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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 3 - Témoignages du 12 mai 2010


OTTAWA, le mercredi 12 mai 2010

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 h 12 pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leur famille (sujet : la mise en oeuvre de la nouvelle Charte des anciens combattants).

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, bienvenue à cette séance du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je déclare la séance ouverte.

Immédiatement à ma droite se trouve le général Cox, l'analyste de la Bibliothèque du Parlement; le sénateur Wallin, présidente du comité, soit le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense; le sénateur Nolin; le sénateur Manning, vice-président du sous-comité; et le sénateur Day, qui a déjà présidé le sous-comité. À ma gauche se trouve Kevin Pittman, le greffier du comité; le sénateur Meighen, qui a longtemps été le distingué président du sous-comité; le sénateur Downe; et le sénateur Dallaire.

Le sénateur Wallin veut proposer une motion.

Le sénateur Wallin : J'aimerais proposer que les séances du Sous-comité des anciens combattants prennent officiellement fin lorsque la cloche commence à sonner.

Le président : C'est-à-dire à 13 h 15.

Le sénateur Wallin : C'est exact.

Le président : Y a-t-il des commentaires sur la motion? Tous ceux qui sont pour?

Le sénateur Meighen : Je ne sais pas. Je n'en ai pas parlé avec le sénateur Wallin. J'ai reçu un avis et j'étais présent la semaine dernière, alors je crois que l'objectif de la motion est louable. Certains parmi nous doivent être à la salle du Sénat à 13 h 30 et d'autres peuvent arriver un peu plus tard, selon les responsabilités de chacun.

On ne règle rien. Quand je présidais le comité, disons, il arrivait probablement que la séance s'étire un peu trop, mais nous trouvions toujours que nous manquions de temps. J'aimerais que nous utilisions tout le temps dont nous disposons. Si les témoins n'ont pas fini de parler, il faut se demander s'il est approprié de partir. J'aurais personnellement tendance à expliquer aux témoins que certains membres doivent partir. Si la séance prend fin à environ 13 h 20, nous aurons amplement le temps de nous rendre à la salle du Sénat. C'est mon opinion.

Le sénateur Day : Je n'ai pas le droit de vote ici, mais je vous suis reconnaissant de nous avoir fait part de votre commentaire. Je m'étais moi aussi dit que le comité devrait examiner la question soulevée par la motion. En attendant, je ne crois pas que 13 h 15 soit un chiffre magique; pourquoi pas 13 h 20?

Le président : La motion précise « lorsque la cloche commence à sonner ».

Le sénateur Day : La cloche sonne à 13 h 15.

Le président : Y a-t-il d'autres commentaires?

Le sénateur Dallaire : Je n'ai pas non plus le droit de vote à ce comité. Toutefois, après la séance de la semaine dernière, je suis assez contrarié non seulement parce que les séances prendraient fin à 13 h 15, mais aussi parce qu'elles débutent à 12 h 15. Je n'ai pas donné l'exemple aujourd'hui, puisque je suis arrivé en retard. Je peux aussi comprendre que nos caucus prennent fin à midi, et que, si les leaders continuent de parler, nous ne voulons rien manquer. Cependant, le comité disposait au départ d'une heure et demie pour travailler, mais nous voulons maintenant réduire la durée des séances à une heure.

J'espère que vous voterez pour que nous puissions utiliser le plus de temps possible.

Le sénateur Wallin : Je serais tout à fait favorable à ce que nous arrivions à l'heure et que nous partions au plus tard à 13 h 20.

Le président : Par contre, la motion présentée dit 13 h 15.

Le sénateur Wallin : Je vais modifier ma motion.

Je propose que nos réunions débutent à midi pile et qu'elles prennent fin au plus tard à 13 h 20.

Le président : Y a-t-il des objections à la modification de la motion? Tous ceux qui sont pour la motion? Contre la motion?

La motion est adoptée. La séance prendra fin à 13 h 20 selon l'horloge de la salle.

Chers collègues, nous recevons aujourd'hui, malheureusement très brièvement, quatre témoins en lien avec la question figurant à l'ordre du jour, soit l'évaluation de l'efficacité de la nouvelle Charte des anciens combattants. Nous accueillons le major Jacques Lasalle, commandant de l'Unité interarmées de soutien aux personnes (UISP), région du Québec. Merci d'être avec nous. Nous avons aussi le caporal-chef Jody Mitic, coordonnateur communautaire, Quartier général de la Défense nationale, DGSB; le caporal Martin Renaud, 3e Bataillon, Royal 22e Régiment. Nous sommes heureux que vous soyez ici. À titre personnel, nous recevons le caporal-chef à la retraite Paul Franklin. Avez-vous quelque chose à dire avant que nous passions aux questions?

[Français]

Major Jacques Lasalle, commandant de l'Unité interarmées de soutien aux personnes (UISP), Défense nationale : Monsieur le président, je vous remercie de me donner le privilège de m'exprimer à ce comité et j'espère être en mesure de bien répondre à vos questions.

[Traduction]

Caporal-chef (à la retraite) Paul Franklin, à titre personnel : Si vous me le permettez, j'aimerais commencer par une déclaration préliminaire.

En janvier 2006, j'ai perdu mes deux jambes à la suite d'un attentat suicide dans la ville de Kandahar. J'ai récemment pris ma retraite, soit en novembre 2009, après trois années de service en tant que soldat blessé et un peu plus de 10 années passées dans les Forces canadiennes. En raison du moment où j'ai été blessé, on m'a donné le choix entre l'ancien système de pension d'invalidité des anciens combattants du Canada et la nouvelle Charte des anciens combattants. Par de simples calculs, je me suis vite rendu compte que j'avais avantage à demander la pension mensuelle plutôt que le montant forfaitaire. J'ai discuté avec plusieurs militaires blessés du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, et même de l'Australie. En temps de guerre, on a pu constater la rapidité de réaction du système médical des Forces canadiennes. Pour les militaires, il en va tout autrement du système médical des ACC.

On se plaint principalement que le système médical des ACC est incohérent, qu'il est incompatible avec les coûts réels ou qu'il présente des défaillances au chapitre de la communication. Un militaire, qui a récemment été blessé à l'oeil par un shrapnel, a reçu la somme de 30 000 $ pour ses douleurs et souffrances passées et à venir. Il craint que la blessure ne lui cause de nouveau des problèmes médicaux et sait qu'il aura du mal à prouver que son invalidité est en train de s'aggraver. Il le savait déjà lorsqu'il a accepté le montant forfaitaire.

Un militaire, qui était déjà amputé, a perdu son autre jambe — la première a été détruite, de même que son bras — et se trouve invalidé à long terme; malgré cela, il ne recevra que le montant maximal. De nombreux militaires ne perçoivent aucun avantage à recevoir l'indemnité maximale de 250 000 $. Ce qu'ils voient, c'est plutôt que les ACC ne paieront rien pour les autres blessures. Ils s'inquiètent de leur avenir et n'ont pas l'impression que de recevoir un montant d'argent pour une blessure soit avantageux à long terme pour eux ou pour leur famille.

On craint qu'un membre des Forces canadiennes, qui a été blessé tant physiquement que psychologiquement et à qui l'on remet aussi rapidement après l'accident une telle somme, puisse ne pas utiliser l'argent judicieusement ou le perdre par négligence, en raison de problèmes familiaux ou pour toute autre raison. Une indemnité de seulement 250 000 $ ne sera jamais équivalente au montant total reçu par l'entremise de la pension mensuelle. Dans la situation économique actuelle, le montant maximal permettra au militaire de verser un acompte sur une maison, ou possiblement d'acheter une voiture. Le système devrait plutôt accorder une somme suffisante aux soldats invalides à 100 p. 100 pour les prendre en charge pendant le reste de leur vie. Ce n'est pas un programme de retour au travail; il s'agit plutôt d'aider les militaires de première ligne qui se battent pour une seule raison : le Canada leur a demandé de le faire.

