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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 25 - Témoignages du 1er mai 2013


OTTAWA, le mercredi 1er mai 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires internationales et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi C-383, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour examiner le projet de loi.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, le Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères et du Commerce international entame son examen du projet de loi C-383, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux.

Pour commencer notre étude, nous entendrons le parrain du projet de loi en la personne de Larry Miller, député de Bruce—Grey—Owen Sound. Je lui disais à l'instant que nous sommes coriaces. Il peut faire son exposé, et prêtez-lui l'oreille.

Monsieur Miller, merci. La parole est à vous. Vous pouvez expliquer votre projet de loi et la raison pour laquelle vous le proposez. Bienvenue devant le comité.

Larry Miller, député de Bruce—Grey—Owen Sound, parrain du projet de loi : Merci, madame la présidente, et merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de m'accueillir parmi vous. Le sénateur Downe m'a rappelé en entrant qu'il ne se montrerait pas trop dur envers moi.

Je vis dans ce que je considère comme l'une des plus belles régions du Canada, sur la baie Georgienne, et l'eau est un sujet important pour les habitants de ma circonscription, moi y compris. Tout au long du processus qui m'a mené à déposer ce projet de loi, j'ai toujours pensé qu'il n'existait peut-être pas de mots assez forts pour nous protéger des exportations massives d'eau, notamment la dérivation des eaux de notre pays. Comme vous le savez peut-être tous, le gouvernement a déposé un projet de loi à ce sujet en 2010. C'était le projet de loi C-26, je crois, et il est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections en 2011. Le présent projet de loi est une version modifiée de cette mesure législative, mais il est semblable à bien des égards. Cette modification a été apportée à la demande de la Munk School of Global Affairs, l'un des groupes qui considéraient que le projet de loi pourrait être un peu plus sévère, et nous avons agi en conséquence.

À toutes les étapes du processus, j'ai eu la chance immense de bénéficier du soutien unanime de tous les partis de la Chambre des communes. J'ai reçu à ce sujet des courriels d'appui de résidants de toutes les régions du pays, littéralement de chaque province et territoire.

Au soutien de la Munk School s'ajoute celui de la Gordon Foundation. Ces deux organisations sont selon moi des institutions très crédibles si on leur porte attention.

Je n'ai rien préparé de particulier, madame la présidente, à part ces mots d'ouverture. J'espère certainement que les honorables membres du comité verront les bons côtés de ce projet de loi et qu'au bout du compte, ils lui accorderont leur appui. D'ici là, c'est avec plaisir et impatience que je répondrai aux questions que vous pourriez avoir.

La présidente : Le projet de loi a été préparé pour vous dans le cadre du processus parlementaire et approuvé par le service juridique de la Chambre des communes, n'est-ce pas?

M. Miller : Oui. Nous sommes passés par les voies habituelles, si l'on peut dire.

La présidente : Vous avez lancé le processus par principe ou sous forme de document?

M. Miller : Pour vous expliquer ce qu'il en est, j'ai indiqué que cette initiative a déjà fait l'objet d'un projet de loi du gouvernement. Comme je m'y étais beaucoup intéressé, dans la présente législature, j'ai demandé l'autorisation de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire. Comme je l'ai expliqué, certaines modifications ont été apportées en réaction aux préoccupations de certains groupes et de quelques particuliers. Nous tenions à ne pas nous immiscer dans les champs de compétences provinciales. Il pourrait y avoir quelques questions et je suis prêt à fournir davantage d'explications, mais j'espère que cela répond à votre question.

La présidente : Merci.

Le sénateur Downe : Bienvenu devant le comité, monsieur Miller.

Je suis impressionné par votre projet de loi et je veux commencer en poursuivant sur la question que la présidente vous a posée. Vous avez indiqué que la mesure se base sur un projet de loi du gouvernement. Savez-vous pourquoi ce dernier n'a pas déposé le projet de loi de nouveau? Pourquoi la mesure nous arrive-t-elle sous la forme d'un projet de loi d'initiative parlementaire?

M. Miller : Sénateur Downe, je considère que c'est un compliment et je crois qu'il s'agit d'une faveur. Je m'intéresse à la question et je suis sûr à 110 p. 100 que le gouvernement l'aurait déposé si je ne l'avais pas fait. Qu'un projet de loi soit présenté à l'une des deux chambres par un député ou par le gouvernement lui-même, tant qu'il est adopté, son origine devrait être sans importance.

Le sénateur Downe : Je suis entièrement d'accord. Le seul problème, c'est que les projets de loi du gouvernement dont le Sénat est saisi jouissent d'un statut supérieur et sont plus susceptibles d'être adoptés rapidement. Ceux des députés sont parfois retardés par des questions de procédures.

Vous avez indiqué qu'il y avait quelques amendements acceptés dans le cadre du processus de la Chambre des communes. Y a-t-il des changements notables entre ce que vous proposez et le projet de loi initial du gouvernement?

M. Miller : Oui. On a critiqué le fait que le projet de loi initial permettait à un particulier, une entreprise ou une partie quelconque de faire dériver l'eau d'un lac ou d'une rivière qui ne sont pas des eaux transfrontalières pour les diriger dans des eaux transfrontalières. La principale correction apportée au projet de loi traite précisément de ce point et interdit cette pratique.

Le sénateur Downe : Merci.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Il nous fait plaisir de vous recevoir aujourd'hui, monsieur Miller. Voici mon commentaire et ma question : dans bon nombre d'endroits au Canada, la vitalité de l'industrie touristique dépend de la beauté de nos grands lacs, de nos cours d'eau et d'autres voies navigables. En regardant les travaux effectués dans le cadre de ce projet de loi à la Chambre des communes, j'ai remarqué que votre circonscription longe deux célèbres et gigantesques plans d'eau internationaux.

Vous avez parlé de l'effet que ces prélèvements massifs d'eau dans ces grands lacs qui avoisinent votre circonscription auraient sur l'industrie touristique de votre région. Pour le bénéfice des sénateurs qui sont ici et des citoyens qui nous regardent, pourriez-vous nous parler un peu plus des effets dévastateurs de ces prélèvements d'eau?

[Traduction]

M. Miller : Merci de la question, sénatrice.

Dans ma circonscription, l'extrémité de la péninsule Bruce sépare en quelque sorte le lac Huron comme tel de la baie Georgienne. Techniquement, cette dernière fait partie du même plan d'eau, et je vis du côté de la péninsule donnant sur la baie. Le facteur touristique est toutefois d'une importance considérable dans la péninsule, comme il l'est dans toute la région des Grands Lacs et de la baie Georgienne.

Au bout de la péninsule Bruce se trouvent deux parcs nationaux, dont certains ignorent peut-être l'existence. Il s'agit du parc national de la Péninsule-Bruce, qui se situe sur terre, ainsi que du parc marin national Fathom Five, le tout premier parc sous-marin du Canada. Si on en a fait un parc national, c'est principalement parce qu'on y trouve plus d'épaves que dans presque toutes les autres régions des Grands Lacs. L'eau y est si limpide que de nombreux touristes viennent y faire de la plongée. Le parc est sillonné par des bateaux à fond transparent qui transportent chaque jour des milliers de personnes qui peuvent ainsi admirer les épaves situées à quelque 20, 30 ou 40 pieds de profondeur comme si elles les regardaient par une fenêtre.

