Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants
Fascicule 3 - Témoignages du 5 mai 2010
OTTAWA, le mercredi 5 mai 2010
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 h 10 pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles (sujet : mise en œuvre de la Nouvelle Charte des anciens combattants).
Le sénateur Fabian Manning (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, je suis le sénateur Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis le vice-président du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Notre président fait partie d'une délégation qui est actuellement en visite aux Pays-Bas. Je lui adresse mes meilleurs vœux. Je suis sûr qu'il sera de retour parmi nous dans toute sa gloire mercredi prochain. Entre-temps, je ferai de mon mieux.
Je vais demander aux membres du comité et à nos invités de se présenter. Toutefois, avant d'entreprendre nos travaux et d'écouter nos témoins, le sénateur Wallin souhaite parler d'une autre question.
Le sénateur Wallin : Je suis le sénateur Pamela Wallin, de la Saskatchewan. Je suis la présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, dont relève ce sous-comité.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Je m'appelle Roméo Dallaire. On célèbre le 65e anniversaire de la libération de la Hollande et j'y suis né. Je suis Hollandais de par ma mère. Je suis le vice-président du Comité de la sécurité nationale et de la défense. Je représente la division sénatoriale Golfe, Québec.
[Traduction]
Le sénateur Day : Je suis le sénateur Joseph Day. Je suis plus ou moins un intrus ici. J'ai déjà été membre de ce comité, mais je ne le suis plus. Comme je m'intéresse encore aux affaires des anciens combattants, je continue à assister aux réunions. Je suis moi-même président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et membre du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
[Français]
Le sénateur Meighen : Je m'appelle Michael Meighen, je suis sénateur de l'Ontario et je suis né d'une mère anglophone à Montréal.
Le sénateur Pépin : Je m'appelle Lucie Pépin. Je suis sénateur de la division sénatoriale de Chaouinigane, Québec, et je suis très impliquée auprès des épouses de militaires.
[Traduction]
Le vice-président : Je voudrais maintenant demander aux témoins de se présenter en indiquant le poste qu'ils occupent.
[Français]
Charlotte Bastien, directrice générale, région du Québec, Anciens Combattants Canada : Je m'appelle Charlotte Bastien, directrice générale, région du Québec, Anciens Combattants Canada et directrice générale régionale par intérim pour la région de l'Ontario.
[Traduction]
Lieutenant-colonel Christopher Hand, CD, commandant, Unité interarmées de soutien au personnel, région du Nouveau-Brunswick/Î.-P.-É., Défense nationale : Je suis le lieutenant-colonel Chris Hand, commandant de l'Unité interarmées de soutien au personnel au Nouveau-Brunswick et dans l'Île-du-Prince-Édouard.
Lina Matos, directrice régionale, Service aux clients, région de l'Ouest, Anciens combattants Canada : Je suis Lina Matos, directrice régionale du Service aux clients dans la région de l'Ouest d'Anciens combattants Canada, à Winnipeg.
[Français]
Robert Cormier, directeur, District de Montréal, Anciens Combattants Canada : Bonjour. Je m'appelle Robert Cormier, directeur, District de Montréal, Anciens Combattants Canada.
[Traduction]
Le vice-président : Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue.
Avant de vous entendre, nous devons nous occuper d'une question touchant nos travaux.
Le sénateur Wallin : Je propose de mettre fin à notre réunion d'aujourd'hui à 13 h 15 ou dès que nous entendrons le timbre d'appel. Nous devons tous nous rendre dans la salle du Sénat. Je tenais à le dire pour la gouverne des honorables sénateurs et des témoins afin que chacun puisse suivre les délibérations et que nos témoins puissent mesurer leur temps.
Le vice-président : Cette motion s'applique-t-elle aujourd'hui seulement?
Le sénateur Wallin : C'est seulement pour aujourd'hui. Je préférerais cependant que les réunions prennent toujours fin à 13 h 15. Si les sénateurs sont d'accord, nous pouvons adopter la motion. Y voyez-vous des inconvénients, sénateur Dallaire?
Le sénateur Dallaire : Nous allons commencer à 12 h 15 et devons terminer à 13 h 15. Devons-nous donc nous limiter à une seule heure maintenant?
Le sénateur Wallin : Oui.
Le sénateur Dallaire : Jusqu'ici, nous avions une heure et demie.
Le vice-président : Nous devons être dans la salle du Sénat à 13 h 30.
Le sénateur Dallaire : Cela ira pour aujourd'hui. Nous en discuterons plus tard. Vous réduisez la durée de nos réunions d'une demi-heure.
Le vice-président : La réunion prendra fin à 13 h 15 aujourd'hui. Est-ce d'accord?
Des voix : D'accord.
Le vice-président : La motion est adoptée.
[Français]
Mme Bastien : Monsieur le président, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. Je vais vous donner un aperçu du réseau de prestation de services dans les régions d'Anciens Combattants Canada.
L'environnement dans lequel oeuvre actuellement Anciens Combattants Canada évolue actuellement et est particulier pour diverses raisons. Nous avons présentement quatre régions : l'Ouest, l'Ontario, le Québec et l'Atlantique.
Les régions comptent aussi un réseau de ressources complémentaires dont des professionnels de la santé, des cliniques de santé mentale ainsi que d'autres professionnels sur une base contractuelle.
Le bureau régional a pour mandat d'assurer de façon efficiente la prestation des programmes et services au sein de la région afin de répondre aux besoins de la clientèle. Il a aussi la responsabilité de fournir orientation et leadership dans la planification et la gestion de tous les programmes et initiatives d'Anciens Combattants Canada. Le bureau régional est la première ligne de prestation de services d'Anciens Combattants Canada, sa vitrine pour le public et les partenaires et la liaison avec l'administration centrale pour représenter les besoins régionaux et locaux ainsi que les réalisations régionales.
Par exemple, la région du Québec est présentement divisée en deux districts, la région de l'Ouest en sept districts, l'Ontario en quatre districts et l'Atlantique en quatre districts.
Je vais parler un peu plus d'exemples au Québec. Localisé près de la garnison de Valcartier, le district de Québec transige avec de nombreux vétérans des Forces canadiennes et est l'un des districts qui traite le plus de cas impliquant une condition de santé mentale au pays, 14 p. 100, alors qu'il est responsable de seulement environ quatre pour cent de l'ensemble des clients du ministère. Avec son point de service de Valcartier, il a été le premier, il y a près de 10 ans, à offrir des programmes et services directement sur une base des Forces canadiennes.