Si un jeune soldat est déclaré invalide à 100 p. 100 à la suite d'une blessure à la moelle épinière, et qu'un capitaine vétéran ayant 20 ans de service subit la même blessure, ils recevront tous les deux 75 p. 100 de leur salaire jusqu'à leur retraite. Les membres des Forces canadiennes auxquels j'ai parlé sont tous indignés de constater que les blessures d'un soldat n'ont pas la même valeur que celles d'un capitaine, et se demandent pourquoi. Tout ce qu'ils veulent, c'est l'égalité pour tous les militaires, qu'ils appartiennent à l'armée de terre, à la marine ou à la Force aérienne. Si vous décidez de conserver le système de montant forfaitaire, alors assurez-vous que les montants de tous les autres plans sont égaux et qu'ils procurent une qualité de vie à tous.

Le président : Avez-vous dit que, dans votre cas, vous aviez le choix entre l'ancien et le nouveau système compte tenu de votre situation, de l'époque et de l'endroit où vous habitiez? Vous les avez donc comparés, puis avez décidé que l'ancien système sans montant forfaitaire vous avantageait?

Cplc Franklin : J'ai simplement fait quelques calculs. Je reçois 4 200 $ par mois exonérés d'impôt, ce qui revient approximativement à 75 000 $ par année. Après avoir reçu cette somme pendant cinq ans, j'aurai déjà dépassé le montant forfaitaire de 250 000 $. Donc, si je vis pendant cinq ans après avoir été blessé, c'est avantageux sur le plan financier.

Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre a quelque chose à dire?

Caporal-chef Jody Mitic, coordonnateur communautaire, Quartier général de la Défense nationale, DGSB, Défense nationale : Je ne parlerai pas en mon nom. Lorsqu'on m'a dit que nous avions été invités à nous présenter devant le comité, j'ai demandé à tous les autres anciens combattants blessés que je connais s'ils avaient quelque chose à dire. Je vais lire l'une des réponses.

Le sénateur Meighen : Est-ce que le comité peut avoir accès à ces réponses?

Cplc Mitic : Je peux vous en laisser une copie, sénateur, si vous le désirez.

Je ne nommerai pas le soldat, même si je suis certain qu'il n'y verrait aucun problème. J'aimerais toutefois vérifier auprès de lui. C'est un ancien combattant ayant servi 30 ans au sein des Forces canadiennes. Alors qu'il était sur le point de prendre sa retraite, il a décidé de faire une dernière mission. Il s'est retrouvé avec les deux jambes amputées au-dessus du genou, un peu comme le caporal-chef Franklin, et avec quelques autres blessures.

La lettre est adressée « à Karen et aux autres ». Il s'agit de l'adjudant Karen McCoy de la force aérienne, qui a perdu une jambe en raison d'un cancer, mais qui peut aujourd'hui faire tout ce qu'elle veut grâce au caractère universel du service. La lettre est empreinte d'émotion. Je vais l'adapter légèrement en raison des circonstances. Voici ce qu'elle dit :

J'aimerais exprimer mon mécontentement à de nombreux égards concernant la nouvelle Charte des anciens combattants, mais je ne sais même pas par où commencer. Tout d'abord, la pension d'invalidité a été remplacée par un montant forfaitaire. Ce prétendu dédommagement pour « la douleur et la souffrance » (et non pour les blessures physiques) est une vraie farce. En outre, c'est une insulte abjecte. Recevoir 250 000 $ de dédommagement à vie pour avoir perdu mes deux jambes au-dessus des genoux? Vous plaisantez?!?! Je suis profondément insulté et indigné. Paul m'a dit que, sous l'ancienne charte, il reçoit 4 700 $ par mois exonérés d'impôt. En d'autres mots, il recevra 50 000 $ par année pour le restant de ses jours. Un simple calcul nous permet de constater que le montant forfaitaire maximal auquel j'ai eu droit (250 000 $) revient à cinq années de la pension médicale que Paul recevra TOUTE SA VIE. Le système de pension de Paul ne touche pas à sa pension militaire, contrairement au nouveau système, dont la « compensation pour perte de revenus » inclut le revenu tiré de la pension militaire que vous avez payée pendant 25 années (ou peu importe le nombre d'années). En d'autres mots, la très généreuse pension militaire ne joue pas à votre avantage lorsque vient le temps de calculer le revenu annuel. Encore mieux, après que tout soit réglé et que les ACC aient utilisé votre pension militaire à votre désavantage (ce qui n'est pas le cas dans l'ancien système), vous avez seulement droit à un revenu annuel assuré de 75 p. 100 du salaire que vous receviez avant de quitter les forces. Quelqu'un pourrait-il m'expliquer comment on peut justifier qu'un ancien combattant qui a sacrifié ses bras ou ses jambes, de même que sa qualité de vie pour le Canada voit son revenu annuel diminuer de 25 p. 100 simplement parce qu'il est devenu invalide au combat? Cette clause de la nouvelle Charte des anciens combattants est tout à fait criminelle. Si vous perdez vos membres, vos habiletés mentales, ou bien les deux, et que pour cette raison, vous n'êtes plus en mesure de trouver un emploi civil gratifiant après votre réadaptation, que se passe-t-il? Le RARM (même pas les ACC!) vous remet jusqu'à 75 p. 100 de votre salaire militaire tout en récupérant tous vos autres revenus — même la pension militaire à laquelle vous avez contribué pendant toute votre carrière. Quels radins!

J'aurais encore beaucoup de choses à dire sur les répercussions de la nouvelle Charte des anciens combattants, mais il me faudrait bien des pages pour faire le tour de la question. Imaginez simplement que vous êtes un caporal de la Force de réserve à qui il manque trois membres. Il n'existe aucune politique pour vous aider à acheter (ou plus probablement à bâtir) une maison convenable sans obstacle pour vous et votre famille. Essayez de payer deux hypothèques avec le salaire d'un caporal. Mais attendez... c'est de plus en plus intéressant. Disons que votre invalidité liée à votre service vous empêche de vous trouver un travail satisfaisant ou enrichissant. Ahh — le RARM vient alors à la rescousse avec sa compensation pour perte de revenus, qui vous garantit de recevoir 75 p. 100 de votre salaire de caporal, mais qui récupère tous vos autres revenus durement gagnés au-delà de la limite de 75 p. 100. Merci, chers héros du Canada — nous venons de vous placer avec votre famille dans la queue pour l'aide sociale. Et mieux encore, puisque vous ne pouvez toujours pas vous permettre de construire une maison adaptée au fauteuil roulant pour vous et votre famille, vous vivez depuis plus d'un an dans un hôtel en attente d'un geste de charité qui vous permettra de bâtir cette demeure. Le système couvrira les frais pour la rénovation de votre maison actuelle — en présumant qu'elle se prête à ce genre de rénovation. Sinon, vous vous retrouvez sans aucune prestation, car aucune aide financière n'est accordée pour construire une nouvelle maison sans obstacle, même si ce besoin est directement attribuable à une blessure subie en service. Ahhh... Merci beaucoup... Canada. C'est très généreux.

Comme je l'ai dit, je pourrais « m'amuser » encore longtemps à vous parler des innombrables injustices de la nouvelle Charte des anciens combattants. Je pourrais écrire pendant des jours, mais le sentiment d'avoir reçu un coup bas par le pays-même pour lequel j'ai servi a tendance à remonter dans ma gorge et à me rendre malade. Je serais mieux de m'arrêter là.

Il y a bien des choses à dire sur la Charte des anciens combattants, mais rien n'est bon. La nouvelle charte n'est rien d'autre qu'une mesure fédérale de compression mal déguisée en un simple programme de « retour au travail » pour passer à la vie civile. La nouvelle charte enlève la sécurité financière à long terme qui était auparavant assurée aux soldats invalides, puisqu'elle remplace la pension médicale par un montant forfaitaire trop bas et horriblement insultant. Au Royaume-Uni, les soldats invalides à 100 p. 100 reçoivent jusqu'à trois millions de dollars (150 000 livres sterling). Je n'échangerais jamais mes jambes pour 30 millions de dollars, mais la question n'est pas là. Utilisée judicieusement, une somme de trois millions de dollars permettrait à un ancien combattant de se faire construire une maison sans obstacle et de vivre une retraite confortable (mais pas dorée). Au Canada, la nouvelle charte permet plutôt de payer quelque chose comme le stationnement de l'hôpital avec le montant forfaitaire maximal... de 250 000 $, un prétendu dédommagement pour les aspects non économiques (comme la douleur et la souffrance) des blessures qui ont changé ma vie. Mon oeil! Une somme de 250 000 $ pour tout ce que ma famille a enduré? Pour la douleur des membres fantômes que j'endure trois nuits par semaine?? Pour la qualité de vie que j'ai perdue, une situation que nous devons endurer, ma famille et moi, jusqu'à la fin de mes jours??? Ouais...