Ce type de tourisme est très populaire; la qualité, mais aussi la quantité de l'eau sont donc primordiales. Nous traversons actuellement un cycle naturel. À l'heure actuelle, les niveaux d'eau des Grands Lacs, du lac Huron et de la baie Georgienne n'ont jamais été aussi bas depuis qu'on compile ces données, ce qui complique les choses pour le tourisme et les gens qui tirent leur approvisionnement en eau du lac. L'accès aux quais ou aux autres infrastructures est difficile. Le prélèvement ou la dérivation massifs d'eau ne feraient qu'empirer la situation. Comme je l'ai déjà indiqué, les bas niveaux d'eau exercent suffisamment de pressions sur le tourisme. Il est inutile d'en rajouter.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Il y a donc déjà une baisse d'eau dans ces grands lacs?

[Traduction]

M. Miller : Oui. Actuellement, les niveaux d'eau sont égaux ou légèrement inférieurs au niveau le plus bas jamais enregistré. Ces dernières semaines, en raison de la fonte des neiges, ils ont quelque peu remonté, mais ils sont encore très bas, ce que nous considérons fort préoccupant.

Le sénateur Nolin : Bienvenue, monsieur Miller. Je me demande si vos recherches ou celles que vous avez consultées ont permis de déterminer si les lois provinciales sont adéquates en pareille situation. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est? Avez-vous examiné ce qui se passe non seulement en Ontario, mais aussi à la grandeur du pays? Je vous pose cette question, car ce n'est pas le premier projet de loi que le Sénat examine et il faut gérer convenablement le fédéralisme au Canada; or l'eau figure parmi les questions relevant des compétences fédérales et provinciales. Nous partageons les ressources et nous nous préoccupons de la qualité des relations du gouvernement avec les instances provinciales. Voilà pourquoi je m'inquiète. Avez-vous fait des recherches pour évaluer la mesure dans laquelle les provinces s'occupent de la situation?

M. Miller : Oui, je l'ai fait, sénateur. À ce sujet, quand j'ai commencé à envisager de déposer un projet de loi comme celui-ci, j'ai initialement pensé à inclure toutes les eaux du Canada. Cependant, en me penchant sur la question, pour répondre à votre question sur les recherches, j'ai découvert que des lois provinciales protègent les eaux non transfrontalières. Après un certain temps, il m'est clairement apparu que si je m'en tenais à mon intention première, on s'ingérerait dans des champs de compétences provinciales. Dans ces provinces comme le Québec, l'Alberta ou l'Ontario, une telle démarche susciterait immédiatement une levée de bouclier. Suivant des conseils et des renseignements éclairés, j'ai choisi de ne pas m'engager dans cette voie. Nous devons protéger ce qui relève de nos compétences et laisser les provinces s'occuper de ce qui les concerne.

Le sénateur Nolin : Avez-vous pu les consulter? Dans quelle mesure avez-vous pu communiquer avec elles? Ne serait- ce qu'en effectuant des recherches que vous en êtes arrivé à ces conclusions?

M. Miller : Pour être honnête, je n'ai communiqué avec aucune province en particulier, mais l'information que j'ai colligée indiquait clairement que les eaux que je comptais protéger en vertu du présent projet de loi étaient en fait déjà protégées par les provinces. J'ai me suis alors demandé pourquoi j'agirais ainsi si c'était pour ouvrir avec les provinces un conflit dont personne n'a besoin.

Le sénateur Nolin : C'est du bon fédéralisme. Ont-elles tenté de communiquer avec vous? Elles savent probablement que vous parrainez le projet de loi.

M. Miller : Aucune province n'a communiqué avec moi, ce que je considère comme de bon augure. C'est du moins ainsi que je l'interprète. Si elles s'inquiétaient, elles me l'auraient fait savoir immédiatement. Comme le veut le dicton : « Pas de nouvelle, bonne nouvelle. » C'est ainsi que je le prends.

Le sénateur Nolin : Bien. Merci.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de comparaître, monsieur Miller.

Ma question comprend trois éléments. Pourquoi proposer la définition de captage massif en plus de celle de captage massif d'eaux limitrophes, et sur quoi s'appuie la décision d'établir le seuil à 50 000 litres par jour?

M. Miller : Je considère qu'il faut bien fixer un chiffre, qui ne doit pas être trop strict. La ville d'Owen Sound, qui se trouve dans ma circonscription, Toronto, Sault Ste. Marie ou n'importe quelle ville ou agglomération donnant sur un plan d'eau tire de ce dernier l'eau nécessaire à l'usage personnel de ses habitants. Je ne crois pas qu'on puisse ou qu'on doive imposer un seuil qui les en empêcherait. À Owen Sound, par exemple, dans ma circonscription, ou à Wiarton, là où je vis, la population augmente, et la ville peut accroître la quantité d'eau qu'elle utilise, mais ce n'est pas vraiment du prélèvement massif des eaux. Nous savons que l'eau prélevée aux fins de consommation ou pour autre chose finit par retourner à la source. Pour dire précisément pourquoi ce chiffre a été choisi, je crois qu'il figurait probablement dans le projet de loi initial, et quand je l'ai examiné, il ne me semblait pas mauvais. J'espère que cela répond à votre question.

Quelle était votre première question?

La sénatrice Ataullahjan : Pourquoi proposer la définition de captage massif en plus de celle de captage massif des eaux limitrophes?

M. Miller : Si on parle de captage massif, il faut en donner une définition. Est-ce qu'un passage de cette définition vous préoccupe?

La sénatrice Ataullahjan : Non, je voulais simplement savoir parce qu'il était déjà question de captage massif et que vous avez fait un ajout.

M. Miller : Je ne suis pas juriste, mais il me semble qu'en cas de contestation, ce serait probablement une bonne chose que la mesure législative comprenne une définition.

La sénatrice Ataullahjan : Merci.

La présidente : J'hésite, car je m'apprêtais à poser cette question. Je crois toutefois que notre prochain groupe de témoins pourrait nous aider à cet égard. Je n'aborderai donc pas le sujet.

Sénatrice Ataullahjan, avez-vous terminé?

La sénatrice Ataullahjan : Oui.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur Miller. C'est un plaisir que de vous compter parmi nous. Je crois que la plupart de gens ici présents sont au courant, mais ceux qui nous regardent sur CPAC ne comprennent peut-être pas l'objet ou l'intention du présent projet de loi.

Peut-être pourriez-vous expliquer le rapport qui existe avec l'exportation potentielle d'eau. Je pense notamment aux rivières qui coulent du Canada vers les États-Unis, contrairement aux lacs, comme les Grands Lacs, par exemple, qui sont des plans d'eau qui se trouvent dans les deux pays. En quoi le projet de loi concerne-t-il ces eaux?

M. Miller : En ce qui concerne directement les États-Unis?

Le sénateur Wallace : Oui.

M. Miller : Le captage massif d'eau peut s'effectuer de deux manières. L'une consiste à agir à partir des États-Unis, où une organisation qui englobe huit États du Nord donnant sur les Grands Lacs, en Ontario et au Québec, se réunit constamment. Évidemment, comme ils donnent sur les Grands Lacs, leurs préoccupations sont essentiellement les mêmes. Si quelqu'un présente une proposition pour prélever de l'eau des lacs, l'organisme peut intervenir. Bien des gens pointent le captage massif du doigt, et la dérivation des eaux à l'extrémité inférieure du lac Michigan, à Chicago, est peut-être déplorable. Ce canal de dérivation existe depuis la fin des années 1800 ou le début des années 1900, et nous ne pouvons rien y changer.