Malgré le nombre croissant de décès des clients traditionnels, il est estimé que la clientèle du district de Québec se maintiendra ou croîtra légèrement. Cela s'explique par le fait que le territoire couvert par le district inclut une base militaire opérationnelle dont les membres sont déployés régulièrement en mission à l'étranger. Le district de Québec est représentatif de la future réalité des bureaux de district avec l'attrition de la clientèle traditionnelle.
Nous assurons, de plus, une présence sur les sites des Forces canadiennes pour offrir des services de transition. Les membres des Forces canadiennes peuvent maintenant avoir accès aux services et aux programmes d'Anciens Combattants Canada sur divers sites des Forces canadiennes. La région de l'Ouest a présentement six sites, l'Ontario; sept sites et le Québec; trois sites.
Les services de transition sont des renseignements sur les services et avantages d'Anciens Combattants Canada; les entrevues de transition pour déterminer comment Anciens Combattants Canada peut aider le membre et sa famille; l'aide en ce qui concerne le processus de demande d'indemnité ou de pension d'invalidité; l'accès à un gestionnaire de cas, l'aiguillage compte d'autres fournisseurs de service s'il y a lieu; l'aiguillage vers les gestionnaires de cas des Forces canadiennes et les représentants d'autres programmes du ministère de la Défense nationale, s'il le faut.
Le personnel d'ACC organise des sessions d'information à l'intention du personnel des Forces canadiennes au cours des journées d'orientation, des séminaires, des exposés avant ou après le déploiement ou encore sur demande.
La mise en œuvre de différentes initiatives est en cours afin de renforcer la capacité de gestion de cas dans les régions. La prestation de service de gestion de cas est offerte aux clients, à leur famille et à leurs soignants afin de s'assurer que les programmes et services appropriés d'Anciens Combattants Canada, des autres ministères, des organisations communautaires et des fournisseurs de services locaux sont en place pour assurer l'indépendance, l'autonomie, la qualité de vie optimale de la clientèle et l'intégration à la vie civile.
La gestion de cas comprend les phases suivantes : a) l'examen préalable, b) l'évaluation du client, c) la planification des interventions, d) la coordination des services, e) le suivi, f) la réévaluation et g) le désengagement.
Par exemple, depuis novembre 2009, les services d'un consultant clinique, en poste au bureau de district de Québec, sont maintenant offerts. Sous la direction du directeur de district, le consultant clinique est responsable d'offrir la prestation d'un service de soutien, d'accompagnement et d'orientation professionnelle clinique spécialisée en matière de gestion de cas auprès des gestionnaires de cas des bureaux de district de Québec et de Valcartier.
En ce qui concerne la délégation des responsabilités décisionnelles en réadaptation pour demandes exceptionnelles, nous avons donné aux gestionnaires de cas de Québec le pouvoir de prendre des décisions relatives aux services et avantages dans l'ensemble des volets du programme de réadaptation, incluant les avantages exceptionnels. Ce projet pilote au district de Québec a permis de conclure que ces délégations de pouvoir devraient être octroyées à l'ensemble des régions à compter d'avril 2010.
Nous avons aussi revu la répartition des charges de travail entre le personnel des bureaux de district pour mieux dégager la capacité au niveau de la gestion de cas.
Nous continuons à revoir nos processus et à améliorer le service afin d'assurer que le client reçoit le bon service au bon moment. De plus, le travail de rayonnement continue afin de pouvoir rejoindre le plus grand nombre de membres et de vétérans des Forces canadiennes et de bien les informer sur nos programmes et services.
[Traduction]
Le sénateur Wallin : Je vous remercie encore d'être venus aujourd'hui. Nous sommes heureux d'entendre en même temps des représentants d'Anciens combattants Canada et des Forces canadiennes.
Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur les relations entre les deux? Je sais qu'il y a eu des améliorations. Toutefois, certaines choses restent compartimentées et nous n'avons aucune autorité globale s'occupant uniquement du MDN et d'ACC. D'autres ministères peuvent aussi intervenir. Que pensez-vous personnellement de ces relations?
Lcol Hand : Les relations se sont beaucoup améliorées. À titre de militaire actif qui n'avait pas auparavant de rapports avec les anciens combattants, je n'avais pas grand-chose à voir avec ACC parce que je n'avais pas besoin de ses services. Depuis que j'ai assumé mes fonctions actuelles et avec l'entrée en vigueur de la Nouvelle Charte des anciens combattants et la création de la Direction de la gestion du soutien aux blessés, ou DGSB, nous avons des relations plus étroites avec Anciens combattants Canada.
Je peux parler de la situation au Nouveau-Brunswick et dans l'Île-du-Prince-Édouard. Nous intégrons nos locaux pour avoir un élément de service dans nos bureaux. Ainsi, si nous avons affaire à un militaire malade ou blessé qui cherche à obtenir des prestations, il pourra se rendre compte du fait qu'il est en transition entre les Forces canadiennes et Anciens combattants Canada. Les choses sont mieux coordonnées parce que l'agent d'ACC est sur place, dans nos locaux. Cela permet de régler de nombreux problèmes sans avoir à faire la navette entre deux ministères parce qu'il est plus facile de déterminer la nature des difficultés, de donner les réponses voulues quand le soldat ou sa famille se pose des questions sur les prestations et de tout organiser.
Le service est conçu pour regrouper tous les partenaires qui interviennent dans la transition, c'est-à-dire les représentants des services de santé des Forces canadiennes et ceux de la santé publique du Nouveau-Brunswick. Dans notre région, nous avons établi des liens avec la Direction du développement communautaire du gouvernement provincial afin de déterminer ce que nous pouvons faire pour les anciens combattants. Nous maintenons une liaison étroite avec les services de la Légion qui s'occupent de ces derniers ainsi qu'avec le district et les bureaux régionaux de Halifax.
Il y a lieu de noter que nous avons une entente réciproque à Charlottetown pour ce qui représente la norme au Canada. Ordinairement, les bureaux d'Anciens combattants Canada sont colocalisés dans des établissements militaires proches des bases d'où vient la majorité de la nouvelle clientèle. Nous avons une entente réciproque dans l'Île-du-Prince-Édouard, où un officier des Forces canadiennes est affecté au bureau de district des Anciens combattants à Charlottetown. Cet arrangement fonctionne exceptionnellement bien.
Nous n'avons pas réalisé autant de progrès que certaines autres régions parce que le principal bureau de district d'ACC est à Saint John alors que l'essentiel de la nouvelle clientèle vient de la BFC Gagetown. Toutefois, la situation évolue. Nous avons une entente prévoyant de déplacer le personnel en cause afin de l'affecter à Gagetown lorsque des postes deviendront vacants dans la fonction publique. Nous aurons ainsi dans cette localité un bureau régional complet pouvant répondre aux besoins des clients.