C'est la fin du courriel. Ce n'était qu'un exemple parmi tant d'autres. Pour ma part, je n'ai pas beaucoup d'expérience de la nouvelle charte, puisque je suis toujours en service. Je n'ai rien vécu d'horrible, mais rien d'encourageant non plus.

Avant de modifier la charte, si on avait demandé l'avis des membres des forces qui sont en service, en particulier ceux qui prennent part au combat, je crois qu'ils auraient catégoriquement refusé les montants forfaitaires pour les blessures. Ce n'est pas une question d'argent, mais plutôt de sécurité. Plusieurs des personnes présentes aujourd'hui ont fait partie de l'armée pendant toute leur vie. Personne ne choisit cette vie pour l'argent. Si l'argent m'intéressait, j'aurais quitté ma formation avancée de tireur d'élite pour adhérer à Blackwater, grâce à qui j'aurais pu gagner jusqu'à 250 000 $ par année pour m'entraîner et me battre en Irak. Je n'ai pas choisi cette carrière pour faire de l'argent. Quand je me suis joint aux forces régulières en 1997, j'ai accepté une baisse de salaire. Avant, je travaillais pour Ford, et mon salaire a diminué de deux tiers quand je suis devenu soldat. Nous faisons ce travail pour bénéficier d'une sécurité à la fin de nos jours et pour savoir que, pendant que nous sommes en service, nous assurons la sécurité du pays.

Je voulais simplement que le comité comprenne le ton du message de nombreux anciens combattants blessés.

Le président : Diriez-vous que le courriel que vous nous avez lu est représentatif des réponses que vous avez reçues?

Cplc Mitic : Tout à fait. Je tiens à répéter que ce n'est pas, pour ainsi dire, une question d'argent. Quand ma représentante d'Anciens Combattants du Canada m'a remis mon chèque en 2007, je lui ai dit : « Une minute, quand les marchés vont s'effondrer, allez-vous me remettre un nouveau chèque? » Elle a répondu : « Voyons, ils ne s'effondreront jamais. »

Quand c'est arrivé, moins d'un an plus tard, et que j'ai perdu plus de 60 000 $, je me suis demandé où était allé tout cet argent. J'avais besoin d'acheter une nouvelle voiture et voulais emménager avec ma conjointe de fait, qui était alors enceinte de ma fille, mais je ne pouvais pas avoir accès à tout cet argent que je possède.

Quand nous demandons de l'aide, nous nous heurtons à des obstacles à différents niveaux et dans différents services. Pour l'instant, c'est une situation de détresse.

Le président : Caporal Renaud, avez-vous une déclaration préliminaire?

[Français]

Cpl Renaud : Si je prenais la parole, ce serait probablement pour répéter ce que les deux héros à mes côtés ont dit. Mon histoire, c'est du pareil au même. J'ai été blessé à 19 ans et aujourd'hui, à l'âge de 22 ans, j'ai perdu le bas de mes jambes, j'ai des tiges de métal dans le dos et je ne me sens plus.

J'essaie de ne pas penser à l'avenir parce que pour l'instant, j'ai encore mon salaire. Je mets plutôt l'emphase sur la mise en forme et chaque jour représente pour moi un combat avec la vie. Mais j'aime la vie et tant que je resterai en vie, je ne douterai pas de ce que j'ai accompli là-bas parce que je l'ai fait pour l'honneur. Jamais je ne veux regretter d'être allé là-bas.

Par contre, si d'ici un an ou deux, on m'enlevait ma sécurité financière, il se peut que je devienne itinérant et je ne veux pas en devenir un. Tout cela pour dire qu'il faut supporter et supporter encore mais à quel prix? Avec une somme de 250 000 $ à 19 ans, si je vis jusqu'à l'âge de 60 ou même 80 ans, même avec l'aide du meilleur planificateur financier, je n'y arriverai pas. Comment faire fructifier 250 000 $ pour pouvoir vivre jusqu'à 80 ans?

Je ne sais pas si dans vingt ans, je pourrai encore marcher ou si je serai dans un fauteuil roulant, mais pour l'instant j'ai la force. J'espère seulement que les choses changeront.

[Traduction]

Le président : Nous souhaitons tous que vous viviez bien au-delà de 60 ans.

Le sénateur Manning : Merci, messieurs, d'avoir servi notre pays et d'être ici aujourd'hui. Pour être franc avec vous, vos observations liminaires m'ont un peu estomaqué, comme nous disons chez nous, à Terre-Neuve-et-Labrador.

Caporal-chef Franklin, vous avez dit dans votre introduction que vous aviez eu le choix entre l'ancienne et la nouvelle charte, et vous avez comparé la pension mensuelle avec le montant forfaitaire. Caporal Renaud, lorsque vous avez été blessé, avez-vous eu le choix entre les deux chartes, ou bien avez-vous été obligé de prendre le montant forfaitaire?

Cplc Franklin : J'ai été blessé en janvier 2006 et j'ai subi des interventions chirurgicales jusqu'en mars. La nouvelle Charte des anciens combattants entrait en vigueur le 1er avril 2006. Je suis donc persuadé qu'on n'a donné le choix à personne d'autre.

Cplc Mitic : Après cette date, on parlait de l'ancienne et de la nouvelle charte. J'imagine qu'on a donné le choix au caporal-chef Franklin pour en quelque sorte faciliter la transition, mais on ne nous a pas offert de choisir.

Cplc Franklin : J'ai quand même accès à un grand nombre des programmes prévus par la nouvelle Charte des anciens combattants; on ne me l'a pas interdit.

Le sénateur Manning : Sur le plan financier, vous vous trouvez dans une meilleure situation. Outre le montant forfaitaire, y a-t-il d'autres avantages? Des témoins nous ont déjà dit que la nouvelle charte offrait autre chose. Je m'intéresse aux aspects financiers. Je suis au courant des mesures comme l'aide à l'emploi. Toutefois, sur le plan financier — pour vos factures médicales, par exemple —, vous a-t-on offert des prestations en plus du montant forfaitaire?

Cplc Franklin : Le ministère vous dira qu'une allocation pour déficience permanente est prévue, ce qui semble intéressant, sauf que les versements se situent entre 536 et 1 609 $ par mois. C'est le niveau de l'aide sociale. Puisque mon hypothèque est de 1 000 $ par mois, une somme de 1 600 $ ne suffira pas.

Cplc Mitic : La charte contient d'autres mesures. Le Programme pour l'autonomie des anciens combattants, ou PAAC, inclut une aide pour tondre le gazon et déneiger; c'est bien. Nous recevons une petite allocation pour modifier les vêtements, au besoin. Si je me souviens bien, je reçois 110 $ par mois, car je dois maintenant acheter des pantalons différents. Je ne l'ai pas dit, mais j'ai les deux jambes amputées environ à mi-chemin entre le pied et le genou, et je me tiens sur deux prothèses. Je dois ajouter des fermetures à glissière à certains de mes pantalons et j'ai dû modifier quelque peu ma garde-robe; cette allocation me permet de le faire.

À court terme, la charte semble offrir peu de choses. À long terme, mon expérience personnelle est plutôt limitée; certains militaires sont passés à autre chose. De ceux à qui j'ai parlé, aucun n'est satisfait de la charte.

Il y a peut-être d'autres allocations, comme celles dont le caporal-chef Franklin vient de parler et quelques autres, mais, pour nous, conserver notre dignité de militaire et de combattant est primordial. Nous ne voulons pas avoir à demander une allocation chaque fois que nous voulons faire quelque chose.

Dans mon cas — le caporal-chef Franklin et moi en avons discuté brièvement avant la séance — tout ce que je fais doit être adapté. Par définition, pratiquer des sports adaptés et avoir un mode de vie adapté, c'est plus cher. Je ne suis pas encore retourné faire du vélo de montagne — un sport auquel j'excellais et pour lequel j'ai même remporté des compétitions. Chaque fois que j'essaie, je dois apporter une nouvelle modification à ma bicyclette — notamment changer les pédales et le guidon —, ce qui coûte de l'argent. Pour l'instant, je paie moi-même, car je tiens à faire du vélo de montagne. Toutefois, si j'avais l'argent, je changerais de bicyclette sur-le-champ. On n'en parlerait plus; je n'aurais pas besoin d'y penser, je n'aurais qu'à le faire.