Le projet de loi pourrait par contre en empêcher l'élargissement. Il existe un processus. Tout le monde qui peut présenter une demande. Il semble que ce ne soit pas un problème pour les États et les deux provinces de la région des Grands Lacs, lesquels, comme l'ont souligné les sénateurs, ont des intérêts communs à l'égard des niveaux d'eau.

Il est toutefois possible de procéder autrement au captage massif d'eau, et c'est une des principales raisons pour lesquelles je me préoccupe de cette question. Il y a quelques années, une entreprise d'Arabie saoudite a proposé d'envoyer des navires dans les Grands Lacs pour les remplir d'eau douce et l'exporter au Moyen-Orient. Ce projet ne me plaisait pas et ne me sourit toujours pas. Le projet de loi ne permettra certainement pas d'agir de la sorte.

Le sénateur Wallace : Est-ce que le projet de loi est une réaction à des transactions qui seraient envisagées à ce sujet ou résulte-t-il d'une préoccupation d'ordre général de votre part?

M. Miller : À ce que je sache, il n'y a aucune transaction en cours actuellement. Cependant, j'ai été élu en 2004, et en 2005 ou 2006, une entreprise de la Colombie-Britannique a présenté une proposition à cet égard. Elle comptait pomper l'eau d'un lac à l'eau très pure situé dans les montagnes et l'acheminer à l'aide de conduites jusqu'à des bateaux pour l'expédier quelque part. Je me souviens que j'avais à l'époque écrit à tous députés de la Colombie-Britannique et à tous les députés provinciaux pour les enjoindre à ne pas appuyer cette proposition. J'ai agi de mon propre chef, considérant que c'est une erreur d'agir ainsi. La mesure que je propose empêchera essentiellement les propositions comme les deux que je viens d'évoquer de se concrétiser.

Le sénateur Wallace : À l'instar de notre voisin du Sud, nous considérons que les États-Unis constitueraient le marché le plus évident pour l'exportation d'eau. En préparant le projet de loi, avez-vous songé à la manière dont l'ALENA pourrait réagir à l'imposition d'une limite à l'exportation d'eau aux États-Unis?

M. Miller : Certains ont tenté de prétendre que l'eau est un produit comme un autre; mais même si je considère l'eau comme un produit, très précieux au demeurant, je ne crois pas qu'elle soit sur la même longueur d'ondes, si je suis sire, que l'or, le pétrole ou le gravier. Je ne crois donc pas que cela pose un problème dans le cadre de l'ALENA.

Nombreux sont ceux qui affirmeront qu'un temps viendra où les États-Unis — le Midwest, notamment — voudront notre eau. Ils la convoiteront évidemment, mais cela ne signifie pas que nous devons les autoriser à se servir. J'espère que le présent projet de loi constitue un pas de géant en faisant en sorte que telle chose ne se produise pas.

On ne peut jamais empêcher quelqu'un d'essayer de faire quelque chose, mais on peut l'empêcher d'arriver à ses fins. Espérons que c'est ce que fait ce projet de loi.

Le sénateur Wallace : On peut faire de son mieux.

M. Miller : Oui.

Le sénateur Wallace : Merci.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aimerais savoir s'il existe des moyens de vérifier si les États-Unis, qui sont limitrophes, font des prélèvements massifs d'eau.

[Traduction]

M. Miller : Vous voulez savoir si des États prélèvent massivement de l'eau actuellement? À ce que je sache, il n'y en a pas à part Chicago, Green Bay, Cleveland ou d'autres villes qui s'approvisionnent en eau pour leur propre usage, comme le font Toronto ou Windsor, et la dérivation du lac Michigan dont j'ai parlé.

Le sénateur Nolin : Monsieur Miller, en répondant à mon collègue, le sénateur Wallace, vous avez expliqué à l'instant que vous étiez extrêmement troublé à l'idée d'exporter l'eau tirée de la neige fondue provenant du sommet d'une montagne de la Colombie-Britannique. Avons-nous bien compris que ce projet de loi interdira cette pratique?

M. Miller : Non. Il faudrait que j'effectue des vérifications, sénateur Nolin, mais je suis assez convaincu que ce lac relèverait des compétences provinciales parce qu'il ne s'agit pas d'une eau transfrontalière. Le projet de loi n'aurait donc aucune incidence à cet égard.

Sachez qu'au moment où ce projet ou cette proposition a été présenté, je crois que les lois étaient probablement en place.

Le sénateur Nolin : À l'échelle provinciale?

M. Miller : Oui. Quand j'ai commencé, avec un certain nombre d'autres personnes, à sonner l'alarme, tout le monde s'est mis à réfléchir. Cette affaire passait en quelque sorte inaperçue. Les lois provinciales ou fédérales peuvent s'appliquer, mais la société a parfois un rôle et une responsabilité à assumer. Il est très clair que dès que la population a eu vent de la proposition, l'entreprise qui l'avait présentée a déguerpi du jour au lendemain. L'affaire me fait rigoler maintenant, parce que ma collègue, qui était la députée concernée à l'époque, n'était pas très contente de moi parce que le projet aurait pu créer des emplois dans la région. Je crois qu'elle a finalement réalisé que ce n'était pas la chose à faire. Je dirai que nous nous adressons encore la parole, et elle a maintenant pris sa retraite.

Le sénateur Nolin : Merci.

Le sénateur Lang : J'aimerais donner suite aux questions du sénateur Wallace sur les organisations ou les entreprises qui demandent à pouvoir faire du captage massif d'eau. J'aimerais vous poser la question suivante : depuis le dépôt du projet de loi, avez-vous eu des réactions des États américains voisins qui recevraient l'eau qui serait prélevée si aucune loi de l'interdisait? Avez-vous eu une réaction quelconque?

M. Miller : Les seules réponses que j'ai reçues de nos voisins du Sud étaient favorables; il s'agissait de courriels où, essentiellement, on me félicitait d'avoir présenté ce projet de loi. L'un d'entre eux venait d'un résidant du Michigan dont le nom m'échappe; veuillez m'en excuser. Les deux ou trois réponses que j'ai reçues appuyaient toutefois pleinement ma proposition. C'est vraiment tout ce que je peux vous dire.

Le sénateur Lang : Merci.

La présidente : Monsieur Miller, je crois que plus personne n'a de questions à vous poser. J'espère que votre comparution n'a pas été aussi difficile que je l'avais laissé entendre. Merci d'avoir témoigné et d'avoir exprimé votre point de vue.

Le sénateur Downe : En ma qualité de vice-président, j'aimerais remercier M. Miller également. Nous avons l'intention, à moins que certains témoignages ne nous fassent changer d'avis, d'appuyer ce projet de loi, que nous considérons comme un bon début. Selon nous, il serait possible de prendre de nombreuses autres mesures, et nous exercerons des pressions sur le gouvernement et débattrons de la question avec des fonctionnaires au cours des séances d'aujourd'hui et de demain. On peut faire bien davantage pour corriger certains des points soulevés par les sénateurs ici présents. J'aimerais toutefois vous féliciter de ce bon début, monsieur Miller, et nous vous remercions de nous avoir présenté votre projet de loi.

M. Miller : Merci de m'avoir exprimé votre soutien.

La présidente : Merci, sénateur Downe. Voilà qui met fin de belle façon à cette partie de la séance.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international examine le projet de loi C-383, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux.