Pour moi, tout va très bien parce que l'Unité interarmées de soutien au personnel ou UISP est l'élément militaire le plus proche d'Anciens combattants Canada. C'est aussi celui qui a le plus grand accès au ministère et qui traite le plus souvent avec lui.
Mme Matos : Les conditions sont semblables dans la région de l'Ouest. Les relations entre le MDN et ACC sont très fortes sur le terrain. En particulier, dans des bureaux comme ceux d'Edmonton et de la garnison, où nous avons une équipe complète de service à la clientèle, ces relations nous permettent d'établir des contacts, de collaborer et de travailler en commun, surtout au stade de la transition entre la vie militaire et la vie civile.
Dans les petits bureaux où nous venons tout juste de commencer nos activités, notamment dans les USS d'endroits tels que Calgary ou la BFC Shilo, où nous n'avons qu'un effectif d'une ou deux personnes, la gestion opérationnelle peut être plus difficile. Toutefois, pour ce qui est des relations, elles sont très bonnes et ne feront que s'améliorer avec l'expérience.
Le sénateur Wallin : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Cormier?
M. Cormier : Oui. Il y a un an, à Montréal, nous avons établi une équipe d'ACC près de la BFC Saint-Jean. Cette initiative a eu beaucoup de succès. Il reste encore des détails à régler, mais les bonnes relations qui existent nous ont permis de cerner rapidement les problèmes de transition. Nous pouvons ainsi collaborer étroitement avec le MDN avant la libération des militaires. En consultant les personnes compétentes, nous pouvons prévoir toute difficulté que ceux-ci pourraient avoir au moment de leur libération.
Pour nous, l'expérience a été positive. Je crois que Québec a plus d'expérience en ce qui concerne les relations de travail. Mme Bastien a peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
[Français]
Mme Bastien : La colocalisation a vraiment aidé à améliorer la relation de travail de collaboration entre la défense et le ministère et ce, dans le meilleur intérêt du client. Nous sommes en mode de transformation et de restructuration justement pour déplacer notre personnel pour qu'il soit plus près des bases de cette clientèle et aussi colocalisé avec les gens des ressources canadiennes. Depuis deux ans, il y a eu beaucoup d'améliorations dans leur relation et cela est justement dû à la colocalisation.
Le sénateur Pépin : Quels sont les trois blessures les plus fréquentes que vous voyez chez nos militaires lorsqu'ils vous consultent? Est-ce qu'il y a un ou plusieurs problèmes qui reviennent régulièrement?
[Traduction]
Lcol Hand : L'ancienne communauté de vétérans a une multitude de blessures. Toutefois, nous avons le plus souvent affaire à des problèmes de santé mentale ou à des BSO découlant de la participation à des opérations ou de blessures antérieures. Cela représente la majorité des soldats qui s'adressent à notre unité et qui font actuellement la transition vers les services d'ACC.
Il y a ensuite ceux qui ont des blessures visibles, comme les amputés. Dans la plupart des cas, ces blessures sont directement liées à des opérations outre-mer. Nous n'avons pas un grand nombre de personnes dans cette catégorie au Nouveau-Brunswick, la base locale faisant surtout de l'entraînement. Nous n'avons qu'une ou deux unités opérationnelles qui ne sont chargées de missions qu'à l'occasion, tandis que Valcartier, Edmonton et Petawawa ont des unités auxquelles on a recours pour la majorité des affectations sur le terrain.
Les militaires faisant partie des systèmes d'entraînement qui ont des blessures physiques sont affectés dans ma région parce qu'ils ne peuvent pas exercer leurs fonctions ordinaires jusqu'à ce qu'ils retrouvent la santé.
La catégorie suivante comprend les blessures attribuables à des services de longue durée ou autrement liées au travail, sans se rattacher à des opérations. Ces blessures peuvent découler par exemple d'années de circulation dans des transports de troupes blindés ou de sauts en parachute faits longtemps auparavant. Les blessures liées au travail se traduisent par des maux de dos, des lésions articulaires, et cetera. Nous en voyons également un grand nombre. Ce sont donc les trois principaux types de blessures, dont deux sont liées aux opérations et une, au simple fait d'avoir été soldat pendant des années.
[Français]
Le sénateur Pépin : Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?
Mme Bastien : Je peux tenter d'obtenir les données. Comme le Lcol Hand l'expliquait, tout dépend de la nature de la base et des fonctions. On retrouve certaines différences d'une base à l'autre. Je pourrais vous fournir un portrait national, mais il ne serait pas représentatif de toutes les bases.
Le sénateur Pépin : Je vous remercie. On disait plus tôt que les combattants affectés par le syndrome du stress post-traumatique, entre autres, sont de plus en plus jeunes. La majorité de ces militaires sont-ils mariés? Connaissez-vous les problèmes familiaux engendrés par ces traumatismes? Est-ce que des services sont offerts dans ces cas?
[Traduction]
Lcol Hand : La composante familiale est très importante. Les soins donnés à un soldat pour qu'il retrouve la santé, s'il fait encore partie des Forces — c'est le but et le mandat de l'UISP —, font intervenir la famille. Ces soins recouvrent tous les aspects du lieu de travail et du programme de réintégration, s'il est possible de le placer dans un tel programme, ainsi que la hiérarchie militaire et tout ce que le soldat fait chez lui après les heures de travail.
La famille est touchée dans tous les cas. Une blessure physique ou une BSO a une incidence sur la famille dans la mesure où le soldat ne peut plus faire des choses qu'il avait l'habitude de faire auparavant.
Nous avons d'excellents contacts avec le Centre de ressources pour les familles des militaires. Il est possible de recourir à une foule de services aussi bien militaires que civils pour permettre aux conjoints et aux autres membres de la famille d'avoir accès à l'aide nécessaire. De plus, les choses s'améliorent constamment. À mesure que nous acquérons plus d'expérience, nous cherchons et trouvons de nouvelles ressources dans la collectivité pour affronter les problèmes que connaissent les soldats blessés et leur famille.
Le sénateur Meighen : Dans quelle mesure réussissez-vous à convaincre les gens de se prévaloir de ces ressources? D'après certains témoins que nous avons entendus, il n'est pas toujours facile de persuader les gens qu'ils ont besoin d'aide, et particulièrement d'amener les conjoints des blessés à utiliser les services disponibles.