J'ai maintenant une fille. Parce que nous avions besoin d'une plus grande surface habitable, nous avons dû acheter une maison qui dépassait nos moyens, mais que nous pouvions rénover. C'est pourquoi nous faisons peu d'activités.

Les bonnes prothèses sont disponibles. Toutefois, les FC me les prêtent seulement tant que je suis en service. Nombre d'entre nous essaient de continuer à travailler pour repousser le temps où nous devrons traiter avec Anciens Combattants Canada. Tous les gens à qui j'ai parlé disent qu'il est en effet difficile de faire affaire avec ce ministère.

Je ne comprends pas d'où vient cette mentalité. On traite toujours les gens comme s'ils essayaient de voler et de profiter un peu plus. Je suis sûr que quelques personnes le font — cela fait partie de la nature humaine —, mais je dirais que la plupart d'entre nous essaient juste de vivre avec dignité, un point c'est tout. Nous ne voulons pas nous sentir comme si nous devions toujours redemander notre indemnité et prouver que nous méritons les prestations. Cependant, il en est ainsi.

Le sénateur Manning : Concernant la rénovation des maisons pour aider les personnes à composer avec leur handicap — je ne suis pas certain d'avoir bien compris et je ne sais plus si c'est le caporal-chef Franklin qui parlait —, quelqu'un a-t-il dit qu'on peut seulement rénover les maisons existantes mais pas les nouvelles maisons?

Caporal-chef Franklin : C'était dans le courriel.

Cplc Mitic : Une partie de la réponse, c'est que les gens du ministère de la Défense nationale ont décidé de nous aider pendant notre service. Cela dit, on modifie complètement ce système. Récemment, on a approuvé ma demande après deux ans d'efforts, mais on s'est servi du modèle d'Anciens Combattants Canada. De plus, les responsables utilisent notamment l'indemnisation des accidentés du travail pour essayer de démêler les choses, parce qu'ils ne l'avaient jamais fait avant, ce qui est correct.

Selon des règles établies, on ne peut pas agrandir une maison. Les gens du ministère ont peur de rendre les bénéficiaires riches en ajoutant 100 pieds carrés à leur maison, par exemple. Je ne vois pas quel est le problème. Cette règle est un vrai casse-tête pour la famille d'un quadriplégique, dont tout le corps est paralysé en bas du menton. La meilleure option pour cette personne et sa famille, c'est d'agrandir leur maison. Quelle que soit l'explication, cela n'a longtemps pas été permis. La qualité de vie de la famille en souffre jusqu'à ce que le problème soit résolu. Je ne connais pas toute l'histoire, alors je n'en dirai pas beaucoup plus. Néanmoins, il semble que les choses changent.

On doit vivre ainsi tous les jours. Ces deux dernières années, j'ai rampé sur les mains et les genoux pour essayer de me déplacer à la maison avec ma fille, parce que je ne vais pas rester à ne rien faire et attendre que quelqu'un prenne une décision. Ces questions concernent tout autant la charte et la Défense nationale que le Conseil du Trésor. Je ne veux pas trop m'avancer. Quand on utilise le modèle d'Anciens Combattants Canada, comme c'est le cas présentement, je me demande ce à quoi je serai confronté jusqu'à la fin de mes jours.

Le sénateur Manning : J'ai bien des questions, mais je ne vais en poser qu'une de plus pour laisser la chance aux autres de parler. Vous recevez de l'aide parce que vous êtes toujours en service. Vous avez dit que vous essayiez de rester dans les FC pour ce qui vous est offert par rapport à si vous partiez.

Cplc Mitic : Demandez-vous ce que je recevrais si je quittais les FC?

Le sénateur Manning : Oui, en comparaison de ce que vous recevez maintenant.

Cplc Mitic : Les Forces canadiennes ont plusieurs programmes qui permettent de passer à la vie civile si on est libéré pour des causes médicales, ce dont je compte tirer profit. Je n'ai pas essayé d'en savoir plus sur ce qu'offre le ministère des Anciens Combattants, parce que j'ai choisi ma cause. Dernièrement, ma maison a été rénovée, ce qui est une bonne chose parce que sinon, je ne sais pas si j'aurais pu venir aujourd'hui. Je sais que des programmes sont disponibles, mais je ne les ai pas tous examinés. Jusqu'ici, personne ne m'a fait part d'une bonne expérience.

Cplc Franklin : Si vous me permettez, je suis resté trois ans dans les FC comme militaire blessé pour que tout mon avenir soit préservé. Je savais que la Défense nationale m'aiderait, qu'elle achèterait un fauteuil roulant et des prothèses et qu'elle modifierait ma maison. Je savais que le ministère serait toujours là pour moi. Bien des militaires semblent dire qu'ils vont bien parce qu'ils travaillent encore. En vérité, ils ne veulent pas que leur solde soit réduite de 25 p. 100. Ils veulent qu'on leur donne tout ce qui leur revient et que leur employeur se préoccupe vraiment de leur état d'esprit et de leur santé en général, ce qui était du jamais vu.

Nous avons réussi à obtenir un acquis important. Nous pouvons rester dans les FC aussi longtemps que nous le voulons si nous avons subi un traumatisme psychologique ou physique. Heureusement, le général Hillier l'a dit en 2007. Tout le monde suit cette directive, qui crée bien sûr des besoins. Comment intégrer un double amputé? Les Forces canadiennes doivent entre autres offrir des prothèses pour courir et pour nager, des choses qui leur sont complètement inconnues. Elles se sont dotées de bien des équipements d'excellente qualité, ce qui est tout à leur honneur. Par contre, cela nous demande de plaider pour le maintien de ces avantages. Les gens des Forces canadiennes n'en reviennent pas de voir tout ce que nous recevons par rapport au peu de choses que nous obtenions il y a à peine six ans.

Le président : La situation s'est donc améliorée.

Cplc Franklin : Il est sans l'ombre d'un doute préférable de continuer à servir dans les FC.

Le sénateur Downe : Je remercie les témoins non seulement d'être présents, mais aussi de servir le pays. Leur témoignage est à la fois très intéressant et très troublant.

Quand le comité sénatorial a examiné pour la première fois la nouvelle Charte des anciens combattants il y a cinq ans, nous avons demandé si le gouvernement essayait d'économiser des fonds. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, il n'y a pas beaucoup d'anciens combattants au Canada qui mendient dans la rue en arborant leurs médailles. Nous avons évité cela en grande partie grâce à l'aide continue qui est offerte. Nous avons demandé si le programme créerait la situation qu'on retrouve aux États-Unis. Nous essayons toujours de savoir si on essaie de faire des économies. Il est difficile d'obtenir des réponses sur les coûts du programme et ce qu'il en aurait coûté sans lui. Dans votre cas, vous aviez le choix et vous avez vite compris ce qui était mieux pour vous. Dans les faits, vous coûtez plus d'argent au gouvernement que si on avait examiné votre situation cinq ans plus tard.

Cplc Franklin : C'est tout à fait juste.

Le sénateur Downe : Nous avons découvert certaines informations qui m'intriguent. Pour qu'ils obtiennent des conseils financiers, les anciens combattants qui ont reçu la somme forfaitaire reçoivent jusqu'à 500 $ du ministère des Anciens Combattants. Cependant, seulement 1 p. 100 des personnes admissibles ont profité de cette mesure. Nous sommes préoccupés par ce qui se passe quand les soldats ont dépensé l'argent et qu'ils ne reçoivent que 75 p. 100 de leur salaire le reste de leur vie. Personne ne s'enrôle pour être soldat. Les militaires veulent tous finir comme mon ami le général, assis à ma gauche. Cela dit, une personne peut rester soldat sans qu'on puisse lui reprocher quoi que ce soit.

Les gens du ministère des Anciens Combattants nous disent qu'il y a une panoplie de programmes disponibles. Pouvez-vous dire les programmes qui fonctionnent et ceux qui ne fonctionnent pas?