Ce groupe est composé de M. Martial Pagé, directeur général, de la Direction générale des politiques de l'Amérique du Nord, M. Stephen Gluck, analyste principal des politiques, de la Direction des affaires transfrontalières avec les États-Unis, et M. Dean Sherratt, agent juridique, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada. Nous entendrons également Mme Manon Lalonde, ingénieure principale de projet-programmes, des Services hydriques et climatiques du Service météorologique du Canada, et Mme Laura Farquharson, directrice exécutive, Gouvernance législative, Affaires législatives et réglementaires, de la Direction générale de l'intendance environnementale du ministère de l'Environnement.

Je vous souhaite à tous la bienvenue parmi nous. J'ignore si les représentants des Affaires étrangères et d'Environnement Canada souhaitent faire un exposé. Si c'est le cas, vous pouvez les faire, sinon nous passerons aux questions.

[Français]

Martial Pagé, directeur général, Direction générale des politiques de l'Amérique du Nord, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Nous vous remercions de nous avoir invités à nous présenter devant le comité pour vous parler du projet de loi C-383, la Loi sur la protection des eaux limitrophes internationales.

Je ferai une allocution d'ouverture conjointe au nom du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du ministère de l'Environnement.

Je suis accompagné de mes collègues du MAECI, dont notre expert juridique, qui pourra répondre à des questions plus pointues au plan légal. Stephen Gluck travaille sur ce dossier depuis plusieurs années. Il pourrait même répondre à des questions à caractère historique dans ce dossier. Nous sommes également accompagnés de nos collègues d'Environnement Canada.

Le projet de loi C-383 est un projet de loi d'initiative parlementaire qui vise à améliorer les mesures de protection fédérales contre le prélèvement massif d'eau du Canada.

Pour ce faire, le projet de loi modifie la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux. Actuellement, la Loi du traité des eaux limitrophes internationales interdit le prélèvement massif des eaux limitrophes, comme vous l'a expliqué tantôt le député Miller.

Il s'agit donc d'étendues d'eau qui chevauchent la frontière, comme les Grands Lacs. L'article 13 de la loi indique clairement que nul ne peut utiliser ou dériver des eaux limitrophes d'un bassin hydrographique en les captant et en les transférant à l'extérieur du bassin. Le projet de loi C-383 interdirait dorénavant le prélèvement massif des eaux transfrontalières comme celles des rivières qui traversent une frontière internationale.

Les modifications proposées dans la Loi sur la protection des eaux limitrophes internationales incluraient dans la loi même certaines exceptions et définitions du Règlement sur les eaux limitrophes internationales. Elles raffermiraient également certaines dispositions d'exécution et de perception des pénalités. Enfin, des modifications seraient apportées à la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux pour prévenir l'utilisation d'une rivière qui coule du Canada aux États-Unis comme adduction, ou comme conduit, pour le transfert massif d'eau.

[Traduction]

Comme on vous l'a expliqué précédemment, le projet de loi C-383 ressemble en grande partie à un projet de loi émanant du gouvernement du Parlement précédent : le projet de loi C-26. Ce projet de loi, déposé devant la Chambre des communes en 2010, visait à améliorer les mesures de protection pour prévenir le prélèvement massif d'eau des eaux limitrophes et transfrontières du Canada. Le projet de loi C-26 incluait l'ajout des eaux transfrontières aux mesures actuelles de protection contre le prélèvement massif des eaux limitrophes figurant dans la Loi du traité des eaux limitrophes internationales; il plaçait les exceptions et les définitions du règlement dans la loi même, et raffermissait les dispositions relatives à l'exécution et aux pénalités. Le projet de loi C-26, on l'a dit plus tôt, est mort au Feuilleton à la dissolution du dernier Parlement.

Il me semble aussi que c'est une des questions que vous avez posées plus tôt. La différence marquante entre les projets de loi C-26 et C-383 est la modification proposée à la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, laquelle empêcherait le raccordement d'étendues d'eau qui ne sont pas des eaux transfrontières à un cours d'eau international si ce raccordement augmente le débit annuel de ce cours d'eau à la frontière internationale. Cette modification empêcherait les cours d'eau internationaux, soit les eaux qui coulent du Canada vers l'extérieur du pays, d'être utilisés comme adduction pour le prélèvement massif d'eau et aborde une activité que certains spécialistes de l'eau ont indiquée comme pouvant être utilisée à cette fin.

Depuis la présentation du projet de loi C-383, des administrateurs gouvernementaux ont eu l'occasion de l'examiner et d'envisager les répercussions éventuelles que ces modifications pouvaient avoir sur les lois fédérales que cette loi tente de modifier. Durant l'examen du comité permanent de la Chambre, de nombreuses modifications ont été présentées et acceptées pour faire en sorte que ce projet de loi atteigne ses objectifs.

Cela inclut l'ajout de dispositions précisant que l'interdiction est imposée pour éviter le risque de dommages à l'environnement potentiellement attribuables à la perte permanente d'eau des écosystèmes canadiens. Parmi les autres modifications apportées pendant l'examen du comité permanent de la Chambre figurent certains changements à la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux pour assurer l'uniformité des définitions et faire en sorte que les mesures de protection de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux visent à empêcher des activités qui augmenteraient le débit d'eau traversant la frontière, comme nous l'avons indiqué précédemment.

Je vous remercie de nouveau de nous avoir donné l'occasion de traiter du projet de loi C-383 aujourd'hui. Nous répondrons à vos questions avec plaisir.

La présidente : Merci. Est-ce que les témoins d'Environnement Canada veulent faire un exposé ou juste répondre aux questions?

Laura Farquharson, directrice exécutive, Gouvernance législative, Affaires législatives et réglementaires, Direction générale de l'intendance environnementale, Environnement Canada : Non, c'était un exposé commun.

La présidente : Merci.

Le sénateur Downe : Je tiens à souligner de nouveau l'excellent travail que M. Miller a accompli avec ce projet de loi, mais je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'a pas déposé de projet de loi pour mener cette affaire à sa conclusion logique. Je suis convaincu qu'aucun Canadien ne serait favorable à l'exportation massive d'eau. Je crois comprendre que ce projet de loi exclut 90 p. 100 des ressources d'eau douce du Canada. Savez-vous si c'est exact?

M. Pagé : Je l'ignore. Le projet de loi concerne les eaux limitrophes et transfrontalières.

Le sénateur Downe : Les eaux qui ne se trouvent pas sur la frontière sont exclues?

M. Pagé : Oui. Cependant, le projet interdit la dérivation d'eaux qui ne sont pas limitrophes pour les relier à des eaux ou un cours d'eau transfrontaliers aux fins d'exportation. Il y a donc un rapport ici.

Le sénateur Downe : On ne peut pas construire de pipeline, par exemple.

Stephen Gluck, analyste principal des politiques, Direction des affaires transfrontalières avec les États-Unis, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Comme on l'a souligné, ce projet de loi concerne les eaux limitrophes et transfrontalières. Les eaux limitrophes étaient évidemment déjà protégées en vertu des modifications apportées en 2002. Restent les eaux transfrontalières. Comme M. Pagé l'a indiqué, l'autre élément intéressant de cette mesure est l'interdiction de relier un plan d'eau à un cours d'eau international. Vous avez parlé de 90 p. 100 des autres eaux. Je ne suis pas certain du pourcentage, mais le projet de loi empêcherait quiconque d'essayer de relier ces eaux à un cours d'eau coulant vers le Sud.

Le sénateur Downe : D'accord.