Lcol Hand : Cela peut être difficile. Je sais d'expérience que presque tous nos clients, c'est-à-dire les soldats, commencent par nier la réalité, attitude qui s'étend également à leur famille. Ils sont confrontés à un changement extraordinaire de leur mode de vie. Ils ne peuvent plus exercer pleinement leur métier de soldat ni mener la vie qu'ils avaient auparavant envisagée. Cela se répercute sur la famille.
Il est difficile de les amener à admettre qu'ils ont besoin d'aide. Une fois qu'ils l'ont fait et qu'ils se sont adressés à nous, nous pouvons leur donner accès à toute une gamme de services. Toutefois, je n'ai pas le mandat d'obliger une famille à accepter des services. Ceux-ci sont toujours offerts, mais il faut que les gens viennent les demander.
Le sénateur Pépin : En cas de décès d'un militaire, quels services offrez-vous immédiatement au conjoint? Le conjoint doit-il se rendre au centre pour les familles des militaires afin de les obtenir?
Lcol Hand : Non. Nous avons un processus structuré que nous suivons lorsqu'un militaire ou un conjoint de militaire décède. La réaction immédiate vient de l'unité du militaire en passant par la chaîne de commandement. Elle prévoit la désignation d'un officier qui a accès à de nombreux services partout dans le système : ACC, RARM, aide financière, assistance médicale et toute la chaîne de commandement. L'officier désigné aide ensuite le conjoint et la famille à s'occuper des funérailles et se tient à leur disposition, probablement pendant la période de six mois à un an durant laquelle ils demeurent en contact avec les militaires, afin de leur offrir les services dont ils ont besoin pour mettre de l'ordre dans leurs affaires.
À un moment donné, le dossier de la famille est transmis par la chaîne de commandement de l'unité à l'UISP. Nous continuons alors à suivre la famille pendant une période illimitée, tant qu'elle a besoin de nous. Certaines familles maintiennent des contacts étroits avec nous, tandis que d'autres arrivent à tourner la page et à se débrouiller toutes seules.
À l'heure actuelle, nous suivons 28 familles de soldats décédés. Cela remonte à un certain nombre d'années. Certaines familles s'adressent encore à nous quatre ou cinq ans plus tard. Dans d'autres cas, il nous suffit de téléphoner une fois par an parce que c'est tout ce qu'elles demandent.
Le sénateur Dallaire : Tout cela est parfait dans le cas des militaires en service actif. Pour ceux qui sont libérés et dépendent totalement d'ACC maintenant, que faites-vous par exemple en cas de suicide? Quelles enquêtes menez-vous pour déterminer les motifs du suicide et décider des suites à donner?
[Français]
Mme Bastien : S'il s'agit d'un vétéran libéré depuis un certain temps et qu'il est un de nos clients, nous en serons informés et déterminerons avec la famille le soutien que nous pouvons offrir. Toutefois, nous ne menons aucune enquête quant aux causes du décès. Notre rôle est plutôt d'examiner comment on peut aider la famille à traverser cette épreuve.
Le sénateur Dallaire : Aucune enquête n'est menée sur les causes du décès ou du suicide, même si ce vétéran s'est suicidé en raison de son service militaire et des soins qu'il a reçus? Vous n'avez pas la responsabilité de déterminer si la cause du décès est attribuable à ces raisons ou à d'autres raisons?
Mme Bastien : Selon les circonstances, nous pouvons faire une conférence de cas pour voir s'il y a eu un manquement. Toutefois, le principal objectif du ministère est de se concentrer sur la façon dont il peut aider la famille à traverser l'épreuve et le soutien dont elle aura besoin.
Le sénateur Dallaire : Vous offrez des soins d'ordre technique et il y a certes le côté financier à considérer.
Mme Bastien : Nous parlons du soutien au niveau de la famille.
Le sénateur Dallaire : Avec cette nouvelle génération de vétérans, où on observe des cas de suicides, ne serait-il pas essentiel de voir si votre responsabilité ne s'étendrait pas à faire une analyse des raisons qui motivent ces décès?
Mme Bastien : Il existe des programmes de recherche, mais je ne suis pas bien placée pour vous en parler. Dans certaines circonstances, nous nous penchons sur la question. Et s'il y a eu manquements, nous formulons des recommandations pour voir comment améliorer l'intervention et la prévention. Toutefois, il n'existe pas de processus formel.
[Traduction]
Le sénateur Meighen : Combien de temps faudra-t-il, à votre avis, pour déplacer le personnel de Saint John à Gagetown?
Lcol Hand : Le processus est déjà en cours. C'est une initiative des Anciens combattants. La base et l'UISP souhaitent bien sûr que le bureau régional se trouve à Gagetown. Tout dépend des fonctionnaires en poste et du moment où ces emplois deviendront vacants pour qu'il soit possible de les déplacer.
Le sénateur Meighen : Pour quel motif le bureau a-t-il été établi à Saint John, où il n'y a pas de base et qui se trouve à une certaine distance de la base actuelle?
Lcol Hand : Je ne crois pas pouvoir répondre à cette question.
Le sénateur Meighen : Je ne vous blâme pas. Seuls les militaires peuvent le faire.
Le sénateur Day : De nombreux vétérans âgés vivent dans la région de Saint John. L'ancien bureau des Anciens combattants avait donc une importante clientèle dans la région métropolitaine.
Le sénateur Meighen : Même après la création de la base de Gagetown après la guerre?
Le sénateur Day : Oui.
Le sénateur Meighen : N'importe lequel des témoins peut répondre à cette question. Quelle est votre plus grand problème en ce moment? Quelles mesures prendriez-vous si vous aviez des pouvoirs illimités?
Mme Matos : Notre plus grand défi est de trouver un juste équilibre entre la prestation de services à nos anciens combattants traditionnels, en essayant de répondre à leurs besoins à mesure qu'ils vieillissent, et la prestation de services à nos jeunes vétérans, dont certains n'ont que 18 ans. Nous nous attaquons à ce problème. Nous examinons notre modèle de prestation de services, notre technologie et nos moyens d'interaction avec nos clients. Ceux-ci ont accès à tous les médias sociaux, comme Facebook, mais nous n'avons pas un matériel technique adéquat pour les servir dans ce domaine. Nous essayons de moderniser nos services. Dans notre région, c'est le problème le plus important que nous ayons en essayant de répondre aux besoins de nos clients.
Le sénateur Meighen : Je suppose que certains de vos clients les plus âgés n'utilisent pas Internet.
Le sénateur Dallaire : Le lien entre Anciens combattants Canada et la Défense nationale a commencé avec Mme Violet Parker et le Lcol R.G. MacLellan en 1998. Il existe donc depuis 12 ans.