Cplc Franklin : Si je peux parler des 75 p. 100, on dit les donner à vie, mais on les donne seulement jusqu'à 65 ans. À partir de là, les anciens combattants ne reçoivent que les prestations du RPC, qui s'élèvent à 900 $ par mois. Voilà ce que donne la nouvelle Charte des anciens combattants? Comme je l'ai dit, les soldats reçoivent 75 p. 100 de leur salaire jusqu'à 65 ans, mais après cela ils sont mal pris jusqu'à leur mort. Ils doivent se contenter d'aussi peu d'argent.

Il y a de nombreux bons programmes de retour au travail. Le major participe à la gestion de la plupart d'entre eux. Il y a les centres intégrés de soutien du personnel, les CISP, tous les nouveaux services et les installations pour téléphoner à notre conseiller du ministère des Anciens Combattants et obtenir des réponses assez rapidement. Ce sont toutes de bonnes choses. Toutefois, on aurait dû les offrir il y a des années. On félicite les responsables pour des choses qu'ils auraient dû mettre en place durant la Deuxième Guerre mondiale. Je ne suis pas enclin à saluer la charte ou le ministère des Anciens Combattants, parce que je crois que ces choses auraient dû être faites sous le commandement du sénateur Dallaire ou de quelqu'un d'autre. La partie concernant les blessures dues au stress professionnel est très bien, mais elle aurait dû être mise en oeuvre plus tôt.

Les gens à qui j'ai parlé s'inquiètent surtout de leur avenir, en raison des versements mensuels ou de la somme forfaitaire. Par exemple, que se passe-t-il si ma jambe s'infecte et qu'il y a des complications? Ai-je la garantie qu'on va m'aider? Nous ne recevons pas de garanties. Il y en a peut-être dans les 480 pages de la nouvelle Charte des anciens combattants. Cela dit, qui va lire ce document? Toutes les brochures ont une présentation soignée, mais elles ne parlent d'aucune garantie.

Sachant que nous venions aujourd'hui, les gens du ministère des Anciens Combattants nous ont donné un feuillet d'information. Je vous en remettrai aussi un exemplaire. Ce feuillet contient des questions qui allaient être posées selon eux. Il est toujours agréable d'obtenir les réponses aux questions qu'on n'a même pas encore posées. Le document répond à des questions qui concernent ce à quoi sert la charte, mais il n'aborde pas certains sujets relatifs à notre avenir.

Participer à un programme de réadaptation à ma retraite semble être une bonne idée. Mais je suis déjà en santé. En fait, je suis en meilleure santé que jamais. Alors, le programme sert-il à la réadaptation professionnelle? À vrai dire, je travaille déjà, car je donne des conférences et je fais d'autres choses. Toutefois, cela n'est pas reconnu. Ainsi, on n'arrête pas de me téléphoner pour me demander pourquoi je ne participe pas au programme de réadaptation. On veut que je retourne au travail. Les responsables ont affaire à une personne complètement handicapée. Quel type de travail peut faire un double amputé? Dans certaines circonstances, il est possible d'être complètement handicapé sur le plan physique et psychologique. Certaines personnes ne retourneront jamais au travail. Nous devons l'admettre et les aider. Ces personnes sont les plus susceptibles de traîner dans la rue ou de devenir suicidaires. Ce sont elles que nous devons protéger.

Le sénateur Meighen : Quelqu'un peut-il m'expliquer comment étaient calculés les versements mensuels dans l'ancien système de prestations d'invalidité? Les calculs étaient-ils fondés sur le salaire, la gravité des blessures ou les deux?

Cplc Mitic : Les prestations étaient évaluées selon la gravité de la blessure, représentée par un pourcentage. Comme le caporal-chef Franklin a perdu ses deux jambes, le pourcentage de gravité de sa blessure est de 100 p. 100.

Le sénateur Meighen : Cela signifie-t-il qu'il a droit au plus important versement mensuel?

Cplc Mitic : En effet. Pour être précis, chaque jambe représente 54 p. 100. C'est donc dire que la gravité de ma blessure s'élève à 108 p. 100. Toutefois, le ministère ne me verse des prestations que pour une blessure d'une gravité de 100 p. 100, bien sûr. Je ne sais pas ce sur quoi on s'appuyait au départ pour faire les calculs.

Cplc Franklin : Je ne le sais pas non plus. Le sénateur Dallaire est peut-être plus au fait de la situation que nous.

Le sénateur Dallaire : Au départ, le montant était calculé selon le salaire du soldat. Au fil des ans, cette somme était majorée selon le salaire. Par ailleurs, on recevra par exemple plus de 4 700 $ si on a un époux et des enfants.

Cplc Franklin : En effet, cela fera augmenter les versements.

Le sénateur Dallaire : Le montant de référence est environ 2 000 $. Cette somme est insuffisante, même si elle est exempte d'impôt. On peut vouloir la doubler, mais c'est impossible. À cette échelle salariale, les gens ne reçoivent que 25 p. 100 de plus.

Cplc Franklin : C'est exact.

Le sénateur Dallaire : Il s'agit de l'ancienne échelle. On est passé à 75 p. 100 en fonction du niveau de grade. Toutefois, on n'avait pas travaillé à cet aspect dans l'élaboration de la nouvelle Charte des anciens combattants. On avait choisi d'accorder le montant nécessaire pour que les gens aient une qualité de vie raisonnable. Nous parlions plutôt des grades de sergent et d'adjudant, qui sont près du grade de lieutenant ou de capitaine. Les choses se sont passées ainsi. Cela fait partie du processus que nous devons examiner attentivement.

Le sénateur Downe : Évidemment, le problème, c'est que le caporal Renaud, qui a parlé tout à l'heure, a été blessé à 19 ans. Quel grade aurait-il eu à 40 ans?

Cplc Franklin : Il aurait probablement été adjudant-chef.

Le sénateur Downe : Exactement. Voilà ce qui est injuste.

Je suis heureux d'entendre que les gens de la Défense nationale ont une bien meilleure attitude et qu'ils collaborent plus. Dans un autre domaine qui nous préoccupe, j'ai remarqué que les membres des Forces canadiennes qui sont libérés pour des raisons médicales ont priorité concernant les nominations dans la fonction publique du Canada.

La présidente de la Commission de la fonction publique du Canada m'a informé hier qu'en 2007-2008, des 245 anciens membres des Forces canadiennes ou de la GRC qui étaient qualifiés, 177 ont été nommés à un poste dans la fonction publique et 67 n'ont pas reçu d'offre d'emploi du gouvernement. De plus, une personne a abandonné le processus. La partie dérangeante et décevante — il s'agit d'une autre question dont nous parlons depuis un certain temps —, c'est que 70 p. 100 de ces gens — en fait, 69 p. 100 — ont été engagés par un seul ministère, soit la Défense nationale.

Ce n'est pas l'ensemble des ministères qui adhèrent au programme. Certains ministères et organismes y participent. C'est un problème, monsieur le président. Un membre du comité devra parler au greffier du Conseil privé à un moment donné. Selon moi, les 245 personnes auraient toutes été engagées si les autres ministères faisaient le tiers de ce qu'accomplit la Défense nationale. C'est un commentaire, et non une question.

Le président : À condition que les personnes soient qualifiées.

Le sénateur Downe : Bien sûr, oui. Elles doivent être qualifiées. C'est un très bon point, les gens doivent répondre aux critères d'embauche pour les postes disponibles. Ces personnes avaient satisfait aux exigences. Malheureusement, 67 d'entre elles n'ont tout de même pas été engagées.

Le sénateur Dallaire : Cependant, il n'y a pas de programme pour aider ces personnes à répondre aux critères. Quand le programme a été mis sur pied, il n'y avait pas d'outils pour aider ceux qui n'ont pas d'expérience dans la recherche d'emploi dans la fonction publique à faire un examen ou même à connaître les emplois et le processus. La Défense nationale a commencé à fournir de l'aide pour que les gens connaissent les critères de sélection des candidats et qu'ils y répondent.

Le président : Nous avons certainement l'intention d'approfondir la question de ce programme de la fonction publique.

Le sénateur Downe : Dans ce cas, pourriez-vous distribuer ce document aux membres du comité?

Le président : Bien sûr.

[Français]

Maj Lasalle : À titre d'officier de sélection du personnel de formation, je peux vous confirmer que la dotation pour le système de priorité d'emploi pour les blessés est effectivement difficile et le taux de succès est très bas.