M. Gluck : Comme l'ont indiqué certaines personnes qui ont traité du projet de loi à la Chambre des communes, la mesure vise à faire complément aux règlements et aux lois provinciales existants. L'eau est protégée dans ce pays, et ce, par un ensemble de mesures de fédérales et provinciales.

Le sénateur Downe : Je ne suis pas certain d'être d'accord avec vous à cet égard. Ce projet de loi, par exemple, ne permettrait pas de construire un pipeline dans une région pour transporter de l'eau par-delà la frontière, mais il ne comprend aucune disposition pour empêcher une province de modifier sa position. Par exemple, Terre-Neuve-et- Labrador pourrait facilement changer son fusil d'épaule et envoyer un plein bateau-citerne d'eau pour l'exporter au Mexique. Le projet de loi ne l'en empêche pas.

M. Gluck : S'il ne s'agit pas d'eau limitrophe, c'est exact.

Le sénateur Downe : Je le répète, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement fédéral ne travaillerait pas avec les provinces pour empêcher cette pratique, qui soulèverait certainement l'opposition de la plupart, voire de la vaste majorité, des Canadiens.

La prochaine question ne relève peut-être pas de votre champ de compétences. Si c'est le cas, je la réserverai pour d'autres témoins. Je me demande si, en raison de ce projet de loi, le Canada s'expose à des plaintes dans le cadre de l'ALENA advenant qu'une province, de concert avec un investisseur privé, conteste l'interdiction que comprend le projet de loi au sujet de l'exportation d'eau.

Dean Sherratt, agent juridique, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Ce projet de loi ne porte pas sur les exportations, mais sur l'eau dans son état naturel, et ce, afin d'éviter l'application des règles commerciales. Je ne suis pas d'accord avec la prémisse sur laquelle s'appuie votre question au départ.

Le sénateur Downe : Cette prémisse était que le projet de loi n'empêche pas l'exportation massive d'eau si les provinces modifient leur position, ce qui pourrait nous exposer à des plaintes dans le cadre de l'ALENA. C'est un autre aspect que le gouvernement fédéral ne protège pas en déposant un projet de loi et en laissant un député s'en charger, ce que ce dernier a fait de son mieux. C'est un bon projet de loi, mais où est celui du gouvernement?

M. Sherratt : Tout ce que je puis dire encore, monsieur, c'est qu'il interdit le captage massif d'eaux limitrophes et transfrontalières, qui constituent ensemble la vaste majorité de l'eau douce du Canada.

Le sénateur Downe : Je ne crois pas que ce soit exact. La vaste majorité de l'eau au Canada est à la frontière et est limitrophe?

M. Sherratt : Les Grands Lacs sont une très grande source d'eau, monsieur.

M. Pagé : Vingt pour cent de l'eau du monde.

Le sénateur Downe : Quel pourcentage?

M. Sherratt : Si c'est 20 p. 100 de l'eau du monde et que notre moitié constitue 10 p. 100 de l'eau du monde, cela en ferait la très vaste majorité de l'eau au Canada.

Le sénateur Downe : Les notes que j'ai devant moi indiquent que la vaste majorité de l'eau du Canada n'est pas protégée par ce projet de loi. Vous affirmez que c'est faux?

M. Sherratt : J'affirmerais, monsieur, que ce projet de loi vise à protéger les eaux limitrophes et transfrontalières, et que les autres eaux du Canada seraient couvertes par les lois provinciales. Les provinces se sont activement employées à promulguer des lois dans ce domaine.

Le sénateur Downe : Cependant, le projet de loi permettrait toujours à une province de modifier sa position, comme je l'ai dit plus tôt, et de transporter massivement de l'eau par bateau-citerne. Il n'existe pas de mesure de protection contre cette pratique.

M. Sherratt : Le projet de loi interdit le captage massif d'eaux limitrophes et transfrontalières.

Le sénateur Downe : Les autres régions sont toutefois exclues?

M. Sherratt : La Nouvelle-Écosse, qui n'a ni l'une ni l'autre, pourrait exercer son autorité.

M. Pagé : Peut-être pourrais-je ajouter quelque chose.

[Français]

M. Pagé : Sous l'ALENA, l'eau dans son état naturel est exclue des obligations. Pour répondre à votre question sur l'ALENA, il ne peut pas y avoir un défi sur l'ALENA alors que l'eau dans son état naturel n'est pas considérée comme une commodité. Et l'entente est très claire entre les trois pays sur cette question.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Quand cette disposition de l'ALENA est-elle apparue? Je me souviens que le projet de loi C-156 a été déposé en 1988, mais qu'il n'avait pas été adopté à la dissolution du Parlement. Cela a-t-il été fait en vertu d'un autre projet de loi?

[Français]

M. Pagé : Cela a été fait par une déclaration conjointe des trois pays. Je pourrais retrouver la date plus tard, en retournant au bureau.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Est-ce qu'il s'agissait d'une loi?

M. Pagé : Il s'agissait d'une déclaration des chefs d'État.

Le sénateur Downe : Pardon?

[Français]

M. Pagé : C'est une déclaration des chefs de gouvernement.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Voilà qui nous ramène au cœur de la question que je soulève. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de protection? Le gouvernement a déposé le projet de loi C-156 en 1988, ce qui aurait permis d'interdire l'exportation d'eau à grande échelle. Le projet de loi est mort au Feuilleton quand le Parlement a été dissout pour les élections, et aucun autre projet de loi n'a été déposé par la suite. Il y a eu une entente multipartite.

[Français]

M. Pagé : Nous, nous pouvons vous parler du projet de loi et de ce que le projet de loi veut faire, donc on répondra à vos questions à ce sujet. Nous ne pouvons pas répondre à des questions hypothétiques, pourquoi autre chose n'a pas été fait. Si vous avez des questions précises sur le projet de loi, nous nous ferons un plaisir d'y répondre avec le plus de détails possible.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Considérez-vous que ce projet de loi correspond aux besoins des Canadiens?

[Français]

M. Pagé : Nous sommes ici pour répondre à vos questions concernant ce que fait ce projet de loi en matière de protection sur le captage massif et sur des questions environnementales. C'est sur ces questions que j'aimerais vous répondre.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Merci, madame la présidente.

La présidente : Monsieur Pagé, si j'interprète correctement vos propos, vous jugez que c'est une question de politiques à laquelle vous considérez que vous ne devriez pas répondre. Vous avez répondu en indiquant que cet aspect ne relève pas de la loi. Je le comprends. La question visait à savoir si d'autres projets de loi sont nécessaires pour élargir la protection, et je présume que vous souhaitez que quelqu'un donne une réponse politique à cette question. Est-ce le cas?

[Français]

M. Pagé : Madame la présidente, pour des questions plus techniques, je vais céder la parole à mes collègues d'Environnement Canada.

[Traduction]

Mme Farquharson : Je dirais la même chose. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, et nous témoignons pour répondre de notre mieux aux questions techniques que vous pourriez avoir à ce sujet. Je suppose qu'il appartient à vos collègues de la sphère politique de répondre aux questions de politiques.

La présidente : Vous êtes ici pour parler de la portée restreinte du projet de loi; c'est là où je veux en venir.

La sénatrice Ataullahjan : Vous avez plus ou moins répondu à ma question, mais je vais tout de même la poser. Cette loi vise les eaux relevant du fédéral, mais non celles relevant du provincial. Que font les provinces? Est-ce qu'elles songent à adopter des lois similaires, ou sont-elles déjà en place?