Les dossiers médicaux militaires sont-ils automatiquement transférés dans le système informatique d'Anciens combattants Canada à votre niveau et à Charlottetown?
Mme Bastien : Nous avons accès aux dossiers médicaux depuis un certain nombre d'années. ACC a du personnel dans la clinique qui photocopie les dossiers médicaux dont nous avons besoin. Nous nous occupons du développement de l'interface parce que les dossiers militaires sont numérisés au MDN. Nous serons en mesure d'accéder aux dossiers médicaux électroniques des anciens combattants dans les deux prochains mois.
Le sénateur Dallaire : Vous avez la possibilité d'examiner un dossier pour déterminer le motif de la demande. Toutefois, comme d'autres documents n'ont pas été pris en considération, vous devez reprendre le dossier et faire des copies. Ai-je bien compris que vous aurez la possibilité dans un proche avenir de verser un dossier médical numérisé complet dans le système informatique d'Anciens combattants Canada?
Mme Bastien : Il y a quatre ans, nous ne disposions que de certaines parties du document. Depuis, si je me souviens bien, nous photocopions le dossier entier pour avoir accès à tous les éléments.
Le sénateur Dallaire : Vous avez parlé de la difficulté d'appliquer deux chartes, l'ancienne, qui pose encore des problèmes, et la nouvelle.
Quelle formation officielle avez-vous reçue, vous-même et les membres de votre personnel, pour comprendre pleinement tous les aspects complexes de la nouvelle charte, évaluer les contrats dont vous aurez besoin pour le recyclage et la réadaptation et bien saisir les dimensions de la liste des blessures. Je me demande en particulier si les clients atteints de blessures de stress opérationnel reçoivent de l'aide pour remplir tous les formulaires ou bien s'ils doivent s'en occuper tout seuls?
Mme Matos : Pour répondre à votre question concernant la formation officielle, je dois dire qu'il a fallu faire toute une transition pour passer de l'ancienne à la nouvelle charte. Depuis l'automne 2005, tout notre personnel de première ligne, y compris les employés régionaux, a dû suivre un ensemble strict de modules de formation, qui comprenait non seulement l'histoire et la culture militaires ainsi que des renseignements sur les conditions médicales types, mais aussi les blessures de stress opérationnel, de l'information sur les mesures législatives, les politiques et les processus opérationnels relatifs à la Nouvelle Charte des anciens combattants et les modèles de réadaptation. Ces connaissances étaient importantes pour tous les membres de notre personnel parce qu'elles évoluaient sensiblement. À la fin de la formation initiale, vers le milieu de 2006, nous avons reconnu qu'il fallait concevoir des modules supplémentaires comprenant un rappel de tous les renseignements que je viens de mentionner. Nous avons également compris qu'il était nécessaire de donner de la formation dans des domaines tels que les techniques d'intervention face au suicide et les techniques d'entrevue de motivation. Nous devons savoir comment traiter avec un client récalcitrant qui n'est pas prêt à collaborer avec le ministère parce qu'il a trop de problèmes psychiatriques, physiques et autres. Toute cette formation a déjà été donnée. En 2006, notre énoncé de qualités pour l'embauche de nos gestionnaires de cas a également changé. À l'heure actuelle, tous nos gestionnaires de cas doivent avoir un diplôme en travail social, en psychologie ou dans un domaine connexe ainsi que de l'expérience en gestion des cas. Nous sommes allés aussi loin pour nous assurer que nos travailleurs de première ligne, qui ont les contacts plus étroits avec les clients, possèdent les meilleures compétences possible. Toutefois, nos gestionnaires de cas n'ont pas encore tous ces compétences. Nous savons qu'il nous reste du travail à faire. Le ministère s'occupe de renforcer notre capacité de gestion des cas, qui comprend aussi le soutien des gestionnaires de cas eux-mêmes. Mme Bastien a parlé tout à l'heure du rôle du consultant clinique. Le titulaire de ce poste offre des services de soutien et d'assistance professionnelle aux travailleurs de première ligne et s'occupe aussi de leur supervision.
Voilà certaines des choses que nous avons faites. Nous comprenons que les personnes, que vous avez mentionnées, ayant des blessures de stress opérationnel ont besoin d'un soutien intensif. Le gestionnaire de cas travaille avec eux et avec leur famille pour les aider à trouver les appuis dont ils ont besoin.
Le sénateur Dallaire : Nous n'avons plus besoin de vitres antiballes parce que nous donnons maintenant plus de formation. Avez-vous l'impression, à cause de la complexité croissante, que vous avez besoin d'un établissement pouvant donner au personnel la formation officielle nécessaire? De plus en plus de familles sont reconnues dans le cadre de la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui insiste beaucoup sur la famille. Pourtant, nous n'avons pas entendu grand-chose à ce sujet. Peut-être les familles hésitent-elles à prendre contact avec vous, même si elles ont droit aux services. Avons-nous besoin de plus de capacité, au-delà d'un programme intensif, pour les renseigner sur les services disponibles?
Mme Matos : Nous avons examiné les possibilités qui s'offrent pour assurer la formation du personnel, qui constitue un défi interne. Nous collaborons avec les universités locales et recourons aux autres ressources disponibles dans les différents bureaux afin de trouver des moyens économiques d'établir des liens avec les partenaires communautaires. À mon bureau régional, j'ai une équipe de professionnels de la santé comprenant des spécialistes en réadaptation et en santé mentale, des médecins et des infirmières. Ils appuient les travailleurs de première ligne et se tiennent à leur disposition pour des consultations. Les gestionnaires de cas ont également accès aux membres de l'équipe. Nous avons la même chose à l'administration centrale, qui offre également du soutien. Les membres de notre personnel ont la possibilité de joindre les personnes dont elles ont besoin pour régler les cas complexes. Nous nous rendons compte, comme vous l'avez dit, que nous avons besoin d'en faire davantage dans le cas des membres du personnel qui n'ont peut-être pas encore les compétences que vous avez mentionnées.
Le sénateur Dallaire : Ils vont acquérir de l'expérience.
[Français]
Le sénateur Dallaire : J'ai un exemple. Prenons un réserviste, à Matane, qui croit avoir un problème qui mérite qu'on regarde son dossier des Anciens Combattants. Il est encore réserviste dans la classe A. Est-ce qu'il doit passer par son unité, par la brigade de la milice ou par le quartier général de la milice? Est-ce qu'il se dirige directement à Valcartier? Quel est l'instrument par lequel cet individu pourra avoir toute l'information dont il a besoin afin d'être suivi? J'utilise Matane, mais il y a plusieurs autres endroits.