Comme le sénateur Dallaire l'a mentionné, nous n'avons pas de programme de formation dans des métiers spécifiques de la fonction publique. Il pourrait y avoir une amélioration sur ce plan pour aider à réaffecter nos gens. C'est bien de donner un paiement forfaitaire ou une pension, mais il faut aussi donner un emploi qui donne la dignité à nos militaires blessés.

À titre de commandant des blessés de la région du Québec, tous les témoignages que j'ai entendus aujourd'hui, je les ai déjà entendues. Le plus grand irritant est surtout le paiement forfaitaire versus la pension. Tout le monde est d'accord pour dire qu'un paiement forfaitaire aussi minime pour un jeune de 22 ans ne l'aidera pas à vivre sa vie jusqu'à un âge avancé. Ce ne sont pas les seuls irritants mentionnés et j'aimerais vous en mentionner quelques-uns qui nous ont été rapportés.

Nous avons reçu la visite de l'ombudsman tout récemment et beaucoup de jeunes et de moins jeunes blessés ont témoigné. Un des problèmes rapportés concernait la communication avec le ministère des Anciens combattants. Il est difficile de rejoindre un agent d'Anciens combattants pour ce que j'appelle un vétéran de la Première guerre, qui souvent, se retrouve seul chez lui. Il avait auparavant des visites des agents d'Anciens combattants, maintenant, cela n'existe plus. Le côté humain est laissé de côté. J'ai cru important de vous le mentionner.

La lenteur administrative des processus de révision pour les demandes de paiements forfaitaires ou de pension est interminable. Il est ardu et très frustrant de passer à travers tout ce processus bureaucratique.

Je me rappelle de la visite du sénateur Dallaire à Valcartier il y a quelques années. Si vous me le permettez, sénateur, un des points mentionnés était qu'il était très difficile pour une personne qui a des problèmes de santé mentale d'avoir à faire affaire avec tous les comités, tous les programmes.

À titre de commandant de la région du Québec, je me devais de vous mentionner ces choses très importantes.

[Traduction]

Le sénateur Wallin : Merci à tous d'être ici. Nous avons pas mal discuté et entendu bon nombre de témoignages. Dans toute la hiérarchie, il y a une préoccupation croissante en ce qui concerne le versement de la somme forfaitaire. Il n'y a aucun doute là-dessus — les gens qui travaillent nous l'ont dit aussi.

À Petawawa, j'ai parlé à des militaires blessés qui sont dans une situation sans issue. Ils ne veulent pas travailler au ministère des Finances ou à Patrimoine canadien. Ces gens veulent travailler à la Défense nationale, puisque c'est le domaine qu'ils aiment et connaissent. On ne peut pas satisfaire tout le monde.

Aujourd'hui, je suis préoccupée par la question du logement. Concernant les rénovations, aucune mesure ne s'applique à la situation de ceux qui décident de louer un logement dans la base ni même à celle des gens qui sont toujours en service.

Cplc Mitic : Il y a une nouvelle politique. Je pense que 2 p. 100 de tous les logements dans les bases seront désormais disponibles. Pour ma part, j'ai vécu un an dans un logement à mon retour à Petawawa. On vient de faire les rénovations minimales pour que j'habite une maison.

Le sénateur Wallin : Est-elle située dans la base?

Cplc Mitic : La maison est dans la base. On en a aussi rénové une de plus au cas où quelqu'un d'autre serait blessé.

Comme le caporal-chef Franklin l'a souligné, les gens de la Défense nationale font de leur mieux pour offrir dans les bases les services qu'il n'y avait pas avant, ce que nous trouvons encourageant.

En quelque sorte, les problèmes commencent lorsqu'on se penche sur la question de la construction ou de la rénovation de maisons en vue d'une occupation à long terme. Je répète que j'ai eu une expérience très difficile. Ma conjointe, qui est sergent, est assistante médicale de combat. Nous nous sommes rencontrés grâce à notre emploi. Comme elle connaît sûrement d'autres situations que celle du caporal-chef Franklin et la mienne, ma compagne a déjà pleuré à cause du processus. Les responsables de la Défense nationale se fondent sur ce que font — ou faisaient — les gens d'Anciens Combattants Canada, un ministère où on réalise maintenant qu'on ne veut plus participer au processus de construction ou de rénovation de maisons et qu'on veut passer à d'autres choses.

Le sénateur Wallin : On offre une indemnité seulement pour les rénovations effectuées à une maison qui appartient à la personne concernée, n'est-ce pas?

Cplc Franklin : J'ajouterais simplement que j'ai connu une personne paralysée. Les gens de la Défense nationale ont trouvé un logement à louer et l'ont rénové pour répondre aux besoins de cette personne, qui n'a rien eu à débourser.

En revanche, j'ai dû déménager du tout petit bungalow construit en 1932 que j'avais acheté pour habiter un logement plus convenable. Nous n'avons pas demandé au ministère des Anciens Combattants de participer au processus parce que nous savions que ce serait peine perdue. Nous avons fait les choses à notre manière, en payant les rénovations et en envoyant les factures ensuite.

Le sénateur Wallin : À qui les avez-vous envoyées?

Cplc Franklin : Au ministère des Anciens Combattants.

Le sénateur Wallin : Est-ce parce que vous faites partie de l'ancien système ou tout le monde peut-il faire comme vous?

Cplc Franklin : On n'est pas censé faire cela. Normalement, on doit envoyer trois devis aux gens du ministère, qui choisissent l'offre la plus basse, le bois le moins cher, et cetera. Nous avons choisi de ne passer par ce processus, qui fait qu'une maison n'est toujours pas construite après un an ou deux et qu'il faut payer deux hypothèques. C'est là que les problèmes commencent.

Le sénateur Wallin : Êtes-vous dans cette situation, caporal-chef Mitic?

Cplc Mitic : Nous n'avons pas eu à payer deux hypothèques. Pendant que nous attendions, nous avons habité à côté de l'aéroport, dans un logement résidentiel difficile d'accès fourni par la Défense nationale. Nous sommes propriétaires de notre maison depuis l'été dernier. Comme je l'ai dit, cela n'a pas vraiment à voir avec le ministère des Anciens Combattants. Je parle de cette situation seulement parce que la Défense nationale a commencé à utiliser le même processus qu'emploie Anciens Combattants Canada. Le document sur les DRAS décrit certains aspects du processus. Les gens d'Anciens Combattants Canada ont commencé à délaisser le programme, parce qu'ils ont trop de difficulté à traiter avec les personnes concernées.

[Français]

Maj Lasalle : Votre question tombe à point nommé. Nous nous occupons présentement du dossier du caporal Renaud, qui est en train de se faire construire un nouveau condominium dans la région de Valcartier.

J'ai souvent l'impression qu'on tente de réécrire les livres à ce sujet. Le caporal Renaud est toujours membre des Forces canadiennes. Celles-ci prennent soin de lui pour adapter son domicile. Ce genre d'aménagement comporte énormément de détails. On doit, entre autres, consulter un ergothérapeute et obtenir de bons conseils. N'oublions pas que le caporal Renaud a 22 ans et qu'il achète sa première maison. Les stress reliés à l'achat d'un domicile sont multiples, tels rencontrer les échéanciers de l'entrepreneur. Le travail est immense.

Le jour où le caporal Renaud ne sera plus membre des Forces canadiennes, pourrons-nous lui offrir les mêmes services que ceux offerts par le ministère des Anciens combattants, tel l'adaptation du domicile? C'est une question que je me pose. Devons-nous rencontrer les attentes des gens?

[Traduction]

Le sénateur Wallin : Vouliez-vous intervenir, caporal Renaud?

[Français]

Capl Renaud : J'ai opté pour faire construire un condo complètement adapté plutôt que d'acheter un condo existant que je devais faire adapter.

J'ai demandé de l'aide à un promoteur de condos non construits plutôt que devoir refaire une salle de bain, aménager et ensuite tout faire adapter à mes besoins. J'ai préféré le faire une fois plutôt que deux.

Du point de vue financier, je ne connais pas ce que le futur me réserve. J'ai acheté, selon mes moyens, un condo à 130 000 $, ce qui est raisonnable compte tenu de mon salaire. Vais-je pouvoir le garder ou devrai-je le vendre dans cinq ans? J'ai investi l'argent qu'on m'a donné pour y arriver. Toutefois, j'ai aussi besoin de sécurité. Sans quoi, je devrai peut-être revendre mon condo dans cinq ans.