M. Gluck : Les provinces ont établi diverses mesures de protection, qui varient d'une province à l'autre. Elles ont toutes des règlements, des mesures de protection ou des politiques pour empêcher le prélèvement massif d'eau. Par exemple, le Québec ne permet pas le déplacement d'eau à l'extérieur de la province. Je crois qu'il en est de même en Colombie-Britannique. Certaines provinces, comme l'Alberta, interdisent le déplacement de l'eau des grands bassins fluviaux vers d'autres, plus grands encore. Depuis au moins 15 ans maintenant, les provinces ont mis diverses mesures en place pour empêcher les prélèvements massifs d'eau.

La sénatrice Ataullahjan : Est-ce qu'on s'est montré intéressé à transférer de grandes quantités d'eau canadienne hors des bassins hydrographiques où elle se trouve naturellement? Est-ce que certaines étendues d'eau revêtent un intérêt particulier pour les gouvernements ou les entreprises?

M. Gluck : C'est difficile de répondre à cette question.

M. Sherratt : Bien sûr, les Grands Lacs revêtent un intérêt particulier pour l'Ontario et le Québec, de même que les États des Grands Lacs. Je dirais que la conclusion du pacte sur le bassin des Grands Lacs est probablement l'initiative la plus intéressante et la plus utile des dernières années. En effet, le pacte restreint considérablement le prélèvement ou le détournement des eaux de ce bassin.

Comme toute la région du sud de l'Ontario est située à l'intérieur du Bassin des Grands Lacs, la province n'a pas été touchée de façon importante. Aux États-Unis, les États de l'Illinois, du Wisconsin et de l'Ohio ont imposé de strictes restrictions à la dérivation de l'eau des Grands Lacs. C'est de loin l'initiative la plus importante réalisée au cours des dernières années.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je vais poser ma question à Mme Lalonde. Il existe depuis les années 1970 une loi fédérale qui donne une autorité au gouvernement fédéral de faire l'inventaire des lois tant fédérales que provinciales qui protègent justement la qualité de l'eau. Je ne sais pas si vous êtes familière avec cette législation? Le gouvernement doit, en vertu de cette loi, produire un rapport annuel pour permettre au Parlement de comprendre comment, à l'intérieur de la Fédération canadienne, on protège l'eau.

Ma question suit celle de la sénatrice Ataullahjan. Je ne sais pas si cela relève de vous ou des Affaires étrangères et Commerce international Canada, mais y a-t-il quelqu'un qui tient l'inventaire de ce qui se fait en matière de protection de l'eau et de l'environnement?

Je vois que vous avez la responsabilité des services hydriques, c'est pour cela que je m'adresse à vous. Qui fait l'inventaire pour voir s'il y a, au Canada, une protection suffisante pour qu'une situation comme celle qui nous a été présentée par le député Miller, pour éviter qu'une province n'ait pas ou n'applique pas une loi ou une réglementation qui l'obligerait à empêcher que le sommet d'une montagne soit fendu et qu'on puisse en récupérer l'eau pour la vendre? Cela relève-t-il de votre responsabilité?

Manon N. Lalonde, ingénieure principale de projet — programme, Services hydriques et climatiques, Service météorologique du Canada, Environnement Canada : Mon expertise se trouve dans la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, mais je vais consulter mes collègues pour voir si on peut mieux vous répondre.

[Traduction]

Mme Farquharson : Si j'ai bien compris, vous demandez ce qui se passe au gouvernement fédéral, quant à la façon dont l'eau est traitée au Canada?

Le sénateur Nolin : Oui.

Mme Farquharson : Un certain nombre d'initiatives visant la surveillance de la qualité de l'eau, surtout dans certaines zones sensibles, ont été présentées dans le dernier budget.

Le sénateur Downe : Je croyais qu'après votre question, on allait parler de la portée restreinte du projet de loi, et maintenant nous parlons d'autre chose, des mesures prises par le gouvernement. J'ai des questions à ce sujet également, et j'aimerais les poser si c'est possible, et si les témoins souhaitent en parler.

La présidente : Nous sommes ici pour étudier ce projet de loi en particulier, et non la politique générale relative aux eaux.

Le sénateur Nolin : Je crois que cela relève du projet de loi, qui a été rédigé de manière à ce que notre Parlement exerce le pouvoir législatif du gouvernement fédéral, et les témoins précédents nous ont demandé comment nous intervenions auprès des provinces. C'est pourquoi il est important de comprendre les liens et les responsabilités en la matière.

Le sénateur Downe : Je suis d'accord, pourvu qu'on puisse répondre à mes questions également. Si les témoins acceptent de dépasser cette portée restreinte et de donner leur opinion, je n'y vois pas de problème. J'aurais moi-même des questions à poser à ce sujet.

La présidente : J'en ai parlé aux témoins. J'ai demandé à M. Pagé; il dit ne pas être à l'aise, puisqu'il s'agit d'une question juridique. J'ai aussi demandé aux responsables d'Environnement Canada s'ils étaient du même avis. Ils semblaient prêts à répondre aux questions générales.

Le sénateur Nolin : Si je ne me trompe pas, en vertu du projet de loi, l'eau d'un lac ou d'un bassin sous réglementation provinciale relèvera du fédéral s'il y a un canal entre ce bassin et une rivière transfrontalière. C'est pourquoi il y a un lien entre les questions provinciales et fédérales.

Qui est responsable du plan directeur de protection des eaux au Canada? C'est ce que je me demande.

Mme Farquharson : J'aimerais expliquer ce que vise réellement le projet de loi. Il prévoit que le ministre peut délivrer une licence pour l'amélioration d'un cours d'eau international, c'est-à-dire qui coule vers le sud, lorsqu'il relie des eaux qui ne sont ni limitrophes ni transfrontalières.

Le sénateur Nolin : Qui les relie au réseau.

Mme Farquharson : Je crois que ce dont vous parlez est de compétence provinciale; il revient au gouvernement fédéral de déterminer s'il octroie une licence à cette fin.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : En premier lieu, je ne sais pas si ma question est recevable après les commentaires que nous avons entendus, mais j'oserai la poser quand même et je l'adresse à Mme Lalonde.

M. Miller a mentionné tout à l'heure que le niveau de l'eau dans certains Grands Lacs n'a jamais été aussi bas. Selon vous, quelle peut en être la conséquence à court et à long terme au plan environnemental et, selon vous, à quoi est due cette baisse de l'eau?

Mme Lalonde : Cette question relève d'une étude qui vient d'être publiée par la Commission mixte internationale. Votre question concerne les affaires étrangères. Je demanderai à mes collègues d'y répondre.

M. Pagé : La Commission mixte internationale vient d'émettre une étude, vendredi dernier, qui fait suite à d'autres études faites sur les niveaux d'eau dans les Grand Lacs d'amont. Le niveau d'eau dans les Grands Lacs fluctue selon des cycles. On a pu déterminer qu'au courant du siècle, parfois l'eau est à un très haut niveau et parfois à un bas niveau. Présentement, elle est à un bas niveau depuis plusieurs années, mais cela fait partie des cycles.