Mme Bastien : Il y a plusieurs mécanismes qui peuvent être utilisés et il pourra recevoir l'aide dont il a besoin. Il pourra passer par sa chaîne de commandement. On fait régulièrement des présentations aux commandants de réserve pour qu'ils soient bien informés des services offerts et de ce qu'on peut faire pour les réservistes. Ou encore, il peut visiter un bureau de district, que ce soit à Sainte-Foy, à Campbellton ou à Valcartier.
Le sénateur Dallaire : Doit-il payer ce service de sa poche?
Mme Bastien : Oui. Il peut aussi, dans un premier temps, appeler le numéro 1-800 s'il ne veut pas passer par sa chaîne de commandement. Il peut aussi passer par notre site Internet. Il peut également aller voir la légion. Je sais qu'il y a un officier d'entraide très actif dans le coin de Rimouski qui connaît très bien nos programmes et qui peut l'aiguiller et l'accompagner lors de sa démarche pour entrer un contact avec nous.
[Traduction]
Le sénateur Dallaire : Prend-on contact avec les réservistes?
Lcol Hand : Oui.
Le sénateur Dallaire : Si un réserviste est blessé, garde-t-il son emploi et son plein salaire?
Lcol Hand : Cela dépend du contrat. Nous pouvons nous occuper des réservistes de classe B pendant un certain nombre de mois si leur blessure n'est pas liée à une mission, jusqu'à ce qu'ils puissent s'établir ailleurs. Le cas des réservistes de classe A est plus problématique à cause de leurs conditions de service. Si un réserviste de classe B affecté outre-mer subit une blessure directement attribuable à son service en Afghanistan, il est beaucoup plus facile de s'occuper de lui parce qu'il peut se prévaloir du régime de rémunération de la réserve.
Dans les classes A, B et C, il peut y avoir des difficultés parce que les conditions de service limitent les avantages auxquels le réserviste peut avoir accès. Toutefois, nous nous occupons de réservistes de toutes les classes. Nous essayons de notre mieux de les aider et de les orienter vers les services compétents.
Le sénateur Day : Vous avez déjà répondu à une bonne part de ma question. Je voulais parler de la transition entre les vétérans traditionnels et les plus jeunes ainsi que des bureaux des Anciens combattants. Je suppose que nous connaissons tous des bureaux comme celui de Saint John, au Nouveau-Brunswick, où des gestionnaires de cas ont chacun une liste de vétérans et de membres de leur famille dont ils s'occupent, notamment en ce qui concerne le Programme pour l'autonomie des anciens combattants, les pensions et l'admission dans les hôpitaux ou les foyers pour personnes âgées.
Vous avez maintenant une foule de nouvelles responsabilités. Mme Matos a parlé de la formation dans la région de l'Ouest. A-t-on engagé de nouveaux employés? Comment arrivez-vous à maintenir les fonctions de gestion de cas en veillant à ne pas oublier les vétérans traditionnels malgré la diminution de leur nombre? Y a-t-il de nouveaux employés répondant aux nouvelles normes de compétence qui remplacent les gestionnaires actuels de cas? De quelle façon gérez-vous la transition?
Mme Matos : La formation dont j'ai parlé s'applique à tout le Canada.
Vous avez soulevé une question opérationnelle liée à la façon dont les districts veillent à dispenser des services d'un niveau égal aux clients traditionnels comme aux nouveaux clients. Robert Cormier est probablement mieux placé que moi pour en parler parce qu'il gère lui-même ces opérations.
M. Cormier : Il est difficile de continuer à assurer un service de qualité à nos vétérans traditionnels tout en nous occupant, comme vous l'avez dit, de la nouvelle génération d'anciens combattants qui a besoin d'un personnel possédant des compétences très particulières.
Il y a quelques années, les gens qui venaient travailler dans notre ministère souhaitaient aider des anciens combattants âgés. Ils avaient un certain ensemble de connaissances et de compétences. Ils doivent maintenant affronter une nouvelle réalité : leur clientèle de vétérans âgés diminue, et ils doivent passer à de nouveaux modes d'intervention.
Pour dire les choses carrément, certains employés ont décidé de ne pas faire la transition. Nous nous en accommodons, mais nous devons quand même réagir. Les gestionnaires doivent communiquer avec les employés pour s'assurer qu'ils sont affectés au bon endroit et peuvent donner les services attendus d'eux. Certains ont décidé de partir parce qu'ils ne souhaitent pas continuer. D'autres préfèrent relever le défi, même à mi-carrière, en essayant d'acquérir les compétences qui leur manquent de leur propre initiative et grâce à la formation offerte par le ministère.
La situation évolue. Nous examinons le profil de notre clientèle, la différence entre les vétérans jeunes et âgés et les difficultés que cela occasionne. Sur le plan interne, notre personnel est confronté aux mêmes défis. Les employés les plus âgés aiment mieux travailler avec les vétérans traditionnels. Les nouveaux membres du personnel ont probablement davantage de compétences et préfèrent s'occuper de réadaptation et de services du même ordre.
C'est un défi quotidien pour le ministère.
Le sénateur Day : Faites-vous la transition en comptant sur l'attrition, c'est-à-dire les retraites et les départs, ou bien avez-vous entrepris une grande réorganisation dans le cadre de laquelle vous suggérez à certaines personnes de se trouver du travail ailleurs et engagez de nouveaux employés?
M. Cormier : La situation varie d'un endroit à l'autre du pays. Dans mon bureau de Montréal, nous avons pu gérer la situation grâce à l'attrition et au fait que certaines personnes ont elles-mêmes abouti à la conclusion qu'il serait préférable pour elles de travailler ailleurs. Nous n'avons pas eu à prendre des mesures plus énergiques.
D'autres régions du pays ne peuvent pas se payer le luxe de s'en remettre à l'attrition. Dans l'Ouest comme dans le Canada atlantique, les gestionnaires de certains bureaux doivent intervenir d'une façon plus directe.
Mme Matos : La situation dans la région de l'Ouest est exactement celle que vient de décrire M. Cormier. Lorsqu'un bureau de la région a des capacités suffisantes, nous avons eu recours à un concept que nous appelons « service sans frontières » : le personnel des bureaux ayant des capacités appuie celui d'un autre bureau qui manque de certaines compétences. C'est ainsi que nous avons géré la transition, et cela a bien marché. Cette approche occasionne cependant des difficultés en ce qui concerne la gestion des cas.
Toutefois, cette forme de gestion des cas a donné de bons résultats en Colombie-Britannique. Le bureau de Victoria se classe deuxième sur le plan du nombre de clients à desservir dans le cadre de la Nouvelle Charte des anciens combattants et de clients en réadaptation. Le bureau connaît une pénurie de personnel et reçoit de l'aide du bureau de district de Vancouver et de celui de l'intérieur de la Colombie-Britannique, qui ont des capacités excédentaires.