Prenons aussi l'exemple de mon véhicule. Si j'achète un véhicule, devrai-je le vendre dans cinq ans faute d'argent?

Ce sont là de grosses inquiétudes pour moi. On se bat avec la vie, on se bat avec les traitements, on se bat avec toutes les lois. Cependant, du côté financier, s'il survient une embûche, on devrait pouvoir la traverser sans souci.

Nous étions prêts à tout donner pour notre pays. Dans le cas d'une malchance, j'aurais espéré la même chose en retour.

[Traduction]

Le sénateur Wallin : Caporal Renaud et caporal-chef Mitic, vous avez tous deux laissé entendre que, dans deux ou cinq ans, et l'âge n'est presque pas un facteur, votre condition se détériorera et demandera d'engager d'autres fonds. Est-ce exact?

Cplc Mitic : Comme le caporal Renaud, j'essaie d'aménager ma maison de sorte qu'elle soit à accès facile. Que j'y reste jusqu'à 40 ans, comme je prévois faire, ou 100 ans, je sais qu'un jour, mon corps rejettera les prothèses. C'est une question de biologie. Les os s'affaiblissent d'abord, les muscles ensuite. Les prothèses ne peuvent rien faire contre cela. Avec le temps, les articulations ne répondent plus.

Le caporal Renaud a négligé de mentionner qu'il est en train, à 22 ans, de s'acheter un condo. Lorsqu'il aura 33 ans, comme moi, ou 42 ans, comme le caporal-chef Franklin, il voudra peut-être se marier et fonder une famille. Que va-t-il faire ensuite? C'est la question que je me suis posée, au début, et c'est pour cela que nous avons acheté la maison. Nous avons un enfant et deux chiens. Nous voudrons peut-être agrandir la famille.

Comme je l'ai déjà mentionné, je ne veux plus jamais revivre une telle expérience. J'espère, un jour, devenir riche, que ce soit en écrivant des best-sellers ou en parcourant le monde en quête de fortune et de gloire. Je ne veux plus avoir à demander de l'aide, parce que c'est humiliant. On se sent complètement impuissant. Je ne veux plus être obligé d'entreprendre une telle démarche, que ce soit auprès de la ville d'Ottawa, du gouvernement, ou peu importe. C'est très désagréable.

Le sénateur Wallin : Ce qui me frappe, c'est que vous choisissez de rester, comme vous l'avez précisé. Le caporal-chef Franklin a eu raison de prendre sa retraite quand il l'a fait. Il a été, en quelque sorte, le dernier à profiter de l'ancien régime. Il a fait ses calculs et a décidé de partir. Vous affirmez tous les deux, et vous n'êtes pas du même âge, que vous devez rester.

Cplc Mitic : Ce n'est pas une obligation, madame le sénateur, mais c'est ce que nous comptons faire, pour l'instant. J'aurais pu, moi aussi, prendre ma retraite, mais il me reste encore trois ans et demi à faire. Je vais partir, car je ne peux pas monter en grade et obtenir une augmentation de salaire. Une fois dans la vie civile, si je m'inscris au programme d'aide au placement ou au programme d'études universitaires, par exemple, je pourrai obtenir une formation et ainsi accroître mon revenu.

Pour revenir au point que vous avez soulevé, les programmes sont excellents, sauf qu'ils étaient également offerts, sous une forme ou une autre, par Anciens Combattants Canada en vertu de l'ancien régime. Par ailleurs, si seulement 1 p. 100 des gens acceptent les 500 $ pour les services de planification financière, c'est parce que la banque locale est prête à vous donner toutes sortes de conseils sur la façon d'investir les 250 000 $. C'est ce qui m'est arrivé.

Le président : Ne les acceptez pas.

Cplc Mitic : Il y en a une bonne partie qui est disparue.

Le président : Major, qui décide qu'un soldat blessé va rester dans les forces? Le soldat lui-même? Est-ce lui qui décide quand partir? Ou est-ce quelqu'un d'autre qui le fait à sa place?

[Français]

Maj Lasalle : Il ne s'agit pas de la décision du membre. Tout est lié à la condition médicale et aux limitations d'emploi. Cette question relève de l'universalité du service. Ce point vous a déjà été expliqué. Aux Forces canadiennes, tous ceux qui portent l'uniforme doivent rencontrer une norme minimale qu'on appelle l'universalité du service. Cette décision est prise généralement lorsqu'un diagnostic précis est donné.

Le caporal Renaud, pour sa part, est toujours en récupération. Le diagnostic final n'est pas tombé. Tant et aussi longtemps que ce diagnostic ne sera pas arrivé, on ne peut pas prendre une décision sur l'avenir de l'individu.

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : Vous aux prises avec une foule de problèmes. Ma première question est la suivante : est-ce qu'un représentant d'Anciens Combattants Canada vous a fourni toute l'information dont vous aviez besoin, et de façon détaillée, et avez-vous eu droit à un suivi pour ce qui est de l'ensemble des programmes qui sont offerts?

Je vous écoute, et je constate qu'il y a beaucoup de programmes que vous ne connaissez pas. Personne n'a mentionné le programme qui s'adresse aux conjoints. Si vous ne pouvez travailler ou encore vous recycler dans un autre domaine, ils sont censés offrir le programme à votre conjointe, si vous en avez une, et la former pour qu'elle puisse gagner un salaire. Ce n'est pas vous que j'accuse. Je cherche à savoir si le ministère des Anciens Combattants fait, ou non, la promotion de ces programmes auprès des militaires.

Si les représentants ont été envoyés dans les bases — nous avons procédé au transfert des capacités interarmées et regroupé, en 1998, les services offerts par Anciens Combattants Canada et le MDN, à Ottawa —, c'était, entre autres, dans le but de vous transmettre ces renseignements.

Cplc Mitic : La réponse, dans mon cas, est non. J'ai posé certaines questions à plusieurs représentants. Au début, quand j'ai été blessé, les contacts ont été plutôt rare, et ce, pendant environ un an. Chaque personne que vous rencontrez vous donne une réponse différente. Hier soir, j'ai reçu un courriel que je n'ai pas été en mesure d'imprimer. Il m'a été envoyé par un ami, un collègue qui a quitté les forces en raison de certains problèmes. Il s'est plaint exactement de la même chose. Il n'arrive pas à trouver les réponses dont il a besoin quand il pose des questions. S'il s'adresse à quelqu'un d'autre, il obtient une réponse différente et on lui dit que l'autre représentant, qui travaille pour le même ministère, s'est trompé.

Il y a des représentants d'ACC qui sont peu disposés à fournir des explications. Ils disent, « Ne vous inquiétez pas. Je vais m'occuper des formalités. En passant, je vais avoir encore plus de travail à faire par suite de votre demande ». C'est ce qu'une personne s'est fait répondre. Pour une raison ou une autre, ils ne veulent pas expliquer les choses en détail.

Le sénateur Dallaire : C'est un point que nous avons déjà soulevé. Nous nous demandons si les représentants d'ACC ont reçu une formation, s'ils ont été sensibilisés au contenu de la nouvelle charte et s'ils font ce qui est attendu d'eux. Vous vous retrouvez tous dans les dossiers du ministère. Ils sont censés offrir ce service. Or, ils ne le font pas. Ils n'ont pas eu suffisamment de formation.

Il y a d'un côté le montant forfaitaire, et de l'autre, la pension mensuelle qui vous permet de vous adresser à une banque et de lui dire que vous êtes admissible à un prêt hypothécaire, car vous avez un revenu garanti. Le militaire qui reçoit un montant forfaitaire ne peut obtenir une hypothèque parce qu'il n'a pas de revenu garanti. Il est blessé, ainsi de suite. Le gouvernement cherche à le recycler dans un autre domaine, ce qui veut dire que pendant un certain temps, il reçoit une aide financière, mais ensuite, il n'y a aucune garantie. Il n'est pas facile de se recycler.

Le MDN a investi énormément dans les programmes de soutien destinés aux blessés. Cette dépense représente maintenant 62 p. 100 de son budget. Le ministère se demande s'il va être en mesure de continuer de financer ces initiatives. L'universalité des services pourrait devenir un principe encore plus difficile à appliquer au fur et à mesure que les ressources diminuent.