Les scientifiques pourraient vous donner plusieurs raisons à la fluctuation des niveaux d'eau. Ce sont peut-être des questions d'évaporation ou de précipitations, par exemple. La Commission mixte internationale étudie cela. Vous pourriez trouver sur Internet les informations sur les études concernant les Grands Lacs. C'est une question très large. Cela ne touche pas directement la question.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Dans votre texte, monsieur Pagé, à l'avant-dernier paragraphe, vous dites que des dispositions de déclaration d'objet ont été ajoutées pour préciser que l'interdiction est imposée pour éviter le risque de dommages à l'environnement potentiels attribuables à la permanence d'eau des écosystèmes canadiens. Ce n'est pas très clair pour moi. Pourriez-vous me donner plus d'information sur ce que sont les dispositions de déclaration d'objet?

[Traduction]

M. Gluck : Les amendements, ou les articles — je crois que vous faites référence aux dispositions de déclaration d'objet — ont été ajoutés pour préciser le risque de dommages à l'environnement attribuables au prélèvement massif des eaux limitrophes et transfrontières, et je peux laisser M. Sherratt expliquer les raisons de ces amendements.

M. Sherratt : Comme je l'ai dit précédemment, le projet de loi vise principalement la protection de l'environnement. Pour que le fondement législatif permette une telle protection, on a convenu d'ajouter les dispositions de déclaration d'objet. Dans le cas de l'article 4, le paragraphe 13(0.1) proposé dit : « Le présent article a pour objet la prévention des risques de dommages environnementaux qui découlent du captage massif. » Cela veut dire le prélèvement de l'eau d'un bassin pour la transférer vers un autre bassin ou à l'extérieur de la portion canadienne du bassin. Son objectif semble peut-être évident, mais le mélange de grandes quantités d'eau provenant de divers systèmes entraîne un important risque d'apparition d'espèces envahissantes, un grave problème tant pour le Canada que pour les États-Unis.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Comme les carpes qui sautent.

[Traduction]

M. Sherratt : Les carpes en sont un bon exemple.

Le sénateur Wallace : Comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, la loi traite du prélèvement massif des eaux limitrophes, et les Grands Lacs en sont un exemple, alors c'est déjà couvert. Ce n'est rien de nouveau, et nous avons beaucoup parlé des Grands Lacs. Le projet de loi n'ajoute rien. Il porte sur les eaux transfrontalières qui, selon ce que je comprends, traversent les frontières internationales dans leur cours naturel.

Est-ce que le ministère a une carte et une liste d'identification de ces cours d'eau qui traversent vers les États-Unis pour que nous sachions, et que les Canadiens sachent, lesquels sont touchés?

[Français]

M. Pagé : C'est effectivement bien expliqué.

[Traduction]

Les eaux limitrophes servent de passage; elles peuvent être au milieu d'un territoire. Les eaux transfrontalières traversent la frontière; c'est la principale différence. Le projet de loi présente une longue liste des cours d'eau transfrontaliers.

Le sénateur Wallace : En plus des cours d'eau, le projet de loi parle des bassins d'eau. Qu'est-ce qu'un bassin d'eau, et quels sont les cours d'eau du Canada visés par cette définition?

M. Sherratt : Un bassin d'eau est une zone où l'eau coule vers l'intérieur. Au Canada, il y a cinq très grands bassins d'eau, et ils définissent les zones où il est interdit de transférer des eaux transfrontalières, dans ce cas-ci, à partir du bassin où elles se trouvent vers l'extérieur du bassin au Canada, ou à l'extérieur de la portion canadienne du bassin. Les cinq bassins sont l'Atlantique, le Saint-Laurent, la baie d'Hudson, l'Arctique, même une petite partie du fleuve Mississippi, et le cinquième est le Pacifique.

J'aimerais préciser que l'annexe 3 du projet de loi se veut la plus exhaustive possible, et comprend tous les cours d'eau ou ruisseaux transfrontaliers que nous ayons pu trouver. Leur définition en fait à peine mention, mais si un cours d'eau était créé naturellement, il serait également visé.

Si vous voulez une autre liste que celle de l'annexe 3, vous pouvez consulter le site web de la CMI. J'ai aussi avec moi un excellent livre des années 1950 intitulé Boundary Waters Problems of Canada and the United States : The International Joint Commission 1912-1958, qui présente chaque traversée d'eau transfrontalière au Canada, et sa direction.

Le sénateur Wallace : Il n'est pas nécessaire d'identifier les cours d'eau dont nous parlons.

M. Sherratt : La liste est exhaustive.

Le sénateur Wallace : Est-ce que le projet de loi permettra de restreindre certaines activités de vente ou d'exportation massive d'eau? Est-ce qu'il vise à gérer une situation actuelle, ou à la prévenir?

M. Sherratt : Un certain nombre de travaux communs sur les cours d'eau transfrontaliers sont réalisés à très petite échelle, dont quelques-uns au Québec. D'autres sont réalisés dans les Prairies, où de très petites collectivités des deux côtés du 49e parallèle, par exemple, partagent un système de distribution. Dans certains cas, on extrait l'eau souterraine du côté américain pour desservir la communauté canadienne, et inversement.

Le meilleur exemple est probablement celui de Point Roberts et de la Colombie-Britannique. Point Roberts est une région isolée du reste des États-Unis. Les responsables ont conclu une entente avec la ville de Vancouver, qui l'alimente en eau potable. Cette entente profite aux nombreux Canadiens qui y ont un chalet d'été.

Le sénateur Wallace : Est-ce que ces ententes peuvent dépasser les 50 000 litres d'eau par jour? Est-ce que le projet de loi aura une incidence sur les ententes actuelles entre le Canada et les États-Unis?

M. Sherratt : Les ententes bénéficient d'une clause d'antériorité en vertu de l'article 15 de la loi.

Le seul détournement important, qui n'en est pas vraiment un, est celui de la conduite de prise d'eau de la ville de Detroit. Les autres municipalités dont nous parlons sont très petites; par exemple, St. Amant, Highgate Center, Mansonville, North Troy, Stanstead et Derby Line. Cinquante mille litres d'eau, c'est à peu près la quantité que peut contenir un camion; je crois qu'elle peut répondre aux besoins quotidiens des collectivités de deux côtés de la frontière.

La loi en place ne vise pas l'extraction de l'eau souterraine. Elle vise le détournement massif des eaux transfrontalières dans leur canal naturel, et des eaux limitrophes dans leur bassin naturel.

Le sénateur Wallace : Merci.

La présidente : Je veux être certaine de bien comprendre : ce n'est qu'une partie de la Loi du traité des eaux limitrophes internationales qui sera modifiée, et à laquelle on apportera des précisions? Je vous ai entendu dire que l'objectif sera expliqué, même s'il semble évident. Vous dites que vous voulez empêcher le prélèvement massif d'eau et que vous avez transféré des éléments du règlement dans la loi. Bien sûr, vous pouvez la modifier, mais pas aussi facilement, et il faudra plus qu'une simple mesure du gouvernement. Il faudrait adopter un projet de loi.

Est-ce que c'est ce qu'on fait ici, plutôt que d'intégrer de nouvelles régions? Ce dont parle M. Miller, un conduit de « compétence provinciale » qui fait le pont vers une administration fédérale, c'est la partie supplémentaire, mais le reste ne fait qu'apporter des précisions pour empêcher le transfert massif d'eau.

M. Sherratt : Oui. Rappelez-vous que le but initial de la Loi du traité des eaux limitrophes internationales était la mise en œuvre du Traité.

En 2002, nous l'avons modifiée pour créer l'interdiction de prélèvement massif des eaux limitrophes. Nous avons également établi la possibilité de publier des règlements qui viseraient l'exemption ou la définition des divers termes de la loi.