Le concept du service sans frontières fonctionne dans une certaine mesure. Il nous permet de nous en sortir dans une période en évolution constante, avec une clientèle traditionnelle en baisse et une clientèle plus jeune relevant de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Le sénateur Day : Bien que le comité concentre son étude sur la Nouvelle Charte des anciens combattants et souhaite se renseigner sur la façon dont elle est mise en œuvre, nous croyons qu'il est également important, aussi bien pour nous que pour l'ensemble des Canadiens, que les vétérans traditionnels ne soient pas oubliés dans cette transition. Nous ne voulons pas que vous consacriez toute votre énergie à la formation liée à la nouvelle charte. Je sais que vous ne le faites pas, mais il est important de le mentionner.
Ma seconde question porte sur la façon dont vous vous occupez de certaines situations. Considérez le cas d'un militaire qui est blessé. Il reçoit des soins dans un hôpital qui est très éloigné du siège de son unité. Sa famille peut vivre à un endroit différent. Certains membres de la famille peuvent résider dans une base où ils ont accès à un centre de ressources pour les familles, mais les membres de la famille étendue ne sont sûrement pas tous là.
Échangez-vous des pratiques exemplaires partout dans le pays? Comment veillez-vous à ce que chaque militaire blessé obtienne le soutien nécessaire à ce moment critique, une fois rentré au Canada et admis dans un hôpital?
Lcol Hand : Le militaire demeure en service actif et relève donc de la chaîne de commandement.
Le sénateur Day : Oui.
Lcol Hand : L'UISP ne s'occuperait pas de lui tant que les autorités de la santé des Forces canadiennes ne lui auraient pas imposé des restrictions médicales d'une forme ou d'une autre. Ces restrictions déterminent si son rétablissement prendra un certain temps, s'il sera maintenu dans son unité et s'il pourra reprendre les fonctions qu'il y exerçait.
Si les restrictions indiquent que la période de rétablissement sera assez longue, la chaîne de commandement et le médecin-chef de la base décident de l'endroit où le militaire pourra le mieux se rétablir. Il pourrait alors être retiré de son unité pour être affecté à l'UISP locale, où il n'aura rien d'autre à faire qu'à suivre les traitements prescrits pour retrouver la santé, en attendant d'être inscrit à un programme de retour au travail.
Si les restrictions médicales sont telles que le militaire doit être envoyé à un autre endroit du pays parce que c'est là que se trouve son réseau de soutien familial ou qu'il peut recevoir les meilleurs soins, nous nous occupons du déplacement. Nous avons un certain nombre de jeunes soldats blessés venant d'une base opérationnelle, particulièrement Petawawa, qui n'ont d'autre famille que leurs parents. La décision prise était de les envoyer au Nouveau-Brunswick pour les rapprocher de leur père et de leur mère. Nous nous occupons de ces militaires. Toutefois, les choses dépendent de l'évaluation médicale, de la durée du rétablissement et du point de départ.
Le sénateur Day : Parlons des premiers stades au cours desquels le soutien de la famille très important.
Lcol Hand : La DGSB offre des prestations pour payer le voyage du conjoint qui va rendre visite au militaire à l'hôpital.
Le sénateur Day : Qui est-ce qui s'occupe des démarches?
Lcol Hand : La demande passe ordinairement par la chaîne de commandement pour atteindre l'UISP, qui s'en occupe immédiatement. Les aumôniers et les commandants des bases disposent de fonds d'urgence. Il y a un certain nombre de mécanismes permettant de donner ce service au point de départ.
Nous contrôlons, à l'intérieur de la DGSB, les fonds destinés à payer le voyage des conjoints jusqu'aux hôpitaux en Allemagne. Nous le faisons régulièrement, chaque fois que cela est nécessaire.
Le sénateur Day : Le comité a visité cet hôpital. Il est vraiment très bon.
Le sénateur Wallin : Nous avons parlé, un peu plus tôt aujourd'hui et au cours d'autres réunions, de l'intégration des familles. C'est une chose de traiter les militaires qui rentrent atteints du trouble de stress post-traumatique, mais il arrive souvent que des membres de la famille souffrent du même trouble ou d'affections mentales connexes. Je crois savoir qu'ils doivent alors obtenir des soins dans la collectivité, et non par l'entremise de la base ou dans le cadre d'un autre système.
Il semble évident que, d'une part, vous voudriez voir les membres de la famille installés dans la base. Par ailleurs, bien des familles ne vivent pas dans la base. Je me demande quelles sont les conséquences plus tard. De longs traitements et des réclamations pourraient occasionner des problèmes financiers.
Lcol Hand : C'est un problème. Le système de santé des Forces canadiennes ne traite pas les conjoints et les membres de la famille. Cela se fait dans d'autres pays de l'OTAN, mais pas chez nous.
Il serait difficile pour la clinique de Gagetown d'assumer cette responsabilité. Sa charge de travail est déjà lourde en ce moment. La situation est compliquée par le fait que, dans beaucoup de régions, les familles des militaires affectés à d'autres bases doivent se procurer de nouvelles cartes de santé, observer une période d'attente pour se prévaloir des services de santé d'une autre province et trouver un nouveau médecin de famille, ce qui peut être difficile. Il incombe néanmoins aux familles de le faire.
Nous nous occupons quand même des familles et essayons de leur fournir autant de services que possible. C'est parfois relativement facile pour nous parce que nous avons des réseaux et des points de contact. Si la famille ne connaît pas la région, nous pouvons l'orienter vers les services compétents. Toutefois, elle n'a pas accès aux services de la Défense nationale.
[Français]
Le sénateur Pépin : Madame Bastien, si j'ai bien compris, vous dites que dans la région du Québec, nous avions un pourcentage plus élevé, environ 14 p. 100, comparativement au reste du pays, de jeunes vétérans qui souffrent de problèmes de santé mentale,
Est-ce parce qu'ils sont plus jeunes lorsqu'ils s'engagent dans les Forces armées? Étant donné que vous avez plus de personnes qui souffrent de ces problèmes, avez-vous les services de soutien nécessaires pour répondre à la demande?
Mme Bastien : Je vais préciser, j'ai fait référence au district de Québec et lorsque je parle de la clientèle, je ne parle pas seulement de ceux qui sont dans les Forces ou ceux qui ont servi en Afghanistan. Souvent, les militaires libérés de Valcartier auront tendance à rester autour de Valcartier. Dans ce pourcentage, ce sont des gens qui ont servi, il y a huit ou dix ans, et qui ont été libérés, mais qui sont des clients.
