 p. 100 étaient neutres. Lorsque l'on a demandé s'ils avaient confiance dans les professeurs d'université ou de collège, 72 p. 100 des Canadiens ont dit oui et 12 p. 100, non.

J'aimerais mentionner une dernière question. On leur a demandé à qui ils faisaient confiance quand on parle de questions d'éducation postsecondaire. Ils ont eu le choix entre les organisations d'étudiants, les organisations de professeurs d'université et de collège, les présidents ou doyens d'université, le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral. Mme Balon sera très heureuse des résultats : 39 p. 100 des personnes consultées ont dit qu'elles avaient confiance dans les organisations d'étudiants; 20 p. 100 ont dit non. Au deuxième rang venaient les organisations représentant les professeurs d'université et de collège à 38 p. 100. Vingt-sept pour cent des personnes consultées avaient confiance dans les présidents ou doyens d'université et de collège; 23 p. 100 avaient confiance dans le gouvernement provincial et enfin 22 p. 100 dans le gouvernement fédéral.

Contrairement à ce que vous dites, je ne crois pas que nous ayons un problème de relations publiques. Les données obtenues lors du sondage indiquent que ce n'est pas le cas. La majorité de nos membres seront d'accord avec vous cependant. Ils pensent que leurs voisins rigolent toujours quand ils pensent qu'ils n'ont pas beaucoup de travail à faire l'été et qu'ils n'enseignent que six heures semaine ou quelque chose du genre. Cependant, la réalité est bien différente. Lorsque nous effectuons des sondages, ce n'est pas le message que semble communiquer le grand public.

M. Peers : Il faut bien se garder de fonder ses arguments sur la caricature du professeur d'université. Mes amis me disent sans cesse que j'ai quatre mois de congé chaque été, des choses du genre. On peut mentionner d'autres professions et trouver d'autres exemples de professionnels dont on peut donner une version de caricature.

Les grèves sont attribuables dans une large mesure aux changements plus généraux qui se produisent dans le secteur de l'enseignement supérieur — je laisserai d'autres personnes en parler —, ce qui est une transition sans heurt entre un étudiant de deuxième cycle et l'obtention d'un poste non permanent, puis d'un poste permanent.

Cette transition ne se fait plus comme avant. Compte tenu la croissance que connaît le secteur de l'enseignement supérieur, le nombre de postes de professeurs permanents n'a malheureusement pas suivi cette évolution, et ce, pour plusieurs raisons. Nous avons créé cette nouvelle culture. Le problème existe également aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne.

À mesure que nous nous rapprochons d'un modèle d'éducation de masse — c'est ce qui se produit en Europe où cela cause de sérieux problèmes —, comment pouvons-nous accroître la capacité d'enseignement que suppose ce modèle sans créer ce genre de permanence et de poste menant à la permanence? Nous avons ce problème partout au Canada. C'est un problème structurel qui n'est pas propre à un établissement en particulier, bien qu'il puisse s'y manifester.

Le vice-président : Merci beaucoup. Je pense que je vais renoncer à la prérogative de poser une dernière question, car nous avons autre chose à faire de notre temps. En outre, je pense qu'un grand nombre d'aspects essentiels de l'enseignement postsecondaire ont été soulevés aujourd'hui. Nos témoins ont abordé certains aspects de ces questions qu'il est important que nous entendions.

Je vous remercie tous de vos exposés, de votre franchise et de vos réponses directes, et d'avoir donné des réponses concises, ce qui a permis à tous les membres du comité de participer pleinement à la discussion.

Je vous remercie tous au nom du comité de votre comparution et de votre contribution à notre étude. Si vous avez d'autres informations à nous fournir, nous serons heureux de les recevoir.

Vous êtes ici sur la Colline et dans cette pièce à un moment historique. L'un de nos sénateurs les plus distingués participe à sa dernière réunion d'un comité où il a servi longtemps et de manière exemplaire. Je vous parle du sénateur Keon, de l'Ontario. Comme je le disais, il est membre de notre comité depuis longtemps. Nos chemins se sont croisés beaucoup trop brièvement. J'étais au courant de son énorme contribution à la science et à la médecine canadiennes, en fait à la science et à la médecine mondiales, depuis longtemps, et depuis longtemps je le considère comme un collègue de loin. Néanmoins, je regrette que le temps où j'ai pu travailler à ses côtés au sein de notre comité ait été beaucoup trop bref. D'autres autour de la table ont eu la chance de bénéficier pendant beaucoup plus longtemps de sa sagesse, de son expérience, de son enthousiasme sincère pour ce pays que nous appelons le Canada, et des contributions qu'il a faites pour aider à déterminer les caractéristiques qui nous permettront de régler les grands problèmes auxquels nous faisons face. De manière générale, nous sommes un pays de premier plan, avec une population bien instruite, un pays doté d'immenses ressources naturelles, mais néanmoins nous faisons face aux défis que tous les pays démocratiques doivent relever.

Votre contribution à notre comité a été immense. Je sais que des membres plus anciens du comité vous l'ont dit récemment et vous l'entendrez à maintes reprises la semaine prochaine au Sénat du Canada. Au nom de vos collègues qui sont actuellement membres de notre comité, où vous avez servi si longtemps, si bien et où votre contribution a été immense, je tiens, en leur nom, à vous rendre hommage aujourd'hui puisque c'est votre dernier jour. Nous serions très heureux que vous nous fassiez bénéficier de vos sages conseils une dernière fois sur les travaux que nous aurons à entreprendre à l'avenir.

Le sénateur Keon : Merci beaucoup, monsieur le président. Il n'y a rien de plus agréable dans la vie que d'entendre ses collègues dire des choses aimables à notre sujet. Cela compte plus que tout le reste, puisqu'ils vous connaissent. Cela a été un réel plaisir pour moi d'être membre du comité. Nous avons rédigé de nombreux rapports. Je n'ai pas encore compté le nombre de rapports dans lesquels mon nom figure, mais je les ai tous. Je vais devoir les transporter jusqu'à mon chalet où je vais les compter.

Cela a été très instructif. Lorsque je regarde autour de cette table, je vois une merveilleuse représentation de la grande mosaïque sociale canadienne. Nous avons des gens de différentes disciplines qui collaborent pour faire un travail vraiment remarquable. Notre comité a énormément de crédibilité. Une grande partie des idées contenues dans nos rapports ont été réalisées par des gouvernements de différentes allégeances politiques qui se sont succédé. Un gouvernement commence et le suivant continue, ce qui est énormément important. Qui est mieux placé pour le constater que la collectivité scientifique?

Le sénateur Ogilvie est lui-même un grand scientifique qui, à titre de président d'université, a acquis une immense expérience de l'administration. Il est un cadeau du ciel car tout ce que j'ai à dire maintenant sur tout ce que je laisse dernière moi c'est : « Vous n'avez qu'à appeler le sénateur Ogilvie ».

Le vice-président : Je dois vous dire, il y a des inconvénients à votre départ. Sur ce, et ayant souligné, en votre nom, ce moment historique et la profonde gratitude que nous ressentons, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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