Les sénateurs Pat Carney et Lowell Murray n'aimaient pas particulièrement les projets de loi qui visaient essentiellement à prendre des règlements, et comme aucune modification n'a été apportée depuis 2002, le gouvernement canadien a convenu d'intégrer la réglementation à la loi de sorte que toute exemption ou définition importante nécessite une intervention directe du Parlement. Une capacité résiduelle de réglementation demeure, mais seulement pour des questions courantes, comme la façon de remplir une demande de licence, ce genre de choses. Le sénateur Murray et Le sénateur Carney étaient très satisfaits du projet de loi, et il a permis de réaliser l'objectif de leur projet de loi d'initiative parlementaire.

La présidente : Je siégeais au comité lorsque le projet de loi a été adopté; c'est pourquoi je voulais confirmer la question en cause : on se demandait pourquoi une ressource aussi importante que l'eau était visée uniquement par un règlement. On nous avait assuré qu'il n'y aurait pas de vente en gros, sauf dans certains cas. On passe maintenant d'un règlement à une loi.

M. Sherratt : C'est exact.

La présidente : La loi se veut une réprimande, en quelque sorte.

M. Sherratt : C'est cela.

Le sénateur Downe : Vous avez soulevé un très bon point, madame la présidente, mais il y a encore un fossé. En 2008 et en 2009, le gouvernement a promis, dans les discours du Trône, d'adopter une loi visant à interdire les exportations ou transferts massifs de l'eau des bassins d'eau douce du Canada. C'est, nous l'espérons, la prochaine étape à franchir, par l'entremise d'un projet de loi d'initiative parlementaire ou du gouvernement.

Est-ce qu'un membre du comité a travaillé à ce projet de loi?

M. Pagé : Pas que nous sachions.

M. Sherratt : Lorsqu'on rédigeait le projet de loi C-26, je crois, j'ai eu l'occasion, avec d'autres, d'informer le sénateur Carney et plus tard le sénateur Murray, mais je crois qu'ils sont tous deux à la retraite.

Le sénateur Downe : Je posais la question parce que dans votre réponse à M. Wallace, vous dites qu'on a tenté de tenir compte de tous les cours d'eau dans l'annexe. Parliez-vous d'un ancien projet de loi, ou de celui que nous étudions?

M. Sherratt : Le Traité des eaux limitrophes les définit de façon claire, et nous avons adopté cette définition en 2002.

Nous avons dû par la suite trouver une façon de définir les eaux transfrontalières, et nous avons décidé de le faire en deux étapes : d'abord, présenter une définition et ensuite énumérer, dans une annexe, le plus grand nombre de cours d'eau possible.

On m'a remis une petite note disant que les cours d'eau de la liste ont un bassin hydrographique d'un peu plus de 100 milles carrés.

Le sénateur Downe : Par souci de clarté, est-ce que quelqu'un ici a rédigé un article du projet de loi qui nous est présenté?

M. Sherratt : Qui est membre du comité?

Le sénateur Downe : Est-ce que l'un de vous cinq a rédigé un article du projet de loi qui nous est présenté?

La présidente : Monsieur Downe, vous parlez de rédaction? Ce sont habituellement les rédacteurs qui s'en chargent. Voulez-vous savoir s'ils ont participé à l'élaboration du projet de loi?

Le sénateur Downe : Vous savez comment nous rédigeons les projets de loi d'initiative parlementaire au Sénat. Je me demande dans quelle mesure, le cas échéant, le ministère a-t-il participé à ce projet de loi. J'essaie de comprendre pourquoi M. Miller a dû passer par ce qu'il a passé, et je me demande s'il a reçu de l'aide de la part du ministère.

Mme Farquharson : Le gouvernement a proposé des amendements, mais autrement, non.

Le sénateur Downe : Aucun article de ce projet de loi n'a été rédigé par l'un de vous; est-ce bien cela?

M. Sherratt : Malheureusement, c'est cela.

Mme Lalonde : C'est exact.

Le sénateur Downe : Merci.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je voudrais revenir à Mme Farquharson car j'ai eu le temps d'aller fouiller sur mon iPad. Il existe une loi au Canada qui relève de votre ministère. Elle s'appelle la Loi sur les ressources en eau du Canada. Je vais vous lire un extrait, parce que finalement j'ai trouvé la réponse à ma question :

En vue de faciliter l'élaboration d'une politique et des programmes en ce qui concerne les ressources en eau du Canada et d'assurer leur utilisation optimale au profit de tous les Canadiens, compte tenu de la géographie particulière du Canada et de la nature même de l'eau en tant que ressource naturelle, le ministre de l'Environnement peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure un arrangement avec un ou plusieurs gouvernements provinciaux en vue d'établir à l'échelle nationale, provinciale, régionale ou hydrographique des comités intergouvernementaux et autres organismes ayant pour objet :

a) de poursuivre des consultations constantes sur la question ayant trait aux ressources en eau et de donner des avis sur les priorités afférentes à la recherche, à la planification, à la conservation, à la mise en valeur et à l'utilisation en la matière;

b) de donner des avis sur l'élaboration de l'application de la politique des programmes afférents à l'eau; et

c) de faciliter la coordination et la mise en œuvre d'une politique de programmes afférente à l'eau.

Je vous lis tout cela parce que cela relève de votre ministère, et je suis un peu étonné que vous me regardiez avec un air un peu dubitatif lorsque je vous fais cette énumération. C'est finalement la question que je me posais, et c'est votre ministère qui a la responsabilité d'avoir, en vertu de cette loi — qui d'ailleurs n'est pas récente — une sorte de vision globale de la question de l'eau au Canada, et d'offrir au ministre conseil et avis.

Ma question est donc la suivante : je présume que l'élaboration de ce projet de loi privé vient finalement soutenir cet effort de compréhension et cette responsabilité qui est statutaire, qui est la vôtre, de vous assurer d'avoir une image la plus complète possible de la situation de l'eau au Canada et comment, à la fois le gouvernement fédéral et les juridictions provinciales et territoriales s'occupent de la gestion de l'eau.

[Traduction]

Mme Farquharson : Je crois que ce que vous dites, c'est que vous avez trouvé la Loi sur les ressources en eau, et qu'elle prévoit que le ministre de l'Environnement a la responsabilité générale de surveiller la situation au Canada.

Le sénateur Nolin : C'est bien cela.

Mme Farquharson : Vous supposez que cette loi s'inscrit dans cette optique; toutefois, il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire.

Le sénateur Nolin : Je comprends, mais il y a un projet de loi d'initiative parlementaire qui frappe à la porte du Parlement, prêt à être adopté, et il est du ressort de votre ministre de s'occuper de cette question. Je présume que vous lui avez dit s'il s'agissait ou non d'un bon projet de loi.

Mme Farquharson : Oui.

Le sénateur Nolin : La réponse est-elle oui, s'agit-il d'un bon projet de loi?

Mme Farquharson : Eh bien, le gouvernement a pris position.

Le sénateur Nolin : D'accord. Merci.

La présidente : Merci. Je pense que nous sommes arrivés à la fin des questions. Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions au sujet du projet de loi C-383. Nous tiendrons compte de ce que vous nous avez dit.

Chers collègues, nous accueillerons demain un autre groupe de témoins pour discuter du même sujet. Si vous avez d'autres questions ou observations, j'aimerais les entendre. Nous accueillerons les témoins dont nous avons parlé, et cela mettra fin à notre étude. S'il y a quoi que ce soit d'autre, veuillez m'en informer. Nous nous reverrons demain matin. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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