Toutefois, il y a une tendance. Lorsqu'on regarde les profils de la clientèle à proximité d'une base comme Petawawa, Valcartier ou Edmonton, il y a une incidence sur le pourcentage de la clientèle qui a une problématique sur le plan de la santé mentale par rapport à d'autres bureaux de district où ils n'ont pas beaucoup de clients d'anciens militaires ou de vétérans des Forces canadiennes.
On a aussi un réseau de cliniques de santé mentale. Il y en a, un peu partout au pays, dont une à Québec, entre Valcartier et Sainte-Foy, qui est opérationnelle depuis 2004. Lorsqu'un client a un dossier à la clinique, la clinique de TSO peut offrir des services à la conjointe et à la famille. On travaille aussi avec les organisations communautaires, et avec la légion sur le plan de l'identification des ressources à un réseau de ressources avec lequel la famille peut faire affaires.
[Traduction]
Le sénateur Meighen : Nous avons reçu des témoignages contradictoires sur un aspect de la Nouvelle Charte des anciens combattants, à savoir les avantages et les inconvénients du paiement forfaitaire, par opposition aux versements périodiques, en cas de blessures graves. Nous comprenons que le paiement forfaitaire est assorti de toute une série d'autres avantages pour le militaire blessé.
Quels conseils financiers pouvez-vous offrir aux bénéficiaires lorsqu'ils reçoivent cet argent? Pouvez-vous donner vous-même ces conseils ou bien recourez-vous aux services d'experts extérieurs? Offrez-vous des services quelconques?
Mme Matos : Les conseils financiers font partie de l'ensemble d'avantages prévus dans la Nouvelle Charte des anciens combattants. L'intéressé peut obtenir un montant maximal de 500 $ pour consulter un conseiller financier sur le placement des fonds qu'il a reçus. Cet avantage est actuellement offert aux personnes qui obtiennent une indemnité forfaitaire d'invalidité.
Le sénateur Meighen : Est-ce que beaucoup de gens se sont prévalus de ce service?
Mme Matos : Non, pas jusqu'ici. C'est en partie parce que beaucoup de banques et d'institutions financières offrent des conseils financiers, souvent gratuitement. Par conséquent, peu de gens se sont prévalus du service. Je n'ai cependant pas de statistiques à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Je connais le travail que vous avez fait au Québec. Vous avez été vraiment avant-gardistes dans plusieurs domaines. Le client, qui va à vos cliniques, doit être un patient déjà stabilisé et être à un stade d'être en mesure de faire partie d'un programme de soins et non des clients en crise. Les clients en crise se retrouvent dans les hôpitaux civils. Le suivi se fait-il à partir des hôpitaux civils et là, vous les prenez à un certain stade? Les patients, par exemple, à Sainte-Anne de Bellevue sont suivis de la même façon que ceux au CHUL. Anticipez-vous avoir la capacité de le faire dans le futur?
Mme Bastien : Le client sera suivi par un gestionnaire de cas, un membre du personnel du bureau de district. S'il est en traitement ou en suivi par une clinique, il va y avoir une interaction entre le personnel de la clinique et celui du bureau de district pour suivre le client.
Il est certain que s'il y a un épisode ou une crise qui demande des soins aigus, on ne peut pas se substituer au système provincial. Ce type de soins est sous la juridiction provinciale.
Si, pour une raison ou une autre, il fait l'objet d'un suivi ou est hospitalisé pour un certain temps afin d'être stabilisé, nous travaillons à ce moment-là en coopération avec le personnel de l'hôpital, le travailleur social et le médecin traitant pour savoir, au moment où il quittera l'hôpital, ce dont l'individu aura besoin au niveau du suivi.
Le sénateur Dallaire : Mais s'il s'agit d'un réserviste hors de l'armée qui tombe malade et qui est en période de crise, et qu'il se retrouve dans le système civil, vous vous ne pouvez pas aller le trouver. Il devra donc découvrir votre existence pour obtenir vos services.
Mme Bastien : Il y a un travail de rayonnement qui s'opère; s'il est connu, nous serons informés assez rapidement. Si toutefois c'est un individu qu'on ne connaît pas et qui n'a jamais fait appel à nos services, cela devient plus problématique. Nous devons alors travailler de concert avec les ressources communautaires et le système provincial afin qu'ils nous connaissent.
C'est surtout le cas si l'individu est identifié comme étant un réserviste ou encore un vétéran des Forces canadiennes ou un membre des Forces canadiennes, car pour les autres qui se retrouvent hospitalisés, nous avons des communications avec les CLSC au Québec et les centres hospitaliers.
Souvent, les travailleurs sociaux vont nous contacter pour nous dire qu'un individu ou un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale est hospitalisé. On voit de notre côté s'il est connu ou non et ce que nous pouvons faire pour l'aider.
Le travail que de nous devons alors faire, c'est d'informer ce réseau que nous pouvons aussi aider les vétérans plus jeunes; nous avons aussi une suite de programmes et de services. C'est donc un de nos défis de diffuser cette information à travers le réseau provincial.
[Traduction]
Le sénateur Dallaire : Croyez-vous que ce serait une bonne idée de colocaliser vos CISP dans les centres de soutien des familles?
Lcol Hand : Non. Nous avons dans chaque CISP un agent de liaison du Centre de ressources pour les familles des militaires, ce qui est suffisant. Le centre de ressources offre plusieurs autres services : garde de jour, travailleurs sociaux et centre communautaire. Ce n'est pas un service complémentaire qui s'occupe des malades et des blessés. La présence d'un agent de liaison dans les CISP nous permet de concentrer nos efforts sur les malades et les blessés. C'est le modèle que nous avons choisi.
Le sénateur Dallaire : D'accord. Je crois qu'il faudra le revoir.
Le sénateur Day : Pouvez-vous nous dire ce que signifie le sigle CISP?
Lcol Hand : Oui, sénateur, c'est le Centre intégré de soutien au personnel.
Le vice-président : Le sénateur Meighen vous a posé une question sur les conseils financiers. J'ai cru comprendre qu'ACC offre, non des conseils financiers, mais une aide financière d'au plus 500 $ permettant aux clients de consulter des conseillers financiers extérieurs. Est-ce exact?
Mme Matos : C'est exact.
Le vice-président : Merci beaucoup, sénateurs, pour vos questions. Je remercie également les témoins pour cette discussion très franche. Nous espérons vous revoir ici dans un proche avenir.
(La séance est levée.)