Est-ce que les militaires, pendant qu'ils accomplissent leur service, pensent que le MDN remplit bien son rôle auprès des anciens combattants? Ont-ils l'impression, une fois à la retraite, qu'ils se retrouvent face à un ministère qui non seulement les traite différemment, mais qui n'a peut-être pas le même sens du devoir à leur égard? Quel est votre avis là-dessus?

Cplc Franklin : J'ai eu une discussion à ce sujet avec le général Hillier en 2007. Il a dit que le MDN avait créé des programmes parce qu'il ne faisait pas confiance à Anciens Combattants Canada. Ce message vient de très haut et il est très clair.

Le sénateur Dallaire : Les choses n'ont pas changé.

En 1998, et j'étais sous-ministre adjoint à l'époque, nous avons mis de côté 100 000 $ pour apporter des modifications aux logements résidentiels du MDN, parce que le Conseil du Trésor refusait de nous donner l'autorisation de le faire. Il disait que ce problème relevait des Anciens Combattants, de la Défense nationale, ainsi de suite. Nous avons maintenant un système différent, sauf qu'il y a encore place à l'amélioration.

Pour ce qui est de votre propre avenir, vous dites que vous recherchez la sécurité et non la dépendance.

Cplc Franklin : C'est exact.

Le sénateur Dallaire : Vous avez raison, car ce n'est pas là l'objectif que vise la nouvelle Charte des anciens combattants. Elle veut donner aux anciens combattants un sentiment de sécurité, leur faire comprendre qu'ils peuvent encore jouer un rôle au sein de la société. Croyez-vous que c'est ce que la nouvelle charte va vous apporter?

Cplc Franklin : En ce qui me concerne, si je n'avais pas la pension mensuelle, je ne serais pas en mesure de faire ce que je fais actuellement, c'est-à-dire de m'occuper de mon organisme de charité, de prononcer des discours partout au pays. Je serais obligé de trouver un emploi pour y arriver.

Ma qualité de vie diminuerait. Je ferais des choses que je ne veux pas faire. Je serais probablement resté dans les forces le plus longtemps possible.

Je me serais senti mieux, même totalement handicapé et sans promotion, affectation ou formation. J'aurais touché 65 000 $ au lieu d'aller travailler comme commis à la Banque TD, par exemple. Pour moi, cela veut dire beaucoup.

Cplc Mitic : J'ai lu que la charte visait, en partie, à promouvoir l'autonomie. C'est un objectif louable. Cela me fait penser aux autres paroles que j'ai entendues, à savoir que le marché ne s'effondrera jamais. Je pourrais aller à l'université, obtenir une maîtrise, sauf que je serais peut-être obligé de me contenter d'un emploi qui ne paie que 30 000 $ ou 40 000 $ par année, parce que je n'ai pas de compétences. Si je régresse, que je tombe en dépression ou que mon corps m'abandonne, que vais-je faire? D'où mon revenu va-t-il provenir?

Mon nouvel employeur, par exemple, General Electric, ne comprendra pas que j'ai besoin de trois semaines de repos pour permettre à mes jambes de guérir. Son rôle n'est pas de m'accorder des congés. Je ne vois pas comment on peut parler d'autonomie dans ce cas-là. Je dois trouver une autre source de revenus.

Ils prétendent que tous ces autres programmes confèrent des avantages, sauf qu'il faut constamment s'adresser à eux pour obtenir une indemnité d'habillement, pour avoir accès au PAAC, ainsi de suite. Or, si je recevais un paiement forfaitaire similaire à celui du caporal chef Franklin, je n'aurais pas à faire toutes ces demandes parce que j'aurais un revenu mensuel qui me permettrait, par exemple, de m'acheter des vêtements, de déneiger mon entrée, bref, d'être autonome, de me débrouiller tout seul.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Caporal Renaud, partagez-vous la même opinion qu'eux : essentiellement les anciens combattants sont comme dans un trou noir, vous avez une certaine crainte de vouloir y aller, et manifestement, vous n'avez pas reçu toute l'information dont vous aviez besoin pour assurer votre sécurité pour l'avenir?

Cpl Renaud : Sénateur Dallaire, tout cela a été si bien dit que ce serait comme faire du copier-coller avec ce qu'ils ont dit.

[Traduction]

Le sénateur Day : Je voudrais tout simplement confirmer que le paiement forfaitaire est une indemnité versée pour la souffrance et la douleur, point à la ligne. Il ne s'agit pas d'une allocation pour perte de revenu.

Cplc Franklin : C'est exact. Elle est versée non pas pour les blessures subies, mais pour compenser la souffrance et la douleur. Celles-ci seraient évaluées à 250 000 $.

Le sénateur Day : Le RARM, le régime qui s'applique à tous les militaires, versera jusqu'à 75 p. 100 de la solde, et ce, jusqu'à l'âge de 65 ans, ou du salaire que touchait la personne lorsqu'elle a été blessée. Le ministère des Anciens Combattants nous dit que les militaires peuvent également recevoir une pension mensuelle pour compenser la perte de revenu. Est-ce à cela que vous faisiez allusion quand vous avez parlé du 1 600 $?

Cplc Franklin : Non, il s'agit d'une allocation différente. Je faisais allusion à l'allocation pour déficience permanente, l'ADP, qui varie entre 536 $ et 1 600 $. Elle a pour but de compenser la perte de revenu mensuel et ce, jusqu'à l'âge de 65 ans. Les militaires reçoivent une indemnité forfétaire égale à 2 p. 100 des mensualités payables à titre permanent pour perte de revenu, peu importe ce que cela veut dire.

Le sénateur Day : Avez-vous droit à cette allocation?

Cplc Franklin : Je ne sais même pas ce que cette phrase veut dire. Non.

Le sénateur Day : Chaque base est censée avoir une unité de soutien intégré. Avez-vous accès à une telle unité et y a-t-il un représentant d'ACC affecté à celle-ci?

Cplc Franklin : Il y a des représentants sur place qui sont prêts à répondre à nos questions. J'en ai rencontré un, récemment. Le problème, c'est qu'il y a huit pages de renseignements sur les services qu'ils sont censés offrir. Vous pouvez vous adresser à eux si vous avez besoin argent, mais c'est la première fois que j'entends parler du programme destiné aux conjoints. Je m'occupe des besoins des blessés depuis des années.

Le sénateur Day : Tout cela est fort instructif et utile.

[Français]

Maj Lasalle : Le premier IPSC qui a vu le jour, ça s'est passé à Valcartier et on remonte à octobre 2007. Il faut comprendre qu'on a encore des IPSC qui sont en train d'être mis sur place. Donc il y a énormément de travail à faire, toutes les liaisons avec tous les partenaires, entre autres, Anciens combattants qui est un gros partenaire.

Le guichet unique où le militaire peut venir pour avoir accès à tous les partenaires, c'est sans doute la meilleure façon pour parler de tous les programmes de tous et chacun, mais ça demande énormément. On parle des coûts en infrastructure, les rencontres, les différents programmes auxquels les gens ne sont pas renseignés. Il faut préparer des séances d'information et avoir accès aux militaires pour les renseigner sur les différents programmes. Ça demeure un très grand défi.

Le sénateur Day : Votre responsabilité est-elle d'aider les blessés ou d'administrer les programmes existants?

Maj Lasalle : C'est d'aider les soldats qui sont blessés, mais c'est aussi d'aviser tous les militaires, incluant la chaîne de commandement, de l'importance de certains programmes d'aide. On a présentement une montée en puissance pour les troupes qui s'apprêtent à être déployées en Afghanistan.

Il faut aviser les gens de l'importance de certains programmes; le fameux CF98, entres autres, les rapports de blessures. Il faut insister.

Ayant souvent donné des présentations, j'ai pu constater que les jeunes sont tellement convaincus que cela ne leur arrivera jamais, que l'information n'est pas retenue en bout de ligne. J'ai constaté cet état de fait à plus d'une reprise.

[Traduction]

Le président : Je dois vous interrompre. Nous devons clore la réunion, comme le veut la règle.

Messieurs, je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Il n'y a pas suffisamment de mots pour vous dire merci d'avoir servi le pays, d'avoir fait tant de sacrifices. Nous vous savons gré de votre présence ici aujourd'hui. Vous nous avez beaucoup aidés. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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